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Carnet (neo)cartographique
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8:49
Les damné.e.s de la mer
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je reproduis ci-dessous un article paru dans le journal l’Humanité le 11 janvier dernier [voir]. La carte est animée et interactive. Elle est réalisée avec D3.js et Observable. N’hésitez pas à cliquer sur pause et survoler les cercles avec votre souris.
Du premier janvier 2014 jusqu’à la fin de l’année 2020, l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) a comptabilisé 40 000 personnes mortes ou portées disparues au cours de leur migration à travers le Monde (dont au moins 2300 enfants). Parmi eux, plus de la moitié ont péri noyés en Méditerranée, ce qui en fait, et de loin, la frontière migratoire la plus mortifère au monde. En méditerranée, les drames se succèdent mais ne se ressemblent pas. On peut penser en premier lieu au jeune Alan Kurdi, originaire de Kobané, dont le corps d’à peine 3 ans a été retrouvé inerte le 2 septembre 2015 sur une plage de Turquie et dont la photo a fait le tour du monde. Ou encore à ce naufrage du 19 avril 2015 au large des côtes libyennes qui a provoqué la mort simultanée de plusieurs centaines de personnes. Triste record… Ou enfin, à l’histoire du Left-to-die Boat relaté avec force par Charles Heller et Lorenzo Pezzani en 2014 dans le film cartographique, liquid tarces, et qui montre à quel point les pays européens placent la “protection” de leurs frontières bien avant les gestes de solidarité les plus élémentaires.
Compter les mortsIl n’existe pas à ce jour en Europe de dispositif officiel de décompte des morts de la migration. Pour pallier ce manque, c’est le réseau UNITED for Intercultural Action qui a été le premier à ouvrir la voie dans les années 1990. Ce collectif, qui regroupe aujourd’hui plus de 560 organisations, s’est en effet lancé très tôt dans cette comptabilité macabre pour tenter d’appréhender l’ampleur de ce qui se jouait en méditerranée et dénoncer ainsi le racisme et le nationalisme des pays européens. Au même moment, le journaliste italien Gabriele Del Grande tentait lui aussi de référencer ces drames en méditerranée à travers son blog Fortress Europe. En 2013, dans une volonté de croiser et vérifier le maximum d’informations disponibles, le projet “Migrants Files” initié par un groupe de journalistes européens, compilait alors toutes les informations disponibles et les vérifiait une à une, révélant ainsi que toutes les données connues jusqu’alors sous-estimaient la réalité. Enfin, depuis 2014, l’OIM référence quotidiennement dans une base de donnée, les personnes mortes ou portées disparues en migration à travers le monde sur son portail “Missing Migrants Project”.
Un lourd bilanEn mettant bout à bout ces différentes données, on obtient le chiffre tragique de 50 000 femmes, hommes et enfants qui sont morts en migration au voisinage de l’Union européenne deouis le début des années 1990, soit l’équivalent d’une ville comme Laval, Arles ou Bobigny. Par construction, on sait aussi que ces chiffres sous-estiment la réalité, puisque les morts noyés en pleine mer, de soif dans le désert, ou de faim dans les prisons libyennes, ne peuvent être comptabilisés faute de témoignages pour les relater. Ajoutons enfin que cette accumulation de chiffres, si elle a l’avantage d’éclairer sur l’ordre de grandeur, ne doit pas faire oublier non plus qu’en matière de migration, chaque histoire est une histoire singulière qu’il est délicat de résumer par de simples données statistiques, comme l’a montré récemment l’ONG SOS Méditerranée à travers une série de portraits de mineurs secourus par l’Aquarius et l’Ocean Viking.
Spatialisation du regardLa première carte des morts aux frontières de l’Europe a été réalisée au début des années 2000 par le géographe Olivier Clochard et publiée pour la première fois en 2003 dans un numéro des Cahiers d’Outre-Mer. Aussitôt sa parution, cette carte a été redessinée et mise à jour par le géographe Philippe Rekacewicz pour une première publication dans Le Monde diplomatique, ce qui lui donna un fort écho. Depuis, cette carte a été mise à jour régulièrement dans le cadre des atlas du réseau Migreurop. La carte animée présentée ici s’inscrit dans cette lignée.
Une frontière mobileEn faisant défiler les cartes de 1993 à 2020 comme on ferait défiler une pellicule photo, une chose saute aux yeux : la “géographie des morts” varie d’année en année. Concentrée au niveau du détroit de Gibraltar et des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla en 2000, la frontière glisse progressivement jusqu’en 2006 vers les îles Canaries, plus au sud. En 2015, au moment de la “crise migratoire”, on voit apparaître de nombreux naufrages en mer Égée alors qu’en 2017, l’essentiel de ceux-ci se produisent au large de la Libye, en Méditerranée centrale. Enfin, 2020 aura été marqué par un retour des naufrages au large du Sénégal et des îles Canaries.
Au delà des variations d’ampleur qui peuvent s’expliquer en partie par des événements extérieurs (guerre en Libye, en Syrie, printemps arabes, etc.), les déplacements de cette frontière létale sont largement imputables aux politiques migratoires de l’Union européenne. Chaque fois qu’un point de passage est fermé (détroit de Gibraltar, îles Canaries, Lampedusa, etc.), les flux migratoires sont déviés mais non stoppés. Pour avoir une chance de passer, il faut emprunter des routes toujours plus dangereuses et mettre sa vie entre les mains de mafias peu scrupuleuses. Les routes vers l’Europe deviennent chaque fois plus chères, plus dangereuses et plus violentes pour les migrant.e.s qui les empruntent. Les politiques migratoires européennes sont donc non seulement inefficaces, mais elles sont avant tout dangereuses. On rêve d’un jour où la question migratoire sera abordée rationnellement, en phase avec les travaux scientifiques actuels, et où le débat public ne portera pas sur les moyens ineptes de “tarir le flux”, mais sur les façons réelles d’organiser un accueil digne de celles et ceux qui arrivent. Les violences du parcours doivent être combattues bec et ongles, pour que chacun, qu’il soit riche ou pauvre, puisse franchir les frontières librement, et en toute sécurité.
Données Codes sourcesIngénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:54
Enfin 2021 !
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, bonne année à tou.te.s. Comme vous le savez, l’heure est aux vaccins. Pour mon premier billet de l’année, Je vous propose donc une petite infographie permettant de comparer ou en est le processus de vaccination dans différents pays du Monde. Ce graphique s’inspire très largement du travail de Kaho Cheung [voir] dont je n’ai fait qu’adapter le code. Les données, mises à jour quotidiennement, sont issues de Our World in Data [voir] ; le graphique va donc évoluer au fur et à mesure de la publication des données. A ce stade, avec seulement 516 doses administrées au total, le France semble bien loin du compte. A suivre…
Les codes sources sont disponible sur mon carnet observable [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:16
[Expo] All over the maps, Paula Sher (2020)
sur Carnet (neo)cartographiquePaula Sher est une artiste peintre qui fabrique des œuvres cartographiques pour se poser, une activité qui la « force à être patiente, un trait de caractère » qui lui manquerait. Familière du mouvement actuel de data visualisation, elle y participe via son art.
« La conception se fait rapidement sur ordinateur et la peinture est laborieuse. Le design est social. La peinture est isolante. Le design a un but. L’art n’a pas de but. Je ne peux pas imaginer l’un sans l’autre. » Elle évoque dans un entretien pour The Atlantic (2011) le fait que parce que l’information existe, elle doit avoir l’air scientifique, d’où le rôle joué par l’ordinateur pour standardiser la production visuelle, la dataviz de sorte que, finalement, « l’information réfléchit pour vous et vous n’avez pas besoin de réfléchir du tout. Je suis peut-être un précurseur de cela, mais j’espère que ce n’est pas le cas ».
Mais pourquoi donc avoir choisi de peindre des cartes ?
« Je suis obsédée par les tableaux, les graphiques, les diagrammes et les cartes depuis trente ans … »
Parce qu’elle a toujours baigné dans la cartographie.
Paula Sher tire en effet sa passion pour la carte, la cartographie traditionnelle de celle mise en œuvre par son père, un ingénieur civil qui était photogrammètre à l’USGS (United States Géological Survey). Elle se plait d’ailleurs à dire que lui qui s’occupait à mesurer des distances entre les formes d’occupation du sol, pour réaliser les référentiels géographiques américains (les vraies cartes, donc, celles aux mesures supposées exactes) lui a toujours parlé de l’inexactitude des cartes : « Toutes les cartes mentent ».Si cette expression « Toutes les cartes mentent » est pratiquement tombée dans le domaine public – n’importe qui évoquant le mensonge des cartes, surtout à propos de leur projection ou des statistiques dont elles décrivent la géographie [ce qui ne relève pas d’un mensonge, mais passons] – le père de Paula Scher est probablement de ceux qui savent de quoi ils parlent en matière de « mensonge » des cartes.
Il connaissait en effet probablement mieux que d’autres cette impossible exactitude des cartes, fussent t’elle issues d’un dispositif de mesure sophistiqué. L’appareil qu’il a d’ailleurs inventé, le Stereo Template, avait justement pour objectif de corriger les apparentes erreurs de mesures lues sur les cartes, erreurs liées aux distorsions provenant du passage entre la photographie aérienne et la carte imprimée [voir ici].
Par les travaux de son père, Paula Sher s’est ainsi très tôt familiarisée avec le dessin cartographique qu’elle met en œuvre sous une forme artistique, selon différentes techniques : peinture, gravure, installations monumentales…
« … et je les utilise comme une forme de satire et de commentaire social dans mon travail de conception »
La série « All over the maps » évoquée ici a récemment fait l’objet d’une exposition en ligne (du 9 octobre au 8 novembre 2020).
Elle illustre, de mon point de vue, cette profusion mondiale de cartes proposées à tous les niveaux, à toutes les échelles…
Cependant, à l’heure de ce ralentissement global imposé par la pandémie, ces cartes m’ont directement évoqué toutes ces mises en relations rendues possibles par tous ces réseaux sociaux faisant la part belle à une image de plus en plus souvent cartographique et qui, finalement, plutôt que de nous détendre ou de nous aérer, en nous ouvrant sur un ailleurs, saturent nos espaces visuels, encombrent nos espaces privés.
World Trade Routes ((Paula Scher, 2018).
Il est de plus amusant de constater que ces cartes décriant la profusion de la circulation de biens de consommation, sont publiées à l’heure où les personnes sont empêchées de circuler !
D’après la galerie SeemsRed qui accueille l’artiste [Voir], les cartes de Paula Scher mettent en évidence la « (…) sur-stimulation de notre époque moderne et la publicité constante, les nouvelles, les signes et les symboles qui nous entourent dans notre vie quotidienne. Les représentations sans équivoque de l’abondance que fait l’artiste sont en quelque sorte une méta-étude de la sémiotique, dans le cadre de sa propre satire schérienne caractéristique. »
Les cartes proposées sont assez étonnament et dans l’ensemble, plutôt très chargées, comme pour évoquer la complexité de la réalité. Cependant, retranscrire cette complexité, l’autrice fait ce que nous faisons tous à savoir sélectionner l’information pour in fine proposer des cartes très spécialisées : elles décrivent des courbes de niveaux, des réseaux et échanges de toutes sortes apparentes.
Sur les cartes de réseaux, l’artiste décide de montrer la vision relationnelle du monde : lke commerce international mondial (voir ci-dessus), les distances inter états aux Etats-Unis comme dans USA distances (ci-dessous), ou encore l’enchevêtrement de lignes du métro de Londres [voir ici].
[Voir] d’autres cartes sur le site de la galerie.
Références mentionnées :
– Paula-scher-all-over-the-map online exhibition (2020)
– Paula Scher Makes Enormous Maps That Are Only Sort of Right, The Atlantic (2011)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:56
Vague après vague
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vous propose ici de nouvelles cartes sur l’épidémie de Covid-19 en France publiées hier dans le journal l’Humanité [voir]. Les données sont agrégées mensuellement et deux modes de représentation sont proposées. D’une part, une représentation par points pour donner à voir les données absolues (nombre de…). Et d’autre part, des représentations « lissées » [voir] avec un effet Tanaka [voir] pour montrer les données en part de la population départementale. Les cartes sont mises à jour au fil de l’eau (tous les 2 ou 3 jours). Les codes sources R sont disponibles ici [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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19:22
[Book] [Pièce] Le Cartographe
sur Carnet (neo)cartographiqueLe Cartographe est un ouvrage et une pièce de théâtre. C’est, bien entendu, comme son nom l’indique, une pièce racontant l’histoire d’un cartographe, plus précisément celle de la carte d’un cartographe. C’est aussi et c’est peut-être là l’essentiel, l’histoire de cartographes, de femmes cartographes d’époques différentes qui, parce qu’elles sont toutes passionnées par l’art de la cartographie, vont se passionner par celle du « vieux cartographe du ghetto » de Varsovie des années 1940. Effectivement passionnant.
L’histoireSource : J’irai marcher sur les toits, compagnie La Traverse, 2020.
L’histoire est celle du ghetto de Varsovie (Pologne) racontée à travers celle du « vieux cartographe du ghetto », lequel raconte à la fin de sa vie son métier de cartographe à sa petite-fille.
Cette histoire dans l’histoire ne présente ni unité de lieu, ni unité de temps. Si elle prend place à Varsovie, la ville est mobilisée à différents moments et selon différentes perspectives, sur différents supports, qui la rendent multiple.
D’incessants allers et retours, sur le modèle de la rétrospective, sont opérés entre le Varsovie de l’époque de la cartographie du ghetto, vers 1940, sa situation dans les années communistes de 1960 – 1980 et de l’époque contemporaine (~1990).
