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8:08
Entre corps et espace (Jean-David Nkot)
sur Carnet (neo)cartographiqueJean-David Nkot est un brillant artiste plasticien camerounais né en 1989 à Douala, formé à l’Institut des Beaux arts de Foumban et installé à Douala, au Cameroun. Ce très exceptionnel artiste – bah, je dis ça parce que j’aime beaucoup son travail – mobilise la carte et des éléments de la cartographie en support avant ou arrière de plusieurs de ses œuvres, liant deux mots-clés : corps et espace.
Jean-David Nkot sur les frontières et les circulations
Profondément humaniste, Jean David Nkot a dédié l’une de ses séries aux circulations humaines et non aux migrations (il se défend de s’intéresser aux migrations en tant que telles) dans le monde contemporain qu’il donne à voir en les questionnant, du point de vue de l’humain. Ce qui l’intéresse c’est la matérialisation par l’art de cet entre-deux vécut entre lieux d’origine et de destination et qui correspond au voyage dans son ensemble, c’est-à-dire aux moments de circulations mais aussi à ces temps de pause, d’arrêts, finalement à ce qu’il qualifie la « zone grise ».
Ses œuvres montrent en effet des portraits des personnes noires, posant avec des cartes très prégnantes. Dans ce travail, la carte en elle-même ou des éléments de la conception cartographique sont une composante fondamentale de l’œuvre.
Les éléments cartographiques sont ainsi placés soit en arrière-plan soit au premier plan par rapport au sujet principal soit incrustés sur celui-ci.
Dans le premier cas, ces éléments sont des collages de sections de cartes réelles ou des bouts de carte fabriquées par l’auteur, des aplats, des points de repère. L’ensemble est toujours customisée pour servir le propos. En fonction de la position et de l’attitude du sujet, toujours évocatrice, les cartes sont complétées d’éléments de contexte : un tabouret pour signifier une localisation, un emplacement assez peu confortable, le tampon d’un visa évoquant le droit de passage, d’apparaître sur la carte, des mentions de lieux remarquables (Le Louvre par exemple), le dessin de voies de circulation plus ou moins importantes et ainsi de suite.
Dans le second cas, les éléments cartographiques, souvent un enchevêtrement fin de voies de circulation servent à cacher la personne représentée qui se laisse ainsi deviner, en n’étant pas au premier plan du décor. C’est le cas des séries Undesirables (2022) ou encore The Shadows of space (2019 à 2021 voir exemples ci-après).
Le travail de l’artiste autour de la cartographie et des circulations a notamment été interrogé par Anne Bokandé en 2020, dans le cadre le cadre de la Saison #6 Nouvelles Cartographies et du projet « Nouvelles cartographies – Lettres du Tout-Monde » du Labo 148.
L’entretien avec Jean-David Nkot qui en résulte, intitulé Les cartographies comme espaces de questionnement des circulations aujourd’hui et des manières d’habiter est disponible dans Bitume d’où est extrait le questionnement suivant de l’artiste.
« Aujourd’hui vous voyez que c’est important de circuler librement, parce que lorsqu’un cas se déclare quelque part, un autre peut être espace d’accueil le temps de trouver des solutions. Pourtant, que faites-vous, vous, quand le reste du temps, vous fermez les frontières, et interdisez que d’autres entrent ? Si tout le monde commence à faire cela, comment s’en sortir ? Vous voyez bien qu’on a besoin de son voisin pour exister. » En Italie désormais ce sont les Cubains qui viennent aider les malades. Alors je me questionne : quelle sera la nouvelle cartographie du monde après la sortie de cet événement ? Comment les gens vont reconstruire la carte du monde ? Soit nous allons davantage nous enfermer, soit nous allons véritablement revoir les questions de frontières entre nous. Pas physique, mais entre humains. Comment avons-nous envie de les revoir ? La cartographie est quelque chose de crucial. On ne peut rien faire sans. Cela nous oriente. Mais quelles cartographies ? Est-ce que celles que nous utilisons actuellement nous conviennent ?
Jean-David Nkot à propos des européens qui résident en Afrique et ne veulent en partir.
A savoir également que Jean-David Nkot a participé avec Michel Ekeba et Géraldine Tobé (République Démocratique du Congo), dans le cadre de l’Art Space Projet (ASAP) présenté dans cet article du Monde, à l’œuvre « Memory of today, Memory of the future » qui a été placée sur le premier satellite météorologique africain lancé en décembre 2022 par Ariane Espace.
Un artiste vraiment exceptionnel, je vous disais en introduction, qui est représenté en France par la sympathique galerie Afikaris
Jean-David Nkot, Le transporteur, 2021 ©Jean-David Nkot. Source : Afikaris.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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15:47
Quelle stratification des forêts du Bassin du Congo ?
sur Carnet (neo)cartographiqueVue la déforestation en cours dans les pays du Bassin du Congo, les paysages forestiers ne sont plus considérés comme intacts et leur diminution est hélas actée.
On peut néanmoins s’intéresser à la structure des forêts rémanente pour en proposer une typologie spatiale, ce que les spécialistes appellent une « stratification ». Pour en savoir plus, j’ai mobilisé les données du GLAD (2021) qui sont disponibles sur l’ensemble du monde, mais je les ai limitées à l’Afrique, focalisant mon attention sur le Bassin du Congo.
J’ai mobilisé ces données et les analyses publiées associées, en les traduisant en français et en les adaptant pour les besoins de ce billet. Voir la liste des sources et références consultées.La stratification du couvert forestier a pour objectif de délimiter des régions forestières – en l’occurrence « des strates » – qui sont associées à différentes valeurs de référence du stock de carbone.
L’estimation de la perte de carbone aérien, due aux dommages des forêts tropicales, s’appuie en effet sur la mesure de la diminution ou de la perte de couvert forestier. L’une des manières de s’en rendre compte est d’en faire la cartographie à l’aide d’images satellites. Hansen et al. (2013) ont ainsi réalisé une telle cartographie des pertes du couvert forestier à 30 m de résolution spatiale, que les spécialistes considèrent comme une référence en la matière.
Cependant, le fait que les autres cartographies cohérentes des différents types de forêts (tropicales et pan-tropicales) ne soient pas disponibles à 30 m près impose de caractériser autrement le couvert forestier, à mobiliser en l’occurence plusieurs paramètres pour aboutir à des définitions complexes des différents strates.
La classification des forêts réalisée par Potapov et al. (2012) à l’échelle nationale, conduit à une typologie identifiant des « forêts primaires », des « forêts secondaires », des « zones boisées », qu’il est difficile de reproduire à l’échelle d’un biome puisque les niveaux d’observation diffèrent fondamentalement.A noter que cette stratification n’est pas sans lien avec l’estimation des paysages forestiers intacts (PFI) dont on a déjà parlé ici, puisque les PFI correspondent aux strates de forêts denses et hautes, denses
La classification des forêts réalisées par Potapov et al. (2012) n’étant pas applicables au niveau local, les stratifications de forêts pan tropicales qui existent – telles celles du GLAD (2021) utilisées ici – ont été définies en utilisant les caractéristiques structurelles des forêts estimées à partir d’analyses statistiques d’images satellites de la canopée. Ont ainsi été mobilisées la méthode de Hansen et al (2013) qui permet d’estimer le pourcentage de couverture de la canopée en 2000, ainsi que celle de Potapov et al (2008) mesurant la hauteur des arbres et le degré d’intégrité de la forêt.
Des seuils de stratification minimisant la variance intra strate sont définis, grâce à une régression fondée sur des estimations ponctuelles du carbone GLAS, comme variable dépendante (Baccini et al., 2012), pour aboutir à la cartographie suivante.
Cette carte permettant de caractériser plus finement la structure du couvert forestier intact.
Sources :
Global land analysis and discovery (GLAD), University of Maryland, Department of Geographical Sciences, 2021.
Fonds de carte : NaturalEarth data, 2023.Références :
Baccini A. et al. 2012, Estimated carbon dioxide emissions from tropical deforestation improved by carbon-density maps Nature Climate Change 2 182-5.
Hansen M.C. et al. 2013, High-resolution global maps of 21-st century forest cover change Science 342 850-3. Potapov P.V. et al. 2008, Mapping the world’s Intact Forest Landscapes by remote sensing. Ecology and Society 13 51.
Potapov P.V. et al. 2012, Quantifying forest cover loss in Democratic Republic of the Congo, 2000-2010, with Landsat ETM+ data Remote Sensing of Environment 122 106-16.
Billets liés :
– Que reste t-il de nos forêts ?
– Contribution des pays du Bassin du Congo à la déforestationGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:50
Contribution des pays du Bassin du Congo à la déforestation
sur Carnet (neo)cartographiqueA la suite du billet précédent sur les paysages forestiers intacts, on peut logiquement s’interroger sur la déforestation ces dernières années, sur la contribution des différents pays du Bassin du Congo.
Pour ce faire, j’ai mobilisé les données disponibles dans le dernier rapport sur l’État des forêts (EDF) publié par le Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo (PFBC), pour “présenter les écosystèmes forestiers d’Afrique centrale et leur environnement de gestion”. Ce rapport fait notamment état de données qui fournissent des mesures sur la déforestation réalisées de 2009 à 2020.
M’étant fixée pour objectif de cartographie la répartition des pays du point de vue de la déforestation, j’ai réalisée une carte descriptive combinant le stock de surfaces déforestées (en hectares) et le taux illustrant la contribution en pourcentage de l’ensemble des pays concernés à la déforestation du Bassin du Congo, sur la période 2009-2020.
En examinant les premiers résultats cartographiques obtenus, j’ai finalement réalisé deux cartes prenant en compte ou non la contribution du Cameroun, pour lequel les données n’étaient disponibles, dans les sources que j’ai consultées, que jusqu’en 2018 (carte 1).
Carte 1. Profil des pays du Bassin du Congo en termes de déforestation de 2009 à 2018
Si l’on étend la période de représentation à 2020, en conservant le Cameroun, la configuration des pays change de de manière importante (Carte 2), puisque le Cameroun qui avait la contribution la plus importante jusqu’en 2018, à plus de 35% voit, cède sa place, par simple permutation, au Gabon.
Carte 1. Profil des pays du Bassin du Congo en termes de déforestation de 2009 à 2020
Au delà du changement de position du Cameroun et du Gabon, ces deux cartes permettent aussi de montrer comment la présence de données manquantes ou lacunaires peut conduire à travestir la réalité et, surtout, à empêcher la mesure de la déforestation à l’œuvre depuis 2009 dans les pays du Bassin du Congo. Du coup, on aimerait bien savoir pourquoi les données sont manquantes pour le Cameroun…
Billet lié :
– Que reste t-il de nos forêts ?Source :
Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo (PFBC), 2021, État des forêts, RapportGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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7:45
Que reste t’il de nos forêts ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLe changement climatique, la chaleur suffocante et maintenant, la soudaine tombée du froid. Est-ce que cela pourrait être dû à la baisse du couvert végétal ? Je demande…
A la faveur d’une collaboration en cours avec la FPAE, je suis sortie de ma zone de confort cet été pour essayer de prendre l’air, en m’intéressant aux forêts du Bassin du Congo ; le lien entre les très fortes températures et les épisodes de sécheresse que nous connaissons en Europe de l’ouest, le changement climatique et le lien avec le couvert végétal m’intéressant a priori.
N’étant pas familière avec ces sujets liés aux paysages végétaux, je suis entrée dans le sujet en commençant par me promener au cœur de bases de données librement accessibles en ligne – des bases de données que j’ai d’abord dû identifier. Je ne vais pas entrer dans trop de détail sur les données et les traitements réalisés, juste présenter quelques résultats cartographiques ci-après et probablement dans de prochains billets.Alors, pour commencer sur ce sujet des forêts, intéressons-nous aux forêts « encore intactes ». Cela tombe bien, un groupe de chercheurs à publié différents articles sur le sujet (voir notamment Potapov et al. 2017) qu’ils partagent sur www.intactforests.org, permettant alors de les caractériser et de les cartographier.
Un « paysage forestiers intact (PFI) est une étendue ininterrompue d’écosystèmes naturels à l’intérieur de la forêt actuelle, sans aucun signe d’activité humaine détectée à distance et suffisamment vaste pour que toute la biodiversité autochtone, y compris les populations viables d’espèces à large répétition, puisse être maintenue.
Pour les besoins d’évaluation globale, un PFI est défini [harmonisé au niveau mondial] comme un territoire formé d’écosystèmes forestiers et non forestiers très peu influencés par l’action anthropique, avec (i) une superficie d’au moins 500 km² (50 000 ha), (ii) une largeur minimale de 10 km (mesurée comme le diamètre d’un cercle englobant minimum le territoire concerné), et (iii) une largeur minimale de corridor/appendice de 2 km.
Les zones présentant des traces de certains types d’influence humaine sont considérées comme perturbées ou fragmentées et ne peuvent donc être incluses dans le PIF ».
Greenpeace, 2023 (trad. F. Bahoken),Une base de données disponible à plusieurs dates a également été construite sur ces PFI par un collectif de cartographes : l‘Impact Forest Landscape mapping team appartenant à Greenpeace, WRI, WCS, Département de Géographie de l’Univ. du Maryland, Transparent World et WWF (Russie),
J’ai été très très surprise de voir l’état de l’extension forestière en 2020 (dernière date disponible), particulièrement en Afrique et dans le bassin du Congo. La carte réalisée est littéralement dramatique. Jugez-en par vous mêmes.
Paysages forestiers « encore intacts » en 2020 dans le bassin du Congo
La forêt a t-elle été réduite rapidement ? Quelle était son emprise en 2000, par exemple ?
Paysages forestiers intacts en 2000 dans le bassin du Congo
Ce n’est pas vraiment mieux qu’en 2000 et c’est le moins que l’on puisse dire. Pour mieux se rendre compte de l’étendue du désastre, j’ai superposé les deux cartes précédentes sur l’extension historique du couvert forestier
Évolution du couvert forestier dans le bassin du Congo entre 2011 et 2020
Références :
– Potapov, P., Hansen, M. C., Laestadius L., Turubanova S., Yaroshenko A., Thies C., Smith W., Zhuravleva I., Komarova A., Minnemeyer S., Esipova E. “The last frontiers of wilderness: Tracking loss of intact forest landscapes from 2000 to 2013” Science Advances, 2017; 3:e1600821
– Bases de données IFL mapping team Intact Forest Landscapes 2000/2013/2016/2020.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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10:07
Deviner la Tchéquie
sur Carnet (neo)cartographique
Contexte de la recherche :Préambule : Ce travail s’inscrit dans un axe de recherche du projet Tribute to Tobler – TTT portant sur l’application des méthodes d’algèbre linéaire à l’analyse des matrices origine-destination dans un objectif de cartographie thématique.
Ce billet contextualise, commente et présente après en français (après une traduction libre) le Notebook Guessing Czechoslovakia [accéder] réalisé par Philippe Rivière (Visions Carto) pour le #30DayMapChallenge de 2021 : Day22-Boundaries.L’objectif dans lequel s’inscrit ce travail consiste à examiner – suite à une demande de Waldo Tobler lui-même – les conditions théoriques et méthodologiques du transfert des méthodes de l’algèbre linéaire, des valeurs propres et autres décompositions spectrales à l’analyse cartographique des interactions territoriales.
Deux objectifs pour l’usage de l’algèbre linéaire pour cartographier des interactions spatiales/territoriales sont définis :- Le premier vise à simplifier la matrice origine-destination à représenter de manière à ce que la carte des interactions territoriales représentées entre des entités ne subisse pas d’effet spaghetti.
Tobler avait lui-même déjà commencé à examiner ce premier objectif, en reprenant l’un des papiers qu’il considérait comme précurseur de ce transfert, l’article de Peter Gould (1967), On the Geographical Interpretation of Eigenvalues, Transactions of the Institute of British Geographers, 42, p. 53-86. Vu l’intérêt de cet article, Laurent Beauguitte et moi-même l’avons traduit en français dans le cadre du groupe fmr (flux, matrices, réseaux) [Voir la présentation]. La version française et commentée par nos soins de ce texte de Peter Gould est disponible dans la collection HAL du groupe fmr : Sur l’interprétation géographique des valeurs propres.
Tobler a mobilisé pour cela les données de flux de dollars construites par S. Pi pour examiner cette méthode et proposer un ensemble de cartes de flux.
Les méthodes de décomposition spectrale utilisées en algèbre linéaire nous étant assez difficiles à comprendre au premier abord, nous avions des doutes quant à l’intérêt de ce transfert, s’il était effectivement pertinent sur le plan thématique de les utiliser pour cartographier des migrations par exemple.
L’investigation menée sur le premier objectif a ainsi conduit à reproduire la méthode sur le cas américain dans le cadre de TTT, et plusieurs collègues s’y sont attelés.
- Le second objectif consiste à révéler des partitions territoriales issues d’une régionalisation/clustering par des flux, c’est-à-dire de mettre en évidence des régions définies par un ensemble de flux observés entre des entités géographiques de niveau inférieur qui échangent plus entres elles, parce qu’elles appartiennent à une même région, qu’avec des entités de même niveau/échelle géographique mais qui appartiennent à une autre région.
C’est ce second objectif qui est examiné ici.
A la recherche d’anciennes partitions territorialesPour investiguer sur la proposition de Tobler, j’avais décidé de la mettre en œuvre sur les données de flux inter districts de l’ex-Tchécoslovaquie (1990). La raison était simple : je connaissais assez bien cette matrice pour l’avoir longuement manipulée dans la première partie de ma thèse et il (me) serait probablement plus facile de (me) (géo)visualiser les résultats obtenus pour évaluer la méthode en première instance, plutôt que d’essayer de comprendre d’emblée les systèmes d’équations sous-jacents. La cartographie servant ici à comprendre les résultats de travaux en cours ou exploratoires comme ceux présentés ici.
L’hypothèse examinée ici est donc de savoir s’il est possible (avec cette méthode qui permettait de partitionner l’espace à partir de valeurs de flux) de retrouver d’anciennes partitions territoriales antérieures à l’ex-Tchécoslovaquie de 1990, en l’occurrence d’anciennes républiques ou d’anciennes régions. La validation de cette hypothèse pourrait alors faire apparaître la méthode comme potentiellement complémentaire à celles plus traditionnelles en SHS de modélisation des interactions qui s’attachaient à mettre en évidence le rôle des frontières en termes d’ajustement des valeurs de flux (voir notamment les travaux de Nadine Cattan, de Claude Grasland et d’Athanase Bopda sur le sujet).
[Le texte qui suit à été rédigé en anglais par Philippe Rivière, mes ajouts ou commentaires à la traduction sont placés entre crochets].
Ce jeu de données – fourni par Françoise Bahoken dans le cadre du projet Tribute to Tobler représente le mouvement des personnes entre les 114 districts de l'(ex-)Tchécoslovaquie. Il s’agit d’une matrice origine/destination, où le CODEi est un identifiant du district d’origine, le CODEj un identifiant du district de destination, et Fij le flux (nombre de personnes qui se sont déplacées) de i à j au cours de l’année 1990.
Source : Pohyb Obyvatelstva, 1990.
Ces données ont été préparées par Claude Grasland.[L’intérêt d’utiliser ces données tient à ce qu’elles représentent un cas d’école pour examiner le rôle des frontière dans l’ajustement des interactions spatiales et/ou dans la différenciation des différentes régions et districts. La répartition géographique de ces districts (okrej) qui date de 1961 signe en effet l’évolution des frontières historiques de l’ex-Tchécoslovaquie de 1990 : les trois anciennes républiques Tchèque, Morave et Slovaque) elles-mêmes subdivisées en dix régions (kraj) au cours du temps sont visibles sur la partition territoriale de 1990.]
Question : Ces informations sont-elles suffisantes pour réaliser une carte [de flux] de la Tchécoslovaquie ?
Parmi les nombreuses méthodes possibles – en suivant, encore une fois, une suggestion de Waldo Tobler – nous pouvons essayer d’utiliser une méthode de réduction de dimension de la matrice. Dans ce cas, nous allons appliquer la méthode UMAP, de Leland McInnes, aisément disponible en JavaScript et empaquetée par René Cutura dans DruidJS.
La matrice brute est passée dans UMAP ; les résultats obtenus correspondent à des positions XY dans un espace virtuel.Voici ma carte ! OK … mais vous auriez raison de me poser la question suivante : est-ce que cela ressemble vraiment à la Tchécoslovaquie ? Eh bien, voici un tableau de données complémentaires qui identifie les régions/républiques historiques de chacun des districts : la variable “rep” contient C/S pour Tchéquie/Slovaquie, et “his” contient B/M/S pour Bohème/Moravie/Slovaquie.
Nous pouvons alors colorer les districts, sur la carte issue de UMAP, en fonction de ces deux variables :
Carte des deux anciennes républiques Tchèque et Slovaque
Carte des trois anciennes républiques : Tchéquie, Moravie et Slovaquie
– UMAP version 1 –Une erreur évidente est que la carte n’est pas [projetée dans un espace géographique et ni] correctement orientée (la Slovaquie, en rouge, est au sud-est.). À part cela, c’est plutôt bien fait !
[La méthode UMAP permet bien de retrouver le découpage historique en trois républiques de l’ex-Tchécoslovaquie, ce qui valide l’hypothèse de départ. Yes!].Carte des trois anciennes républiques : Tchéquie, Moravie et Slovaquie
– UMAP version 2 –Il est possible que les trois républiques historiques puissent facilement être identifiées à partir de ces seules données de migrations résidentielles avec un simple algorithme de regroupement (CK-means), appliqué à l’UMAP unidimensionnel de la matrice, [pour retrouver d’anciennes partitions].
Carte des trois anciennes républiques : Tchéquie, Moravie et Slovaquie
– variante clustering K-means –La méthode fonctionne également !
Enfin, nous devons confronter les coordonnées obtenues aux positions réelles des districts sur le terrain. Pour cela, nous allons simplement colorer les districts en fonction du clustering unidimensionnel UMAP, [en les projetant dans l’espace géographique muni des frontières des deux/trois républiques historiques].
Carte des trois anciennes républiques : Tchéquie, Moravie et Slovaquie
– variante UMAP géolocalisée –D’accord, [en y regardant de plus près], nous avons un peu de confusion, mais dans l’ensemble, ce n’est pas si mal ! L’utilisation d’une mesure de distance plus appropriée (comme la distance cosinus), le regroupement de l’UMAP dans des dimensions plus élevées, avec une méthode de clustering plus intéressante que CKmeans, pourrait nous aider à résoudre ce problème… mais ce sera pour un autre Notebook.
[Autres variantes présentées dans le notebook, mais non satisfaisantes]
Voir aussi :
TTT dans NeocartoLa collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
L’espace de travail collaboratif de TTT : ./tributetotobler/Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:23
Le pointillisme dans l’art pictural et cartographique
sur Carnet (neo)cartographiqueSaviez-vous que le motif en « semis de points » caractérise à la fois le pointillisme, un mouvement pictural néo-impressionniste et un type de carte statistique, la carte par (densités de) points ? Moi je ne ne le savais pas, avant de me plonger pendant le premier confinement, dans les méthodes de cartographie par points avec Nicolas Lambert.
Il est en effet passionnant de noter la proximité qu’il peut y avoir entre le rendu du motif formé de points mis en œuvre dans différents arts graphiques, en l’occurrence picturaux et cartographiques depuis le début du XXème siècle. Le tableau néo impressionniste et la carte par densités de points peuvent en effet être similaires, toutes proportions gardées, dans leur rendu mais aussi dans les méthodes mobilisées et dans la justification de leur usage qui conduisent, dans les deux cas, à des abstractions graphiques de la réalité sous la forme de points, ailleurs ce serait de lignes, comme le souligne Wassily Kandinsky (1923), pour asseoir une posture technique, scientifique.
Le point, dans l’œuvre peinte et cartographiéeL’usage pictural du point s’inscrit dans le pointillisme, un mouvement néo-impressionniste introduit avec le tableau du peintre Seurat (1859-1891) intitulé « Un dimanche à la Grande Jatte en 1886 ».
Un dimanche à la Grande Jatte en 1886 (Seurat, 1886)
Source : Google Art Project/Wikipedia, voir.
Le pointillisme est définit par le Larousse, comme un « […] mouvement dont les adeptes eurent en commun une technique fondée sur la division systématique du ton », c’est en ce sens qu’il s’apparente au processus de cartographie par densités de points qui est fondé sur une division systématique de la quantité représentée, qu’elle soit teintée ou non.
Le pointillisme, tel que mobilisé initialement dans la peinture et dans la cartographie par densités de points est une méthode mise au point pour assurer leur caractère scientifique. Pour la cartographie, il s’agissait de représenter des données statistiques sur la démographie (quantités discrètes de populations).
La volonté de remédier aux effets de flou dans la peinture impressionniste rappelle en effet celle du « refus » d’une vision agrégée de la population humaine, c’est-à-dire d’une représentation de la distribution de la population au sein de mailles symbolisant des zones administratives.
Aparté. Le terme « refus » ci-dessus est à prendre avec des pincettes, un autre terme conviendrait peut-être mieux, mais lequel ?. Ce refus d’une présentation agrégée de données de populations m’évoque un refus similaire appliqué cette fois aux lignes : le « problème de la flèche », qui correspond au « refus » de la cartographie de migrations humaines sous une forme agrégée…
Aux rendus des œuvres impressionnistes plus classiques considérés comme brumeux par les spécialistes peuvent ainsi être associés ceux des signes proportionnels et des aplats opaques typiques des cartes choroplèthes ; ces deux procédés étant les modes de représentation privilégiés des quantités agrégées de population, la cartographie par points ayant eu du mal à s’imposer comme l’explique Gilles Palsky (1984).
La cartographie par points est une grande famille de carte statistique qui mobilise le point en implantation spatiale graphique et/ou géométrique/géographique pt(X,Y), pour représenter des quantités absolues ou discrètes. Si le point peut être mobilisé en cartographie selon différentes modalités, l’une d’entre elles correspond à la « carte en densités de points », une méthode de représentation introduite vers 1830 par Armand Joseph Frère de Montizon (1790-1859), pour représenter la répartition de la population française à l’échelle des départements.
Carte philosophique de la population de la France (Montizon, 1830)
Le motif perçu sur la carte de Montizon, comme sur le tableau de Seurat, est un semis de points présentant des densités de points variables selon les zones.
Sur la carte, le nombre de points représentés par zone est fonction d’une relation d’équivalence individus-points, de type un-à-plusieurs (1-à-n). Dit autrement, un point sur la carte correspond à un ou plusieurs individus, en l’occurrence à une ou plusieurs personnes recensées dans les départements de l’époque. Sur la carte de Montizon, un point symbolise dix mille personnes, deux points correspondent à vint mille personnes et ainsi de suite.
Toujours sur la carte de Montizon, le placement des points ne correspond pas à un ordre particulier, dans cette version historique de la méthode. Sur la carte ci-dessous (déjà présentée ici), la répartition de la population mondiale s’appuie sur un point-équivalent 3 millions de personnes par défaut, une valeur qu’il vous est possible de paramétrer dans Observable.
Carte en densités de points de la population du monde (Lambert, 2021)
Dans la version historique de la méthode, l’ensemble des points d’une zone y est entièrement inclus (l’appartenance d’un point à une zone étant exclusive).
A noter qu’il est aujourd’hui possible avec Bertin.JS (fonction dotdensity) d’autoriser les débordements des points d’une zone sur une autre zone, comme illustré sur la carte suivante.
Carte en densités de points de la population américaine (Lambert, 2022)
- sans débordements
- avec débordements
Plusieurs décennies après cette première initiative de Montizon, Georges Frederick Jenks (1916-1996), un célèbre cartographe américain (bien connu pour ses innovations en cartographie statistique parmi lesquelles la méthode de seuillage naturel des données continues fondée sur la variance [voir]), mobilise la cartographie par densité de points pour représenter des quantités discrètes et typées/catégorielles.
Pour cela, Jenks va s’inspirer du pointillisme, qu’il érige d’ailleurs comme méthode cartographique dans un article publié en 1953, et, entreprend de l’appliquer pour cartographier la répartition des récoltes de 1949 aux États-Unis. Il justifie ce choix par le besoin de disposer d’une « une présentation plus réaliste de la distribution des cultures » que celles précédemment cartographiées par Marshner (1950).
Jenks affirme que les éléments clés de la conception de sa carte sont le choix des couleurs puis l’arbitrage entre la taille et la valeur du point à représenter et cela, en fonction de l’extension des surfaces cultivées.
« Les couleurs ont été attribuées en tenant compte des éléments suivants :
1. Les couleurs doivent rappeler au lecteur de la carte la culture qu’elles représentent.
2. Les cultures de grande valeur et de petite superficie, telles que le tabac ou les camions, doivent être colorées plus intensément que les cultures plus étendues et plus vastes.
Les cultures de grande valeur et de faible superficie, telles que le tabac ou les camions, doivent être colorées plus intensément que les cultures plus étendues et cultivées à grande échelle.
3. Les cultures mineures sélectionnées, telles que les arachides ou le soja, qui tendent à modifier le caractère des cultures cultivées dans des zones plus étendues, devraient avoir des couleurs plus intenses que les cultures plus étendues.
Les cultures qui ont tendance à modifier le caractère des cultures dans des zones plus étendues doivent avoir des couleurs d’une intensité modérée.» Jenks, 1953.Jenks sélectionne alors une série de teintes pour colorer les différentes types de cultures, ce qui conduit à une nouvelle carte par densité de points colorés. On notera que cette méthode est plus souvent utilisée aujourd’hui pour cartographier la distribution ethnique dans les pays qui en font l’usage (racial dotmaps).
Sur ces cartes par densité de points, qu’ils soient colorés ou non, il est important de noter que leur répartition spatiale au sein de chaque zone est aléatoire et relativement à chacune d’elles. Cette précision sur le placement des points n’est pas anodine, car il est désormais possible de jouer sur les possibilités de spatialisation des points d’un semis au sein des zones. Ces possibilités sont proposées dans le cadre d’une nouvelle carte par points dénommée …
à suivre !
[l’article introduisant cette carte étant actuellement sous presse, la phrase sera complétée ultérieurement]Références :
Jenks G. F. (1953), « Pointillism » as a cartographic technique, in: The Professional geographer, pp. 4-6.
Kandinsky W. (1923) Point et ligne sur plan. version .pdf sur le site www.holybooks.com
Montizon F. A. J. (1830), Carte philosophique figurant la population de la France, Disponible en .jpeg sur BNF/Gallica.
Palsky G. (1984), La naissance de la démocartographie. Analyse historique et sémiologique, in: Espace, populations, sociétés. Université des Sciences et Technologies de Lille. 2 (2), 25–34.
Billets liés :
Voir aussi :
Bertin.JS : dot density map
[R] Transformer des quantités aréales en densité de points
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
- sans débordements
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19:20
Dancing statistics
sur Carnet (neo)cartographiqueAvertissement.
Ce billet ne traite pas de cartographie, mais de statistiques et de (choré)graphie.
Il n’en demeure pas moins intéressant, je vous l’assure !Alors imagines, tu aimes bien la cartographie et la chorégraphie, plus généralement la représentation graphique de données … les statistiques. Et puis un jour, frais et pluvieux, en procrastinant sur le site de la jolie revue Images des maths, tu tombes sur un court billet d’Avner Bah-Hen (professeur de Statistiques), intitulé Statistiques et danse pour l’enseignement (voir) et donc qui parle de ça :
Dancing Statistics c’est le nom d’un projet de courts métrages de la British Psychological Society pour aider le public non matheux de formation à comprendre les statistiques. Le projet porté par Lucy Irving de Middlesex University & Andy Fields de l’University of Sussex vise à présenter des concepts et notions de statistique sous une forme moderne et dansée (danse moderne, of course).
Pour cela ils mobilisent une population d’individus, à savoir une petite troupe où les individus sont des danseurs et danseuses contemporain.e.s, positionnés comme suit au départ d’un sujet.
La chorégraphie à laquelle ils et elles prennent part est visualisée en vue de dessus et logiquement accompagnée de musique. Elle se déploie sur une scène qui, parce qu’elle est munie d’axes et de positions tracés au sol facilite, d’une part, le repérage rapide de leurs positions relatives les unes par rapport aux autres, fussent-ils et elles en mouvement ; elle permet d’autre part aux spectatrices de visualiser les éléments clés de concepts et notions usuel.le.s des statistiques ainsi dansés.
Jugez-en par vous même ci-dessous en regardant cette première danse présentant la distribution de fréquence.
D’autres vidéos sont également disponibles :
Échantillonnage et erreur standard
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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18:22
Penser un monde sans frontières depuis l’Afrique
sur Carnet (neo)cartographiqueCe n’est pas tous les jours que je peux me vanter d’être la co-autrice d’un document signé de la main d’Achille Mbembé, historien et politologue camerounais, diplômé de l’université Panthéon-Sorbonne Paris 1 et de Sciences Po Paris, avant d’être professeur d’histoire (de l’Afrique) aux États-Unis. Éminent penseur francophone sur l’Afrique post-coloniale et le pouvoir, il tire sa notoriété notamment de son esprit critique sur la décolonisation, les relations France-Afrique et le pouvoir de l’ancien colon français ; esprit qu’il exerce aujourd’hui en vrai globe penseur » depuis Johannesburg où il est installé.
Cette opportunité m’a été proposée par Migreurop, pour la réalisation d’un chapitre de l’Atlas des migrations dans le monde (2022) intitulé Penser un monde sans frontières depuis l’Afrique. Sont présentés ci-après quelques passages ainsi que la carte associé.e.s, le texte intégral étant disponible sur Cairn, mais pour abonné.e.s de l’ESR seulement – m’en faire la demande si souhaité.
« Décider qui peut se déplacer, s’installer, où et dans quelles conditions, est aujourd’hui au cœur des luttes politiques. Comment repenser l’utopie d’un monde sans frontières et partant, d’une Afrique sans frontières ?
Il faut partir du concept de libre circulation, en l’opposant aux conceptions africaines précoloniales du mouvement dans l’espace. Dans le modèle libéral classique, la sécurité et la liberté ont été définies comme un droit d’exclusion : l’ordre consiste à garantir l’ordonnancement inégal des relations de propriété. Affirmer les frontières de la nation, c’est affirmer les frontières de la race, donc donner une définition adéquate des frontières du corps, et de la centralité du corps dans le calcul de la liberté et de la sécurité.
L’Afrique précoloniale n’était sans doute pas un monde sans frontières (du moins pas au sens propre), mais les frontières existantes étaient toujours poreuses et perméables. Comme en témoignent les traditions de commerce à longue distance, la circulation était (et est toujours) fondamentale dans la production de formes culturelles, politiques, économiques, sociales et religieuses. S’arrêter, c’est prendre des risques ; pour survivre, il faut être constamment en mouvement, particulièrement en situations de crise.
(…)
On retrouve cela dans les réseaux et les carrefours (qui sont importants dans la littérature africaine), ainsi que dans les flux de personnes et les flux de nature, tous deux en relation dialectique : dans ces cosmogonies on ne peut imaginer les individus sans ce que nous appelons la nature. (…) ».L’idée à l’origine de la carte qui suit était d’illustrer cette assertion d’Achille Mbembé en montrant que l’Afrique n’est pas un endroit statique, immobile mais une terre truffée de mouvements à la faveur de diverses infrastructures de transport. Pour cela, il a fallu tenter de les cartographier de la manière la plus complète possible, même si l’exhaustivité est illusoire. Plusieurs sources d’information libres et gratuites ont ainsi dû être mobilisées, gérées simultanément et harmonisées pour pouvoir être représentées de manière lisible.
Pour une Afrique des circulations et une circulation en Afrique
Source : Atlas des migrations dans le monde (2022).
L’Afrique dans son entièreté est striée de part et d’autre de linéaires de réseaux terrestres, routiers ou fluviaux, maritimes et aériens (non représentés) qui prennent place à différentes échelles ; un gigantesque réseau transafricain étant d’ailleurs en projet. Ces réseaux sont eux-mêmes ponctués de carrefours et autres hubs d’accès qui structurent les mouvements des personnes, des animaux, des monnaies et des biens, des savoirs et des religions en Afrique depuis plusieurs siècles. Si ces réseaux permettent de parcourir le continent depuis la nuit des temps, n’oublions pas que cela n’est pas toujours très facile : les infrastructures s’articulant parfois tant bien que mal avec la topographie locale, un environnement naturel et des conditions climatiques parfois difficile qui contraignent localement les libres circulations.
« (…) Le partage de l’Afrique au 19e siècle et le découpage de ses frontières selon les lignes coloniales ont transformé le continent en un immense espace carcéral, et chacun d’entre nous en un.e migrant·e illégal·e potentiel·e, incapable de se déplacer sauf dans des conditions de plus en plus répressives. Nous piéger est devenu la condition préalable à l’exploitation de notre travail, c’est pourquoi les luttes pour l’émancipation ont été si étroitement liées aux luttes pour le droit de circuler librement. Si nous voulons parachever la décolonisation, nous devons faire tomber les frontières coloniales et faire de l’Afrique un vaste espace de circulation pour elle-même, pour ses descendant·e·s et pour toutes les personnes qui veulent lier leur destin à notre continent. »
Référence :
Mbembe, A. & Bahoken, F. (2022). Penser un monde sans frontières depuis l’Afrique. Dans : Migreurop éd., Atlas des migrations dans le monde: Libertés de circulation, frontières et inégalités (pp. 144-147). Paris: Armand Colin. [https:]]Billet lié : Françoise Bahoken (2022) Atlas des migrations dans le monde, Carnet néocartographique.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:36
C’est le printemps… et il question de cartes
sur Carnet (neo)cartographiqueLa question demeure : où placer la limite, que définit la limite ? Une topologie de l’espace qui nous correspond (peut-être), et qui entoure ce « nous » qui reste parfois à définir.
Christine Plumejeaud, 2023.Le printemps des cartes, c’est le nom d’un festival annuel de médiation scientifique organisé depuis 2018 autour des cartes et de cartographies de toutes sortes, par un collectif de ge?ographes, cartographes, artistes et passionne?s de la carte à Montmorillon. Issu d’une collaboration entre l’Universite? de Poitiers, la MJC Claude Nougaro de Montmorillon et l’Espace Mende?s France de Poitiers, le festival illustre Montmorillon, une bourgade de la Vienne déjà rendue célèbre par ses éditions cartographiques et qui l’est désormais d’autant plus qu’elle accueille un festival de cartographie.
Le programme proposé cette année est très ambitieux, puisqu’il est question de la représentation des frontières pour (nous) aider à (nous) ouvrir à un monde qui n’a de cesse de se fermer ces derniers temps. Pour cela, le festivalier est invité à accueillir les beaux jours, en dépassant les frontières …
… grâce au concours d’une brochette de cartographes témoignant de la variété du métier et aussi de son dynamisme, sans cesse maintenu depuis la nuit des temps.
Le Festival de Montmorillon est composé de 8 rubriques principales de tous niveaux et accessibles à toutes et à tous.
Aussi riches et fournies les unes que les autres, les différentes rubriques sont combinées dans un programme à la carte qui évoque, par son motif à la Perpillou [mon grand cousin me souffle à l’oreille qu’on dit « carte en pyjama »] celui du Festival International de Géographie de Saint-Dié des Vosges.
Plus sérieusement, le programme permet d’alterner entre des conférences, des ateliers, des jeux grandeur nature et des sorties terrains, des tables rondes et des expositions … autrement dit entre des visions scientifiques, des présentations techniques-métiers, des expositions artistiques et/ou ludo-éducatives de cartes et autres processus cartographiques.
Ce qui est m’apparaît intéressant est qu’on voit cohabiter plein de vues différentes : des approches réflexives au sein de présentations pointues et des dispositifs légers plutôt destinés au grand public, à l’information mais aussi à la rêverie. Les propositions sont en effet organisées autour de férus de cartographie qui sont soit très connus, par leur présence dominante dans les médias et pour cause, il s’agit de nos camarades du quotidien le Monde (l’excellent Xémartin Laborde et ses collègues) que l’on ne présente plus, ou soit des collègues mobilisés pour la journée d’étude organisée par l’Atlas historique de la nouvelle Aquitaine et que je salue au passage.La journée étant dédiée aux frontières, une présentation régalienne du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères est organisée sur le rôle du cartographe dans la délimitation du territoire, dans l’écriture, dans « l’élaboration de la frontière ». Rien que àa.
Les présentations éducatives réalisées à destination d’un public de scolaires ne sont pas en reste : on notera le Forum climat organisé à la MJC de Montmorillon entre des élus et élèves ou encore l’exposition Habiter la terre formée de maquettes réalisée par des sixièmes ; ces dernier.e.s pourront ensuite s’amuser avec Zeplindejeux de cartes à jouer pour ne citer qu’eux.
La cartographie se vivant également à Montmorillon, le Festival vous conduira à arpenter le terrain pour admirer les différentes propositions, mais aussi participer activement à la fabrication de cartes, que ce soit dans le cadre d’une party organisée avec vos amis autour d’Open Street Map avec CartoONG, lors d’un atelier à terre de (dé)construction cartographique avec Anne Lascaux, ou bien la tête dans les étoiles, au planétarium de l’espace PMF. Vous pourrez également vous promener en « cartomobile » avec Morgane Dujmovic [Coucou’ Morgane, mais qu’est-ce que c’est ?], à moins que vous ne préfériez une immersion dans le 7e art proposée par Marina Duféal, pour explorer la relation entre la carte et le cinéma.
Bref, il y a de quoi faire, voir, entendre, pratiquer et cheminer sur ou avec des cartes à Montmorillon, et même en manger des cartes, à la carte (si si si, je vous l’assure, Christophe Terrier que j’avais pu rencontrer autour de cartes, non de tartes en cartes il y a quelques années, y propose des Modèles Numériques de Terrain [carte en relief et 3D] au chocolat, pour les plus gourmand.e.s).
Impossible de terminer ce petit billet sans mentionner que vous serez également pris en main par les étudiant.e.s de l’association Cassini des géographes poitevins qui vous apprendront à ne pas perdre le nord du langage cartographique, en réalisant une carte thématique – qui en sera forcément une vraie – avec magrit.
Les carnetiers de Néocarto vous souhaitent un bon festival à Montmorillon.
En savoir plus sur Le printemps des cartes
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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8:09
Comment tester la lisibilité d’une composition graphique avec un modèle d’IA ?
sur Carnet (neo)cartographiqueL’analyse d’image par réseaux de neuronesAvec les systèmes d’Intelligence Artificielle (‘IA’) du type “réseaux de neurones“, il est aujourd’hui possible de simuler l’importance visuelle des éléments d’une image, c’est-à-dire l’ordre et la durée avec laquelle les différentes parties de l’image vont être perçues par un observateur lambda. On parle aussi de saillance visuelle, pour qualifier l’effet de sauter aux yeux.
L’intérêt de ces méthodes réside dans leur capacité à indiquer les éléments les plus lisibles d’une image, les plus saillants, donc sa hiérarchie visuelle :
- Pour vérifier que sa composition graphique (mise en page, planche de cartes…) est bien organisée et de manière efficace (du point de vue de la lisibilité, de la structuration et de la quantité d’information).
- Pour évaluer la lisibilité de choix esthétiques plus originaux, artistiques.
Ces outils peuvent ainsi simuler les réactions de perception visuelle humaine, si on les entraine sur un corpus d’images pré-analysées par des humains. Ainsi, l’algorithme va dégager des règles de perception de son corpus d’entraînement et pourra les reproduire sur de nouvelles images.
Pendant longtemps, ces algorithmes étaient utilisés pour guider des véhicules à partir d’images de caméras, car la demande est forte pour les véhicules autonomes. En 2020, des chercheurs du M.I.T et d’Adobe ont l’idée d’entraîner un réseau de neurones à partir d’images de composition graphique (graphic design) : des posters, des cartes, des tableaux de bord de données… 1000 images ont ainsi été étudiées par 250 personnes, à qui on a demandé de désigner les zones les plus importantes, dans l’ordre de lecture.
Le résultat, le modèle UMSI (Unified Model of Saliency and Importance), est très intéressant (dernière colonne de l’image ci-dessous), d’autant plus que l’article, le code et les données (le modèle résultat de l’analyse du corpus) ont été rendus disponibles (pour une utilisation non commerciale) : predimportance.mit.edu
Comparaison des résultats de l’algo. UMSI aux autres modèles (source : Fosco et al., 2020).
L’algorithme est ainsi utilisable via un carnet interactif Python, hébergé sur GitHub et mis à disposition via une machine virtuelle Binder, le tout gratuitement. Cette installation a été produite pour l’école thématique “TransCarto” du CNRS, en octobre 2021, pour illustrer une présentation sur les images cartographiques.
Comment utiliser librement cet outil ?Pour l’école thématique TransCarto, un carnet interactif Python a été préparé, à partir du carnet source de l’article (fork). Il s’agit d’une page web interactive qui permet d’exécuter du code Python dans une machine virtuelle, à distance, et de récupérer les résultats des traitements. Ce carnet, de type Jupyter Notebook, est hébergé gratuitement dans le gestionnaire de code source GitHub de TransCarto, et il peut être exécuté tout aussi gratuitement via le service Binder.
- Se rendre sur la page GitHub de TransCarto : github.com/transcarto
- Choisir le dépôt “PredImportance-public” : ./transcarto/predimportance-public
- Cliquer sur le bouton “Binder”
Le carnet Jupyter se lance au bout d’un moment plus ou moins long d’initialisation (plusieurs minutes la première fois, avec parfois des plantages, car c’est une ressource gratuite et partagée). Lorsqu’il est démarré, le carnet affiche la liste des fichiers du carnet, il faut choisir le fichier qui contient le notebook par un double-clic sur transcarto_umsi.ipynb
Ce carnet fonctionne suivant le principe général des carnets de code interactif : des cellules sont modifiables et exécutables (bouton flèche triangulaire en haut du carnet), on les édite (éventuellement), puis on les lance une à une pour dérouler l’algorithme petit à petit, du haut vers le bas.
Le fait que le code soit modifiable permet de :
- modifier les fichiers image à analyser (deux images sont fournies par défaut)
- modifier les réglages de l’algorithme (éventuellement, par exemple la palette de couleurs)
On va décrire ici les différents blocs de code du carnet, leur fonction et leur modification potentielle.
- 1°) Le premier bloc est constitué de commentaires sur les prérequis à l’utilisation du code en local. Dans l’image Binder, les pré-requis ont été fournis par le fichier requirements.txt du dépôt (qui sera mis à jour régulièrement pour tenir compte des versions des modules accessibles par Binder, qui évoluent selon les mises à jour de sécurité).
- 2°) Le deuxième bloc réalise les imports du carnet, c’est à dire le chargement des bibliothèques de fonctions utiles, notamment TensorFlow/Keras qui gère le modèle de réseau de neurones. Lors de l’exécution de ce bloc, des messages s’affichent dans la zone de résultat du bloc, ce sont des informations non bloquantes pour la suite du processus.
- 3°) Le troisième bloc contient les fonctions auxiliaires (ouverture et adaptation des images), qui sont appelées par le code principal (bloc 6 – Predict Maps).
- 4°) Le quatrième bloc va télécharger (dans l’image Binder) le (gros) fichier du modèle UMSI, c’est à dire le réseau de neurones et les pondérations issues de l’expérience des 250 participants sur les 1000 images. Ce fichier est stocké sur un serveur externe, car sa taille (115Mo) dépasse le volume autorisé par GitHub en accès gratuit. À l’exécution, ce bloc produit lui aussi des messages d’information non bloquants (chargement, erreurs/problèmes de configuration matérielle).
- 5°) Le cinquième bloc est celui qui permet de choisir ses propres images JPEG à analyser, en fournissant une ou deux URLs vers ces images. Une fois exécuté, il affiche les images et leur éventuel redimensionnement (bandes noires).
- 6°) Le sixième bloc ne contient qu’une seule ligne, mais c’est celle qui lance le traitement des images, en appelant les fonctions auxiliaires évoquées plus haut.
- 7°) Enfin, le septième bloc produit les images de résultat : images source, “carte” de saillance selon une palette bleu/vert/jaune (viridis), et superposition en transparence des deux.
-> Il est possible de les télécharger par un shift+clic droit.
On peut générer une image de résultat (carte de saillance) en utilisant le bloc de code vide en bas du carnet.
Il faut pour cela saisir la ligne de code suivante, en utilisant les numéros des images (0 et 1) :
plt.imshow(pred_batch[0])
Le choix de la palette de couleurs de la carte de saillance peut se faire parmi les palettes disponibles dans la bibliothèque de fonctions MatPlotLib. Il faut préciser le nom de la palette dans la ligne de code suivante du bloc 7, en remplacement de “viridis” :
# Overlay heatmap on image
res = heatmap_overlay(im,pred_batch[i],’viridis’);Enfin, comme le code source du carnet est librement accessible, on peut en télécharger une version pour l’exécuter en local sur sa machine, à la condition d’avoir installé les différents prérequis (Python 3.7, TensorFlow, etc.) et de posséder le matériel compatible pour les calculs (GPU vidéo de marque Nvidia).
Interpréter les résultatsLes résultats s’interprètent selon la palette de couleur.
Palette Viridis
La “carte” de saillance seule, selon la palette viridis
L’image d’origine (pour comparaison)
Les parties en jaune vif de l’image résultat sont considérées par l’outil comme étant saillantes, c’est à dire qu’elles correspondent à des régions et à des couleurs qui ont été repérées par les sujets qui ont entraîné le modèle. Elles seront donc généralement vues en premier et attireront le plus l’attention.
À partir de ce constat, on peut comparer la “carte” de saillance avec l’image d’origine et sa structure, sa hiérarchie d’information, pour voir si ces zones correspondent :
- Est-ce que les zones les plus saillantes de la carte de saillance (en jaune) sont aussi celles qui sont intéressantes pour commencer la lecture progressive de l’image et bien en comprendre le contenu ? (titre, légende, parties importantes de la carte)
- Réciproquement, il faut se demander si les zones de la carte d’origine que l’on considère importantes pour la compréhension sont bien saillantes sur l’image générée par l’outil.
Logiquement, le titre principal, bien lisible (position, taille de la police, isolement et contraste), est bien repéré comme saillant visuellement (partie horizontale jaune en haut de la carte de saillance). Ensuite, les zones saillantes sont localisées de manière moins interprétable, sur l’Europe de l’ouest dans la carte de gauche et sur la mer Rouge dans la carte de droite de la planche d’origine. Une explication pourrait être la position des “taches” rouges contrastées (sur fond blanc) dans l’ordre de lecture gauche-droite puis haut-bas. C’est peut-être un biais de cet outil de simulation, à vérifier en comparant avec d’autres analyses de compositions graphiques.
On remarque aussi des valeurs faibles de saillance qui sont intéressantes, notamment sur les légendes (qui devraient pourtant être saillantes pour une bonne compréhension des images), et sur les pays en rouge du haut de la carte de droite (où le phénomène de vieillissement est important). Les dates des deux images ne sont pas saillantes du tout, ce qui rend la compréhension de la planche complexe.
En conséquence, pour améliorer l’efficacité de cette planche cartographique, on pourrait tester :
- une réorganisation de la mise en page (pour placer les cartes verticalement)
- un changement de la palette de couleurs des cartes ?
- une augmentation de la visibilité des légendes
- une augmentation de la visibilité des dates des deux cartes
Il restera à tester l’analyse sur ces nouvelles versions !
Enseignant-chercheur en géographie et géomatique, Univ. Toulouse-Jean Jaurès et UMR LISST-Cieu.
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16:20
Visualiser la première loi de la géographie de W. Tobler ? L’auto-corrélation spatiale
sur Carnet (neo)cartographiquePréambule : Ce travail s’inscrit dans le cadre des réflexions collectives menées dans le cadre du projet Tribute to Tobler – TTT. pour redévelopper les méthodes de Tobler dans des environnements contemporains de géovisualisation.
Ce billet présente le Notebook Autocorrélation Spatiale [accéder] – English version : Spatial Autocorrelationréalisé par Laurent Jégou (Univ. de Toulouse 2/UMR LISST) et publié le 14 mars 2023.
“I invoke the first law of geography: everything is related to everything else, but near things are more related than distant things.”
« J’invoque la première loi de la géographie : tout interagit avec tout, mais les objets proches ont plus de relations que les objets éloignés. » Tobler, 1970.
Cette fameuse phrase est énoncée par Tobler en 1970, dans un article intitulé “A computer movie simulating urban growth in the Detroit region” publié dans la revue Economic geography, 46(sup1), 234-240 et disponible en ligne [PDF].
Laurent Jégou indique que Tobler a lancé cette idée un peu comme une boutade lors d’une réunion de l’International Geographical Union en 1969, puis a creusé cette question dans un article de 1970. L’époque étant aux premières réflexions sur l’utilisation d’un ordinateur en géographie, cette hypothèse est devenue une question de recherche fertile, qui a produit de nombreuses autres publications. Elle était déjà apparue chez R.A. Fisher en 1935, mais n’avait pas connu le contexte favorable de la géomatique pour se développer.
Cette “loi” est à l’origine des concepts de dépendance spatiale, de pondération des distances d’effets et d’autres analyses du rôle de l’espace et des distances. Nous allons nous intéresser ici à une famille d’indicateurs qui sont directement liés à la notion de relations spatialisées : l’autocorrélation spatiale.
***
L’autocorrélation spatiale est le degré selon lequel les objets proches sont plus reliés entre eux qu’avec des objets lointains. Ainsi, elle mesure la façon dont la valeur d’une variable est semblable pour des objets spatialement proches.
***
La mesure de l’autocorrélation spatiale implique donc de disposer d’une variable spatialisée et d’une métrique de distance, une façon de tenir compte de l’espacement géographique entre les objets.
Plusieurs recherches ont proposé des indicateurs pour mesurer cette autocorrélation spatiale. Laurent Jégou présente d’abord les indicateurs globaux qui correspondent à une valeur unique pour l’ensemble de la zone d’étude. Il s’agit de l’indice de contiguïté de Geary, ou “C de Geary” (Geary, 1954) et le I de Moran (1950). Le carnet présente ensuite les indicateurs locaux, tels que les versions locales du I de Moran et du C de Geary (Geary local et Getis&Ord) ; enfin ceux développés dans le champs de l’économétrie spatiale par Anselin (1995) sous le nom de LISA : Local Indicators of Spatial Association.
Le carnet propose de visualiser l’utilisation de ces indicateurs, en utilisant un jeu de données statistiques sur les logements, les ménages et des jeux de test sur les départements métropolitains français (Sources INSEE et IGN).
En fin de carnet, une carte interactive interactive est proposée représenter les différents indicateurs proposés, en jouant sur leurs paramètres : ci-après ceux qui ont permis de réaliser la carte précédente sur la part de résidences principales en 2019.
Accéder à la version interactive pour réaliser une carte
Réalisation : Laurent Jégou, 2023
Références :
– Laurent Jégou (2023) Autocorrélation Spatiale, Notebook Observable.
– Waldo R. Tobler (1970), A computer movie simulating urban growth in the Detroit region, Economic geography
– Anselin, L. (1995). Local indicators of spatial association—LISA. Geographical analysis, 27(2), 93-115. en ligne : [https:]]
– Getis, A., & Ord, J. K. (1992). The analysis of spatial association by use of distance statistics. Geographical analysis, 24(3), 189-206., en ligne : [https:]]Voir aussi :
TTT dans Neocarto
La collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
L’espace de travail collaboratif de TTT : ./tributetotobler/Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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23:34
La vraie carte du monde (Chéri Samba)
sur Carnet (neo)cartographiqueSamba wa Mbimba N’zingo Nuni Masi Ndo Mbasi dit Chéri Samba est un monument de l’art contemporain africain au point où je ne sais plus si je chérie ce Samba parce qu’il en est un porte-drapeau, de la peinture noire d’aujourd’hui, ou bien parce que j’apprécie ses œuvres, certaines d’entre elles mobilisant des représentations cartographiques du monde. CQFD.
Chéri Samba émerge sur la scène artistique internationale en 1989, dans l’exposition Magiciens de la Terre qui avait présenté une centaine d’artistes contemporains « non occidentaux » à Paris : au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou et à la Grande Halle de la Villette, en même temps.
La vraie carte du monde est depuis lors très connue des férus de l’art contemporain africain. Acquise en 2012 par la Fondation Cartier pour l’art contemporain, cette œuvre a été notamment présentée en 2004, lors de l’exposition J’aime Chéri Samba ;, en 2011 lors de l’exposition Mémoires Vives et en 2015, lors de Beauté Congo 1926-2015 Congo Kitoko.
La Vraie Carte du Monde (200 x 300 x 3 cm) met en scène un auto-portrait de son auteur placé au milieu d’un planisphère évoquant celui de Peters, mais renversé et aplati dans son hémisphère sud. L’ensemble est présenté sur un fond sombre, bleu nuit qui semble traduire un environnement au froid intense, qui s’oppose à la chaleur de terres flamboyantes.
Le personnage apparaît comme incrusté dans la toile, au cœur même du planisphère. Il est vêtu d’un blouson aux motifs bleus (assortis au fond) qui évoquent un camouflage militaire ; il est surmonté d’un sweat-shirt zippé au ton blanc qui tranche à la fois avec le blouson et avec le col rayé de bandes rouge et noire.
A l’exception de quelques terres bleuies, situées aux confins de l’hémisphère sud, les pays du monde sont dans l’ensemble représentés dans un dégradé de tons chauds allant du rouge au blanc, jusqu’au jaune dans sa partie centrale.
