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#1 Thu 25 March 2004 03:01

Jean Touveli
Invité

Le decret de l’IGN : Danger pour la geomatique !

De: Jean touveli
En ce moment se deroulent des discussions pour l'adoption d'un decret visant a fixer les missions de l'IGN pour les 6 annees a venir. La plupart des geomaticiens ne saisissent pas l'enjeu de ce texte. Ce decret va fixer les conditions des production et distribution de l'information geographique en France : des lors il tient lieu de plan strategique de developpement pour notre secteur et ce pour une periode longue (surtout quand on connait la rapidite de l'innovation technologique…). Brievement, on peut considerer que ce decret ne fait reconduire dans des termes quasi-inchanges le decret de creation de l'IGN de 1940 : c'est pourquoi il ignore les revolutions technologiques et les enjeux strategiques qui ont accompagne l'information geographique depuis ces dernieres annees.

1. Une absence de vision strategique…

1.1.L'incoherence d'une politique « d' integration centralise ».

L'accord est general autour de la necessite de disposer d'un referentiel. Cependant le probleme de tout referentiel est de savoir a qui il s'adresse et pour quelle utilisation. A cette question, il convient de repondre que les services centralises de l'Etat sont loin de representer la plus grande part du lot.

Pour qu'un referentiel soit efficace, il faut qu'il s'adapte et corresponde aux besoins de ses utilisateurs : Des lors, dans le contexte global d'une deresponsabilisation de l'Etat au profit d'un cote de l'Union Europeenne et de l'autre des collectivites territoriales (sur tous les plans : amenagement, environnement, education,etc..) on est en droit de s'interroger sur la pertinence d'une maitrise d'œuvre etatisee pour l'etablissement du referentiel . Monsieur TROISPOUX du CERTU reconnait lui-meme que l'IGN risque d'etre amene a sous traiter une partie du RGE: des lors pourquoi ne pas le faire pour l'ensemble du territoire ?

Les collectivites territoriales ont ete investies par la loi de la production de nombreuses donnees geo-referencee. Elles ont par ailleurs finances la vectorisation d'autre donnee pour leur propre compte. Elles sont investies de responsabilites croissantes dans toutes les competences consommatrice d'information geographique. Les deposseder de la maitrise d'œuvre sur ces donnees reviendrait a les decourager d'y investir…

1.2. Un risque de bloquage.

Le concept d'integration s'oppose en realite a ce qui constitue le principal vecteur d'innovation des SIG ces dernieres annees : l'interoperabilite (c'est a dire la capacite des SIG a communiquer entre eux). En gros, soit chacun produit ses donnees dans son coin, puis les transmets a une autorite centrale qui recompile tout pour le mettre dans un format qu'elle decide, soit des le debut, un modele commun de donnee est adoptee a un niveau plus proche de l'utilisateur. Les donnees sont alors disponibles dans un format qui permet a tout a chacun de d'echanger sur une base commune.

L'enjeu de l'interoperabilite est multiple. Tout d'abord, elle doit faciliter les echanges entre differents systemes proprietaires afin d'offrir aux utilisateurs une palette etendue de sources d'informations geographique. De nombreux systemes de conventionnement, de droit d'acces et d'abonnement permettent de preserver leur propriete intellectuelle. L'existence d'une intermediation physique obligatoire (l'IGN) ne peut que compliquer et gener la fluidite de cette economie virtuelle en devenir.

Par ailleurs, l'interoperabilite constitue une avancee qui va permettre de maintenir une concurrence reelle entre les editeurs de SIG. En effet apres une premiere periode marque par l'equipement ad nihilo des collectivites territoriales, nous arrivons desormais a une phase de renouvellement des solutions logicielles. Sans interoperabilite, le cout de migration d'une base de donnees proprietaire « X » vers une base « Y » est telle que l'editeur « Y » sait la minceur des chances de remporter l'appel d'offre d'une collectivite. Sans reelle mise en concurrence, les editeurs de la place solidement assis sur leur part de gateau n'auraient plus de motivation a faire evoluer leur solution et n'auraient d'autre marge de croissance que le rachat progressif de leur concurrent jusqu'a une cartellisation du marche.