Le lien entre ces différentes différentes temporalités, par conséquent entre les différentes spatialités de Varsovie est assuré par des femmes. D’abord par la petite-fille, cartographe en herbe, qui dessine l’ultime carte « transmise » par son grand-père… Ensuite par Blanche, une femme de diplomate par ailleurs cartographe. Après avoir flashé lors d’une exposition sur des photos du ghetto, elle va entreprendre d’en réaliser elle même la carte, les cartes. Sa passion pour cette histoire la torturera au point de vouloir en retrouver la version initiale. L’histoire est aussi tenue par Déborah, une autre femme également cartographe, contemporaine de tout le monde : du grand-père, de sa petite-fille et de Blanche.
Une description minutieuse du ghetto de Varsovie
La carte passionne, car elle porte sur le plus grand des ghetto des juifs d’Europe situé au cœur de Varsovie. Elle décrit son organisation à travers l’action des personnes qui s’y trouvent. Au-delà de son intérêt historique, la description révèle aussi probablement la pratique cartographique d’une époque. Le dessin fait l’objet d’une extrême minutie, comme s’il s’attelait à tout consigner de ce territoire (à la mesure de photographies ?), pour en conserver la mémoire, assurer un retour ultérieur, garder la trace d’une histoire. La méthode décrite soulève d’emblée la question de la sélection de l’information représentée, celle de l’impossible exhaustivité de la cartographie, le problème de la précision des tracés, de leur véracité – il sera d’ailleurs aussi question de falsification des tracés. La minutie de la cartographie est renforcée par le style de la carte qu’on devine assez aride, une sorte de rudesse traduite par la monochromie (en noir et blanc) qui n’admettra qu’une seule couleur et très ponctuellement : le rouge.
« le plus difficile à représenter, c’est le temps »La déambulation de Blanche est structurée par son en-quête sur ce grand-père, à partir de dessins de lieux (de vie) où finalement, comme dans toutes les cartes de ce type : « le plus difficile à [se] représenter, c’est le temps ».
La carte, qui n’est ici pourtant que dite dévoile toutefois autant de sa conception que de sa réalisation (forcément imparfaite, par une petite-fille). Elle met aussi en exergue un élément qui m’intéresse, dans un autre registre, à savoir la temporalité de l’approche cartographique (dans son type et dans son style).
Extraits L’auteur
La manière de faire des cartes est bien toujours le reflet d’une époque, de ses connaissances et des outils du moment.
Juan Mayorga est Professeur de dramaturgie et de philosophie à l’École Royale Supérieure d’Art Dramatique de Madrid. Lauréat en Espagne en 2007 du Prix National du Théâtre, il jouit d’une reconnaissance internationale qui valut plusieurs adaptations de ses textes au cinéma ou au théâtre, y compris en France. François Ozon adapte par exemple en 2012 la pièce Le Garçon du dernier rang, sous le titre Dans la maison.
Nombreuses sont ses pièces qui ont été traduites en français (souvent par Yves Lebeau) et adaptées, parmi lesquelles Le Cartographe. La pièce fait également l’objet d’une adaptation par la compagnie J’irai Marcher sur les Toits.La version française de la pièce a d’abord fait l’objet d’une lecture-spectacle.
A suivre…Un spectacle est par ailleurs prévu au Théâtre de l’Opprimé à Paris XIIème la saison prochaine (probablement en novembre 2021). Les représentations initialement programmées du 9 au 20 décembre 2020 ayant été reportées suite au re confinement. Faute de pouvoir accueillir le public en ce mois de décembre, une captation filmique va être réalisée le 9 décembre 2020.
Une table ronde réunissant des cartographes, artistes et écrivains autour de la fabrique cartographique est également prévue, autour de la mise en scène d’une cartographie de ces histoires croisées qui s’entremêlent dans le temps et nous donnent à réfléchir sur l’Histoire et sur notre histoire, sur l’objectivité / subjectivité de la carte, sur la manipulation du dessin par les pouvoirs, …
… en devenant coproducteur du Cartographe !
Malgré le report, l’équipe des huit comédiens entourés de leur metteur en scène Hervé Petit et de la scénographe Christiane Clairon-Lenfant, ne s’est pourtant pas arrêtée.
Pour boucler le budget de la production de cette pièce en français et en France, la compagnie espère le soutien de la communauté des cartographes.
N’hésitez donc pas à devenir coproducteur du Cartographe, en participant à la campagne de financement sur ulule">[http.referer--&ul_medium=uluid_3312568-unknown-202010271836">ulule] Cartographe.
En savoir plus :
Compagnie J’irai Marcher sur les Toits
Florence Le Bihan (présidente)
jirai@jirai.frGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:48
#30dayMapChallenge
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vais vous parler ici du #30dayMapChallenge qui vient de s’achever hier. Initié pour la première fois par Topi Tjukanov l’année dernière, il s’agit d’un « défi carto » d’une durée de 30 jours (tout au long du mois de novembre) et qui a pour but de créer une émulation dans le monde de la cartographie.
#30DayMapChallenge 2020 categories are here. Starting November 1st!
— Topi Tjukanov (@tjukanov) October 1, 2020
Publish a map each day with the following themes. No restriction on tools or data, but all maps should be made by you. Doing less than 30 is fine too.
More info:: [https:]] pic.twitter.com/3yvftgv4K1Le principe est simple : chaque jour, un challenge cartographique portant sur une caractéristique spatiale ou un sujet différent est présenté. A chacun alors de partager une carte pour y répondre. Aucune restriction particulière en termes d’outils : on peut tout aussi bien utiliser des crayons de couleurs que des outils informatiques. Seul impératif néanmoins : ne partager que les cartes qu’on soit-même réalisé.
Pour cette seconde édition, j’ai donc relevé le défi et ai posté 30 cartes sur twitter, une par jour, sur les thèmes demandés. En définitive, si certaines d’entre elles ont eu un certain écho, pour certaines ce ne fut pas le cas :-) Pour visualiser ces disparités, j’ai réalisé une petite infographie sur Observable après avoir extrait les données avec R. On s’amuse comme on peut quand on est confiné
Au final, la carte la plus appréciée a été la carte historique qui ouvre l’Atlas Mad Maps (jour 17) suivie de près par un globe représentant la population mondiale sans frontières (jour 29). Les cartes pour les thème « rouge » (jour 6) et « altitude » ne s’en sortent pas si mal. Par contre, on peut noter un très net creux le 26 novembre (4 likes et 1 retweet) mais nous étions alors en plein Thanksgiving aux États-Unis. Ceci explique peut être cela...
Mais bon, l’intérêt n’est pas vraiment ici de comparer le succès ou non de ces différentes cartes, mais plutôt de proposer un moyen, via billet de blog, d’y donner accès à ceux qui ne passent pas leur vie sur twitter. Je précise que la plupart d’entre elles sont issues de l’atlas Mad Maps. Pour y accéder, il vous suffit de cliquer sur la barre jaune au question. Une fois sur twitter, n’hésitez pas non plus à naviguer de tweet en tweet avec le hashtag #30dayMapChallenge. Vous le verrez, beaucoup de belles choses ont circulé. Bien plus belles et originales que celles que j’ai moi même réalisé. Je pense en particulier à cette carte en carottes extrudée sur laine postée par Romain Lacroix.
#30DayMapChallenge 12. Not made with GIS software
— Romain Lx (@lacxrx) November 12, 2020
Carrot production in France
Basemap knitted by @BecViv pic.twitter.com/MeBAnjiPNhOu cette carte popup inventée par les Artisans cartographes.
#30DayMapChallenge #Day25 #Covid19
— ArtisansCartographes (@Artisans_Cartos) November 25, 2020
Cartographie du nombre de cas sous la forme d'un #popup
( Travail réalisé lors du 1er confinement ) pic.twitter.com/ecDM9M5Qb4Ou encore cette carte à la Jackson Pollock imaginée par Jean Leveugle.
#30DayMapChallenge – Day 12 – Map not made with a GIS software // Carte faite sans logiciel de SIG
— Les Savoirs Ambulants (@SavoirsEnBulles) November 12, 2020
Not easy to read, but so informative ! Thank you Jackson ! // Pas évidente à lire, mais tellement instructive ! Merci Jackson !pic.twitter.com/fQDAgiSEam
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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7:56
Tout est question de point de vue
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je le répète assez souvent de billet de blog en billet de blog, quelles que soient les méthodes et techniques utilisées, et quelles que soient leur complexité, toute carte résulte avant tout d’un processus intentionnel de communication. Les cartes ne sont en effet pas des miroirs reflétant le monde réel mais des constructions intellectuelles basées sur des hypothèses, des parti pris, des savoirs et des savoir-faire. C’est la fameuse trahison des images racontée par René Magritte dans son célèbre tableau (qui inspira d’ailleurs, pour cette raison, le nom du logiciel de cartographie… Magrit).
Bref, la carte n’est pas le territoire mais une représentation de celui-ci réalisée selon un point de vue particulier : un point de vue qui est bien souvent celui du dominant qui impose aux autres son propre regard. Pour illustrer cette idée de la subjectivité des cartes de façon humoristique, j’avais réalisé pour l’atlas Mad Maps (2019), une planche mettant en vis à vis les hommes tués par les requins et les requins tués par les hommes. En somme, deux visions du monde radicalement opposées. J’en propose ici une version animée réalisée avec Jules Jeng.
Squalophobes s’abstenir…
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:02
Traversées mortifères à la frontière franco-britannique
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, je profite de la publication du dernier rapport Gisti/IRR/TPP [voir] pour poster ici la carte mise à jour (et en anglais) des migrants morts à la frontière franco-britannique. Cette base de donnée, cartographiée ici, a été élaborée avec Maël Galisson (du GISTI) et réalisée avec leaflet. Au total, c’est près de 300 décès liés aux frontières dans et autour de la Manche depuis 1999 qui sont répertoriés ici. Triste bilan.
Comrades cartographers, I take the opportunity of the publication of the latest Gisti/IRR/TPP report [see] to post here the updated map (in English) of the dead migrants at the French-British border. This database, cartographed here, was elaborated with Maël Galisson (from GISTI) and realized with leaflet. In total, nearly 300 border-related deaths in and surrounding the Channel since 1999 are listed here.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:21
Carto et chorégraphie #2. Le langage
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet participe d’une courte série souhaitant examiner les modalités de représentation graphique du mouvement individuel en mettant en parallèle ceux d’un danseur (du répertoire classique) et ceux d’une personne circulant librement ou non dans un espace géographique. Pourquoi ? Parce que ça peut toujours servir …
(image d’illustration : crédit F. Bahoken, 2017)Ce second billet porte sur les primitives du langage de la cartographie et de la chorégraphie qui servent à la graphie / notation du mouvement. L’objectif est d’essayer de comparer leurs formalisations en prenant l’exemple de quelques objets communs dans les deux disciplines.
PARALLÈLES :
- La cartographie (thématique) et la chorégraphie ont recours à des méthodes de représentation graphique visiblement similaires. La composition part toujours d’une idée (l’intention du choré ou du carto graphe) qui implique, après réflexion et mise en ordre, une symbolisation graphique faisant appel à une écriture plus ou moins formalisée.
- La cartographie mobilise les primitives graphiques élémentaires : le point, la ligne et le polygone, la chorégraphie aussi.
- La cartographie assemble ces primitives pour en faire une grammaire permettant la construction de figures géométriques lisibles au sol, des « patrons », la chorégraphie aussi ;
- En cartographie, ces primitives sont des objets sont le point, la ligne, le polygone, le volume, l’entité floue … représentation des informations géographiques dont ils symbolisent l’implantation spatiale, en chorégraphie, aussi, ces objets sont plus souvent le point et la ligne…
- En cartographie, la combinaison d’un ensemble d’objets forme des « motifs spatiaux » autrement dit des patrons, comme en chorégraphie pour laquelle il est commun de parler de cercle, de demi-cercle, de rang, de file, de carré, de rectangle, de quinconces … décrits par rapport aux « repères au sol » (diagonales, verticales, ..) présentés ici.
- La cartographie enrichit qualitativement le dessin des symboles – pour leur donner une signification dans un contexte thématique donné. Elle mobilise ce que Jacques Bertin (dans l’optique d’une théorisation de la cartographie statistique) a qualifié de variables visuelles, qu’elle adapte depuis une sémiologie graphique plus générale, la chorégraphie aussi.
Exemples ci-dessous avec des variables visuelles qualitatives.
La cartographie offre la possibilité de combiner symboles et variables visuelles pour générer un motif signifiant, la chorégraphie aussi. En voici deux exemples simples.
Essais de comparaison graphiques de motifs
chorégraphiques et cartographiques. Néocarto, 2020.Commentaires bienvenus.
Billet lié : Carto et chorégraphie #1. La scène
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:00
Une carte pour qualifier des migrations pendulaires
sur Carnet (neo)cartographiqueNous accueillons aujourd’hui une jeune géographe géomaticienne, Alice Caron, actuellement en poste dans un bureau d’études du bassin chamberien après avoir obtenu un Master Géonumérique (Université Lyon 2 – ENS – Université de Saint-Etienne). Son stage de Master 1 réalisé en 2017 à l’Agence de développement et d’urbanisme de la région strasbourgeoise (ADEUS), à porté sur l’exploitation d’une matrice de flux domicile-travail. Il a donné lieu à la réalisation de plusieurs cartes parmi lesquelles celle qu’elle a choisi de présenter aujourd’hui. Nous lui laissons la parole …
Qualification des migrations pendulaires dans la région Grand-EstLa carte présente les flux de navetteurs journaliers résidents et/ou exerçant leur activité au sein de la région Grand-Est en 2013. Le fichier qui en résulte intègre principalement des communes infra-régionales, mais aussi des communes limitrophes à la région, tant en France qu’en Allemagne, Belgique, Luxembourg et Suisse.
La population se déplace au gré des avantages proposés par la singularité des lieux.