La toile montre l’image d’un monde en feu en son cœur, qui pourrait logiquement évoquer l’urgence climatique contemporaine. Une urgence depuis laquelle émerge, tel un patriarche, un homme noir dénonçant en silence, avec un regard aussi profond que l’attitude et le sourire sont énigmatiques, le préoccupant état actuel du monde.
Chéri Samba indique qu’il a eu l’idée de faire cette carte après avoir consulté l’ouvrage Mes étoiles noires de Lilian Thuram, duquel il s’est senti proche et responsable.
C’est pourquoi il reprend un passage de l’ouvrage de Thuram qu’il mentionne telle une broderie, en fil blanc sur fond noir, au bas de la toile.
« Non, cette carte n’est pas à l’envers… Les cartes que nous utilisons généralement placent l’Europe en haut et au centre du monde. Elle paraît plus étendue que l’Amérique latine alors qu’en réalité elle est presque deux fois plus petite : l’Europe s’étend sur 9,7 millions de kilomètres carrés et l’Amérique latine sur 17,8 millions de kilomètres carrés. Cette présente carte questionne nos représentations. En effet, le géographe australien Stuart McArthur, en 1978, a placé son pays non plus en bas et excentré, mais en haut et au centre. Cette carte résulte aussi des travaux de l’Allemand Arno Peters, en 1974, qui a choisi de respecter les surfaces réelles de chaque continent. Il montre, par exemple, que l’Afrique avec ses 30 millions de kilomètres carrés, est deux fois plus grande que la Russie qui compte 17,1 millions de kilomètres carrés. Pourtant, sur les cartes traditionnelles, c’est le contraire… Placer l’Europe en haut est une astuce psychologique inventée par ceux qui croient être en haut, pour qu’à leur tour les autres pensent être en bas. C’est comme l’histoire de Christophe Colomb qui « découvre » l’Amérique, ou encore la classification des « races » au XIXe Siècle qui plaçait l’homme blanc en haut de l’échelle et les autres en bas. Sur les cartes traditionnelles, deux tiers de la surface sont consacrés au « Nord », un tiers au « Sud ». Pourtant, dans l’espace, il n’existe ni Sud ni Nord. Mettre le Nord en haut est une norme arbitraire, on pourrait tout aussi bien choisir l’inverse. Rien n’est neutre en termes de représentation. Lorsque le Sud finira de se voir en bas, ce sera la fin des idées reçues. Tout n’est qu’une question d’habitude. »
Cette longue citation accompagne ainsi la mise en scène par l’auteur de son auto-portrait pour souligner que c’est « L’Afrique qui fait que le Monde existe ».
L’auteur représente alors le continent noir telle qu’il le voit, selon ses dires. Il use pour cela d’une projection cartographique lui permettant de placer l’hémisphère sud au nord, et, de l’étendre de sorte qu’il occupe les trois quarts de la toile. Il balaie ainsi l’image usuelle du Monde renvoyée par la projection euro-centrée traditionnellement adoptée et qui permet à certains de se sentir injustement au-dessus des autres : « […] il y a des gens qui se croient supérieurs et qui se placent en haut alors que les autres sont placés en bas […]».
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Visiter l’exposition J’aime Cheri Samba présentée en 2004 à Paris par la Fondation Cartier.
En français sous titré en allemand.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:32
Je viens de ou bien je vais à Yaoundé ?
sur Carnet (neo)cartographique[UPDATE] 3 juin 2023.
L’ouvrage Villes enchantées coordonné par Raphaël PIERONI et Jean-François STASZAK a reçu le Prix du livre de géographie (étudiants, lycéens) 2023 !!! Un grand bravo !
Suis fière d’y avoir un peu participé avec la chanson dont il était question dans ce billet.Dans ce court billet, comme dans le texte auquel il fait référence, s’il n’y a point de cartographies, ni de cartes et ni même d’images, il est tout de même questions de migrations. Ces migrations diffèrent cependant de celles que j’ai maintenant l’habitude d’examiner, car elles sont locales et concernent le cœur de l’Afrique noire. Elles sont aussi décrites par le recours à une chanson.
Pour rédiger le texte Je vais à Yaoundé commentant la chanson éponyme, je suis donc sortie de ma zone de confort, pour mon plus grand plaisir tant l’exercice fut amusant et rafraichissant.
Nous vous invitons donc à contribuer à Villes enchantées. L’idée est simple : il s’agit de choisir une chanson qui évoque plus ou moins directement une ville, un lieu ou un espace urbain, et d’écrire un court texte qui en fait le commentaire, d’un point de vue géographique ou urbanistique, mais qui peut être très subjectif. Il peut s’agit d’un lieu réel ou fictif, spécifique ou générique.
En répondant favorablement et à chaud à ce message tambouriné de Raphaël Pieroni et Jean-François Staszak (Univ. de Genève) sur la liste des géographes francophones, je me suis retrouvée face au petit défi personnel d’écrire un texte sur une ville (ah bon ? ben oui) à partir d’une chanson (ah?!). Je fus immédiatement saisie d’une sorte de stress lié à un excessif engouement pour cette idée, qui m’avait pourtant plue d’emblée. Mais n’y avais-je pas répondu favorablement trop rapidement ?
Quelle ville allais-je donc choisir d’évoquer ? Et ensuite quelle chanson ? C’est pas comme si j’écoutais de la musique tous les jours…
Vu l’un des chefs d’orchestre que je ne connaissais que de nom, j’ai immédiatement pensé qu’il fallait que je choisisse une ville africaine. Dakar fut la première qui me vint à l’esprit, évoquée par l’artiste Youssou N’dour, dans From Village to Town – un album que j’aime beaucoup -. Si ce texte pouvait convenir dans un contexte d’écriture professionnel, je ne trouvais pas l’idée satisfaisante pour deux raisons principales. La première est que les travaux sur l’Afrique subsaharienne/noire portent quasi exclusivement sur la belle et majestueuse Afrique de l’ouest : le Sénégal, le Mali, le Niger (mais moins le Nigéria), la Mauritanie et ainsi de suite. L’Afrique centrale m’apparaît (depuis quelques temps déjà) comme le parent pauvre de ces travaux sans que je sache vraiment pourquoi (enfin, je peux le deviner, mais je n’en suis pas spécialiste). La seconde raison est que je me suis étrangement sentie comme obligée d’écrire quelque chose sur Yaoundé, alors que j’avais initialement pensé à Dakar, et que, maintenant, je pensais aussi à Lagos. Ce choix de Yaoundé m’a questionné. pourquoi Celui-là ? C’est bizarre comme je m’assigne ici, moi-même, toute seule, une obligation de choisir cette ville, dont je savais qu’elle me renverrait immédiatement à une identité d’appartenance quasi exclusive à cette sous-région d’Afrique noire, alors que ce n’est pas le cas. Est-ce que les autres auteurs et autrices de cet ouvrage allaient choisir leur ville à chanter/enchantée en fonction d’un sentiment d’appartenance ? Pourquoi je fais cela ? Tout de suite, à l’heure ou j’écris ces lignes, je ne me sens même pas, ou même plus de Yaoundé d’où je suis partie il y à plus de trente ans, après y avoir vécut quelques treize années de ma vie. Bref.
Ayant par ailleurs la conviction qu’il n’allait pas y avoir beaucoup de textes sur des villes africaines, j’ai donc réfléchi à une chanson sur Yaoundé. Laquelle choisir ? Comme cette chanson devait être “populaire” et qu’il fallait que je puisse écrire dessus, mon esprit s’est rapidement arrêté sur Je vais à Yaoundé de André-Marie Talla. Mais était-elle assez populaire pour le public européen occidental auquel l’ouvrage m’apparaissait se destiner ? Pour moi, en tous cas, elle l’était et c’est gaiment que je soumettais peu après l’appel, ma proposition de ville enchantée.
La réponse ne se fit pas attendre.
Les coordinateurs de l’ouvrage ayant accueilli favorablement mon idée, je me lançais dans la soirée qui suivi à l’écriture de ce court texte d’environ 700 mots, portant sur les mobilités des espaces ruraux vers les centres espaces urbains, dans le Cameroun des années 1975/1980.
Extraits
Lire la suite dans… Villes enchantées. Chansons et imaginaires urbains, pages 108-109.
ou le manuscrit auteur déposé dans HAL
Référence : Françoise Bahoken (2022), Je vais à Yaoundé, André-Marie Tala (1975), in : Raphaël Pieroni et Jean-François Staszak (coord.), Villes enchantées. Chansons et imaginaires urbains, Georg Editor, Seine-Bourg (Suisse), pp. 108-109.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:45
UN AUTRE MONDE en carte est-il possible ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLes cartes à l’échelle mondiale contribuent à la construction de nos représentations mentales du monde. Si le rôle des projections a souvent été étudié, le choix plus ou moins contraint de la maille étatique ne contribue pas moins à construire une vision particulière du monde marquée par l’existence de discontinuités au niveau des frontières nationales et de situations homogènes à l’intérieur des pays. Or dans bien des cas les phénomènes qui structurent l’espace mondial ont finalement peu de sens à l’échelle nationale tandis que le poids des États dans les représentations du monde nuit à la prise en considération des enjeux globaux.
Clarisse Didelon-Loiseau etal (2017)
C’est ainsi que commence un papier que j’aime bien intitulé UN AUTRE MONDE ? Cartographier le monde sans frontière : enjeux méthodologiques et sociaux publié en 2017 par Clarisse Didelon-Loiseau (Univ. Panthéon Sorbonne Paris 1), Christian Vandermotten (Univ. Libre de Bruxelles/IGEAT) et Christian Dessouroux (Univ. Libre de Bruxelles/IGEAT & metrolab), pour présenter le fond de carte du monde qu’elles ont construites afin que la cartographie mondiale se départisse des limites politico-administratives nationales.
En effet, sans s’inscrire dans une posture géopolitique effective ou militante, les autrices, et plus généralement les cartographes, enseignantes et/ou chercheuses qui s’intéressent au niveau mondial peuvent souhaiter également dire ou produire un discours géo(carto)graphique neutre, indépendant des contingences politiques.
Aussi peuvent-elles être intéressées par une cartographie du monde qui ne s’appuie pas sur les frontières étatiques reconnues par les Nations unies – de la même façon qu’elles peuvent souhaiter ne pas systématiquement mobiliser une projection de leur données sur un fond de carte de type Mercator.
En effet, à petite échelle et à des fins de comparaisons entre territoires, pour une étude au niveau mondial, ce n’est pas tant la finesse de la maille d’observation qui intéresse que sa capacité à rendre compte de phénomènes globaux, pour eux-mêmes, c’est-à-dire hors du cadre étatique imposé par les représentations classiques. Dis comme cela, la maille qui va servir de support à la représentation cartographique peut alors poser problème.
C’est pourquoi Clarisse Didelon-Loiseau et ses collègues ont proposé en 2017/2018 un découpage infranational du monde autorisant des analyses sur des entités comparables et harmonisées en termes de population et no seulement de surface.
La partition du monde qu’ils proposent pour affiner la cartographie de phénomènes mondiaux est la suivante.
Exemple de maillage territorial infranational mondial
proposé par Didelon-Loiseau et al. (2017)La méthodologie de partitionnement des états pour la construction de différentes versions de ce fond de carte et de la base de données associée est présentée dans deux articles accessibles librement (voir références).
La représentation non étatique autorise ainsi l’émergence de nouvelles hypothèses à des niveaux infranationaux cohérents mettant au jour de nouvelles discontinuités dans les phénomènes étudiés, discontinuités non liées à l’existence des frontières étatiques.
Jugez-en par vous mêmes sur les cartographies suivantes de la même donnée de densité de population en 2013.
La densité de la population mondiale en 2013 – niveau national
Source : C. Didelon-Loiseau et al (2017)
La densité de la population mondiale en 2013 – niveau infranational
Source : C. Didelon-Loiseau et al (2017)
Le changement de maillage a un effet net sur la représentation des densités de populations, en offrant une vision plus nuancée de la répartition de la population et, surtout, qui fait fi de la maille nationale.
Ce qu’il me semble vraiment intéressant de souligner ici, avec cet exemple, c’est le côté arbitraire des frontières nationales systématiquement mobilisées au niveau mondial, alors qu’elles agissent comme un carcan et sont globalement insuffisantes pour représenter des phénomènes socio-économiques discrets (le problème ne se pose pas de la même façon pour représenter des phénomènes physiques), masquant les spécificités locales, les discontinuités, etc. Attention, cela ne signifie pas que les États ne soient pas pertinents, seulement que le partitionnement du monde qu’ils imposent ne constituent qu’une vision, parmi d’autres des phénomènes sociaux-économiques mondiaux.
Ce problème d’adéquation du fond de carte au phénomène à représenter et au discours sous-jacent n’est absolument pas nouveau, tout comme les représentations à l’échelle mondiale du monde. De même que sur le plan méthodologique, la question nouvelle, puisque ce sujet de la maille d’observation est un effet du problème classique des unités spatiales modifiables (MAUP).
C’est pourquoi les autrices précisent que, à la différence des méthodes alternatives de représentation de type cartes carroyées, par points, lissées, cette proposition de choroplèthe infra nationale (le maillage restant discret) « permet de localiser correctement les valeurs des densités (au contraire des cartes par points) mais aussi et surtout de pouvoir cartographier d’autres données (au contraire des cartes en carroyage) » ; elles proposent alors de cartographier le PIB par habitant PPA sur leur fond.
Pour conclure, ce fond permet de réduire au maximum l’hétérogénéité ou l’homogénéité fallacieuses des images du monde qui pourraient résulter des cartographies réalisées sur des fonds de carte caractérisés par de trop grandes inégalités de tailles des mailles, selon les pays. Cela s’inscrit dans l’objectif bien connu de Clarisse Didelon-Loiseau de promouvoir le niveau Monde comme échelle d’analyse pertinente de phénomènes économiques et démographiques et de montrer que cette échelle peut faire sens comme territoire global d’analyse d’un certain nombre de questions.
[Message personnel] Ayant eu la chance de pouvoir tester ce fond de carte, je pense que ce serait bien qu’il puisse être mis à disposition quelque part, afin que celles et ceux, bien sûr, qui réalisent des cartographies mondiales puissent s’en emparer et proposer d’autres visions du monde par la carte.
Références :
– Clarisse Didelon-Loiseau, Christian Vandermotten et Christian Dessouroux, 2017, UN AUTRE MONDE ? Cartographier le monde sans frontière : enjeux méthodologiques et sociaux, Le Monde en cartes, Revue du Comité français de cartographie, n° 234. [Accéder]
– Christian Vandermotten, Clarisse Didelon-Loiseau, Christian Dessouroux. Une représentation cartographique du monde au-delà de la contrainte des frontières étatiques. CIST2018 – Représenter les territoires / Representing territories, Proceedings du 4e colloque international du CIST, Mar 2018, Rouen, France. pp.628-634. ?hal-01854520?Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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11:10
Quelle est la meilleure ligne ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLes nouveaux environnements de représentation graphique interactive sont tout à fait intéressants et prometteurs pour cartographier des données localisées à différentes échelles. Si les efforts ont – et cela est logique – d’abord porté sur la représentation d’agrégats à des échelles locales ou internationales, moyennant différents systèmes de reprojections, ce que l’on sait encore moins, c’est qu’il est désormais possible de représenter d’une part, des données non agrégées et/ou d’autre part, des données localisées qui mettent en relation des lieux. Autrement dit, des données décrivant des échanges entre un système de lieux ou une trajectoire individuelle issue d’un enchaînement chronologique de lieux.
L’objet de ce billet est d’examiner les modalités d’automatisation de la cartographie d’une trajectoire individuelle, dans l’environnement d’Observable. La trajectoire mobilisée est réelle, il s’agit du parcours qu’une migrante a effectué entre le Cameroun et la France de 2015 à 2018. Les données mobilisées sont issues d’entretiens réalisés par Camille Schmoll et qui ont été mis en cartes par Nicolas Lambert, pour représenter la migration de Julienne, sur une carte publiée dans l’ouvrage Les damnées de la mer.
Cartographier une trajectoire individuelleLes éléments nécessaires pour cartographier une trajectoire nécessitent une connaissance a minima de l’enchaînement des lieux dans l’espace et dans le temps, en l’occurrence de leurs coordonnées dans un espace-temps. Ainsi, indépendamment des considérations liées à l’individu analysé lui-même, pour chacun des trajets, il est nécessaire de disposer d’une :
– position en X du lieu d’origine ;
– position en X du lieu de destination ;
– position en Y du lieu d’origine ;
– position en Y du lieu de destination ;
– position en T des couples de lieux d’origine et destination ;Il est important de noter que ces positions sont mesurées dans un espace mathématique, géométrique pour les besoins de la représentation, mais qu’il n’est pas nécessairement euclidien.
Le récit des trois années de voyage de Julienne vers la France était ponctué de lieux de résidence et de transit, dont il a été possible de reconstruire la trajectoire euclidienne à partir de leurs coordonnées (X,Y). La composante temporelle de la représentation a, quant à elle, été mise en œuvre différemment en fonction du support de la carte : c’est le temps du voyage qui a été représenté sur la version statique de la carte, tandis que c’est plutôt le temps de l’animation qui a été mis en œuvre sur sa version interactive.
Approche statique de la cartographie d’une trajectoire migratoireDans la version statique de la carte en deux dimensions de Julienne, le temps du phénomène est cartographié de manière usuelle (voir réf.). L’espace étant représenté sur les deux composantes du plan (X,Y), comme l’indique Bertin, « il n’y a plus de composante plan pour représenter le temps ». C’est pourquoi le plan temporel est alors transformé en attribut ou caractère du lieu concerné, par exemple une durée de présence, qu’il est alors possible de représenter graphiquement, directement sur la trajectoire.
Formalisation de la cartographie du temps dans l’espace
C’est parce que la géographie du parcours incluant les lieux étapes est la focale d’observation du phénomène observé que la représentation met ici l’accent sur les lieux, d’où le choix de la carte et pas d’un diagramme symbolisant le temps (dans l’espace).
Cartographie du parcours illustrant la vie de Julienne, entre 2015 et 2018.
La temporalité de la migration de Julienne est toutefois représentée selon deux modalités :
- par la figuration de la durée de présence, passée aux différents lieux mentionnées, par un cercle proportionnel au temps passé ;
- par la symbolisation de la durée du voyage en lui-même, sur un axe vertical croissant (symbolisant le temps qui passe) et à lire dans le sens du trajet effectué depuis le Sud (Yaoundé, au Cameroun) vers le Nord (Caen, en France).
On observe ainsi que si la partie la plus longue du voyage (en termes de distance-temps) concerne la partie africaine (entre Yaoundé et Zouara), compte tenu du tracé effectué, c’est également apparemment la plus fluide au sens où les arrêts sont moins longs et moins fréquents. Les extraits de récits apposés sur la droite de la carte décrivent les difficultés qui surgissent dès l’entrée en Lybie et jusqu’en Europe, les temps d’attente, etc..
Ces modalités de la représentation du temps sur une carte ne sont pas les seules possibilités envisageables, il était également possible de le représenter, par exemple, sur le modèle de la « bande-dessinée », en réalisant autant de cartes que d’étapes renseignées dans le récit.
Formalisation de la cartographie de l’espace dans le temps
Aujourd’hui, il est également possible de représenter cette spatio-temporalité de la migration de manière animée et interactive. Cependant, dans la version géonumérique proposée ci-après, le temps qu’il a été choisi de représenter est celui de la représentation et non celui du phénomène en lui-même.
Cette apparente restriction se justifie – s’il fallait le faire – , par la nécessité d’explorer ici les possibilités de représentation du mouvement du voyage offertes par le support numérique, en particulier celui du carnet observable.
La vie de Julienne (2015-2018) – extrait
Ainsi, la migrante est symbolisée par un mobile animé qui se déplace le long d’une trajectoire dont on va observer des modalités de dessin, car, à ce stade, ce n’est pas tant le parcours de vie sensible dont il est question que les modalités de la transcription cartographique de son voyage.
Approche interactive reproductible de la cartographie d’un voyageLe passage à la version géonumérique interactive permet en effet d’explorer les différentes possibilités de mise en relation des lieux pratiqués par l’individu concerné. Le cheminement exact entre les lieux n’étant pas connu avec précision – ie les réseaux ou les modes de transport utilisés, n’étant pas précisés – seule une représentation approximative plus ou moins fine du voyage peut être réalisée.
Si sur la carte statique le tracé de la ligne est réalisé manuellement et par conséquent approximé et non reproductible, sur sa version géonumérique, le même tracé est automatisé, par conséquent reproductible (en plus d’être également approximé).
L’approximation tient en réalité au type d’interpolation de la ligne à mettre en œuvre entre les points pour figurer le déplacement entre les lieux. Si plusieurs possibilités sont envisageables, toutes les propositions ne semblent cependant pas adaptées au phénomène à représenter.
Exploration des modalités de cartographie d’une ligne symbolisant une trajectoire individuelle
Sélectionnez un type de courbe
et explorez le changement de la morphologie de la ligneSource : N. Lambert, 2021
Sur le choix de l’interpolation de la ligne dans l’interprétation qualitative de la migration réaliséeA l’échelle de la représentation, on pourrait penser que le choix de l’interpolation importe finalement assez peu pour la connaissance de cette migration, que seule la vision d’ensemble de la trajectoire pourrait compter puisque le tracé ne saurait être précis par définition. Certes, en l’absence de connaissance sur le type de route, ce qu’il est importe de géovisualiser c’est bien à la fois l’allure générale de la courbe, sa longueur, sa forme et ses discontinuités qui peuvent intervenir localement, en fonction du contexte socio-géo-économique de la migration (type de lieux, expérience au lieu, etc.) que ce qui se passe en un lieu en particulier (pour cela, il eut fallu changer de niveau d’observation, changer d’échelle).
Les ruptures apparentes de la ligne révèlent en effet soit les temps d’attente/durées passées ou de présence aux lieux et/ou soit des bifurcations dans le parcours. La ligne suggère également, par sa forme, un déplacement plus ou moins rapide (avec peu de pauses), plus ou moins agréable. Une ligne courbe, par exemple suggère probablement un tracé effectué en douceur, insinuant un déplacement ludique, agréable, à l’inverse d’une ligne accidentée, angulaire qui suggèrerait un tracé moins agréable.
La forme de la ligne représentant un déplacement n’est donc pas si anodine que cela, au contraire. Son tracé, bien que très formalisé et automatisé, pourrait également être une manière de révéler la difficulté du parcours, la pénibilité du déplacement, la complexité du voyage, sa longueur … tout comme la vitesse de progression vers la destination finale projetée peut être appréhendée.
Enfin, outre l’analyse sur la sémantique de la géométrie de la trajectoire, l’automatisation et son caractère aisément reproductible ici pourrait peut-être permettre de cartographier simultanément plusieurs trajectoires, migratoires en l’occurrence, à des fins d’analyse comparative de leurs routes, par exemple.
Références :
– Camille Schmoll, 2021, Les damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerranée, Éditions La découverte, Cahiers Libres.
– Nicolas Lambert, 2021, mapping a route (from some gps coordinates), Carnet Observable.
– Françoise Bahoken, 2021, La représentation graphique de narrations de mobilités spatiales, aspects formels, In : Comment cartographier les récits / Mapping Methodologies. Éditions de l’UMR Territoires, 22 p, 2021. ?hal-03346211? -
18:33
[Book] Communication cartographique
sur Carnet (neo)cartographiqueLe domaine « Géographie et Démographie » de l’encyclopédie SCIENCES ISTE dirigé par Denise PUMAIN, vient de publier un des quatre[1] volumes qu’il consacre au champs de la cartographie, coordonné par Colette CAUVIN-REYMOND, cartographie qu’elle appréhende en tant que discipline scientifique et artistique (Robinson, 1952, 1953 cité par Cauvin-Reymond, 2021), incluant tous les types de cartes apparus au cours du temps
Le volume dont il est question ici porte sur la fonction de communication d’informations de et par la carte contemporaine, à savoir celle qui est souvent qualifiée aujourd’hui de géovisualisation, et qui, si elle émerge à la fin des années 1950 (Tobler, 1959, 1966) prend sa figure actuelle à partir de 2010, avec le démarrage effectif du web, pus précisément du géoweb.
Cet ouvrage collectif a été coordonné par Boris MERICSKAY (ESO, Université de Rennes 2) et préfacé par Colette CAUVIN-REYMOND (LIVE, CNRS, Université de Strasbourg).
Lire l’avant propos et l’introduction proposés en accès libre sur le site de l’éditeur.
Ce volume est composée de 7 chapitres qui, tous, proposent, d’après B. Mericskay « des clés de lecture et de compréhension des enjeux relatifs à la transmission des informations spatiales par le biais de cartes à l’heure du numérique et du Web. Il décrypte les usages et les enjeux communicationnels des cartes d’aujourd’hui et offre un panorama des questions de communication cartographique, de sémiologie graphique et de géovisualisation en mobilisant des apports théoriques, conceptuels et méthodologiques issus de divers champs de recherche. »
Une image valant mille mots [n’est-ce-pas ?], les différents chapitres sont présentés ci-dessous à l’aide d’une sélection de trois documents cartographiques ou images, mais qui ne sont pas nécessairement représentatifs de l’ensemble de leurs contenus tant ils sont riches d’informations.
Chapitre 1. Christine ZANIN – Les facettes du cartographe : une communication entre règles et séduction
Chapitre 2. Laurent JÉGOU – La cartographie comme moyen de communication : réflexions autour de modèles
Chapitre 3. Nicolas LAMBERT, Timothée GIRAUD et Ronan YSEBAERT – Enjeux de communication dans la multireprésentation cartographique reproductible
Chapitre 4. Françoise BAHOKEN – Cartographier des flux et des mouvements
Chapitre 5. Matthieu NOUCHER – La communication cartographique sur le Géoweb : entre cartes et données
Chapitre 6. Boris MERICSKAY – Repenser la cartographie sur le Géoweb : principes, outils et modes de représentation
Chapitre 7. Sidonie CHRISTOPHE – Géovisualisation et communication cartographique : style et interaction
« Puissent ces [quatre] livres aider chacun [spécialistes et non spécialistes de la cartographie] à être conscient de ce qu’il produit et à utiliser tous ces outils avec discernement. »
Colette Cauvin-Reymond, 2021.____
Les illustrations ont été sélectionnées par B. Mericskay et préalablement publiées sur son compte Twitter (Voir ici).
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[1] Les trois autres volumes portant sur la cartographie sont consacrés à 1) l’histoire de la cartographie, à 2) l’information géographique et à la cartographie et aux 3) traitements et à la cartographie de l’information géographique.
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Références :
Mericskay B. (coord.), 2021, Communication cartographique : sémiologie graphique, sémiotique et géovisualisation, © ISTE Editions 2021. AccéderRobinson, A.H. (1952). The look of maps. An examination of cartographic design. Thèse de doctorat, Université de Wisconsin, Madison.
Robinson, A.H. (1953). Elements of cartography. Wiley, New York.Tobler, W.R. (1959). Automation and Cartography. The Geographical Review, 49(4), 526–534.
Waldo Tobler (1966). L’automation dans la préparation des cartes thématiques. International Yearbook of Cartography, 6, pp.81-93, 1966.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:00
GEOVISU : Cartographie des trajectoires socio-spatiales et psycho-cognitives
sur Carnet (neo)cartographiqueLe 15 et 16 novembre 2022, s’est tenu à la MSH de Poitiers, les ateliers Géovisu en partenariat avec le Labex SMS de Toulouse. Cet atelier, co-construit avec l’UMR Migrinter était en mode hybride entre Toulouse et Poitiers.
Géovisu ? Késaco ?
Menées sous forme d’ateliers pratiques, Géovisu portent sur les techniques de représentation (carto)graphique (statique ou interactive). A partir de matériaux très complexes collectés par des chercheur.es, doctorant.es ou ingénieur.es, un petit collectif (à géométrie variable) s’interroge sur les types de représentations possibles. Ces réflexions s’inscrivent alors dans une démarche de recherche sur la structuration des données, la sémiologie graphique et la représentation de certains objets très souvent cartographiés dans les cartes qualitatives mais aussi quantitatives.
La cartographie des trajectoires socio-spatiales et psycho-cognitives s’inscrit dans une thématique plus large et connue du cartographe : la cartographie des récits de vie et leur incertitude.
L’atelier a débuté avec trois présentations, posant les bases ou jalons méthodologiques et bibliographiques de ce type de cartographies :
- Anne-Christine Bronner (UMR SAGE, Strasbourg) : Du récit migratoire à la carte : une chaîne de transformations
- Christine Plumejeaud (UMR MIGRINTER, Poitiers) : A la croisée des cartographies narratives, participatives, sensibles, interactives et multi-médias
- David Lagarde (Chercheur associé à l’UMR LISST, Toulouse) : Visualiser des parcours migratoires à partir de récits de migrants, le cas des réfugiés syriens.
Du récit migratoire à la carte : une chaîne de transformations
(A.-C. Bronner)Suite à ces présentations, doctorant.es et chercheur.es ont présenté leur matériaux de recherche et les verrous méthodologiques qu’ils ou elles rencontrent.
Puis, la plasticienne Armelle Caron nous a présenté son travail sur la couleur et les souvenirs qu’elles évoquent pour nous : Le surgissement du bleu. Un archivage chromatique de lieux. L’artiste dispose d’une application qui permet de recueillir des souvenirs de couleurs de tout un chacun : https://armellecaron.fr/couleurs/
La couleur est-elle l’objet du souvenir ? Et comment ces couleurs vont dessiner une cartographie colorée du monde. Du plus intime au plus partagé, cette collection sera pour moi une banque de données pour la future résidence.
Son travail s’inscrit indirectement dans la cartographie du sensible et nous questionne, nous cartographes, dans le sens a donner aux couleurs dans la représentation de ces trajectoires psycho-cognitives.
Après un temps de discussions libres où chacun essaie de comprendre les problématiques, sujets et problèmes rencontrés, plusieurs petits groupes se sont constitués autour de chaque verrou/sujets de recherche identifié.
Cela a donné lieu à de beaux temps d’échanges, constructifs et enrichissants, pour notre public de chercheur.es et doctorant.es.
Exemple 1 : Brainstorming autour de données socio-urbaines sur les trajectoires d’individus
Exemple 2 : Réflexion autour d’un corpus de données très variées
Des Post-it, des feutres et des idées pleins la tête !
A la fin de ces deux journées, chacun des participants repart la tête plein d’idées (et des étoiles plein les yeux…) avec des solutions possibles pour leur sujet d’étude.
Mais au-delà de tout cela, ces deux journées ont permis des échanges fructueux et de vrais temps de discussion entre cartographes et chercheurs.
Géovisu saison 3 prend fin pour cette année 2022 et finit en beauté à Poitiers. Un grand merci à Christine Plumejeaud qui nous a accueilli à Poitiers et à co-construit cette séance.
Une saison 4 est en cours de préparation !
Bibliographie
Anne-Christine Bronner, « Conjuguer géomatique et design : Châto-Carto, cartes sensibles de Wangenbourg-Engenthal », Mappemonde DOI : [https:]]
Caquard, S., Cartwright, W., 2014. Narrative Cartography: From Mapping Stories to the Narrative of Maps and Mapping. The Cartographic Journal 51, 101–106. https://doi.org/10.1179/0008704114Z.000000000130
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14:27
Une occupation théorique du sol basée sur le nombre d’habitants
sur Carnet (neo)cartographiquePréambule : Ce travail s’inscrit dans le cadre des réflexions collectives menées dans le cadre du projet Tribute to Tobler – TTT. pour redévelopper les méthodes de Tobler dans des environnements contemporains de géovisualisation.
Ce billet est une traduction libre en français du Notebook Theoretical Landcover [accéder] réalisé par Philippe Rivière (Visions Carto) et publié pour le #30DayMapChallenge de 2021 : Day27-Land.
La surface bâtie et le rayon équivalent des agglomérations peuvent être estimés avec une grande précision à partir de la connaissance du nombre d’habitants. Waldo R. Tobler (1969).
Cette citation de Tobler est extraite de l’article “Satellite Confirmation of Settlement Size Coefficients” publié par l’auteur en 1969, dans le Journal Area [PDF]) qui permet de représenter l’occupation du sol théorique d’une zone en la déduisant de l’effectif de sa population.
Le principePour calculer l’emprise d’une ville, Tobler construit une formule simple : le rayon r (en kilomètres) d’une ville donnée, avec une population P (d’habitants), considérant qu’il peut être approximé statistiquement par :
r=aPbr = a P^br=aPboù les coefficients a=0.035a et b=0.44
Avec cette formule, la ville de Chicago, par exemple, qui présente une population de 8,604,203 personne obtient un rayon attendu de 39 km (24 miles) – ce qui correspond à une surface bâtie de 4 873 km².
Nous pouvons maintenant cartographier le résultat de cette formule, les espaces bâtis correspondants de différentes villes en rouge, et ceux des villes de voisinage en orange. On obtient alors une image théorique de l’occupation du sol américain basée sur le nombre d’habitants :
Carte 1. Occupation théorique du sol américain
Accéder à la version interactive pour paramétrer le style de la carte
Réalisation : Philippe Rivière, 2021.
La méthodeLes données relatives à la population et à la localisation de 28 338 villes des États-Unis proviennent du site : simplemaps.com/data/us-cities.
Les points rouges correspondent au modèle de Tobler, appliqué ici directement. Ainsi, les villes situées sur les côtes voient une partie de leur espace “bâti” se perdre dans l’océan. Les autres teintes renseignent sur d’autres usages du sol, par l’agriculture intensive, par exemple, autour des agglomérations – avec une échelle que Philippe Rivière a inventée.
Ce modèle de répartition territoriale de l’occupation du sol américain est-il correct ?
Si l’occupation terrestre semble dans l’ensemble conforme à la réalité, ce n’est probablement pas le cas dans les détails.
Une question plus intéressante est alors de comparer l’étendue réelles des villes à ce modèle théorique, et de voir quelles sont celles qui diffèrent de ce modèle théorique, en particulier celles dont l’extension spatiale est importante, ce qui témoignerait d’un besoin de densification des logements.A noter que la recherche dans ce domaine est toujours en cours. Pour des référentes récentes, lisez:
– Rémi Lemoy & Geoffrey Caruso (2020), Evidence for the homothetic scaling of urban forms, EPB : Urban Analytics and City Science, Vol. 47(5) 870-888,– Rémi Lemoy & Geoffrey Caruso (2021), Radial analysis and scaling of urban land use, Nature Scientific Reports, 11:22044.
Références :
– Philippe Rivière (2021) Theoretical Landcover, Notebook Observable.
– Waldo R. Tobler (1969), Satellite Confirmation of Settlement Size Coefficients, Area Journal, 1(3):30-34.Voir aussi :
TTT dans Neocarto
La collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
L’espace de travail collaboratif de TTT : ./tributetotobler/Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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22:02
[Expo] Lames de fond… du trafic maritime
sur Carnet (neo)cartographiqueQuelques lignes pour présenter le travail artistique de Capucine Vever réalisé lors d’une résidence au Sémaphore du Créach’ sur l’île de Ouessant, été 2018, association Finis Terrae.
Capucine Vever s’intéresse à l’esthétique de la data, notamment à la celle de la flowmap. Elle cartographie les flux issus du trafic et des circulations maritimes, comme les cartographes. Quel bonheur. Qui avait dit que tous les cartographes n’étaient pas des artistes ? Ou qu’un travail artistique ne participait pas de la cartographie ? Je plaisante, c’est juste pour voir si vous, oui vous, le lecteur ou la lectrice, suivez.
Quoi qu’il en soit, le travail de Capucine Vever magnifie l’effet spaghetti de ces données de flux, si tant est qu’elles en avaient besoin. Ses cartes sont bel et bien une représentation d’une réalité qui prend la forme d’un affichage simple et pur, épuré, de ces trajectoires de navires observées grâce au système AIS.Source : 01_LAME de FOND_VEVER_DSC0469_credit_R_Fanuele_web.
https://www.capucinevever.com/lame.phpReprésentées à un niveau mondial, les lignes noires par ailleurs présentées sur le fond blanc de neuf tableaux, au cadre en bois clair, dessinent un motif bien connu des cartographes, n’est-ce pas ? : les traits de côtes ou contours des terres émergées. L’enchevêtrement des lignes décrites avec une densité plus ou moins importante invite forcément à la comparaison. Pourquoi ? Tant que ça ? Elle signe aussi l’une des caractéristiques fortes d’une mondialisation contemporaine structurée par ces routes (les voies maritimes) qui permettent une circulation incessante de biens.
A noter que l’artiste va plus loin, en gardant la mémoire de ces circulations sur une plaque de cuivre…A explorer en ligne par ici…
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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7:16
Pycno map : Interpolation pycnophylactique d’une choroplèthe
sur Carnet (neo)cartographiquePréambule : Le travail réalisé ici sur les cartes choroplèthes s’inscrit dans le cadre des réflexions collectives menées dans le cadre du projet Tribute to Tobler – TTT. pour redévelopper les méthodes de Tobler dans des environnements contemporains de géovisualisation.
Ce billet est une traduction libre en français du Notebook Ann Arbor pycnophylactic [accéder] réalisé par Philippe Rivière (Visions Carto) et publié pour le #30DayMapChallenge de 2021 : Day26-Choropleth. Il fait écho au Notebook Choropleth Map without intervals? réalisé par Laurent Jégou [accéder] et présenté ici.
ContexteLes cartes présentées ci-après sont un développement en .JS dans l’environnement Observable de la méthode Pycnophylactique de Tobler, initialement présentée dans l’article suivant : Tobler, W.R. (1979) Smooth Pycnophylactic Interpolation for Geographical Regions. Journal of the American Statistical Association, v74(367) pp. 519-530.
Cette méthode pychno permet de réaliser une carte choroplèthe lissée, témoignant d’une vision continue de l’espace géographique.
A l’inverse, la lecture également dans Observable des cartes choroplèthes sans intervalles de Tobler, réalisée par Laurent Jégou (voir) s’appuie sur cet article antérieur de l’auteur : Waldo R. Tobler (1973) Choropleth maps without class intervals. Geographical analysis, 5(3), 262-265, qui inscrit la carte choroplèthe dans une approche discrète de l’espace géographique.[Les ajouts ou commentaires à la traduction du texte suivant sont placés entre crochets].
Philippe Rivière indique dans son Notebook reproduire ici une autre des expériences de cartographie de Waldo Tobler, dans les termes suivants.
Dans ce cas, nous commençons par la répartition de la population à Ann Arbor (Michigan), que nous représentant (comme il se doit [dans le respect strict des principes de la sémiologie cartographique]) sous la forme d’une carte choroplèthe (en lire la définition dans l’encyclopédie en ligne Hypergéo) de la densité de population, en divisant le nombre absolu de personnes recensées dans chaque secteur de recensement par la superficie du secteur.
Ann Arbor choropleth map, Philippe Rivière (2021)
Sur cette carte, nous allons projeter une distribution arbitraire de points de contrôle [caractérisant l’implantation spatiale géométrique des données](utilisez le formulaire ci-dessous pour modifier et afficher ces points de contrôle. [dans la version interactive de la carte, l’utilisateur à le choix entre plusieurs types de spatialisation des points]. Il peut s’agir [d’un maillage selon] une grille [de mailles régulières carrées], une grille hexagonale, une distribution de type poisson… tout ce que vous jugerez convenable !
Réallocation pycnophylactiqueLa procédure de réaffectation pycnophylactique [définie par Tobler] est une méthode de lissage d’une carte choroplèthe, [par définition discrète, pour la transformer] en une surface continue, en réaffectant chacun des individus (habitants) à un ou plusieurs de ces points de contrôle.
Deux contraintes se posent :
– tous les points de contrôle ont une valeur non négative (il n’existe pas d’endroits présentant moins de 10 individus ) ;
– la somme des valeurs de tous les points de contrôle dans une maille donnée est égale au nombre total d’habitants de cette zone (personne n’est réaffecté à une zone différente de celle où il a été enquêté par le recensement).En plus de cela, nous devons décider d’une condition de limite :
a) la ville est-elle entourée d’espaces “vides” ? si tel le cas, la condition aux limites consiste à attribuer la valeur fixe 0 à chaque point inconnu (ce cas est appelé la condition de Dirichlet) ;
b) ou bien est-elle “similaire à la zone connue la plus proche” ? dans ce cas, nous voulons que le changement de valeur soit minimal (c’est la condition de Neumann).Dans notre étude, nous choisissons la condition de Dirichlet et ignorons alors tout habitant des environs de la maille analysée.
Algorithme d’allocation pycnophylactiqueNotre algorithme commence par associer chaque point de contrôle à l’une des mailles (et indéfinie s’il se trouve en dehors de la zone considérée).
Nous créons ensuite un graphe de voisinages en utilisant la fonction d3-geo-voronoi.
La population totale de chaque secteur de recensement est donnée par le champs CY7001 du fichier GeoJSON.
Nous pouvons à présent pré-remplir un tableau des valeurs de chaque point, en commençant par cette [valeur de population] divisée par le nombre de points qui appartiennent à la zone. A chaque étape du calcul, nous réallouons les nombres de voisins en voisins, de manière à lisser la distribution. Cela en appliquant également les deux contraintes. (Et, pour la condition limite de Dirichlet, nous ignorons simplement les points présentant une valeur NaN [c’est-à-dire nulle]).
Réalisation : Philippe Rivière (2021)
Références :
Philippe Rivière (2021), Ann Arbor Pycnophylatique. Notebook Observable.
Waldo R. Tobler (1979) Smooth Pycnophylactic Interpolation for Geographical Regions. Journal of the American Statistical Association, v74(367) pp. 519-530
Waldo R. Tobler, Laurent Jégou (1973), Des cartes choroplèthes sans classes?. 2022.
Waldo R. Tobler (1973). Choropleth maps without class intervals. Geographical analysis, 5(3), 262-265.
Laurent Jégou (2020), Quantiles vs continuous choropleths maps, Notebook Observable.Voir aussi :
TTT dans Neocarto
La collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
L’espace de travail collaboratif de TTT : ./tributetotobler/Chris Brunsdon. pycno: Perform Tobler’s pycnophylactic algorithm, Package R disponible sur le CRAN.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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21:41
Régionalisation, circulation et accès à la résidence
sur Carnet (neo)cartographiqueLa deuxième partie de l’Atlas des Migrations dans le monde est consacrée aux Espaces régionaux de libre circulation. Elle s’ouvre sur un texte de Camille Gendrot (juriste, Univ. Paris 1 Panthéon Sorbonne/ICM) intitulé « Faciliter les mobilités » et sur deux collections de cartes inédites que j’ai réalisées et présente ci-après.
Argument :
Pour cartographier les espaces régionaux retenus dans l’atlas de LC, il nous a semblé important d’examiner d’une part, les conditions de la circulation qu’ils offraient (et/ou les entraves à cette circulation pour tou.te.s ou pour certaines personnes) ; de l’autre, celles de l’installation des populations étrangères à l’espace de manière à ce que ce ne soit pas uniquement le « transit » ou la circulation en tant que telle (la facilité de déplacement) qui soient examinés mais également l’installation qui participe de la mobilité spatiale générale. Cette installation des personnes est appréhendée à travers la notion de résidence, en l’occurrence des possibilités légales d’accès à la résidence ou de suppression de ce « droit » à résider sur place, car « si le droit de quitter tout territoire est reconnu par le droit international, le droit d’entrer [et surtout de résider] dans un pays autre que le sien ne l’est pas ». C’est pourquoi la seconde partie de l’Atlas s’ouvre avec ce système de cartes portant sur la résidence dans les différents espaces régionaux qui sont ensuite cartographiés plus précisément dans les chapitres suivants.Les différents espaces régionaux ou sous-régionaux du monde qui font l’objet d’une analyse dans l’Atlas LC sont d’abord présentés sur ce planisphère général.
Figure 1. Les espaces régionaux mentionnés dans l’Atlas de la Libre Circulation
Chacun des espaces est délimité par une ligne colorée, dont la teinte sera reprise dans les cartes suivantes. La liste de ces espaces n’est évidemment pas exhaustive, puisqu’il en existe une bonne centaine que j’ai d’ailleurs recensé (sur Wikipédia en février/mars 2022) pour pouvoir réaliser cette carte.
Cette première carte est reprise sous la forme d’une cartouche sur deux autres planches qui peuvent être lues en vis-à-vis (une position qui correspond à la mise en page initialement prévue mais qui n’a hélas pu être conservée lors de l’édition finale).
Le droit à la résidenceLa première planche porte sur les conditions d’accès à la résidence et la seconde sur les conditions de cessation de la résidence, que l’on compare pour chacun des espaces régionaux sélectionnés. Ces conditions légales forment une typologie issue d’un travail minutieux réalisé par Camille Gendrot pour la réalisation de cette collection de cartes.
Figure 2. Les conditions du droit à la résidence
Les pièces nécessaires pour chacun des espaces font l’objet d’une coche, qui change de couleur selon que la condition est simplement prévue dans le traité, prévue ET obligatoire, ou obligatoire mais seulement dans certaines circonstances ; l’absence de coches marquant la non présence de la condition dans le traité de l’espace considéré.
Chapeau bas à Camille pour avoir lu tous les traités correspondants à la recherche de ces conditions. Et merci à Ronan Ysenbaert, également membre du groupe Carto de Migreurop, pour l’idée de la coche.La liste des pièces à fournir ou des conditions à remplir pour pouvoir résider dans chacun des espaces est présentée sur la planche suivante.
Ainsi, pour résider en tant que personne étrangère dans l’Union Européenne (UE), par exemple, il est obligatoire de disposer des papiers d’identité ou d’un passeport en règle, de témoigner d’un certain niveau de ressources ou bien d’être étudiant. Les autres conditions telles que la possession d’un carnet de vaccination ou d’un contrat de travail ne sont pas requises.
Si l’Union africaine (UA) – qui englobe tous les pays d’Afrique – n’impose aucun document pour l’accès à la résidence, cela signifie pas que la résidence y soit si aisée que cela. L’UA laisse en effet le soin aux ensembles sous-régionaux africains d’imposer des conditions d’accès à la résidence dans leur zone. Des conditions de ressources sont toutefois nécessaires, mais applicable sous certaines conditions.
Ainsi, pour résider dans un état d’Afrique de l’ouest par exemple, la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) oblige à ce que l’ensemble des conditions recensées soient réunies. La résidence dans la zone CEDEAO – comme dans les autres sous-régions d’Afrique étudiées dans l’Atlas de LC – apparaît ainsi, contrairement à nos attentes, plutôt contraignante et surtout plus qu’en Union européenne, par exemple.
On observe en revanche des conditions d’accès moins contraignantes en Amérique, dans le Marché commun du Sud (MERCOSUR) ou dans la zone couverte par la Convention centraméricaine de libre mobilité (C4) par exemples, où seules une pièce d’identité est obligatoire, des conditions de ressources suffisantes sont prévues par le MERCOSUR, et rendues nécessaires sous certaines conditions pour pouvoir résider dans la C4.
En Amérique du Nord, si l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ne prévoit pas de droit à la résidence, il régit cependant la circulation de certaines catégories d’entrepreneur.e.s ou de travailleur.ses (dans le cadre de travaux agricoles qui sont d’ailleurs examinées dans les sections suivantes de l’Atlas LC consacrées à la circulation des biens et services).A noter que les espaces régionaux de la Communauté de développement d’Afrique Australe (CDAA) et de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) ne prévoient pas de conditions ou de suppression de la résidence ; ils ne sont pas représentés ici malgré leur présence dans l’Atlas LC.
Cette seconde planche porte à l’inverse de la précédente, sur les conditions de cessation du droit à la résidence.
Si l’on reprend les exemples précédents, on observe que l’UE supprime obligatoire ou automatiquement l’autorisation de résidence à la fin des études (pour les étudiants) et pour l’ensemble de la population étrangère : en cas de troubles à l’ordre public, en présence d’un casier judiciaire ou encore de cas de ressources considérées comme insuffisantes.
Pour l’Afrique, l’UA ne prévoit aucune condition de cessation de la résidence. La CEDEAO retient quant à elle, les mêmes conditions de suppression de la résidence que l’UE qu’elle complète par le fait que l’une des conditions d’accès à la résidence ne soit plus remplie.
Quant au MERCOSUR, il n’en impose aucune condition, tout comme la C4 (traité non révisé) non représentée sur cette seconde planche. Les autres espaces régionaux de l’Atlas de LC qui ne règlementent ou ne prévoient pas de conditions de cessation du droit à la résidence sont l’ALENA et la Communauté des caraïbes (CARICOM).
Référence :
Atlas des migrations dans le monde. Libertés de circulation, frontières et inégalités, Armand Colin, pp. 45-49.Voir aussi : L’atlas des migrations dans le monde.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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19:24
Protégé : Potentiel de flux de dollars
sur Carnet (neo)cartographiqueLe travail réalisé ici s’inscrit dans le cadre des réflexions collectives menées dans le cadre du projet Tribute to Tobler – TTT. visant notamment à redévelopper les méthodes de Tobler dans des environnements contemporains de géovisualisation.
Ce billet reprend des éléments présentés, d’une part, par Étienne Côme (Univ. Gustave Eiffel) sur le carnet observable ttt-poisson-potential [accéder], d’autre part, des éléments traduits librement en français du notebook Potential dollar flows. A remake of Waldo Tobler’s potflow maps [accéder] réalisé par Philippe Rivière (Visions Carto) et publié lors du #30DayMapChallenge de 2021 – Day 29. NULL.
En proposant cette relecture du programme Potflows de Tobler et de la carte de potentiel correspondante dans la catégorie NULL du 30DayMapChallenge, il apporte l’amusante précision suivante.
Qu’est-ce que cela [le potentiel] a à voir avec le thème NULL ?
Il doit y avoir un univers dans lequel le “potentiel nul” a un sens…Les “flux de dollars/Routing dollars” [voir billet] ne sont en réalité qu’une des grandes astuces cartographiques de Waldo Tobler pour représenter des flux origine-destination. En voici une autre, dans lequel nous calculons un “potentiel de Poisson” continu représentant l’attractivité relative de points sur un graphe, de telle sorte que le mouvement global d’un fluide qui suit le gradient de ce potentiel soit une représentation cartographique utile d’un réseau d’échanges beaucoup plus complexe.
Dans notre cas, le fluide est l’argent, des billets de 1$ qui circulent entre les 12 régions de la Federal Reserve Bank (FRB) qui émettent ces billets.
Figure 1. Régions de la Federal Reserve Bank (FRB)
Source : Waldo R. Tobler (1981)
La plupart des billets de banque dénombrés dans les régions de la côte ouest ont été émis par la FRB de San Francisco, mais certains proviennent d’autres régions.
Nous pouvons ainsi en identifier les “sources” [émetteurs] (qui impriment plus de monnaie qu’elles n’en utilisent [ou reçoivent]) et les “puits” [récepteurs] (qui utilisent plus de billets qu’elles n’en impriment). Cela définit une “charge” – négative ou positive -, qui peut être transformée en un potentiel continu suivant l’équation de Poisson. La méthode utilisée est présentée dans cet article :
W. R. Tobler, “A Model of Geographical Movement,” Geographical Analysis, Volume 13, Issue 1, Jan. 1981 (PDF)Le potentiel de flux ainsi calculé peut ensuite être projeté sur une carte de flux ou de mouvements, discrète ou continue.
Cartographie continue d’un potentiel de fluxPour représenter le potentiel de Poisson, nous allons suivre une suggestion de Tobler (1981). Nous n’allons pas regarder précisément la région d’origine de chaque billet en représentant le nombre de billets émis. Nous allons plutôt mobiliser la balance [ou le bilan net] entre le nombre de billets reçus ou entrants et celui émis ou sortants de chaque région.
Pour les représenter, il est possible de projeter le potentiel en signes prenant la forme de flèches et montrant l’intensité et la direction de la variation du potentiel (c’est-à-dire son gradient). Tobler avait d’ailleurs illustré cette approche de cartographie discrète du potentiel de flux nets – elle fait l’objet d’un prochain billet. Nous cartographions ci-après ce même potentiel de flux net selon une vision continue de leur représentation également appliquée par Tobler (1981).Figure 2. Cartographie continue du potentiel du bilan net des flux interrégionaux de billets de 1$ (FRB)
– version statique historique –Pour reproduire cette carte, nous avons construit une triangulation de Delaunay d’une distribution aléatoire de points sur le territoire contigu des États-Unis.
– version statique contemporaine –
Cartographie : Philippe Rivière (2021).
Une autre représentation très chouette, également suggérée par Tobler est de le présenter de façon animée, en portant la version statique de Tobler dans l’environnement Observable, dans l’objectif d’appliquer un “vent” de particules animées le long du gradient et d’ouvrir les possibilités d’exploration de la vue réalisée.
Explorer la cartographie continue d’un potentiel de flux
Pour animer cette cartographie continue du potentiel, les flux sont appréhendés comme des particules dans les cartes réalisées. L’anination a été également été rendue interactive par Étienne Côme, qui l’a appliquée à la cartographie de migrations résidentielles de France métropolitaine (sans la Corse).
Il est dès lors possible d’explorer des variations des résultats (carto)graphiques de cette représentation animée et interaction d’un potentiel de flux nets en fonction du jeu des différents paramètres. En effet, lorsque l’on utilise une visualisation dite en droplets d’un champs vectoriel, il est en effet possible de jouer avec les différents paramètres de la vue, que sont :
– le nombre de particules ;
– leurs vitesses moyennes ;
– leurs durées de vie ;
– le coefficient d’affadissement permettant de créer l’effet de traînée.Figure 3. Possibilité d’exploration d’un potentiel continu de flux,
l’exemple des migrations résidentielles de France métropolitaineCartographie : Etienne Côme, 2021.
Figure 4. Possibilités d’exploration du potentiel continu de flux de billets de 1$ dollar
– Accéder à la version cartographique interactive –
Réalisation : Philippe Rivière, 2021
La version interactive de cette carte de potentiel de flux de billets permet de sélectionner les paramètres présentés ci-dessous, pour obtenir une visualisation plus ou moins chargée.
Il est ainsi possible de modifier la fonction de spatialisation des points sous-jacente, en sélection une implantation spatiale géométrique de type régulière où les mailles sont de forme hexagonale ou carrée, ou irrégulière et aléatoire ; en affichant ou non le potentiel (fond raster), les frontières, les particules, les isolignes et streaklines etc. D’autre part, de paramétrer la densité de particules représentées, ainsi que le pas des isolignes pour ajuster le lissage.
Cette méthode peut être appliquée pour créer des cartes de tous types de flux observés entre des zones. L’implémentation générique réalisée par P. Rivière s’appuie sur la théorie des graphes et permet de spécifier n’importe quel type de topologie spatiale : la grille rectangulaire peut par exemple être remplacée par n’importe quel maillage arbitraire.
Citation :
Françoise Bahoken, Étienne Côme, Philippe Rivière, (2022), Potentiel cartographique continu de flux de 1$, Carnet de recherches néocartographiques.Références :
– Étienne Côme (2021), ttt potential, Notebook Observable
– S. Pignatello (1977), Mathematical Modelling for Management of the Quality of Circulating Currency. Philadelphia : Federal Reserve Bank of Philadelphia.
– Philippe Rivière (2021) Routing dollars, Visionscarto, Notebook Observable.
– Waldo R. Tobler (1981), A Model of Geographical Movement, Geographical Analysis, 13 : 1-20.Voir aussi :
Philippe Rivière, Françoise Bahoken (2022), Flux de dollars/Routing dollars, Carnet de recherches néocartographiques.
TTT dans Neocarto
La collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
L’espace de travail collaboratif de TTT : ./tributetotobler/Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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18:25
Protégé : Flux de dollars/Routing dollars
sur Carnet (neo)cartographiquePréambule : Le travail réalisé s’inscrit dans le cadre des réflexions collectives menées dans le cadre du projet Tribute to Tobler – TTT. pour redévelopper les méthodes de Tobler dans des environnements contemporains de géovisualisation.
Ce billet est une traduction libre en français du Notebook Routing Dollars [accéder] réalisé par Philippe Rivière (Visions Carto) et publié pour le #30DayMapChallenge de 2021 : Day20-Movement. Philippe est un contributeur régulier et efficace de TTT. Nous l’en remercions vivement !
[Les ajouts à la traduction sont placés entre crochets].
La cartographie présentée ici est une relecture de celles initialement présentées par Waldo Tobler, dans l’article “A Model of Geographical Movement”, Geographical Analysis, 13 : 1-20 (1981) [PDF]. Mes amis du projet “tribute to Tobler” ont en effet partagé les données dont il est question – lesquelles avaient précédemment été collectées par S. Pignatello en 1976 – sur leur page github [github/tributetotobler].
L’histoireL’histoire est la suivante : les États-Unis comptent 12 régions de la Federal Reserve Bank (FRB) qui émettent des billets de 1 dollar. Une marque spécifique sur chaque billet indique leur provenance. En se déplaçant, les clients transportent de l’argent et le dépensent, et les billets se diffusent dans le pays. En comptant les billets observés dans les magasins de chacune des 12 régions, on peut établir une matrice origine/destination indiquant combien de billets émis à Boston finissent à Chicago, etc. La matrice ressemble à ceci :
Note : les nombres sont en centaines.
