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#1 Mon 29 May 2000 08:38

Louis Gigout
Invité

Le Monde diplomatique : regards politiques sur les territoires

Regards politiques sur les territoires

(26 mai 2000)

« Le Monde diplomatique » met en ligne sa collection
cartographique. Des questions transversales (pauvrete,
conflits, organisations internationales, criminalite
financiere...) aux analyses regionales, un ensemble de
documents visuels qui combinent les donnees economiques,
demographiques et politiques essentielles.

http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/

« La cartographie vit de cette sorte d'ambiguite qui la
situe a la confluence de la science exacte et de l'art. » -
Jean-Claude Groshens

La carte, representation en minuscule d'immenses
territoires, est une image tronquee de la realite, une sorte
de mensonge par omission. La representation symbolique exige
le sacrifice d'une partie de l'information : tout ce qui se
passe sur des centaines de milliers de kilometres carres ne
peut tenir sur une petite feuille de papier. Le createur de
la carte fait un choix theoriquement raisonne des elements
qu'il veut representer. En presence des donnees, il doit
synthetiser, simplifier, renoncer. Sa carte finale est un
document filtre ; il l'a censuree d'elements parfois
importants, mais le plus souvent juges secondaires ou
inutiles ; il l'a simplifiee pour la rendre lisible ; il y a
imprime sa maniere de concevoir le monde et sa sensibilite.

La carte peut ainsi faire l'objet de toutes sortes de
manipulations, des plus grossieres aux plus discretes. Elle
est eminemment politique, et consideree comme un efficace
outil de propagande par le pouvoir. Prenons quelques
exemples dans le monde arabe. M. Saddam Hussein, au
lendemain de l'invasion du Koweit par ses troupes en aout
1990, apparait a la television avec la nouvelle carte
officielle de l'Irak integrant le Koweit - qu'il presente
alors comme sa nouvelle province. La geographie,
pretend-il, lui donne raison : le Koweit, situe au debouche
du Tigre et de l'Euphrate, fait « naturellement » partie de
l'Irak... Pour sa part, Rabat a pendant longtemps censure
toutes les publications dans lesquelles les cartes
distinguaient le Maroc du Sahara ex-espagnol. Un trait, meme
tirete, entre les deux territoires, et la diffusion etait
interdite. Dans les pays du monde arabe, la simple
representation ou mention du nom d'Israel sur une carte
equivalait a l'interdiction pure et simple de la
publication. Soit on remplacait le mot Israel par celui de
Palestine et Israel disparaissait de l'index, soit on
placait judicieusement un graphique en lieu et place du
pays. La question etait a ce point sensible que les services
commerciaux des editeurs scolaires francais intervenaient
directement aupres des responsables de collection pour
imposer une representation acceptable du Maroc et du
Proche-Orient, et eviter ainsi de perdre d'importants
marches dans les pays francophones d'Afrique du Nord.

La representation des frontieres politiques est un exercice
perilleux. On aurait tort de penser qu'il existe des
representations « officielles » du decoupage politique du
monde. Meme les divisions cartographiques des diverses
agences des Nations unies prennent toujours le soin
d'indiquer sur les cartes que la representation des
frontieres est symbolique, et ne releve pas de leur
responsabilite... Pour menager les susceptibilites, la
Banque mondiale a recemment « deconseille » a son service
cartographique de produire des cartes de la Peninsule
indienne qui mettraient trop precisement en evidence la
region du Cachemire... Entre les differentes visions
nationales et internationales, le cartographe n'a que
l'embarras du choix. La Chine vue par la Chine ne se
superpose pas a la Chine vue par l'Inde.

Mais la cartographie n'est pas seulement la representation
de frontieres : elle est aussi une image qui montre les
rapports de l'etre humain au territoire. La carte permet, d'un
seul coup d'oeil, d'apprehender la logique d'organisation et
d'occupation de l'espace, l'etendue et les consequences des
conflits. Seule la carte des Grands Lacs dressee fin 1994 a
la suite du genocide rwandais permettait de realiser que les
populations effrayees avaient parcouru des centaines de
kilometres dans la brousse avant d'etre accueillies dans les
camps de refugies. La dimension historique complete aussi
nos savoirs : on ne peut comprendre les questions africaines
sans relire les cartes de la colonisation. On ne comprend la
repartition actuelle des grandes familles ethnolinguistiques
qu'avec les cartes des anciens grands empires.

Cette double approche, geographique et historique, affine
notre connaissance des grands problemes contemporains. Elle
nous permet sans doute de nous tromper un peu moins lorsque
nous tentons d'en trouver la signification. La carte nous
invite a visualiser, avec la distance necessaire, les
evolutions territoriales, economiques et politiques. Elle
dresse le decor et positionne les acteurs, nous aide ainsi a
poser les questions - plus qu'elle nous donne les solutions.
Elle nous invite a beaucoup de retenue dans nos analyses,
les liens entre les phenomenes cartographies etant souvent
incertains. La carte publiee est avant tout un message
complexe et subjectif qu'un auteur offre a ses lecteurs. A
nous d'en proposer une lecture lucide et critique.

PHILIPPE REKACEWICZ.

 

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