Au-delà du jeu graphique des lignes qui inscrivent le mouvement dans l’espace, notre intérêt s’est porté sur l’origine et les destinations qui les motivent. Les nœuds migratoires expriment ces objectifs constitutifs du déplacement pendulaire : le travail d’un côté et l’habitation de l’autre. Ces points d’ancrages sont divers et variés, aussi la population se déplace-t-elle au gré des avantages proposés par la singularité des lieux. Le solde net des navetteurs par communes nous a permis de développer cinq profils d’agglomérations, du pôle majeur d’emploi à la commune résidentielle.
Comme partout en France, la région se caractérise par la présence des villes majeures qui concentrent un grand nombre d’emplois, tant hautement que peu qualifiés. Strasbourg, Nancy, Metz, Mulhouse, Bâle et Luxembourg sont les principaux bassins d’emploi dans la région, ils attirent massivement les actifs des communes périphériques. Cette spécificité transfrontalière de la région provoque une dynamique de flux importante et quasi unilatérale en bordure de ses limites nationales. Les salaires plus élevés des pays voisins et la proximité spatiale entraînent un déséquilibre des mouvements domicile-travail infra-nationaux. Les répercussions sont multiples, de l’accessibilité à l’emploi au prix de l’immobilier, jusqu’au profil des navetteurs et des habitant.e.s du territoire.
MéthodologieLes recherches de G. Fusco et al. (2013) et de l’Observatoire des territoires (2016) démontrent la pertinence de l’analyse des entités géographiques fixes dans l’étude des flux. Nous nous sommes basés sur ces recherches afin de constituer cette carte qui représente les communes de destination et d’origine des navetteurs en se proposant de les qualifier.
Le logiciel R {flows} et le plug-in flowmapper de Qgis ont été les deux outils utilisés pour mener à bien ces traitements. L’objectif de ce travail a été de proposer un enrichissement conceptuel et technique pour l’analyse des interrelations géographiques.
Au vu de la complexité de traitement du fichier très volumineux des déplacements pendulaires dans la région Grand-Est avec excel et Qgis, nous nous sommes portés sur l’utilisation de R. Ce logiciel libre permet de nombreux traitements statistiques. Stable et puissant, son usage nous a permis de développer une méthodologie permettant d’automatiser le passage d’un fichier source origine/destination/valeur du flux (format long) aux fichiers demandés par l’extension flowmapper (matrices carrées). Ce plug-in reconnaît les nœuds par l’index des valeurs dans les fichiers.
Aussi, [1 :1] dans la matrice carrée correspond à la valeur du lien unissant le nœud 1 au nœud 1 (flux intra entité). Il est possible de calculer, à partir d’une matrice carrée présentant des données quantitatives de stock, la somme de chaque colonne (objet géographique de destination), et la somme de chaque ligne (objet géographique d’origine). Il est donc possible de connaître le flux dominant [Majeur] sortant ou entrant rattaché à une entité (valeur max de la ligne ou de la colonne). Cette connaissance est intrinsèque aux matrices carrés, qui indexent symétriquement (ligne-colonne) la valeur du lien entre couples d’entités.La table attributaire générée par flowmapper associée aux fichiers .shp des nœuds nous permet d’accéder à de nombreuses informations que d’autres plug-in ne produisent pas. Par exemple, nous avons accès au total de flux entrants et sortants, à la somme et au solde des flux, et enfin à un indicateur (1, -1 ou 0) qui atteste d’un gain, d’une perte ou de la stabilité des nœuds. C’est à partir des soldes de flux à la commune que nous avons établi nos profils qualitatifs ainsi que la charte graphique relative aux nœuds.
Compléments sur l’élaboration de la carteLes données à l’origine de ce travail sont de source INSEE (mobilités professionnelles, 2013). Elles décrivent des flux à l’échelle communale pour la France et les pays frontaliers. Nous notons l’absence d’informations sur les navetteurs transfrontaliers venant travailler en France.
Présélection des données
Le tableau a été filtré par plusieurs critères :
Représentation des données
– la sélection porte sur les flux supérieurs à 80 navetteurs quotidiens ;
– la distance parcourue par les navetteurs est inférieure à 250 km ;
– les flux infra-communaux ont été exclus ;
– les flux inter communaux avec les pays transfrontaliers et les départements contigus à la région Grand-Est ont été maintenus.
La Taille des carrés est proportionnelle à la valeur absolue du solde des migrations professionnelles à la commune (transfert net / 300).La qualification des communes est issue de la classification des soldes migratoires réalisée avec une méthode manuelle depuis Jenks.
– G. Fusco et al., “Recompositions territoriales en Provence-Alpes-Côte d’Azur : Analyse croisée par les mobilités quotidiennes et résidentielles”, 2013.
– Observatoire des territoires, Chapitre 2C “La mobilité des actifs, enjeux et défis pour le développement équilibré des territoires, dans Emploi et territoires”, 2016, p.125-129.
– Caron Alice, rapport de stage Master 1 à l’ADEUS: “Recherches exploratoires dans la représentation et le traitement des flux”, 2017.
Alice Caron
@Alice_Caron_
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8:44
[Vidéo] Regards de cartographes
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je partage ici avec vous l’intervention effectuée avec Christine Zanin pour la conférence d’ouverture de la 8e journée SIG de l’université de Laval (Québec) le 13 novembre dernier [voir]. Nous y parlons de cartographie, de sémiologie graphique, mais aussi d’un certain nombre d’enjeux liés aux représentation cartographiques. La plupart des cartes présentées sont issues du livre Mad Maps [voir].
Présentation
Entre art, science et communication, la cartographie est une discipline à la croisée des chemins. Elle emprunte aussi bien à la statistique, à la géodésie, à l’informatique et au dessin avec à chaque fois un double objectif. D’une part, elle est un outil qui permet de chercher à comprendre comment le monde fonctionne et d’autre part, elle le donne à voir à travers des images simples et qui font sens : exploration d’un côté, communication de l’autre.
Cet exercice est semé d’embuches !
Comment passer de la sphère au plan ? Quelle est la meilleure représentation du monde ? Qu’apporte la 3ème dimension ? Comment représenter la complexité du monde ? Comment rendre compte des phénomènes non physiquement perceptibles ?
Le discours cartographique ne peut être unique, il n’y a pas de carte idéale. Il n’y a pas de relation mécanique entre une donnée et son expression graphique. Toute carte véhicule un discours partial et donc forcément subjectif. Le tout est de savoir lequel !
Voir la vidéo
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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23:04
[Expo] Migrations en images
sur Carnet (neo)cartographiqueUne petite exposition de cartes et images coordonnée par Olivier Clochard, Gilles Dubus et Nelly Martin et intitulée Migrations en images est (probablement encore) actuellement visible à La bibliothèque Baulieu, à Poitiers. Initialement programmée du 18 février au 28 mars 2020, elle a visiblement été prolongée suite au premier confinement (les photos présentées ont été prises à la fin du mois de septembre 2020).
L’exposition apparaît comme ça, tout d’un coup à l’approche de l’entrée de la bibliothèque. Toute suspendue qu’elle est, elle file ensuite sur ce mur perforé de sorte que l’on peut regarder ces œuvres en passant son chemin ou bien en s’y attardant quelques instants.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit que ce sont des migrations intéressant plusieurs terrains de recherche qui sont données à voir, dans une extraordinaire variété de contextes géographiques et sociaux. Puisqu’il n’est pas possible de tous les citer et qu’il faut choisir, mentionnons seulement ceux qui commencent par un A : l’Afrique subsaharienne, l’Algérie, l’Argentine et Athènes.
Cette variété des terrains présentés inscrit d’emblée ces migrations à différentes échelles.
L’exposition propose en effet un triple regard sur les personnes concernées, sur leur parcours et sur les lieux pratiqués, avec en fond constant l’effet des politiques migratoires européennes qui, pour certaines d’entre elles, » […] pèsent [vraiment] bas et lourd comme un couvercle sur leurs têtes » [1].Un premier regard montre l’expérience individuelle pendant la migration, donc ce qui relève de l’individu, de son parcours, de son voyage ; le deuxième regard décrit ce qui relève des lieux ponctuant le parcours : ils sont appréhendés à différentes échelles (du logement à l’État Nation) et relève de plusieurs situations (résidence, enfermement, etc.).
La variété des terrains fait écho à la variété de styles présentés sur des supports homogènes dans leur taille et dans leur matériaux. On distingue toutefois deux séries se panneaux.
La première série est remarquable par le style en noir et blanc très reconnaissable de Lucie Bacon.
La seconde série est réalisée par différents auteurs et autrices qui présentent des œuvres complémentaires sur un même sujet.
Le travail de Brenda Le Bigot, par exemple, illustre des migrations Nords – Suds par un ensemble d’œuvres complémentaires. Cartes, dessins et photographies cohabitent en effet pour proposer plusieurs visions de parcours migratoires ainsi que la fabrique des documents proposés ; de la collecte des informations, leur capture par la photographie jusqu’à leur retranscription sous la forme de récits et de croquis dévoilent à la fois les étapes et les résultats d’une recherche. Les extraits présentés ci-dessous portent sur la migration des séniors.Un autre exemple de cette série est proposé par Olivier Pissoat et Olivier Clochard, avec une planche présentant carte, dessins et plans décrivant le parcours de Morteza. Par rapport à la version de ce parcours précédemment présenté dans l’Atlas des migrants en Europe (2017), la planche montre en particulier la longue détention de Morteza dans un commissariat de police dont le plan à été réalisé par Morteza lui même.
Au final, une jolie exposition qui souligne la variété des migrations internationales, suggère leur caractère universel par leur expression en tous points du monde, à toutes les échelles, à tous les niveaux comme pour nous signifier que, finalement, ce phénomène concerne chacun de nous.
[1] Spleen, Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire (1857 – réédition 1861).
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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21:53
Géovisualiser des flux aériens, les contributions au mapathon de cartomob
sur Carnet (neo)cartographiqueUn Concours de (géo)datavisualisation de données portant sur des mobilités a été réalisé dans le cadre du colloque Tous (im)mobiles, tous cartographes?, du 7 au 18 octobre 2020 et clôturé le 2 novembre 2020 à 20h lors d’une soirée de présentation des contributions lauréates réalisée en Web conférence.
Les 14 contributions reçues mettent en œuvre un jeu de données [Voir] décrivant l’évolution spatio-temporelle du trafic aérien (passagers et fret : biens et courrier) ont été reçues.Cet événement correspond au deuxième événement de ce type spécifique à des données de mobilité, réalisé avec le concours de l’association Toulouse Dataviz (voir la précédente édition).
Concernant les outils mobilisés, QGIS apparaît en tête dans cette session, avec une mobilisation dans presque la moitié des contributions ; il est suivi par Mapbox et Python. Plusieurs composantes du javascript permettant d’ajouter une composante web et interactive aux images obtenues ont également été mobilisées. On notera l’absence d’outils spécifiques de cartographie thématique (seul Khartis semble avoir été mobilisé pour la préparation d’un fond de carte).
Plus d’information ce mapathon sont disponibles ici.
Autre contribution notable mobilisant les données de ce mapathon : Le transport aérien en France métropolitaine en 2019, réalisée avec Excel, Magrit et Illustrator, par Jean-Christophe Fichet (Cartolycée)
Billet lié : Quelles technologies pour visualiser des flux ?
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:50
Géovisualiser des stocks comme des flux
sur Carnet (neo)cartographiqueUne carte de flux est traditionnellement réalisée à partir de données archivées dans un tableau croisé, que l’on nomme une matrice de flux. Par convention, par chez nous du moins, sont mentionnées en lignes les entités d’origine et en colonnes, celles de de destination. Le croisement d’une ligne et d’une colonne décrit une quantité transferée depuis une entité d’origine vers une entité de destination.
Cette matrice est donc composé de deux grandes parties exploitables dans un processus de cartographique :– une partie centrale, son cœur, qui décrit cette quantité transférée entre les couples d’origine-destination ;
– une partie périphérique, les marges, qui décrivent soit le total émis par une entité (située en ligne) ou soit le total reçus par cette même entité (située en colonne).Partant de là, différents indicateurs peuvent être calculés … de même que différents raisonnements peuvent être adoptés pour analyser les données de cette matrice et les visualiser notamment par voie cartographique, en fonction de leur thématique, afin de les communiquer à un public donné.
La carte étant un document à destination, sa réalisation est fondamentalement liée à sa thématique.
Illustrons donc ce qui précède, en prenant l’exemple d’une matrice de migrants. Cela nous permet de faire le lien avec MigrExploreR (3) qui propose une géovisualisation de stocks (de migrants) sous la forme de flux (de populations étrangères).La figure ci-dessous a pour objectif d’illustrer ce passage entre les données numériques dont on dispose et deux grandes possibilités cartographiques. Il est important de noter que ces deux possibilités correspondent à deux logiques de raisonnement bien distinctes :
– une logique de lieux : je regarde ce qui qui se produit au pays de destination (ou d’origine) ;
– une logique de flux : je regarde comment les pays d’origine et de destination sont reliés, mis en relation par l’existence d’une quantité de population (un stock, donc) qui a été transférée (un flux, donc) à un moment donné.Interprétation :
en supposant que A, B, C et D soient des pays, on observe que le pays B a accueilli 8 personnes ayant la nationalité du pays A, ce qui témoigne d’un transfert de population que l’on peut formellement représenter par une flèche (bleue ci-dessus). Inversement, 6 personnes du pays B résident dans le pays A. C’est cette vision que MigrExploreR (3) propose.