Nous pouvons cartographier tous les flux (remarque : [entre] des points qui décrivent les régions de la FRB, pas les villes !). Bien sûr, il est difficile de donner un sens à ce qui se passe [ceci est liée à la manifestation d’effets graphiques particuliers, en l’occurrence les “effet spaghetti” (voir ici) et “effet d’amalgame” (et là) de l’information représentée ]. En particulier, nous n’avons aucune idée des directions dans lesquelles la monnaie circule.
Dans l’article cité en référence, Tobler propose plusieurs solutions à ce problème. La première d’entre elles est que nous pouvons simplifier considérablement cette carte en identifiant les “sources” (qui impriment plus de monnaie qu’elles n’en utilisent) et les “puits” (qui utilisent plus de billets qu’elles n’en impriment). Pour cela, nous calculons les soldes [des flux aux lieux] :
Note : les nombres sont en centaines.
Ce tableau de soldes [décrivant le bilan net de chacun des lieux] montre que Boston “attire” [plus] les billets en dollars (en utilisant plus qu’elle n’en émet), et que New York les “exporte” [davantage]. Nous pouvons représenter cette balance sur la carte, avec des points orange pour les émetteurs et des points bleus pour les puits [ou récepteurs].
Concentrons-nous un instant sur la région de Boston. Elle est à l’origine de 1 300 billets qui ont fini par être dénombrés dans la région de Dallas. Mais, au lieu d’expédier ces billets directement (par exemple, par avion), nous pouvons supposer qu’ils ont transité par d’autres régions. Ils ont ainsi pu être transportés de Boston à San Francisco, puis Cleveland, puis Dallas.
Nous ne connaissons pas leurs itinéraires exacts, mais nous pouvons faire une supposition : à savoir que “la plupart” du trafic est passé par une sorte de chemin le plus court. Ainsi, Boston ? New York ? Philadelphie ? Cleveland ? St. Louis ? Dallas semble être un bon pari pour ces 1 300 billets, ou du moins, cela a plus de sens qu’un autre chemin sinueux.
La liste des chemins les plus courts depuis Boston vers n’importe laquelle des autres régions décrit un arbre optimal
. Nous pouvons distribuer toutes les notes [valeurs ?] provenant de Boston le long des branches de cet arbre. Ensuite, nous pouvons calculer un arbre optimal à partir de chacune des 12 régions (c’est-à-dire une forêt optimale
), et ajouter tous les flux. On obtient ainsi une matrice et un système de distribution (sommaire) beaucoup plus simples :
…et c’est ma carte pour aujourd’hui !
La matrice simplifiée obtenue est en effet véritablement creuse :
Algorithme de routingNote : les nombres sont en centaines.
Nous allons créer un graphe reliant toutes les régions, et utiliser l’algorithme de Dijkstra pour trouver la route la moins couteuse. Pour que cela fonctionne, nous avons besoin que le coût réel d’aller d’une région à une autre augmente de manière non linéaire avec la distance, de sorte que l’utilisation d’un arrêt intermédiaire soit plus facile que de prendre la ligne droite. D’où l’ajout d’un exposant dans le facteur de coût suivant, qui peut être n’importe quoi à partir de 1 (qui utilise toutes les routes directes, c’est-à-dire sans aucune simplification a priori).
(Une variante, qui serait plus facile à mettre à l’échelle, si nous avions plus de points, serait de commencer avec un graphe de Delaunay, Urquhart ou Gabriel ; mais nous n’avons pas besoin de compliquer les choses ici, puisque nous n’avons que 12 régions).
Le graphe est symétrisé, depuis n’importe quel point à n’importe quel autre point, en utilisant ce facteur de coût. Nous le résolvons [réalisons] pour chacune des régions et additionnons tous les flux à chacune des étapes du déplacement.
Dernière remarque : cet algorithme reprend quelques éléments de l’article original de Tobler, mais ne doit pas être considéré comme une mise en œuvre de l’article. Il s’agit juste de ma façon de le lire et d’expérimenter les concepts proposés. Merci de votre lecture ! Envoyez-moi vos suggestions !
Références :
– S. Pignatello (1977), Mathematical Modelling for Management of the Quality of Circulating Currency. Philadelphia : Federal Reserve Bank of Philadelphia.
– Philippe Rivière (2021) Routing dollars, Visionscarto, Notebook Observable.
– Waldo R. Tobler (1981), A Model of Geographical Movement, Geographical Analysis, 13 : 1-20.Voir aussi :
Françoise Bahoken, Étienne Côme, Philippe Rivière (2022), Potentiel cartographique continu de flux de 1$, Carnet de recherches néocartographiques.
TTT dans Neocarto
La collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
L’espace de travail collaboratif de TTT : ./tributetotobler/Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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11:25
L’Atlas des migrations dans le monde (4e ed.)
sur Carnet (neo)cartographiqueLe 14 septembre dernier est parue la 4e édition de l’atlas de Migreurop, réseau euro-africain d’associations, de militant·e·s et de chercheuses et de chercheurs, dans l’objectif « de faire connaître et de dénoncer les politiques de mise à l’écart des personnes en migration ».
Ce nouvel atlas, dont la réalisation est dirigée par Sara Casella Colombeau est publié chez Armand Colin comme les précédentes éditions. Il est formé de cinq grandes parties agrémentées de photos réalisées ou sélectionnées par Sara Prestianni. Il est également illustré par plus d’une soixantaine de planches composées de une à deux cartes et graphiques produit.e.s par une quinzaine de cartographes (professionnel.le.s ou non) et dont la coordination de la réalisation a été confiée à Nicolas Lambert et David Lagarde. La vision élargie de la carte au sein de Migreurop, plus largement d’une production cartographique collective (fruit du travail complémentaire de cartographes/dessinateurs et d’experts des questions représentées), confine à l’Atlas, une fois de plus, cette richesse visuelle et narrative spécifique au langage cartographique mobilisé sur une approche engagée de la question des migrations internationales.
La particularité de cet atlas est également d’élargir la focale sur l’analyse des migrations en les appréhendant à l’échelle mondiale et non seulement à l’euro-méditerranée comme précédemment. L’accent est aussi mis sur la (double) notion de Liberté (et) de circulation qui fait écho à l’appel éponyme lancé par Migreurop en 2013. Ce véritable slogan en faveur d’une Liberté de circulation pour toutes et pour tous – dont on rappelle qu’elle correspond à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme – est depuis cette date scandé par le collectif Migreurop pour souligner son rejet radical des politiques migratoires actuelles, sachant que la libre circulation est l’un des piliers de la construction européenne.
Aussi le collectif s’est-il emparé de cette notion de Liberté de circulation qu’il appréhende à différents niveaux sociaux, différentes échelles géographiques et au sein de différentes régions du monde. Son traitement dans l’atlas va en effet s’appuyer et en particulier dans la deuxième partie, sur cette partition du monde en espaces régionaux dits de libre circulation. Si plusieurs centaines d’espaces de ces types existent, seule une partie d’entre eux fait l’objet d’une analyse dans l’atlas. Seront notamment étudiés les conditions d’entrée, d’accès/suppression de la résidence, des travailleurs ou des marchandises telles la circulation des fraises, des savoir-faire ou encore des données personnelles.
Cet atlas propose ainsi, comme les précédents, une analyse critique des politiques qui ont été mises en œuvre par les États pour faciliter les mobilités de manière générale. Il donne également à voir la manière dont les migrant·e·s affrontent et détournent quotidiennement les politiques d’immigration restrictives pour mettre en œuvre leur propre liberté de circulation, dans une cinquième partie dédiée à l’autonomie des migrations et aux solidarités qui se mettent en place.
Si l’ouvrage décrit une situation contemporaine, il me semble important de mentionner ici que la première partie s’intéresse aux formes historiques de la migration, en l’occurrence de la liberté de circulation dans différentes régions du monde, en Asie mais aussi en Afrique pour ne citer qu’elles. La question de l’entrave actuelle des circulations des personnes originaires des différentes afriques présente à mon sens un nouvel éclairage lié à ce focus sur les mobilités et échanges de biens matériels, immatériels et vivants (animaux, humains) qui existaient avant l’arrivée des colons, présentant un état de la situation au XVe siècle qui a fait l’objet de recherches de fond réalisées par Muriel Samé Ékobo pour enrichir les cartes que j’ai pu réaliser. Les (carto)graphies de ces multiples possibilités de circulations historiques ayant depuis été entravées, leur visualisation fait écho à un texte littéraire d’Achille Mbembé traduit par Isabelle Saint-Saëns, qui suggère de penser un monde sans frontières depuis l’Afrique, propos qu’une dernière carte des infrastructures de transport dédiée à une circulation en Afrique et pour une Afrique des circulations vient renforcer.
Télécharger le Dossier de presse …
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16:20
[Revue] l’Atlas bleu et ses map papers
sur Carnet (neo)cartographiqueEn ce début d’Ocean decade – Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), une “nouvelle” revue de cartographie émerge : l’Atlas bleu – Revue cartographique des mers et des littoraux / Cartographic Journal of Oceans and Coasts.
L’Atlas Bleu est en réalité la nouvelle version d’une revue créée en 1994 à l’initiative de Jean-Pierre Corlay, Professeur de Géographie à l’Université de Nantes et directeur de l’Unité de Recherche LETG (à l’époque Unité de Recherche Associée 904 – dynamique et gestion des espaces littoraux), sous la dénomination de l’Atlas Permanent de la Mer et du Littoral.
La version d’aujourd’hui est une revue bilingue (français/anglais), modernisée qui apparaît en phase avec les tendances cartographiques actuelles. Elle présente quelques particularités qu’il me semble important de mentionner en tant que cartographe. Outre sa focalisation thématique sur les espaces maritimes et littoraux qui pourra apparaître limitante ou limitative [je ne sais plus comment on dit], elle met l’accent sur un format de publication cartographique intéressant, qu’elle nomme les map papers.
Quézaco ?
Le map paper est (à ma connaissance) un nouveau format de papier attendu par la communauté de cartographes académiques (enfin, je généralise peut-être un peu vite, car je l’attendais personnellement), qui va enfin (nous) permettre (ou à celleux qui s’intéressent aux littoraux) de publier non pas un texte illustré de cartes, avec quelques passages sur la méthodologie qu’il faudra veiller à bien négocier avec la rédaction, mais un papier formé d’une carte que le texte accompagnera, présentera, commentera, etc..
En fait, cette revue s’appuie vraiment sur l’analogie avec le modèle de l’atlas comme type d’ouvrage. La carte semble être vouée à être placée au centre du contenu proposé (et/ou du dispositif cartographique) et le texte à en constituer la notice. Sa place secondaire le confine à donner les clés qui vont permettre d’accompagner la visualisation, de concourir à sa compréhension, à l’interprétation du ou des messages transmis par la vue.
Je trouve personnellement que cette possibilité de publication est très intéressante, car elle permettra (enfin, je suppose) de focaliser l’attention sur l’image produite et sur les ressorts de sa construction. Aussi de valoriser pleinement la production cartographique pour elle même, en tant qu’œuvre artistique et intellectuelle. Et ces map papers m’apparaissent d’autant plus intéressants à produire qu’ils donneront lieu à un référencement DOI …
Donc, si vous vous intéressez aux espaces maritimes et littoraux, en particulier leurs modes d’Habiter, d’Exploiter, de Protéger, de Prévenir et d‘Explorer qui correspondent aux grandes rubriques de l’Atlas Bleu et si vous êtes férus de cartographie, n’hésitez pas à proposer vos œuvres statiques, animées ou interactives à l’Atlas bleu ! (les membres des comités pourront vous accompagner, en particulier pour l’édition cartographique est annoncée vouée à être co-constuite avec les auteurs et autrices)
En savoir plus :
Site de la revue Atlas Bleu
@atlas_bleu Contact (atlas.bleu@univ-nantes.fr).
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:22
Comment faire mentir les cartes
sur Carnet (neo)cartographiqueSelon l’écrivain Mark Twain, il existe trois types de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques. Et bien sachez-le, c’est encore pire avec les cartes ! On aurait tort, en effet, de considérer que les cartes représentent objectivement des réalités objectives. Et cela est tellement vrai qu’en 1991, un célèbre géographe américain, Mark Monmonnier, publiait un ouvrage qui allait devenir un best seller international au titre explicite : Comment faire mentir les cartes. Son propos : toutes les cartes contiennent des mensonges, qu’ils soient intentionnels ou non. Pis, selon lui, les cartes DOIVENT contenir des mensonges. Échelle, projection, symboles, généralisation, etc, bref, tous les concepts qui se trouvent derrière la conception cartographique, ne sont ni plus ni moins que des astuces pour simplifier une réalité complexe qui ne peut pas rentrer telle qu’elle sur une feuille de papier. Toute carte est donc composée d’une multitude de petits mensonges. Le tracé des côtes n’est pas vraiment comme il l’est dans la réalité. La forme même du Monde devient biscornue (et oui, il faut passer du globe terrestre au plan). Les choix des symboles, leur couleur, leur taille, peuvent avoir un effet très fort sur le message véhiculé. Et que dire des mots dans le titre ou dans la légende ? Même réalisée avec la plus grande honnêteté possible, la carte est toujours une forme de discours dont le contenu narratif est indubitablement dicté par des choix. À partir d’une même réalité, il est donc possible de dessiner mille et une représentations différentes. Et même à partir d’une statistique officielle, les expressions graphiques peuvent varier à l’infini.
C’est précisément cela que nous allons essayer d’illustrer ici. Prenons les chiffres des mobilisations du mouvement social du 29 septembre dernier. Quelle carte dessiner ? Quelles couleurs ? Quelles tailles de symboles ? Quels mots choisir ? Ici, contrairement aux cartes clé en main dont vous avez l’habitude, c’est à vous de déterminer le niveau de déformation souhaité. Alors, flop ou révolution ? Ou mettrez-vous le curseur ?
PS : merci à Cécile Gréa (Info’Com-CGT) pour m’avoir déniché ces données.
Données et code source : [https:]Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:59
Le super moit’ moit’
sur Carnet (neo)cartographiqueIl existe mille et une façons de représenter la population d’un territoire sur une carte. Souvent, on choisira de dessiner des cercles plus ou moins gros représentant le nombre d’habitants. Ou alors, on préférera des aplats de couleurs (aka des cartes choroplèthes) si l’on souhaite focaliser sur les densités. Dans les deux cas, des schémas spatiaux se révèlent et permettent de comprendre l’organisation de l’espace géographique étudié. Raison pour laquelle, dessiner une carte est souvent le point de départ de tout raisonnement géographique.
Mais au delà de ces 2 techniques de représentation assez classiques, on peut aussi s’amuser à caricaturer les données, les simplifier à l’extrême, pour réaliser des “croquis” parlants dont la logique spatiale saute aux yeux. C’est l’exercice auquel je me suis prêté ici. La méthode : découper la France de manière équivalente en terme de population. 32 millions de personnes d’un côté ; 32 millions de personnes de l’autre. Vert d’un côté ; rose de l’autre. Une répartition binaire. Mais comment opérer cette séparation ? Sur quel critère ? Vous vous en doutez, il y a là aussi plusieurs choix possibles.
Tout d’abord, prenons les choses dans l’ordre. Mettons d’un côté les communes les plus peuplées et de l’autre les communes les moins peuplées. Ainsi, en triant les communes par ordre croissant de population, on constate qu’il y a autant d’habitants dans 1000 communes que dans toutes les autres. Dit autrement, un ensemble de 1000 communes compte autant d’habitants que les 34 000 autres. La moitié de la population française vit sur 3% du territoire national. La carte est parlante et montre sans ambiguïté la concentration de la population française dans les villes. On peut choisir d’autres critères bien plus absurdes. En triant les communes par leur latitude, on observe logiquement une répartition nord/sud avec un constat : la population est concentrée plutôt au nord du pays. Par contre, en triant sur la longitude, on observe que celle-ci semble se répartir équitablement entre l’est et l’ouest. Autre cas de figure, si on considère le temps de transport en voiture pour se rendre à Paris, on constate que 50% de la population française habite à moins de 4 heures de la capitale. Et si l’on s’intéresse au littoral, la dernière carte nous apprend que 50 % de la population habite à moins de 140 km du bord de mer.
Au delà des ces exemples parfois un peu insolites et absurdes, disons caricaturaux, concluons sur la chose suivante. Faire une carte, c’est rarement représenter directement une donnée statistique telle qu’elle. Toute carte est la conjonction de données, de processus techniques, mais aussi d’idées et d’intentions. Faire une carte, c’est toujours un acte de création. Création artistique, scientifique ou politique. Car comme l’écrivait l’historien Christian Jacob en 1992 : “la carte matérialise une vue de l’esprit plus qu’une image du réel”. Simplifier le réel pour le rendre intelligible, tel est en effet le cœur du metier de cartographe.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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13:44
Des cartes choroplètes sans classes ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLes recherches de Tobler, bien que fondamentalement inscrites en géographie humaine, impliquent toujours des disciplines connexes et transversales, à savoir les mathématiques pour la formalisation et le traitement numérique, l’informatique pour le développement d’outils et la cartographie pour la représentation des résultats obtenus.
Dans ce court article de 1973, W. Tobler interroge le regroupement en classes qui fait partie de la méthode de représentation cartographique en plages de couleurs, les cartes choroplèthes [Lire la définition sur Hypergeo/chroplèthe]. Il s’agit, en effet, d’une forte réduction de l’information, qui était mise en rapport avec la faible capacité de dessiner des plages de nuances complexes selon les techniques existantes. Elles sont remises progressivement en cause à l’époque, avec la disponibilité d’outils de reproduction graphique nouveaux, les traceurs et l’écran.
Waldo Tobler explique qu’il est en effet possible de contourner le regroupement des séries statistiques continues en classes. Il faut pour cela disposer d’équipements, permettant de construire « (…) une carte choroplèthe sur laquelle l’intensité visuelle est exactement proportionnelle à l’intensité de la valeur de la donnée. Parce qu’il n’y a pas eu de regroupement en classes, il n’y a pas d’erreur de discrétisation. Le difficile problème de l’optimisation du découpage en classes, intensément étudié est alors contourné. »
Lire la suite dans le document traduit…
Dans le cadre du programme TTT, nous avons redéveloppé en .JS la méthode de Tobler qui participe d’une approche discrète de l’espace géographique ainsi définie parce que mobilisant un partitionnement de l’espace (discrétisation) – un découpage réalisé généralement selon un objectif de gestion politico administrative – voir dans l’exemple suivant. Tobler s’intéressera ultérieurement à l’inverse, à la réalisation de cartes choroplèthes selon une approche continue de l’espace géographique ; celle-ci est examinée de manière complémentaire par Philippe Rivière également sur Observable (voir).
Nous proposons ici de comparer la méthode de cartographie choroplèthe sans classes définie par Tobler avec d’autres discrétisations portant sur le territoire français.
Dans cette page interactive en ligne, utilisant un carnet Observable, on peut comparer directement une carte choroplèthe réalisée avec une classification des valeurs (quantiles ou intervalles égaux) ou sans classification, c’est à dire en couleurs continues, selon la proposition de W. Tobler.
La page interactive permet de comparer les deux représentations, en changeant le nombre de classes ou la couleur, pour évaluer la lisibilité et la pertinence de la proposition.
NB : Cette note a été écrite en collaboration avec Françoise Bahoken.
Références :
Waldo R. Tobler, Laurent Jégou. 1973, Choropleth Maps Without Intervals?. 2022.
Waldo R. Tobler. 1973. Choropleth maps without class intervals. Geographical analysis, 5(3), 262-265.
Laurent Jégou, Quantiles vs continuous choropleths maps, Notebook Observable.Voir aussi :
Philippe Rivière (2021), Pycno what ? Interpolation pycnophylactique.
La collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
L’espace de travail collaboratif sur les traductions : ./tributetotobler/traductionsEnseignant-chercheur en géographie et géomatique, Univ. Toulouse-Jean Jaurès et UMR LISST-Cieu.
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13:50
L’Afrique, un continent isolé dans la mondialisation, d’après Héran (2018)
sur Carnet (neo)cartographiqueIndépendamment du choix crucial du système de projection à l’échelle mondiale, les cartographies de migrations mondiales réalisées à l’échelle internationale (au niveau des pays) donnent à voir ces flux démographiques par le seul prisme des États qui peut être vu comme un carcan.
Ces flux, parce qu’ils vont s’exprimer entre de nombreuses zones vont être d’autant plus nombreux, et, présenter des amplitudes importantes qui vont conduire à sélectionner l’information à représenter. L’enjeu est ici d’éclaircir leur image (réduire l’effet spaghetti) [1], ce qui suppose généralement de ne représenter que les plus importants, ceux qui sont jugés significatifs. Ces derniers vont ainsi focaliser l’attention sur certains pays d’origine (0) ou de destination (D) en fonction de considérations essentiellement géopolitiques. Le principal écueil est de ne pas autoriser une vision globale du phénomène migratoire qui soit indépendante des États. Si le cadre étatique, joue un rôle déterminant dans l’expression de certains flux en raison du rôle des frontières, il n’est pas toujours un cadre pertinent. D’après Vandermotten et al. (2017), les frontières nationales « (…) gomment les disparités intra étatiques et suggèrent que les ruptures suivent les frontières entre les États, qui seraient homogènes », ce qui bien entendu n’est pas le cas. Ne mobiliser que le cadre étatique est ainsi susceptible de fausser la représentation du monde en restreignant ces flux mondiaux dans un carcan.
Pour y remédier tout en restant au niveau mondial, il convient soit de changer de maillage territorial en utilisant, par exemple, une grille régulière, soit de changer de niveau d’observation, en agrégeant l’information à un « échelon pertinent » pour une vision mondiale du monde. Le plus simple consiste à cartographier ces flux migratoires à un « niveau régional », à les agréger pour mieux percevoir la logique d’ensemble de ces mobilités internationales à un niveau supra national ou bien infra national. De fait, les visions qui vont être mise en exergue sont celles qui s’exerce respectivement entre les régions ou au sein de ces régions.
La carte de Héran (2018)
Le niveau régional supra-national est d’ailleurs le point de vue adopté par François Héran, directeur de l’Institut Convergences migrations et Professeur élu au collège de France.
François Héran mobilise en effet souvent le niveau régional pour analyser les migrations mondiales, et, le graphisme pour illustrer ses analyses. Il présente notamment le graphique suivant lors de la Leçon inaugurale de la Chaire Migrations et sociétés, le 5 avril 2018 au collège de France. Une carte très intéressante sur le fond qui attira particulièrement notre attention.
Figure 1. La carte de Héran (2018)
Cette carte nous apparaît très importante, dans le contexte actuel. Cependant, parce qu’elle est peu élégante, elle ne contribue pas (de notre point de vue) à une communication efficace de l’information qu’elle véhicule, celle selon laquelle l’Afrique ne serait pas, dans l’ensemble, une partie prenante du système migratoire mondial.
Un graphique valant mille mots, selon le célèbre adage de Confucius, nous pensons qu’améliorer cette image, pour elle-même, permettrait, d’une part, de valoriser l’important discours sous-jacent qu’elle communique, d’autre part, d’être plus facile à comprendre et en même temps, plus agréable à regarder.
Aussi avons-nous décidé d’en construire une nouvelle version, en utilisant les outils contemporains de la cartographie actuelle. Pour cela, il convient d’abord de la déconstruire entièrement, pour pouvoir la reconstruire sous une autre forme.
Ses donnéesCette carte décrit la répartition des immigrés en 2017, pour chacun des cinq continents (Amérique, Europe, Asie, Afrique et Océanie) à une échelle régionale de type nord, sud, est, ouest. Ces régions sont formées de groupes de pays variables. Ainsi, à titre d’exemples, l’Amérique est formée du nord, du centre, du sud et des caraïbes, l’Afrique est composée du Maghreb, de l’ouest, du centre, du sud et de l’est et l’Océanie est formée de l’Australie-Nouvelle Zélande et du groupe des îles.
Les données mobilisées correspondent à des estimations du FMI, de la banque mondiale et de l’OCDE. Collectées au niveau national, elles forment une matrice bilatérale asymétrique (le flux d’un pays A vers un pays B est différent de celui de B vers A) qui a donc fait l’objet d’agrégations au niveau régional.
Figure 2. La matrice des diasporas mondiales (Héran, 2018)
Ces données sont décrites par l’auteur dans un billet de la revue DeFacto [voir] d’où est extraite la figure 2 ; elles sont d’ailleurs illustrées par une autre version de cette carte réalisée par l’auteur.
Figure 3. La carte de Héran – version 2 (2018)
« La matrice bilatérale des diasporas donne une estimation du nombre de migrants par origine et par destination entre les 215 pays ou territoires de la planète. Le critère retenu pour l’origine est le pays de naissance (ou, à défaut, la nationalité) » (Héran, 2018), dans sa version de 2018 qui recense les données de l’année 2015.
Sa construction graphiqueLa construction de la carte de Héran mobilise l’ensemble des dimensions de la matrice : ses marges et son cœur qui correspondent respectivement aux carrés et aux flèches bleues. La carte prend la forme logique d’un diagramme liens-noeuds spatialisé. La localisation relative des différents continents respecte leur géographie selon une projection classique. Cela génère un effet de jointure manifestée par une absence classique de continuité spatiale visible sur la carte : la région Amérique du Nord est représentée deux fois.
Chacun des continents est symbolisé par un rectangle dont la forme rappelle celle du groupe de pays considéré, leur taille semble arbitraire (elle n’évoque pas les capacités d’émission ou de réception des régions). Les continents présentent une teinte unique, qui est reprise au niveau des sous-régions considérées pour faciliter la lecture. Les labels correspondent pour les lettres aux régions et pour les chiffres, au total des « immigrés dans un autre pays de la même zone », illustrant ainsi les données de la diagonale de la matrice, le nombre de migrants appartenant à la même sous-région.
Les différentes sous-régions sont reliées par des flèches bleues, de longueur et de largeurs variées. Les effectifs transférés d’un lieu à un autre sont mentionnés sur la pointe de la flèche, au droit de la zone de destination. La mention des valeurs sur les différents signes permet de visualiser sur la même figure les flux intra et inter régionaux.
La taille (dimension de largeur) des différentes flèches n’est pas vraiment pondérée en fonction de leur valeur, tout au plus est-elle soulignée pour en préciser l’ampleur plus ou moins importante, d’où l’importance de la mention du label.
Son commentaireOn observe ainsi, en particulier, que les flux les plus forts (17,5 millions de personnes) sont émis par l’Asie du Sud vers l’Asie de l’Ouest, suivies de ceux de l’Amérique du Centre vers l’Amérique du Nord (15,2 millions) et des Caraïbes vers l’Amérique du Nord (6,6 millions). Au niveau intrarégional, l’Asie de l’Ouest présente les migrations internes les plus importantes (13,2 millions), elle est suivie par l’Asie du Sud (11,2 millions) et l’Europe de l’Est (11,1 millions) et enfin par l’Afrique de l’Ouest (6,7 millions) pour ne citer que les valeurs mentionnées en caractères gras par Héran.
Si les différentes sous-régions d’un même continent échangent entre elles plus d’un million de personnes (qui correspond au critère général de filtrage de ces flux OD), on observe que celles de l’Afrique ne sont pas reliées, signifiant alors des valeurs de flux internes à l’Afrique qui sont faibles, voire peu significatives pour l’auteur, au regard des autres flux internes africains. En réalité, les flux de migrants non magrébins ne font pas l’objet de représentation. La région Maghreb est en effet reliée aux deux régions européennes occidentales et septentrionales, avec un flux ascendant de plus d’un million de personnes, et à l’Asie de l’Ouest avec des flux bilatéraux.
Son messageLa carte montre notamment la place secondaire de l’Afrique dans le système global de migrations internationales. Hormis la région Maghreb, elle apparaît en effet « isolée ». Les plus gros flux migratoires mondiaux s’expriment en Asie du sud et de l’Ouest et en Amérique. Les flux africains apparaissent surtout internes, dans des proportions moindres par rapport à toutes les régions du monde, à l’exception de l’Afrique de l’Ouest qui se distingue au niveau mondial. Le désert du Sahara se révèle une barrière et la carte ne montre pas de flèches qui partent de l’Afrique noire (supposée envahir l’Europe).
La distinction des flèches traduit, au niveau mondial, un effet d’alignement horizontal caractéristique de la projection cartographique utilisée, ici de la manière dont les rectangles symbolisant les régions ont été dessinés. La direction générale des flux est est-ouest, elle révèle un gradient des régions économiquement riches depuis des régions économiquement pauvres que Héran a pu expliquer avec un autre graphique mobilisant des données économiques (le RNB/tête) dans la même conférence. Ainsi, dans la région formée de pays économiquement « faibles », les migrations internes sont les plus faibles par rapport à celle des autres régions. De même que les valeurs des flux interrégionaux émis par les régions « faibles » sont les moins élevées. De fait, les personnes provenant de ces régions économiquement « faibles » migreraient peu, d’après ces données, ce qui ne correspond pas au discours véhiculé.
Ce ne sont donc pas des populations « pauvres » qui migrent à l’international à un niveau mondial, mais des personnes qui présentent un capital financier et même social important. De même que l’Afrique, n’est pas une région dont on peut considérer qu’elle est partie prenante des migrations internationales ; elle apparait pour l’essentiel déconnectée du système, isolée. Seul sa partie maghrébine apparaît connecté au système européen.
Ce message nous apparaissant fondamental, nous décidons de proposer une variante de la représentation initiale.
Produire une nouvelle version de la carte de Héran consisterait, par exemple, à cartographier l’un des éléments clés de son message, en l’occurrence cet isolement de l’Afrique au niveau mondial (d’autres hypothèses sont possibles). Pour ce faire, nous avons utilisé l’environnement R.
Reconstruction des donnéesL’information géographique que nous utilisons correspond à des données géométriques sur mesure qui ont été préparées en amont, de manière à coller exactement avec l’information statistique régionale à cartographier. En l’absence d’informations précises sur le regroupement sous-régional des différents États de chacun des continents, opéré par Héran, nous avons agrégé le fond de carte des pays du monde en fonction de la nomenclature en sous-régions ses données statistiques fournies par les Nations unies.
L’information statistique est issue du fichier Migration Stock at subregional level, 2019 Source : United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2019). Celui-ci est proposé au format xls comme suit.
Figure 4. La matrice bilatérale des stocks de migrants (Nations unies, 2019)
Précisions sur les données : Ce jeu décrit l’effectif de population d’une nationalité donnée, parti ou accueilli dans un pays autre que le sien. Il autorise ainsi une représentation sous la forme de stocks dans les pays de départ ou d’arrivée, et/ou sous la forme de flux de populations étrangères entre deux entités (nœuds et liens). Les liens de ces flux mettent en relation des pays de résidence (ceux de destination, placés en lignes dans le fichier .xls) avec des pays d’origine (ceux de départ, placés en colonnes dans le fichier .xls), correspondant à ceux dont les personnes recensées en tant qu’étrangères portent la nationalité. Il reconstruit par là une donnée origine-destination (OD) à partir d’effectifs de migrants que l’on est autorisés de représenter sous la forme de flux. [voir ici].
La matrice de départ est formée de 11 305 couples d’OD et de 3 variables (lieu d’origine, lieu de destination, valeur du flux). Sa représentation naïve prend la forme suivante.
Figure 5. Les relations migratoires mondiales, d’après les Nations unies (2019)
Pour simplifier l’image de ces relations et en permettre une lecture aisé, il convient de réduire le nombre de signes linéaires représentés. Rappelons que trois grandes familles de possibilités sont envisageables.
- La première consiste à fusionner graphiquement toutes ces lignes de manière à faire apparaître comme des routes préférentielles de migrations (edge bundling).
- La seconde possibilité conduit à sélectionner les flux à représenter en raisonnant, soit sur les lignes/colonnes de la matrice – donc sur les lieux d’origine et/ou de destination – et/ou soit sur le cœur de la matrice, sur les relations entre les lieux.
- La troisième possibilité consiste à changer de niveau d’observation, à agréger les flux ou les lieux à un niveau géographique supérieur. C’est l’option choisie par Héran pour réaliser sa carte, en la présentant à un niveau interrégional.
La géométrie reconstituée est ensuite présentée en projection polaire, notamment pour éviter l’effet de jointure mentionné précédemment. Les pays sont agrégés à un niveau supra régional, à partir de la clé d’agrégation contenue « sub-régions » dans le fichier des pays.
Figure 6. Les sous-régions du monde d’après l’ONU (2019)
La géométrie constituée, il s’agit enfin de construire les deux tableaux de flux d’intérêt : la matrice d’appartenance sub régionale (pour la vision intra régionale) et la matrice d’interactions régionales (pour la vision inter régionale, supra nationale). Pour en savoir plus sur la construction de ces matrices d’appartenance, voir ici, § 7.3 (page 306 et suivantes).
Représentation des fluxNous reconstruisons ensuite les flux entre les différentes régions en les agrégeant selon un critère d’appartenance à l’un des territoires sub régionaux définis par les Nations Unies. Nous arbitrons aussi sur le niveau du critère de seuillage de l’information de flux à conserver de manière à ce que la carte à réaliser soit lisible. Plutôt que de choisir le million de personnes ayant migré comme l’a fait Héran, et, en l’absence d’informations sur l’origine de ce critère, nous décidons simplement d’éliminer les petits flux, c’est-à-dire les signes graphiques linéaires qui présentent des valeurs trop faibles pour garantir la lisibilité de la figure, par conséquent son efficacité dans la communication de ce message sur l’isolement de l’Afrique dans le système migratoire mondial
En l’absence d’informations précises sur la valeur du critère de seuillage, Tobler (1982) recommande en première intention de ne représenter que les flux qui sont supérieurs au flux moyen, ce qui place ce seuil pour nos données à 829 personnes. Après quelques tests, ce flux inter régional moyen ne nous apparaît pas assez élevé pour être maintenu ; deux raisons principales peuvent être avancées :
- il n’éclaircit pas suffisamment la figure, générant un effet spaghetti régional ;
- il ne nous permet pas de coller suffisamment à la carte de Héran.
Nous changeons alors de logique et raisonnons selon les positions (plutôt que sur l’intensité des valeurs), ce qui nous permettra de comparer l’ordre pris pas les différentes couples d’OD, visualiser quels sont les plus importants dans l’ensemble ; ce registre présentant par ailleurs l’avantage de nous éviter de nous intéresser ici à la courbe de distribution des flux… Nous mobilisons ainsi les déciles pour ne représenter qu’une part en % de flux qui contribuent à une visualisation d’une sélection importante et significative de l’interaction totale. Nous décidons de ne représenter que les 10% de signes graphiques qui contribuent à l’interaction totale la plus forte, ce qui positionne le critère de sélection des flux OD à représenter à 2 000 personnes au moins.
Nous appliquons enfin les règles propres la sémiologie cartographique de ces flux mondiaux. A la différence de la carte de Héran, les rectangles qui représentent les sous-régions sont pondérés : leur taille est proportionnelle à la valeur du flux intra régional, en milliers de personnes en 2019. De la mème façon que les flux bilatéraux supérieurs à 2000 personnes sont dessinés tels des rectangles (pseudo orientés) de manière à ce que leur largeur puisse être proportionnelle aux valeurs considérées.
Le résultat obtenu, présenté sur la Figure 7, peut être considéré comme une variante de la carte de Héran de 2018.
Figure 7. L’Afrique, un continent encore isolé dans la mondialisation
Pour coller au plus près avec la carte de Héran, nous avons utilisé des rectangles et des flèches, accompagnée de leurs labels pour cartographier ces migrations mondiales. A vous de la commenter maintenant (dans la section commentaire de ce billet).
Cette carte a été construite avec R/mapsf. Si elle convient à l’objectif initial … nous avons eu beaucoup de mal à dessiner ces flèches, surtout, des flèches pondérées qui soient bilatéraleset qui respectent les principes de la sémiologie cartographique des flux en étant véritablement parallèles (entre une paire d’OD) et convergentes/divergentes vers/depuis les lieux d’OD. Si cette possibilité existe dans R, elle nous a semblé inadéquate à nos besoins. En réalité, il n’est pas vraiment possible dans R d’agir sur ces figurés linéaires au-delà de la pondération de leur largeur – comme ce que nous avons proposé ci-dessus – il n’est par exemple pas possible de les orienter précisément …
La solution, tout en restant dans R, serait alors d’utiliser un autre package d’analyses cartographique de ces flux, ce que nous vous présenterons prochainement. À suivre…
Notes :
[1] Les termes en italique, qui renvoient à la manifestation d’effets graphiques spécificité à la cartographie de flux au niveau monde sont présentés dans cet article : Françoise Bahoken. Représenter la mondialisation par des flux, le rôle de la distance cartographique perçue. M@ppemonde, Maison de la géographie, 2022, 29p. ?hal-03658037?
Références :
François Héran, « Diasporas à l’échelle des continents », De facto [En ligne], 1 | novembre 2018, mis en ligne le 14 novembre 2018. URL : François Héran, Leçon inaugurale de la chaire Migrations et Sociétés du collège de France, Paris, 2018.
Waldo R. Tobler, Cartographic study of movement tables, Presentation in the National Computer Graphic Assembly – session on Statistical Graphics – Mapping, Anaheim, 1982, 17-06-1982. Christian Vandermotten, Clarisse Didelon-Loiseau, Christian Dessouroux. Une représentation cartographique du monde au-delà de la contrainte des frontières étatiques, CIST2018 – Représenter les territoires / Representing territories, Proceedings du 4e colloque international du CIST, Mar 2018, Rouen, France. pp.628-634. -
17:20
Le plan du cours de cartographie analytique Tobler (1969)
sur Carnet (neo)cartographiqueCartographie statistique et cartographie analytiqueTobler, qui s’est d’abord intéressé à la Cartographie statistique (voir), s’est vite rendu compte que l’expression était insuffisante pour couvrir tous les domaines de l’enseignement qu’il allait dispenser. Il propose ainsi l’expression Cartographie analytique qu’il définit dans un document de travail (Tobler, 1975) – en cours de traduction – qui sera par la suite publié (Tobler, 1976, 1977).
La cartographie analytique est un enseignement de géographie que l’auteur dispense à partir de 1969 (à vérifier) et qui intéresse différents sujets de la cartographie : les mathématique, l’informatique, les techniques ou encore la cartométrie (Tobler, 1975). L’auteur a en effet hésité entre différentes dénomination pour nommer son cours, tout en maintenant son attrait.
Pour asseoir sa matière, il en publie rapidement un plan étalé sur quinze semaines, et dont nous présentons une traduction ci-après. Ce plan est ensuite développé dans un manuel personnel, dédié aux enseignements de l’auteur.
Nos cours actuels de cartographie “statistique”
Il est important de noter que le cours de cartographie de Tobler intéresse le traitement/la modélisation des informations géographiques (maillages) et statistiques dans un objectif qui est d’abord celui de l’analyse spatiale des données localisées ; il ne contient pas d’éléments liés à leur représentation en elle-même, ni de notions de sémiologie ou relatives aux variables visuelles permettant une communication sensée et aisée de l’information cartographiée.
Aujourd’hui, les cours/travaux dirigés de cartographie statistique – de même que ceux de statistiques pour la cartographie – que nous en dispensons (j’évoque ici les vacations de cartographie en L1 et L2 que j’effectue à l’Université Panthéon Sorbonne – Paris 1) sont focalisés sur l’apprentissage des méthodes et de quelques outils dédiés à la représentation des différents types de données numériques. Ils considèrent nécessairement des éléments liés à la communication visuelle d’une information scientifique par l’image, en particulier dans le cadre de l’édition, ou du journalisme. Ces cours de cartographie statistique que nous donnons se distinguent d’une part, de ceux liés aux théories et méthodes de l’analyse spatiale, de l’autre, de ceux liés aux outils de type Systèmes d’Information géographique et à la télédétection. Ainsi, la collecte et la production des données d’origine, leur traitement statistique, leur modélisation géonumérique etc. qui ne sont pas à proprement parler de la cartographie pour être réalisés en amont, sont dispensés dans d’autres enseignements. Seuls les pré-requis permettant de comprendre la donnée et d’effectuer des traitements spécifiques à la mise en carte sont inclus dans notre cursus de cartographie statistique.
Quid de la cartographie analytique aujourd’hui ?Quoi qu’il en soit, cette cartographie analytique telle que présentée par Tobler (1975) n’aura eu de cesse de se développer grâce aux liens existants entre la géographie/cartographie académique (qui s’occupe surtout de la théorie et de la transmission des savoirs), l’industrie (intéressée par le côté opérationnel des méthodes et des techniques) et l’État américain (Clarke et Cloud, 2000) pour la production des données : tout cela pour en assurer probablement le côté opérationnel et appliqué de la géographie/cartographie d’ailleurs cher à Tobler, car pourvoyeur d’emplois.
Toujours en vigueur dans les enseignements de géographie quantitative, cette cartographie analytique est de mon point de vue toujours en vigueur mais plutôt présentée de manière segmentée et sous d’autres intitulés, le plus familier pour les francophones me semblant être l’analyse spatiale des phénomènes (socio-économico-environnementaux).
Eh oui, dans le cours de cartographie analytique de Tobler, il y en avait pour tout le monde : les géographes/cartographes humains/humanistes, les physiciens et les autres, qui s’intéressent aux données géonumériques, aux méthodes et à leurs techniques.
Cartographie Analytique. Géographie 482. Prof. Waldo R. Tobler.
Université du Michigan. Ann Arbor. Michigan 48104. U.S.A.– Semaine I. Introduction : Relation avec la géographie mathématique, la géodésie. la photogrammétrie. la télédétection. Remplacement du stockage des données cartographiques par le stockage des données informatiques. Le changement technologique et le besoin d’une approche théorique. Perspective historique.
– Semaine II. L’infographie : Le théorème de Turing en relation avec la cartographie. Dispositifs de sortie : lignes, demi-teintes, couleur. Sources des programmes et des algorithmes. Cartographie dynamique et création de films sur ordinateur. Graphisme interactif en cartographie et géographie.
– Semaine III. Matrices géographiques : Types trigonaux, quadrilatéraux, hexagonaux et d’Escher. Notation, propriété de voisinage, invariance topologique. Les variétés de données géographiques : nominales, binaires, matrices scalaires, complexes, colorées, à N valeurs et à valeurs infinies. Isomorphisme avec la surface de la terre.
– Semaine IV. Opérateurs matriciels géographiques : Fonctions des matrices : algébriques, logiques, différentiables, inversible ; linéaire, locale, spatialement invariante (translation et rotation). Traitement parallèle, fenêtres, effets de bord, calculs de différences finies.
–Semaine V. Fonctions de réponse : Fourier et autres séries orthogonales. Opérations dans le domaine fréquentiel. Transformée bidimensionnelle.
– Semaine VI. Échantillonnage et résolution : Interprétations de Fourier de l’aliasing. Fonctions à bande limitée. Fonctions limites de Nyquist. Fonction Peigne1. Le théorème d’échantillonnage. Échantillonnage aléatoire plan, distributions invisibles.
– Semaine VII. Quartization2 et codage. Traitement analogique et numérique. Erreur de quantification, et réduction. Théorie de l’information : combien y a-t-il de photographies aériennes ? Codage de Huffman. Statistiques d’ordre supérieur, fonctions d’autocorrélation spatiale. Télévision et cartes choroplèthes.
– Semaine VIII. Généralisation des cartes : Abstractions textuelles, acoustiques et visuelles : lissage et reconstruction. Fonctions d’étalement et inverses.LOBS3Perte d’information. Point, ligne, réseau, binaire à N-valeurs. généralisation de la matrice. Implémentation numérique. Traitement optique des données. Comment fonctionne le cerveau : Limulu4grenouille. Cat5. Humain.
– Semaine IX. Reconnaissance de formes : Prétraitement. amélioration : extraction de caractéristiques ; discrimination et classification (linéaire, gaussienne) ; rapports signal/bruit ; perceptrons6. classification (linéaire, gaussienne) ; rapports signal/bruit ; perceptrons.
– Semaine X. Partitions spatiales généralisées ~ secteurs de recensement et autres. ad nauseum7. Fonctions ponctuelles versus fonctions d’intervalle, une fausse dichotomie. La résolution spatiale redéfinie. Voisins généralisés dans un ensemble de points : voisinage epsilon, Kème entourage. triangulation minimale, contiguïté de Sokal, polygones de Thiessen. Voisins d’ordre supérieur. Ensembles d’intervalles associés à un ensemble de points ; ensembles de points associés à un ensemble d’intervalles. Cas de dimension supérieure.
– Semaine XI. Opérateurs géographiques généralisés. Extension des opérateurs matriciels aux ensembles de points irréguliers, aux données d’intervalles de manière à inclure la matrice comme cas particulier. Théorème d’échantillonnage bidimensionnel généralisé et reconstructions à partir de données échantillonnées.
– Semaine XII. Codage géographique. Contenu théorique de l’information sur les Latitude/Longitude. adresse de rue. Code postal, numéro de téléphone. Enquêtes publiques réalisées en aménagement et similaires. Propriétés topologiques et métriques, schémas de dénomination des lieux. Coordonnées gaussiennes. Une variété de schémas de coordonnées planes. Formules pour travailler sur la sphère et l’ellipsoïde.
– Semaine XIII. Conversions de codes géographiques. Codes complets/partiels. Redondants/optimaux. Codes inversibles/non-inversibles. Géométrie de Blum et invariants squelettiques. Conversions point/point, point/intervalle, intervalle/intervalle et leurs inverses. Approches polygonale et squelettique ; mesures d’erreur. Adresse postale,Latitude/Longitude et ainsi de suite.
– Semaine XlV. Projection cartographique. La théorie classique : Ptolémée, Mercator, Lambert, Euler, Gauss, Airy, Chebyshev, Tissot. Mesures finies et différentielles de la distorsion. Applicabilité aux « cartes mentales ».
Simplifier les calculs en utilisant des projections cartographiques. Quelques nouvelles façons d’inventer des projections. Calcul de cartogrammes.
– Semaine XV. Systèmes d’Information Géographique. Exigence de largeur de bande ; exigences en dollars ; matériel et logiciels. Schémas d’entrée. algorithmes de manipulation, schémas de sortie. Aperçu historique et exemples : TIROS-ERTS, CHATS-PJ-BATS. CLI-MLADS-DIME. Approches analytiques de l’utilisation des données géographiques : techniques d’optimisation. tests de sensibilité. régionalisation. analyse des tendances spatiales. simulation dynamique. modèles de croissance. prévisions régionales.Notes :
1 La fonction peigne (de Dirac) permet de discrétiser une série continue de manière périodique, selon un pas de temps (T), générant alors une distribution de Dirac, ou distribution cha (Source : Wikipédia). 2 Transformation d’un maillage géographique hétérogène en quadrats ou maillage carré.3 Terme non traduit, car non reconnu. 4 Le Limulus polyphemus est un insecte vivant sur les côtes Est d’Amérique du Nord et Centrale (Source : Wikipédia). 5 Catégorie ? 6 En apprentissage automatique (i.e. machine learning), le perceptron est un algorithme d’apprentissage supervisé de classificateurs binaires. 7 Cette partie du cours devant être obligatoirement comprise par les étudiant.e.s au risque d’être répétée jusqu’à l’écœurement.Tobler R. Waldo, n. d., Statistical cartography : what it is ? Note : University of California, Santa-Barbara, California, 6 p. Poly : 77-81. Version bilingue et commentée. ?hal-03739509? .
Tobler R. Waldo, 1975, Analytical Cartography. Geography 482. 3 credits. Prof. Waldo R. Tobler University of Michigan, Ann Arbor, Michigan 48109, U.S.A.
Tobler R. Waldo, 1976, Analytical Cartography, in: Dodge Martin, Kitchin Robert and Perkins Chris (dir.), The Map Reader: Theories of Mapping Practice and Cartographic Representation, John Wiley & Sons Ltd eds, 1976, [https:]]
Tobler R. Waldo, 1977, Analytical Cartography, The American Cartographer, 3(1), pp. 21-31
Keith K. Clarke and John G. Cloud, 2000, On the Origins of Analytical Cartography, Cartography and Geographic Information Science, Vol. 27, N°3, 2011, pp. 195-204.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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10:58
Statistical cartography : what is it ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLes recherches de Waldo R. Tobler, bien que fondamentalement inscrites en géographie humaine, quantitative, impliquent toujours des disciplines connexes et transversales, à savoir les mathématiques pour la formalisation et le traitement numérique, l’informatique pour le développement d’outils et la cartographie pour la représentation des résultats obtenus.
Concernant la cartographie, Tobler s’est d’abord attaché à décrire la Cartographie statistique, réalisée à partir de données numériques issues de comptages, de dénombrement, d’enquêtes ou encore de recensement, et, qui est plus connue en France sous l’expression Cartographie thématique. Certains auteurs francophones sont d’ailleurs contre l’usage de cette expression “Cartographie statistique” que Tobler a finalement peu utilisé. Par la suite, il s’intéressera en effet plutôt à ce qu’il nomme la Cartographie analytique, qui fera l’objet d’une prochaine traduction.
La traduction de Statistical Cartography, what is it ? est celle d’une courte note de recherche non publiée qui explore, comme l’indique Tobler « l’une des facettes de la relation entre la cartographie et les statistiques ». Non datée, cette note lui a probablement plutôt servi de document de travail. Elle pourrait d’ailleurs avoir été écrite dans les années 1976/1977, lorsque Tobler pris son poste de Professeur de géographie à l’Université de Santa-Barbara, en Californie.
Référence : Waldo Tobler, Françoise Bahoken. Statistical cartography: what it is ?. 2022. <hal-03739509>
Voir aussi :
Tobler (1969) face à la sémiologie des réseaux de Bertin (1967)
TTT traductions
TTT dans Néocarto
Programme TTT (Tribute 2.0 Tobler)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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0:38
L’émigration européenne en 1951
sur Carnet (neo)cartographiqueOn souligne beaucoup ces derniers temps – en le plaçant au centre des débats – le fait que les pays d’émigration contemporaine soient ceux du sud, notamment ceux d’Afrique qui provoqueraient un afflux important de réfugiés en direction du Nord, en direction de l’Europe de l’Ouest.
C’est entre autres oublier qu’il fut un temps, pas si ancien que cela, c’était plutôt les populations du Nord, en particulier celles d’Europe occidentale qui émigraient en direction de pays du sud.
La carte ci-dessous a été réalisée à partir d’informations disponibles dans le « … Rapport présenté par le Directeur Général au Conseil Général de l’Organisation Internationale pour les Réfugiés sur l’expérience acquise dans le domaine des migrations au cours des opérations par lesquelles l’Organisation à préparé l’émigration et assuré le transport de plus d’un million de réfugiés et autres émigrants. »
Elle présente une typologie des pays du monde au regard de l’émigration et de l’immigration.
Cette carte montre qu’en 1951, les pays d’accueil de réfugiés internationaux sont surtout ceux du sud. Elle souligne notamment le rôle notable de la France (et de la Grande-Bretagne) qui présentent tous deux un profil d’émigration et d’immigration.
Source : Organisation internationale pour les réfugiés, 1951, Migrations d’Europe… Résultats d’une expérience, Éditions du Rocher, Monaco.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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22:01
L’exil cartographié par (et de) Émile Giffault
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui nous accueillons Gaëlle Sutton, cartographe indépendante spécialisée dans la gestion des risques naturels et passionnée de climatologie et de l’Arctique. Gaëlle nous présente l’une de ses très belles cartes reprenant la cartographie de l’exil du cartographe Émile Giffault. Nous lui laissons la parole…
A l’occasion du Mapvember (édition 2021, organisée sur Twitter par le cartographe Topi Tjukanov), j’ai repris une carte d’Émile Giffault (1850-1906), cartographe et géographe, réalisée lors de son exil en Nouvelle-Calédonie.
L’exil forcé d’Émile GiffaultEn 1871, Émile Giffault prit part aux événements de la Commune. En juin 1872, il fut accusé d’avoir participé à l’incendie de la préfecture de Paris dans laquelle il travaillait aux archives. Après un bref procès, il fut condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie au début de l’année 1872, à l’âge de 21 ans. Quelques mois plus tard, au départ du bagne de Toulon, il embarque à bord de la Virginie pour un voyage de quatre mois et quelques 16 000 kilomètres. Il réalisera aussi plusieurs croquis des lieux d’escale de la Virginie comme l’île de Gorée au Sénégal ou l’île de Tristan Da Cunha, isolée dans l’Atlantique sud.
En tant que déporté politique, il est débarqué à l’île Nou, non loin de Nouméa. Le géographe séjournera en Nouvelle-Calédonie pendant 8 ans, avant de pouvoir rentrer à Paris.
Un témoignage géographique de la communeMalgré des conditions de voyage effroyables à bord de la Virginie et un long séjour sur l’île, Émile Giffault conservera sa carte (et ses croquis) jusqu’à son retour. Conservée au musée Balaguier (à la Seyne-sur-Mer), elle constitue un rare témoignage cartographique et géographique de la Commune. À Paris, il poursuivra sa carrière de cartographe en illustrant des atlas et plusieurs élections législatives pour différents quotidiens.
La carte d’Émile Giffault
A l’exception du trajet de retour par la route du Cap Horn, le géographe a reporté le trajet de la Virginie et plusieurs de ses escales, datées, de Toulon à Nouméa.
J’ai simplement repris et reporté ces informations sur un fond de carte simple (généré à partir de ce site : worldmapgenerator.com) qui permet de choisir une projection, de la déformer à souhait et de l’exporter en format vectoriel. Cet export m’a permis d’éditer le fond facilement, d’ajouter le tracé et de mettre en page la carte sur Illustrator.
– Sources :
Artistes engagés dans la commune de Paris de 1871
Émile Giffault (1850-1906) dans la commune de Paris
Le procès d’Émile– Ses travaux cartographiques
Émile Giffault sur ./data.bnf.fr/gaellesutton.fr @Gaelle_Sutton
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13:01
La France, seul pays des droits de l’homme ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLa revue De Facto propose un dossier intitulé Et si la France se retirait des conventions internationales ? », coordonné par Émeline Zougbédé, Ségolène Barbou des Places et Michel Agier, à l’intérieur duquel figure l’article « « France, pays des droits de l’homme ». Ce qu’en disent les conventions et accords » auquel j’ai participé. Extrait.
Certaines voix déplorent régulièrement que la souveraineté de la France en matière de gouvernance des migrations est contrainte par un sérail de conventions internationales. C’est oublier que la France, loin d’être le seul pays des droits de l’homme, conclut aussi des accords de réadmission pour le renvoi des personnes étrangères dans leur pays d’origine.
« La France n’est pas le seul pays des droits de l’homme », comme on aurait pu s’y attendre, c’est le constat qui s’impose après lecture de cette carte : nombre de pays d’Afrique, notamment, disposent également d’instruments juridiques liés aux droits humains, bien que dans une moindre mesure en raison du caractère précurseur de la France dans le domaine. Lire la suite dans le n°32 de De facto | Institut Convergences Migrations.
Françoise Bahoken, Emeline Zougbédé, Ségolène Barbou des Places & Michel Agier, « « France, pays des droits de l’homme ». Ce qu’en disent les conventions et accords », in : Emeline Zougbédé, Michel Agier & Ségolène Barbou des Places (dir.), Dossier « Et si la France se retirait des conventions internationales ? », De facto [En ligne], 32 | Mars 2022, mis en ligne le 4 avril 2022. URL : [https:]]
Référence :Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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8:25
Ukrainian refugees welcome
sur Carnet (neo)cartographiqueSelon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), près de 4 millions de personnes ont fuit l’Ukraine depuis le début de la guerre. Des mécanismes de protections temporaires ont été mis en place par les pays européens et les populations se mobilisent pour aider et accueillir les réfugiés à travers toute l’Europe. Mais, même si tous les pays du continent sont mobilisés, d’un point de vue géographique, c’est bien les pays limitrophes, en première ligne, qui assurent prioritairement l’accueil. Sur 4 millions de réfugiés, 2.2 million se trouvent aujourd’hui en Pologne, 560 000 en Roumanie, 380 000 en Moldavie et 330 000 en Hongrie. En géographie, la distance compte !
Cette prime à la proximité dans les phénomènes migratoires est d’ailleurs observable dans d’autres contextes. Lors de la dite crise des réfugiés syriens de 2015, les pays qui ont accueilli le plus étaient la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Arabie Saoudite et non pas les pays européens comme on se l’imagine souvent. Voilà de quoi, donc, nous interroger sur nos perceptions souvent biaisées, et disons-le, profondément nombrilistes.
Quoi qu’il en soit, la prise de conscience et l’élan de solidarité en faveur des réfugiés ukrainiens fait plaisir à voir. Certains revirements sont mêmes spectaculaires. On peut penser par exemple au mea culpa improbable de Robert Ménard. Sans préjuger de la sincérité ou non de ce type de posture, une brèche est désormais ouverte. Et c’est ce qu’ont bien compris nombre d’associations, comme le réseau Migreurop qui réclame que cet élan de solidarité et d’accueil soit étendu à toutes les personnes quelles que soient l’origine, la nationalité, la couleur de la peau, la classe, etc. Bref, un appel faire enfin vivre l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui proclame un droit réel à la liberté de circulation pour toutes et tous. Quel beau combat fraternel, universaliste et internationaliste à mener.
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Article original paru dans l’Humanité [voir]
Le code source de la carte (javascript) est disponible ici.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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15:28
Prendre la route de Bamako pour QGIS via le Plugin OSM
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui, nous recevons Joseph Benita, ancien travailleur humanitaire reconverti dans la gestion de l’information au service des humanitaires et surtout dans la cartographie et la mise en place de SIG pour ceux-là. Joseph couvre notamment le Sahel depuis quelques années. C’est pourquoi il nous montre comment récupérer les routes de Bamako.
