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#1 Thu 07 February 2002 13:13

Laurent COUDERCY
Invité

Qui a dit gratuite ?

Je me permets de rebondir sur le debat lance il y a quelque temps sur vendre ou ne pas vendre, en faisant un peu de philosophie (et pas du tout de technique).

Ce debat tourne souvent autour de la gratuite ou non de la diffusion des donnees publiques.
Hors le mot de gratuite est un piege dans lequel on tombe tous plus ou moins (moi y compris). En effet dans ce bas monde, rien ou presque n'est gratuit (que cela coute du temps de travail, ou de l'argent, et ceci n'est pas specifique a notre monde mercantile).
En effet quand un service public annonce que ses donnees sont diffusees gratuitement sur Internet, il faut comprendre plusieurs chose la dessous :
-     le service en question de touche aucun financement en provenance des utilisateurs de la donnee (c'est en fait en cela que c'est gratuit)
-     mais le service paye pour mettre en ligne ces donnees (le site Internet coute de l'argent, les gens qui l'alimente ne font pas autre chose pendant ce temps, les services techniques qui preparent les donnees non plus)
-     et l'utilisateur paye aussi pour recuperer les donnees (il paye son abonnement Internet, le temps passe sur la ligne, voire meme l'impression papier du document recupere sur le site du service public).
De fait, la « gratuite » est payee d'un cote par le contribuable, car en plus des taches relevant des missions du service public, ce dernier depense de l'energie et de l'argent pour mettre en ligne ces donnees ou documents ; mais cette gratuite est aussi payee par l'utilisateur, par le biais de son abonnement Internet et par l'eventuel impression du document (c'est d'ailleurs toujours cela que ne paye pas le service public et le citoyen). Dans ce circuit financier les seuls qui touchent de l'argent sont ceux qui vendent des prestations Internet !!
On pourrait prolonger cet exemple, en prenant un cas plus « professionnel » : la donnee est rendue accessible en l'etat (disons sous un logiciel SIG professionnel peu utilise, y compris de la plupart des professionnels) par le service public. Il faut donc pour l'utiliser, par exemple sur un SIG bureautique classique, passer par un prestataire prive qui en fera la traduction. La « gratuite », outre les aspects lies a la communication precedents, revient donc a favoriser le niveau « prestataire intermediaire », qui peut trouver matiere a travailler en rendant un service de conversion de donnee.
Par contre, dans tous ces exemples, cette diffusion de donnees a des couts quasi nuls pour les utilisateurs, freine le creneau economique de la creation de la donnee, et ceci d'autant plus que la donnee pourrait etre produite dans le champs concurrentiel.
Tout ceci n'a rien de genant en soit tant qu'on en a conscience. Simplement ce type de raisonnement nous oblige a nous poser les questions suivantes :
Pourquoi un service public doit-il ou veut-il rendre l'acces a ses donnees « gratuit », en faisant de ce fait porter ce cout sur ses contribuables ? Le budget et les moyens humains du service sont ils suffisants pour cela ?
Quelle activite commerciale et quel type de comportement citoyen le service public va favoriser en diffusant ses donnees sous telle ou telle forme ?
Il s'agit de questions eminemment politiques (au sens noble du terme).

La Loi (et oui, la Loi) y a en partie repondu en ce qui concerne divers donnees et documents, parfois de maniere differente selon les types de services publics. Ainsi, pour citer deux des derniers exemples francais, je citerais la directive europeenne de 1990 (integree en droit francais en 2001, ce qui est aussi une forme de reponse politique), et le projet de loi sur la societe de l'information :
-     la directive impose a tous les services publics (donc y compris aux communes) de rendre accessible leurs donnees environnementales (et la il y a bien un choix politique fort, visant le developpement d'un comportement citoyen vis a vis de l'environnement) a tous, dans des conditions de tarification limitees au cout du support de diffusion !! Ce dernier point signifie que les contribuables payeront le temps passe par les agents des services publics (ce qui revient a dire que nos gouvernants ont decide d'adjoindre ce travail parmi les missions des services publics), et que les utilisateurs payeront le support (y compris in fine une partie de l'acces « gratuit » sur Internet). L'usage professionnel n'est pas la vise, sans qu'en l'etat actuel on sache s'il sera interdit.
-     Le projet de loi sur la societe de l'information prevoit entre autre que les donnees essentielles (celles utiles au citoyen pour jouer son role de citoyen, donc la encore une volonte politique claire) devront etre disponibles « gratuitement » sur Internet (la on retrouve a la fois le payement de fait par le demandeur et le service public, mais aussi une volonte politique de voir se developper l'usage de ce media, en imposant son utilisation par les administrations et les administres). Ces donnees pourront etre utilisees pour des usages professionnels (la on voit bien encore la volonte politique de permettre a des societes privees de developper des services sur ces donnees). Cependant l'ambition de ce projet s'est vue reduite en ce qui concerne les services publics concernes : les communes en ont ete exclues, car le ministere de l'interieur ne voyait pas comment leur faire financer la mise sur Internet des donnees essentielles (rappelons que la France compte un nombre impressionnant de petites communes, certaines frolant les 0 habitants !!) : on voit bien la encore la volonte politique decidant qui peut payer et qui ne peut pas payer la « gratuite ».