Le pays A accueille au total 17 personnes qui proviennent / ont la nationalité exclusive d’un autre pays. Dans le même temps, ce même pays B a accueilli 14 personnes, tandis que 11 de ses compatriotes (individus de nationalité B) résident à l’étranger ; le pays B possède donc un volume total égal à 25 personnes, que l’on peut représenter par un symbole ponctuel proportionnel (cercle vert ci-dessus).Billet lié :
MigrExploreR (3) pour géovisualiser un flux de populations étrangèresGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:33
Trop Moyen Orient (combien de réfugiés français dans les pays voisins ?)
sur Carnet (neo)cartographiquePour changer de nos ordinaires, nous accueillons aujourd’hui dans Néocarto un artiste enseignant. Julien Dupont (Kobri) est auteur de fictions radiophoniques et cartographiques ainsi que professeur d’histoire-géographie en collège, près de Lyon. Avec ses cARTes, il redessine nos espaces de vie réels et imaginaires, nous transportant, songeurs, vers d’autres ailleurs. Ses cartes explorent et imaginent à l’aquarelle des espaces aussi divers qu’un salon en période de confinement, le Groenland après la fonte de l’Inlandsis ou le dernier plan de partage de la Palestine. Elles mobilisent les ressorts de la cartographie imaginaire pour s’emparer d’un sujet par le dessin et les mots, en proposer un récit. Pour Néocarto, il a choisi le Proche-Orient et la question des réfugiés syriens… Nous lui laissons la parole.
« Au mois de mars 2018 le régime syrien lance une offensive sur la Ghouta orientale (ghouta al sharqia), région périphérique à l’est de Damas, dans laquelle la rébellion à Bachar el Asad a survécu depuis 2012. Cette ultime bataille, présentée dès le départ comme un dernier sursaut de l’insurrection, oppose une armée régulière, aidée par des contingents étrangers, à quelques milliers d’opposants armés, dispersés sur un territoire de plaines agricoles parsemées de villages.
C’est la dernière grande oasis avant le désert de Syrie, partiellement asséchée par l’urbanisation de ces trente dernières années. Elle fait maintenant partie des lointaines banlieues et espaces périurbains de Damas, dont l’agglomération comptait 2,6 millions d’habitants en 2011. Si l’on transposait en France, Douma, la principale ville de la Ghouta, pourrait être l’équivalent d’une ville de l’Essonne. Ou encore Décines dans l’Est lyonnais. Peut-être Martigues et les alentours de l’Etang de Berre. En 2018, une grande majorité des habitants de cette région périphérique ont déjà fui. Les images qui nous parviennent nous montrent des immeubles éventrés et des routes défoncés empruntés par des blindés et des files de gens qui s’en vont encore et encore.
Depuis 2011, la moitié de la population syrienne a été déplacée et presqu’un tiers des Syriens a fui à l’étranger. Vers quels pays sont-ils partis ? Particulièrement la Turquie, le Liban, l’Irak, la Jordanie.
Au Liban, plus d’un million de réfugiés sont arrivés, augmentant sa population de plus de 15%. Ils sont sans doute autour de 2 millions en Turquie. L’Arabie Saoudite en revendique 2,5 millions mais le chiffre est difficilement vérifiable. Le nombre passe brutalement à quelques certaines pour d’autres pays voisins (Israël, Chypre).
Parallèlement, l’Europe voit arriver depuis 2015 des flux de plus en plus denses de réfugiés syriens, dont l’accueil est aussi proportionnellement très variable d’un pays à l’autre (capacité d’accueil de 1 à 30 entre la France et l’Allemagne, de 1 à 7 entre la France et la Suède, cette dernière pourtant bien moins peuplée que le France).
Mais le brassage de ces différents chiffres – suivre des flux d’humains en situation de fuite sous forme de courbes, de diagrammes ou d’énormes points sur des cartes – est finalement impuissant à quantifier la catastrophe syrienne.
Un tiers environ des habitants a fui le pays depuis 2011. Les conditions d’accueil des réfugiés dans les pays voisins sont extrêmement variables. On trouve plus souvent un accueil à l’entrée d’un camping que d’un camp de réfugiés et du personnel d’accueil à Stockholm que dans un village du désert jordanien.
Et nous, vers quels pays nous tournerions-nous
s’il fallait fuir les bombes et les massacres ?Pour cette carte réalisée au moment de l’offensive du régime syrien sur la Ghouta orientale, j’ai imaginé le nombre de réfugiés que provoquerait un conflit tel que celui qui dure depuis 9 ans en Syrie pour un pays comme la France (au prorata de la population déplacée dans les pays voisins).
Aquarelle 20cmX20cm, Julien Dupont (Kobri), mars 2018.Quel pays voisin nous « accueillerait », ou en tout cas nous laisserait rentrer, que ce soit pour nous guider vers un hébergement d’urgence ou plus simplement nous laissera planter nos tentes quechua au bord d’une voie rapide ? Si la France avait connu le terrible enchaînement des évènements qui dévaste la Syrie depuis presque dix ans, une vingtaine de millions de personnes aurait franchi les frontières belges, allemandes, suisses, espagnoles…
Quels pays auraient ouvert leurs frontières,
quels autres les auraient fermé ?Cette carte est une fiction, une tentative de renversement de perspective ; toute ressemblance avec des chiffres ou des pays ayant existé serait purement fortuite, et quelques données ont immanquablement été maltraitées. Elle exprime seulement une volonté de tromper l’œil en manipulant cartes et chiffres, ces objets mentaux qu’on nous sert à volonté chaque jour, et dont on peut essayer de s’emparer pour poser notre propre regard interrogatif sur le monde. »
Julien Dupont (Kobri)
kartokobri.wordpress.com
@kartokobri -
13:29
Passeports : Red is the new Black
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
« Ça impressionne Papier carbone Mais c’est du vent » (Serge Gainsbourg)
Camarades cartographes, une fois n’est pas coutume, je vous livre ici une cartographie par passeports proportionnels (sic). Et oui, sur cette carte, la surface des passeports représentés est proportionnelle à leur pouvoir, c’est à dire au nombre de pays qu’ils permettent d’atteindre sans visa préalable (en 2019 avant l’épidémie de Covid19). Et aussi absurde que cela puisse paraître, en matière de mobilités internationales, la couleur compte. Si vous avez un passeport rouge, sachez que vous pourrez voyager facilement dans 135 pays en moyenne. Si vous avez un passeport bleu, il vous donnera accès à 103 pays. Avec un passeport noir, vous pourrez rejoindre 88 pays. Et si par malheur vous avez un passeport vert, seuls 78 pays vous ouvriront les bras. Par ailleurs, sachez que le passeport le plus « puissant » au Monde est celui des Émirats arabes unis puisque il donne accès à 179 pays à travers le Monde (contre 170 pour un passeport français). A contrario, le passeport le moins puissant est le passeport Afghan, il ne donne accès qu’à 35 pays.
Mais quand même, vous devez probablement trouver ça absurde de prendre comme critère la couleur des passeports, n’est-ce pas ? Et vous n’avez pas tout à fait tort, même si ces couleurs ne sont pas choisies totalement au hasard. Le rouge par exemple, a été choisi à l’époque par les pays communistes, vous comprendrez aisément pourquoi. Mais le rouge, c’est aussi le choix de tous les pays européens à l’exception de la Croatie. La couleur verte quant à elle, a été choisie par la majorité des pays musulmans. Le vert, couleur de l’Islam. Le bleu est quant à lui très présent en Amérique (du nord et du sud). Et enfin les passeports noirs sont extrêmement rares. Seuls 7 pays les utilisent.
Eurasie, Amérique, pays musulmans : au final, ces couleurs renvoient plus ou moins à une régionalisation du Monde. Plus que la couleur du passeport, c’est donc en réalité la place de votre pays dans l’ordre mondial qui détermine votre capacité à franchir les frontières. En d’autres termes, selon que vous soyez ressortissant d’un puissant pays riche en paix ou d’un pays pauvre en guerre, vous n’aurez pas accès aux mêmes opportunités spatiales. Le premier critère pour avoir droit à la mobilité internationale c’est donc avant tout d’être bien né. Ni plus ni moins.
Note : les données utilisées ici proviennent du site passportindex.org [voir]. Mais d’autres classements existent avec des données sensiblement différentes. Voir par exemple henleypassportindex.com [voir].
Passports: Color mattersComrades cartographers, just the once will not hurt, I deliver you here a cartography by proportional passports (sic). And yeah, on this map, the surface of the passports represented is proportional to their power, that is to say to the number of countries they allow to reach without prior visa (in 2019 before the Covid epidemic19). And as absurd as it may seem, when it comes to international mobility, color matters. If you have a red passport, be aware that you will be able to travel easily to an average of 135 countries. If you have a blue passport, it will give you access to 103 countries. With a black passport, you will be able to reach 88 countries. And if by misfortune you have a green passport, only 78 countries will open their doors to you. In addition, you should know that the most « powerful » passport in the world is the United Arab Emirates passport, which gives you access to 179 countries around the world (compared to 170 for a French passport). On the other hand, the least powerful passport is the Afghan passport, which gives access to only 35 countries.
But still, you probably think it’s absurd to take the color of passports as a criterion, don’t you? And you’re not entirely wrong, even if these colors are not chosen at random. Red, for example, was chosen by the communist countries, you will easily understand why. But red is also the choice of all European countries except Croatia. The color green, for its part, was chosen by the majority of Muslim countries. As you know, green is the color of Islam. Blue is very present in America (North and South). And finally black passports are extremely rare. Only 7 countries use them.
Eurasia, America, Muslim countries: in the end, these colors refer more or less to a regionalization of the World. More than the color of your passport, it is actually the place of your country in the world order that determines your ability to cross borders. In other words, regardless of whether you are a citizen of a powerful country rich in peace or a poor country in war, you will not have access to the same spatial opportunities. The first criterion to be entitled to international mobility is therefore above all to be born in a good place. No more and no less.
Note: the data used here come from the website passportindex.org [see]. But other rankings exist with significantly different data. See for example henleypassportindex.com [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:46
La vraie forme de la Terre
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, on vous a menti. Et non, la Terre n’est pas ronde… Pourtant, cette idée était belle. Pour Platon par exemple, la Terre ne pouvait être autre chose qu’une sphère parfaite. Une forme géométrique pure. Ératosthène en calcula même la circonférence il y a de cela 2000 ans. Un véritable exploit quand on y pense. Mais on le sait aujourd’hui, Platon avait tort. Et la réalité est toujours plus complexe que celle qu’on imagine dans nos modèles théoriques.
En fait, même en faisant abstraction des reliefs qui la composent, la Terre n’est pas une sphère parfaite. Ce point n’est pas facile à comprendre au premier abord. Pourquoi la Terre sans ses reliefs ne serait pas ronde ? Pour bien saisir de quoi on parle, il faut imaginer notre planète comme si celle-ci n’était recouverte que d’eau, sans vents, ni courants, ni marées. On le comprend assez vite, la forme de la Terre ainsi définie, on ne peut pas la voir directement. C’est une surface fictive. Une surface théorique déterminant tous les points de notre planète à l’altitude zéro. Mais cette surface, on peut la mesurer. Car celle-ci n’est autre qu’une valeur constante du champ de gravité. On parlera aussi de surface equipotentielle du champ de pesanteur. Pour ce faire, on calcule la valeur moyenne de la gravité (g) au niveau des océans. Puis, on mesure en tout point du globe, les écarts à cette valeur moyenne. Si la mesure est plus petite que g, il y a un creux (ici en bleu sur la carte). Si la valeur est plus élevée, il y a une bosse (ici en rouge sur la carte). Cette surface ainsi définie est ce qu’on appelle le géoïde. Il définit la forme de la Terre au centimètre près.
Or, il s’avère que le géoïde est tiraillé de toutes parts par diverses forces. Tout d’abord, il a tendance a être légèrement déformé par la rotation de la Terre, il est aplati aux pôles et légèrement boursouflé à l’équateur. Mais il est également déformé par tous les astres qui opèrent de l’attraction sur lui, en particulier la Lune et le Soleil. Pensez aux marées. Enfin, il est déformé par les reliefs massifs. On estime par exemple qu’un relief de l’ordre du kilomètre provoque une déformation du géoïde d’environ un mètre.
Au final, le géoïde définit une surface imparfaite, bosselée de toute part, qui ressemblerait plutôt à une patate, comme le montre cette carte animée, réalisée avec un peu de patience avec le langage R. Si cela vous intéresse, les codes sources sont disponibles ici [voir].
The true shape of earthComrades cartographers, you have been lied to. No, the Earth is not round… Yet the idea was beautiful. For Plato, for example, the Earth could not be anything but a perfect sphere. A simple geometrical shape. Eratosthenes even calculated its circumference 2000 years ago. A real masterpiece when you think about it. But we know today, Plato was wrong. And reality is always more complex than what we imagine in our theoretical models.
In actually, even if we do not consider the landforms of which it is composed, the Earth is not a perfect sphere. This point is not easy to understand at first glance. Why the Earth without its reliefs would not be round? To understand what we are talking about, we have to imagine our planet as if it were covered only with water, without winds, streams or tides. We understand it quickly enough, the shape of the Earth thus defined, we can not see it directly. It is a fictitious surface. A theoretical surface determining all the points of our planet at zero altitude. But we can measure this surface. Because this surface is a constant value of the gravity field. We will also speak of equipotential surface of the gravity field. To do this, we calculate the average value of gravity (g) at the level of the oceans. Then, the deviations from this average value are measured at any point on the globe. If the measurement is smaller than g, there is a trough (here in blue on the map). If the value is higher, there is a bump (here in red on the map). This surface thus defined is what is called the geoid. It defines the shape of the Earth to the nearest centimeter.
However, the geoïd turns out that this one is pulled from all sides by various forces. First of all, it tends to be slightly deformed by the Earth’s rotation, it is flattened at the poles and slightly swollen at the equator. But it is also distorted by all the stars that operate attraction on it, especially the Moon and the Sun. Think of the tides. Finally, it is deformed by massive landforms. It is estimated for example that a relief of the order of a kilometer causes a deformation of the geoid of about a meter.