Nous lui laissons la parole…Chercher des données pour faire des cartes, de la géographie est devenu avec internet, un travail à temps plein de recensement des sites avec les grands classiques, largement connus et les petites pépites qu’on se refile entre collègues.
Au rang des bases de données les plus ouvertes et génériques, Openstreetmap est une source de données mondiale qui permet de disposer à la fois d’un fond de carte pertinent avec des couches clés, routes, lieux, etc. Créée en 2004 et mise à jour en continu par des milliers de volontaires autour du monde c’est un équivalent cartographique au projet wikipédia où chacun peut tant être utilisateur que contributeur de données via différentes interfaces disponibles.
1. Interfaces web de téléchargement des données OSMLes données sont disponibles au téléchargement par différentes interfaces web, notamment[1] :
- Bbbike, permettant d’exporter l’ensemble des données OSM pour une zone définie par création d’un polygone d’intérêt ;
- Geofabrik, qui permet de récupérer l’ensemble des données OSM à l’échelle d’un contient ou d’un pays ;
- Overpass-turbo qui permet, pour une zone définie de ne télécharger que les éléments d’intérêt et non pas toute la base de données d’OSM par le biais de requête reposant sur la structuration de la BD OSM et sur le langage de l’API. Gros intérêt donc, on ne télécharge que ce qui nous intéresse plutôt que toutes les données OSM qui peuvent peser très lourd.
En parallèle, un des outils carto. de la galaxie du libre est QGIS, qui permet la manipulation de couches raster, vecteur et de bases de données. Le logiciel s’enrichit version après version depuis 2002 et s’appuie sur un très grand nombre d’extensions développées de manière ad-hoc qui sont intégrables au logiciel principal (Extensions > Installer/ gérer les extensions). Développées par une multitude de contributeurs, elles sont souvent orientées sur une utilisation spécifique et complètent le logiciel principal par de nouvelles fonctionnalités (voir par exemple « Themeselector » pour la gestion des thèmes, qui facilite la gestion des atlas).
2. Récupérer des données OSM dans QGISDans le lot, QuickOSM est une extension clé qui permet de récupérer directement dans QGIS des données d’intérêt issue d’Openstreetmap. L’interface fonctionne de la même manière que l’API d’overpass-turbo par le biais de requêtes permettant de récupérer des données d’OSM.
Installer l’extension quickOSMConcrètement, 3 variables sont à définir dans l’utilisation de cette extension :
- La clé de recherche des objets tel que définis par OSM ;
- La valeur la clé recherchée (si non définie, l’ensemble des objets avec cette clé seront considérés) ;
- La zone concernée.
Note : les différentes clés et valeurs sont directement listées dans l’outil et fonctionnent en cascade.
Listes en cascade des clés et valeurs de clé d’OSMEn complément, deux autres éléments sont paramétrables :
- La durée d’exécution de la requête (25 secondes par défaut, ce qui peut être trop court pour des requêtes volumineuses) ;
- Le type d’objet recherché (node – nœud et/ou way – ligne et/ou relation – polygone). On récupère par défaut l’ensemble des objets de ces trois catégories, il est possible d’être plus spécifique dans l’écriture de la requête en supprimant les types d’objet non désirés.
Note pour la définition de la zone d’intérêt : il est possible d’utiliser à la fois l’emprise du canevas, celle d’une couche ou encore la référence d’une entité administrative existante dans OSM (« geocodeArea »): « Paris », « Marseille », « Bamako », etc.
Requête rapide sur l’exemple des routesL’onglet « requête rapide » permet de définir les 3 variables rapidement et d’exécuter la requête. Au besoin, il est possible de rentrer dans l’écriture de la requête (onglet « Requête » ou « Montrer la requête ») pour alors paramétrer plus finement celle-ci.
Une requête basique ressemble à ceci pour récupérer les routes primaires de Bamako :
3. Récupérer les seuls attributs de données
Pour une recherche plus large, on pourra alors modifier la requête tel que suit :Il est possible d’aller plus loin en ne téléchargeant que les données sans les objets géographiques, de sélectionner des colonnes spécifiques dans la table attributaire, etc.
Note : les couches chargées sont mises en mémoire tampon dans QGIS et doivent être sauvegardées en local dans le format souhaité (.gpkg, .shp, etc.).
Plus d’éléments : Importing Openstreetmap dans QGIS (en anglais)
Finalement, il existe une autre manière de « récupérer » une couche OSM dans QGIS, cette fois pour de l’affichage simple sous forme de tuile (pas de modification, ni de manipulation dans ce cas). Pour cela, il existe plusieurs manières de procéder :
Ajout manuel d’une couche de tuile XYZ via son URL- La plus basique étant d’ajouter une couche de tuile XYZ manuellement en disposant de l’URL de la couche (Explorateur> XYZ tiles > Nouvelle connexion > URL). Pour la couche OSM de base : http://tile.openstreetmap.org/{z}/{x}/{y}.png (attention, les URL peuvent changer) ;
- La plus facile étant via l’extension QuickMapService (QMS) qui facilite l’ajout de couches XYZ via le menu déroulant « Internet » en proposant différentes sources (Extensions > Installer/gérer les extensions).
[1] On ne note ici que celles qui nous semblent les plus intéressantes, la liste n’est pas exhaustive.
Consultant indépendant
en cartographie et
gestion de donnéesBillets liés :
Je demande la route -
23:56
Je demande la route, d’OSM
sur Carnet (neo)cartographique« Je demande la route » est une expression courante utilisée en Afrique noire (et peut-être ailleurs) pour indiquer à l’assistance qu’on souhaite partir, qu’on veut « prendre la route », autrement dit « aller vers la route » – on y dit d’ailleurs : « aller en route » (pour attraper un taxi, un véhicule). Bref.
Dans le présent billet, il ne s’agit pas d’aller vers la route, mais plutôt de faire venir la route à soi, enfin, de télécharger un fichier de routes (ou autre) depuis un serveur distant pour réaliser rapidement une cartographie d’un réseau de routes, donc, ou d’un plan de ville par exemple.Supposez que vous avez une carte ou une géodataviz à réaliser mobilisant un réseau routier à grande échelle et, que vous pensez qu’il serait intéressant qu’elle puisse s’appuyer sur les données de la base de données géographiques collaborative Open Street Map (OSM). Mais vous avez un soucis : vous n’êtes pas vraiment un.e geek ou, si vous en êtes un.e, vous êtes pressé.e, mais vous voulez quand même réaliser une belle carte.
Deux possibilités s’offrent à vous en fonction de l’outil que vous allez utiliser pour réaliser cette carte : un logiciel de dessin vectoriel (cas n°1) ou bien une application logicielle de cartographie/géovisualisation de données localisées (cas n°2) .
Pour obtenir un fichier vectoriel ou image à utiliser avec un outil de dessin tel Inkscape ou autre, rendez-vous sur Anvaka, puis entrez le nom de la ville et choisissez l’emprise qui vous intéresse parmi la liste proposée.
Vous arrivez ensuite sur un écran qui vous permet de faire une petite mise en forme avant l’export en .png ou .svg.
Exemple ci-dessous avec la ville de Grenoble (située en France…).
Vous pouvez ensuite customiser récupérer votre sortie dans un logiciel de graphisme pour finaliser votre mise en page. Si vous êtes également intéressé par l’outil qui permet cette jolie sortie, tout vous est fourni sur un plateau déposé sur le Github de @anvaka.
Vous pouvez au contraire souhaiter obtenir un plan de ville prêt à l’emploi, à imprimer ou à encadrer. Dans ce cas, MyOsMatic vous permet de générer des plans de villes issus d’OSM aux formats .png, .pdf et .svg, prêts à imprimer.
Mappin Map it Now est plutôt intéressant, car il permet d’obtenir le réseau de routes d’une ville souhaitée à différentes échelles, comme ci-dessous.
Exemples de changements d’échelle d’une vue sur Grenoble (France)
Le choix de l’échelle réalisé, l’emprise de la vue est s’affiche dans un cadre pré-défini. Il est ensuite possible de styliser sa carte par le choix de couleurs des lignes, du fond, ou par celui l’application d’un style de carte, parmi lesquels les suivants …
Exemples de stylisation d’une vue sur Grenoble (France)
L’encadrement de sa carte permet ensuite d’en profiter telle une œuvre d’art.
Grenoble, ma ville !
Pour obtenir un fichier vectoriel issu d’OSM et utilisable dans une application de type Système d’Information Géographiques (SIG), webSIG et consorts, allez plutôt sur un site tel BBBike extracts OpenStreetMap par exemple.
Choisissez d’abord votre format de sortie, encore une fois en fonction de votre outil préféré, parmi la liste proposée – laquelle est très fournie. Renseignez également une adresse électronique, car l’application vous enverra un email pour vous informer lorsque votre jeu de données sera prêt à télécharger.
Recadrez ensuite la vue ou dessinez l’emprise de votre zone d’intérêt, puis attendez quelques secondes. L’application télécharge alors pour vous un ensemble de fichiers géoréférencés sur votre zone d’intérêt et au format demandé (donc pas seulement les routes). Vous recevez une archive .zip dont vous pouvez ensuite (re)travailler le style ou non.
Exemple d’extraction OSM sur Grenoble (Isère) : couches bâti et réseau routier
Exemple d’extraction sur Saint-Marcellin (Isère) : couches bâti et réseau routier
Vous réalisez ensuite a minima le design et la mise en page finale dans l’outil de graphisme de votre choix. Ci-dessous, récupération de shapefiles mis en forme dans QGis et Inkscape.
Cela étant, il y a quand même un avantage à passer par la seconde solution qui est de pouvoir récupérer un fichier géographique, donc muni d’une projection cartographique, avec lequel il va ensuite être possible de réaliser des analyses géographiques, spatiales… avant de réaliser la carte finale.
Pour aller plus loin dans l’analyse, il est possible de télécharger d’autres éléments d’occupation du sol de la ville d’intérêt, en utilisant l’API overpass turbo.
Overpass est un outil permettant de sélectionner des couches OSM relatives à une zone, par le biais de requêtes (l’application fournit un assistant de requêtes). Cela suppose toutefois une bonne connaissance des données OSM ainsi que de la structure du langage des requêtes API Overpass qui est spécifique à l’application (ce dernier est décrit dans le WIKI d’OSM).
L’intérêt d’Overpass est de pouvoir exporter soit les données brutes de OSM, soit un export en version graphique (.png) ou bien géonumérique dans différents formats (.geojson, gpx, .kml). A noter également la possibilité d’exporter une carte interactive ou de partager son lien d’accès.
Si les routes d’OSM peuvent être rapatriées depuis des API et autres webmaps, il est également possible de les mobiliser via des requêtes effectuées depuis des applications logicielles SIG telles QGIS, par exemple, à suivre…
Merci à Sylvain Genevois et Joseph Benita pour les suggestions de Mappin et d’Overpass.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:09
Géomagicien, géomathématicien, géomaticien ? Mais en fait c’est quoi ton job ?
sur Carnet (neo)cartographique«- Au fait, tu bosses dans quoi ?
– La géomatique.
– La géo-quoi ?
– Les sciences de l’information géographique.
– Ah… Ok. C’est quoi ? »
Voilà un échange que j’ai régulièrement à propos de mon métier de géo-magicien, pardon de géomaticien. Dans le cadre de l’initiative Séries Science, j’ai pu présenter de manière détendue les particularités de celui-ci.
– Séries Science, c’est quoi ?
– C’est un rendez-vous proposé aux personnels de l’Université Gustave Eiffel afin de présenter leurs travaux en les illustrant avec des extraits de séries télévisées.
Pour visualiser la vidéo, c’est ici.
Je me suis appuyé sur des extraits des œuvres suivantes :
– Vampires en toute intimité (What We Do in the Shadows), film néo-zélandais de 2014
– Washington Police (The District), épisode pilote de 2000
– Parks and Recreation, épisode 9 de la saison 4 (2011)La présentation se termine par une courte démonstration de cartographie avec le logiciel libre QGIS pour réaliser une carte de stocks, à partir de données que j’utilise régulièrement en cours.
– Mais pourquoi avoir choisi ces extraits ?
– Principalement parce qu’ils donnent à voir une certaine facette du métier de géomaticien. Dans un premier temps, la méconnaissance du métier par le grand public. Dans un deuxième temps, les aspects d’aide à la décision et d’appui aux politiques publiques. Le dernier extrait montre que la géomatique est partout autour de nous, parfois sans que nous le sachions.
Geodatabases and stuffLe premier extrait est tiré de Vampires en toute intimité, il se se concentre sur Stuart et sa difficulté à expliquer son travail à ses amis et aux gens qu’il rencontre. Je ne sais pas comment les créateurs du film ont eu cette idée (très probablement de l’entourage proche d’un des scénaristes) mais cela tombe particulièrement juste. Personne ne connaît le métier de géomaticien mais tout le monde connaît Google Maps !
A noter que Stuart est régulièrement confondu avec un informaticien alors que de mon côté, je suis plus souvent assimilé à un géographe.
With backupsLes extraits suivants sont tirés de l’épisode pilote de la série Washington Police.
Le gendarme et l’hétérogénéité spatialeDans cet épisode Jack Mannion vient de prendre la direction des services de police de la ville de Washington D.C. Lors d’une réunion avec son équipe, il s’interroge sur le découpage des secteurs de police et des disparités entre ces secteurs. Certains secteurs sont très fortement pourvus (autour de la Maison Blanche et du Capitole mais aussi des quartiers riches), d’autres secteurs sont moins favorisés.
Les géographes ont un concept pour cela, l’hétérogénéité spatiale : la répartition dans l’espace des phénomènes observés n’est jamais homogène, certains endroits de l’espace verront un nombre de phénomènes supérieur à la moyenne du territoire observé, d’autres auront une quantité inférieure à la moyenne. Ces différences de répartition dans l’espace, qu’elles soient dues à des causes naturelles ou anthropiques, peuvent être étudiées.
Constatant le manque d’entrain de ses subordonnés à répondre à ces questions, Jack Mannion se met en quête du service Statistiques dans les sous-sols. Il y rencontre Ella Chambers qui s’occupe depuis plus de 15 ans des statistiques des forces de police de Washington. Le cliché du geek à l’aise avec les ordinateurs, caché au fond d’un couloir au sous-sol a encore de beaux jours devant lui.
La géomatique, votre atout beautéConsciencieuse et professionnelle, Ella Chambers maintient à jour ses bases de données et les chiffres fournis. Séduit par le franc-parlé d’Ella Chambers, Jack Mannion demande à cette dernière de lui sortir des statistiques à jour comparant les crimes résolus et non résolus.
Dans l’extrait suivant, Jack Mannion a convoqué les chefs des différents secteurs de police afin de confronter les chiffres que ces derniers lui fournissent et la « réalité » du terrain. S’ensuit un débat houleux car la réalité n’est pas glorieuse.
Cette séquence est intéressante car Jack Mannion utilise les compétences d’Ella Chambers pour afficher sur un écran géant la cartographie de différents types de crimes. Grâce à cela, il donne à voir à son auditoire le message qu’il veut faire passer: « les calculs sont pas bons, Kévin » .
Penchons-nous un peu sur différents éléments de cette séquence.
Guerre des chiffresEn introduction, je parlais des « sciences de l’information géographique » pour parler de la géomatique. Je pourrais tout autant parler des « sciences des données géospatiales » pour dire la même chose. Et, si il est toujours satisfaisant de produire une jolie carte, il faut toujours se confronter aux données sous-jacentes. Ne pas hésitez à retourner à la source quand les données agrégées nous interpellent. C’est ce qu’a fait Jack Mannion en allant voir Ella Chambers et ce qui lui permet de tenir tête à son interlocuteur quand celui-ci lui assure de la qualité des chiffres concernant une baisse de la criminalité.
SIG métierL’outil utilisé par Chambers et Mannion se rapproche de COMPSTAT, un Système d’Information Géographique (SIG) développé par la ville de New York dans les années 90. Capable d’interroger des bases de données et d’afficher les résultats sur une carte, COMPSTAT s’intéresse aux crimes. Quand un SIG s’intéresse à un domaine particulier (criminalité, réseaux humides ou secs, urbanisme, etc.), et généralement avec des fonctionnalités dédiées, nous parlons alors de SIG métier.
Jeu d’échellesEn demandant à Ella Chambers d’afficher le district, de zoomer sur un endroit particulier, puis sur un croisement particulier, Jack Mannion joue avec les échelles. Ainsi, avec un SIG, il est possible de s’intéresser à une observation précise mais aussi à ceux de tout un territoire ou d’une partie de celui-ci. Dans certains cas, les dynamiques locales sont différentes des dynamiques globales et ces jeux d’échelles permettent de s’en rendre compte.
Croisement de donnéesJack Mannion utilise la possibilité de l’outil d’afficher plusieurs couches d’information simultanément pour croiser des données, par exemple les crimes résolus et ceux non résolus. La carte qui était parsemée de points blancs se couvre alors de rouge. Les SIG peuvent ainsi analyser l’hétérogénéité spatiale d’un phénomène mais aussi de comparer celles de plusieurs phénomènes.
Etla tendressel’analyse spatiale, bordel ?N’ayant jamais utilisé COMPSTAT, je ne peux présumer des fonctionnalités proposées par l’outil mais Jack Mannion ne fait que montrer des empilements de couches sans tenter de calculer des indicateurs spatiaux.
Considérant que Jack Mannion dispose des données non agrégées et de la position géographique de chaque observations, une analyse des semis de points aurait été possible. Il aurait pu tenter de s’affranchir des limites des secteurs de police à l’aide d’un maillage régulier, de trouver des « points chauds » avec un lissage spatial.
If you think that’s bad, go to Google Earth and type in your adress!Le dernier extrait est un dialogue entre deux personnages de la série Parks and Recreations : April Ludgate and Ron Swanson. Ron interroge April au sujet d’une publicité personnalisée sur un site commercial. Celle-ci lui apprend qu’à l’aide de cookies les sites commerciaux sont capables d’apprendre des choses sur lui. Ron en est choqué, et, pour enfoncer le clou, April lui conseille de saisir son adresse dans Google Earth.
Cet extrait permet d’illustrer qu’il est possible d’utiliser la géomatique (par exemple Google Earth) sans même sans apercevoir et avec un minimum de connaissance. Mais surtout il illustre le fait que même des données géolocalisées peuvent être collectées à notre insu.
Si la question de la collecte de vos données personnelles par des groupes privés vous intéresse, je ne peux que vous recommander le documentaire DISPARAÎTRE – Sous les radars des algorithmes disponible sur Arte.tv.
ConclusionPrésenter son métier à l’aide d’extrait télévisé est un exercice plaisant et j’espère que l’expérience aura été enrichissante et qu’au prochain repas de famille, vous pourrez épater votre beau-frère Jean-Michel Sait-tout : « Au fait tu sais ce que c’est la géomatique, toi ? »
P.S. : Si, malgré cette démonstration, vous ne croyez toujours pas que géomagicien c’est un vrai métier, sachez c’est qu’il existe une fiche ROME !
Billets liés :
– Nicolas Lambert, 2021, Et sinon, tu fais quoi dans la vie ?
– Nicolas Lambert, 2019, Pas de stocks en aplat ! -
21:24
AR9 (carto)graphies et (géo)visualisation de Données
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet reprend des éléments de la proposition d’axe de recherche « (carto)graphies et (géo)visualisation de Données » [accéder au site] rédigée collectivement par une équipe pluridisciplinaire de porteurs et porteuses composée de Françoise Bahoken, Anne-Christine Bronner, Étienne Côme, Robin Cura, Nicolas Lambert et Boris Mericskay, pour le renouvellement du GdR MAGIS (2022-2027) du CNRS.
Présentation
Le renouvellement pour 5 ans du Groupement de recherche du CNRS sur les Méthodes et Applications pour la Géomatique et l’Information Spatiale (GdR MAGIS) donne lieu à un nouvel axe de recherche (AR) dédié aux (carto)graphies et (géo)visualisations de données (AR9) ; le texte intégral est disponible dans le pré projet.
Cet axe de recherche s’inscrit dans la continuité des Actions Prospectives (AP) CartActive (2006-2013) et Géoviz (2017-2020) dont elle découle directement, ainsi que de certains axes des AP Géo-visualisation et Cognition et Geoweb (2017-2020).
Objectifs :L’objectif général de l’AR9 (carto)graphies et (géo)visualisations de données est de fédérer des réflexions et des travaux scientifiques d’origines disciplinaires variées en proposant, d’une part, de mener une veille théorique, méthodologique et technique sur les modalités contemporaines de la fabrique des cartes et, d’autre part, de fédérer et d’animer une communauté de chercheurs (essentiellement géographes, géomaticiens, cartographes, informaticiens…) lors d’ateliers, de journées et de séminaires thématiques et méthodologiques.
Au-delà de cette fédération, il s’agit aussi de poursuivre le mouvement initié par l’AP Géoviz de discussion avec des « communautés connexes » s’intéressant toujours plus à la visualisation de données spatiales (sciences des données, statistiques, visualisation d’informations). Un objectif à long terme serait d’établir des interactions entre des domaines d’expertises qui interagissent encore peu : la cartographie dans toute sa diversité (inscrite dans la géographie et la géomatique) et la visualisation/exploration visuelle de données (inscrite dans les champs informatiques de la dataviz, de l’IHM et de l’InfoVis).
Cela consiste plus généralement à susciter une réflexion idéalement interdisciplinaire sur la manière dont les pratiques des cartographes ont évolué ces dernières années, ont pu s’enrichir dans le cadre de « fertilisations croisées » (Bunge, 1962) avec d’autres disciplines au premier rang desquelles les sciences de l’information.
Pour structurer ces réflexions, nous pouvons mentionner les questionnements qui suivent.
Comment les géovisualisations participent-elles à la compréhension des enjeux sociétaux et environnementaux ? Comment enrichir qualitativement les géovisualisations en tenant compte de leur thématique (climat, migration, risques, santé, etc.), de leur contexte de production (outils, technologies), du public de destination (grand public, experts) ? Comment évaluer cet enrichissement ? Comment évaluer les documents/productions cartographiques à l’aune des pratiques réalisées en anthropologie ou dans les sciences cognitives, par exemple ? En retour, comment valoriser le corpus disciplinaire des SHS (concepts et méthodes de l’analyse spatiale, théories de la cartographie thématique par exemple) auprès des communautés inscrites dans les champs informatiques de la dataviz, de l’IHM et de l’InfoVis qui manipulent l’information géographique ?
Cette nouvelle AR est portée par un ensemble de chercheur·e·s aux profils diversifiés, ayant une pratique hétérogène de la cartographie contemporaine et s’inscrivant dans des registres variés tant techniques, méthodologiques que réflexifs.
Principaux axes :Les actions de l’AR se structureront autour de 3 axes principaux.
1 – Recenser et qualifier les usages, les méthodes, les concepts et les outils de la fabrique cartographique contemporaine ;
2 – Identifier et analyser les évolutions et les changements qui s’opèrent aujourd’hui dans les pratiques cartographiques au sens large ;
3 – Questionner et formaliser les différences entre approches cartographiques et approches infovis/dataviz. Présentent-elles des différences fondamentales en termes de pratique de réalisation, de types de publics, de data-litteracy ou encore d’évaluation ?
Programme d’actions :Différents types d’actions sont envisagés pour mettre en œuvre ces objectifs, en particulier lors des assises de MAGIS ou de la conférence SAGEO. Elles seront menées en privilégiant les collaborations avec d’autres AR, mais aussi avec la communauté infoviz/dataviz et des collectifs de recherche existants.
- Ateliers > Présentations et discussions autour d’objets et de thèmes spécifiques ;
- Journée d’étude > pour favoriser l’interconnaissance dans le cadre d’échanges avec d’autres communautés (infoviz, informatique, sciences sociales,…) ;
- Formation > format court (workshop, masterclass) et format long (école thématique) ;
Bunge, W., 1962. Theoretical Geography. First Edition. Lund Studies in Geography Series C: General and Mathematical Geography. Lund, Sweden: Gleerup.
Christophe, S. (2020). Geovisualization?: Multidimensional Exploration of the Territory (pp. 325-332). Communication présentée au 11th International Conference on Information Visualization Theory and Applications. DOI: 10.5220/0009355703250332
Çöltekin, A., Bleisch, S., Andrienko, G., & Dykes, J. (2017). Persistent challenges in geovisualization – a community perspective. International Journal of Cartography, 3(sup1), 115?139. DOI : 10.1080/23729333.2017.1302910
Joliveau T., Noucher M., Roche S. (2013). « La cartographie 2.0, vers une approche critique d’un nouveau régime cartographique ». L’Information géographique, vol. 77, n°4, p. 29-46. DOI : 10.3917/lig.774.0029
MacEachren, A. M., Gahegan, M., Pike, W., Brewer, I., Cai, G., Lengerich, E., & Hardisty, F. (2004). Geovisualization for Knowledge Construction and Decision Support. IEEE computer graphics and applications, 24(1), 13-17. DOI : 10.1109/MCG.2004.1255801
Roth, R., E., 2013, Interactive maps: What we know and what we need to know, The Journal of Spatial Information Science, 6:59-115. DOI:10.5311/JOSIS.2013.6.105
Lancement de l’AR9Le lancement de l’axe de recherche (carto)graphies et (géo)visualisations de données sera effectué lors des journées Assises MAGIS qui auront lieu à Grenoble du 21 au 23 mars 2022.
Il donnera lieu à deux moments : un atelier collectif et une présentation en séance plénière.
(1) Atelier collectif : Évolutions et changements des pratiques, méthodes et outils cartographiques : actualités et perspectivesLundi 21 mars de 10h30 à 12h30 – Programme des ateliers.
Descriptif : Le 1er atelier de l’AR 9 souhaite engager une discussion avec les participant.e.s sur les évolutions récentes (horizon des 5 dernières années) de leurs propres pratiques de cartographies et géovisualisation de données.
Pour initier la discussion, nous présenterons les éléments de nos retours réflexifs sur les changements d’environnements méthodologiques et techniques que nous avons initiés dans nos propres pratiques, ainsi que sur les effets de ces changements sur nos productions cartographiques en tant que telles.Mots-clés : Fabriques et usages cartographiques, (géo)visualisation, interaction, information spatiale, sémiologie.
L’atelier est ouvert à tous et toutes, avec la possibilité d’un suivi à distance.
(2) Présentation en plénière : (carto)graphies et (géo)visualisations de données
Merci de contacter les organisateurs pour accéder aux codes d’accès.
Mardi 22 mars à 14h – Programme
Présentation de l’AR9, de ses questionnements et objectifs, de ses actions envisagées.
Les porteurs de l’AR9 :
F. Bahoken, A.-C. Bronner, E. Côme, R. Cura, N. Lambert, B. Mericskay.
Envoyer un mail aux porteursGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:18
Migrexplorer l’émigration ukrainienne
sur Carnet (neo)cartographiqueLes populations ukrainiennes sont actuellement jetées sur les routes de l’émigration en raison d’une guerre totalement injuste et asymétrique, à laquelle elles sont confrontées. Certains observateurs des données ont d’ailleurs mentionné que plus d’un million de personnes ont émigré depuis le début des attaques russes. D’autres cartographient, au fil de l’eau, si on peut dire, ces mouvements de populations associés aux enjeux géopolitiques qu les sous-tendent.
Avant cela, il nous semble intéressant de s’interroger avant tout sur l’émigration ukrainienne récente.
Les ukrainien.ne.s d’aujourd’hui ont-ils eu l’habitude d’émigrer ?Une « bonne carte » valant plus qu’un long discours, pour paraphraser Napoléon, nous allons utiliser les outils de la famille MigrExploreR pour examiner cette émigration ukrainienne récente – celle des trente dernières années.
MigrExploreR est un outil de géovisualisation spatiotemporelle des effectifs mondiaux de migrants. Elle participe d’une famille d’applications cartographiques en ligne [Voir une présentation] développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source]. Migrexplorer permet de représenter, par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) pour un pays donné, un groupe de pays ou pour l’ensemble des pays du monde, selon leur genre et à une ou plusieurs dates.
L’objectif de ce court point est de poser les éléments de l’émigration ukrainienne récente, de manière à pouvoir éventuellement la comparer, ultérieurement et le cas échéant, avec l’émigration actuellement en cours, en lien avec la question de l’accueil des réfugiés en Europe.
Rappelons que, à propos de la migration afghane [voir ce billet], le président de la république française avait mentionné dans son allocution du 16 août [écouter] que « (…) la déstabilisation de l’Afghanistan risque également d’entraîner des flux migratoires irréguliers vers l’Europe (…) et l’Europe ne doit pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle ».
En 2019, près de 6 millions d’Ukrainien.ne.s résident dans un pays autre que le leur. Le premier pays d’accueil de ces populations étant … la Fédération de Russie. A noter que l’inverse est également vrai : la première nationalité des immigrant.e.s en Ukraine étant la Fédération de Russie, c’est dire si leur volume migratoire bilatéral (sommes des flux de l’Ukraine vers la Fédération de Russie et inversement) est important, témoignant de relations pour le moins intense, au sens propre.
Figure 1. les flux de l’émigration ukrainienne en 2019
Accéder à MigrExplorer3 pour explorer ces flux
Si la Russie focalise largement les flux d’émigration ukrainiens en 2019, le solde migratoire est toutefois positif pour l’Ukraine. Cela signifie que l’Ukraine a accueilli plus de Russes que la Fédération de Russie n’a accueillie d’Ukrainiens). L’Ukraine semble d’ailleurs jouer le rôle de pays d’accueil des ressortissant.e.s. de l’Europe de l’est avec lesquels la balance lui est positive : c’est aussi le cas avec la Biélorussie et l’Ouzbékistan qui figurent parmi les dix premiers pays de l’émigration ukrainienne.
Figure 2. Les dix premiers pays d’émigration ukrainienne en 2019
Il faut dire que l’émigration ukrainienne apparaît assez variée spatialement, concentrée dans l’hémisphère nord. En effet, d’après les données des Nations unies qui sont intégrées dans les applications MigrExplorer, les États-Unis étaient le second pays d’accueil en 2019, suivis par le Kazakhstan (voir ci-après les statistiques d’émigration des dix premiers pays d’émigration) puis par des pays européens : l’Italie en quatrième position est suivie de l’Allemagne).
Figure 3. Émigration ukrainienne en 2019
Cette situation n’est pas récente, la carte de l’émigration ukrainienne présente des motifs pour le moins assez constants.
Les populations ukrainiennes émigrent-elles beaucoup dans leur ensemble ?Pour répondre à cette question, examinons la temporalité (1990-2000) de cette migration, à l’aide de MigrExplorer Trends.
Figure 3-1. Temporalité de l’émigration ukrainienne entre 2000 et 2019
Si l’émigration ukrainienne est constante depuis les vingt dernières années à 11,3 % alors que la population totale à perdu 4 millions d’individus sur la période, on observe toutefois une légère baisse à -2,1% lorsqu’elle mesurée depuis 1990 (la population ayant également baissé de près de 6 millions).
Figure 3-2. Temporalité de l’émigration ukrainienne entre 2000 et 2019
Billets liés :
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration afghane. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration mondiale. [Accéder]
- Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géovisualiser des migrations internationales. [Accéder]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2022) Migrexplorer l’émigration ukrainienne depuis , Carnet de recherches Néocartographiques, URL [https:] -
13:52
Le charme d’Herbin
sur Carnet (neo)cartographiqueL’Alphabet plastique d’Herbin, j’ai dû le redessiner et par conséquent essayé d’en savoir un peu plus pour pouvoir le présenter rapidement. Morceau choisi.
L’alphabet plastique d’Herbin« Comme la musique, la peinture a son propre alphabet qui servira de base à toutes les combinaisons de couleurs et de formes ». Auguste Herbin (1949).
L’Alphabet plastique d’Herbin (1882-1960) est un abécédaire « plastique » composé de cinq formes géométriques, des 26 lettres de l’alphabet, des 7 notes de musique et d’un ensemble de couleurs nuancées.
La combinaison (lettre/note, forme, couleur) permet de créer des œuvres picturales d’apparences abstraites parce que fondées sur des motifs géométriques concrets et colorés. Elles n’en sont pas moins signifiantes dès lors que l’on comprend le message transmis via l’alphabet sous-jacent.
CompositionLes motifs des œuvres fondées sur l’alphabet plastique d’Herbin ne sont pas « muets ». Si les images sont bel et bien « à voir », elles sont aussi « à lire » et « à écouter ».
Le principe d’une telle composition est d’agencer des formes géométriques d’intensités colorées variables et associées à une lettre ainsi qu’à une voire un ensemble de notes, de sorte à composer un message : un mot, une phrase (sur la guerre, la paix, …) déchiffrable.
Les combinaisons fondées sur l’alphabet d’Herbin sont en effet considérées comme fondamentales par les artistes abstraits, depuis la présentation de l’ouvrage L’Art non figuratif non objectif par Auguste Herbin lui-même dans une galerie d’art parisienne : La Gentilhommière. Cet ouvrage signe en effet l’émergence, après la seconde guerre mondiale, d’un nouvel art minutieux et non objectif, à la recherche constante d’une forme de perfection dans ses créations.
Son CharmeLa dernière œuvre de l’auteur réalisée en 1959 est intitulée Charme. Elle semble illustrer à merveille le talent de son auteur.
Quid de Néocarto ?Pour composer le terme Néocarto comme pour écrire n’importe quel mot, il faut d’abord récupérer les formes colorées associées à chaque lettre, à savoir la liste suivante :
Ensuite, il convient de manipuler cet ensemble pour créer une « œuvre », les agencer sur un plan de manière à ce qu’on trouve l’ensemble esthétique. Encore faut-il avoir un sens (de l’) esthétique.
En savoir plus :« L’invisible devient de plus en plus visible en se dégageant de l’objet ». Auguste Herbin.
Pour en savoir plus sur le peintre Auguste Herbin et ses apports, lire les travaux de l’historien et critique d’art Christian Perazzone qui a soutenu une thèse sur l’auteur. Voir en particulier l’ouvrage La Création. Traité de la couleur chez Auguste Herbin paru aux éditions Hermann. Une partie de sa collection est également visible sur le site du Moma.
Sources :
– Image mise en avant sur le billet : Auguste Hertin (1941) composition sur les mots pomme, poire, pêche, Gouache sur papier. 32.4 × 47 cm.
– Auguste Herbin (1949) L’Art non figuratif non objectif, Éditions Lydia Conti.
– Mise en musique de l’alphabet réalisé d’après le Cahier de Joséphine.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:52
[TTT] Tobler (1969) à propos de Bertin (1967)
sur Carnet (neo)cartographiquePréambule :Le projet Tribute to Tobler (TTT) s’intéresse aux différents éléments de la production scientifique de Tobler. L’un d’entre eux concerne les textes de l’auteur, ceux qui ont été publiés dans des revues mais aussi ses notes de recherches et autres documents non publiés. Si les textes peuvent être examinés selon différentes perspectives, l’une d’entre elles concerne leur traduction en français. Une série TTT – traductions, réalisée en collaboration avec Laurent Beauguitte, s’ouvre ainsi avec ce premier texte de Tobler (1969). [Voir]
Les textes de Tobler étant logiquement en anglais, nous avons décidé d’essayer d’en traduire quelques uns en français afin de faciliter leur appropriation. Nos forces de travail étant cependant limitées pour une tâche pouvant être ardue, cette activité de traduction de texte de Tobler est en partie mutualisée avec les activités du groupe f.m.r (flux, matrices, réseaux). Une série f.m.r. Textes a en effet ouvert il y a quelques mois à l’initiative de Laurent Beauguitte, donc (et merci !!! c’est une chouette idée).
Les textes de la collection fmr disponibles sur HalSHS sont tous relatifs à l’analyse de réseaux telle qu’elle est mise en œuvre dans différentes disciplines. De fait, ceux de Tobler traduits et intéressant le sujet des réseaux au sens large participeront d’une double collection groupe f.m.r./TTT, ceux qui n’en relèvent pas feront l’objet d’une collection TTT_traductions.
L’objectif n’est bien entendu pas de traduire tous les textes – nous ne disposons ni des ressources, ni du budget, ni du temps, ni … -. Ne vont donc être traduits que ceux qui nous intéressent et nous paraissent pertinents dans le cadre des travaux ou développements menés sur le corpus de Tobler. Cette activité est évidemment ouverte à vous tous et toutes qui seraient intéressés.
Pour commencer cette série, TTT – Traductions, nous avons souhaiter examiner un texte traitant de cartographie de données localisées, aussi par son commencement en évoquant la sémiologie graphique comme une sorte de clin d’œil au lecteur puisque ici, sur Néocarto, on s’intéresse d’abord plutôt à la cartographie de données.
Ayant en particulier proposé différentes méthodes de représentation cartographique, Tobler s’est de fait intéressé aux questions de sémiologie sous-jacentes. D’où son intérêt que l’on devine pour la fameuse publication de Jacques Bertin (1967) Les Diagrammes – Les réseaux – Les Cartes. Il en propose une recension dans le Journal of the American Statistical Association peu après sa sortie, qui fera donc l’objet de cette première TTT – traductions de texte.
Qu’en a-t’il pensé, Tobler, de ce traité de Bertin, sur la sémiologie graphique ?
La traduction de cette review est proposée dans une version bilingue et commentée, suivant la charte d’édition du groupe f.m.r. ; ce texte sera l’un des rares de Tobler à en faire partie, ses travaux ne portant pas spécifiquement sur l’analyse des réseaux.
Les autres textes traduits de Tobler devraient toutefois avoir un formalisme similaire. Sont déjà programmés pour ce qui relève de TTT :
– Waldo R. Tobler (non daté), Statistical Cartography : what it is ? Note de recherche non publiée 2 p.
– Waldo R. Tobler (1976), Analytical Cartography, The American Cartographer, (3)-1, pp. 21-31.
– Tobler W.R. (1981), A Model of Geographical Movement, Geographical analysis, (13)-1, pp. 1-20Référence : Françoise Bahoken. Waldo R. Tobler, 1969, Review of Sémiologie graphique: Les Diagrammes – Les réseaux – Les Cartes, Journal of the American Statistical Association, 24(325):391-392. Coll. Textes, groupe f.m.r (flux, matrices, réseaux), Version bilingue et commentée. 2022. ?hal-03583854?
Voir aussi :
Tobler (1969) face à la sémiologie des réseaux de Bertin (1967)
TTT dans Néocarto
Programme TTT (Tribute 2.0 Tobler)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:38
Les variables cartographiques du flux
sur Carnet (neo)cartographiqueCette figure présente les principales variables mobilisées pour réaliser un graphe ou une carte de flux origine-destination.
Les variables de l’image (Bertin, 1967) servent de composante à la carte : elles caractérisent son implantation spatiale et sa géométrie qui vont servir de support à la représentation.
L‘implantation spatiale géométrique d’un flux est soit bi ponctuelle, soit linéaire tandis que l‘implantation graphique d’un flux (sa géométrie) est généralement linéaire.Les variables visuelles (ou variables rétiniennes) servent à enrichir la représentation graphique [1] en général, sa sémantique symbolisée, pour un flux, par une (poly)ligne et un couple de points d’origine et/ou de destination [2].
Les variables cartographiques du flux origine-destination
La Morphologie est une nouvelle variable que je propose d’introduire pour affiner la sémiologie du flux de manière à pouvoir distinguer la représentation d’un flux origine-destination ordinaire de celle d’un flux origine-destination affecté sur réseau.
Il s’agit bien de deux concepts relevant respectivement du graphe non planaire et du graphe planaire qui vont conduire aux notions de flux et de mouvements dont la cartographie doit également pouvoir tenir compte, y compris dans sa sémiologie. A suivre …Billets liés :
[1] L’image des flux spatialisés dans le geoweb
[2] Quels flux représenter comment ?Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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18:53
Cartographie du métissage de peau
sur Carnet (neo)cartographiqueEn 2001, Ingrid Mwangi, artiste plasticienne germano-kényanne, née à Nairobi en 1975, réalise un duo d’œuvres cartographiques sur le thème du métissage de peau.
Les oeuvres Static Drift 1 and 2 (Dérive statique 1 et 2) – 75 x 110 cm chacune sont visibles au National Museum of Women in the Arts de Washington. Elles peuvent être téléchargées en pleine résolution ici sur le site de l’artiste.
Ces œuvres sont des photographies du propre corps de l’artiste utilisé comme support de deux cartographies obtenues au pochoir : l’une de l’Afrique et l’autre de l’Allemagne.
Mwangi Hutter. Static Drift, 2001 Germany Africa Source : Static Drift
La carte de l’Afrique (à droite) présente une couleur claire sur un fond sombre tandis que celle de l’Allemagne (à gauche) est plutôt sombre sur un corps plus clair. L’Afrique dévoile un texte courbe et transversal au continent « Bright Dark Continent », directement repris du « (…) langage raciste des premiers explorateurs qui la qualifiaient de ‘’continent noir’’ ». Si l’Afrique apparaît mise en lumière, c’est pour mieux évoquer sa colonisation et renverser l’image colonie/colon qui conduit l’artiste à assombrir la figure du colon, en l’occurrence l’Allemagne et de l’assortir d’un texte horizontal « Burn out country » (pays du burn out).
Cette mise en scène fortement évocatrice de la relation entre les grandes puissances européennes et l’Afrique décrit avec force la volonté d’en souligner les conséquences actuelles. Ce jeu sur les effets d’un bronzage questionne en effet la complexité d’un métissage afropéen (différant de la situation américaine), « (…) de l’identité biraciale, ainsi que les concepts d’appartenance » (collectif, 2021) appréhendés par la couleur de peau, en jouant avec justesse sur les variations d’une peau métissée en fonction de son exposition solaire.
Le jeu de lumière obtenu sur ce corps de femme pourtant non blanche semble par ailleurs illustrer une situation bien réelle, bien que en apparence paradoxale : la situation vécue par la personne métisse dans le monde actuel, à savoir, l’appartenance systématique à une minorité visible pour n’avoir jamais la couleur de peau majoritaire dans la société. Elle est en effet perçue soit plus foncée, soit plus claire que la population majoritaire, respectivement en Europe et en Afrique, par conséquent toujours perçue comme venant d’ailleurs, étant l’enfant d’autres. Dans les deux cas, cette position d’entre-deux l’empêche de se vivre pleinement comme étant d’ici ou de la-bas, c’est-à-dire comme une noire en Afrique ni comme une blanche en Europe.
Il est intéressant de noter par ailleurs que ces deux territoires fondant l’identité de l’artiste, l’Afrique et l’Allemagne, ne sont pas choisis au hasard puisqu’ils évoquent les parents de l’artiste. Le Kenya, terre paternelle et terre natale, est fusionné ou assimilé à l’Afrique toute entière, comme s’il ne saurait avoir d’existence propre, pour lui-même tandis que la seconde nation, l’Allemagne, celle de sa mère, est présentée de manière isolée (comme une île, diraient des cartographes), soulignant l’identité géographique propre d’une grande nation Européenne.
Cette idée de fusion des corps et des terres, des couleurs et des peaux apparaît chère à l’artiste puisqu’elle a fusionné sa propre identité d’artiste à celle de son conjoint, Robert Hutter, également artiste. Tous deux sont désormais dénommés : IngridMwangiRobertHutter (en un seul mot).
“Je suis IngridMwangiRobertHutter. Et j’essaie de développer une conscience dans laquelle je possède ces deux corps. Ainsi, lorsque je fais de l’art, je mets ce corps blanc masculin en relation avec ce corps “noir” féminin. C’est très excitant, car nous avons affaire à la matérialité du corps. Cela élargit la portée de l’ensemble du thème : pour moi, le concept vient de la vie….
Lire la suite…Références consultées :
– mwangihutter.art
– International Museum of Women
– Collectif (2021), Artistes africains. 1882 à aujourd’hui. Phaidon. Beaux Arts. 352 p.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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20:13
La jointure totale/partielle en cartostats
sur Carnet (neo)cartographiqueLa jointure attributaire [voir ici] réalisée habituellement en cartographie statistique pour apparier des informations géographiques et statistiques localisées [et non pour effectuer des requêtes visant à générer des sous-populations], dans un objectif de cartographie thématique, n’est pas toujours totale. Elle peut être partielle, ce qui – contre toute attente – peut aussi être un avantage. Explications.
Qu’est-ce qu’une jointure totale ?Une jointure totale(ment) réalisée signifie que l’ensemble des entités disponibles dans le fond de carte sont également disponibles dans le fichier de données, elles sont de ce fait toutes mises en relation les unes avec les autres. Dans ce cas, la zone d’étude est une entité sans voisins, qui prend la forme d’un territoire isolé (que ce territoire soit d’ailleurs une île ou non).
La carte ci-dessous décrit la population des communes du département de l’Isère. Point.
Figure 1. Cartographie réalisée à partir d’une jointure géo-statistique totale
Jointure partielle et contextualisation
Le département de l’Isère apparaît comme une île, ce qui ne correspond pas forcément à sa géographie. La carte n’est pas fausse, elle pourrait souffrir d’un manque de contexte, tout dépend de ce à quoi elle est destinée.A la différence d’une jointure totale, une jointure partielle signifie qu’une partie des entités présentes dans l’un des jeux de données (statistique ou géographique) ne peut être appariée avec l’autre jeu de données.
Si plusieurs cas peuvent se présenter, l’un des plus courants qui est aussi le plus intéressant est celui où la jointure attributaire porte sur des données disponibles dans un fichier statistique qui couvre partiellement la zone d’étude, sans que les entités spatiales qui ne sont pas concernées soient supprimées au passage. Conserver l’ensemble des entités permet en effet de contextualiser la carte, ce qui peut apparaître plus intéressant.
Supposons que l’information géographique utilisée pour réaliser la Figure 1 est disponible sur l’ensemble des communes de la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA). Ne représenter que celles qui concernent le département de l’Isère correspond alors à une jointure partielle. D’ailleurs, sur la Figure 1, seules 512 communes (12%) sur les 4 039 communes que compte l’AURA sont représentées, les autres ayant été supprimées.
Il est par conséquent possible de conserver tout ou partie de ces communes supprimées pour concevoir la carte. Cela ne permettra pas nécessairement d’étendre la zone d’étude – qui sera toujours limitée au département de l’Isère – mais permettra de mieux contextualiser la représentation.
L’exemple ci-dessous présente le résultat de cette jointure géographique partielle (réalisée dans Magrit) sans suppression des entités non concernées.
Figure 2. Cartographie réalisée à partir d’une jointure géo-statistique partielle
Les communes du département de l’Isère apparaissent comme pleinement intégrées dans leur environnement géographique, celui de la région AURA. Cette seconde carte permet de situer géographiquement l’Isère, ce qui ne présente pas forcément d’intérêt, la première carte étant focalisée sur la zone d’étude.
Remarque concernant les flux.
Une jointure partielle pour des données bi localisées signifie généralement qu’un (ensemble de) lieu(x) d’origine et/ou de destination des flux ne dispose soit pas d’un code identifiant, soit pas de référence géographique permettant de le(s) spatialiser ou encore soit que la valeur du couple de lieux origine-destination n’est pas renseignée. Dans ces cas, les données non renseignées sont généralement supprimées de la représentation, car elles sont susceptibles d’encombrer inutilement la représentation ; certains outils permettant de dessiner des liens théoriques (qui pourraient exister dans la réalité) mais qui ne sont pas mesurés/ renseignée dans la matrice.
Cette jointure partielle peut ainsi être interprétée comme un taux de remplissage des données utiles à la représentation, autrement dit de correspondance entre la géographie (points, bipoint) et les données statistiques ainsi mises en relations. Pour les flux, ce taux de remplissage correspond à la densité de la matrice, au nombre de cases qui sont renseignées par rapport au nombre de cases existantes.Billet lié : La jointure en cartostats
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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15:10
La jointure en Cartostats
sur Carnet (neo)cartographiquePour les personnes qui débutent en cartographie, je dépose ici ce graphique initialement réalisé pour mes étudiant.e.s de niveau L1/L2 afin de leur expliquer pourquoi/comment faire cette fameuse jointure sans laquelle il n’est pas[1] possible de représenter des données statistiques qui sont disponibles dans un fichier distinct du fond de carte – parce que ce fichier contient des données qui résultent de traitements réalisées par ailleurs, et est disponible au format d’un tableur ou d’un fichier texte (.txt, .csv par exemple).
A quoi ça sert ?Réaliser une jointure est une opération fondamentale en cartographie statistique qui sert à distinguer les entités spatiales à représenter, les unes par rapport aux autres.
Il s’agit alors de répondre à la question suivante :
En quoi consiste une jointure ?
« Quelle est la variable contenant le code permettant d’identifier (le code identifiant) de manière unique et indubitable les entités spatiales à représenter par un (ou plusieurs) caractère(s) donné(s) ? »La jointure dont il est question[2] ici consiste à apparier (mettre en relation) les informations géographiques et statistiques disponibles sur une zone d’étude dans l’objectif de réaliser une carte thématique. Elle peut être attributaire ou spatiale.
La jointure attributaire
La jointure attributaire s’appuie sur l’appariement de données géographiques territoriales et statistiques contenues dans un tableau externe, tandis que la jointure spatiale s’appuie sur l’appariement d’informations géographiques en fonction de leur localisation.
Seule la jointure attributaire est présentée ci-dessous.La jointure attributaire consiste à apparier une information statistique (le tableau de données) collectée à un échelon donné (celui des départements, par exemple) à une information géométrique/géographique (le fond de carte) disponible à la même échelle (celle des départements).
Ce code, qui est une variable qualitative exhaustive, présentée souvent au format alphanumérique, est à rechercher dans les deux jeux de données statistiques et géographiques. Il s’agit de la variable dont les modalités sont similaires, même si leurs intitulés diffèrent.
Dans l’exemple ci-dessous le code identifiant les entités est mentionné en rouge dans les deux cas. Il correspond au caractère intitulé ‘ID’ dans le fichier géographique (ce code peut être trouvé dans le .dbf associé au shapefile par exemple) et au caractère ‘CODE’ du tableau de données.
Schéma d’une jointure attributaire
A noter que l’opération de jointure s’applique à tous les types d’information géographique, quel que soit leur mode d’implantation : ponctuelle, linéaire ou aréale.
Précision pour les données de flux origine-destination
Que se passe t’il après une jointure ?
Pour réaliser une carte de flux/réseaux qui va s’appuyer sur une implantation bi ponctuelle (un couple de lieux ou sur une dyade), il convient de réaliser une double jointure : la première pour apparier les entités géographiques aux lieux d’origine et la seconde pour les apparier aux lieux de destination.Après une jointure, quelle que soit son type, les données statistiques sont toutes (ou partiellement, si l’outil permet de les sélectionner) transférées dans le fichier géographique (tables jointes, sur la figure précédente), ce qui va autoriser leur cartographie.
Les outils de cartographie offrent généralement la possibilité de réaliser les jointures simples ou doubles, en amont de la cartographie (sauf Kepler.GL qui nécessite une matrice origine-destination sous la forme d’un fichier joint).
Que faire après, si l’on est dans magrit par exemple ?Dans magrit, l’étape suivante consiste à typer les données, c’est-à-dire à déclarer le format des différentes variables disponibles dans les jeux de données et qui sont susceptibles de faire l’objet d’une représentation cartographique. En cas de doute sur un caractère, le déclarer en « inconnu ». A noter que les caractères quantitatifs relatifs ou continus (taux, indices) sont de type « ratio ».
A-t-on toujours besoin de réaliser une jointure pour cartographier des données statistiques ?En réalité non : certains outils tels les Systèmes d’information géographiques (QGIS, ArcGIS, …) permettent de spatialiser puis de représenter des données de stocks, taux et flux disponibles dans un tableau, sous réserve que leurs coordonnées géographiques (pour les fichiers textes de type .csv) et/ou leur géométrie (pour les fichiers géographiques de types . shp ou .geojson) figurent déjà dans le fichier de données à représenter.
[1] La cartographie sera toutefois possible si les données à représenter sont contenues dans le fichier d’information géographique.
[2] Seule la jointure réalisée sans requêtage (type SQL) associé, pour générer d’éventuelles sous-populations d’entités, permettant d’apparier des informations géographiques et statistiques disponibles dans des fichiers distincts, est présentée dans ce billet.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:47
Observable pour les géographes
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, depuis plus d’un an, je réalise des cartes et des visualisations de données avec Observable. Cet outil 100% en ligne basé sur la langage javascript, mis en place notamment par Mike Bostock, l’inventeur de d3.js, est selon moi une véritable révolution dans le monde de la dataviz. Dans la vidéo ci-dessous, j’essaie d’expliquer ce que j’ai compris de cet écosystème et pourquoi je considère que cet environnement est idéal pour créer des cartes statiques, animées et interactives. Vos retours sont les bienvenus.
Le notebook montré dans cette vidéo est disponible ici.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:11
Drôle de planète
sur Carnet (neo)cartographiqueEnclosure: [download]
Mais sur quelle drôle de planète vivons-nous ? Une planète dans laquelle 11 300 000 000 000 $ (9?400 milliards d’euros) sont dissimulés dans des paradis fiscaux. Un argent de la triche fiscale qui se mélange avec l’argent de la drogue et des trafics en tous genres. L’argent n’a pas d’odeur parait-il… Une somme folle. 2 % de celle-ci suffirait pour d’éradiquer la faim dans le monde. Un peu moins de 43 % permettrait d’endiguer le réchauffement climatique (voir). Et quel manque à gagner pour nos services publics, nos hopitaux, la protection sociale.
document.createElement('video'); [https:]]La carte présentée ici est une anamorphose. Le principe : déformer chaque pays de telle sorte que sa taille soit proportionnelle à une donnée statistique. Ici, la surface des pays correspond au nombre de bénéficiaires effectifs révélés dans les Pandora Papers. Projeté sur une sphère, se dessine alors un monde étrange, déformé, biscornu, bref, un monde parallèle, qui permet de voir autrement l’espace géographique. N’est-il pas laid ce monde déformé de la sorte ? Égoïste ? Avide ? Et si on le remettait à l’endroit ?
Cette carte a été réalisée avec le logiciel ScapeToad. puis projetée sur un globe et mise en scène via Observable [voir]
La carte interactive et la version originale de cet article est disponible en ligne sur le site de L’Humanité.fr [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:01
Mon métier de cartographe
sur Carnet (neo)cartographiqueEt toi, qu’est ce que tu fais comme métier ? Voilà une question qui me met bien souvent dans l’embarras, quand au détour d’une conversation, je suis amené à devoir raconter ce que je fais dans la vie. La conversation prend souvent la tournure suivante :
– Et sinon, tu fais quoi dans la vie ?
– Je suis cartographe.
– …
– …
– Tu travailles à l’IGN ?
– Non, au CNRS
– Heu, c’est où le CNRS ?
– Un peu partout, dans les universités la plupart du temps.
– Ah… Mais, tu fais des cartes sur quoi ? Il y a encore des choses à cartographier ? Des îles ? Quoi ?
– En fait, je ne cartographie pas le terrain, je cartographie surtout des données statistiques.
– …
– …Difficile en effet de faire comprendre ce qu’est aujourd’hui la cartographie (ou pire encore, la géographie). Alors essayons d’expliquer un petit peu plus mon métier. Et pourquoi c’est une activité ô combien passionnante.
Exploration et communication
Tout d’abord, ce qu’on peut dire, c’est que la carte, c’est bien souvent le point de départ et le point d’aboutissement du travail en géographie. On commence par une carte pour explorer les données. On finit par une carte pour expliquer et montrer nos découvertes géographiques de la façon la plus claire et la plus pédagogique possible. Attentions, quand je parle de découvertes géographiques, je ne parle pas de la découverte d’un archipel perdu au milieu de l’océan Pacifique. Non, je parle de découvrir une logique dans la répartition d’un phénomène spatial. Les marchands d’armes se situent plutôt au Nord. Les guerres plutôt au sud. Il y a une relation entre le vote RN et la proximité des gares. Ou sont les morts du Covid ? Etc. Visualiser l’organisation géographique d’un phénomène social permet de comprendre quelles en sont les logiques sous-jacentes, de formuler et tester des hypothèses.
Une langue vivante
Pour visualiser les données statistiques sur des cartes, on va alors mobiliser un langage bien particulier : la sémiologie graphique. Le but ? Utiliser des signes graphiques pertinents pour retranscrire un maximum d’information de telle sorte que le message de la carte soit compris par le lecteur en un minimum de temps. Pour cela, le cartographe a à sa disposition un vocabulaire graphique – taille, couleur, textures, etc – qu’on regroupe sous le nom de variables visuelles. Pour bien manipuler ces variables graphiques, il est toujours nécessaire de bien savoir quel type de donnée on manipule car celui détermine assez largement les façons de construire les cartes. Pas si simple. Mais fort heureusement, tout cela a été théorisé par de nombreux chercheurs à travers le monde depuis bien longtemps, et synthétisé de façon magistrale dans les années 60-70 par le français Jacques Bertin, dont les travaux font encore référence aujourd’hui. Mais rien n’est figé et le travail se poursuit. De nouvelles représentations graphiques sont inventées régulièrement par des chercheurs ou des ingénieurs en « data visualisation ». D’autres représentations sont quant à elles contestées, remises en cause. Bref, la cartographie est une langue vivante.
