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#1 Wed 12 January 2005 13:58

Geomatique
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Systeme Galileo : l'Europe se saborde, par Jean-Pol Poncelet

Systeme Galileo : l'Europe se saborde, par Jean-Pol Poncelet

LE MONDE | 10.01.05 | 14h04
Pour plusieurs milliards d'euros, l'Union europeenne et l'Agence spatiale europeenne ont decide de financer le developpement du systeme independant Galileo de navigation et de positionnement par satellite.

L'opposition farouche des Americains au developpement, par les Europeens, de capacites satellitaires autonomes, donne la mesure de la portee potentielle d'une telle initiative.

Le secretaire a la defense, Donald Rumsfeld, a developpe le concept de  space dominance , en vertu duquel le recours aux technologies spatiales est devenu un element-cle de la strategie planetaire des Etats-Unis. D'ou l'interet manifeste pour Galileo par la Chine, l'Inde et meme Israel, qui y voient le moyen de s'affranchir de la tutelle de l'armee americaine sur le GPS, le systeme concurrent qu'elle controle.

Galileo doit donc donner a l'Europe, dans ce domaine strategique, l'autonomie requise par le role qu'elle entend jouer. Quel role ? Quelle autonomie ? Les Europeens ont defini une tres modeste politique de securite et de defense (PESD) centree sur la gestion des crises et les missions humanitaires. Et ils ont fait le constat de leur faiblesse en dressant la liste des lacunes a combler. Les capacites manquantes concernent, pour pres des trois quarts, des applications et des technologies spatiales. Presque tout fait defaut, pour le positionnement, la navigation, le guidage de precision, pour l'observation, la surveillance, la reconnaissance, l'ecoute, l'alerte avancee, les communications par satellite.

Pourquoi de telles lacunes ? Les entreprises europeennes ne souffrent pourtant pas de handicaps redhibitoires. A l'image du succes d'Airbus, elles ont demontre, sans attendre l'Europe politique, leur capacite a se regrouper, investir, innover, gagner des marches. Les obstacles ne sont pas davantage financiers. Le cout d'un systeme satellitaire capable de repondre a l'ensemble des besoins des militaires europeens est marginal par rapport a certains budgets de l'Union : il ne depasserait pas 5 a 6 % des depenses de la politique agricole commune. Il n'y a pas non plus de confusion sur les objectifs. Les exigences satellitaires des militaires sont bien connues, formalisees, consensuelles meme, tant elles sont fondamentales pour le succes des missions que l'UE s'est assignees.

Les difficultes sont politiques. Comme a l'accoutumee, quelques-uns tentent d'y aller de leur propre developpement, sur une base purement nationale, multipliant d'autant les couts en reduisant l'efficacite. D'autres, qui refusent toute avancee, se donnent bonne conscience en arguant d'une separation etanche entre espace militaire et espace civil. Ces derniers sont pourtant freres siamois, pour reprendre l'image celebre du physicien suedois Alfven a propos des atomes pour la paix et des atomes pour la guerre.

Pire, face au veto et a la pression des uns et des autres, les Europeens ont finalement decide de se doter d'un systeme de navigation et de positionnement autonome, mais en excluant a priori son utilisation a des fins militaires. Un programme civil sous controle civil, aux ambitions commerciales, au service de cette Europe des marchands tant decriee. De sorte qu'a l'avenir, les forces armees europeennes pourraient dependre, pour leurs operations, du bon vouloir de leurs collegues americains et de leur GPS. Autant dire que les Etats-Unis ont atteint leur objectif sans meme devoir combattre : le concurrent s'est saborde ! Une defaite politique pour l'Europe spatiale, a l'image de ses contradictions, ses confusions et ses manquements.

Quels sont-il ? Les limites du systeme intergouvernemental d'abord, en panne d'ambition spatiale apres de grands succes. Les interets nationaux, reduits au plus petit commun multiple - retour  industriel ou nominations partisanes -, tiennent lieu de strategie. Mais aussi l'impuissance de l'UE. Engluee a vingt-cinq, elle a reduit le poids des Etats sans reussir a leur substituer une veritable autorite politique, confortee par les citoyens. Alors qu'en son sein, la Commission, hier force motrice independante, pensante et visionnaire, est aujourd'hui affaiblie, a la fois par les efforts conjugues du Conseil et du Parlement, en lutte pour le leadership, et par les Etats membres eux-memes, accroches a leur souverainete, qui restent frileux dans le domaine de la defense, craignant de perdre leur legitimite au benefice des  fonctionnaires de Bruxelles .

Le futur Ministre des affaires etrangeres de l'Union, hybride communautaire et gouvernemental, capable d'activer a la fois la Commission et l'Agence d'armement, en ligne avec les etats-majors et les diplomates, pourrait assurer la coherence qui fait defaut aujourd'hui entre espace militaire et espace civil. Et developper des applications spatiales duales, par exemple pour gerer le desastre actuel dans l'ocean indien et en prevenir la repetition, ou aider nos forces armees dans les Balkans, en Afghanistan, ou ailleurs demain.

Il n'y pas si longtemps, en pretendant sauver la paix, des hommes politiques s'etaient condamnes au deshonneur et a la guerre, selon la fameuse formule de Churchill prononcee apres Munich. Aujourd'hui, alors qu'ils rechignent a se doter de capacites spatiales autonomes au service a la fois des civils et des militaires, leurs successeurs europeens feraient bien de s'en souvenir.

Jean-Pol Poncelet, ancien ministre belge de la defense, est directeur de l'Agence spatiale europeenne

. ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.01.05

 

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