Finally, the geoid defines an imperfect surface, bumpy on all sides, which would rather look like a potato, as shown on this animated map, made with a little patience with the R language. If you are interested, the source codes are available here [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:12
MigrExploreR (3) pour géovisualiser un flux de populations étrangères
sur Carnet (neo)cartographique« La grande vie nous a plongé dans sa grande cohue
Hors y’a pas d’étranger y’a que des inconnus
Yé yé yé yé la – Yé yé yé yé la
Solidarité voila c’est ce qu’on est venu demander
La beauté n’a pas de frontières, la frontière n’a pas de cotés, … »
(M, Toumani et Sidiki Diabaté, Fatoumata Diawara, Solidarité, 2007)Comment explorer/visualiser le déplacement de populations depuis un pays vers un autre, selon leur genre et cela, entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet …
La troisième piste que nous explorons dans ce billet à deux voix ambitionne de répondre aux questions suivantes :
– Quels sont les pays d’origine des populations de nationalité étrangère accueilli.e.s dans un pays donné ?
– D’où viennent ces populations étrangères recensées dans un pays donné ?
– Dans quels pays du monde sont installées les populations de telle ou telle autre nationalité ?
– Où s’installent les femmes françaises ?
– etc.
Les données sont celles qui ont déjà été présentées dans MigrExplorer (1). Elles décrivent littéralement un « stock de migrants » selon leur genre (homme, femme, ensemble), observé en 1990, 1995, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019 pour tous les pays et toutes les régions du monde (au sens des Nations Unies), sous la forme de matrice origine-destination.
L’information que nous mobilisons ici la partie disponible au cœur de cette matrice origine-destination. A noter que les applications précédentes [Migr et Migr 2] exploitent toutes deux les marges de cette même matrice, c’est-à-dire les sommes en lignes et en colonnes qui décrivent respectivement le nombre de personnes genrées émises ou reçues par un pays (un groupe de pays ou un ensemble de plusieurs pays), à une date ou bien sur une période.Le cœur de cette matrice décrit ainsi, par définition et par construction, le transfert ou déplacement d’un effectif de populations depuis un lieu d’origine vers un lieu de destination. Formellement un flux origine-destination.
Précisions sur le flux dont il est questionCette matrice décrit pour un pays donné, la présence étrangère – et non à proprement parler un effectifs de migrant.e.s.
Les migrant.e.s sont des personnes en cours de déplacement (et qui, au moment de l’enquête, ne sont pas encore arrivées à destination finale). Les données ne décrivent en effet pas le voyage réalisé par ces populations étrangères recensées dans un pays autre que celui dont elles portent la nationalité. Il n’est pas possible de savoir par où elles sont passées, quels sont les pays traversés, les routes (terrestres, maritimes ou aériennes) empruntées, quel est le mode de transport utilisé (à pied, en bus, en train, en avion, …), dans quelles localités elles ont résidé pendant leur voyage et avec qui, etc.
Dit autrement, pour une personne de nationalité étrangère recensée comme résidente dans un pays donné, la France par exemple, il n’est pas possible de reconstituer sa trajectoire à partir des données dont nous disposons. Tout au plus savons-nous que cette personne est de telle ou telle nationalité et qu’elle réside sur place en tant qu’étrangère (nous ne savons pas si elle est née en France ou même si elle a résidé dans le pays dont elle possède la nationalité au moment de l’enquête).Le cœur de la matrice met en relation le pays de résidence (celui de destination, la France par exemple) avec un pays d’origine, correspondant à celui dont la personne recensée en tant qu’étrangère porte la nationalité. Il reconstruit par là une donnée origine-destination (OD). Cette situation résulte du fait que la mesure directe des individus qui se sont déplacés sur une période entre deux pays, celle des migrant.e.s donc, tout comme celle de leurs déplacements, les migrations, n’est pas connue avec précision. Basée sur la déclaration des personnes puis sur celle des États, elle est par essence incomplète, sous-estimée ou lacunaire. C’est pourquoi des méthodes de collecte indirectes ont été développées, conduisant à reconstituer des flux à partir de stocks déclarés. C’est le cas de nombreuses données portant sur des flux internationaux, ceux d’étrangers, de réfugiés collectées par l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) ou encore ceux de migrant.e.s que nous mobilisons ici.
Cette donnée OD ne décrit par conséquent ni le voyage, ni le mouvement. Elle ne décrit pas non plus des migrations – c’est pourquoi elle ne devra pas être interprétée comme telle (un mouvement migratoire). Cette OD décrit une et une seule migration par personne – alors que l’on peut raisonnablement supposer que la probabilité que les populations concernées aient changé de lieu de résidence entre deux dates est forte, d’autant plus que la période observée est grande et la distance parcourue (ou l’éloignement depuis l’origine) importante. Cela signifie que cette donnée OD est largement sous-estimée du point de vue du nombre de déplacements réalisés dans la réalité entre les couples de pays concernés.
[NOTE DE F.B.]
Il importe donc de garder à l’esprit que ces données renseignent sur un nombre de résidents de nationalité étrangère par pays, un effectif de personnes ayant la nationalité exclusive d’un autre pays dit d’origine. C’est pourquoi elles mettent en relation un pays d’origine et un pays d’accueil (de destination) que l’on appréhende ici comme un réseau de relations pondérées par l’effectif, et spatialisées.
Ce réseau est formé de l’ensemble de ces couples de pays entre lesquels des populations ont circulé ; l’objet géographique analysé ici est un couple OD. C’est pourquoi il est tout à fait pertinent de le représenter sous la forme d’un graphe pondéré (synonyme : graphe de flux). Un graphe que l’on va juste projeter sur un espace géographique et qui prendra ainsi la forme de graphe spatialisé de relations inter pays, autrement dit de carte de flux.
J’espère avoir répondu ici à la demande de précision de Nicolas Lambert [Voir ici] sur le risque de #mapfail concernant la représentation de stocks de migrant.e.s sous la forme de flux
Balle au centre ?Ce flux de migrant.e.s étant obtenu par construction à partir des effectifs déclarés (l’inverse est également vrai), l’image des relations inter pays qui en résulte est nécessairement complémentaire à celle des localisations des effectifs de migrant.e.s émis ou bien reçus par chacun d’eux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les cartes présentées dans cette série MigrExploreR [Voir Migr] présentent des liens et des cercles.
Complémentarité des interactions et des positionsPour un développement théorique sur cette complémentarité, voir Grasland (2010), accessible ici.
La figure ci-dessous illustre une partie de cette complémentarité par la représentation de la présence étrangère en France, en focalisant l’attention sur le Maroc, comme pays d’origine (symbolisé en orange sur les deux images). Ces deux modalités graphiques correspondent à deux visions strictement complémentaires, alors qu’elles décrivent respectivement un flux par un lien (à gauche) et une localisation par un nœud (à droite), tous deux pondérés par la même quantité : le nombre de personnes de nationalité marocaine résidente en France en 2019.
La représentation sous la forme de liens pondérés orientés illustre les transferts, par des flèches (à gauche). Le Maroc, avec l’une des plus grosses flèches, apparaît ainsi comme l’un des premiers pays d’origine des étrangers présents en France, en 2019. Ce constat est confirmé sur la vision selon les localisations, symbolisées par des symboles proportionnels aux effectifs : le Maroc apparaît effectivement comme l’un des pays le plus important en termes de provenance (il occupe le second rang avec 1 020 162 personnes, derrière l’Algérie, avec 1 575 528 personnes déclarées comme résidentes sur le territoire français en 2019).
Au-delà de ces questionnements thématiques, MigrExplorer 3 permet de questionner des aspects méthodologiques de construction cartographique de ces transferts de populations (au sens statistique) au niveau mondial, sous la forme de flux origine-destination.
Enjeux méthodologiquesCette proposition cartographique souhaite en effet répondre à deux des problèmes de la mise en carte des matrices origine-destination (OD) s’exprimant au niveau mondial à savoir :
La projection cartographique de flux mondiaux
– les problèmes liés au choix de la projection cartographique ;
– le dessin cartographique des flux origine-destination.L’application est présentée sur un globe interactif, en 3D, car la représentation des flux en 2D au niveau monde pose des problèmes liés au choix du système de projection cartographique à adopter.
Au delà des questions liées à la projection en elle-même (Mercator versus Peters par exemple) – entre lesquels l’arbitrage est en réalité « impossible » (Grataloup, 2011) – le fait est que la représentation des flux et mouvements est très sensible aux positions relatives des lieux d’origine et de destination les uns par rapport aux autres.
Deux problèmes se manifestent en particulier :
– un effet d’itinéraire [Voir une description ici, §. 6.2.1.2. p.262 et suiv.] ;
– un effet d’alignement topologique lié au fait que l’alignement (nord-sud ou nord-nord) de certains pays empêche la perception de certaines de leurs relations [Voir une description ici, §. 6.2.1.1. p.261].
Les flux économiques par exemple, lorsqu’il sont importants en valeur, sont majoritairement orientés nord-nord. Leur dessin sur un planisphère classique génère de nombreux traits horizontaux parmi les plus larges (voir ci-dessous une exemple de vue en projection de Mollweide comparé à une projection polaire. Source : Figure 6.4., page 253 (ici).La superposition de ces traits rend difficile la perception des échanges entre les États-Unis, l’Allemagne et la Chine. Pour contourner ce problème, il peut être intéressant d’adopter par exemple une projection polaire équidistante qui positionnera ces pays non pas horizontalement mais aux sommets d’un triangle quasi équilatéral (dessin de droite ci-dessus) … L’image qui en résulte sera plus claire, plus harmonieuse, en même temps qu’elle mettra en évidence la Triade voire les BRICS – rappelons au passage que le choix de la projection mérite d’être adapté à la thématique.
Le choix du globePour résoudre ces problèmes de projection, Waldo R. Tobler a proposé d’utiliser certains systèmes plutôt que d’autres, mieux adaptés aux flux (il nous a d’ailleurs suggéré de développer notre propre système de projection, ce dont nous sommes incapables).
Plus généralement, Tobler a aussi suggéré de recourir au globe, en faisant la proposition ci-dessous pour une représentation d’un phénomène de mondialisation en 2D.Projection du globe en 2D (Source : Waldo R. Tobler)
L’idée d’utiliser un globe pour représenter des flux est une question récurrente assez ancienne, renouvelée avec l’avancée des outils permettant de l’examiner encore et toujours.
L’interactivité apportée par le globe proposé ici est en ce sens très intéressante, car outre la nouvelle vision de ces flux mondiaux, une exploration assez fine en est grandement facilitée par la souplesse et la fluidité de d3.Si cette vision 3D est un enjeu fort de cette troisième application, l’enjeu tient dans le dessin de ces flux sur un globe.
Le dessin cartographique du flux sur un globeLe second enjeux méthodologique fort réside ici dans le dessin des flux, à savoir celui de la flèche. La solution proposée résulte d’un développement particulier réalisé dans le cadre du projet Tribute to Tobler (TTT), le style de la flèche étant à peu de choses près celui du Flowmapper [Voir ici]. Ce migrExploreR 3 est ainsi l’un des exemples d’application web de la cette partie d’un package R TTT, en cours de développement.
L’avantage d’un tel développement du dessin de flèches dans R (Rspatial) tient d’une part, dans la possibilité de leur spatialisation grâce au package {sf} et d’autre part, dans la maîtrise totale de leur géométrie dans l’objectif de progresser dans la sémiologie de ces flux.
Le portage des flèches dans Rspatial les transforme en effet en objets spatiaux, en l’occurrence surfaciques, qui sont définis dans un système de projection cartographique.Exemple de spatialisation d’un symbole de flux.
Cette spatialisation du symbole signifie que leur dessin s’adapte à la projection cartographique du fond de carte – tel un drap que l’on poserait sur une maquette, la flèche peut en épouser toutes les formes.De ce fait, un changement de projection cartographique entraînera un changement du motif intrinsèque des figurés … en même temps que les motifs d’ensemble varieront, par définition, en fonction du choix du système de projection cartographique.
Les flèches ainsi spatialisées peuvent ainsi être (re)projetées à volonté, voire même dessinées sur une sphère en s’adapter soit à la configuration (géographique) de la zone étudiée, soit au point de vue de ces flux, comme illustré sur la figure suivante centrée sur les États-Unis.
Exemple de spatialisation d’un symbole de flux (variante 3D globe)
La maîtrise de la géométrie des flux étend en même temps qu’elle les augmente les possibilités de leur sémiologie cartographique. Rappelons que la pratique usuelle consiste à ne paramétrer que la largeur / épaisseur de la flèche de manière proportionnelle à la quantité de flux symbolisée. Cette pratique apparemment paradoxale [Voir Bahoken et al. 2016] tient au rôle joué par l’espace géographique – via la distance parcourue. Si l’espace est bien pris en compte dans la construction de la valeur du flux (les modèles gravitaires intègrent bien différentes acceptions de la distance ou de l’éloignement/proximités des lieux OD), ce n’était pas le cas pour la construction de la distance cartographique … du moins jusqu’ici.
Comment ça marche ?
Avoir la main sur le dessin cartographique de ces flux va donc permettre de bousculer nos pratiques, de ré-examiner la sémiologie de flux discrets [voir migrExploreR 4], voire même de la dépasser…
En attendant d’y arriver, il est déjà possible de paramétrer différemment (les largeurs) des flèches.Sur le bandeau de gauche, la possibilité d’action sur la carte porte d’abord sur la matrice à analyser (From/To), depuis ou vers un pays, qui est sélectionné dans la foulée.