L’art de la simplification
Par ailleurs, ce qu’il faut bien avoir en tête, c’est qu’on ne peut pas tout mettre sur une carte. Et oui. Imaginez une carte qui représenterait tout. Une carte à l’échelle 1/1 qui viendrait se superposer point par point au terrain qu’elle représente. Au delà de l’impossibilité de réaliser une telle carte, non maniable, jamais à jour, elle serait surtout bien inutile. Non. Faire une carte ce n’est pas représenter le réel qu’on a devant les yeux. C’est en donner une clé d’interprétation via un processus de schématisation. Simplifier de réel, c’est chercher à le comprendre. Ainsi, en cartographie, on ne dessinera pas chaque île microscopique, chaque micro relief, tout simplement parce que cela alourdirait la carte. On simplifira donc les tracés. De même, on représentera les phénomènes sociaux avec des données qui n’en sont qu’une approximation réductrice. Impossible de représenter la complexité de la vie réelle de chacune des personnes qui habitent sur la planète. Alors on utilise des données statistiques, on les agrège dans des mailles (communes, départements, régions, pays, bassins versants, …) et on fait des calculs statistiques. Bref, on simplifie, on schématise, on classe, on hiérarchise, on « caricature » honnêtement le réel pour rendre visible une cohérence, un sens, une organisation spatiale. La carte n’est pas le territoire.
Sur la carte ci-dessous par exemple, chaque pays est symbolisé par un simple rectangle plus ou moins allongé selon la forme réelle du pays. Leur taille est proportionnelle soit à la surface du pays, soit au nombre d’habitants qu’ils contiennent. Puis, les rectangles sont écartés automatiquement les uns des autres jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de superpositions. Ce qui est intéressant ici, c’est que même en faisant disparaître le fond de carte, l’image ainsi formée laisse deviner l’espace mondial assez clairement, alors même que les pays ne sont pas à leur position exacte et que leurs tracés ont été simplifiés à l’extrême. Émerge alors une image épurée, sans artifices, sans information superflue, qui montre l’information brute. Ceci est évidemment un exemple parmi 1000 autres possibilités graphiques à imaginer.
Le pouvoir des cartes
En définitive, toute carte est un acte de création. Un pouvoir créatif. Et même si le terreau méthodologique sur lequel se bâtissent les cartes est éminemment scientifique, aucune carte ne peut réellement prétendre être absolument objective. Car faire une carte, c’est toujours faire des choix. Choix des données, des traitements, choix graphiques, choix de projection, d’emprise, choix des mots, des couleurs, etc. Le rôle d’un cartographe, au-delà de la maîtrise technique nécessaire, c’est donc de faire en sorte que ceux-ci soient le plus éclairés possibles. Les plus honnêtes possibles. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités…
NB : Ce texte a été publié initialement sur le site du journal l’Humanité [voir]. Les codes sources de la carte sont disponibles sur mon carnet Observable [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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9:41
Cartographier la compétition économique mondiale
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui, dans Néocarto, nous accueillons Arnold Platon qui est diplômé en architecture et travaille actuellement en tant que projeteur 3D en France. Arnold réalise à son compte (voir exemples) des projets de dataviz et de cartographie sur des thèmes liés à l’Europe (surtout l’Union Européenne), sur son pays d’origine (la Roumanie), sur les langues et sur l’étymologie. Nous lui laissons la parole.
Depuis peu apparaissent, particulièrement dans les publications dites « anglo-saxonnes », des comparaisons cartographiques de la République Populaire de Chine et des États-Unis vues à travers le prisme des échanges commerciaux mondiaux.
Le schéma proposé est simple : on prend le commerce (le volume total de marchandises) de chaque pays du monde réalisé avec les États-Unis et la Chine et on compare les deux valeurs : si le commerce avec la Chine est plus important, alors le pays est coloré en rouge, sinon il est en bleu.
Quel que soit le cas, la carte montre une influence commerciale de la Chine : elle est décrite en pleine croissance surtout face aux pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine et même d’Europe.
Deux exemples récents :
Source : The Economist, 07-2021.
Source : Financial Time, 02-2020.
Même si ces cartes sont attirantes au niveau visuel, les représentations du monde qu’elles proposent posent deux gros problèmes qui devraient nous mettre en garde.
Problème no. 1: le « réductionnisme »Le « réductionnisme » concerne à la fois les données et les acteurs représentés.
Au niveau des données cartographiées, ces cartes décrivent des échanges de marchandises, donc des services – un autre élément important des échanges commerciaux, surtout pour les pays occidentaux – qui est souvent oublié.
Ensuite, en excluant les autres acteurs commerciaux, la complexité des échanges de chaque pays est gommée. De plus, les autres acteurs économiques qui sont importants à l’échelle mondiale (tels que l’Union Européenne) ou même à une échelle régionale (l’Inde, l’Afrique du Sud, etc.) sont invisibles.
Problème no. 2: le spectre du « péril jaune »Source : Visual Capitalist, 01-2020.
Cette vision cartographique centrée sur les États-Unis et la Chine, présentés comme les deux seuls acteurs en étroite compétition, nous renvoie aussi à l’image mentale de type « guerre froide » avec une menace provenant cette fois-ci d’une puissance asiatique.
La couleur rouge, probablement choisie en référence à la couleur dominante du drapeau chinois, est aussi une teinte qui attire l’attention, qu’on associe très vite avec le péril : elle vient renforcer l’idée d’un danger chinois.
Le rouge alimente aussi l’anxiété autour du déclin de l’Occident, en général, mais aussi, plus particulièrement, de la perte de la position hégémonique des États-Unis. Le développement économique du Japon dans les années 70’ et l’émigration chinoise de la fin du 19e / début du 20e siècle ont également généré des peurs (civilisationnelles et/ou raciales) au sein des sociétés occidentales face à un potentiel « péril jaune ».
Cela explique pourquoi j’ai fait le choix de refaire ces cartes pour montrer comment l’inclusion d’autres acteurs économiques mondiaux pouvait changer notre vision de ces échanges commerciaux.
Inclure les autres puissances commerciales, comme solution aux problèmesL’inclusion de l’Union Européenne par exemple, en tant que puissance commerciale, va complètement changer l’image déclinante de l’occident apportée par ces cartes. La carte ci-dessous montre en effet que le commerce international n’est pas vraiment en train d’être « conquis par la Chine ». À la suite de la publication par l’auteur de cette animation, dans le style du Financial Times, la publication elle-même a créé, fin 2020, une carte plus réaliste, avec l’inclusion de l’UE et du Japon.
Source : Financial Time, 12-2020.
Et juste pour faire un exercice de prospective, on pourrait même aller plus loin en imaginant une contre-déformation cartographique. Si on comparait la Chine avec les deux puissances commerciales occidentales (les États-Unis et l’Espace Économique Européen), on verrait la position toujours dominante de ce qu’on appelle « l’Occident », même si la croissance économique et commerciale de la Chine est une réalité.
Arnold Platon Dataviz FreelancerSources :
Financial Times :
« How to navigate the US-China trade war »
« Tomorrow’s world in charts: Gen Z, climate change, China, Brexit and global trade »The Economist :
« Joe Biden is determined that China should not displace America »Visual Capitalist :
« How China Overtook the U.S. as the World’s Major Trading Partner » -
16:45
[Book] Atlas in a Day:migration
sur Carnet (neo)cartographiqueEn voilà une jolie expérience de cartographie collective pour produire un Atlas sur le sujet général des migrations.
Le 5 octobre 2019, près d’une cinquantaine de cartographes situés en Amérique du Nord, au Panama et en Nouvelle-Zélande se sont réunis autour du collectif Guerrilla Cartography pour résoudre un défi : produire un atlas en 24h chrono intéressant les migrations, toutes les migrations quel que soit leur thème.
L’Atlas in a Day:Migration ainsi produit est composé de 43 cartes réalisées sur différents supports (numériques, papier, etc.) à l’aide d’outils variés : logiciel, crayons de couleur, aquarelles, fil à broder, … Si le collectif indique avoir arbitré dans le choix des cartes en fonction de considérations sociales et philosophiques, l’ensemble dresse un panorama aussi hétéroclite qu’intéressant des migrations contemporaines.
Le thème des migrations a en effet été abordé selon différentes acceptions : sous l’angle des migrations humaines (celles des émigrés du monde, de conférenciers, de réfugiés Rohingyas ou encore de passagers aériens, mais aussi non humaines : des migrations animales, de marchandises alimentaires (des bananes) ou non (des plastiques) pour ne citer que celles là. Les cartographies réalisées ont représenté des migrations terrestres, aériennes ou maritimes qui s’expriment à différentes échelles, réalisées par des terriens … ou bien par des extra-terrestres venus les visiter …
L’Atlas in a Day ainsi produit par le collectif est disponible sur leur site à la vente ; on peut aussi le visualiser gratuitement ici.
En savoir plus : guerrillacartography.org
Référence :
Atlas in a Day:Migration (ISBN 978-0-9884272-3-5)
Copy right c 2019 Guerrilla Cartography
CC BY-NC-SA Creative Commons Attribution – NonCommercial – ShareAlikeGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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16:06
Migrexplorer la migration afghane en 2000, 2005 et 2019
sur Carnet (neo)cartographiqueLe président de la république française a mentionné dans son allocution du 16 août [écouter] faisant suite à la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan que « (…) la déstabilisation de l’Afghanistan risque également d’entraîner des flux migratoires irréguliers vers l’Europe (…) et l’Europe ne doit pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle ».
Soit. Qu’en est-il exactement ?
Cette déclaration appelle en effet plusieurs interrogations, parmi lesquelles celles-ci :
– est-ce que l’Europe a déjà assumé à elle seule les conséquences d’une situation similaire en Afghanistan ?
– des personnes de nationalité afghane ont-elles massivement migré par le passé vers l’Europe ? Vers la France ? Et si oui, dans quelles proportions ?
– sommes-nous (en France) dans une situation de « risque » face à une immigration afghane qui serait massive ?
Speak with data & maps !
Pour répondre à ces questions, plutôt que de dérouler un long discours hors sol, il est possible d’explorer les migrations afghanes passées en visualisant des cartes et tableaux factuels. Les documents présentés, que nous proposons de commenter, en jouant avec l’application Migrexplorer,
MigrExploreR est un outil de géovisualisation spatiotemporelle des effectifs mondiaux de migrants et migrantes, participant d’une famille d’applications cartographiques en ligne [voir] développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source].
L’application permet de se représenter, par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) pour un pays donné ou pour l’ensemble des pays [voir] du monde, selon leur genre et à une ou plusieurs dates [voir].
Observons l’émigration depuis l’Afghanistan à différentes dates, à commencer par 2019 et avant la pandémie (voir Carte 1).
Carte 1. Émigration afghane en 2019
En 2019, un ensemble de 5121 personnes de nationalité afghane résident dans un pays autre que le leur. Les trois premières nations qui les accueillent sont la République Islamique d’Iran avec 2,3 millions de personnes, le Pakistan avec 1,5 millions et l’Arabie Saoudite avec 469 324 personnes.
Le tableau ci-dessous présente les dix premiers pays de destination de migrants et migrantes provenant d’Afghanistan.
Tableau 1. Top 10 des pays d’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2019
En 2019, le premier pays européen d’accueil de populations afghanes est l’Allemagne, située au 4e rang avec 208 732 personnes ; elle est suivie par les États-Unis, avec 80 026 personnes. La France du président Macron est quant à elle située au … 23e rang, avec 6 887 personnes afghanes accueillies (voir tableau 2).
Tableau 2. Position de la France dans l’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2019
Cette dramatique situation afghane s’était déjà produite il y a vingt ans, à la suite de la guerre d’Afghanistan de 2001-2014 qui jetta sur les routes des millions de femmes, d’hommes et d’enfants.
Les données des Nations Unies utilisées dans MigrExporer étant quinquennales et non annuelles, il est possible d’explorer la migration Afghane en 2000 et en 2005 (voire plus tard en 2010, 2015, 2020).
Si l’on s’en tient au début de la période, que l’on soit en 2000 (voir Carte 2) ou en 2005 (Carte 3), les mêmes pays qu’en 2020 participaient déjà de l’accueil des migrants et migrants Afghan.ne.s à savoir l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Pakistan et l’Allemagne comme premier pays européen.
En 2000, 4,6 millions de personnes de nationalité Afghane résident à l’étranger (Carte 2).
Carte 2. Émigration afghane en 2000
Le premier pays d’accueil européen est l’Allemagne qui compte 69 794 résident.e.s afghans, elle est suivie par les Pays-Bas et le Royaume-Uni (voir tableau 3).
Tableau 3. Position des premiers pays européens dans l’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2000
Il est indéniable que la France contribue, comme d’autres pays d’Europe, à l’accueil de populations d’origine afghane ; elle est d’ailleurs placée à la 6e place avec 3 563 personnes accueillies en 2000.
Observons maintenant la situation en 2005, quelques années après le début de la guerre d’Afghanistan de 2001-2014.
Carte 3. Émigration afghane en 2005
En 2005, 3,8 millions personnes de nationalité Afghane résident à l’étranger, soit un peu moins qu’avant le début de la guerre.
Le premier pays d’accueil européen est toujours l’Allemagne, avec 75 824 résidents de nationalité afghane qui y résident, soit plus qu’en 2000 (alors que le nombre total de migrants à baissé) ; elle est toujours suivie par les Pays-Bas puis par la Suède (voir tableau 4).
Tableau 4. Position des premiers pays européens dans l’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2005
La France qui accueille effectivement des populations migrantes en provenance d’Afghanistan est passée de la 16e à la 18e place mondiale entre 2000 et 2005. Elle occupe en 2005 la 7e place européenne avec 3409 personnes accueillies (tableau 4).
Billets liés :
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration mondiale. [Accéder]
- Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géovisualiser des migrations internationales. [Accéder]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021) Migrexplorer la migration afghane en 2000, 2005 et 2019, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : -
17:04
La carte, un outil d’aide à la décision
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, l’été est là, le couvre feu est derrière nous et les terrasses rouvrent. Youpie ! La vie reprend enfin ses droits. Du coup, en m’inspirant des travaux en R de Timothée Giraud [voir], je n’ai pas résisté à l’idée de réaliser à mon tour une carte de la localisation des bars et pubs à Paris. Pour cela, j’ai extrait les 1342 bars et 414 pubs référencés dans la base de données OpenStreetMap et ai interpolé les données pour produire une représentation continue facile à lire.
La carte présentée ici a été réalisée de bout en bout en javascript sur la plateforme Observable. Dans le carnet accompagnant la carte, le code montre comment extraire des données OpenStreetMap, comment les mettre en forme de façon intelligible, et comment les représenter sur une carte avec la célèbre librairie javascript de Mike Bostock qui a 10 ans déjà : d3.js. N’hésitez donc pas à consulter ce carnet, interagir et laisser des commentaires si jamais vous avez des questions techniques.
Au final, ce genre de carte nous rappelle quelque chose de bien connu des géographes : la carte est un outil d’aide à la décision. De par sa capacité à mettre en forme l’espace géographique, elle permet de transformer une réalité géographique complexe en une simple image claire, hiérarchisée et organisée. Ici, la question est de la plus plus haute importance : ou aller boire une bière aux beaux jours ? Avec cette carte, nous avons dores et déjà quelques éléments de réponse. Mais pour en avoir le cœur net, une mission sur le terrain s’impose ^^
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:49
L’image des flux spatialisés dans le geoweb
sur Carnet (neo)cartographiqueL’apparence des cartes thématiques et leur style sont fondamentaux dans la réception du message qu’elles véhiculent. La communication d’une information de flux par voie cartographique, y compris sur le support géonumérique, ne saurait se départir de la sémiotique qui permet de rendre les cartes (du web) signifiantes.
Il importe en effet de rappeler l’importance du langage dans la transmission de l’information en général qui s’appuie sur les composantes de l’image (implantation spatiale), celle des types de flux mis en carte. Aussi le rôle joué par la composante de l’image et l’application de variables rétiniennes aux formes graphiques linéaires perçues.
La linéarité perçue des flux cartographiésLes cartes correspondantes relèvent en effet des mêmes principes que celles fondées sur des figurés ponctuels ou surfaciques. Cependant, parmi les trois modes usuels d’implantation spatiale que sont le point, la ligne et la surface, la transcription des déplacements requiert a minima deux entrées spécifiques : le bipoint et la ligne et cela, indépendamment du fait que leurs géométries respectives soient linéaires.
En effet, du point de vue de la représentation, si l’expression graphique des flux ordinaires et les flux affectés sur réseaux (décrivant un mouvement des transports) ont sensiblement la même apparence visuelle (un ensemble de lignes), c’est parce qu’elles s’appuient sur les mêmes géométries : des (multi)lignes, alors que leurs composantes sont fondamentalement différentes (bi ponctuelles et linéaires). Le fait de s’appuyer sur un bipoint ou sur une ligne comme géographie en entrée n’est pas sans conséquences sur les possibilités de cartographie envisageables et sur l’interprétation (flux/mouvement) de la carte.
La ligne, lorsqu’elle est disponible, correspond au réseau de transport sous-jacent (qui servira de support à la représentation du trafic mesuré, donc d’un flux affecté) et si non, cette même ligne perçue est une approximation graphique – sous la forme d’une ligne droite – du trafic ou de la quantité déplacée entre deux points (formant un couple d’origine – destination) que l’on représente formellement pas un bipoint.La figure ci-dessous reprend la proposition de présentation des éléments de la sémiologie cartographique sur le géoweb (Mericskay 2016), en l’étendant pour considérer les deux types de cartes de flux : affectés ou non sur des réseaux. A noter que la figure de Zanin et Trémelo (2003) présentée ici pourrait également faire l’objet d’une extension similaire.
Le bipoint comme composante de l’image des flux ordinaires
Cette image introduit le bipoint comme une modalité de l’implantation spatiale ponctuelle, là où l’implantation linéaire est une modalité principale. Cela porte à quatre le nombre d’objets (géo)graphiques élémentaires pouvant être mobilisés a minima (le point, le bipoint, la ligne et la surface). Rappelons que Goodchild & al. (2007) en avaient précédemment présentés cinq : le point, la ligne, la surface, le volume et l’entité floue ; et mobilisaient un géodipôle.
Cette figure décrit également les géométries associées aux quatre modes d’implantation spatiale, pour renforcer cette différence conceptuelle entre flux et flux affectés sur réseaux spatiaux.
Les géométries sont appréhendées comme un caractère qualitatif nominal exhaustif. Assimilable à l’identifiant des objets géographiques, ce dernier ne nécessite pas de sémiologie particulière.
Le croisement des lignes (implantation spatiale) et colonnes (caractère statistique) permet de visualiser les différentes images des flux ou réseaux spatiaux envisageables, toutes obtenues avec les principaux outils actuels.L’image des flux spatialisés dans le geoweb
Type d’implantation, de caractère et de représentation des fluxAinsi, si on récapitule la lecture de cette image :
- la représentation d’un caractère quantitatif discret (orienté) entraîne le dessin d’une ligne (ou une flèche) de largeur proportionnelle à la quantité ;
- la représentation d’un caractère quantitatif continu conduit à tracer un figuré linéaire puis à nuancer sa teinte en appliquant une discrétisation effectuée sur une variable continue ;
- la représentation d’un caractère qualitatif catégoriel consiste à colorer les figurés linéaires dans des tons différentes qui sont fonction d’une classe d’appartenance qualitative ;
- la représentation d’un caractère qualitatif ordinal revient à représenter une distribution de valeurs de flux ordonnées en adaptant la sémiologie des sommets de manière à traduire la hiérarchie des lieux issues d’une analyse de type de flux majeurs / dominants.
Une mobilisation inappropriée de l’une ou l’autre dimension de la figure est susceptible de communiquer un message erroné, voire de conduire à une mésinterprétation de la carte qui peut être préjudiciable pour l’analyse des flux représentés.
Références mentionnées :
Goodchild M. F., Yuan M., Covas J. T. (2007), Towards a general theory of geographic representation in : GIS, International Journal of Geographic Information Science, vol. 21, n°3, pp. 239-260.
Mericskay B. (2016), La cartographie à l’heure du Géoweb : Retour sur les nouveaux modes de représentation spatiale des données numériques, in : Revue Cartes et géomatique du Comité français de cartographie, n0229, 14 p. halshs-01468314
Zanin C., Trémélo M.-H. (2003), Savoir-faire une carte. Aide à la conception et à la réalisation d’une carte thématique univariée, Belin, Coll. Géographie, 200 p.Billets liés :
Éviter un #mapfail : Type d’implantation, type de caractère, type de variable visuelleGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:51
Le langage du moment est pour quelle carte ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLa mention de Mapquote, dans l’article « C’est le langage du moment : comment les nouvelles cartes redessinent le monde » publié dans l’édition Abonnés du Monde datée de ce jour m’a invitée à une petite réflexion (que je livre ici à chaud), sur la réception des cartes et cartographies contemporaines par différentes communautés.
Les cartes du momentL’article propose, comme son nom l’indique, un point sur le langage du moment que je comprends comme la communication par voie cartographique sur le « monde » qui nous entoure (celui de tout le monde ? du monde entier ? de notre monde ?), la communication qui s’exprime principalement sur un réseau social tel Twitter assez marqué par l’empreinte de ces cartes.
Cet article apparaît évocateur de la manière dont la production cartographique actuelle et l’iconographie correspondante est perçue par les médias et plus loin susceptible de l’être par le grand public auquel le quotidien s’adresse : par le choix des références qui sont mentionnées, par celles qui ne le sont pas, aussi par celles qui sont évoquées au passage, parmi lesquelles Mapquote, par exemple.
L’article fait référence à différents types de cartographies qui utilisent des méthodes, outils et technologies variés, pour obtenir des rendus faisant ou ayant fait l’actualité sur les réseaux sociaux. Il valide l’hypothèse d’une démocratisation de la fabrique cartographique analysée par certains chercheurs tels Thierry Joliveau ou encore Matthieu Noucher, rendant pratiquement impossible l’analyse de toutes ces productions, tant elles sont variées et nombreuses. Comme a pu le dire Thierry Joliveau (dans des propos récemment rapportés par Matthieu N.) : il y a aujourd’hui derrière chaque clic une carte.
L’informatisation générale de la société entraîne effectivement la prolifération de toutes sortes de cartes thématisées caractérisant alors la bien heureuse ère du Tous cartographes ! . Et c’est plutôt une bonne chose, ce florilège de MAPS témoignant du dynamisme d’une communauté de cartographes élargie … confinant parfois et il faut reconnaître à son palindrome, au SPAM (cartographique) comme dans le cas des cartes de la covid-19.
L’article étant de type journalistique et sachant que le discours est toujours situé, la sélection de références proposées privilégie logiquement l’impact visuel de l’image – la fonction d’infocommunication de la carte, qui passe ici par la perception visuelle d’une image socialement construite.
Mais cela ne semble pas tant l’information qui importe dans cette sélection que la modalité de communication en elle-même, la voie cartographique où le document Carte sert de support, montrant sa « parfaite adaptation à la société de l’image » (comme si, soit dit en passant, la cartographie n’avait pas précédemment et précisément toujours évolué avec son temps).
« Une carte se définit peut-être moins par des traits formels que par les conditions particulières de sa production et de sa réception, par son statut d’artefact et de médiation dans un processus de communication sociale. »
Christian Jacob (1992) L’Empire des cartes : Approche théorique de la cartographie à travers l’histoire, Albin Michel.Il n’a pas été franchement question de contenu (sauf dans quelques exemples) au sens de regard porté sur un thème donné que le pouvoir informationnel de la carte viendrait soutenir car, finalement, la carte ne servirait effectivement pas (seulement ?) à transmettre une information localisée, elle aurait aussi d’autres fonctions, notamment celle de susciter une émotion remplissant par là une fonction sociale artistique. Elle pourrait aussi être considérée comme ayant une fonction de documentation, pour faire le lien avec Mapquote.
Mapquote est une application de cartographie collaborative en ligne. C’est un objet ludique sans grandes prétentions au départ, mais qui ambitionne toutefois de contribuer à collecter les mentions de la cartographie / carte dans la littérature (pour le dire vite). Sa fonction à ce stade est d’essayer de documenter les éléments pouvant former une pratique des notions et concepts de la cartographie, à des éventuelles fins d’analyses d’un corpus ainsi constitué.
Sources : extraits de citations capturées dans Mapquote.
Si l’application souhaite communiquer sur un corpus en cours de formation, cette grande carte mondiale n’est pas vouée à informer sur la géographie du corpus dont il est question. Et d’ailleurs, la localisation des citations au lieu de naissance de l’auteur / autrice de l’ouvrage n’est pas liée au corpus et ne dit rien de lui ; elle n’est rien de plus qu’un clin d’œil [déroutant – voir ci-dessous] à nos camarades cartographes visant à communiquer, donc, par une cartographie, ce qui relève d’usages littéraire de la cartographie. Rien de plus.
La mention de Mapquote dans un grand quotidien national interpelle au regard de l’accueil qui lui a été réservé par ailleurs (plusieurs collègues s’étant étonnés des choix dont sa fabrication relevait). Elle nous conduit à supposer qu’elle y a reçu un accueil favorable, mais qui relèverait de sa seule modalité de communication sur un corpus – le quotidien n’étant a priori pas en mesure de juger de sa conception.
La réception de ce même travail lors de sa présentation sous la forme d’un article court en vue d’une publication dans une revue (référencée par l’HCERES, pour les initié.e.s) n’a pas reçu le même écho. L’évaluation que des pairs (peer review) en ont faite a été violente (dans son ressenti) ; elle n’a toutefois pas entraîné le rejet de sa publication (mais nous avons préféré la retirer).
Morceaux choisis.
– « Je dois dire que j’arrive à me demander s’il s’agit d’une proposition sérieuse […] pas recevable »
L’idée même d’un objet cartographique où la position des lieux n’est pas signifiante dans le corpus est donc irrecevable.
– « Produire de la carte c’est considérer que les lieux sont signifiants. »
Autrement dit fabriquer une carte ne passerait que par la case localisation géographique.
Si tel est le cas, que penser des cartes mentionnées dans cet article qui font fi de cet impératif de localisation, et présentent des informations dont la position ne s’appuie pas sur un référentiel exact ?
– « Si l’on refuse ce postulat, il n’y a pas besoin d’une carte »
A l’heure de la démocratisation de la cartographie, on pense directement à cette fameuse citation de Molière.
« Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.”
Molière, Le Tartuffe, III, 2 (v. 860-862)Et pourtant, si l’on en croit John Brian Harley, Mapquote comme d’autres de ces cartes du moment – qui ne respectent pas à la lettre la théorie de la cartographie – ne sont « ni justes ni fausses » et toutes, elles « […] contribuent au dialogue dans un monde socialement construit ».
Cet exemple sur la réception de Mapquote apparaît illustrer la différence fondamentale de traitement réservé d’une part, par des universitaires et de l’autre par des journalistes à un objet de la cartographie contemporaine. L’application s’appuie sur des technologies, des méthodes et sur un rendu contemporain, non strictement conventionnels. De même qu’elle propose une méthode de constitution d’un corpus qui diffère des pratiques actuellement observées dans le champs de la cartographie des récits, de constitution mais aussi de présentation car, effectivement, tout cela aurait tout aussi bien pu être présenté sur un diagramme.
La carte, un outil « à destination »Au-delà du cas de Mapquote, le message qu’il nous semble important de faire passer est que l’accueil réservé à ces cartographies contemporaines est vraiment fonction du public, autrement dit à leur destination.
Si Mapquote est mentionnée par un média ou sur les réseaux sociaux, sa plus ou moins bonne réception dépend du public qui la reçoit ou en fait / fera l’usage, donc de son éventuelle destination qui va faire appel à l’intention de départ du / de la cartographe.Rappelons qu’un document par intention est destiné à communiquer « une information identifiée comme telle par l’émetteur et par le récepteur » (Meyriat, 1978). Cette intention de transmettre un message monosémique est elle-même liée à la fonction de la carte réalisée (à quoi sert-elle ?) que l’on comprend nécessairement destinée à un public donné. La destination interroge aussi la « portée sociale des cartes » que les tenants de la cartographie critique connaissent bien.
Pour finir de tourner en rond à la recherche d’une destination, sortons de ce carrefour dans lequel nous pensons nous trouver en tant que cartographe pour terminer par une petite métaphore autoroutière.
Les chemins des cartographies actuelles, de celles prisées par les universitaires, des cartographies traditionnel.le.s à celles des géodatavizeurs, si elles ont pu évoluer ces dernières années dépassant quelques tensions inéluctables, me semblent désormais sur le point de bifurquer pour prendre chacun une direction hélas séparée de celle des autres, plutôt que de fonctionner en parallèle en s’enrichissant mutuellement. Et c’est bien dommage. Mais bon, quand #jdcjdr.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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8:35
Un jour, un concept de géographie avec Death Stranding ! #3 : La friction de la distance
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet participe d’une série consacrée aux notions et concepts de l’analyse géo-cartographique présents dans les cartographies des jeux vidéos.
Voir aussi : #1 : lignes de désir #2 : territoire maîtriséAprès nous être intéressés aux notions de “maîtrise du territoire” et des “lignes du désir” dans Death Stranding, nous allons faire aujourd’hui un peu de géographie des transports et aborder dans ce billet le concept de friction de la distance !
La friction de la distance …L’ensemble du gameplay de Death Stranding repose sur son environnement et sur votre capacité à lire le relief pour délivrer vos colis de la manière la moins pénible possible. Le jeu part du principe que tout déplacement nécessite un effort et représente un coût en temps, en énergie ou en argent. On appelle cela la friction de la distance !
Plus la friction sera forte, moins vous serez tentés d’aller délivrer des colis dans des zones escarpées et/ou dangereuses (au sommet d’une montagne, à l’autre bout du monde, dans une zone remplie d’ennemis…).
Ce coût est proportionnel à la distance mesurée entre le point de départ et d’arrivée. A cause de cette friction, les interactions spatiales auront tendance à être plus importantes à courte distance et inversement, à être plus faibles à mesure que la distance augmente.
On aura également tendance à privilégier certains modes de déplacement en fonction de la distance à parcourir et du coût qu’elle représente.
Pour simplifier : vous accepterez facilement de rendre visite à vos grands-parents en voiture s’ils résident à 20 km de chez vous mais, passée une certaine distance, vous privilégierez le train ou l’avion pour les rejoindre car le coût en voiture sera beaucoup trop important.
Le graphique ci-dessous résume ce principe :Source : http://geographylaunchpad.weebly.com/the-friction-of-distance.html
Également, les contraintes spatiales qui pèsent sur la distance telles que : la topographie du terrain ou encore les divisions administratives auront tendance à avoir des conséquences négatives sur les déplacements en aggravant cette friction de la distance.
Appliquons désormais ce concept à Death Stranding.
Au cours des premières heures de jeu, la friction de la distance est très importante car nous ne disposons que de nos jambes pour livrer nos colis.Image rare d’un livreur se confrontant à la dure réalité de la friction de la distance :
Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Ainsi, nous aurons donc tendance à moins souvent visiter des zones situées dans des lieux escarpés, éloignés ou difficilement accessibles. Néanmoins, avec l’apparition des véhicules tels que les motos ou les camions et la construction de nos premières infrastructures de transport, cette friction se réduit drastiquement !
La friction de la distance ?! Connais pas.
Un cas pratique de réduction de la frictionSources : captures in-game réalisée par l’auteur
Un exemple concret : à un moment donné, le jeu nous demande de livrer des colis au cœur d’une chaîne de montagnes.
Source : reddit
C’est une zone du jeu compliquée à appréhender, car la neige et le froid glacial épuise rapidement l’énergie de votre héros, les reliefs escarpés handicapent grandement votre avancée et les rafales de vent peuvent vous faire trébucher à tout moment.
Visibilité 0, le froid, la faim, la déshydratation, le relief… Pas de doute, c’est un environnement hostile.
Source : Capture in-game réalisée par l’auteur.
Néanmoins, au fur et à mesure de votre progression dans l’aventure, le jeu vous donnera la possibilité d’installer des tyroliennes (exemple ci-dessous).
Des tyroliennes pour dominer la frictionSource : Capture in-game réalisée par l’auteur.
Pour la science, j’ai mis en place un réseau de tyroliennes reliant 5 points de livraison au cœur des montagnes me permettant de traverser très rapidement une zone montagneuse et enneigée.
Ci-dessous, une carte de la zone en question. En rouge, j’ai dessiné les points où j’avais positionné mes tyroliennes. Les marqueurs jaunes indiquent la position des différents lieux de livraison.
Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Construire des tyroliennes représente un cout très important en matière première et en temps. J’ai tout de même estimé que ce coût était nécessaire pour faciliter mes déplacements au sein de cette zone.
Ci-après une autre vue de la position des tyroliennes :
Source : capture in-game realisée par l’auteur
Avant, si l’on se base sur la carte ci-dessus, il me fallait entre environ 30 min pour voyager du marqueur 1 au marqueur 5… contre moins de 2 minutes avec mon réseau de tyroliennes.
Adieu la friction, bonjour le « territoire maîtrisé » [voir billet #2] grâce aux réseaux de transport ! -
8:37
Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #3/3
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet est le numéro 3 d’une série [Voir #1 et #2] proposée par Cédric Rossi, pour explorer la fabrication d’une carte des émissions de gaz à effet de serre, nationale, puis européenne.
Les données SEQE-UELors de la publication de la première version de la carte (voir le 1er billet) plusieurs commentaires relevaient des inexactitudes de la base de données source. Un responsable RSE m’a ainsi contacté en me disant qu’ils avaient confondu kilogrammes et tonnes (!) lors de la déclaration, et il est vite devenu évident que le problème était le même pour d’autres. À l’inverse, certains émetteurs bien connus n’apparaissaient pas, et après vérification, ces derniers ont apparemment fait la même erreur… dans l’autre sens !
Entre nous…Au regard de la faible qualité de la base de données IREP ces deux extraits de sa documentation laissent songeur…
En recherchant une source plus fiable, je découvre l’« European Transaction Log » (EUTL), la base de données qui rassemble les informations nécessaires à la bonne marche du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE). Les données sont difficiles à télécharger (j’ai dû écrire un script R pour récupérer les 18 000 fichiers XML nécessaires…), mais une fois les fichiers parsés et convertis dans un format exploitable, leur qualité apparait bien supérieure (ce qui n’est pas étonnant, sachant que ces chiffres ont un impact financier direct).
Par contre, la géolocalisation est, là encore, presque entièrement manquante. Mais on peut là aussi utiliser les codes postaux pour obtenir une géolocalisation à la commune très propre.
L’Europe !Dans le billet précédent j’ai utilisé ces données pour réaliser une carte de France. Mais étant donné qu’on a maintenant des données pour toute l’Europe, dommage de ne pas en profiter !
Seul problème : on a géolocalisé la base française grâce aux codes postaux, et à priori, je ne connais pas de base fiable à l’échelle européenne qui me permettrait de faire la même chose.
Merci eueuts.info !Alors que j’essayais de trouver une solution avec les membres de #teamopendata, on m’a parlé d’une initiative récente de Jan Abrel, un chercheur du ZEW : eueuts.info. Il a réalisé un travail d’extraction des données EUTL similaire au mien, et les a déjà géocodées via l’API Google Maps. Ce n’est pas parfait bien sûr, mais les résultats sont plus que corrects. Après quelques ajustements manuels, nous voici prêts pour la série de cartes finale.
Le problème de la représentation en cartogramme de Dorling…… est que les points sont déplacés afin de ne pas se superposer. Pour les points proches de la frontière, ce n’était pas trop grave tant qu’on était en France (j’avais fait attention à ne pas afficher de limites de régions ou de département pour atténuer ce problème), mais sur une carte d’Europe ça devient plus problématique.
J’ai donc utilisé le plug-in de QGIS « Coloration topologique » qui permet de colorer chaque polygone d’une couche en évitant que deux polygones adjacents aient la même couleur, avec un minimum de couleurs. Par une simple jointure, j’ai associé cette couleur aux points Dorling, afin de pouvoir rendre à chaque nation son dû.
D’autres représentations thématiques sont possiblesEn catégorisant les émissions par activité, on obtient une carte très intéressante (surtout quand on la compare à la carte de France précédente), qui montre la faible industrialisation et la faible proportion d’énergie carbonée en France par rapport à nos voisins du nord.
Quant à l’interprétation de ces cartes, je ne saurais dire mieux que Bon Pote
Et après ?Ces émissions représentent seulement une partie des émissions européenne ; il manque toutes les émissions « diffuses » (transports, agriculture, habitat, tertiaire, etc.) mais aussi toutes les émissions « importées » : la France apparait comme une bonne élève sur la carte d’Europe grâce à un mix électrique plus décarboné que ses voisins, mais sa désindustrialisation n’a fait que reporter les émissions de gaz à effet de serre ailleurs… Il y aurait une réflexion intéressante à faire sur la meilleure façon de le représenter. Peut-être dans un futur billet ?
Billets liés :
– Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #1/3 : symboles proportionnels
– Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #2/3 : cartogrammes de Dorling
– Résoudre le problème de la superposition des cercles en cartographie -
7:35
Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #2/3
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet est le numéro 2 d’une série de trois billets [Voir #1 et #3] proposés par Cédric Rossi, pour explorer la fabrication d’une carte des émissions de gaz à effet de serre, nationale, puis européenne.
Des allers-retours entre cartographes…Me conduisent à reprendre la carte précédente sous forme de cartogramme de Dorling.
QGIS ne sait pas les générer, mais un test rapide en R, en suivant ce tutoriel, me montre immédiatement tout l’intérêt de cette approche. Les cercles proportionnels sont déplacés afin d’éviter toute superposition ; on perd bien entendu la position géographique précise, mais en échange, on voit très clairement autant les gros émetteurs que les accumulations de plus petits.
En parallèle, je décide d’utiliser un nouveau jeu de données, plus fiables, dont nous parlerons dans le dernier billet de cette série.
Une fois exporté sous forme de shapefile, on peut importer ce cartogramme dans QGIS pour finaliser la carte.
Recréer une légendeMais cette couche contient maintenant des cercles sous forme de polygone, impossible d’en faire une légende exploitable ! Pour résoudre cela, je génère leurs centroïdes, que je superpose sur les cercles Dorling, puis j’utilise l’assistant « Taille de points » de QGIS (en ayant réglé l’unité de taille en « unités de carte » pour ne pas dépendre de l’échelle).
En utilisant la méthode de calcul « Surface » de l’assistant (qui correspond à ce que fait l’algorithme de Dorling), je centre la carte sur le plus gros cercle, et je cherche manuellement la bonne valeur dans le champ « Taille… à » pour recouvrir exactement les cercles Dorling.
Enfin, dans les réglages avancés du style de couche, il ne reste qu’à activer « Légende pour la taille définie par des données »…
… et finalement à paramétrer cette légende.
Pour les Outre-mers, il me semble indispensable d’utiliser une échelle unique, assez peu habituelle, ne serait-ce que pour que la taille des cercles soit comparable. Pour cela, dans le module « Mise en page » de QGIS, j’ajoute une carte par territoire, chacun dans sa projection officielle.
Pour être certain de bien garder une échelle unique sur tous les territoires, je la définis comme variable de la page…
…puis j’utilise cette variable pour régler l’échelle, dans chaque carte.
J’ai mis en ligne ce modèle de mise en page sur le site [https:]] .
Le résultat final !À suivre…
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– Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #3/3 : échelle européenne
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18:53
Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #1/3
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui nous recevons Cédric Rossi, ex-CTO d’une startup d’urbanisme, en reconversion dans la cartographie engagée. Cédric nous propose une série de trois billets formant une superbe exploration de la fabrication d’une carte des émissions de gaz à effet de serre, nationale puis européenne dont nous avions beaucoup parlé sur les réseaux sociaux.
Nous lui laissons la parole.Début février, un ami m’a demandé si je pouvais lui préparer une carte « vite fait » pour répondre à un appel d’offres. Il s’agissait de cartographier les émissions de CO? recensées dans le Registre des émissions polluantes (base IREP) du ministère de la Transition écologique qui liste les substances chimiques et polluants rejetés par les principales installations industrielles.
À priori, ça paraissait assez simple, l’affaire d’une petite demi-heure dans QGIS.
Trois mois plus tard, c’est enfin terminé.
Exploration cartographique de la base IREPJ’ouvre donc les CSV dans QGIS, et tout de suite, première mauvaise surprise, et non des moindres…
Les coordonnées géographiques sont inexploitables : mélange non documenté de latitude/longitude, de projections dans différents systèmes, de coordonnées nulles… Bref, il va falloir trouver une autre solution.
Heureusement, on trouve aussi une colonne SIRET. Après jointure avec la version géocodée de la base Sirene créée par Christian Quest, on obtient un résultat qui n’est pas idéal, mais suffisant pour se faire une première idée.
Afficher des cercles proportionnels…Je commence par simplement afficher des cercles proportionnels à la quantité d’émissions, en faisant attention à bien gérer l’ordre de rendu, afin que les plus gros cercles soient dessinés sous les petits, et qu’aucun ne soit masqué.
… leur appliquer une transparenceOn voit qu’il y a une composante géographique importante dans ces émissions, avec des zones de fortes concentrations dans les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-France, le Grand Est, et la Normandie, ainsi que de très grosses disparités entre les émetteurs. Par contre, cette représentation masque les accumulations locales d’émissions ; s’il y a énormément de sites très proches, on perçoit très mal le total.
On peut améliorer cela légèrement avec de la transparence, qui fera mieux apparaitre les cumuls, mais ça reste peu lisible.
Essayer une carte de chaleur
Pour mettre en évidence ces accumulations locales, je passe à une représentation en carte de chaleur (heat map).
Elle nous confirme que l’Île-de-France, le Rhône et, dans une moindre mesure, la Loire-Atlantique, étaient sous représentés dans la première carte. Mais cette fois, on perd évidemment toute l’information discrète : est-ce que les émissions d’une zone donnée proviennent d’un gros site, ou de nombreux petits ?
Cumuler symboles proportionnels et carte de chaleur…Ce rendu me paraissait à priori assez plaisant : il montre très bien à la fois les très gros émetteurs et les zones ou les émissions totales sont importantes, mais partagées par de nombreux émetteurs.
Nettoyer les données…De toute évidence, le jeu de données a quelque chose à raconter, il est donc temps de le nettoyer sérieusement. Je décide de le regéolocaliser intégralement, en suivant plusieurs étapes :
- une première passe via l’API de la Base Adresse Nationale (BAN) ; hélas elle ne gère pas les codes Cedex employés dans de nombreuses adresses.
- une transformation de Cedex en code postaux, via la base Sirene, puis retour sur l’API BAN.
- enfin pour les géolocalisations encore manquantes, on va se contenter d’une localisation à la commune (amplement suffisante à cette échelle) via la Base officielle des codes postaux
J’ai publié le jeu de données géolocalisées ici.
… et finaliser la carteIl était maintenant temps de finaliser cette carte et de la diffuser sur les réseaux sociaux.
La publication de cette carte sur les réseaux sociaux a été mitigée : elle a circulé assez largement et a eu un certain succès, mais sans doute pas toujours pour les bonnes raisons ; en cette époque de pandémie où nous voyons tous les jours des cartes de taux d’incidence, je me rends compte que le choix des couleurs n’est pas idéal. De nombreuses personnes y voient une corrélation géographique assez osée avec la diffusion de l’épidémie… La heat map évoque quant à elle une idée de « pollution », qui entraine elle aussi des réactions assez vives…
Les cartographes, de leur côté, sont assez peu emballé·es par la heat map, et le côté « flou » qu’elle apporte.
Au moment de la republier dans un autre contexte, je tente quelques modifications : cercles gris, plus neutres, et pas de heat map. De façon très intéressante, ça a conduit à des réactions plus modérées qui discutaient plus du fond. Mais une partie importante de l’information manquait : l’Île-de-France ou le Rhône semblaient très peu émetteurs par exemple, et plusieurs personnes s’en sont étonnées.
Les cartographes me conseillent plusieurs approches alternatives, en particulier l’usage d’un cartogramme de Dorling, où les cercles proportionnels vont être déplacés juste autant que nécessaire pour ne pas se superposer. Ce sera donc la prochaine étape !
À suivre…
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17:40
Un jour, un concept de géographie avec Death Stranding ! #2 : L’art de maîtriser un territoire
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet participe d’une série consacrée aux notions et concepts de l’analyse géo-cartographique présents dans les cartographies des jeux vidéos. Voir aussi : #1 : lignes de désir #2 : territoire maîtrisé #3. Friction
Comme nous l’avons vu dans le précédent billet, Death Stranding est un jeu parfait pour appréhender une multitude de notions propres au domaine de la géographie. Aujourd’hui, nous nous intéresserons à l’expression « maîtrise du territoire » !
A gauche : je ne maîtrise pas mon territoire, à droite : mon territoire est maîtrisé !
Source : captures réalisées ingame par l’auteur
Mais au fait, qu’est-ce qu’un territoire maîtrisé ? Pour répondre à cette question, définissons tout d’abord le terme territoire.
Territoire et espaceTerme galvaudé et polysémique s’il en est, le territoire est régulièrement confondu avec le concept d’espace. Les politiques l’utilisent également à tort et à travers, souvent pour désigner tout ce qui est situé à l’extérieur de Paris. C’est un mot fourre-tout dans lequel nous pouvons retrouver les communes, les intercommunalités, les départements, les régions ou encore les cantons…
Romain Pasquier, politologue, résume parfaitement dans un article parut dans le Parisien les raisons de cette banalisation du mot territoire dans les allocutions politiques : « le terme territoire est très lié à l’organisation de l’État français. Cela renvoie à tout ce qui n’appartient pas à l’État central mais qui est local ou régional. Autrement dit, c’est tout ce qui n’est pas à Paris ».
Jean Castex, se présentant en “homme des territoires”, est le parfait exemple de la surutilisation de ce concept de géographie dans des formules de communication politique. En effet, par exemple, dans son discours de politique générale du 16 juillet 2020, le Premier Ministre a prononcé à 25 reprises le mot territoire.Néanmoins, et parce que nous sommes entre nous, nous définirons simplement le territoire comme une portion d’espace appropriée, dominée par un – ou un groupe d’individus – et délimitée (oui, c’est une définition très très large).
La maîtrise d’un territoire, c’est donc l’ensemble des stratégies mises en place pour s’approprier, transformer, contrôler et aménager un territoire.
Dans Death Stranding, ce dernier verbe est le plus important car, en termes d’aménagement, on va pouvoir se faire plaisir… Oh oui.
La maîtrise du territoire dans Death StrandingAu début du jeu, le joueur ne dispose que d’échelles télescopiques, de cordes et de ses jambes pour se déplacer dans un environnement où la moindre aspérité du terrain peut lui faire perdre l’équilibre et le faire tomber (voir la capture ci-dessous).
Un poids mal équilibré, une pente trop forte, un vent violent, des rochers, le courant d’une rivière… Les facteurs de chute sont légion dans Death Stranding !
Source : capture réalisée in-game par l’auteur.
Ainsi, le joueur subit son environnement plus qu’il ne le domine. Cette progression dans la domination du territoire est d’ailleurs très bien retranscrite dans la diégèse[1] du jeu.Source : captures réalisées in-game par l’auteur.
En effet, très rapidement, le jeu nous offrira la possibilité de construire un réseau d’infrastructures de déplacement (cordes, échelles…) et de transport (route, tyrolienne…) qui nous permettront de dominer réellement le territoire. Nous pourrons également améliorer nos modes déplacement en débloquant des véhicules tels que des camions, des motos, des chariots ou encore en optimisant notre combinaison afin de nous déplacer plus rapidement (par exemple, nous aurons la possibilité de débloquer une tenue nous permettant d’évoluer plus facilement dans les environnement montagneux).
Néanmoins, au fur et à mesure que l’on avance dans le jeu, le joueur se rendra compte que maîtriser son territoire ne va pas être une mince affaire. En effet, il va devoir évoluer dans différents biomes, chacun ayant des propriétés différentes, qui devront être appréhendées de différentes manières par le joueur…
On comprend effectivement très rapidement à quel point il sera difficile de manier correctement son véhicule sur une plaine caillouteuse, une montagne enneigée ou bien sur une étendue de rochers volcaniques…Quelques images du biome “désert volcanique”
Source : captures réalisées in-game par l’auteur
Pour faciliter les déplacements au sein de ces différents espaces, le jeu nous pousse à investir dans la construction de routes ou de ponts !Outre le fait de se simplifier grandement la tâche dans la livraison des colis, cet élément de gameplay procure une réelle satisfaction pour le joueur ; il marque le passage à un palier supérieur dans sa maîtrise du territoire !
Source : captures réalisées in-game par l’auteur
[1] Ce concept relatif au domaine du game design a été développé dans un précédent billet [Voir]
Sources :
Territoires, territorialisation, territorialité, sur Géoconfluences
L’espace un concept geographique majeur, sur Geobunnik -
13:52
[Appli] D’où venons-nous ?
sur Carnet (neo)cartographiqueD’où venons-nous ? (« Where We’re From ») est le titre d’une application de géo visualisation de migrations internationales récemment mise en ligne par l’Organisation des migrations internationales (OIM, 2021) et développée par Locus Insight, une agence de datavisualisation.
La particularité de cette application est de représenter l’effet de ces migrations sous la forme d’une carte par points (dotmap), en mobilisant les données géographiques de Natural Earth data pour cartographier les statistiques des Nations Unies, en l’occurrence l’International Migrant Stocks que nous connaissons maintenant bien [voir notamment MigrExplorer], pour l’année 2017.
L’application décrit ainsi la présence étrangère [voir] sous la forme de pointillés distribués dans les pays du monde traduisant ainsi soit l’accueil, soit la nationalité d’origine.
L’originalitéL’originalité de cette application tient à un double mouvement opéré dans le choix du type de représentation et dans sa modalité de mise en œuvre.
Quand bien même le motif pointillé évoquerait directement un groupe d’individus définissant un peuplement, et serait de fait particulièrement adapté à la visualisation de distributions de populations – y compris agrégées comme ici -, il faut reconnaître qu’il ne fait pas pour autant l’objet d’attentions particulières pour représenter la géographie de populations générales, encore moins celle décrivant migrations (ls symboles proportionnels étant encore largement répandus, ce qui est logique).
L’application étant proposée sur le geoweb, il est tentant de faire le lien avec le procédé des #particules, souvent animées, mais ce n’est pas tout à fait la même chose.
Le choix d’une carte par point (dotmap) pour représenter des quantités (effectifs de personnes) sous une forme désagrégée apparaît ainsi particulièrement intéressante.La seconde originalité tient dans le procédé de spatialisation de points symbolisant chacun 20 000 personnes (5 points représentant alors 100 000 personnes).
Alors que les cartes par points donnent traditionnellement lieu à une représentation sous la forme d’une densité irrégulière de points (density dotmap) ou exceptionnellement régulière (points Bertin) [ voir notre proposition ici ], la proposition de l’OIM concentre en un seul point le semis appartenant à une même maille.
Qu’est ce que cela change ?La visualisation d’amas de points qui se chevauchent [ plutôt qu’une densité irrégulière ou même régulière de points ] supprime dès lors la visualisation de l’intensité des semis de chacune des mailles, procurée par la density dot map, pour privilégier la vision d’une accumulation de points en un point donné. Aussi la formation de communautés de points regroupés et distinguées par leurs couleurs et cela, en plus de leur quantité perçue et rendue par le nombre de points de 20 000 personnes chacun.
Les données n’étant logiquement pas symétriques, l’application propose de visualiser l’immigration et l’émigration.
Qu’est ce que cela donne ?Pour la France, la vision « Out » de la résidence à l’étranger de ses ressortissants n’est pas très lisible. La diversité des lieux de leur pays de résidence combinée au fait que leurs effectifs n’excèdent pas souvent plus 20 000 personnes par pays rend difficile leur perception globale. La vision d’ensemble pour une lisibilité des points ainsi que les contrastes colorés n’ont manifestement pas fait l’objet d’une attention particulière.
A l’inverse, la vision « In » de la diversité des pays d’origine des populations étrangères résidente en France est davantage lisible. La carte décrit en effet une multitude de points organisés de manière circulaire autour du pays.
Le semis d’ensemble est formé de communautés de points d’autant plus importantes qu’elles sont à l’origine d’importants effectifs de populations. Ces communautés peuvent être distinguée par leur couleur et identifiées au simple clic sur un élément coloré, comme ci-après pour l’Italie et le Maroc.
On observe ainsi que la France accueille des populations provenant de nombreux pays distincts (de nombreux petits cercles symbolisant chacun 20 000 personnes) et seuls quelques pays d’accueil émettent dans des proportions importantes.
[ Accéder à l’application ]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:29
Un jour, un concept de géographie avec Death Stranding ! #1 : Les lignes du désir
sur Carnet (neo)cartographiqueUne nouvelle série de billets néocartographiques dédiés à la cartographie dans les jeux vidéos s’ouvre aujourd’hui. Réalisée par et à l’initiative de Tony Hauck, cette série vise à explorer la manière dont les notions et concepts de l’analyse géographique sont mobilisés dans les univers vidéoludiques. Pour les dénicher, Tony va fouiller dans les dispositifs de Death Stranding, un jeu développé par le célèbre créateur Hideo Kojima et son studio Kojima Productions. Passons-lui le relai sans tarder, pour une présentation du jeu suivie de la première et passionnante partie consacrée aux « lignes de désir ».
Death Stranding ?Death Stranding est le jeu idéal à faire en période de confinement.
Pour ma part, ce titre a été une véritable bulle d’air en mars-avril 2020 lorsque la France s’est arrêtée de tourner pendant presque 3 mois. Si vous ne connaissez pas cette œuvre, arrêtez tout de suite la lecture de ce billet et courrez faire ce jeu !Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Néanmoins, rassurez-vous, je ne spoilerai aucun élément de l’intrigue ou de l’histoire, je m’attarderai uniquement sur le gameplay du jeu et les possibilités offertes par le titre.
Death Stranding est un jeu qui a indubitablement polarisé les critiques à sa sortie et qui continue de diviser les joueurs. Pour certains, l’œuvre de Hideo Kojima est simplement une simulation de randonnées (walking simulator). Pour d’autres, c’est une expérience vidéoludique unique et puissante. Quoi qu’il en soit, c’est définitivement un titre qui ne vous laissera pas indifférents.
Éléments sur l’histoireEssayons de résumer simplement l’histoire. Dans un futur proche, le monde a été détruit par le Death Stranding, un événement surnaturel qui a brisé la barrière entre le monde des vivants et celui des morts. Dans ce monde post-apocalyptique, vous êtes Sam Bridges (incarné par Norman Reedus), une personne chargée de récupérer et de transporter des colis au cœur d’une Amérique vide et dévastée pour des personnes réfugiées dans des bunkers répartis dans plusieurs régions.
Source : https://visuwyg.org/
L’action prend place sur le territoire des anciens États-Unis d’Amérique où l’entreprise Bridges tente de construire les UCA (United Cities of America), un réseau de villes-relais, par la livraison de matériel, de fournitures et de souvenirs du monde passé.
Le logo de la société Bridges résume parfaitement l’objectif poursuivi : retisser les liens perdus entre les villes-relais des États-Unis :
Source : forbiddenplanet.com
En récompense, selon la rapidité du service, la quantité et l’état des biens livrés, il reçoit des “likes”, des points qui lui permettront de débloquer des équipements (véhicules, combinaisons, bottes…), améliorant ses conditions de travail de livreur chronopost.
Après chaque livraison, le joueur recevra une note suivant plusieurs critères qui augmentera sa réputation globale de livreur
Source : psthc
Si je décide d’en parler ici, c’est parce que Death Stranding fait écho à une infinité de concepts de géographie, qui seront développés dans de futurs billets.
#1. Les lignes de désir,Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Et aujourd’hui, nous allons parler des lignes de désir !
une dissonance spatiale entre l’offre urbaine et la demande des usagersNe vous arrive-t-il jamais de couper inconsciemment à travers un espace vert pour vous éviter un détour inutile ? Ou bien d’emprunter un petit sentier informel pour relier deux points d’un même trajet ?!
Sources :
image de gauche : https://github.com/matjojo/desire-paths – image de droite : @MaxRobitzsch
Ces tracés organiques et officieux, fruits d’une érosion graduelle due aux passages répétés des passants portent un nom tout aussi élégant que soyeux : les lignes du désir.
Sources :
Image de gauche : https://www.pointforward.com/desire-paths – Image de droite : Pinterest, @Marco_De_Boer
Dans Death Stranding, c’est exactement pareil ! Nos pas ainsi que ceux des autres joueurs (car Death Stranding est une expérience multijoueurs où notre session de jeu est partagée par des milliers de personnes en temps réel) ont une incidence directe et visible sur le monde que l’on traverse. Nos allées et venues répétées vont façonner de petits sentiers qui deviendront ensuite des routes, routes que nous emprunterons alors machinalement pour aller plus vite et gagner du temps dans nos livraisons.
Sources :
Capture in-game réalisée par l’auteur – Image de droite : [https:]]Source : Captures ingame réalisées par l’auteur
Dans le jeu comme dans la vie réelle, les lignes du désir sont le révélateur du puissant décalage qui peut parfois exister entre le tracé initial de la voirie et les besoins des usagers. Cauchemars des urbanistes pour les uns, manifestations des pratiques de ceux qui vivent la ville pour d’autres, ces lignes confrontent indubitablement deux points de vue. Néanmoins, une chose est sûre : il suffit d’observer ces tracés pour connaître les volontés des piétons en matière de planification urbaine.Enfin si vous souhaitez approfondir le sujet, sachez qu’il existe un subreddit entièrement consacré à ce phénomène !