2. Quels proposition pour accompagner le developpement de la geomatique ?

2.1. Un statut pour l'administrateur de donnees

A la difference d'il y a 10 ans, les competences requises a l'administration de l'information geographique sont largement repandues en dehors de l'IGN. Apres les stations de travail pour chercheur, les solutions bureautique pour les ingenieurs specialises, s'annonce une ere ou l'information geographique sera accessible au plus grand nombre grace aux portail cartographique. Pratiquement toutes les universites francaises produisent des BAC+5 en specialisation SIG. La ressource humaine existe tant pour le developpement des architecture interopperables, que pour l'administration decentralisee d'une production exponentielle de donnee. Quel avenir veut on proposer a ces jeunes diplomes qui n'entreront jamais a l'IGN ?

Il y aurait un parallele interessant a etudier entre la relation qui unit les geometre expert et le service du cadastre et celle qui pourrait unir les geomaticiens/administrateur de donnees avec l'IGN. Un delegation d'autorite pourrait etre octroye et permettrait essentiellement une double maitrise d'ouvrage (le donneur d'ordre et l'organisme de tutelle : un ordre) garantissant a la fois le respect des normes (modele conceptuel de donnee avalise par l'IGN) et l'efficacite du travail (respect des delai, meilleure gestion des droits a travers des convention d'echange a l'echelle territoriale et reactivite vis a vis des collectivites utilisatrices).

Ce statut de « certificateur de la qualite » permettrait en outre de donner une veritable reconnaissance au geomaticien, qui doit actuellement si souvent se battre pour faire apprecier l'originalite et la pertinence de son travail face a des ingenieurs rapidement forme au SIG bureautique (voir les discusion du georezo). L'existence de ces postes de responsabilite pourrait aussi donner corps aux fameux Comite Departemental de ‘lInformation Geographique et garantir la promotion de l'information geographique.

2.2. Des missions pour l'IGN : Labelliser, former, conseiller et rechercher

Avec l'avenement du numerique et la chute du cout d'acquisition de l'information geographique, la necessite d'un organisme central permettant des economies d'echelles disparait. Il est clair que l'IGN vit actuellement la fin d'une glorieuse epoque. Cependant vouloir a tout prix rester dans le schema actuel reviendrait a ne pas anticiper les changements inevitables, et a reculer pour mieux foncer dans le mur. Les freins mis au developpement de l'information geographique en France la rendrait plus fragile lors de l'inevitable ouverture europeenne des standards (voir le projet INSPIRE).

L'IGN a fixe un horizon 2007 pour l'etablissement du RGE, pourquoi ne pas faire coincider la fin de leur monopole avec cette date ? Une evaluation par l'ensemble des utilisateurs (des « Etats generaux de l'information geographique ») permettrait de poser les etapes d'une transition d'un « IGN producteur » (fonction qui est a la limite de la concurrence deloyale, si l'on reconnait l'existence de societe comme ISTAR ou TELEATLAS) a un « IGN regulateur ». On eviterait ainsi un affrontement annonce et negatif pour tous, entre d'un cote l'IGN et de l'autre les collectivites territoriales.

Car l'IGN doit garder une place importante. Tout d'abord, en labellisant et en formant les administrateur de donnees, il gardera une statut strategique dans la constitution des referentiel. Par ailleurs grace a son statut public, il restera le plus a meme de proposer une assistance a maitrise d'ouvrage veritablement independante des interets prives pour tous les appels d'offres. Enfin, l'Institut pourrait consacrer plus d'energie et de ressource a participer aux intitiatives d'echelle internationale comme l'Open GIS Consortium (difficile de trouver des document en francais sur l'OGC…).

J'espere que cette interpellation, a quelques jours du GEOEVENEMENT, permettra a tous de reflechir ensemble a ce que doit etre notre avenir. Celui-ci ne peut se decider sans la consultation de ceux qui utilisent et produisent l'information geographique…

 

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