La deuxième étape est celle du filtrage des valeurs de flux symbolisées pour éviter que la carte soit trop complexe graphiquement (« effet spaghetti »). Ce filtrage consiste à définir l’intervalle de valeurs de flux bornées à afficher, les seuils minimum (et éventuellement maximum).
La troisième étape relève du dessin cartographique de la flèche, selon deux modalités :
– un paramétrage manuel (et visuel) qui passe par la définition d’un seuil graphique permettant de dimensionner la largeur des flèches. L’intérêt du recours à ce seuil est qu’il va pouvoir être appliquée à d’autres cartes et ainsi assurer la comparabilité de plusieurs images ;
– un paramétrage empirique, pour une définition automatique du seuil, qui conduit à un résultat intéressant mais unique et non comparable puisqu’il fonctionne de la même manière qu’une discrétisation / segmentation des valeurs selon un seuillage dit naturel.Une fois les paramètres sélectionnés, la carte décrit alors le résultat de la sélection de flux de migrants d’un pays donné, visualisée sur un globe qu’il est possible de manipuler avec une fluidité assez extraordinaire.
A suivre…
Références mentionnées :
Françoise Bahoken, Claude Grasland, Christine Zanin (2016), D’une cartographie de flux à une cartographie du mouvement. Aspects sémiologiques, Cartes et Géomatique, 2016, pp.65-74. ?hal-01592726?Françoise Bahoken (2016), Chapitre 6. D’une cartographie de flux à une cartographie de mouvements ?tel-01273776?
Claude Grasland (2009), Spatial analysis of social facts: A tentative theoretical framework derived from Tobler’s first law of geography and Blau’s multilevel structural theory of society. Handbook of Quantitative and Theoretical Geography
ou
___________________(2010), Advances in Quantitative and Theoretical Geography, Faculty of the Geosciences and Environment of the University of Lausanne, pp.000-046 ?halshs-00410669v2?Christian Grataloup (2011), Représenter le monde, La Documentation Française, La Documentation
photographique – Les dossiers, n° 8084..Billets liés :
Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow, Carnet de recherches Néocartographiques, URL [https:]
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10556Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR 3 pour géovisualiser un flux de populations étrangères, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10950 -
12:16
Jeu de cartes
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, c’est à vous de jouer. Mettez-vous en situation. Vous êtes un.e astronaute et vous explorez la voie lactée à bord de votre vaisseau spatial. Et là, patatras, alors que vous êtes à l’approche de la planète BX-429, vous êtes percuté.e par un objet non identifié vous contraignant à un atterrissage d’urgence. Votre mission, réparer les dégâts et en savoir plus sur cette planète inconnue. Pour cela, votre intelligence artificielle, bien que facétieuse, sera là pour vous aider.
Ce jeu vidéo cartographique, développé dans le cadre du consortium ImaGEO [voir] pour la fête de la science, a pour but d’initier le joueur, de manière ludique, aux principales notions de la cartographie indispensables pour savoir lire une carte géographique. Qu’est ce que l’information géographique ? Que se cache-t-il derrières les projections cartographiques ? Comment fonctionne la sémiologie graphique ? Pour cela, en plus du jeu vidéo en tant que tel, plusieurs vidéos pédagogiques sont proposées [voir]. A présent, une seule question se pose : saurez-vous retrouver votre vaisseau ?
Le jeu est à retrouver sur [https:]] .
Amusez-vous bien
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:30
Covid19 : 1 million de tests par semaine
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, je poursuis dans ce billet l’exploration des données publiques sur la covid-19. Dans ce travail en pointillé, j’ai choisi cette fois-ci de regarder les données relatives aux résultats des tests virologiques. Ces données sont assez simples à interpréter. Le taux de positivité des tests correspond au nombre de positifs rapportés au nombre de tests réalisés. Les données sont disponibles chaque jour (ou ici, par semaines) par départements et par classes d’âges [voir].
A partir de ces données, j’ai réalisé deux propositions graphiques. L’une est cartographique, sous la forme assez classique d’une carte choroplèthe interactive par départements. L’autre prend la forme d’un graphique assez classique lui aussi, montrant la distinction par classes d’âges. Au regard de cet indicateur statistique, il ne fait aucun doute que l’épidémie progresse dans notre pays, en particulier chez les 20-29 ans.
Mais peut-on résumer la situation sanitaire à un seul indicateur ? Evidemment non. Avec une dangerosité et une létalité différente selon les tranches d’âge, celui-utilisé ici n’est d’ailleurs pas parfait. D’autres données ne seraient-elles pas plus efficaces ? Plus utiles ? Plus pertinentes ? Et quels seraient leurs biais sous-jacents ? Voilà autant de questions qu’il est primordial de se poser lors de la confection d’une carte. En d’autres termes, se demander quel est le bon proxy statistique susceptible de rende compte au mieux d’une réalité géographique complexe à un instant donné. Pas si facile de choisir. Taux de mortalité en part de la population pour montrer la dangerosité du virus et sa diffusion dans l’espace [voir] ? Nombre de personnes en reanimation pour montrer le débordement du système hospitalier [voir] ? Données relatives ? Données absolues ? Ne faut-il pas changer d’échelle [voir] ? En réalité, aucun indicateur n’est parfait et aucun ne suffit à lui seul. Chaque carte produira son propre discours, avec ce qu’il dit et ce qu’il ne dit pas. Gare aux manipulations..
NB : Les codes sources derrière ces visualisations sont disponibles ici :
[https:]]covid19: 1 million tests per week
Comrades cartographers, I follow in this post the exploration of public data on covid-19. In this work, I have chosen this time to look at the data related to the results of virological tests. This data is quite simple to understand. The positivity rate is the number of positive tests relative to the number of tests performed. The data is available daily (or here, by weeks) by department and by age group [see].
From this data, I made two graphical proposals. One is cartographic, in the classic shape of an interactive choropleth map by departments. The other one is a classical chart, showing the distribution by age groups. Considering this statistical indicator, there is no doubt that the epidemic is growing in our country, especially among the 20-29 year olds.
But can the health situation be summed up in a single indicator? Obviously not. With different dangerousness and lethality according to age groups, this one is not perfect. Wouldn’t other data be more effective? More useful? More relevant? And what would be the underlying biases? These are all questions that it is essential to ask when making a map. In other words, what is the right statistical proxy that can best depict a geographic reality at a given moment. Not so easy to decide. Mortality rate to show the dangerousness of the virus and its spread in space [see] ? Number of people in resuscitation to show the overflow of the hospital system [see] ? Relative data ? Absolute data ? Shouldn’t the scale be changed [see]? Relative data ? Absolute data ? Shouldn’t the scale be changed [see]? In practice, no indicator is perfect and none is enough on its own. Each map generate its own discourse, with what it says and what it doesn’t say. Beware of manipulations…
NB: The source codes behind these visualizations are available here :
[https:]]Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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13:33
Geocovid
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, quoi de mieux qu’un globe pour représenter un phénomène à l’échelle globale. Ici, j’ai choisi de représenter les données publiques sur la Covid pour chaque pays du Monde. Réalisée en D3.js [voir], la carte présentée ci-dessus est interactive – le globe tourne et il est possible de survoler les cercles avec la souris pour en connaitre la valeur – et s’appuie sur des données mises à jour quotidiennement – la carte est donc à jour elle aussi. Trois variables sont disponibles : le nombre de décès depuis le début de l’épidémie, le nombre de cas et le nombre de guérisons. Deux options de représentation sont possibles. Une représentation par sphères où la donnée est proportionnelle au volume. Et, plus classique, une représentation par disques où la donnée est proportionnelle à la surface. Notez que ce choix n’est pas anodin. En choisissant le symbole sphère, on minimise visuellement l’écart entre les petits et les gros symboles. Mais ne saviez-vous pas que tout cartographe excellait dans l’art de la manipulation ?
Comrades cartographers, what better than a globe to represent a phenomenon at global scale. Here, I have opted to represent the public data on Covid19 for each country in the world. Made in D3.js [see], the map above is interactive (you can rotate the globe and it is possible to fly over the circles with the mouse to know their value) and is based on daily updated data (so the map is up to date too). Three variables are available: the number of deaths since the beginning of the epidemic, the number of cases and the recoveries. Two representation options are possible. A representation by spheres where the data is proportional to the volume. And, more classical, a representation by disks where the data is proportional to the surface. Note that this choice is not meaningless. By choosing the sphere symbol, you visually minimize the gap between small and large symbols. But didn’t you know that all cartographers are skilled in the art of manipulation?
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:57
Carto et chorégraphie #1. La scène
sur Carnet (neo)cartographiqueDans cartographie, il y a « graphie », dans chorégraphie aussi.
Ceci est un premier court billet, d’une courte série, souhaitant examiner les modalités de représentation graphique du mouvement individuel, en mettant en parallèle ceux d’un danseur (du répertoire classique) et ceux d’une personne circulant librement ou non dans un espace géographique. Pourquoi ? Parce que ça peut toujours servir …
RAPPEL :
La cartographie, c’est l’art de créer des cartes (géographiques). La chorégraphie, c’est l’art de créer des ballets (du répertoire classique). Dans les deux cas, il s’agit de produire une image décrivant un phénomène social. Pour comparer ces deux pratiques, prenons l’exemple de la graphie de la mobilité individuelle.
Ce billet porte sur la scène qui servira de support à la graphie d’un mouvement individuel.
PARALLÈLES :
- La cartographie (au sens de carte thématique) décrit des motifs (des patrons) dotés d’une signification, la chorégraphie aussi.
- La cartographie s’exprime sur une scène (souvent géographique, mais pas seulement), la chorégraphie aussi (la scène est souvent celle d’un théâtre).
- La scène du chorégraphe est une piste de danse, celle du cartographe est une zone d’étude. Toutes deux délimitent un espace géographique (le territoire du danseur, du navetteur, du touriste, etc.).
- La cartographie nécessite des repères spatiaux, c’est-à-dire au sol, la chorégraphie aussi.
- La cartographie s’appuie sur un maillage de l’espace, la chorégraphie aussi. Ce maillage est formé de lignes qui se croisent, définissant ainsi des points de repères, respectivement d’amer ou de coordonnées et des points Vaganova, par exemple.
- La cartographie se destine à un public donné, la chorégraphie aussi. Toutes deux sont donc (destinées à êtres) vues et perçues par au moins un observateur isolé.
- La cartographie est généralement orientée (par défaut vers un nord versus un sud), la chorégraphie aussi (par défaut de face versus de dos) par rapport au public.
- La cartographie est souvent présentée (au public) en vue de dessus, la chorégraphie en vue de face.
Ci-dessous, un essai de représentation graphique formelle comparant la scène du chorégraphe et celle du cartographe, en vues de dessus.
Essai de comparaison graphique des scènes chorégraphiques et cartographiques. (c) Néocarto, 2020.
Commentaires bienvenus.
Billet lié : Carto et chorégraphie #2. Le langage
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:02
Le Flowmapper de Tobler (1979)
sur Carnet (neo)cartographiquePREAMBULE : L’un des objectifs du programme Tribute to Tobler (TTT) consiste à permettre de mobiliser facilement différentes méthodes d’analyse et de cartographie proposées par Waldo Tobler, telles que présentées dans ses articles et supports de communication. Les méthodes et concepts qu’il a mobilisés ont souvent été illustrés par des données analysées à l’aide de programmes développées par l’auteur lui-même, souvent mis à disposition dans une extraordinaire démarche d’ouverture. Il est dès lors possible de les remobiliser voire de les étendre.
Le Flowmapper
Atteindre cet objectif de reproductibilité d’analyses anciennes, souvent complexes dans leur exposé et dans leur mise en œuvre suppose d’une part, une relecture des textes (articles, notes de recherches …) concernés et d’autre part, le re développement des programmes et outils mobilisés dans le ou les textes en question, dans les langages contemporains.
C’est le cas du Flowmapper qui fait l’objet de ce billet à deux voix.Flowmapper, c’est le nom de l’un des premiers, si ce n’est du premier programme de
cartographie automatique de données de flux origine-destination. Rien que cela. Il s’agit donc d’un outil développé par Tobler en 1979, après une série d’expérimentations portant en particulier sur l’automatisation de la carte statistique en général, celle de flux et de mouvements en particuliers (Tobler, 1970).
Le Flowmapper est en effet un outil complet et autonome qui permet de réaliser une cartographie discrète des flux et des mouvements, celle-ci pouvant également être statique (dans son support) continue ou animée. Tobler développe cette approche discrète en parallèle à une approche continue de ces mêmes mouvements qu’il explore alors tant pour ce qui est de leur modélisation numérique que de leur cartographie (processus et représentation) dans le cadre d’une réflexion d’ensemble (Tobler (1987) visant à géovisualiser des matrices OD décrivant des flux, mouvements et trajectoires.
La figure suivante illustre à partir d’une matrice de flux financiers souvent mobilisée par Tobler, ces deux raisonnements discrets et continus ; les cartes représentent toutes deux le bilan net de ces flux [Voir ici] pour décrire la dynamique de ces mouvements financiers.
Source : Tobler (note de recherche non datée), On viewing flow map.
Les cartes discrètes, continues ou animées (Tobler distingue ces trois types) se différencient « […] en fonction de la manière dont elles montrent le mouvement. Le type de carte discrète consiste en des bandes ou des flèches dont la largeur est proportionnelle au volume déplacé […] » (Tobler, n-d.1). Dans ce registre, le Flowmapper permet notamment de filtrer, surtout de dessiner des objectifs surfaciques (et non linéaires) prenant la forme de bandes ou de flèches.
Historique des versionsL’intérêt d’une communauté intéressée par la géovisualisation des flux et mouvements a valu plusieurs existences au Flowmapper, sous la forme de différentes outils développés aux États-Unis, aussi en France !