Billets liésv: #1 : lignes de désir #2 : territoire maîtrisé
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9:28
Et si on alignait le Monde ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vous propose aujourd’hui une carte totalement inutile donc absolument indispensable. Il s’agit d’une carte du monde composée de points, qu’il est possible d’aligner à gauche, à droite, ou de justifier à la manière d’un texte. Deux paramètres sont modifiables : la projection et le nombre de points. Le tout est réalisé en javascript avec Observable. Le code source est disponible ici.
Ce travail, n’est pas une création originale, mais une réappropriation du magnifique travail artistique d’Angela Detanico et de Rafael Lain, deux artistes fascinés par le langage et la typographie qui aiment jouer avec l’espace géographique. Dans leur oeuvre intitulée « The World Justified, Left-aligned, Centred, Right-aligned » (2004), ils proposent en effet des versions cartographiques du monde, un monde centralisé, un monde aligné à droite et monde aligné à gauche, comme autant de representations utopiques et déformantes. D’autres oeuvres sont à retrouver ici.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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18:24
[Book] 7963. e-psychogéographie d’un exil
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui dans #Néocarto, nous recevons Franck Burns [sous pseudonyme, l’auteur souhaitant garder l’anonymat]. Franck est sociétaire du Rêve de la Sardine et « arpenteur polymorphe des silences » comme il se définit lui-même. Il nous a contactés pour nous présenter son projet d’une (carto)graphie littérale singulière issu du récit du voyage d’un jeune mineur guinéen entre Conakry et Marseille. Nous lui laissons la parole.
« Je hais les voyages et les explorateurs, … »« “ Je hais les voyages et les explorateurs, et voilà pourtant que je m’apprête à ”…
En débutant ainsi « Tristes Tropiques » Claude Lévy-Strauss entendait, je crois, régler un malentendu, celui du récit du voyage à venir qui n’était pas l’écriture romanesque de chroniques exotiques mais le moyen d’un autre récit, celui de sa relation objective à l’expérience du voyage.Précision utile car moi aussi, et pour les mêmes raisons, je hais les voyages et les explorateurs et voilà pourtant qu’un soir notre petite famille a ouvert sa porte à un mineur isolé pour trois nuits. Un voyage comme qui dirait à l’envers.
Le choc a été violent. Une part d’humanité oubliée en nous s’est réveillée. Ces trois nuits se sont faites années. Aujourd’hui Allan est en BTS en alternance. C’est un magnifique garçon. Ce fut et est une belle aventure même si la manière dont il arrivé jusqu’à nous est toujours restée silencieuse.
Sa résilience et notre volonté de ne pas être intrusifs ne nous ont permis que d’imaginer ce « voyage » dont nous savons qu’il fut marqué de souffrances dont son corps porte encore témoignage – esclavagisme, torture…
Malgré ça, je voulais quand même faire de ce silence un récit, écrire une histoire coupable d’une relation renversante de nous autres jusqu’à nous mêmes, et au décillement forcément brutal. Ce sacerdoce moral s’imposait à moi. Mais comment relater ce qui se refuse à dire ? Comment écrire le silence ? Et surtout, surtout comment dire sans trahir…
Au début j’avais imaginé quelque chose d’esthétique. Un planisphère de nuit ou seules les lumières feraient de notre terre un ciel. Sur ce dernier, à l’image des plans du métro parisien où l’on voit la ligne s’allumer, j’avais imaginé porter les trajectoires des gamins migrants sous forme de constellation. Mais l’esthétisme risquait prendre le pas sur le malheur. Je ne m’en sentais pas le droit. J’ai donc cherché d’autres façons de dire ce qu’il ne pouvait dire et toute cette souffrance que nous ne voulions entendre.
Voilà comment est né ce projet d’écriture machinale.
[ Lire ]J’ai simplement utilisé la neutralité algorithmique à portée de main. J’ai ouvert Google Maps, mis en lieux de départ « Konakry », en lieu d’arrivée « Gare Saint Charles de Marseille », j’ai précisé les quelques lieux dont au fil du temps nous avions appris qu’il les avait traversé, j’ai choisi le mode pédestre et j’ai lancé l’algorithme.
Extrait du voyage de Allan
Ainsi s’est écrit le récit. Et ce fut remarquable.
La petite fabrique de « littérature machinale » mis en branle disait tout des très exactement 7 963 kilomètres au mètre près du voyage d’Allan et paradoxalement, et magnifiquement, n’en disait absolument rien.
Il n’y avait là dans ce long récit ni exotisme, ni relation objective de l’expérience, rien sinon une inutile précision nettoyée de tout adjectif, conjugaison, sujet, et finalement de toute âme… Un récit sans peur à craindre dont la morale s’est imposée naturellement. L’expérience n’étant plus un prérequis au récit biographique, nous n’avons plus rien à redouter puisque la littérature machinale peut tout raconter de nous-même et surtout ce qui n’a jamais été. Il n’y a plus à haïr les voyages et les explorateurs juste à se laisser bercer des suaves sirènes machinales.
Je voulais tirer plus loin le fil de cette absurdité, et c’est ainsi que j’ai prolongé ce non récit d’un documentaire cartographique fabriqué à la main : il s’agit d’un film d’animation monté image après image (flèche après flèche qu’il aura fallut synchroniser avec le son…) … afin que cette absurdité à lire se donne aussi à voir.
Un documentaire cartographique à l’absurdité salutaire [Voir]Nécessairement, j’ai puisé dans le situationnisme un peu de sa philosophie et beaucoup de sa cartographie m’amusant ainsi d’un hommage non plus psychogéographique mais « e-psychogéographique » c’est à dire m’amusant d’une subjectivité privée de toute expérience ou pas plus que le verbe, la géographie n’a d’utilité à être vraie, comme qui dirait une géographie inexpérimentée, autrement dit une géographie sans d’autre cap que le « non sens » dont l’algorithme est la seule boussole.
Au final, ce dont il est question ici ce n’est plus forcément du voyage d’Allan mais plutôt et possiblement de notre propre dérive immobile.
Et si je devais donner un nom à l’absurdité contradictoire de ce non récit et de ce non documentaire cartographique, je crois, en petit clin d’œil, que « Tristes tropismes » sonnerait assez bien …
Franck Burns,
Le rêve de la Sardine._____________________________
[Écouter aussi ] Claude Lévy-Strauss (Tristes tropiques, 1955)
à propos de la phrase « Je hais les voyages et les explorateurs, … ». -
18:20
Quelle est la forme de l’espace-temps géographique? Image d’un ratatinement
sur Carnet (neo)cartographiqueNotre connaissance de l’espace-temps géographique provient de notre expérience acquise à travers nos déplacements, et de la consultation de ses représentations, les cartes. Et de fait les premières cartes connues (Harrel et Brown 1992) ont pour fonction de montrer où se trouvent les choses, mais aussi de montrer comment les atteindre.
On peut observer un ensemble de propriétés de l’espace-temps géographique :
- L’idée du rétrécissement du monde a été émise dès l’antiquité (Pline L’Ancien) avec l’idée que l’amélioration des moyens de transport réduit les distances-temps
- La coexistence de plusieurs modes de transport (Armstrong 1998), et donc de plusieurs vitesses de déplacement
- L’existence de réseaux pour assurer les services de transport, qui entretiennent des liens complexes avec l’espace dans lequel ils s’inscrivent
- Une géométrie profondément déformée par le phénomène omniprésent de l’inversion spatiale (Tobler 1961?; Bunge 1962)
Le phénomène d’inversion spatiale énoncé par Bunge (1962)
L’inversion spatiale — le fait qu’un trajet débute par un mouvement inverse à la direction finale — est liée aux deux précédentes propriétés et en constitue une conséquence extrême. Or elle implique une inversion de l’ordre des proximités et pose une question redoutable pour la représentation : doit-on couper l’espace, le détacher, le tordre ?
La carte classique, héritée de l’effort millénaire de la recherche de l’exactitude topographique, échoue à rendre en particulier les trois dernières propriétés énoncées. Dans l’histoire de la cartographie plusieurs propositions ont cherché à répondre à ces enjeux, dont les anamorphoses et les cartes en ressort de Tobler (1997).
Conceptualisée par Philippe Mathis en 1993, et mise en œuvre par L’Hostis la cartographie en relief d’espace-temps exploite la troisième dimension pour allonger les liens moins rapides qu’une vitesse de référence définissant la ligne droite. Ses principes de construction veulent que:
- Les villes conservent leur localisation géographique usuelle
- La longueur des arcs est proportionnelle au temps de transport
- Les liaisons les plus rapides sont tracées selon la ligne droite (ou la géodésique sur le globe)
- La troisième dimension permet de tracer des liaisons moins rapides et à la durée proportionnellement plus élevée
- Une échelle d’espace-temps convertit les longueurs des liaisons en durées de transport
L’ensemble de ces règles génère une géométrie tridimensionnelle issue d’un rapport de vitesses et décrite par des équations mathématiques.
Nous proposons en dessous une représentation de l’espace-temps géographique de la Chine et Taiwan pour l’année de référence 2014 (L’Hostis, Abdou, 2021). Le réseau aérien relie les villes situées aux sommets de cônes formés par la pente issue du rapport des vitesses entre l’aérien (750 km/h) et le mode routier (100 km/h). Sur cette représentation sans projection cartographique, les liaisons aériennes à longue distance (> 2 000 km) dessinent des arcs géodésiques de plus court chemin (en rouge), tandis que les liaisons aériennes à courte distance, plus lents, s’allongent par des arcs inscrits au-dessus de la surface terrestre (en vert).
Représentation de l’espace-temps géographique chinois en 2014, première représentation avec des cônes et courbes
L’image est celle d’un ratatinement de l’espace-temps pour reprendre l’expression utilisée par Tobler. En effet, les systèmes de transport à grande vitesse — ici l’aérien — rapprochent les villes, mais laissent intacte l’étendue spatiale interurbaine, parcourue et atteinte par la route à des vitesses de l’ordre de 7 fois moins élevées. Les liaisons aériennes viennent réduire certaines distances sans altérer l’espace interstitiel, de manière similaire à la transformation du ratatinement accompagnant le mûrissement d’un fruit. La propriété d’inversion spatiale est lisible sur la représentation : un trajet débutant à proximité d’un point d’accès au réseau rapide — la ville — cherchera à rejoindre celle-ci plutôt que de suivre son chemin le long des pentes abruptes de l’assemblage des cônes.
S’éloignant des modèles de la plaine euclidienne, de la feuille de caoutchouc, ou de la surface découpée, la proposition introduit une métaphore organique liée au mûrissement pour exprimer la complexité d’un espace-temps géographique comportant plusieurs modes aux vitesses fortement différenciées, des réseaux de transport rapides et une surface prenant la forme d’un assemblage complexe de cônes portant chacun une ville à leur sommet.
Le projet Shriveling world initié en 2016 et regroupant une équipe pluridisciplinaire — géographes, géomaticiens, informaticiens, graphiste, artistes — vise à produire et développer ce type de représentation. C’est avec ce projet qu’ont été introduits les cônes ainsi que la possibilité de dessiner des arcs courbes. En tant qu’initiative de science ouverte le projet comporte un carnet scientifique, un code accessible, une application fonctionnelle ainsi qu’un forum pour les utilisateurs.
Alain L’Hostis
Références- Armstrong J., 1998, « Transport history, 1945-95?: The rise of a topic to maturity », Journal of transport history, Vol.19, N°2, 103–121.
- Bunge W., 1962, Theoretical geography. Lund, Gleerup, 289 p.
- Harrell J. A., Brown V. M., 1992, « The World’s Oldest Surviving Geological Map: The 1150 BC Turin Papyrus from Egypt », The Journal of Geology, 3–18.
- L’Hostis, A.; Abdou, F. What is the Shape of Geographical Time-Space? A Three Dimensional Model made of Curves and Cones. Preprints 2021, 2021030594 (doi: 10.20944/preprints202103.0594.v1).
- Pline l’Ancien., 1877, Histoire naturelle de Pline?: avec la traduction en français. Tome 1 (É. Littré, Tran.). Paris, Firmin-Didot et Cie, 764 p. [gallica.bnf.fr]
- Tobler W. R., 2001, The World is Shriveling as it Shrinks, Invited Presentation,Texas A & M, College Station, TX, 26 October 2001
- Tobler W. R., 1997, « Visualizing the impact of transportation on spatial relations », 7 in: Western Regional Science Association meeting. Hawaii, Western Regional Science Association.
- Tobler W. R., 1961, Map transformation of geographic space. Washington, University of Washington, Geography, 183 p.
Voir aussi :
TTT dans Néocarto
Programme TTT (Tribute 2.0 Tobler) -
11:49
[Vidéo] Arabesque, pour explorer et visualiser vos flux géolocalisés
sur Carnet (neo)cartographiqueArabesque, l’application d’exploration et de géo visualisation de données de flux et de réseaux, développée dans le cadre du projet geographic flow visualization gflowiz, a fait l’objet du 45e Meetup de l’association Toulouse dataviz (TDV), le 13 avril 2021. Pour l’occasion, Étienne Côme, Laurent Jégou et moi-même en avons présenté la première version et son utilisation sur trois jeux de données multiscalaires [voir le support].
Ces données s’expriment respectivement :
– au niveau national : pour la France, il s’agit des flux aériens de passagers, de fret et courrier (DGAC), préparés pour le mapathon du colloque Cartomob ;
– au niveau mondial : des flux commerciaux internationaux historiques, provenant de la base de données RIcardo, notamment mobilisés lors de la session geoweb-gflowiz du colloque Sagéo ;
– au niveau local : à Toulouse, des mobilités scolaires observées par niveau de diplôme, professions, catégories sociales et lycées (INSEE, MOBSCO).Le dessin automatique d’une carte par défaut (symbolisant les 10% des liens les plus forts) ouvre plusieurs possibilités d’exploration et de géo visualisation des différentes dimensions des données de départ, avec le confort et la fluidité des bibliothèques actuelles de visualisation et de cartographie web : openlayers, d3, OSM, Turf, NaturalEarthData.
Arabesque facilite en effet la prise en main des matrices origine-destination multiscalaires en proposant d’importer vos propres données (liens et/ou nœuds) ; de paramétrer d’une part, leurs géographies, leurs dessins selon des modalités variées, leurs sémiologies et d’autre part, leurs aspects statistiques (sélection, filtrage des valeurs quantitatives, qualitatives catégorielles ou ordinales).
Le calcul automatique de différents indicateurs sur les nœuds et les liens, permet d’enrichir l’expérience, en proposant notamment une analyse des balances ou des degrés des nœuds, ou encore un filtrage continu selon l’espace (distance parcourue).
Accéder à la vidéoArabesque est une application entièrement développé en Javascript.
N’hésitez pas à contribuer,
directement sur le dépôt :
./arabesque-dev (en cours)
Version initialeou à contacter Étienne Côme
Billet lié : Cartographier des flux avec arabesque !
Voir aussi : ArabesqueGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:33
A propos des ordres de grandeur
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, les chiffres viennent de paraître. L’homme le plus riche du Monde, Jeff Bezos, possède à lui seul 177 milliards de dollars, talonné de près par Elon Musk et ses 151 milliards de dollar. Faramineux n’est-ce pas ? Mais que représentent vraiment ces chiffres ? Que représente vraiment un million ? Un milliard ? Cent milliards ? Pas si facile de se représenter concrètement ces ordres de grandeur dans nos cerveaux qui ne sont pas faits pour cela.
En visualisant ces chiffres sur un simple graphique, que constatons-nous ? Que finalement, un million c’est très peu par rapport à un milliard. Ainsi, quelqu’un qui posséderait dix millions de dollars se retrouverait sur cet axe proche du zéro. Est-ce vraiment cette image là que nous avons en tête quand nous voyons ces chiffres défiler dans les médias ou sur les réseaux sociaux ? Probablement pas.
Mais cela devient encore plus fou dès lors qu’on rajoute les montants des grandes fortunes citées plus haut. Sur cet axe allant de zéro à 177 milliards (la fortune de Jeff Bezos), le point correspondant à un milliard se retrouve à son tour attiré sur la gauche, jusqu’à s’approcher de la valeur… zéro. Cela montre à quel point cette classe sociale des ultra riches est extrêmement hétérogène. Aussi, une fois de plus, notre incapacité cognitive à saisir à priori le sens de ces nombres démesurés. Finalement, posséder un milliard de dollar c’est bien peu pour quelqu’un qui en possède 177 fois plus.
Oui, certes, tout cela semble évident vous dites vous peut-être. Mais faites quand même le test avec les gens autour de vous. Prenez une feuille, tracez une ligne. inscrivez zéro à l’extrémité gauche et un milliard à l’extrémité droite. Et demandez à votre entourage de placer 1 million sur cette ligne. Les résultats vont vous étonner
Et en cartographie ?
Dès lors, comment cartographier concrètement la fortune de ces multi-milliardaires dans le but de rendre perceptible l’immensité de leur richesse ? Une approche, imparfaite, proposée ici est de comparer celle-ci aux PIB des Nations. Imparfaite, car cela revient à comparer un stock et un flux (ce qui est peu recommandé). Dit autrement, cela revient à comparer la fortune accumulée par une personne tout au long de sa vie (stock) à la production de richesse par la population d’un pays au cours d’une seule année (flux). En procédant comme cela, on compare donc un peu des choux et des carottes, tout comme ceux d’ailleurs, qui expriment le montant de la dette publique (stock) en pourcentage du PIB (flux). Un partout, balle au centre…
Au final, cette approche permet tout de même de constater que 156 pays dans le Monde ont un PIB inférieur à la fortune de Jeff Bezos. Ahurissant quand on y pense. Et même si la méthode est discutable et critiquable (j’en conviens), celle-ci permet tout de même de constater à quel point les fortunes de ces multi-milliardaires sont disproportionnées. Et c’était justement le but de la manœuvre. Ni plus. Ni moins.
NB : Cette carte a été publiée initialement dans l’Humanité.fr. Les codes sources sont disponibles en ligne sur mon Notebook Observable, tout comme ceux des graphiques présentés plus haut.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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12:41
Du minimalisme cartographique au frisson de l’inconnu #3/3
sur Carnet (neo)cartographiquePour terminer ce dossier consacré à la cartographie dans l’univers du jeu vidéo, Tony Hauck nous propose un troisième billet consacré au minimalisme cartographique. Nous lui laissons la main.
Le troisième billet de ce dossier, consacré à la cartographie dans les jeux vidéo, est très certainement le plus intimiste, car il aborde des titres qui ont marqué ma vie de joueur et qui ont bouleversé la manière avec laquelle j’appréhende le jeu vidéo.
Je n’en dis pas plus… Bonne lecture !
La réduction du poids de la carte dans le paysage vidéoludiqueComme nous l’avons évoqué dans le précédent billet [Voir #2/3], la démultiplication des open-world débordant de quêtes creuses – présentes uniquement dans le but d’augmenter la durée de rétention du joueur – a conduit à un sentiment progressif de lassitude pour ce type de jeu.
Les studios de développement ont donc cherché à se renouveler et à apporter un vent de fraîcheur au genre open-world. Mais comment cette transformation s’est-elle opérée au niveau cartographique ?
Tout bon joueur vous le dira : l’élément cartographique, s’il est mal intégré dans le jeu, peut venir saper l’expérience vidéoludique, en apportant lourdeur et redondance. La répétition de la manipulation suivante a horripilé et rebuté plus d’un joueur :
bouton start => ouverture de la carte du jeu => marquage du lieu de destination sur la carte => ouverture de la carte toutes les minutes pour vérifier que l’on est dans la bonne direction…C’est pourquoi son influence dans les jeux (hormis pour les genres de jeu où la carte est l’acteur principal) tend à s’atténuer.
Pour réduire cette lassitude dans les contrôles, les jeux vidéo traditionnels ont intégré une minimap directement dans le HUD[1]. Cela permet à l’utilisateur de s’orienter dans le jeu sans avoir l’obligation de passer par les menus, mais cela ne réduit en rien le sentiment de monotonie pouvant être éprouvé par le joueur.
Pour éviter de surcharger le HUD avec cette indéboulonnable minimap, certains jeux ont inscrit des éléments de repères ou les itinéraires à emprunter directement dans la diégèse[2] du jeu. Un des derniers jeux en date à s’être écarté des techniques de navigation conventionnelles, en proposant des procédés intelligent et plus ergonomique, est Ghost Of Tshushima.
Dans ce jeu se déroulant dans le Japon médiéval de l’époque de Kamakura (XIIIe siècle), il suffit simplement de caresser le pad tactile de la manette PS4 pour se repérer (voir la vidéo ci-dessous). Par cette manipulation, le vent et les feuilles souffleront et vous donneront une indication sur le chemin à suivre pour accéder à votre destination.
Le vent, un élément de gameplay important dans Ghost Of Tsushima.
document.createElement('video'); [https:]]Source : youtube
Vous serez également régulièrement interpelés par des animaux tels que des oiseaux ou des renards qui, si vous les suivez, vous guideront vers des emplacements importants du jeu.
Tous ces éléments de navigation, disséminés de manière organique dans la grammaire du jeu, viennent enrichir notre immersion dans cet univers tout en participant à la construction de l’esthétique naturaliste et minimaliste du titre.
Source : image de droite : segmentnext.com – image de gauche : gamereactor.eu
Ce minimalisme est poussé à son paroxysme dans la carte du jeu, ode au style épuré de l’art japonais. C’est également une déclaration d’amour au réalisateur Akira Kurosawa[3], avec son utilisation de nuances noires et blanches ponctuées avec parcimonie de touches rouges et dorées, apportant élégance à l’ensemble.
Capture d’écran de la carte au cours de la première heure de jeu, on y retrouve le fameux fog of war.
Du jeu sans carte à la cartographie mentaleSource : retro-hd.com
Les jeux s’affranchissant du support cartographique souhaitent faire la part belle à l’exploration. On peut penser par exemple au phénomène Minecraft, ce jeu « bac-à-sable » pixélisé, où la carte est absente. La suppression de cet élément de gameplay force ainsi le joueur à observer son environnement et à avancer dans un univers dont il ne suppose à aucun instant ni son immensité, ni les contours de ses reliefs, ni les dangers qui se poseront sur sa route.
Grâce à son gameplay exigeant, Dark Souls a acquis au fil des années le statut de jeu culte auprès d’une partie des joueurs, et pourtant, aucune carte ne vous sera fournie.
Quel est la fonction première d’une carte dans un jeu vidéo ?
Se repérer.
Mais comment se repérer si les développeurs ne prévoient aucune carte ?
Par l’ingéniosité d’un level design[4] parfaitement construit et encourageant l’observation minutieuse des décors.C’est en étant attentif à son environnement que le joueur se rendra compte qu’une partie du vitrail est brisé, lui permettant de se faufiler dans cette église pour poursuivre sa progression.
Source : vaguespeculations.com
Dark Souls a en effet bousculé les codes du RPG standard. Tout le mérite revient en fait au studio FromSoftware et à Hidetaka Miyazaki (personnage clé du studio) qui ont su renouveler le genre. Ici, l’absence de carte est un choix volontaire qui est motivé par deux raisons principales.
Les développeurs de Dark Souls ont souhaité que le joueur se sente perdu et abandonné lorsqu’il arrive dans ce monde qui a existé avant lui et qui persistera après lui.
Dans Dark Souls, vous ne disposez ainsi d’aucun repère et vous naviguez dans les dédales de cet univers, sans boussole, dans l’espoir de trouver un feu de camp. Ces lieux primordiaux sont comparables à des oasis dans un désert et vont structurer notre exploration dans l’univers du jeu. Il est possible de se reposer près d’un feu pour récupérer ses forces et, en cas de mort, vous réapparaîtrez directement à côté du dernier feu devant lequel vous vous êtes reposé.
Les feux de camp sont des lieux essentiels dans Dark Souls.
Source : desktopbackground
La difficulté du jeu et la méconnaissance du monde dans lequel nous sommes plongés lors des premières parties permettent à Dark Souls de créer une ambiance unique : le frisson de l’inconnu, cette peur de ne pas savoir où nous mettons les pieds combinée à l’exaltation ressentie lors de l’exploration de cet univers.
« Dans Dark Souls, c’est vous contre le reste du monde »
Jenova Chen[5]
pour le magazine IGN (2018)Source : kotaku
L’absence de carte associée à l’intelligence de son level design vient sublimer cette impression d’être prisonnier de ce monde. L’ingéniosité dans la construction des niveaux nous permet de retourner sur des chemins connus et ce, même lorsque nous errons pendant plusieurs heures dans une direction, donnant l’impression d’évoluer dans un univers cohérent.
Les zones de jeu sont interconnectées entre elles, donnant de la cohérence au monde.
La reconstitution cognitive du territoire par le level design et les décorsSource : imgur
Ce level design rend ainsi l’exploration gratifiante et la progression fluide et organique. C’est réellement la pierre angulaire de ce titre. Chaque niveau traversé est truffé de détails, possède une histoire, des caractéristiques propres.
Cette minutie dans la création de niveaux à l’identité unique et remarquable facilite la mémorisation des décors et la construction cognitive du territoire sur lequel nous sommes bazardés. Une thèse parue en 2016[6] examine d’ailleurs en détail le level design dans la saga des Souls – saga dans laquelle Dark Souls s’inscrit – et nous donne les clés pour en comprendre toute l’ingéniosité.
De plus, les repères et les indices visuels délaissés avec parcimonie sur notre route, ainsi que la possibilité offerte par les développeurs d’avoir un panorama constant sur les environnements qui pourront être visités, participent également à la construction de cette carte mentale se complétant au fur et à mesure de vos explorations.
Les panoramas sont des marqueurs spatiaux qui permettent au joueur de construire une cartographie mentale de son environnement, exemple avec la zone de Anor Londo.
Sources : en haut à gauche : wallpaperaccess – en bas à gauche : imgur – à droite : ign
Ainsi, dans Dark Souls, on troque le :
« Mais où est-ce que je dois aller ?! Je suis encore perdu… », par un :
« Où est-ce que pourrais-je bien aller désormais ?»,
c’est une nuance cruciale dans un jeu vidéo.Dans une interview accordée à Ars Tecnica, Charlie Cleveland, le directeur technique du jeu Subnautica et directeur du studio UnknownWorld affirme :
« le frisson de l’inconnu est le pilier émotionnel, c’est le « pourquoi » du jeu (Subnautica). […] Avoir un monde sans frontière, regarder en bas et voir en dessous de soi un énorme trou sans fond s’enfonçant dans les ténèbres… Ces petits moments vous donnent des frissons et génèrent de petites pointes émotionnelles en vous ! »Que peut-il bien y avoir dans cette fosse sous-marine ?
Source : gameplay.tips
Subnautica et Outer Wilds sont deux véritables chefs d’œuvre où exploration, découverte, mystère et aventure seront les points cardinaux de votre expérience.
Le premier est un jeu d’aventure où le but sera de survivre sur une exoplanète entièrement recouverte d’eau. Le second est une simulation d’exploration spatiale où le joueur est bloqué dans une boucle temporelle se réinitialisant toutes les 22 minutes, temps que nous disposons pour en apprendre à chaque fois un peu plus sur notre système solaire et sur l’origine d’une civilisation extraterrestre disparue, les Nomaï. Chacune des planètes que nous devrons visiter aura son lot de mystères et toutes les informations découvertes lors de chaque boucle seront consignées dans un journal de bord.Un système solaire rempli de mystères, un soleil se transformant en supernova et précipitant la mort du joueur toutes les 22 minutes, une civilisation dont les causes de sa disparition sont inconnues… Voici ce qui vous attend dans Outer Wilds !
Source : kotaku
Une ambiance unique se dégage de ces deux titres. Que ce soit dans Outer Wilds ou dans Subnautica, une connexion émotionnelle s’opère instantanément pour quiconque souhaite s’embarquer dans un univers singulier rempli de mystères. Parmi tous les éléments de game design qui participent à la construction du « frisson de l’inconnu », nous nous arrêterons sur deux concepts de jeu qui se substituent au support cartographique et qui contribuent à créer cette atmosphère si exaltante.
Ces deux titres reprennent en effet le principe de la carte mentale. Le joueur, pour dresser une cartographie de son environnement, va pouvoir s’appuyer sur des éléments de localisation diégétique. Dans Subnautica, nous pourrons rapidement construire et déposer des balises à des endroits importants du monde, afin de maîtriser notre exploration et le territoire. Dans Outer Wilds, nous disposons d’une carte très sommaire nous présentant la position des différents astres composant le système solaire. Néanmoins, le véritable élément de navigation sera le Signaloscope, un appareil qui vous indiquera la localisation des lieux importants à visiter.
Les balises indiquent leur position directement dans le jeu :
Source : Reddit
Dans Outer Wilds, nous disposons d’une carte très sommaire nous présentant la position des différents astres composant le système solaire. Néanmoins, le véritable élément de navigation sera le Signaloscope, un appareil qui vous indiquera la localisation des lieux importants à visiter, chaque repère ayant sa propre signature sonore.
[https:]]Source : Youtube
La curiosité du joueur, vecteur de reconstitution mentale du territoireLe système de journal de bord proposé par Outer Wilds est un élément clé du jeu. Véritable cartographie des informations recueillies au cours des nombreuses boucles de 22 minutes que vous enchaînerez, le journal associe les informations aux lieux et participe à cette spatialisation cognitive de l’espace dans lequel nous sommes lâchés. Les cartes affublées d’un « ? » signalent l’existence de mystères attendant d’être découverts, encourageant ainsi le joueur à poursuivre son enquête.
Capture d’écran du journal de bord.
Source : eurogamer
Un système similaire est présent dans Subnautica où, à intervalle régulier, vous recevrez un message envoyé par un destinataire inconnu sur votre radio, vous incitant à vous rendre dans une zone du jeu encore inexplorée. Ce sont ici deux mécanismes différents mais diablement efficaces pour produire ce sentiment d’exaltation face à l’inconnu tout en se substituant de manière intelligente au traditionnel support cartographique.
De mystérieuses transmissions géolocalisables seront envoyées sur votre radio, vous encourageant à rejoindre le lieu du signal émis :
Source : craftableworlds
La carte dans les jeux vidéo est un objet singulier, prédominant et à forte valeur artistique. Elle n’est pas uniquement présente dans un but informatif et descriptif ; elle participe à donner vie et cohérence à l’univers dans lequel les développeurs souhaitent plonger les joueurs. Elle n’est cependant pas nécessaire et certains titres la délaissent volontairement, cela dans le but de produire des sentiments d’exaltation et d’inquiétude enivrantes face à la méconnaissance du monde dans lequel ils évoluent.
_________________________
[1] « Ensemble d’informations affiché en périphérie du centre de l’écran et renseignant le joueur sur son personnage ou son environnement : score, niveau, santé de son personnage, arme utilisée, nombre de munitions restantes, carte… » wikipédia
[2] L’espace-temps dans lequel se déroule l’histoire proposée par la fiction d’un récit, d’un film, d’un jeu vidéo
[3] Un filtre colorimétrique « Kurosawa » permet également de jouer au jeu en Noir & Blanc.
[4] « Le level design consiste à conceptualiser le niveau d’un jeu. Il prend tout son sens quand il s’associe au game design. » [https:]]
[5] Jenova Chen est un game designer et fondateur du studio Thatgamecompany. Il a été rendu célèbre grâce au succès de son jeu Journey et pour sa thèse sur la théorie du flow, concept défini comme étant « le sentiment d’une concentration complète et sous tension dans une activité, avec un haut niveau de plaisir et de satisfaction », (Chen J., 2007 : p. 4)
[6] La thèse de Valdemar Ribbing and Laban Melander est disponible ici
Références mentionnées :
CHEN Jenova, 2007, Flow in games (and everything else), Université de Californie du Sud.En savoir plus :
– ROMIEU Sylvain & MECHERI Damien, 2017, Dark Souls. Par-delà la mort, Volume 1 et 2, Third Editions
– L’excellent podcast FinDuGame animé par ExServ, Hugo et ThomasBillets liés :
Tony Hauck (2021), La carte dans les jeux de stratégie #1/3
Tony Hauck (2021), La cohérence des univers par la carte #2/3 -
16:37
La cohérence des univers par la carte : le cas des RPGs et des jeux à monde ouvert #2/3
sur Carnet (neo)cartographiqueEnclosure: [download]
Suite de ce dossier, réalisé par Tony Hauck, consacré à la cartographie dans l’univers du jeu vidéo. Ce second billet fait un focus sur les jeux de rôles et les jeux à monde ouvert. (Lire le billet précédent #1/3) .
Nous allons aborder ici l’intégration des cartes dans les jeux de rôle (RPG ou role–playing game) et les jeux à monde ouvert (open world en anglais) !
Que ce soit dans The Witcher 3, Skyrim, la saga des Final Fantasy ou dans la multitude d’open world sortant chaque année, la carte, au-delà de la possibilité offerte par le joueur de pouvoir se repérer dans un environnement, cherche avant tout à donner vie et cohérence à un univers virtuel.
Tolkien, lui-même disait qu’une bonne histoire devait toujours commencer par une carte. C’est exactement ce chemin qu’empreinte ces genres de jeux. La topographie, le placement des villages, celui des cours d’eau, des plaines, l’ajout de populations définies par des codes sociaux uniques, des us et coutumes et des normes architecturales caractéristiques, etc… la carte est la synthèse du terrain de jeu s’offrant au joueur.
Tout prend sens et s’harmonise au sein de la dimension géographique.Pendant un temps, la représentation cartographique est devenue un véritable atout marketing dans une industrie vidéoludique où les mètres étalons se résumaient sommairement à la richesse géographique d’un jeu et à l’immensité de ces environnements, synonymes de plusieurs dizaines d’heures de jeu en perspective… Malheureusement, cette vision tronquée de l’open world donne régulièrement naissance à des titres vides et sans âme, souvent comparés à des coquilles vides.
Les développeurs ont très bien compris l’importance de la carte dans les RPGs et les open world, d’où le soin apporté à celle-là. Et attention aux yeux ! Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que certains studios de développement se sont fait plaisir !
On peut penser par exemple à Skyrim et à sa représentation en 3D isométrique de Bordeciel (le territoire fictif dans lequel prend place l’aventure).
Source : Nexusmods
Autre exemple avec ce patchwork de biomes dans le jeu Just Cause 4
Source : Reddit
La jolie carte composée par CD Projekt dans The Witcher 3 lorsque celle-ci n’est pas recouverte d’icônes en tous genres et de points d’interrogation, rendant la navigation sur la carte relativement pénible
Source : [https:]]
Constat similaire du côté de la carte d’Assassin’s Creed Odyssey : une belle carte du monde truffée d’icônes et autres marqueurs.
La cartographie, un piège pour les développeurs de jeuSource : sidequest.blog
Les cartes de The Witcher 3 ou d’Assassin’s Creed Odyssey sont révélatrices de ce piège dans lequel tombent régulièrement les développeurs de jeu, à savoir réaliser une carte du monde surchargée d’icônes, créant une angoisse, lorsque l’on débute le jeu et de la lassitude au fur et à mesure de la progression du joueur. Les développeurs ont bien tenté de réduire cette surabondance d’informations par le biais de divers artifices (réduction de l’opacité des icônes lorsque le lieu a été visité, possibilité de filtrage des marqueurs par catégorie, etc.), malheureusement ce sont là des caches misères qui ne réduisent que très peu cette impression d’être noyé sous une palanquée de tâches et d’activités.
Cette surabondance de figurés sur la carte est un procédé régulièrement pointé du doigt par les communautés de joueurs dans les open-world et les RPGs. Les développeurs souhaitant garder le joueur actif et captif du jeu, lui propose toutes sortes d’activités – bien souvent inutiles – parfois synonymes de remplissage. Les quêtes dites FEDEX en sont un exemple :
« j’ai perdu mon marteau de forgeron dans une grotte remplie d’ennemis, pourrais-tu aller me le chercher ? ».Néanmoins, certains jeux ont trouvé de l’inspiration du côté des cartographes et des géomaticiens pour proposer des cartes allégées et plus digestes.
Des cartes qui se complètent avec la progression du joueurLa carte de Red Dead Redemption 2 est un exemple de carte que je trouve à titre personnel bien construite.
Source : shacknews
Dans Red Dead Redemption 2, la carte épurée style papier se complète au fur et à mesure de l’exploration du joueur par des annotations et autres gribouillis, à la manière de la carte de The Last Of Us 2 ou de Silent Hill 2.
Silent Hill 2 (image de gauche) et The Last Of Us 2 (image de droite)
Sources : gamefaqs & pushsquare
Ainsi, nous ne sommes pas noyés sous un flot abrupt d’informations visuelles, les diverses couches d’informations s’affichant sur la carte au fur et à mesure de notre progression dans le jeu.
La réutilisation du fog of warLe concept de fog of war que nous avions abordé lors de notre précédent billet (voir) est également très présent dans les RPGs et les open world. Dans une frange importante de jeux vidéo, le joueur doit trouver des tours ou des espaces surélevés préalablement positionnés sur la carte afin de révéler toutes les activités disponibles aux alentours. C’est un procédé popularisé par Ubisoft avec sa série des Assassin’s Creed et que nous retrouvons dans bon nombre de titres.
Les « tours Ubisoft » sont des mécaniques de jeu qui se sont démocratisées avec le temps.
Source : primagames
Source : Reddit
Néanmoins, il est à noter qu’une partie des jeux actuels s’affranchit du système des « tours Ubisoft » et laisse plus de liberté aux joueurs, rendant l’exploration plus organique et moins redondante. L’un des exemples les plus aboutis est sans conteste The Legend of Zelda : Breath Of The Wild (Lire l’excellent thread Twitter de @TourbeTourbe qui donne toutes les clés pour comprendre comment le titre de Nintendo bouscule les codes de l’exploration).
Une information cartographique calibrée sur les niveaux de zoomUne autre manière d’alléger une carte dans les RPGs et les open world est d’avoir une information cartographique qui évolue en fonction du niveau de zoom. Même si Cyberpunk 2077 souffre des mêmes lacunes cartographiques que son grand frère The Witcher 3 (comme la surabondance nauséeuse de marqueurs de localisation), le titre de CD Projekt propose tout de même une hiérarchisation de l’information géographique et un affichage scalé sur l’échelle de la carte :
Exemple avec la carte du jeu Cyberpunk 2077 :
Source : [https:]]
- A petite échelle (image de gauche), la carte nous présente les différents quartiers et les localisations importantes liées à la mission principale du jeu.
- A moyenne échelle (en haut à droite), nous avons la localisation des missions secondaires et les lieux intéressants qui s’ajoutent sur la carte.
- A grande échelle (en bas à droite) … Fuyez.
Le scaling de l’information géographique sur les niveaux de zoom est un procédé que l’on peut également retrouver dans Red Dead Redemption 2.
[https:]]Source : https://www.youtube.com/watch?v=nbG3d4_2Ocw
La carte, un élément incontournable des jeux vidéo ?Dans Hollow Knight, un jeu de la Team Cherry, le joueur ne dispose au départ d’aucune indication sur sa localisation et son environnement.
Les cartes se méritent,elles doivent être achetées auprès d’un cartographe, Cornifer, passionné par son métier :
Source : [https:]]
Cependant Cornifer est constamment sur le terrain, il faudra donc avancer à l’aveugle pour pouvoir le retrouver et lui acheter le fruit de son précieux travail !
Il est tout à fait possible de faire le jeu sans carte, mais cela compliquera grandement votre aventure et votre progression dans ces environnements étriqués. Ici, la Team Cherry propose de nous doter d’un support cartographique, mais à aucun moment on ne nous impose ce choix. Cette proposition vidéoludique est caractéristique du chemin emprunté par certains jeux vidéo ces derniers temps. Mais ça, nous le verrons dans un prochain billet …
Billet lié :
Tony Hauck (2021), La carte dans les jeux de stratégie #1/3
-
21:07
MigrExploreR la migration mondiale
sur Carnet (neo)cartographique« … des gens, des milliers de personnes, pas des méduses
ou des grappes d’algues jaunes mais des gens, petites grandes vieilles
toutes qualités de personnes, qui dépérissent et qui périssent,
et longtemps vont mourir dans des garrots de frontières,
en bordure des nations, des villes et des États de droit… »
(Patrick Chamoiseau, Frères migrants)De tous temps les Hommes ont migré. Et ils ne sont d’ailleurs par les seuls. Les animaux, les plantes, les idées, les biens alimentaires ou les simples consommables ont eux aussi, toujours migré, pour notre consommation courante, nos loisirs. Les personnes que nous sommes aujourd’hui sont le résultat des migrations de celles qui nous ont précédées. Des migrations qui, par le brassage des populations qu’elles ont induit, ont justement permis notre évolution collective, ont forgé nos compétences, enrichi nos cultures, définit notre pluralité.
Cette application MigrExplorer, a fait l’objet d’un précédent billet présentant les modalités d’exploration des stocks (effectifs) de personnes étrangères appréhendées depuis un pays d’origine ou un pays de destination (voir).
On souhaite à présent montrer que la migration internationale n’est pas le fait de quelques personnes fuyant leur pays, certains pays pour en envahir un ou quelques autres. Que si l’approche locale voire régionale d’analyse des migrations internationales est pertinente, elle n’en reflète que le petit bout de la lorgnette. Elle ne saurait révéler l’amplitude spatiale et temporelle d’un phénomène migratoire intrinsèque à la nature humaine, son ampleur en termes de nombre de pays concernés, d’hommes et de femmes. Qu’il s’agisse d’émigration ou d’immigration, tout le monde et pratiquement tous les pays du monde sont concernés.
« Homo sapiens est aussi et surtout un Homo migrator…
Sapiens l’Africain n’est pas né dans un lacis de frontières aiguisées,
mais dans des écosystèmes ouverts, rythmés par les climats, les pénuries,
les abondances, sécheresses et submersions… ».
(Patrick Chamoiseau – ibid.)Le fait même de migrer, de partir vivre ou de s’installer ailleurs que sur son lieu de naissance est, typique, historique et mondial, indépendant du genre, de l’origine géographique et du niveau social, spatial etc. Dit autrement, on observe ce phénomène migratoire dans toutes les cultures, quel que soit le niveau d’observation : celui de l’immeuble, du quartier, de la ville, du pays et même du monde entier.
Se (géo)visualiser nos migrations mondialesMigrExplorer ambitionne justement de permettre de se (géo)visualiser cette migration mondiale qui nous concerne toutes et tous à l’échelle des pays du monde qui nous accueillent, afin que nous tous puissions prendre, par nous-même, la mesure de ce phénomène.
Il est ainsi possible d’explorer la géographie mondiale de l’accueil ou de l’émission de populations étrangères (quel que soit le motif de leur migration qui n’est pas précisé dans les données mobilisées), leur évolution dans le temps soit pour l’ensemble de la population, soit par genre, sous la forme de cartes ou de tableau.
Pour MigrExplorer la migration mondiale simultanément pour l’ensemble des pays, il faut cliquer sur « All countries ».
Puis définir la catégorie sociale que l’on souhaite visualiser :
– le Total correspond à l’ensemble des personnes qui résident dans un autre pays que le leur ;
– le sous-ensemble des femmes ;
– le sous-ensemble des hommes.Sélectionner aussi la temporalité. Les données sont disponibles pour les années 1990, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019.
La taille des cercles sur la carte peut également être paramétrée, en fonction de la vision de ces migrations que l’on souhaite obtenir.
La planche ci-dessous décrit le total de l’immigration et de l’émigration par pays en 1990, en 2015 (au moment de la crise des politiques migratoires européennes) et en 2019 (juste avant la pandémie). Les cartes formant cette petite collection sont strictement comparables.
Concernant l’émigration (cartes de gauche), en 1990, ce sont les ressortissants de la Fédération de Russie qui résident le plus à l’étranger, suivis de ceux de l’Afghanistan et de l’Inde. La situation diffère légèrement en 2015, avec l’Inde qui occupe la 1er place, suivie du Mexique puis de la Fédération de Russie. En 2019, l’Inde (2019) et le Mexique sont toujours les deux premiers, mais ils sont suivis par la Chine, la Fédération de Russie et le Bangladesh, à la 5e position. Viennent ensuite le Pakistan… le premier pays africain, l’Égypte, occupe la 19e place mondiale, en termes d’émission de migrants.
Du point de vue de l’immigration (cartes de droite), les États-Unis d’Amérique occupent le premier rang de l’accueil de populations étrangères. Ils sont suivis par la Fédération de Russie en 1990 et en 2015. L’Allemagne apparaît en 2019 en seconde position, elle est suivie par l’Arabie Saoudite, la Fédération de Russie et le Royaume-Uni qui occupe la 5e place. La France arrive est 6e position mondial pour l’accueil des populations étrangères.
MigrExploreR appartient à une famille d’applications cartographiques développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source]. Elle permet de représenter, par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) pour un pays donné ou pour l’ensemble des pays du monde, selon leur genre et à plusieurs dates.
Billets liés :
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration mondiale. [Accéder]
- Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géovisualiser des migrations internationales. [Accéder]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021) MigrExploreR la migration mondiale, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872 -
21:11
Géo-graphie des circulations maritimes
sur Carnet (neo)cartographiqueSupposons que l’on souhaite cartographier de manière cohérente les mouvements des transports maritimes.
Ce billet présente une communication à SAGEO’2016. Elle décrit une famille de solution apportée au problème général de l’effet spaghetti surgissant inévitablement lors de la cartographie de matrices de flux denses. Cette solution consiste à agir sur le fond de carte (maillage de la zone d’étude) afin de le rendre cohérent avec le fond de la carte (une circulation maritime) ; elle relève donc du traitement de l’information géographique sous-jacente à la cartographie de ces flux maritimes.
Trois types d’approches sont en effet envisageables pour cartographier un mouvement :
– une approche statistique ou mathématique ;
– une approche graphique ;
– une approche géographique – cartographique.L’exploration empirique de cette solution liée à l’information géographique a été rendue possible grâce à une petite collaboration que j’ai eu la chance de réaliser avec Claire Lagesse, dans le cadre du groupe fmr (flux, matrices, réseaux) en lien avec le programme ERC Worldseastems, coordonné par César Ducruet.
L’examen d’une action sur la géographie pour servir de support à la cartographie d’un flux maritime a en effet mobilisé les Listes Lloyd’s (2008) compilées dans Worldseastems, en complément de fichiers NaturalEarth pour l’information géographique. Passons les nombreux traitements réalisés par plusieurs autres collègues sur ces listes pour obtenir une base de données générale décrivant in fine les trajectoires (Lij) de différents types de navires transportant de port en port (i) des conteneurs, par delà les mers du monde. Les trajectoires étant pondérées, nous les qualifions de flux OD (Fij), que l’on a symétrisé pour éviter de gérer les problèmes inhérents aux sens de circulation.Cette base disposant également d’une épaisseur temporelle, seule l’année 2008 est considérée ici.
Ce qui est intéressant ici est de pouvoir disposer d’une très quantité importante de liens qui sont par ailleurs pondérés, de sorte que les solutions manuelles de cartographie des mouvements correspondants ne sont pas applicables. Cette situation est assez exceptionnelle car en pratique, les routes et leur sémantique ne sont pratiquement jamais connues simultanément : on accède généralement soit aux routes ou soit aux tableaux de déplacement ; l’une ou l’autre information pouvant être utilisée en complément éventuel de données décrivant les navires d’un côté et les ports de l’autre.
Si les cartes telles celles de Marine Traffic et consorts (voir ci-après) décrivent très précisément les routes empruntées par les navires, les lignes pourtant esthétiquement colorées mais à l’épaisseur identique ne signifient rien en termes de quantités transportées, ni sur les opérations de transport maritime. On ne sait absolument pas qui transporte quoi et qui passe par où depuis où. Les données AIS figurent quant à elles, très finement, les positions spatio temporelles des navires, elles ne décrivent pas précisément leurs routes.
On voit donc l’intérêt de l’exploration réalisée ici qui permet d’explorer de nombreuses routes caractérisées selon plusieurs variables.
La cartographie des données de trajectoires réalisée en première intention – selon une logique de flux consistant à tracer un lien droit pondéré entre les OD – sur l’espace transméditerranéen est celle-ci.
Carte 1. Volume de flux maritimes euro-méditerranéens
Au niveau théorique, on observe (avec satisfaction) que les liaisons présentant les tonnages les plus importants – les liens les plus larges – sont également les plus courts (i.e. s’expriment à courte distance) ; la couleur des liens étant fonction de leur densité. Inversement, les lignes qui sont les plus grandes transportent les quantités les moins importantes, en termes de tonnages ; elles s’expriment sur longue distance. Ce sont elles qui brouillent la carte, répondant alors à la définition de l’effet-spaghetti (Voir ici).
Cette carte soulève deux familles de problèmes :
– au niveau graphique : l’image est visuellement trop complexe pour pouvoir être lisible (effet-spaghetti), des informations permettant le repérage sont inexistantes, alors même que les données sont projetées ;
– au niveau thématique : la cartographie de ces flux de marchandises, réalisés par voie maritime, est absurde, car elle décrit des échanges impossibles dans la réalité. Ce transport conteneurisé n’est pas supposés franchir des continents comme le laisse supposer la carte 1.Pourquoi on en arrive là ? A faire des cartes de flux à ce point absurdes ?
Parce que l’espace géographique concerné par ces échanges n’est pas pris en compte dans la cartographie.
Comment est-ce possible de faire une carte (géographique) sans considérer l’espace (géographique) ?– Le problème général : les contraintes géographiques exercées sur l’expression de ces échanges, les caractéristiques de ce type de transport par des navires circulant sur les mers du globe, ne sont pas prises en compte dans la modélisation cartographique (quand bien même ils l’auraient été dans leur modélisation numérique). C’est pourquoi les flux franchissent les mers et les terres de manière indifférenciée.
Existe t-il des solutions ?
Plusieurs solutions sont en réalité envisageables, et elles sont plus ou moins opérantes.
L’une d’entre elles consiste à cartographier des flux maritimes … dans leur espace de définition, à savoir l’espace maritime. Bah oui.Dis comme cela paraît très simple. Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?
Parce que ce n’est justement pas si facile : les solutions automatisées / automatisables existantes (de type edge bundling) se sont révélées finalement peu opérantes sur ce type de flux.
Nous avons toutefois trouvé une solution, présentée ci-dessous.– la solution : adopter une logique de mouvements, c’est-à-dire un raisonnement qui conduit à cartographier des mouvements maritimes et non des flux maritimes. Cela suppose dans ce cas particulier de considérer l’espace géographique d’expression de ces échanges (ici l’espace des océans) dans le processus cartographique, dans le dessin du flux, à le forcer à rester en mer.
On notera au passage que c’est cette posture qui consiste à ne pas considérer la géographie des échanges étudiés dans la fabrique cartographique qui rend les cartes de flux terrestres fausses, sinon peu intéressantes pour l’analyse thématique. Le même type de raisonnement pourrait ainsi être appliqué à des flux terrestres de type migratoire – la situation est différente pour les flux aériens.
L’approche géographique consiste à agir sur l’information géographique – cartographique qui va servir de support à la représentation, donc sur le maillage (territorial ou spatial). Précisons au passage que le volet cartographique de cette approche varie en fonction du support, il peut être mis en œuvre sur un support statique (comme ci-dessous) ou bien animé / interactif, pour une représentation active (ou animée) du mouvement.
Pour représenter des flux, rappelons que l’implantation spatiale est bi ponctuelle, alors qu’elle est linéaire dans la représentation d’un mouvement ; cette dernière éventualité ne pouvait être directement mise en place car la connaissance de la trajectoire (voir ci-dessous) n’est pas suffisamment précise, autrement dit, nous ne disposons par de nœuds suffisants pour pouvoir résoudre l’effet d’itinéraire posé par ce type de carte.
Mobiliser l’information géographique consiste donc ici à trouver une solution pour contraindre les trajectoires des navires à s’exprimer sur des routes d’un espace maritime (en rouge ci-après) niveau mondial et non librement (en bleu ci-dessous), le résultat apporté étant incohérent avec la thématique.La méthode mise en œuvre (par Claire Lagesse entre autres) comporte trois étapes :
– une segmentation de l’espace maritime, en le reconstruisant sous la forme d’un maillage théorique, formellement un graphe sur lequel il serait possible de circuler ;
– sur ce graphe, une reconstitution des trajectoires de navires entre des nœuds donnés (des ports), en utilisant logiquement une métrique de plus court chemin ;
– une agrégation des trajectoires ainsi reconstituées pour former des routes maritimes théoriques et a peu près cohérentes.Deux possibilités de représentation de ces mouvements maritimes, selon deux approches ont ensuite été examinées sur la sélection de trajectoires impliquant l’espace euro-méditerranéen. Ce qui m’intéressait en particulier à ce stade était de voir comment cette contrainte spatiale (de localisation à terre des ports et des routes en mer) pouvait influer sur le rendu cartographique de ces flux maritimes, en mode discret et continu.
L’approche discrète prenait pour support le maillage maritime reconstitué, pour une cartographie de la fréquence du trafic sur les routes maritimes calculées. Pour éviter de gérer les problèmes graphiques liés aux sens de circulation et à l’orientation des lignes (les flèches etc.), les données de traffic ont été transformées en volume bilatéral.Carte 2. Volume de mouvements euro-méditerranéens – approche discrète
Cette carte (en bleu) des fréquences de navires met en évidence les grandes artères et corridors de ce trafic maritime – elle peut être considérée comme une variante des cartes précédente décrivant la densité du trafic maritime.
Elle a notamment permis de valider l’hypothèse selon laquelle 80% du trafic maritime mondial se concentre sur des arcs inter portuaires de moins 5 000 km. Une variante de cette carte consiste à représenter les tonnages transportés sur ces mêmes lignes (en rouge ci-dessus).L’approche continue pour une cartographie des mêmes quantités pondérées par la fréquence de lignes maritimes est présentée ci-dessous (Carte 3).
Carte 3. Volume de mouvements euro-méditerranéens – approche continue
Cette carte des volumes transportés révèle les lignes de force de l’espace maritime euro-méditerranéen, elles sont caractérisées par une desserte inégale des ports, et une dépendance à l’Asie via le canal de Suez.
On montre ainsi que, à la différence de la représentation cartographique classique des flux (Carte 1), selon une logique de flux, la cartographie d’un mouvement s’inscrit nécessairement ces mêmes flux dans un territoire (maritime, ici).
En inscrivant l’analyse dans un environnement purement géomatique, pour explorer des solutions cartographiques, agissant sur l’information géographique sous-jacente, on montre d’une part, le rôle joué par l’espace, via le maillage géographique (le fond de carte) dans la représentation de ces déplacements, d’autre part, l’importance d’une réflexion théorique menée en amont sur le type de carte à réaliser au regard de la thématique (flux ou mouvement du transport maritime)._______________
Références :
Bahoken F., Lagesse C., Ducruet C. (2016), L’approche cartographique de la représentation du mouvement spatial. L’exemple des flux commerciaux maritimes euro-méditerranéens, in Actes de la conférence internationale Spatial analysis and geomatics (SAGEO’2016), Nice, 6-9 Décembre, pp. 44-60.
Bahoken F., (2015), Éléments pour une représentation (carto)graphique des matrices de flux?», M@ppemonde, n°115, 16?p. AccéderGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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8:39
Peters vs Mercator ?
sur Carnet (neo)cartographiqueArticle original à retrouver en français ici et en anglais (avec les code sources) là.
Camarades cartographes, vous connaissez peut-être la série « À la Maison-Blanche » (The West Wing), cette série américaine créée par Aaron Sorkin et diffusée aux États-Unis sur le réseau NBC de 1999 à 2006 et en France à partir de 2001. Cette série récompensée à de nombreuses reprises, met en scène la vie d’un Président des États-Unis démocrate incarné par Martin Sheen et de ses collaborateurs, installés dans la fameuse aile Ouest de la Maison-Blanche, The West Wing en anglais.
Quel rapport avec la cartographie ? Le fait est que dans l’épisode 16 de la deuxième saison, une journée porte ouverte est organisée à la maison blanche pour recevoir « tous ceux qui veulent discuter de choses dont on se fiche éperdument ». C’est ainsi que débarquent trois universitaires membres de l’organisation des cartographes pour l’égalité sociale (sic). Ils sont là pour réclamer une législation visant à rendre obligatoire dans toutes les écoles publiques, l’utilisation par les professeurs de géographie de la projection de Peters au lieu de la traditionnelle Mercator.
« La Terre est bleue comme une orange » (Paul Eluard)Depuis l’antiquité, tous les cartographes ont du faire face à une épineuse question : comment dessiner en deux dimensions sur une feuille de papier ou un écran un Monde en trois dimensions. En d’autres termes, comment passer de la sphère au plan ? Faites l’expérience avec une orange, épluchez-là et essayez de disposer son écorce à plat sur la table devant vous. Un constat s’impose, il y a mille et une façons de procéder et quelle que soit votre technique, il y aura des cassures et des déformations. Au final, l’image de l’orange mise à plat sur la table ne pourra être autre chose qu’une orange déformée, bien loin de l’objet sphérique initial. Alors comment s’y prennent les cartographes pour se jouer de cette difficulté ?