Si alors on me demande mon avis en tant que citoyen, je trouverais normal de payer en tant que contribuable (ce que je suis aussi) pour que tous les citoyens (ou tout du moins ceux qui peuvent se payer par exemple un ordinateur et Internet) aient acces aux principales informations recoltees par les administrations, selon des formes directement utilisables par eux, dans des modalites telles que cela ne rende pas le fonctionnement du service public impossible, surtout si ces informations ont un impact reel sur leur vie de tous les jours (donnees essentielles, environnementales, urbanisme, scolaires *).
Je trouverais de la meme maniere normal que des societes privees puissent par le meme biais (donc sans surcout pour le service public et c'est la l'important) acceder aux memes informations pour en faire un usage professionnel, y compris proposer aux citoyens des services a valeur ajoutee que le service public ne peut offrir (n'a pas pour mission d'offrir, car c'est la seule raison « politique » au fait que ce soit le prive qui fasse le travail plutot que le public) sans grever sa charge de travail.

Mais ceci n'engage que moi, et chaque service public se doit de se determiner, dans les limites de ce que la loi lui permet ou l'oblige. Et l'on peut tous plus ou moins (ce debat y contribue) faire evoluer les choix politiques de notre societe, en se mefiant des soit disant « gratuites ».

Laurent COUDERCY
Administrateur de donnees
DIREN Centre

 

#2 Fri 08 February 2002 13:13

F BERTON
Invité

Re: Qui a dit gratuite ?

Bonjour a tous, bonjour Laurent

Je voudrais reagir a ton propos.
Habitant Orleans, t'es-tu un jour demande pourquoi tu payes des impots pour refaire la chaussee de la RN7 defoncee par les camions qui font Paris-Marseille et que toi, tu n'empruntes jamais?
Pour les donnees geographiques, c'est un peu pareil. Ca ne me choque pas pour payer des donnees utilisees par d'autres.
Mon opinion est que leur diffusion au cout marginal, celui des frais de reproduction, est generateur de richesse et de developpement durable.
Moins la donnee sera chere, et plus elle risque d'etre utilisee (si elle est pertinente, bien sur).
Par contre, la recette ne sera pas directe, mais indirecte, :
- par le biais de l'impot sur les societes qui l'utilisent, l'enrichissent, la manipulent, la reproduisent, creeent avec de la richesse,
- par les emplois induits qu'elle maintient ou cree, et les recettes par cotisation qui y sont liees,
- par celui de la TVA.

Elle ira dans d'autres caisses que celles de l'IGN, du service du cadastre, de la collectivite territoriale, ... ou du geometre.
Intellectuellement, on peut raisonnablement imaginer que, moins une donnee sera chere, plus elle sera utilisee et enrichie, donc produira de la valeur ajoutee.

Le probleme, en France, c'est que ce n'est pas celui qui cree la donnee diffusee au cout marginal, qui en percevra les recettes fiscales indirectes.
Ceci est bien sur une opinion personnelle qui n'engage que moi, et pas ma collectivite.
Amicalement

Franck BERTON
Communaute d'agglomeration Tours(s)plus

 

#3 Fri 08 February 2002 13:13

Annabelle
Invité

Re: Qui a dit gratuite ?

A mon tout petit niveau de geometre du cadastre, je me permet de vous raconter la petite histoire du SIG de la ville de ... Pour vous prouver que le niveau de votre reflexion et votre technicite sont au Service Public (DGI B F1) ce que la gratuite est a l'economie de marche !

Il y a 6 ans j'ai du realiser la Lambertisation d'une commune.(40 planches cadastrales, denivele 800 m, urbanisee 1/3 y compris reseau routier). Avec comme moyens mis a ma disposition :

- un T1000/ DI 1000
- une carte IGN 1/25 000 vieille de 10 ans
- Fiches signaletiques IGN de 1972
- un auxilliaire pendant 25 jours
- 3 antennes GPS et 3 collegues pendant 3 semaines
- Ma voiture et quelques frais de deplacement

Avec comme formation : La documentation riche et nombreuse de l'administration.

Avec un peu de courage et d'interet personnel pour la topographie et les maths appliquees ...
On y est arrive.
Mise en place du SIG dans la ville de ...
Sans convention de mise a jour ...

6 ans ont passes,
Aujourd'hui reveil: signature d'une convention de mise a jour ...

La commune de ... va encore payer ! (actualisation et mise aux normes)

Avant de disserter sur la gratuite des donnees l'administration doit eviter de jouer avec le budget des collectivites locales.

Lorsque l'on sait que sur l'intranet local accessible par internet la plupart des postes ne sont pas proteges, avant la gratuite on pense fiabilite et integrite des donnees.

Et si l'on veut assurer cette soit disante gratuite, on donne les moyens a ses techniciens d'assurer la mise en place et la mise a jour d'un referentiel a grande echelle de qualite ! Ou alors on le laisse au secteur prive, qui, il est sur, en assurera la gratuite.

Lorsque l'on est haut fonctionnaire et decideur, si on ne sait pas faire la difference entre une base de donnees hierarchique et une relationnelle, on embauche un informaticien !

en toute humilite

christophe.

 

#4 Fri 08 February 2002 13:13

Michael Brosse
Invité

Re: Qui a dit gratuite ?

On pourrait prolonger cet exemple, en prenant un cas plus « professionnel » : la donnee est rendue accessible en l'etat (disons sous un logiciel SIG professionnel peu utilise, y compris de la plupart des professionnels) par le service public. Il faut donc pour l'utiliser, par exemple sur un SIG bureautique classique, passer par un prestataire prive qui en fera la traduction. La « gratuite », outre les aspects lies a la communication precedents, revient donc a favoriser le niveau « prestataire intermediaire », qui peut trouver matiere a travailler en rendant un service de conversion de donnee.


Que rajouter a ce brilliant etat des faits sinon que de corroborer en cassant le mythe des donnees gratuites aux US. Elles sont gratuites... mais pour les utiliser il faut egalement passer par un prestataire prive capable de les traduire...

Michael Brosse
EarthSoft Inc  USA
www.earthsoft.com

 

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