La version initiale est développée en fortran par Waldo R. Tobler, en 1979. En 1987, une version pour Windows est développée par David Jones, en Visual Basic.Net : la nouveauté est qu’elle présente des graphiques vectoriels « adaptables » pour le rendu des cartes. D’autres versions vont ensuite suivre, proposées par des équipes de recherche. Deux d’entre elles voient ainsi le jour à l’Université de Strasbourg, autour de Colette Cauvin (Laboratoire Image Ville Environnement – UMR 7362) : la première réalisée sur station est signée Elisabeth Renault (1986) lors de son DEA ; la seconde est réalisée par Olivier Kapps (1995-96) pour Macintosh, sous le nom de Superflux. Tobler lui même en propose une nouvelle version pour micro ordinateur en 1987 et l’accompagne d’articles et de notes de recherches. Cette version sera suivie par celle de Alan Glennon (2005) réalisée dans le cadre de sa thèse, toujours accessible sur le site du Center for Spatially Integrated Social Science (CSISS), ici.
S’est ouvert entre temps une période qui voit l’intégration du Flowmapper dans les Systèmes d’Information Géographiques (SIG), alors que l’auteur avait justement vanté le fait que son Flowmapper n’en était pas un, de SIG, que par ailleurs il ne les mobilisait pas : « GISNot Needed ! ». Mais l’attrait des sigistes est si fort que l’avènement des SIG conduit naturellement au développement de plusieurs boites à outils largement inspirées du Flowmapper de Tobler.
On notera pour l’histoire, classées par éditeur, les travaux suivants :
- Applications Mapbasic pour MapInfo : l’outil Flux.mbx développé à l’issue des stages de Irène Goblran (2004) et de Stéphanie Julinet (2005) réalisés au CNRS (Géographie-cités UMR 8504), encadrées par Hélène Mathian. A noter également SpiderGraph ou mieux Fluxour.mbx pour Mapinfo et Arrows40.mbx (de mémoire), mobilisant des figurés liénaires.
- Toolbox pour ArcGis : Le Flowtoolsv069 pour ArcGis développé en VBA par A. Glennon (2006) sous la forme d’un document Arcmap (.mxd) était directement inspiré du Flowmapper (voir supra). Il n’a cependant pas supporté le passage à la version 10x du logiciel. De même que la proposition de G. Danhuai (2011) fortement inspirée des versions de Tobler et de Glennon (2006), mais présentée sous une forme interactive, est désormais inopérante. A noter les outils suivants pour ArcGis8x et 9x : OutildeFlux.dll, Oursins.dll et CreationFlèches.dll mobilisant un figuré linéaire avec un rendu rectilinéaire ou circulaire, qui ne sont donc pas dans la lignée de la proposition de Tobler.
- Plugin pour QGIS : Un plugin Flowmapper pour Qgis est actuellement maintenu par Cem Gulluoglu depuis 2012 [Voir]. A noter que si d’autres plugin QGIS pour cartes de flux existent, ils sont non directement liés aux travaux de Tobler – une recension (datant de 2017) est disponible ici.
Les possibilités actuellement offertes par le Flowmapper ne sont par conséquent disponibles, pour l’essentiel et à peu près facilement, que dans QGIS. Et puis c’est tout. Aucun outil ou package ne permet de reproduire aisément cette proposition qui sert pourtant de fondement à notre pratique actuelle de cartographie de mouvements.
Fonctionnalités historiques
C’est pourquoi, dans le cadre du programme Tribute To Tobler, nous ambitionnons de porter dans R notamment ces méthodes de cartographie des flux / mouvements. L’approche discrète étant principalement examinée par Nicolas Lambert et Françoise Bahoken en liens avec Étienne Côme qui examine en parallèle l’approche continue [voir Winds].Trois grandes familles de fonctionnalités spécifiques à une cartographie thématique de flux OD sont proposées dans le Flowmapper :
- la première permet d’agir sur le dessin des figurés symbolisant les flux (Flow Properties, Flow type/Width, Flow Color et Flow Threshold) ;
- la seconde concerne le dessin des figurés symbolisant des lieux mobilisés dans le système d’échanges (Data Points), mais elle est peu développée. ;
- la troisième relève de la conception d’ensemble de la carte (Backgound & Title), mais elle est logiquement assez limitée par rapport aux potentialités actuelles.
Comme tous les outils destiné à manipuler des matrices OD localisées, le Flowmapper requiert a minima deux fichiers :
- un fichier contenant les coordonnées (X,Y) des lieux d’origine et de ceux destination ;
- un second fichier décrivant l’interaction entre les couples de lieux.
- Des fichiers supplémentaires comportant les noms des lieux ou encore leurs limites géographiques pouvant être ajoutés.
Ces fonctionnalités sont accessibles par une barre de menus, composée de plusieurs onglets. Seuls les onglets typiquement dédiées aux flux vont être présentés ici.
Flowmapper’s project settinf
Les fonctionnalités dédiés aux flux sont d’ordre numériques et graphiques. Elles permettent d’agir soit sur la valeur du flux à cartographier en fonction du type de flux [ Flowtype/Width ], soit sur le filtrage / seuillage de l’information de flux [ Flow threshold ] pour réduire le nombre de figurés linéaires (représenter les flux supérieurs à une valeur donnée) et/ou ponctuels (en choisissant une focale, par exemple celle de ne représenter que les flux émis/reçus par un lieu particulier) ; enfin soit sur le dessin proprement dit du symbole [ Flow property ].
L’idée de décomposer la matrice initiale étant au cœur du raisonnement de Tobler [ Voir le billet Quels flux représenter comment ?] les principales possibilités cartographiques qui en découlent sont logiquement intégrées dans le Flowmapper via les fonctions [ Flowtype / width ] et [ flowthreshold ].
[ Flow Type / width ][ Flowtype / width ] est un onglet complet dans la mesure ou il conduit à sélectionner ET à filtrer les flux ET à arbitrer sur le type de figuré (flèche, bande) à représenter. Les actions qu’ils autorisent ont donc une double conséquence sur la carte : numérique et graphique.
Le Flowtype conduit d’abord à décider de l’une des trois cartes à représenter qui vont mobiliser trois formes de figurés différentes, parce que leur signification en dépend. Rappelons que :
– les OD asymétriques où pour tout (i,j), (Fij) <> de (Fij) ==> deux flèches de sens opposé ;
– les OD symétriques (Fij+) où pour tout (i,j), (Fij) = (Fij) ==> une bande (non orientée) ;
– les OD anti-symétriques (Fij-) où pour tout (i,j), (Fij) = – (Fij) ==> une unique flèche1) Choix de la partie de la matrice à représenter
niveau relationnel (le cœur de la matrice, donc les liens)
– tous les flux, le volume ou le solde bilatéral (all, gross, net, two-way) ;
niveau local (les marges de la matrice, c’est-à-dire les lieux)
– un lieu d’origine ou de destination ou tous les lieux (all, single row or column)2) Tri des flux sélectionnés, de la plus grosse à la plus petite valeur de manière à pouvoir placer alternativement au premier plan, les symboles correspondants aux plus grandes ou aux plus petites valeurs.
Épaisseur du lien
À noter que l’auteur suggère de placer les plus gros symboles au premier plan – en France, on nous suggère plutôt l’inverse.
3) Paramétrage de la largeur graphique du symbole (en points) selon trois possibilités :
[Flow threshold]
– en introduisant une valeur fixe, de sorte que les dimensions des flux soient tous identiques ;
– en rendant les symboles strictement proportionnels à la quantité de flux ;
– en fixant la largeur du maximum graphique sur le maximum numérique.
Seuillage du fluxLe seuillage des flux fait partie des paramètres exclusivement numériques, n’agissant que sur la pondération du lien. En raison de la complexité graphique de la carte qui peut résulter d’une cartographie directe des liens, il s’agit d’appliquer un critère qui va conduire à éliminer une partie de l’information pour ne conserver que les figurés jugés significatifs, représentatifs, majeurs, principaux … bref, ceux qui intéressent l’analyse et dont la modélisation ou sélection a nécessairement été réalisée en amont de cette étape de représentation.
L’objectif du filtrage étant d’assurer la « clarté de la figure », définie par Tobler (dans l’une de ses notes de recherche non publiée, voir référence) comme une propriété essentielle de la carte de flux.Les possibilités de filtrage proposées relèvent de :
– l’application d’un seuil tel que : la moyenne des flux, un pourcentage du total de l’information (par exemple, 70% de l’information totale de flux), une valeur spécifique ou encore un maximum attendu ;
– la représentation de toute l’information de flux, donc sans seuillage.À noter que Tobler suggère d’utiliser par défaut la valeur moyenne des flux calculée sur l’ensemble des flux observés (hors diagonale et marges, faut-il le préciser ?). Il ajoute par ailleurs que l’interprétation de cette moyenne est sensible selon le type de flux représenté (elle sera généralement importante pour les flux bruts et plus faible pour les flux nets).
[Flow Color]
Couleur et dessin des figurésLe Flowmapper permet d’agir sur les couleurs des figurés linéaires, ou ponctuels.
Concernant les liens, il est possible de modifier leur :
– Couleur : du contour ou du fond. Pour le fond la teinte du symbole peut être unie ou nuancée, selon un gradient qui est soit proportionnel aux valeurs de flux correspondantes – afin que les plus gros flux présentent l’intensité de teinte la plus forte –, soit inversement proportionnelle pour focaliser l’attention sur les plus petits flux (lesquels sont souvent les plus longs). La construction de ce gradient admet trois couleurs de manière à pouvoir gérer les superpositions (deux couleurs pour le dégradé du fond et une troisième pour le contour).
– Forme : choix du style de lien (flèche, bande)Concernant les lieux, il est possible d’afficher des points de coordonnées, à défaut les centroïdes de zones, et de leur appliquer une variation de :
– forme : au choix de cercle, carré, triangle ou aucune ;
– couleur : de fond ou de contour ;
– de taille ;
– de label au survol de la souris.Quelques éléments d’habillage complémentaires très rudimentaires sont en outre proposés, tels l’affichage d’un titre ou le paramétrage du fond de carte.
La carte ci-dessus a été réalisée par Tobler, à partir de données de traffic routier français interdépartemental (données qui lui auraient été transmises par un certain monsieur Saligny).
Précisions sur l’usage de la couleur / noir et blancSource : Tobler (1999), France_road_traffic_Map.png
Tobler apporte notamment les précisions suivantes concernant l’usage de couleur (dans le Lisez-Moi 1rts.Read disponible dans les jeux de données fournis avec le Flowmapper). Ayant accès au corpus de travaux et documents de l’auteur, nous avons pu retrouver les fichiers d’illustration (Black & White.tif) mentionnés ci-après.
« Les cartes en couleur [comme ci-dessus] se convertissent bien en niveaux de gris pour l’impression en demi-teinte, mais si vous souhaitez réaliser une carte entièrement en noir et blanc, procédez comme suit. Choisissez le blanc pour le fond et pour la carte muette, choisissez ensuite le noir ou le blanc pour les bandes / flèches de flux. Lorsque les bandes / flèches sont blanches, spécifiez un bord plus large en noir pour les distinguer sur la carte, et pour montrer le chevauchement clairement.
Si les bandes ou les flèches sont en noir, choisissez un bord blanc pour la même raison. De plus, avoir un bord plus large en noir pour le contour du polygone est généralement approprié. Un exemple est donné sous la forme de Black & White.tif dans le dossier USA/By Age/Maps » [cartes ci-dessus].
Quelques enjeux cartographiques d’une relecture du FlowmapperLe premier enjeu tient au type de figuré symbolisant les flux. Ce figuré étant surfacique (et non linéaire comme souvent), il prend la forme de polygones. Ce changement de figuré signifie que la construction graphique du flux s’appuie sur un objet dont l’aire est (potentiellement) mesurable. Porter la construction de cet objet dans Rspatial va donc nous donner la main sur toutes les dimensions de ce figuré – ce qui n’est actuellement possible dans aucun outil à notre connaissance. Dit autrement, mobiliser un polygone, c’est enrichir la construction cartographique du flux en étendant les possibilités d’actions lors de la fabrication du figuré, en rajoutant en l’occurrence la dimension de surface comme paramètre de dessin.
Rappelons que seule la dimension de largeur / épaisseur (disponible pour les symboles classiquement mobilisés : flèches, bandes, etc.) peut être aujourd’hui paramétrée (y compris dans le Flowmapper) pour construire le flux. Cela soulève un paradoxe dans la mesure ou l’œil humain perçoit cette largeur, mais aussi une tâche visuelle (sous forme de flèche) qui correspond à leur aire (voir Bahoken et al, 2016). Leur longueur n’est pas mobilisable a priori, car elle correspond à l’espacement des OD, un critère déjà donné par le système de projection du fond de carte sous-jacent. Dans une projection donnée, les positions relatives des lieux les uns par rapport aux autres sont absolues et, dans une approche géographique qui mobilise le rôle joué par l’espace ou le territoire dont il est question, il n’est pas envisageable de modifier arbitrairement ces positions. (Il est évidemment possible de changer de système de projection global ou de raisonnement théorique pour modifier les positions des lieux ; aussi d’utiliser des métriques non géométriques pour représenter par exemple la morphologie du système de flux sous la forme de graphe, mais n’oublions pas que dans ce cas, la composante géographique est perdue…).
Le fait que l’œil perçoive la largeur, la longueur et la surface d’un figuré, mais qu’il ne soit possible que d’agir que sur la seule largeur pour construire ce même figuré pose donc un problème.Le second enjeu notable est que cet objet polygone peut désormais être spatial, ce qui signifie qu’il va pouvoir être assorti d’une projection cartographique qui lui sera intrinsèque. La nouveauté ici est que cette projection cartographique pourra être intégrée à la fabrication de l’objet, au dessin lui-même – sachant par ailleurs que cet objet a pour vocation d’être spatialisé, autrement dit projetté sur une carte.