Le Monde de MercatorAu 16e siècle, le cartographe Mercator proposa une projection très astucieuse qui avait l’avantage de reproduire assez fidèlement la forme des différents pays et continents. Autre avantage, sa carte qui était destinée aux marins européens comme outil de navigation, leur permettait de suivre le cap en traçant simplement une ligne droite sur la carte. Par contre, pour rendre cela possible, cette projection cartographique avait l’inconvénient d’exagérer fortement les surfaces des pays au fur et à mesure que l’on se rapproche des pôles. Par exemple, sur cette carte, le Groenland semble 15 fois plus grand que le Mexique alors qu’en réalité les deux pays font à peu près la même taille. L’Afrique semble plus petite que l’Amérique du Nord alors qu’en réalité, avec 1/5e des terres émergées de la planète, c’est le plus grand continent après l’Asie. Autre écueil, l’Allemagne est située au milieu de la carte alors qu’en réalité elle est bien plus au Nord. Au final, la carte de Mercator surreprésente très largement les pays du Nord au détriment de ceux du Sud. Pour les fameux experts cartographes de la série télé, la projection de Mercator encourage ainsi « une attitude européenne impérialiste depuis des siècles et a créé des préjugés ethniques contre le tiers monde ». Pourtant, d’autres façons de dessiner le Monde sont possible.
La projection Gall-PetersDans une volonté de combattre ce discours cartographique dominant, un cartographe Allemand du nom d’Arno Peters donne son nom au début des années 1970 à une projection qu’il présente alors comme supérieure à celle de Mercator. Même s’il ne s’agit pas vraiment d’une invention puisque cette façon de représenter le Monde avait déjà été décrite en 1855 par James Gall (on parlera alors plutôt de projection Gall-Peters), Peters la sort de sa dimension purement technique pour l’inscrire dans une démarche altermondialiste et militante. Car cette carte a en effet de nombreux atouts. Contrairement à la carte de Mercator, elle dessine un monde où la surface de tous les pays sont scrupuleusement respectés. Sur cette carte, l’Afrique paraît massive tout simplement parce que l’Afrique est gigantesque dans la réalité. Plus de 30 millions de km². A contrario, l’Europe semble toute petite et ratatinée en haut de la carte car dans la réalité, c’est le plus petit continent après l’Australie. Au final, cette projection redonne aux pays du Sud l’importance qu’ils méritent. Car toujours selon les experts de la maison blanche, « tant que la représentation des pays du tiers monde sera erronée, ils seront sous estimés ».
Perdre le NordAussi, pourquoi ne pas questionner aussi la position des différents pays sur la carte ? Qui mettre au centre ? Qui mettre en haut ? Qui mettre en bas ? Si en Europe on a l’habitude de représenter le monde centré sur l’Europe, sachez que les américains et les japonnais en font de même. Leurs planisphères sont bien souvent centrés sur leur pays. Par ailleurs, puisque la terre est ronde, pourquoi ne pas remettre en cause également notre façon de toujours représenter le Nord en haut de la carte ? Une sphère n’a ni haut, ni bas. Et cela c’est justement ce qu’a essayé de rappeler en 1979 le géographe australien Stuart McArthur en proposant une carte « à l’envers » où l’Australie règne triomphalement en haut de la carte. Rappelons au passage qu’au cours de l’Histoire, l’orientation des cartes au Nord n’a pas toujours été une évidence. Au moyen âge par exemple, les cartes européennes étaient tournées vers l’est, vers l’orient. C’est d’ailleurs de là que provient le mot « orienter » qu’on utilise souvent en cartographie pour parler du nord. Un contre sens, donc… Au final, retourner la carte est un moyen d’en changer le message. Car comme le disent les membres de l’organisation des cartographes pour l’égalité sociale, « tant que la projection de Mercator exagérera l’importance des pays occidentaux, et tant que l’hémisphère nord se trouvera en haut, et que l’hémisphère sur sera en bas, malheureusement les gens tendront a adopter une attitude allant du haut vers le bas ».
Mille et une façons de dessiner le MondeEn résumé, les projections cartographiques sont un moyen d’expression pour les cartographes leur permettant de raconter le Monde dans lequel nous vivons. Déformer, à la manière d’une caricature, permet de « grossir le trait » pour attirer le regard vers ce qui est important (en le plaçant au haut et au centre) et minimiser ce qui l’est moins (en le reléguant sur les bords voir au-delà des limites de la carte). Un simple fond de carte porte donc en lui des idées, des choix sous-jacents pour exprimer une vision du Monde. Celle-ci peut être porteuse de valeurs égalitaires comme la projection polaire ou simplement d’une vision géopolitique comme celle inventée par Xao Xiaoguang en 2002. Choisir telle ou telle façon de dessiner le Monde c’est toujours prendre parti. Rien n’est anodin en cartographie. Tenez-vous le pour dit !
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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7:06
Jeux vidéo : la cartographie au service d’expériences immersives
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui, dans Néocarto, nous sommes ravis d’accueillir deux personnes : Eve Ben-Haïm, Inspirational Content Advisor et Julien Laurent, chef de projet Web, tous deux cartographes en immersion dans l’imaginaire du jeu vidéo.
Néocarto : Bonjour et bienvenue à vous deux. Quels sont vos parcours respectifs ?
Eve : Bonjour Néocarto ! je vous remercie de nous recevoir. Je m’appelle Eve BEN-HAÏM et je suis Responsable des Recherches de Terrain – Inspirational Content Advisor à Ubisoft. Je suis issue d’une formation à l’Université Paris-Sorbonne : j’y ai réalisé une Licence en Géographie et Aménagement, suivi d’un Master de Géographie, Aménagement, Environnement et Logistique des échanges, spécialité Culture, Politique Patrimoine. Je me suis consacrée à de nombreux projets de terrains, et j’ai développé des connaissances et des expertises en géographie humaine et environnementale. J’y ai également appris la cartographie, entre autres auprès de vous, Françoise Bahoken. J’ai conclu mon mémoire en Juin 2019, et j’ai rejoint la Research Unit d’Ubisoft depuis Novembre 2019.
Julien : Bonjour, je m’appelle Julien LAURENT, et ça fait cette année 10 ans, que je travaille chez Ubisoft. Originellement formé aux métiers du web, J’ai officié en tant que Web designer en agence avant d’entrer chez Ubi où j’ai occupé divers postes, finalement toujours en lien avec le partage d’expertise et plus généralement des connaissances auprès de nos studios de production. Je suis aujourd’hui chef de projet Web dans la Research Unit.
Source : Cartograph, Time zones (Julien Laurent)
Néocarto : En quoi consistent vos métiers aujourd’hui ?
Eve : Ubisoft est un des leaders mondiaux de la création et de l’édition de jeux vidéo. La Research Unit est une équipe transdisciplinaire dans laquelle nous mettons en commun nos différentes expertises en sciences humaines pour apporter du soutien aux studios d’Ubisoft dans leurs processus de création et de production. Ce système internalisé contribue à la fabrication d’univers immersifs, authentiques, et plus ou moins inspirés par la réalité. Notre objectif est de fournir aux équipes les informations scientifiques nécessaires pour s’assurer de la cohérence des univers qu’ils créent, tout en les nourrissant de contenus inspirationnels pour étoffer leurs perspectives créatives.
Jeux de rôle au quotidien
Au quotidien, cela se traduit par plusieurs rôles que nous occupons :
- Nous mettons en place et alimentons des encyclopédies en interne, dédiées aux différents projets de jeux ou transversaux. Nous y écrivons des articles multimédia et interactifs, qui ont l’avantage d’être plus précis et orientés pour les besoins de nos équipes que les wikis « grand public » que l’on retrouve en ligne.
- Nous contribuons à l’écriture de livres internes qui accompagnent les différents projets.
- Nous sommes sollicités pour réviser les contenus envisagés pour les jeux (personnages, quêtes, environnements…) afin d’y apporter notre point de vue.
- Nous emmenons certains membres de l’équipe sur le terrain afin de les aider à prendre la pleine mesure des facteurs sociaux, environnementaux, et des activités qui font l’essence d’une région, d’une ville.
Julien : Quant à moi, mon cas est un peu spécifique dans l’équipe Recherche vu que je m’occupe de créer et de faire évoluer les outils web nous permettant de mener à bien notre mandat inspirationnel. Nous étoffons ces outils au jour le jour pour continuer à enrichir notre palette d’action. Concrètement, je m’occupe de définir les besoins et de porter la vision produit. Je travaille au long cours avec une petite équipe de webdesigners et développeurs au quotidien pour implémenter tout ça.
Néocarto : Depuis quand vous intéressez-vous aux jeux vidéos ? Certains vous ont-il plus marqué que d’autres ?
Eve : Je m’intéresse aux jeux vidéo depuis ma toute jeune enfance, car à ma naissance, ma grande sœur avait déjà une PlayStation 1. Je me prends tout particulièrement de passion pour les jeux qui me font découvrir des univers remplis de mystères. J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir un monde à travers les âges transformé par des singes dans Ape Escape. Foncer à toute allure dans les merveilleux paysages de Rayman Origins est très satisfaisant pour moi, autant que de planifier une stratégie d’attaque et de défense au cours d’une partie tendue de Rainbow 6 Siege.
Julien : J’ai commencé avec la Game boy et la NES il y a fort longtemps, et la liste des jeux qui m’ont retourné, fait vibrer et émerveillé est bien trop longue pour être énoncée ici. Mon dernier coup de cœur est Outer Wilds, un savant mélange d’exploration spatiale et d’énigmes dont la fin, profonde, m’a mis les larmes aux yeux. Vous avez 22 minutes avant l’explosion du soleil en supernova et beaucoup de choses à découvrir
Néocarto : Eve, arrivez-vous à faire le lien entre la cartographie académique et la cartographie imaginaire ou virtuelle des jeux vidéos ?
Eve : La cartographie est omniprésente dans les jeux vidéo : de l’écran de pause aux « mini-maps » à même l’écran de jeu, les joueurs et les joueuses ont accès à des cartes dans la grande majorité de leurs expériences. La cartographie imaginaire est une chance de mobiliser ce qui pourrait être un outil informatif de prime abord comme un vecteur d’immersion, d’histoires, d’émotions. Les cartes d’univers sont l’héritage d’une véritable tradition de la fiction en littérature, et les jeux vidéo peuvent s’en inspirer pour inviter les joueurs et les joueuses à découvrir leurs univers. De très nombreux romans de fiction s’ouvrent sur une carte pour faire exister empiriquement leur univers, à l’instar du Seigneur des Anneaux. De la même manière, nos cartes de jeux vidéo visent à transmettre des informations, mais également un sentiment d’univers propre, qui existe, aux joueurs et aux joueuses.
Cartographier pour « conscientiser » l’architecture d’une carte
D’un point de vue technique, croiser des compétences de cartographie académique aux forces créatives des jeux est un bon moyen de conscientiser l’architecture d’une carte. En somme, d’affirmer les intentions des équipes de création en matière de cartographie, de cerner ce que l’on souhaite créer à travers notre carte.
« A quoi sert notre carte ?
Que veut-on transmettre aux publics ?
Avec quel niveau d’intensité ? »
La GIS [SIG, ndlr] est également un outil utile pour nos équipes, pour deux raisons principales. Dans un premier temps, la vision « par layers » induite par la pratique des GIS est d’une grande aide lorsqu’il s’agit de trier et de hiérarchiser les très nombreux niveaux d’information que nous essayons de faire coexister au sein d’une carte de jeu. D’autre part, l’utilisation de cartes interactives fabriquées à l’aide de l’outil Cartograph de Julien, est un atout majeur pour transmettre des informations claires et lisibles à l’aide du langage quasi-universel qu’est la cartographie.
Cartograph, c’est l’outil de Julien. Cette carte sur les invasions perses est un exemple de carte qui peut accompagner les équipes sur un projet historique…
Source : Cartograph, Persian invasion (Julien Laurent)
… un projet historique comme Assassins Creed Odyssey, qui se déroule pendant les guerres du Péloponnèse.
La cartographie pour créer du contenu, le mettre en perspective, …
Néocarto : Eve, vos compétences (méthodes et outils de l’analyse cartographique) acquises à l’Université vous sont-elles utiles ? En quoi vous permettent-elles de spécifier votre poste actuel, de l’enrichir ?
Eve : Les compétences universitaires me servent au quotidien dans la mesure où notre équipe s’attache à l’authenticité scientifique et historique. Elles permettent de compléter les forces créatives et artistiques des équipes pour que, de concert, nous puissions bâtir des univers imaginaires cohérents, denses et inspirés.
De manière très directe, les compétences dédiées à la recherche, telles que la recherche de documents et la création de contenus pédagogiques constituent le cœur de mon métier.
Mes compétences cartographiques sont mobilisées dans deux contextes au quotidien :
- D’une part, lorsqu’il s’agit de créer du contenu de support aux équipes de création. C’est-à-dire qu’à l’aide de l’outil de Julien, nous allons créer des cartes interactives pour permettre aux membres des équipes de création et de productions des jeux de s’informer et d’accéder à des informations scientifiques par ce biais. Un studio de jeu est constitué de nombreuses personnes qui travaillent à des tâches différentes les unes des autres : imaginez arriver dans un studio en tant que [développeur], et apprendre que vous allez travailler sur un jeu dédié à la culture viking. Il est bon d’avoir accès à des moyens rapides et efficaces pour s’informer sur la période, afin d’être au même « niveau de connaissances » sur le sujet que le reste de ses collègues. Par ailleurs, nous essayons d’approfondir nos contenus, afin que tout le monde puisse s’inspirer et profiter de ces connaissances.
- D’autre part, lorsque les équipes travaillent directement sur la cartographie d’un jeu, je peux être mobilisée pour apporter mes perspectives. En règle générale, la cartographie est confiée à des designers et des artistes, qui réalisent un excellent travail. Mon objectif dans ce contexte va être, non pas de concevoir et de dessiner moi-même la carte du jeu, mais plutôt d’apporter des éclairages, de souligner quels éléments sont particulièrement réussis et à l’inverse lesquels pourraient être améliorés. J’essaie de poser les questions qui permettront de pousser la carte un cran plus loin, dans l’objectif de favoriser l’immersion et la rétention d’information du côté du public de nos jeux.
Néocarto : Julien, pourriez-vous nous présenter l’un des outils de cartographie que vous avez développés ?
Julien : Pour délivrer des contenus inspirationnels à des équipes ayant des questionnements extrêmement divers, il nous fallait un éditeur agile et suffisamment flexible pour pouvoir construire plusieurs types de cartes. Nous voulons pouvoir partager des cartes géopolitiques, des cartes historiques, des cartes choroplèthes, de la dataviz ou encore associer de manière interactive graphiques, media et autres informations additionnelles à n’importe quel point, polygone ou texte ajouté sur nos cartes.
Nous voulons être capables de créer des cartes illustratives très simples comme des cartes structurées avec des dizaines de layers et de sections. Ces dernières peuvent présenter une image globale d’un sujet, d’un contexte spatio-temporel qui intéresse les studios. Elles regroupent, par exemple, des informations sur les infrastructures d’une ville, leurs points d’intérêt, des flux, des indicateurs socio-économiques, etc.
… apporter un sentiment d’authenticité
Cette carte qui décrit le parcours de Helena est un exemple de support aux équipes lié au sentiment d’authenticité dans nos projets contemporains …
Source : Cartograph, Field Trip (Julien Laurent)
… à l’instar de Far Cry 5 qui se passe dans le Montana.
Il existe énormément d’applications GIS commerciales ou open source de qualité mais aucune ne nous permettait de répondre à tous nos besoins clé en main. Nous avions en plus besoin d’interfacer ces cartes avec nos autres outils. Nous avons donc conçu notre propre éditeur de cartes interactives [d’où sont extraites l’ensemble des images de ce billet] nous permettant de partager à n’importe quelle équipe d’Ubisoft ces contenus, qui peuvent les éclairer sur des éléments spécifiques concernant leurs projets. L’éditeur s’appuie sur une API et des fonds de carte bien connus puisqu’il s’agit de l’API Google Maps.
Source : US unemployment choropleth map, Ubisoft.
Le développement de cet outil est loin d’être terminé et il y a encore de nombreuses fonctionnalités qui nous manquent. Quelques exemples :
- A date, ce qui nous intéresse sont les cartes du monde réel, mais nous voulons pouvoir charger nos propres fonds de carte, ce qui va considérablement ouvrir le champ du possible.
- Continuer à développer l’intégration et la manipulation des fichiers GeoJSON (que nous gérons déjà) afin de faciliter le travail plus lourd sur des gros jeux de données.
- Nous allons mettre en place des outils de comparaison de cartes (typiquement une timeline pour comparer l’évolution d’un phénomène).
- Nous allons permettre la co-construction d’une carte entre plusieurs éditeurs.
J’en passe bien d’autres, mais c’est pour vous donner une idée.
De l’utilité des applications cartographiques dans le milieu du jeu vidéo
Néocarto : En quoi ce type d’application cartographique est-il utile dans l’univers du jeu vidéo ?
Julien : Par rapport au mandat inspirationnel de notre équipe, la capacité de partager des cartes taillées sur mesure est un atout absolument essentiel qui prolonge nos moyens d’actions. C’est un langage graphique familier, synthétique, qui nous permettra de creuser et d’accompagner notre propos.
Néocarto : Pour finir, quel message souhaitez-vous envoyer aux étudiant.e.s géographes, potentiellement futur.e.s cartographes ?
Eve : La géographie est une porte d’entrée pluridisciplinaire qui présente l’avantage d’être particulièrement professionnalisante, à l’échelle des sciences humaines. Je vous recommande de vous investir dans les projets qui vous passionnent et vous intéressent, d’en tirer le fil pour les développer. Une fois que ces projets sont réalisés, surtout : parlez-en. Si certains sujets attirent votre attention, c’est sans doute qu’ils intéressent également d’autres personnes. Communiquez autour de vos réalisations : la géographie et la cartographie sont des terrains de jeu très vastes. A vous de vous en approprier les outils pour tester, créer et apporter de nouvelles perspectives à vos projets !
Néocarto : merci à vous deux.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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18:25
La carte dans les jeux de stratégie #1/3
sur Carnet (neo)cartographiquePour poursuivre sur la cartographie dans l’univers du jeu vidéo, nous accueillons aujourd’hui Tony Hauck, un géomaticien – data designer freelance et féru de jeux vidéos ! Tony nous parle du support cartographique dans le jeu vidéo dans une série de 3 billets, à commencer par celui-ci. Nous lui laissons la parole.
Le support cartographique dans le paysage vidéoludique“I wisely started with a map and made the story fit”
TolkienQue ce soit dans des œuvres de fiction ou fantastique, les cartes ont toujours eu un rôle crucial.
Croquis de la Terre du Milieu par J.R.R Tolkien
Les jeux vidéo n’échappent pas à cette règle. En effet, que vous jouiez à un FPS (first-person-shooter), un RPG (jeu de rôle ou role playing game), un jeu d’aventure ou de stratégie, elles ont depuis longtemps été présentes et poursuivent des objectifs bien précis, objectifs qui diffèreront suivant les genres de jeu.
Daggerfall, sorti en 1996, est un jeu disposant d’une des cartes les plus étendues dans l’histoire du jeu vidéo (230 000 kilomètres² d’espace de jeu !).
Source : Daggerfall Forums
La carte n’est pas uniquement un support informatif sur sa localisation dans un monde virtuel, les destinations possibles s’offrant à nous et les différents chemins nous permettant d’y accéder.
La cartographie, dans les jeux vidéo, sert à donner corps à un univers imaginaire. Elle participe à la construction d’un monde fictif, à la création d’un tout crédible et cohérent et contribue grandement à la suspension consentie de l’incrédulité[1] du joueur.
Il existe autant de manières d’êtres de la carte
qu’il existe de genres de jeu vidéo.
Il existe une grande variété d’utilisation de la carte dans le médium vidéoludique. J’irai même jusqu’à dire qu’il existe autant de manières d’êtres de la carte qu’il existe de genres de jeu vidéo.Le bijou de Konstantinos Dimopoulos, Virtual Cities, propose une longue sélection de cartes de jeux vidéo. Son œuvre est surtout une preuve de l’exhaustivité de ce sujet et de la manière dont l’industrie vidéoludique s’est appropriée les codes de la cartographie au sein de son écosystème. L’importance de l’élément cartographique va différer suivant le genre du jeu auquel nous jouons.
La carte dans les jeux de stratégieDans le cas des jeux de stratégie ou des wargames[2], la carte va être le support principal de l’expérience de jeu et une grande partie des mécaniques de gameplay[3] auront pour dénominateur commun cette dernière. En effet, dans ces jeux que l’on nomme généralement jeu 4X (eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination), le joueur évolue sur une carte et son objectif est de tirer profit des ressources éparpillées autour de lui pour développer son territoire ou accroître son influence. Les jeux tels que Europa Universalis, Civilization ou bien la saga des Total War, sont des cas bien concrets où la carte se révèle être le médium principal du système de jeu.
En bref : Sans carte, pas de jeu !
Les jeux de l’éditeur Paradox Interactive et leur saga Europa Universalis sont connus pour l’austérité graphique de leur interface : une carte du monde et des graphiques. Néanmoins ce visuel (pouvant en rebuter plus d’un) laisse rapidement place à une expérience de jeu des plus chronophages, où nous sommes invité à réécrire l’histoire de la nation de notre choix sur une période s’étalant sur une de trois siècles !
Source: Europa Universalis.
Ce point de vue omniscient de la carte adopté dans les jeux de stratégie pourrait rapidement faire perdre l’intérêt et l’attention du joueur. En effet, ce dernier a une vue globale et il surplombe l’action, cela pourrait donc rendre les heures de jeu ennuyeuses et sans saveur dans la mesure où il sait tout, il voit tout et où il pourrait par conséquent prévoir les moindres mouvements de ces adversaires.
Néanmoins, c’est sans compter sur l’ingéniosité des développeurs, qui ont réussi à rendre l’expérience de jeu addictive et palpitante grâce à une astuce de game design[4] : le brouillard de guerre ou fog war.Le fog war est un élément de jeu dissimulant les belligérants, les ressources et les reliefs présents sur le terrain sous un brouillard épais qui ne sera rendu visible que lorsque le joueur se déplacera sur ces zones. Le brouillard de guerre oblige ainsi le joueur à partir à la découverte de l’univers du jeu… Sous peine d’avoir de mauvaise surprise en se rendant compte un peu tard que nous sommes entourés d’un voisinage belliqueux et bien plus développé que vous ! Par cette mécanique de gameplay, l’intérêt du joueur est constamment relancé, son envie de découverte et d’exploration venant nourrir son expérience vidéoludique.
Exemple de brouillard de guerre dans les jeux Total War Shogun 2 et le mythique Age Of Empire 2 :
Source : Steam
Source : Reddit
Un article paru sur Canadian Geographic nous permet d’en apprendre plus sur le processus de création cartographique, un processus empruntant énormément à la communauté des géomaticiens et des cartographes. L’inspiration n’est pas à pas à sens unique, bien au contraire ! Par exemple, certains cartographes, adorateurs de jeux de stratégie, se sont à leur tour réappropriés ce concept de fog war dans leur production cartographique.
Robin Hawkes a développé une carte sous Mapbox dévoilant en temps réel uniquement les lieux visités ou traversés, le reste de la carte étant drapé sous un épais voile aux motifs hexagonaux :
Source : @robhawkes
Ce style de jeu démontre parfaitement comment les développeurs de jeu vidéo se sont appropriés les codes de la cartographie.
Dans les jeux de stratégie, la carte est l’acteur principal de ces types de jeu, celui au travers duquel le jeu est rendu possible. Au travers de ce billet, nous n’avons effleuré qu’une infime partie de ce sujet.
Nous aborderons dans un prochain billet les usages de la carte dans un autre style de jeu vidéo… Lequel ?! Surprise !
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Notes :
[1] « Le mécanisme psychologique qui va permettre au lecteur/joueur/spectateur de se laisser embarquer dans des aventures pourtant totalement irréalistes, parfois dès leur postulat de départ » (https://writingsfff.wordpress.com/2016/08/21/la-suspension-consentie-de-lincredulite/)
[2] Jeux de stratégie simulant des situations de conflit.
[3] Ensemble des éléments liés à l’interaction entre le joueur et le jeu, dont les règles et les possibilités d’actions, qui sont définis et intégrés au jeu lors de la création d’un jeu vidéo, et qui contribuent au plaisir de jouer, découlant de l’interactivité, ressenti pendant le jeu.
[4] Système de règles, une structure imposée au joueur pour l’amener vers une situation ludique (Genvo, 2006)
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13:04
[Appli] Openflight Air Travel | Naresh Suglani
sur Carnet (neo)cartographiqueTrès jolie application web de Naresh Suglani réalisée (avec Tableau) à partir des données Openflightdata (mars 2018 à février 2019) déjà mobilisées ici dans un registre similaire.
L’intérêt de cette exploration cartographique des routes aériennes proposées par Openflightdata est son approche historique (1991-2020) qui permet de visualiser directement l’effet de la crise sanitaire de la Covid-19 sur la circulation aérienne globale : ses répercussions en termes d’ouvertures de lignes, d’effectifs de passages et, bien sûr, leurs conséquences financières.
L’application se présente sous la forme d’un poster interactif. Très riche, elle mobilise l’ensemble des données du site (et des données complémentaires de sources non précisées – je ne les ai pas trouvées, mais j’ai peut-être mal cherché. Elle présenter une carte globale (ou régionale) ainsi qu’une série de graphiques.
La carte mondiale décrit par des lignes, l’ensemble des routes et par des cercles proportionnels les degrés des aéroports, à savoir le nombre de routes par aéroport – il ne s’agit pas du trafic de passagers.
Les tableaux proposés, très visuels et agréablement stylisés, présentent de leur côté des indicateurs classiques tels le Top 10 des routes ou encore des toutes, mais cela, sans lien avec la cartographie proposée – ils ne sont hélas pas mis à jour avec une éventuelle sélection géographique, pourtant rendue possible (voir infra).
Sur l’évolution des lignes ouvertes et l’effectif correspondant de passagers, leur baisse est logiquement importante vu le lockdown imposé au Monde dans son ensemble. La situation en 2020 à 1 795 milliards de US$ se situe dans le même ordre de grandeur qu’en 2003, ce que ce graphique illustre.
Il en résulte une baisse drastique de rentrées financières pour le secteur du transport aérien en 2020, avec 1328 milliards de US$.
La richesse des informations embarquées limite quelque peu la réactivité lors de l’exploration. Il est toutefois possible de (géo)visualiser la situation en sélectionnant un continent en particulier, en fonction de sa teinte.
Deux modalités de filtrage des continents sont en effet proposées, pour :
– en exclure un ;
– en garder un exclusivement (voir ci-dessous, l’Afrique)Pour des possibilités de filtrage sur les liens de ces mêmes données, voir ici ou encore ici.
[ Accéder ] à l’application.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales
~~~ Billet #2 liens majeurs
~~~ Billet #3 liens distants
~~~ Billet #4 anamorphoseBahoken F. (2018), Cartographie du réseau Openflight de relations mondiales, Carnet du groupe fmr (flux, matrices, réseaux).
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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11:35
Un point c’est tout !
sur Carnet (neo)cartographiqueSaviez-vous que la cartographie en densités de points a été justement mise au point par un chirurgien militaire français en 1830 ? La particularité de cette méthode est de représenter la distribution d’une quantité pourtant agrégée en zones sous la forme de pointillés évoquant visuellement le peuplement dont il est question.
La carte philosophique de la population de la France de Montizon représente en effet la population française par départements, sous la forme d’un semis de points, avec une relation de 1-à-plusieurs où 1 point sur la carte symbolise 10 000 personnes.
Et si on géo visualisait comme cela la densité du « peuplement » mondial ?
Cette méthode à été portée sur [R] et [d3.js] par Nicolas Lambert, pour permettre de cartographier, par exemple, la population mondiale à l’échelle des pays, à partir des données du Gridded Population of the World (GPW) (édition 2018) proposées par le CISIEN.
La carte ci-dessous décrit ainsi la population mondiale par point-équivalent 3 millions de personnes – une version interactive et paramétrable est accessible ici.Le maillage territorial de référence étant celui des pays, il est par définition hétérogène. L’utiliser comme fond cartographique de référence conduit à une vision étatique du peuplement : elle est dépendante de contingences politico administratives nationales, ce qui est logique.
Et si on testait la méthode sur un maillage régulier ?
Pour se défaire de cette vision étatique du peuplement, il faudrait pouvoir cartographier la population mondiale sans être contraints par ces limites nationales. C’est cette éventualité qui a conduit au développement d’une variante de la méthode, mobilisant un maillage régulier.
La carte ci-dessous représente la même information que précédemment, mais à partir d’une distribution carroyée de la population mondiale.
Cette carte est également disponible sous une forme interactive. Sa version paramétrable est proposée ci-dessous. Il est possible de changer la taille de l’ensemble des points (Dot size) et la valeur de chaque point (Dot value). De même que la grille de référence initiale peut être affichée comme ci-dessus (See Reference Grid) et modifiée (Initial Resolution in degrees) : plus fine est la maille et plus précise est la carte.
A vous de jouer !
Le code source et les explications techniques sont disponibles ici.
Voir aussi :
[R] Transformer des quantités aréales en densité de points
DotDensity Map (regular grid)
DotDensity Map from countries) -
13:27
Carto : un voyage initiatique et cartographique
sur Carnet (neo)cartographiquePour ouvrir une petite série de billets sur la cartographie dans l’univers du jeu vidéo, nous accueillons Lubin Picard, un étudiant en master de géomatique passionné de cartographie et de jeux vidéo ! Lubin nous raconte un coup de cœur, l’histoire de Carto, une toute jeune cartographe. Nous lui laissons la parole.
Je déplace la ville de Paris au milieu de l’océan et Hop !
une nouvelle île.En tant qu’étudiant en géomatique avec peut-être un peu trop d’imagination, je me suis souvent amusé à penser que mes actions sur les cartes pouvaient avoir de réelles conséquences : je déplace la ville de Paris au milieu de l’océan et Hop ! une nouvelle île. Il ne pouvait y avoir qu’un moyen, autre que le rêve, pour essayer ce pouvoir. En effet, le jeu-vidéo est le médium parfait pour ce genre d’expérience.
Carto, une jeune cartographeSorti en octobre 2020, Carto nous propose d’incarner une toute jeune cartographe, prénommée très justement Carto, qui, par un concours de circonstances climatiques se retrouve séparée de sa grand-mère. Elle atterri alors dans un monde inconnu mais qui se dévoile au fur à et mesure que le jeu avance et ce, par un moyen, somme toute classique : la carte.
L’interface cartographique du jeu
Un puzzle-game innovant où les énigmes sont résolues en modifiant la carte
En effet, la jeune Carto trouve, tout au long de son périple pour retrouver sa grand-mère, un certain nombre de morceaux de carte qui ne serviront pas juste à se repérer. Carto comme tout bon cartographe infra-diégétique, peut changer le monde qui l’entoure en changeant la carte.
Ainsi commence Carto, un puzzle-game innovant où les énigmes sont résolues en modifiant la carte. Attention, tout n’est pas possible avec ce pouvoir, certaines règles topologiques essentielles sont à respecter : un bord de carte de type forêt ne pourra être accolé qu’à un autre bord de carte du même type.
Carto nous emmène à travers des mondes très variés où tous les types de biomes se mélangent. Nous traversons alors le désert, la forêt, l’océan ou encore la banquise dans l’espoir de rassembler l’ensemble des morceaux de cartes perdus qui nous permettront de réunir la jeune cartographe et sa grand-mère. C’est aussi l’occasion de faire la connaissance de nombreux personnages qui peuplent ces territoires et qui nous aideront à poursuivre notre voyage.
Un condensé de merveilleuses trouvailles qui rendent l’expérience vidéo-ludique unique
Ce jeu est un condensé de merveilleuses trouvailles qui rendent l’expérience vidéo-ludique unique. Le concept de base qui ressemble un petit peu au taquin, nous laisse complétement libre sur notre façon d’organiser notre monde. Il n’existe pas toujours qu’un seul moyen de résoudre les différentes énigmes et la carte prend des formes multiples en fonction de nos choix et des objectifs. La difficulté augmente graduellement tout au long du jeu, sans jamais nous laisser démunis d’indices pour réussir.
Carto est également un beau jeu, la direction artistique bien que simple retranscrit parfaitement l’ambiance générale. Les personnages sont tous uniques avec souvent des têtes incroyables, voire très mignonnes pour certaines. Les paysages qui nous entourent, sont à l’instar de la cartographie, simples mais très logiques : les arbres ressemblent à des arbres, un pont à un pont etc. ce qui rend les passages de la vue cartographique à la vue classique beaucoup plus compréhensibles.
Carto dans la forêtLa musique est toujours un élément primordial pour une œuvre vidéo-ludique et Carto remplit très bien le contrat puisque, comme le reste des éléments du jeu, la musique qui nous accompagne pendant notre périple colle toujours bien à l’ambiance des lieux et de l’histoire.
Tous ces éléments rassemblés font de Carto un très bon jeu indépendant qui parvient à nous transporter dans son monde pour vivre le voyage initiatique de la jeune Carto, mêlant des thèmes variés comme notre rapport à la nature ou encore celui du passage à l’âge adulte, de manière simple et poétique.
Carto dans le désertCe jeu n’est pas très long (6 heures pour finir l’histoire) mais il est parfait pour décompresser pendant cette période pas toujours plaisante. Un grand bravo au studio taiwanais Sunhead Games pour ce jeu et à l’équipe de localisation française pour la très bonne traduction, ajoutant beaucoup de poésie à ce coup de cœur personnel de 2020.
À découvrir sur Steam.
Lubin Picard
@Lubin_Picard -
9:22
Vaccination contre le Covid-19 par départements et classes d’âge
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, voici une nouvelle carte interactive concernant la vaccination contre la Covid-19 en France, par départements et par classe d’âge. Cette carte est construite en croisant les données de l’INSEE [voir] et celles fournies quotidiennement par Santé Publique France [voir]. La carte est interactive (n’hésitez pas à survoler les cercles avce votre souris) et est mise à jour quotidiennement. Les codes sources sont disponibles sur mon notebook Observable [voir].
Comment lire cette carte ?Sur cette carte, deux informations sont cartographiées simultanément. La surface des cercles représente le nombre de doses administrées dans chaque département depuis le début de la campagne de vaccination. Leur couleur permet d’interpréter cette valeur au regard de la population du département pour une tranche d’âge donnée. Les départements teintés en rouge/orange sont ceux où le taux de vaccination est inférieur à la médiane. Les départements en vert sont ceux où il est supérieur à la médiane. Cette opposition permet ainsi de comparer les départements les uns par rapports aux autres, visualiser ceux qui sont en avance et ceux qui sont en retard par rapport au rythme général. Notons que ce type de carte n’a de sens que lorsque l’on sélectionne la donnée par classe d’âge. En effet, puisque la vaccination commence par les personnes âgées, les départements en verts seront ceux dans lesquels vivent davantage de personnes âgées. Attention donc aux mauvaises interprétations.
Sur la droite de la carte, le graphique en forme de seringue permet d’avoir accès aux informations de chaque département, dès lors que l’on survole les cercles avec la souris. On accède ainsi à la population du département pour une classe d’âge donnée, au nombre de doses de vaccin administrées, et au rapport entre ces deux valeurs exprimé en pourcentage. La seringue sera remplie entièrement dès lors que ce rapport atteindra la valeur 200%, c’est à dire quand la totalité de la classe d’âge aura reçu deux doses de vaccin.
NB : cette carte a été publiée initialement pour le journal l’Humanité [voir]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:19
Une Cartajouer sur la migration #syrienne
sur Carnet (neo)cartographiqueImaginez que vous avez Carte Blanche. Vous aussi, vous pouvez alors jouer à manipuler les cartes sur les migrations, en prenant l’exemple de la cartographie de la migration syrienne (2015), telle que présentée ici.
Un exercice cartographique interactif (accessible aux élèves de collège dès la 4ième) vous est proposé, dans l’objectif d’aborder le double sujet de la migration internationale et de (sa) data visualisation. L’idée est de susciter l’échange sur des ressorts de la production cartographique sur des migrations sous un angle ludique, mais avec une ambition informative claire sur l’intention d’un.e cartographe en lien avec le message reçu / perçu par un grand public.
Sujet : Il vous est demandé de réaliser une carte décrivant la présence de personnes syriennes en 2015 dans les pays européens. Pour cela, vous devez choisir les couleurs des pays, la taille des cercles (pour symboliser le nombre de personnes présentes dans chaque pays), la couleur du fond de carte et enfin donner un titre à votre carte, en jouant avec l’application ci-dessous.
[Accéder à l’ensemble de l’exercice et au code source]
Cette application a été développée par Alain Ottenheimer, directeur de Datasens & Association toulouse dataviz (TDV) dans le cadre d’une action Parcours laïque et citoyen mise en place par le département de la Haute-Garonne, en collaboration avec l’association TDV.
Grand merci à Alain O. de proposer cet exemple, en mobilisant ainsi justement nos travaux. NL & FB.
Voir aussi cet exercice de cartographie reproductible réalisé avec R : Syrians
Billet lié : Méfiez-vous des cartes, pas des migrants : les réfugiés syriens.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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10:59
Infographie : tous vaccinés d’ici la fin de l’été ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, bientôt la fin du tunnel ? Et oui, Emmanuel Macron l’a annoncé, tous les adultes qui le souhaitent pourront êtres vaccinés d’ici la fin de l’été. Mais cette promesse enthousiasmante résistera t-elle à l’épreuve du réel. À ce stade, impossible de le savoir. La seule chose que nous pouvons faire, c’est « prolonger les courbes ». Et cela, c’est justement ce que je me suis amusé à faire à travers petite infographie.
Sur celle-ci, le niveau de chaque seringue correspond à l’état de la vaccination actuel par tranches d’âges. Le taux de remplissage est défini selon deux critères : le taux de vaccination ciblé et le nombre de doses requises. Par défaut, l’infographie est calibrée sur 2 doses requises et un taux de vaccination de 70%, ce qui correspond aux recommandations de l’OMS. Ces paramètres sont rappelés en bas de l’infographie.
En sus, en regardant le nombre de doses administrées au total par jour sur une période donnée, il est possible de définir assez simplement un rythme de vaccination moyen. Par défaut, la période prise en compte est de 20 jours mais vous pouvez évidemment faire varier ce paramètre. Ainsi, en disposant d’un rythme de vaccination et d’un objectif de doses à administrer, nous pouvons calculer quand cet objectif sera atteint.
A l’heure ou j’écris ces lignes (l’infographie se met à jour toute seule au fur et à mesure de la publication des données par Santé Publique France), en prenant en compte le rythme des 20 derniers jours, il nous faudra encore patienter 1 349 jours pour atteindre un objectif de vaccination de 70% de la population avec 2 doses de vaccin. Ce qui signifie que cet objectif ne sera pas atteint avant le 14 octobre 2024. Autrement dit, une éternité…. En d’autres termes, pour vacciner tous les adultes qui le souhaitent d’ici la fin de l’été, il va falloir sacrément accélérer.
Code source disponible ici : [https:]]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:22
Camarades cartographes, nous sommes heureux d’accueillir dans ...
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, nous sommes heureux d’accueillir dans Néocarto, Marie Dougnac, étudiante à l’ENS de Lyon, qui tente de faire voir la géographie autrement sur sa chaîne Youtube : Archipel. Sachez que vous pouvez aussi la retrouvez tweeter sous le pseudo @BoussoleGeo.
Neocarto : Bonjour Marie, quel est le but de ta chaîne youtube ?
MD : Son but est de montrer que non, la géo n’est pas une matière théorique et rébarbative consistant à apprendre des atlas par cœur. Au contraire, c’est une discipline concrète, utile, et présente partout dans notre quotidien !
Neocarto : Comment t’y prends-tu pour expliquer cela ?
MD : Pour faire passer le message, tous les moyens sont bons : un dialogue avec une tomate, une lecture géographique des Barbapapa, des vidéos pour lutter contre les idées reçues sur le climat et l’environnement… mais aussi un épisode sur les tableaux impressionnistes comme outils scientifiques, la géographie des toilettes ou la SF pour penser la ville de demain.
Neocarto : les thèmes sont très variés…
MD : Oui, car l’objectif est aussi de présenter la diversité de la discipline : géographie sociale, culturelle, environnementale, politique, animale… la géographie est plurielle ! Et Archipel n’hésite pas à croiser la géo avec d’autres disciplines comme la littérature, la biologie, l’écologie, l’histoire de l’art ou la sociologie.
Neocarto : Ton approche c’est donc de faire de la vulgarisation scientifique…
MD : Le pari finalement, est de montrer la géographie comme une clé de compréhension du monde, réellement utile et concrète, et de susciter la curiosité des spectateurs. Tout ça sans laisser de côté la rigueur scientifique, et en accordant une importance aux articles de recherche et aux sources systématiquement proposées pour creuser le sujet. De quoi titiller les curieux, susciter l’esprit critique et battre en brèche l’idée selon laquelle la géographie serait ennuyeuse.
Neocarto : Et donc, ta dernière vidéo parle de cartographie, et de la capacité des cartes à nous manipuler.
MD : Oui, ce que j’ai voulu montrer c’est que les cartes ne sont jamais neutres. Pour cela, j’en ai sélectionné plusieurs qui pourraient induire en erreur, tout en proposant des clés pour les lire sans se faire piéger. Ainsi, je parle des cartes pas si objectives de Google Maps, de l’histoire de cette carte qui a fait exister un lieu imaginaire, d’une carte électorale qui manipule ses lecteurs ou d’une carte du crime un peu trompeuse qui influence les politiques de la ville de Londres. Je propose donc un voyage de l’Angleterre aux États-Unis, pour découvrir comme les cartes nous piègent, et comprendre qu’une carte n’est jamais un reflet objectif de la réalité, mais toujours une construction subjective.
Neocarto : Merci Marie.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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9:11
L’Union européenne tisse sa toile
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, je partage ici cette carte réalisée l’année dernière pour illustrer un article paru dans le numéro 29/30 de la revue The Large Glass Journal éditée par le musée d’art contemporain de Skopje en Macédoine du Nord. Cette carte a une double histoire.
Premièrement, elle est inspirée d’une carte réalisée en 2013 par Olivier Clochard (MIGRINTER) intitulée Où est la frontière ? (carte de gauche) sur laquelle il avait eu l’idée lumineuse de ne faire figurer que des points localisant les centres de rétention et une ligne symbolisant les limites de l’espace Schengen. En faisant disparaître les contours des pays, se dessine alors une représentation minimaliste qui interroge sur la nature même de la frontière migratoire européenne, une frontière à la fois linéaire et réticulaire qui déborde bien au delà des limites officielles de l’Union européenne. C’est l’externalisation des contrôles migratoires.
Deuxièmement, cette carte s’inspire aussi d’une autre carte réalisée en 2014 (carte de droite) pour un dossier collectif du Nouvel Obs, porté par le CIST et le RIATE pendant la campagne des élections européennes. Sur cette carte, les centres de rétention proches les uns des autres sont reliés par des traits à la manière d’une toile d’araignée. Se dessine alors l’image d’une Europe qui tisse sa toile, au delà de ses propres frontières, dans le but de prendre les personnes en migration dans ses filets et les empêcher d’avancer. Pour montrer cette toile qui se déploie, une version animée de cette carte avait également été réalisée à l’époque.
La représentation présentée ici est donc un mélange actualisé de ces deux cartes relativement anciennes. Sur celle-ci, seuls les camps ouverts au moins 2 années depuis le début des années 2000 sont représentés. Deux camps situés à moins de 100 km sont reliés par un trait, le choix de distance étant totalement empirique. Pour éviter les effets de superposition, les points sont légèrement écartés les uns des autres grace au package R packcircles. Enfin, la limite de l’espace Schengen est dessiné de façon plus anguleuse que d’habitude pour lui donner un aspect plus abrupt et plus hostile. Les données sont issues du du projet Close The Camps.
European Union Weaves its WebComrades cartographers, I share here this map realized last year to illustrate an article published in the number 29/30 of The Large Glass Journal edited by the Museum of Contemporary Art of Skopje in Northern Macedonia. This map has a double background.
Firstly, it is inspired by a map made in 2013 by Olivier Clochard (MIGRINTER) called Where is the Border? on which he had the great idea to display only dots locating detention centers and a line symbolizing the limits of the Schengen area. By making the contours of the countries disappear, a minimalist representation emerges that raises questions about the very nature of the European migratory border, a border that is both linear and reticular and that spreads beyond its official limits. It is the externalization of migratory controls.
Secondly, this map is also inspired by another map designed in 2014 for a collective work published in the Nouvel Obs, made by CIST and RIATE during the European election campaign. On this map, the detention centers close to each other are linked by lines in the manner of a spider’s web. The image of a Europe that weaves its web, beyond its own borders, with the aim of catching people in migration in its nets and preventing them from reaching Europe. To show this web spreading out, an animated version of this map had also been made at the time.
The representation presented here is therefore an updated mix of these two relatively old maps. On this one, only the camps open at least 2 years since the early 2000s are represented. Two camps located at less than 100 km are connected by a line (the choice of distance being totally empirical). To avoid overlapping effects, dots are slightly apart from each other thanks to the R packcircles package. Finally, the border of the Schengen area is drawn in a more angular way than usual to give it a sharper and more hostile aspect. The data comes from the Close The Camps project.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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8:49
Les damné.e.s de la mer
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je reproduis ci-dessous un article paru dans le journal l’Humanité le 11 janvier dernier [voir]. La carte est animée et interactive. Elle est réalisée avec D3.js et Observable. N’hésitez pas à cliquer sur pause et survoler les cercles avec votre souris.
Du premier janvier 2014 jusqu’à la fin de l’année 2020, l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) a comptabilisé 40 000 personnes mortes ou portées disparues au cours de leur migration à travers le Monde (dont au moins 2300 enfants). Parmi eux, plus de la moitié ont péri noyés en Méditerranée, ce qui en fait, et de loin, la frontière migratoire la plus mortifère au monde. En méditerranée, les drames se succèdent mais ne se ressemblent pas. On peut penser en premier lieu au jeune Alan Kurdi, originaire de Kobané, dont le corps d’à peine 3 ans a été retrouvé inerte le 2 septembre 2015 sur une plage de Turquie et dont la photo a fait le tour du monde. Ou encore à ce naufrage du 19 avril 2015 au large des côtes libyennes qui a provoqué la mort simultanée de plusieurs centaines de personnes. Triste record… Ou enfin, à l’histoire du Left-to-die Boat relaté avec force par Charles Heller et Lorenzo Pezzani en 2014 dans le film cartographique, liquid tarces, et qui montre à quel point les pays européens placent la “protection” de leurs frontières bien avant les gestes de solidarité les plus élémentaires.
Compter les mortsIl n’existe pas à ce jour en Europe de dispositif officiel de décompte des morts de la migration. Pour pallier ce manque, c’est le réseau UNITED for Intercultural Action qui a été le premier à ouvrir la voie dans les années 1990. Ce collectif, qui regroupe aujourd’hui plus de 560 organisations, s’est en effet lancé très tôt dans cette comptabilité macabre pour tenter d’appréhender l’ampleur de ce qui se jouait en méditerranée et dénoncer ainsi le racisme et le nationalisme des pays européens. Au même moment, le journaliste italien Gabriele Del Grande tentait lui aussi de référencer ces drames en méditerranée à travers son blog Fortress Europe. En 2013, dans une volonté de croiser et vérifier le maximum d’informations disponibles, le projet “Migrants Files” initié par un groupe de journalistes européens, compilait alors toutes les informations disponibles et les vérifiait une à une, révélant ainsi que toutes les données connues jusqu’alors sous-estimaient la réalité. Enfin, depuis 2014, l’OIM référence quotidiennement dans une base de donnée, les personnes mortes ou portées disparues en migration à travers le monde sur son portail “Missing Migrants Project”.
Un lourd bilanEn mettant bout à bout ces différentes données, on obtient le chiffre tragique de 50 000 femmes, hommes et enfants qui sont morts en migration au voisinage de l’Union européenne deouis le début des années 1990, soit l’équivalent d’une ville comme Laval, Arles ou Bobigny. Par construction, on sait aussi que ces chiffres sous-estiment la réalité, puisque les morts noyés en pleine mer, de soif dans le désert, ou de faim dans les prisons libyennes, ne peuvent être comptabilisés faute de témoignages pour les relater. Ajoutons enfin que cette accumulation de chiffres, si elle a l’avantage d’éclairer sur l’ordre de grandeur, ne doit pas faire oublier non plus qu’en matière de migration, chaque histoire est une histoire singulière qu’il est délicat de résumer par de simples données statistiques, comme l’a montré récemment l’ONG SOS Méditerranée à travers une série de portraits de mineurs secourus par l’Aquarius et l’Ocean Viking.
Spatialisation du regardLa première carte des morts aux frontières de l’Europe a été réalisée au début des années 2000 par le géographe Olivier Clochard et publiée pour la première fois en 2003 dans un numéro des Cahiers d’Outre-Mer. Aussitôt sa parution, cette carte a été redessinée et mise à jour par le géographe Philippe Rekacewicz pour une première publication dans Le Monde diplomatique, ce qui lui donna un fort écho. Depuis, cette carte a été mise à jour régulièrement dans le cadre des atlas du réseau Migreurop. La carte animée présentée ici s’inscrit dans cette lignée.
Une frontière mobileEn faisant défiler les cartes de 1993 à 2020 comme on ferait défiler une pellicule photo, une chose saute aux yeux : la “géographie des morts” varie d’année en année. Concentrée au niveau du détroit de Gibraltar et des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla en 2000, la frontière glisse progressivement jusqu’en 2006 vers les îles Canaries, plus au sud. En 2015, au moment de la “crise migratoire”, on voit apparaître de nombreux naufrages en mer Égée alors qu’en 2017, l’essentiel de ceux-ci se produisent au large de la Libye, en Méditerranée centrale. Enfin, 2020 aura été marqué par un retour des naufrages au large du Sénégal et des îles Canaries.
Au delà des variations d’ampleur qui peuvent s’expliquer en partie par des événements extérieurs (guerre en Libye, en Syrie, printemps arabes, etc.), les déplacements de cette frontière létale sont largement imputables aux politiques migratoires de l’Union européenne. Chaque fois qu’un point de passage est fermé (détroit de Gibraltar, îles Canaries, Lampedusa, etc.), les flux migratoires sont déviés mais non stoppés. Pour avoir une chance de passer, il faut emprunter des routes toujours plus dangereuses et mettre sa vie entre les mains de mafias peu scrupuleuses. Les routes vers l’Europe deviennent chaque fois plus chères, plus dangereuses et plus violentes pour les migrant.e.s qui les empruntent. Les politiques migratoires européennes sont donc non seulement inefficaces, mais elles sont avant tout dangereuses. On rêve d’un jour où la question migratoire sera abordée rationnellement, en phase avec les travaux scientifiques actuels, et où le débat public ne portera pas sur les moyens ineptes de “tarir le flux”, mais sur les façons réelles d’organiser un accueil digne de celles et ceux qui arrivent. Les violences du parcours doivent être combattues bec et ongles, pour que chacun, qu’il soit riche ou pauvre, puisse franchir les frontières librement, et en toute sécurité.
Données Codes sourcesIngénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique.
Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network. -
16:54
Enfin 2021 !
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, bonne année à tou.te.s. Comme vous le savez, l’heure est aux vaccins. Pour mon premier billet de l’année, Je vous propose donc une petite infographie permettant de comparer ou en est le processus de vaccination dans différents pays du Monde. Ce graphique s’inspire très largement du travail de Kaho Cheung [voir] dont je n’ai fait qu’adapter le code. Les données, mises à jour quotidiennement, sont issues de Our World in Data [voir] ; le graphique va donc évoluer au fur et à mesure de la publication des données. A ce stade, avec seulement 516 doses administrées au total, le France semble bien loin du compte. A suivre…
Les codes sources sont disponible sur mon carnet observable [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:16
[Expo] All over the maps, Paula Sher (2020)
sur Carnet (neo)cartographiquePaula Sher est une artiste peintre qui fabrique des œuvres cartographiques pour se poser, une activité qui la « force à être patiente, un trait de caractère » qui lui manquerait. Familière du mouvement actuel de data visualisation, elle y participe via son art.
« La conception se fait rapidement sur ordinateur et la peinture est laborieuse. Le design est social. La peinture est isolante. Le design a un but. L’art n’a pas de but. Je ne peux pas imaginer l’un sans l’autre. » Elle évoque dans un entretien pour The Atlantic (2011) le fait que parce que l’information existe, elle doit avoir l’air scientifique, d’où le rôle joué par l’ordinateur pour standardiser la production visuelle, la dataviz de sorte que, finalement, « l’information réfléchit pour vous et vous n’avez pas besoin de réfléchir du tout. Je suis peut-être un précurseur de cela, mais j’espère que ce n’est pas le cas ».
Mais pourquoi donc avoir choisi de peindre des cartes ?
« Je suis obsédée par les tableaux, les graphiques, les diagrammes et les cartes depuis trente ans … »
Parce qu’elle a toujours baigné dans la cartographie.
Paula Sher tire en effet sa passion pour la carte, la cartographie traditionnelle de celle mise en œuvre par son père, un ingénieur civil qui était photogrammètre à l’USGS (United States Géological Survey). Elle se plait d’ailleurs à dire que lui qui s’occupait à mesurer des distances entre les formes d’occupation du sol, pour réaliser les référentiels géographiques américains (les vraies cartes, donc, celles aux mesures supposées exactes) lui a toujours parlé de l’inexactitude des cartes : « Toutes les cartes mentent ».Si cette expression « Toutes les cartes mentent » est pratiquement tombée dans le domaine public – n’importe qui évoquant le mensonge des cartes, surtout à propos de leur projection ou des statistiques dont elles décrivent la géographie [ce qui ne relève pas d’un mensonge, mais passons] – le père de Paula Scher est probablement de ceux qui savent de quoi ils parlent en matière de « mensonge » des cartes.
Il connaissait en effet probablement mieux que d’autres cette impossible exactitude des cartes, fussent t’elle issues d’un dispositif de mesure sophistiqué. L’appareil qu’il a d’ailleurs inventé, le Stereo Template, avait justement pour objectif de corriger les apparentes erreurs de mesures lues sur les cartes, erreurs liées aux distorsions provenant du passage entre la photographie aérienne et la carte imprimée [voir ici].
Par les travaux de son père, Paula Sher s’est ainsi très tôt familiarisée avec le dessin cartographique qu’elle met en œuvre sous une forme artistique, selon différentes techniques : peinture, gravure, installations monumentales…
« … et je les utilise comme une forme de satire et de commentaire social dans mon travail de conception »
La série « All over the maps » évoquée ici a récemment fait l’objet d’une exposition en ligne (du 9 octobre au 8 novembre 2020).
Elle illustre, de mon point de vue, cette profusion mondiale de cartes proposées à tous les niveaux, à toutes les échelles…
Cependant, à l’heure de ce ralentissement global imposé par la pandémie, ces cartes m’ont directement évoqué toutes ces mises en relations rendues possibles par tous ces réseaux sociaux faisant la part belle à une image de plus en plus souvent cartographique et qui, finalement, plutôt que de nous détendre ou de nous aérer, en nous ouvrant sur un ailleurs, saturent nos espaces visuels, encombrent nos espaces privés.
World Trade Routes ((Paula Scher, 2018).
Il est de plus amusant de constater que ces cartes décriant la profusion de la circulation de biens de consommation, sont publiées à l’heure où les personnes sont empêchées de circuler !
D’après la galerie SeemsRed qui accueille l’artiste [Voir], les cartes de Paula Scher mettent en évidence la « (…) sur-stimulation de notre époque moderne et la publicité constante, les nouvelles, les signes et les symboles qui nous entourent dans notre vie quotidienne. Les représentations sans équivoque de l’abondance que fait l’artiste sont en quelque sorte une méta-étude de la sémiotique, dans le cadre de sa propre satire schérienne caractéristique. »
Les cartes proposées sont assez étonnament et dans l’ensemble, plutôt très chargées, comme pour évoquer la complexité de la réalité. Cependant, retranscrire cette complexité, l’autrice fait ce que nous faisons tous à savoir sélectionner l’information pour in fine proposer des cartes très spécialisées : elles décrivent des courbes de niveaux, des réseaux et échanges de toutes sortes apparentes.
Sur les cartes de réseaux, l’artiste décide de montrer la vision relationnelle du monde : lke commerce international mondial (voir ci-dessus), les distances inter états aux Etats-Unis comme dans USA distances (ci-dessous), ou encore l’enchevêtrement de lignes du métro de Londres [voir ici].
[Voir] d’autres cartes sur le site de la galerie.
Références mentionnées :
– Paula-scher-all-over-the-map online exhibition (2020)
– Paula Scher Makes Enormous Maps That Are Only Sort of Right, The Atlantic (2011)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:56
Vague après vague
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vous propose ici de nouvelles cartes sur l’épidémie de Covid-19 en France publiées hier dans le journal l’Humanité [voir]. Les données sont agrégées mensuellement et deux modes de représentation sont proposées. D’une part, une représentation par points pour donner à voir les données absolues (nombre de…). Et d’autre part, des représentations « lissées » [voir] avec un effet Tanaka [voir] pour montrer les données en part de la population départementale. Les cartes sont mises à jour au fil de l’eau (tous les 2 ou 3 jours). Les codes sources R sont disponibles ici [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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19:22
[Book] [Pièce] Le Cartographe
sur Carnet (neo)cartographiqueLe Cartographe est un ouvrage et une pièce de théâtre. C’est, bien entendu, comme son nom l’indique, une pièce racontant l’histoire d’un cartographe, plus précisément celle de la carte d’un cartographe. C’est aussi et c’est peut-être là l’essentiel, l’histoire de cartographes, de femmes cartographes d’époques différentes qui, parce qu’elles sont toutes passionnées par l’art de la cartographie, vont se passionner par celle du « vieux cartographe du ghetto » de Varsovie des années 1940. Effectivement passionnant.
L’histoireSource : J’irai marcher sur les toits, compagnie La Traverse, 2020.
L’histoire est celle du ghetto de Varsovie (Pologne) racontée à travers celle du « vieux cartographe du ghetto », lequel raconte à la fin de sa vie son métier de cartographe à sa petite-fille.
Cette histoire dans l’histoire ne présente ni unité de lieu, ni unité de temps. Si elle prend place à Varsovie, la ville est mobilisée à différents moments et selon différentes perspectives, sur différents supports, qui la rendent multiple.
D’incessants allers et retours, sur le modèle de la rétrospective, sont opérés entre le Varsovie de l’époque de la cartographie du ghetto, vers 1940, sa situation dans les années communistes de 1960 – 1980 et de l’époque contemporaine (~1990).
Le lien entre ces différentes différentes temporalités, par conséquent entre les différentes spatialités de Varsovie est assuré par des femmes. D’abord par la petite-fille, cartographe en herbe, qui dessine l’ultime carte « transmise » par son grand-père… Ensuite par Blanche, une femme de diplomate par ailleurs cartographe. Après avoir flashé lors d’une exposition sur des photos du ghetto, elle va entreprendre d’en réaliser elle même la carte, les cartes. Sa passion pour cette histoire la torturera au point de vouloir en retrouver la version initiale. L’histoire est aussi tenue par Déborah, une autre femme également cartographe, contemporaine de tout le monde : du grand-père, de sa petite-fille et de Blanche.
Une description minutieuse du ghetto de Varsovie
La carte passionne, car elle porte sur le plus grand des ghetto des juifs d’Europe situé au cœur de Varsovie. Elle décrit son organisation à travers l’action des personnes qui s’y trouvent. Au-delà de son intérêt historique, la description révèle aussi probablement la pratique cartographique d’une époque. Le dessin fait l’objet d’une extrême minutie, comme s’il s’attelait à tout consigner de ce territoire (à la mesure de photographies ?), pour en conserver la mémoire, assurer un retour ultérieur, garder la trace d’une histoire. La méthode décrite soulève d’emblée la question de la sélection de l’information représentée, celle de l’impossible exhaustivité de la cartographie, le problème de la précision des tracés, de leur véracité – il sera d’ailleurs aussi question de falsification des tracés. La minutie de la cartographie est renforcée par le style de la carte qu’on devine assez aride, une sorte de rudesse traduite par la monochromie (en noir et blanc) qui n’admettra qu’une seule couleur et très ponctuellement : le rouge.
« le plus difficile à représenter, c’est le temps »La déambulation de Blanche est structurée par son en-quête sur ce grand-père, à partir de dessins de lieux (de vie) où finalement, comme dans toutes les cartes de ce type : « le plus difficile à [se] représenter, c’est le temps ».
La carte, qui n’est ici pourtant que dite dévoile toutefois autant de sa conception que de sa réalisation (forcément imparfaite, par une petite-fille). Elle met aussi en exergue un élément qui m’intéresse, dans un autre registre, à savoir la temporalité de l’approche cartographique (dans son type et dans son style).
Extraits L’auteur
La manière de faire des cartes est bien toujours le reflet d’une époque, de ses connaissances et des outils du moment.
Juan Mayorga est Professeur de dramaturgie et de philosophie à l’École Royale Supérieure d’Art Dramatique de Madrid. Lauréat en Espagne en 2007 du Prix National du Théâtre, il jouit d’une reconnaissance internationale qui valut plusieurs adaptations de ses textes au cinéma ou au théâtre, y compris en France. François Ozon adapte par exemple en 2012 la pièce Le Garçon du dernier rang, sous le titre Dans la maison.
Nombreuses sont ses pièces qui ont été traduites en français (souvent par Yves Lebeau) et adaptées, parmi lesquelles Le Cartographe. La pièce fait également l’objet d’une adaptation par la compagnie J’irai Marcher sur les Toits.La version française de la pièce a d’abord fait l’objet d’une lecture-spectacle.
A suivre…Un spectacle est par ailleurs prévu au Théâtre de l’Opprimé à Paris XIIème la saison prochaine (probablement en novembre 2021). Les représentations initialement programmées du 9 au 20 décembre 2020 ayant été reportées suite au re confinement. Faute de pouvoir accueillir le public en ce mois de décembre, une captation filmique va être réalisée le 9 décembre 2020.
Une table ronde réunissant des cartographes, artistes et écrivains autour de la fabrique cartographique est également prévue, autour de la mise en scène d’une cartographie de ces histoires croisées qui s’entremêlent dans le temps et nous donnent à réfléchir sur l’Histoire et sur notre histoire, sur l’objectivité / subjectivité de la carte, sur la manipulation du dessin par les pouvoirs, …
… en devenant coproducteur du Cartographe !
Malgré le report, l’équipe des huit comédiens entourés de leur metteur en scène Hervé Petit et de la scénographe Christiane Clairon-Lenfant, ne s’est pourtant pas arrêtée.
Pour boucler le budget de la production de cette pièce en français et en France, la compagnie espère le soutien de la communauté des cartographes.
N’hésitez donc pas à devenir coproducteur du Cartographe, en participant à la campagne de financement sur ulule">[http.referer--&ul_medium=uluid_3312568-unknown-202010271836">ulule] Cartographe.
En savoir plus :
Compagnie J’irai Marcher sur les Toits
Florence Le Bihan (présidente)
jirai@jirai.frGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:48
#30dayMapChallenge
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vais vous parler ici du #30dayMapChallenge qui vient de s’achever hier. Initié pour la première fois par Topi Tjukanov l’année dernière, il s’agit d’un « défi carto » d’une durée de 30 jours (tout au long du mois de novembre) et qui a pour but de créer une émulation dans le monde de la cartographie.
#30DayMapChallenge 2020 categories are here. Starting November 1st!
— Topi Tjukanov (@tjukanov) October 1, 2020
Publish a map each day with the following themes. No restriction on tools or data, but all maps should be made by you. Doing less than 30 is fine too.
More info:: [https:]] pic.twitter.com/3yvftgv4K1Le principe est simple : chaque jour, un challenge cartographique portant sur une caractéristique spatiale ou un sujet différent est présenté. A chacun alors de partager une carte pour y répondre. Aucune restriction particulière en termes d’outils : on peut tout aussi bien utiliser des crayons de couleurs que des outils informatiques. Seul impératif néanmoins : ne partager que les cartes qu’on soit-même réalisé.
Pour cette seconde édition, j’ai donc relevé le défi et ai posté 30 cartes sur twitter, une par jour, sur les thèmes demandés. En définitive, si certaines d’entre elles ont eu un certain écho, pour certaines ce ne fut pas le cas :-) Pour visualiser ces disparités, j’ai réalisé une petite infographie sur Observable après avoir extrait les données avec R. On s’amuse comme on peut quand on est confiné
Au final, la carte la plus appréciée a été la carte historique qui ouvre l’Atlas Mad Maps (jour 17) suivie de près par un globe représentant la population mondiale sans frontières (jour 29). Les cartes pour les thème « rouge » (jour 6) et « altitude » ne s’en sortent pas si mal. Par contre, on peut noter un très net creux le 26 novembre (4 likes et 1 retweet) mais nous étions alors en plein Thanksgiving aux États-Unis. Ceci explique peut être cela...
Mais bon, l’intérêt n’est pas vraiment ici de comparer le succès ou non de ces différentes cartes, mais plutôt de proposer un moyen, via billet de blog, d’y donner accès à ceux qui ne passent pas leur vie sur twitter. Je précise que la plupart d’entre elles sont issues de l’atlas Mad Maps. Pour y accéder, il vous suffit de cliquer sur la barre jaune au question. Une fois sur twitter, n’hésitez pas non plus à naviguer de tweet en tweet avec le hashtag #30dayMapChallenge. Vous le verrez, beaucoup de belles choses ont circulé. Bien plus belles et originales que celles que j’ai moi même réalisé. Je pense en particulier à cette carte en carottes extrudée sur laine postée par Romain Lacroix.
#30DayMapChallenge 12. Not made with GIS software
— Romain Lx (@lacxrx) November 12, 2020
Carrot production in France
Basemap knitted by @BecViv pic.twitter.com/MeBAnjiPNhOu cette carte popup inventée par les Artisans cartographes.
#30DayMapChallenge #Day25 #Covid19
— ArtisansCartographes (@Artisans_Cartos) November 25, 2020
Cartographie du nombre de cas sous la forme d'un #popup
( Travail réalisé lors du 1er confinement ) pic.twitter.com/ecDM9M5Qb4Ou encore cette carte à la Jackson Pollock imaginée par Jean Leveugle.
#30DayMapChallenge – Day 12 – Map not made with a GIS software // Carte faite sans logiciel de SIG
— Les Savoirs Ambulants (@SavoirsEnBulles) November 12, 2020
Not easy to read, but so informative ! Thank you Jackson ! // Pas évidente à lire, mais tellement instructive ! Merci Jackson !pic.twitter.com/fQDAgiSEam
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7:56
Tout est question de point de vue
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je le répète assez souvent de billet de blog en billet de blog, quelles que soient les méthodes et techniques utilisées, et quelles que soient leur complexité, toute carte résulte avant tout d’un processus intentionnel de communication. Les cartes ne sont en effet pas des miroirs reflétant le monde réel mais des constructions intellectuelles basées sur des hypothèses, des parti pris, des savoirs et des savoir-faire. C’est la fameuse trahison des images racontée par René Magritte dans son célèbre tableau (qui inspira d’ailleurs, pour cette raison, le nom du logiciel de cartographie… Magrit).
Bref, la carte n’est pas le territoire mais une représentation de celui-ci réalisée selon un point de vue particulier : un point de vue qui est bien souvent celui du dominant qui impose aux autres son propre regard. Pour illustrer cette idée de la subjectivité des cartes de façon humoristique, j’avais réalisé pour l’atlas Mad Maps (2019), une planche mettant en vis à vis les hommes tués par les requins et les requins tués par les hommes. En somme, deux visions du monde radicalement opposées. J’en propose ici une version animée réalisée avec Jules Jeng.
Squalophobes s’abstenir…
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11:02
Traversées mortifères à la frontière franco-britannique
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, je profite de la publication du dernier rapport Gisti/IRR/TPP [voir] pour poster ici la carte mise à jour (et en anglais) des migrants morts à la frontière franco-britannique. Cette base de donnée, cartographiée ici, a été élaborée avec Maël Galisson (du GISTI) et réalisée avec leaflet. Au total, c’est près de 300 décès liés aux frontières dans et autour de la Manche depuis 1999 qui sont répertoriés ici. Triste bilan.
Comrades cartographers, I take the opportunity of the publication of the latest Gisti/IRR/TPP report [see] to post here the updated map (in English) of the dead migrants at the French-British border. This database, cartographed here, was elaborated with Maël Galisson (from GISTI) and realized with leaflet. In total, nearly 300 border-related deaths in and surrounding the Channel since 1999 are listed here.
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17:21
Carto et chorégraphie #2. Le langage
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet participe d’une courte série souhaitant examiner les modalités de représentation graphique du mouvement individuel en mettant en parallèle ceux d’un danseur (du répertoire classique) et ceux d’une personne circulant librement ou non dans un espace géographique. Pourquoi ? Parce que ça peut toujours servir …
(image d’illustration : crédit F. Bahoken, 2017)Ce second billet porte sur les primitives du langage de la cartographie et de la chorégraphie qui servent à la graphie / notation du mouvement. L’objectif est d’essayer de comparer leurs formalisations en prenant l’exemple de quelques objets communs dans les deux disciplines.
PARALLÈLES :
- La cartographie (thématique) et la chorégraphie ont recours à des méthodes de représentation graphique visiblement similaires. La composition part toujours d’une idée (l’intention du choré ou du carto graphe) qui implique, après réflexion et mise en ordre, une symbolisation graphique faisant appel à une écriture plus ou moins formalisée.
- La cartographie mobilise les primitives graphiques élémentaires : le point, la ligne et le polygone, la chorégraphie aussi.
- La cartographie assemble ces primitives pour en faire une grammaire permettant la construction de figures géométriques lisibles au sol, des « patrons », la chorégraphie aussi ;
- En cartographie, ces primitives sont des objets sont le point, la ligne, le polygone, le volume, l’entité floue … représentation des informations géographiques dont ils symbolisent l’implantation spatiale, en chorégraphie, aussi, ces objets sont plus souvent le point et la ligne…
- En cartographie, la combinaison d’un ensemble d’objets forme des « motifs spatiaux » autrement dit des patrons, comme en chorégraphie pour laquelle il est commun de parler de cercle, de demi-cercle, de rang, de file, de carré, de rectangle, de quinconces … décrits par rapport aux « repères au sol » (diagonales, verticales, ..) présentés ici.
- La cartographie enrichit qualitativement le dessin des symboles – pour leur donner une signification dans un contexte thématique donné. Elle mobilise ce que Jacques Bertin (dans l’optique d’une théorisation de la cartographie statistique) a qualifié de variables visuelles, qu’elle adapte depuis une sémiologie graphique plus générale, la chorégraphie aussi.
Exemples ci-dessous avec des variables visuelles qualitatives.
La cartographie offre la possibilité de combiner symboles et variables visuelles pour générer un motif signifiant, la chorégraphie aussi. En voici deux exemples simples.
Essais de comparaison graphiques de motifs
chorégraphiques et cartographiques. Néocarto, 2020.Commentaires bienvenus.
Billet lié : Carto et chorégraphie #1. La scène
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:00
Une carte pour qualifier des migrations pendulaires
sur Carnet (neo)cartographiqueNous accueillons aujourd’hui une jeune géographe géomaticienne, Alice Caron, actuellement en poste dans un bureau d’études du bassin chamberien après avoir obtenu un Master Géonumérique (Université Lyon 2 – ENS – Université de Saint-Etienne). Son stage de Master 1 réalisé en 2017 à l’Agence de développement et d’urbanisme de la région strasbourgeoise (ADEUS), à porté sur l’exploitation d’une matrice de flux domicile-travail. Il a donné lieu à la réalisation de plusieurs cartes parmi lesquelles celle qu’elle a choisi de présenter aujourd’hui. Nous lui laissons la parole …
Qualification des migrations pendulaires dans la région Grand-EstLa carte présente les flux de navetteurs journaliers résidents et/ou exerçant leur activité au sein de la région Grand-Est en 2013. Le fichier qui en résulte intègre principalement des communes infra-régionales, mais aussi des communes limitrophes à la région, tant en France qu’en Allemagne, Belgique, Luxembourg et Suisse.
La population se déplace au gré des avantages proposés par la singularité des lieux.
Au-delà du jeu graphique des lignes qui inscrivent le mouvement dans l’espace, notre intérêt s’est porté sur l’origine et les destinations qui les motivent. Les nœuds migratoires expriment ces objectifs constitutifs du déplacement pendulaire : le travail d’un côté et l’habitation de l’autre. Ces points d’ancrages sont divers et variés, aussi la population se déplace-t-elle au gré des avantages proposés par la singularité des lieux. Le solde net des navetteurs par communes nous a permis de développer cinq profils d’agglomérations, du pôle majeur d’emploi à la commune résidentielle.
Comme partout en France, la région se caractérise par la présence des villes majeures qui concentrent un grand nombre d’emplois, tant hautement que peu qualifiés. Strasbourg, Nancy, Metz, Mulhouse, Bâle et Luxembourg sont les principaux bassins d’emploi dans la région, ils attirent massivement les actifs des communes périphériques. Cette spécificité transfrontalière de la région provoque une dynamique de flux importante et quasi unilatérale en bordure de ses limites nationales. Les salaires plus élevés des pays voisins et la proximité spatiale entraînent un déséquilibre des mouvements domicile-travail infra-nationaux. Les répercussions sont multiples, de l’accessibilité à l’emploi au prix de l’immobilier, jusqu’au profil des navetteurs et des habitant.e.s du territoire.
MéthodologieLes recherches de G. Fusco et al. (2013) et de l’Observatoire des territoires (2016) démontrent la pertinence de l’analyse des entités géographiques fixes dans l’étude des flux. Nous nous sommes basés sur ces recherches afin de constituer cette carte qui représente les communes de destination et d’origine des navetteurs en se proposant de les qualifier.
Le logiciel R {flows} et le plug-in flowmapper de Qgis ont été les deux outils utilisés pour mener à bien ces traitements. L’objectif de ce travail a été de proposer un enrichissement conceptuel et technique pour l’analyse des interrelations géographiques.
Au vu de la complexité de traitement du fichier très volumineux des déplacements pendulaires dans la région Grand-Est avec excel et Qgis, nous nous sommes portés sur l’utilisation de R. Ce logiciel libre permet de nombreux traitements statistiques. Stable et puissant, son usage nous a permis de développer une méthodologie permettant d’automatiser le passage d’un fichier source origine/destination/valeur du flux (format long) aux fichiers demandés par l’extension flowmapper (matrices carrées). Ce plug-in reconnaît les nœuds par l’index des valeurs dans les fichiers.
Aussi, [1 :1] dans la matrice carrée correspond à la valeur du lien unissant le nœud 1 au nœud 1 (flux intra entité). Il est possible de calculer, à partir d’une matrice carrée présentant des données quantitatives de stock, la somme de chaque colonne (objet géographique de destination), et la somme de chaque ligne (objet géographique d’origine). Il est donc possible de connaître le flux dominant [Majeur] sortant ou entrant rattaché à une entité (valeur max de la ligne ou de la colonne). Cette connaissance est intrinsèque aux matrices carrés, qui indexent symétriquement (ligne-colonne) la valeur du lien entre couples d’entités.La table attributaire générée par flowmapper associée aux fichiers .shp des nœuds nous permet d’accéder à de nombreuses informations que d’autres plug-in ne produisent pas. Par exemple, nous avons accès au total de flux entrants et sortants, à la somme et au solde des flux, et enfin à un indicateur (1, -1 ou 0) qui atteste d’un gain, d’une perte ou de la stabilité des nœuds. C’est à partir des soldes de flux à la commune que nous avons établi nos profils qualitatifs ainsi que la charte graphique relative aux nœuds.
Compléments sur l’élaboration de la carteLes données à l’origine de ce travail sont de source INSEE (mobilités professionnelles, 2013). Elles décrivent des flux à l’échelle communale pour la France et les pays frontaliers. Nous notons l’absence d’informations sur les navetteurs transfrontaliers venant travailler en France.
Présélection des données
Le tableau a été filtré par plusieurs critères :
Représentation des données
– la sélection porte sur les flux supérieurs à 80 navetteurs quotidiens ;
– la distance parcourue par les navetteurs est inférieure à 250 km ;
– les flux infra-communaux ont été exclus ;
– les flux inter communaux avec les pays transfrontaliers et les départements contigus à la région Grand-Est ont été maintenus.
La Taille des carrés est proportionnelle à la valeur absolue du solde des migrations professionnelles à la commune (transfert net / 300).La qualification des communes est issue de la classification des soldes migratoires réalisée avec une méthode manuelle depuis Jenks.
– G. Fusco et al., “Recompositions territoriales en Provence-Alpes-Côte d’Azur : Analyse croisée par les mobilités quotidiennes et résidentielles”, 2013.
– Observatoire des territoires, Chapitre 2C “La mobilité des actifs, enjeux et défis pour le développement équilibré des territoires, dans Emploi et territoires”, 2016, p.125-129.
– Caron Alice, rapport de stage Master 1 à l’ADEUS: “Recherches exploratoires dans la représentation et le traitement des flux”, 2017.
Alice Caron
@Alice_Caron_
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8:44
[Vidéo] Regards de cartographes
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je partage ici avec vous l’intervention effectuée avec Christine Zanin pour la conférence d’ouverture de la 8e journée SIG de l’université de Laval (Québec) le 13 novembre dernier [voir]. Nous y parlons de cartographie, de sémiologie graphique, mais aussi d’un certain nombre d’enjeux liés aux représentation cartographiques. La plupart des cartes présentées sont issues du livre Mad Maps [voir].
Présentation
Entre art, science et communication, la cartographie est une discipline à la croisée des chemins. Elle emprunte aussi bien à la statistique, à la géodésie, à l’informatique et au dessin avec à chaque fois un double objectif. D’une part, elle est un outil qui permet de chercher à comprendre comment le monde fonctionne et d’autre part, elle le donne à voir à travers des images simples et qui font sens : exploration d’un côté, communication de l’autre.
Cet exercice est semé d’embuches !
Comment passer de la sphère au plan ? Quelle est la meilleure représentation du monde ? Qu’apporte la 3ème dimension ? Comment représenter la complexité du monde ? Comment rendre compte des phénomènes non physiquement perceptibles ?
Le discours cartographique ne peut être unique, il n’y a pas de carte idéale. Il n’y a pas de relation mécanique entre une donnée et son expression graphique. Toute carte véhicule un discours partial et donc forcément subjectif. Le tout est de savoir lequel !
Voir la vidéo
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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23:04
[Expo] Migrations en images
sur Carnet (neo)cartographiqueUne petite exposition de cartes et images coordonnée par Olivier Clochard, Gilles Dubus et Nelly Martin et intitulée Migrations en images est (probablement encore) actuellement visible à La bibliothèque Baulieu, à Poitiers. Initialement programmée du 18 février au 28 mars 2020, elle a visiblement été prolongée suite au premier confinement (les photos présentées ont été prises à la fin du mois de septembre 2020).
L’exposition apparaît comme ça, tout d’un coup à l’approche de l’entrée de la bibliothèque. Toute suspendue qu’elle est, elle file ensuite sur ce mur perforé de sorte que l’on peut regarder ces œuvres en passant son chemin ou bien en s’y attardant quelques instants.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit que ce sont des migrations intéressant plusieurs terrains de recherche qui sont données à voir, dans une extraordinaire variété de contextes géographiques et sociaux. Puisqu’il n’est pas possible de tous les citer et qu’il faut choisir, mentionnons seulement ceux qui commencent par un A : l’Afrique subsaharienne, l’Algérie, l’Argentine et Athènes.
Cette variété des terrains présentés inscrit d’emblée ces migrations à différentes échelles.
L’exposition propose en effet un triple regard sur les personnes concernées, sur leur parcours et sur les lieux pratiqués, avec en fond constant l’effet des politiques migratoires européennes qui, pour certaines d’entre elles, » […] pèsent [vraiment] bas et lourd comme un couvercle sur leurs têtes » [1].Un premier regard montre l’expérience individuelle pendant la migration, donc ce qui relève de l’individu, de son parcours, de son voyage ; le deuxième regard décrit ce qui relève des lieux ponctuant le parcours : ils sont appréhendés à différentes échelles (du logement à l’État Nation) et relève de plusieurs situations (résidence, enfermement, etc.).
La variété des terrains fait écho à la variété de styles présentés sur des supports homogènes dans leur taille et dans leur matériaux. On distingue toutefois deux séries se panneaux.
La première série est remarquable par le style en noir et blanc très reconnaissable de Lucie Bacon.
La seconde série est réalisée par différents auteurs et autrices qui présentent des œuvres complémentaires sur un même sujet.
Le travail de Brenda Le Bigot, par exemple, illustre des migrations Nords – Suds par un ensemble d’œuvres complémentaires. Cartes, dessins et photographies cohabitent en effet pour proposer plusieurs visions de parcours migratoires ainsi que la fabrique des documents proposés ; de la collecte des informations, leur capture par la photographie jusqu’à leur retranscription sous la forme de récits et de croquis dévoilent à la fois les étapes et les résultats d’une recherche. Les extraits présentés ci-dessous portent sur la migration des séniors.Un autre exemple de cette série est proposé par Olivier Pissoat et Olivier Clochard, avec une planche présentant carte, dessins et plans décrivant le parcours de Morteza. Par rapport à la version de ce parcours précédemment présenté dans l’Atlas des migrants en Europe (2017), la planche montre en particulier la longue détention de Morteza dans un commissariat de police dont le plan à été réalisé par Morteza lui même.
Au final, une jolie exposition qui souligne la variété des migrations internationales, suggère leur caractère universel par leur expression en tous points du monde, à toutes les échelles, à tous les niveaux comme pour nous signifier que, finalement, ce phénomène concerne chacun de nous.
[1] Spleen, Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire (1857 – réédition 1861).
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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21:53
Géovisualiser des flux aériens, les contributions au mapathon de cartomob
sur Carnet (neo)cartographiqueUn Concours de (géo)datavisualisation de données portant sur des mobilités a été réalisé dans le cadre du colloque Tous (im)mobiles, tous cartographes?, du 7 au 18 octobre 2020 et clôturé le 2 novembre 2020 à 20h lors d’une soirée de présentation des contributions lauréates réalisée en Web conférence.
Les 14 contributions reçues mettent en œuvre un jeu de données [Voir] décrivant l’évolution spatio-temporelle du trafic aérien (passagers et fret : biens et courrier) ont été reçues.Cet événement correspond au deuxième événement de ce type spécifique à des données de mobilité, réalisé avec le concours de l’association Toulouse Dataviz (voir la précédente édition).
Concernant les outils mobilisés, QGIS apparaît en tête dans cette session, avec une mobilisation dans presque la moitié des contributions ; il est suivi par Mapbox et Python. Plusieurs composantes du javascript permettant d’ajouter une composante web et interactive aux images obtenues ont également été mobilisées. On notera l’absence d’outils spécifiques de cartographie thématique (seul Khartis semble avoir été mobilisé pour la préparation d’un fond de carte).
Plus d’information ce mapathon sont disponibles ici.
Autre contribution notable mobilisant les données de ce mapathon : Le transport aérien en France métropolitaine en 2019, réalisée avec Excel, Magrit et Illustrator, par Jean-Christophe Fichet (Cartolycée)
Billet lié : Quelles technologies pour visualiser des flux ?
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:50
Géovisualiser des stocks comme des flux
sur Carnet (neo)cartographiqueUne carte de flux est traditionnellement réalisée à partir de données archivées dans un tableau croisé, que l’on nomme une matrice de flux. Par convention, par chez nous du moins, sont mentionnées en lignes les entités d’origine et en colonnes, celles de de destination. Le croisement d’une ligne et d’une colonne décrit une quantité transferée depuis une entité d’origine vers une entité de destination.
Cette matrice est donc composé de deux grandes parties exploitables dans un processus de cartographique :– une partie centrale, son cœur, qui décrit cette quantité transférée entre les couples d’origine-destination ;
– une partie périphérique, les marges, qui décrivent soit le total émis par une entité (située en ligne) ou soit le total reçus par cette même entité (située en colonne).Partant de là, différents indicateurs peuvent être calculés … de même que différents raisonnements peuvent être adoptés pour analyser les données de cette matrice et les visualiser notamment par voie cartographique, en fonction de leur thématique, afin de les communiquer à un public donné.
La carte étant un document à destination, sa réalisation est fondamentalement liée à sa thématique.
Illustrons donc ce qui précède, en prenant l’exemple d’une matrice de migrants. Cela nous permet de faire le lien avec MigrExploreR (3) qui propose une géovisualisation de stocks (de migrants) sous la forme de flux (de populations étrangères).La figure ci-dessous a pour objectif d’illustrer ce passage entre les données numériques dont on dispose et deux grandes possibilités cartographiques. Il est important de noter que ces deux possibilités correspondent à deux logiques de raisonnement bien distinctes :
– une logique de lieux : je regarde ce qui qui se produit au pays de destination (ou d’origine) ;
– une logique de flux : je regarde comment les pays d’origine et de destination sont reliés, mis en relation par l’existence d’une quantité de population (un stock, donc) qui a été transférée (un flux, donc) à un moment donné.Interprétation :
en supposant que A, B, C et D soient des pays, on observe que le pays B a accueilli 8 personnes ayant la nationalité du pays A, ce qui témoigne d’un transfert de population que l’on peut formellement représenter par une flèche (bleue ci-dessus). Inversement, 6 personnes du pays B résident dans le pays A. C’est cette vision que MigrExploreR (3) propose.
Le pays A accueille au total 17 personnes qui proviennent / ont la nationalité exclusive d’un autre pays. Dans le même temps, ce même pays B a accueilli 14 personnes, tandis que 11 de ses compatriotes (individus de nationalité B) résident à l’étranger ; le pays B possède donc un volume total égal à 25 personnes, que l’on peut représenter par un symbole ponctuel proportionnel (cercle vert ci-dessus).Billet lié :
MigrExploreR (3) pour géovisualiser un flux de populations étrangèresGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:33
Trop Moyen Orient (combien de réfugiés français dans les pays voisins ?)
sur Carnet (neo)cartographiquePour changer de nos ordinaires, nous accueillons aujourd’hui dans Néocarto un artiste enseignant. Julien Dupont (Kobri) est auteur de fictions radiophoniques et cartographiques ainsi que professeur d’histoire-géographie en collège, près de Lyon. Avec ses cARTes, il redessine nos espaces de vie réels et imaginaires, nous transportant, songeurs, vers d’autres ailleurs. Ses cartes explorent et imaginent à l’aquarelle des espaces aussi divers qu’un salon en période de confinement, le Groenland après la fonte de l’Inlandsis ou le dernier plan de partage de la Palestine. Elles mobilisent les ressorts de la cartographie imaginaire pour s’emparer d’un sujet par le dessin et les mots, en proposer un récit. Pour Néocarto, il a choisi le Proche-Orient et la question des réfugiés syriens… Nous lui laissons la parole.
« Au mois de mars 2018 le régime syrien lance une offensive sur la Ghouta orientale (ghouta al sharqia), région périphérique à l’est de Damas, dans laquelle la rébellion à Bachar el Asad a survécu depuis 2012. Cette ultime bataille, présentée dès le départ comme un dernier sursaut de l’insurrection, oppose une armée régulière, aidée par des contingents étrangers, à quelques milliers d’opposants armés, dispersés sur un territoire de plaines agricoles parsemées de villages.
C’est la dernière grande oasis avant le désert de Syrie, partiellement asséchée par l’urbanisation de ces trente dernières années. Elle fait maintenant partie des lointaines banlieues et espaces périurbains de Damas, dont l’agglomération comptait 2,6 millions d’habitants en 2011. Si l’on transposait en France, Douma, la principale ville de la Ghouta, pourrait être l’équivalent d’une ville de l’Essonne. Ou encore Décines dans l’Est lyonnais. Peut-être Martigues et les alentours de l’Etang de Berre. En 2018, une grande majorité des habitants de cette région périphérique ont déjà fui. Les images qui nous parviennent nous montrent des immeubles éventrés et des routes défoncés empruntés par des blindés et des files de gens qui s’en vont encore et encore.
Depuis 2011, la moitié de la population syrienne a été déplacée et presqu’un tiers des Syriens a fui à l’étranger. Vers quels pays sont-ils partis ? Particulièrement la Turquie, le Liban, l’Irak, la Jordanie.
Au Liban, plus d’un million de réfugiés sont arrivés, augmentant sa population de plus de 15%. Ils sont sans doute autour de 2 millions en Turquie. L’Arabie Saoudite en revendique 2,5 millions mais le chiffre est difficilement vérifiable. Le nombre passe brutalement à quelques certaines pour d’autres pays voisins (Israël, Chypre).
Parallèlement, l’Europe voit arriver depuis 2015 des flux de plus en plus denses de réfugiés syriens, dont l’accueil est aussi proportionnellement très variable d’un pays à l’autre (capacité d’accueil de 1 à 30 entre la France et l’Allemagne, de 1 à 7 entre la France et la Suède, cette dernière pourtant bien moins peuplée que le France).
Mais le brassage de ces différents chiffres – suivre des flux d’humains en situation de fuite sous forme de courbes, de diagrammes ou d’énormes points sur des cartes – est finalement impuissant à quantifier la catastrophe syrienne.
Un tiers environ des habitants a fui le pays depuis 2011. Les conditions d’accueil des réfugiés dans les pays voisins sont extrêmement variables. On trouve plus souvent un accueil à l’entrée d’un camping que d’un camp de réfugiés et du personnel d’accueil à Stockholm que dans un village du désert jordanien.
Et nous, vers quels pays nous tournerions-nous
s’il fallait fuir les bombes et les massacres ?Pour cette carte réalisée au moment de l’offensive du régime syrien sur la Ghouta orientale, j’ai imaginé le nombre de réfugiés que provoquerait un conflit tel que celui qui dure depuis 9 ans en Syrie pour un pays comme la France (au prorata de la population déplacée dans les pays voisins).
Aquarelle 20cmX20cm, Julien Dupont (Kobri), mars 2018.Quel pays voisin nous « accueillerait », ou en tout cas nous laisserait rentrer, que ce soit pour nous guider vers un hébergement d’urgence ou plus simplement nous laissera planter nos tentes quechua au bord d’une voie rapide ? Si la France avait connu le terrible enchaînement des évènements qui dévaste la Syrie depuis presque dix ans, une vingtaine de millions de personnes aurait franchi les frontières belges, allemandes, suisses, espagnoles…
Quels pays auraient ouvert leurs frontières,
quels autres les auraient fermé ?Cette carte est une fiction, une tentative de renversement de perspective ; toute ressemblance avec des chiffres ou des pays ayant existé serait purement fortuite, et quelques données ont immanquablement été maltraitées. Elle exprime seulement une volonté de tromper l’œil en manipulant cartes et chiffres, ces objets mentaux qu’on nous sert à volonté chaque jour, et dont on peut essayer de s’emparer pour poser notre propre regard interrogatif sur le monde. »
Julien Dupont (Kobri)
kartokobri.wordpress.com
@kartokobri -
13:29
Passeports : Red is the new Black
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
« Ça impressionne Papier carbone Mais c’est du vent » (Serge Gainsbourg)
Camarades cartographes, une fois n’est pas coutume, je vous livre ici une cartographie par passeports proportionnels (sic). Et oui, sur cette carte, la surface des passeports représentés est proportionnelle à leur pouvoir, c’est à dire au nombre de pays qu’ils permettent d’atteindre sans visa préalable (en 2019 avant l’épidémie de Covid19). Et aussi absurde que cela puisse paraître, en matière de mobilités internationales, la couleur compte. Si vous avez un passeport rouge, sachez que vous pourrez voyager facilement dans 135 pays en moyenne. Si vous avez un passeport bleu, il vous donnera accès à 103 pays. Avec un passeport noir, vous pourrez rejoindre 88 pays. Et si par malheur vous avez un passeport vert, seuls 78 pays vous ouvriront les bras. Par ailleurs, sachez que le passeport le plus « puissant » au Monde est celui des Émirats arabes unis puisque il donne accès à 179 pays à travers le Monde (contre 170 pour un passeport français). A contrario, le passeport le moins puissant est le passeport Afghan, il ne donne accès qu’à 35 pays.
Mais quand même, vous devez probablement trouver ça absurde de prendre comme critère la couleur des passeports, n’est-ce pas ? Et vous n’avez pas tout à fait tort, même si ces couleurs ne sont pas choisies totalement au hasard. Le rouge par exemple, a été choisi à l’époque par les pays communistes, vous comprendrez aisément pourquoi. Mais le rouge, c’est aussi le choix de tous les pays européens à l’exception de la Croatie. La couleur verte quant à elle, a été choisie par la majorité des pays musulmans. Le vert, couleur de l’Islam. Le bleu est quant à lui très présent en Amérique (du nord et du sud). Et enfin les passeports noirs sont extrêmement rares. Seuls 7 pays les utilisent.
Eurasie, Amérique, pays musulmans : au final, ces couleurs renvoient plus ou moins à une régionalisation du Monde. Plus que la couleur du passeport, c’est donc en réalité la place de votre pays dans l’ordre mondial qui détermine votre capacité à franchir les frontières. En d’autres termes, selon que vous soyez ressortissant d’un puissant pays riche en paix ou d’un pays pauvre en guerre, vous n’aurez pas accès aux mêmes opportunités spatiales. Le premier critère pour avoir droit à la mobilité internationale c’est donc avant tout d’être bien né. Ni plus ni moins.
Note : les données utilisées ici proviennent du site passportindex.org [voir]. Mais d’autres classements existent avec des données sensiblement différentes. Voir par exemple henleypassportindex.com [voir].
Passports: Color mattersComrades cartographers, just the once will not hurt, I deliver you here a cartography by proportional passports (sic). And yeah, on this map, the surface of the passports represented is proportional to their power, that is to say to the number of countries they allow to reach without prior visa (in 2019 before the Covid epidemic19). And as absurd as it may seem, when it comes to international mobility, color matters. If you have a red passport, be aware that you will be able to travel easily to an average of 135 countries. If you have a blue passport, it will give you access to 103 countries. With a black passport, you will be able to reach 88 countries. And if by misfortune you have a green passport, only 78 countries will open their doors to you. In addition, you should know that the most « powerful » passport in the world is the United Arab Emirates passport, which gives you access to 179 countries around the world (compared to 170 for a French passport). On the other hand, the least powerful passport is the Afghan passport, which gives access to only 35 countries.
But still, you probably think it’s absurd to take the color of passports as a criterion, don’t you? And you’re not entirely wrong, even if these colors are not chosen at random. Red, for example, was chosen by the communist countries, you will easily understand why. But red is also the choice of all European countries except Croatia. The color green, for its part, was chosen by the majority of Muslim countries. As you know, green is the color of Islam. Blue is very present in America (North and South). And finally black passports are extremely rare. Only 7 countries use them.
Eurasia, America, Muslim countries: in the end, these colors refer more or less to a regionalization of the World. More than the color of your passport, it is actually the place of your country in the world order that determines your ability to cross borders. In other words, regardless of whether you are a citizen of a powerful country rich in peace or a poor country in war, you will not have access to the same spatial opportunities. The first criterion to be entitled to international mobility is therefore above all to be born in a good place. No more and no less.
Note: the data used here come from the website passportindex.org [see]. But other rankings exist with significantly different data. See for example henleypassportindex.com [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:46
La vraie forme de la Terre
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, on vous a menti. Et non, la Terre n’est pas ronde… Pourtant, cette idée était belle. Pour Platon par exemple, la Terre ne pouvait être autre chose qu’une sphère parfaite. Une forme géométrique pure. Ératosthène en calcula même la circonférence il y a de cela 2000 ans. Un véritable exploit quand on y pense. Mais on le sait aujourd’hui, Platon avait tort. Et la réalité est toujours plus complexe que celle qu’on imagine dans nos modèles théoriques.
En fait, même en faisant abstraction des reliefs qui la composent, la Terre n’est pas une sphère parfaite. Ce point n’est pas facile à comprendre au premier abord. Pourquoi la Terre sans ses reliefs ne serait pas ronde ? Pour bien saisir de quoi on parle, il faut imaginer notre planète comme si celle-ci n’était recouverte que d’eau, sans vents, ni courants, ni marées. On le comprend assez vite, la forme de la Terre ainsi définie, on ne peut pas la voir directement. C’est une surface fictive. Une surface théorique déterminant tous les points de notre planète à l’altitude zéro. Mais cette surface, on peut la mesurer. Car celle-ci n’est autre qu’une valeur constante du champ de gravité. On parlera aussi de surface equipotentielle du champ de pesanteur. Pour ce faire, on calcule la valeur moyenne de la gravité (g) au niveau des océans. Puis, on mesure en tout point du globe, les écarts à cette valeur moyenne. Si la mesure est plus petite que g, il y a un creux (ici en bleu sur la carte). Si la valeur est plus élevée, il y a une bosse (ici en rouge sur la carte). Cette surface ainsi définie est ce qu’on appelle le géoïde. Il définit la forme de la Terre au centimètre près.
Or, il s’avère que le géoïde est tiraillé de toutes parts par diverses forces. Tout d’abord, il a tendance a être légèrement déformé par la rotation de la Terre, il est aplati aux pôles et légèrement boursouflé à l’équateur. Mais il est également déformé par tous les astres qui opèrent de l’attraction sur lui, en particulier la Lune et le Soleil. Pensez aux marées. Enfin, il est déformé par les reliefs massifs. On estime par exemple qu’un relief de l’ordre du kilomètre provoque une déformation du géoïde d’environ un mètre.
Au final, le géoïde définit une surface imparfaite, bosselée de toute part, qui ressemblerait plutôt à une patate, comme le montre cette carte animée, réalisée avec un peu de patience avec le langage R. Si cela vous intéresse, les codes sources sont disponibles ici [voir].
The true shape of earthComrades cartographers, you have been lied to. No, the Earth is not round… Yet the idea was beautiful. For Plato, for example, the Earth could not be anything but a perfect sphere. A simple geometrical shape. Eratosthenes even calculated its circumference 2000 years ago. A real masterpiece when you think about it. But we know today, Plato was wrong. And reality is always more complex than what we imagine in our theoretical models.
In actually, even if we do not consider the landforms of which it is composed, the Earth is not a perfect sphere. This point is not easy to understand at first glance. Why the Earth without its reliefs would not be round? To understand what we are talking about, we have to imagine our planet as if it were covered only with water, without winds, streams or tides. We understand it quickly enough, the shape of the Earth thus defined, we can not see it directly. It is a fictitious surface. A theoretical surface determining all the points of our planet at zero altitude. But we can measure this surface. Because this surface is a constant value of the gravity field. We will also speak of equipotential surface of the gravity field. To do this, we calculate the average value of gravity (g) at the level of the oceans. Then, the deviations from this average value are measured at any point on the globe. If the measurement is smaller than g, there is a trough (here in blue on the map). If the value is higher, there is a bump (here in red on the map). This surface thus defined is what is called the geoid. It defines the shape of the Earth to the nearest centimeter.
However, the geoïd turns out that this one is pulled from all sides by various forces. First of all, it tends to be slightly deformed by the Earth’s rotation, it is flattened at the poles and slightly swollen at the equator. But it is also distorted by all the stars that operate attraction on it, especially the Moon and the Sun. Think of the tides. Finally, it is deformed by massive landforms. It is estimated for example that a relief of the order of a kilometer causes a deformation of the geoid of about a meter.
Finally, the geoid defines an imperfect surface, bumpy on all sides, which would rather look like a potato, as shown on this animated map, made with a little patience with the R language. If you are interested, the source codes are available here [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:12
MigrExploreR (3) pour géovisualiser un flux de populations étrangères
sur Carnet (neo)cartographique« La grande vie nous a plongé dans sa grande cohue
Hors y’a pas d’étranger y’a que des inconnus
Yé yé yé yé la – Yé yé yé yé la
Solidarité voila c’est ce qu’on est venu demander
La beauté n’a pas de frontières, la frontière n’a pas de cotés, … »
(M, Toumani et Sidiki Diabaté, Fatoumata Diawara, Solidarité, 2007)Comment explorer/visualiser le déplacement de populations depuis un pays vers un autre, selon leur genre et cela, entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet …
La troisième piste que nous explorons dans ce billet à deux voix ambitionne de répondre aux questions suivantes :
– Quels sont les pays d’origine des populations de nationalité étrangère accueilli.e.s dans un pays donné ?
– D’où viennent ces populations étrangères recensées dans un pays donné ?
– Dans quels pays du monde sont installées les populations de telle ou telle autre nationalité ?
– Où s’installent les femmes françaises ?
– etc.
Les données sont celles qui ont déjà été présentées dans MigrExplorer (1). Elles décrivent littéralement un « stock de migrants » selon leur genre (homme, femme, ensemble), observé en 1990, 1995, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019 pour tous les pays et toutes les régions du monde (au sens des Nations Unies), sous la forme de matrice origine-destination.
L’information que nous mobilisons ici la partie disponible au cœur de cette matrice origine-destination. A noter que les applications précédentes [Migr et Migr 2] exploitent toutes deux les marges de cette même matrice, c’est-à-dire les sommes en lignes et en colonnes qui décrivent respectivement le nombre de personnes genrées émises ou reçues par un pays (un groupe de pays ou un ensemble de plusieurs pays), à une date ou bien sur une période.Le cœur de cette matrice décrit ainsi, par définition et par construction, le transfert ou déplacement d’un effectif de populations depuis un lieu d’origine vers un lieu de destination. Formellement un flux origine-destination.
Précisions sur le flux dont il est questionCette matrice décrit pour un pays donné, la présence étrangère – et non à proprement parler un effectifs de migrant.e.s.
Les migrant.e.s sont des personnes en cours de déplacement (et qui, au moment de l’enquête, ne sont pas encore arrivées à destination finale). Les données ne décrivent en effet pas le voyage réalisé par ces populations étrangères recensées dans un pays autre que celui dont elles portent la nationalité. Il n’est pas possible de savoir par où elles sont passées, quels sont les pays traversés, les routes (terrestres, maritimes ou aériennes) empruntées, quel est le mode de transport utilisé (à pied, en bus, en train, en avion, …), dans quelles localités elles ont résidé pendant leur voyage et avec qui, etc.
Dit autrement, pour une personne de nationalité étrangère recensée comme résidente dans un pays donné, la France par exemple, il n’est pas possible de reconstituer sa trajectoire à partir des données dont nous disposons. Tout au plus savons-nous que cette personne est de telle ou telle nationalité et qu’elle réside sur place en tant qu’étrangère (nous ne savons pas si elle est née en France ou même si elle a résidé dans le pays dont elle possède la nationalité au moment de l’enquête).Le cœur de la matrice met en relation le pays de résidence (celui de destination, la France par exemple) avec un pays d’origine, correspondant à celui dont la personne recensée en tant qu’étrangère porte la nationalité. Il reconstruit par là une donnée origine-destination (OD). Cette situation résulte du fait que la mesure directe des individus qui se sont déplacés sur une période entre deux pays, celle des migrant.e.s donc, tout comme celle de leurs déplacements, les migrations, n’est pas connue avec précision. Basée sur la déclaration des personnes puis sur celle des États, elle est par essence incomplète, sous-estimée ou lacunaire. C’est pourquoi des méthodes de collecte indirectes ont été développées, conduisant à reconstituer des flux à partir de stocks déclarés. C’est le cas de nombreuses données portant sur des flux internationaux, ceux d’étrangers, de réfugiés collectées par l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) ou encore ceux de migrant.e.s que nous mobilisons ici.
Cette donnée OD ne décrit par conséquent ni le voyage, ni le mouvement. Elle ne décrit pas non plus des migrations – c’est pourquoi elle ne devra pas être interprétée comme telle (un mouvement migratoire). Cette OD décrit une et une seule migration par personne – alors que l’on peut raisonnablement supposer que la probabilité que les populations concernées aient changé de lieu de résidence entre deux dates est forte, d’autant plus que la période observée est grande et la distance parcourue (ou l’éloignement depuis l’origine) importante. Cela signifie que cette donnée OD est largement sous-estimée du point de vue du nombre de déplacements réalisés dans la réalité entre les couples de pays concernés.
[NOTE DE F.B.]
Il importe donc de garder à l’esprit que ces données renseignent sur un nombre de résidents de nationalité étrangère par pays, un effectif de personnes ayant la nationalité exclusive d’un autre pays dit d’origine. C’est pourquoi elles mettent en relation un pays d’origine et un pays d’accueil (de destination) que l’on appréhende ici comme un réseau de relations pondérées par l’effectif, et spatialisées.
Ce réseau est formé de l’ensemble de ces couples de pays entre lesquels des populations ont circulé ; l’objet géographique analysé ici est un couple OD. C’est pourquoi il est tout à fait pertinent de le représenter sous la forme d’un graphe pondéré (synonyme : graphe de flux). Un graphe que l’on va juste projeter sur un espace géographique et qui prendra ainsi la forme de graphe spatialisé de relations inter pays, autrement dit de carte de flux.
J’espère avoir répondu ici à la demande de précision de Nicolas Lambert [Voir ici] sur le risque de #mapfail concernant la représentation de stocks de migrant.e.s sous la forme de flux
Balle au centre ?Ce flux de migrant.e.s étant obtenu par construction à partir des effectifs déclarés (l’inverse est également vrai), l’image des relations inter pays qui en résulte est nécessairement complémentaire à celle des localisations des effectifs de migrant.e.s émis ou bien reçus par chacun d’eux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les cartes présentées dans cette série MigrExploreR [Voir Migr] présentent des liens et des cercles.
Complémentarité des interactions et des positionsPour un développement théorique sur cette complémentarité, voir Grasland (2010), accessible ici.
La figure ci-dessous illustre une partie de cette complémentarité par la représentation de la présence étrangère en France, en focalisant l’attention sur le Maroc, comme pays d’origine (symbolisé en orange sur les deux images). Ces deux modalités graphiques correspondent à deux visions strictement complémentaires, alors qu’elles décrivent respectivement un flux par un lien (à gauche) et une localisation par un nœud (à droite), tous deux pondérés par la même quantité : le nombre de personnes de nationalité marocaine résidente en France en 2019.
La représentation sous la forme de liens pondérés orientés illustre les transferts, par des flèches (à gauche). Le Maroc, avec l’une des plus grosses flèches, apparaît ainsi comme l’un des premiers pays d’origine des étrangers présents en France, en 2019. Ce constat est confirmé sur la vision selon les localisations, symbolisées par des symboles proportionnels aux effectifs : le Maroc apparaît effectivement comme l’un des pays le plus important en termes de provenance (il occupe le second rang avec 1 020 162 personnes, derrière l’Algérie, avec 1 575 528 personnes déclarées comme résidentes sur le territoire français en 2019).
Au-delà de ces questionnements thématiques, MigrExplorer 3 permet de questionner des aspects méthodologiques de construction cartographique de ces transferts de populations (au sens statistique) au niveau mondial, sous la forme de flux origine-destination.
Enjeux méthodologiquesCette proposition cartographique souhaite en effet répondre à deux des problèmes de la mise en carte des matrices origine-destination (OD) s’exprimant au niveau mondial à savoir :
La projection cartographique de flux mondiaux
– les problèmes liés au choix de la projection cartographique ;
– le dessin cartographique des flux origine-destination.L’application est présentée sur un globe interactif, en 3D, car la représentation des flux en 2D au niveau monde pose des problèmes liés au choix du système de projection cartographique à adopter.
Au delà des questions liées à la projection en elle-même (Mercator versus Peters par exemple) – entre lesquels l’arbitrage est en réalité « impossible » (Grataloup, 2011) – le fait est que la représentation des flux et mouvements est très sensible aux positions relatives des lieux d’origine et de destination les uns par rapport aux autres.
Deux problèmes se manifestent en particulier :
– un effet d’itinéraire [Voir une description ici, §. 6.2.1.2. p.262 et suiv.] ;
– un effet d’alignement topologique lié au fait que l’alignement (nord-sud ou nord-nord) de certains pays empêche la perception de certaines de leurs relations [Voir une description ici, §. 6.2.1.1. p.261].
Les flux économiques par exemple, lorsqu’il sont importants en valeur, sont majoritairement orientés nord-nord. Leur dessin sur un planisphère classique génère de nombreux traits horizontaux parmi les plus larges (voir ci-dessous une exemple de vue en projection de Mollweide comparé à une projection polaire. Source : Figure 6.4., page 253 (ici).La superposition de ces traits rend difficile la perception des échanges entre les États-Unis, l’Allemagne et la Chine. Pour contourner ce problème, il peut être intéressant d’adopter par exemple une projection polaire équidistante qui positionnera ces pays non pas horizontalement mais aux sommets d’un triangle quasi équilatéral (dessin de droite ci-dessus) … L’image qui en résulte sera plus claire, plus harmonieuse, en même temps qu’elle mettra en évidence la Triade voire les BRICS – rappelons au passage que le choix de la projection mérite d’être adapté à la thématique.
Le choix du globePour résoudre ces problèmes de projection, Waldo R. Tobler a proposé d’utiliser certains systèmes plutôt que d’autres, mieux adaptés aux flux (il nous a d’ailleurs suggéré de développer notre propre système de projection, ce dont nous sommes incapables).
Plus généralement, Tobler a aussi suggéré de recourir au globe, en faisant la proposition ci-dessous pour une représentation d’un phénomène de mondialisation en 2D.Projection du globe en 2D (Source : Waldo R. Tobler)
L’idée d’utiliser un globe pour représenter des flux est une question récurrente assez ancienne, renouvelée avec l’avancée des outils permettant de l’examiner encore et toujours.
L’interactivité apportée par le globe proposé ici est en ce sens très intéressante, car outre la nouvelle vision de ces flux mondiaux, une exploration assez fine en est grandement facilitée par la souplesse et la fluidité de d3.Si cette vision 3D est un enjeu fort de cette troisième application, l’enjeu tient dans le dessin de ces flux sur un globe.
Le dessin cartographique du flux sur un globeLe second enjeux méthodologique fort réside ici dans le dessin des flux, à savoir celui de la flèche. La solution proposée résulte d’un développement particulier réalisé dans le cadre du projet Tribute to Tobler (TTT), le style de la flèche étant à peu de choses près celui du Flowmapper [Voir ici]. Ce migrExploreR 3 est ainsi l’un des exemples d’application web de la cette partie d’un package R TTT, en cours de développement.
L’avantage d’un tel développement du dessin de flèches dans R (Rspatial) tient d’une part, dans la possibilité de leur spatialisation grâce au package {sf} et d’autre part, dans la maîtrise totale de leur géométrie dans l’objectif de progresser dans la sémiologie de ces flux.
Le portage des flèches dans Rspatial les transforme en effet en objets spatiaux, en l’occurrence surfaciques, qui sont définis dans un système de projection cartographique.Exemple de spatialisation d’un symbole de flux.
Cette spatialisation du symbole signifie que leur dessin s’adapte à la projection cartographique du fond de carte – tel un drap que l’on poserait sur une maquette, la flèche peut en épouser toutes les formes.De ce fait, un changement de projection cartographique entraînera un changement du motif intrinsèque des figurés … en même temps que les motifs d’ensemble varieront, par définition, en fonction du choix du système de projection cartographique.
Les flèches ainsi spatialisées peuvent ainsi être (re)projetées à volonté, voire même dessinées sur une sphère en s’adapter soit à la configuration (géographique) de la zone étudiée, soit au point de vue de ces flux, comme illustré sur la figure suivante centrée sur les États-Unis.
Exemple de spatialisation d’un symbole de flux (variante 3D globe)
La maîtrise de la géométrie des flux étend en même temps qu’elle les augmente les possibilités de leur sémiologie cartographique. Rappelons que la pratique usuelle consiste à ne paramétrer que la largeur / épaisseur de la flèche de manière proportionnelle à la quantité de flux symbolisée. Cette pratique apparemment paradoxale [Voir Bahoken et al. 2016] tient au rôle joué par l’espace géographique – via la distance parcourue. Si l’espace est bien pris en compte dans la construction de la valeur du flux (les modèles gravitaires intègrent bien différentes acceptions de la distance ou de l’éloignement/proximités des lieux OD), ce n’était pas le cas pour la construction de la distance cartographique … du moins jusqu’ici.
Comment ça marche ?
Avoir la main sur le dessin cartographique de ces flux va donc permettre de bousculer nos pratiques, de ré-examiner la sémiologie de flux discrets [voir migrExploreR 4], voire même de la dépasser…
En attendant d’y arriver, il est déjà possible de paramétrer différemment (les largeurs) des flèches.Sur le bandeau de gauche, la possibilité d’action sur la carte porte d’abord sur la matrice à analyser (From/To), depuis ou vers un pays, qui est sélectionné dans la foulée.
La deuxième étape est celle du filtrage des valeurs de flux symbolisées pour éviter que la carte soit trop complexe graphiquement (« effet spaghetti »). Ce filtrage consiste à définir l’intervalle de valeurs de flux bornées à afficher, les seuils minimum (et éventuellement maximum).
La troisième étape relève du dessin cartographique de la flèche, selon deux modalités :
– un paramétrage manuel (et visuel) qui passe par la définition d’un seuil graphique permettant de dimensionner la largeur des flèches. L’intérêt du recours à ce seuil est qu’il va pouvoir être appliquée à d’autres cartes et ainsi assurer la comparabilité de plusieurs images ;
– un paramétrage empirique, pour une définition automatique du seuil, qui conduit à un résultat intéressant mais unique et non comparable puisqu’il fonctionne de la même manière qu’une discrétisation / segmentation des valeurs selon un seuillage dit naturel.Une fois les paramètres sélectionnés, la carte décrit alors le résultat de la sélection de flux de migrants d’un pays donné, visualisée sur un globe qu’il est possible de manipuler avec une fluidité assez extraordinaire.
A suivre…
Références mentionnées :
Françoise Bahoken, Claude Grasland, Christine Zanin (2016), D’une cartographie de flux à une cartographie du mouvement. Aspects sémiologiques, Cartes et Géomatique, 2016, pp.65-74. ?hal-01592726?Françoise Bahoken (2016), Chapitre 6. D’une cartographie de flux à une cartographie de mouvements ?tel-01273776?
Claude Grasland (2009), Spatial analysis of social facts: A tentative theoretical framework derived from Tobler’s first law of geography and Blau’s multilevel structural theory of society. Handbook of Quantitative and Theoretical Geography
ou
___________________(2010), Advances in Quantitative and Theoretical Geography, Faculty of the Geosciences and Environment of the University of Lausanne, pp.000-046 ?halshs-00410669v2?Christian Grataloup (2011), Représenter le monde, La Documentation Française, La Documentation
photographique – Les dossiers, n° 8084..Billets liés :
Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow, Carnet de recherches Néocartographiques, URL [https:]
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10556Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR 3 pour géovisualiser un flux de populations étrangères, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10950