Cette nouvelle possibilité est très utile lorsqu’il s’agit de représenter des flux mondialisés sur une sphère, comme illustré par la figure ci-dessous où l’on voit bien comment le figuré épouse la rotondité de la sphère (figure de droite). [Voir migrExploreR3 ]Enjeu de la possibilité d’une spatialisation du symbole de flux.
Vers une version 2 du FlowmappeR de Tobler, Tribute To Tobler, 2020.Sur un plan purement cartographique, on peut donc faire l’hypothèse raisonnable que pouvoir mobiliser des polygones spatiaux orientés ou non n’est pas qu’un artifice graphique. Si cela présente un risque apparent de #mapfail (voir Bahoken et al, 2016 – nous y reviendrons dans un prochain billet), qui va d’ailleurs se renforcer pour certains types de flux (les migrations par exemple), c’est notamment parce qu’il conduit à questionner les fondements théoriques de la construction (cartographique) du flux et leur interprétation, au regard du système sémiologique actuel. Aussi parce qu’il va nous pousser dans nos retranchements. Si l’action sur l’épaisseur du symbole du flux ne conduit pas à un résultat faux, celle menée sur sa surface (moyennant le jeu de variables visuelles additionnelles) devrait nous permettre d’avancer dans la possibilité de cartographier des mouvements.
Références de Tobler mentionnées
– Tobler, W. R. (n.-d.1), On viewing flow map, Note de recherche non datée, 6 p.
– Tobler, W. R. (1979), A geographical flow mapping program, Geographical Analysis, n°13, Vol. 1, pp. 1-20.
– Tobler W. R. (1982), Cartographic study of movement tables, Presentation in the National Computer, Graphic Assembly – session on Statistical Graphics – Mapping, Anaheim, 17-06-1982.
– Tobler W. R. (1987), FlowMapper Tutorials.
– Tobler, W. R. (1988), Resolution, resampling and all that, Paper for Discussion at the International Geographical Union Global Database Planning Project, Tylney Hall, England, May, 9-13, 1988, 9 p.Billets liés à TTT
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur ljegou Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le site de @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Autres références mentionnées
Bahoken F., Grasland C., Zanin C. (2016), D’une cartographie de flux à une cartographie du mouvement spatial, aspects sémiologiques, Revue Cartes et géomatique, Comité Français de Cartographie (CFC), n° 229-230, 2016, pp.65-74.
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11:57
Back to Nuit Debout
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, je vous propose avec ce court billet de rentrée, un petit retour en arrière. Au printemps 2016, la France connaît un grand mouvement social contre la loi travail, avec des grèves et des manifestations massives. C’est sur ce terreau de contestation populaire que né le mouvement Nuit Debout, sur le modèle d’Occupy Wall Street et des Indignés espagnols. Ces rassemblements en plein air ont débuté à Paris le 31 mars et ont duré plusieurs semaines. Mais loin de se limiter à la capitale, ceux-ci en essaimé partout en France. Pour s’en rendre compte, une équipe de multidisciplinaire composée de géographes, historiens et sociologues a réalisé une base de donnée exhaustive recensant tous les rassemblements du mois d’avril [voir]. Pour cela, trois sources ont été utilisées : le wiki créé par le mouvement lui même, les pages et groupes Facebook créés par les assemblées locales et la presse régionale. Au total, les sources ont permis d’identifier 1300 assemblées qui se sont déroulées dans 215 lieux différents. L’ensemble des données est disponible en ligne [voir]. La carte ci-dessous, réalisée en D3.js [voir] n’en est que l’expression graphique interactive.
Bonne rentrée à tou.te.s.
Comrades cartographers, I propose to you with this short post, a small step back in time. In the spring of 2016, France is experiencing a major social movement, with strikes and massive demonstrations. It is on this ground of popular protest that the French Nuit Debout movement was born, based on the model of Occupy Wall Street and the Spanish Indinados. These open air assemblies began in Paris on March 31 and lasted several weeks. But far from being limited to the capital city, they spread all over France. To find out, a multidisciplinary team of geographers, historians and sociologists has compiled an exhaustive database listing all the April gatherings [see]. Three data sources were used: the wiki created by the movement itself, the Facebook pages and groups created by the local assemblies and the regional press. In total, the sources made it possible to identify 1300 assemblies that took place in 215 different places. All the data is available online [see]. The map below, made in D3.js [see] is only its interactive graphic expression.
Have a good start to the new school year.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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9:04
Quelles technologies pour visualiser des flux ?
sur Carnet (neo)cartographiqueOn ne peut que se réjouir de ce que la cartographie des interactions territoriales, sous la forme de carte flux, participe aujourd’hui pleinement des nouvelles fabriques de la carte, celles qui sont propres au geoweb.
Les nouveaux outils – qui à force d’être nouveaux, le sont de moins en moins – apparaissent désormais appropriés par la communauté des géomaticien.ne.s – cartographes – Voir à ce sujet ce billet le blog du Master géonumérique ici. La compétence en développement largement reconnue comme essentielle pour la manipulation quotidienne de données localisées, l’est désormais pour les données bi localisées, de type flux OD ou de réseaux.
Des utilisateurs de plus en plus divers et nombreux se sont d’ailleurs appropriés ces outils, en témoigne le nombre croissant et la variété des dispositifs de géo visualisation de flux et réseaux actuellement accessibles en ligne (voir un aperçu ici).
Il faut dire que l’intérêt pour ces outils est renforcé par diverses sollicitations dont les développeurs peuvent faire l’objet, sollicitations d’autant plus encourageantes qu’elles prennent la forme de concours de type Mapathon. Si tous ne sont pas fructueux en termes de résultat, de style ou d’innovation des propositions, le Mapathon organisé par l’association Toulouse-Dataviz (TDV) organisé en 2019 sur des OD mérite qu’on s’y attarde.
L’exemple d’un Hackaviz dédié aux OD
Source : http://toulouse-dataviz.fr/hackaviz-2019-2.
Le Hackaviz est un terme introduit par l’association TDV pour signifier Concours de visualisation de données en temps limité, seul ou en équipe. La seconde édition organisée en avril 2019, était dédié à l’exploitation d’une matrice de flux de travailleurs de la région Occitanie, extraite du fichier Mobilités professionnelles des individus (MOBPRO) de l’INSEE accessible ici. L’objectif affiché était simple. Il s’agissait de produire une analyse visuelle des données de flux de l’Occitanie et non seulement une simple visualisation !.
Les participant.e.s ont eu dix jours pour « raconter une histoire à partir des informations […] avec des graphiques [réalisés] à partir d’un jeu de données original seul ou en équipe .»
Pour préparer / accompagner les travaux, quatre newsletters ont été proposées :
– Pourquoi visualiser [Voir] ?
– Comment visualiser [Voir] ? ;
– Outils et exemples, avec notamment un lien vers le Dataviz tools ;
– Exemples & entraînements [Voir].L’événement a connu un certain succès. Près de la moitié (37) des 85 personnes inscrites ont contribué à l’une des 24 productions, souvent seul.e (16 sur 24) ou en équipe (8 sur 24).
Quelles outils utilisés lors du #Hackaviz2019 ?Les participant.e.s ont mobilisé différents outils, souvent en lien avec la visualisation (voir graphique ci-dessous). A noter la popularité de R et Tableau mobilisés chacun dans 4 propositions, ils sont suivis par Python vu comme le second grand environnement de développement avec R.
Les langages permettant d’ajouter une composante web et interactive aux images obtenues, à savoir JS & d3 et Plotly sont logiquement bien positionnés en tête. Hormis Tableau qui réussi à se glisser dans le carré de tête, le premier outil propriétaire est issu de la gamme de Microsoft (Excel puis Powerpoint) tandis que sa version libre (Libre Office) n’a été utilisé que par une seule proposition.
Quelles images obtenues ?
Ces outils sont-ils libres ?
D’après Nicolas Roelandt qui avait examiné avec attention le graphique ci-dessus (merci à lui !) en tant que spécialiste de ces questions [Voir son ouvrage], le fait que la moitié des technologies mobilisées dans ce hackaton présente des licences de type FOSS (Fondation Open Source Geospatial) est plutôt bon signe.Les 24 productions finalement présentées lors du #Hackaviz2019 ont fait preuve d’une variété graphique et d’une richesse sémiologique qu’il convient de souligner, révélant le dynamisme d’une communauté spécifique de data visualisateurs qui ne semblent plus (?) insensibles à la signification de l’information représentée.
Ces productions peuvent être classées en deux familles selon leur support numérique interactif (14 sites) ou statique (10), en témoigne cette petite sélection.
Tous les résultats peuvent être consultés individuellement sur une page dédiée [voir]
Quels langages pour demain ?Ces quelques réalisations apportent un aperçu de l’image cartographique contemporaine de ces navettes domicile-travail, dont le renouvellement est nécessairement lié aux possibilités technologiques du moment …
Cela étant, s’il n’est pas nécessaire de connaître tous les langages du moment, on observe toutefois la permanence de grands standards, comme l’illustre cette série de graphiques proposée par la chaîne Data Is BeautifulI dans une vidéo sur les Most Popular Programming Languages 1965 – 2019.A noter l’analyse réalisée par Axel Fourneyron (2019) sur les langages de programmation cartographique de demain [Voir]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:38
Quels flux représenter comment ?
sur Carnet (neo)cartographiquePREAMBULE : Ce billet est un rappel en version courte d’une approche classique de cartographie thématique sous la forme de flux origine-destination, que j’ai déjà pu présenter à plusieurs reprises dans différents contextes (voir réf. en fin de billet). Que les initi.é.e.s m’en excusent. Si je propose cette version – billet, c’est pour rappeler ces bases (histoire que l’on sache bien de quoi on parle, parce que cela va nous servir pour la suite) sur lesquelles Nicolas lambert et moi-même nous penchons en particulier dans le cadre du programme Tribute to Tobler TTT pour ré-examiner la partie des travaux de Tobler qui porte sur une approche discrète de la cartographie des interactions spatiales – à noter que l’approche continue étant notamment examinée en parallèle par Étienne Côme – voir notamment ses Winds.
Les matrices de flux correspondent à « […] ces tables [qui] peuvent être décomposées en deux parties, une partie symétrique et une partie antisymétrique. Pour les statisticiens de l’auditoire la variance totale peut également être divisée en ces deux parties ».
Waldo Rudolf Tobler (1979).La matrice de flux étant un objet complexe à manipuler, le choix du flux à représenter est un paramètre fondamental. Du point du vue de la matrice origine-destination (tableau croisé lignes*colonnes) et dans une perspective d’analyse géographique, faut-il s’intéresser :
– aux interrelations entre les lieux (le cœur de la matrice) ?
– aux interactions entre les lieux (le cœur pondéré de la matrice) ?
– aux lieux de destination (les colonnes) ?
– aux lieux d’origine (les lignes) ?
– à un seul lieu, d’origine et/ou de destination (une seule ligne et/ou colonne) ?
– ou encore aux effets de ces interactions sur la distribution des lieux d’origine et/ou de destination (les marges du tableau) ? ;
– à tout ce qui précède ?
– etc.Pour tenter d’y voir clair, Tobler (1979, 1982) a proposé de décomposer l’information du coeur de la matrice de flux en deux sous-parties complémentaires.
Rappelons au passage – car il faut toujours rendre à César ce qui lui appartient – que cette idée de « décomposition » s’inscrit dans la suite logique de celle de « simplification » proposée par Jacques Bertin (1973).
« Lorsque l’on veut tout représenter sur une même carte [de flux], des simplifications s’imposent. Elles peuvent être de diverses natures : 1°) Représentation de la balance entre les deux sens, ce qui divise le réseau par deux et évite les allers et retours. Mais la vision de la masse migrante disparaît […] ». Jacques Bertin (1973).
Bertin propose de représenter soit l’existence d’une liaison (Lij), soit la balance migratoire, ce que propose également Tobler et d’autres auteurs, mais en allant plus loin, en proposant de décomposer une matrice de flux quelconque en deux composantes complémentaires.
Principe de la décomposition des flux selon ToblerL’objectif d’enrichir la cartographie discrète de la valeur de flux (Fij) à représenter, que celle-ci ait fait l’objet d’une modélisation en amont ou non – c’est très important -, en la décomposant en deux sous-parties complémentaires :
– l’une décrivant le fond vital du système d’échanges (Fij+), sous la forme d’un volume bilatéral total ;
– l’autre décrivant la dynamique du système d’échanges (Fij-), via le bilan, balance ou solde bilatéral net ;
sachant qu’il est toujours possible de représenter
– l’ensemble des flux bilatéraux (Fij) = (Fij-) + (Fij+)Cette proposition théorique présente plusieurs avantages méthodologiques qui sont liés à la conception de la carte en lien avec les données dont on dispose.
En utilisant la propriété générale de symétrie des matrices OD par rapport à la diagonale principale, la décomposition entraîne une division par deux du nombre de figurés linéaires à représenter, allégeant ainsi considérablement l’image.
Cette forme de « symétrisation », en modifiant les valeurs de flux, introduit également des variations de forme des figurés associés à chacune des sous-parties – elle a donc des conséquences graphiques directes. Si un système de double flèches convient pour le (Fij), une seule flèche est requise pour le (Fij-) et une bande pour le (Fij+), comme illustré par ce tableau récapitulatif.Les OD symétriques symbolisées par une bande suppriment par ailleurs l’orientation des figurés, ce qui n’est pas peu, vus mes / nos problèmes (dans R spécialement) liés à la gestion des dispositions des têtes et des queues de flèches visant à montrer un effet de convergence (ou de divergence) des flux vers (ou depuis) des lieux de destination (ou d’origine) mais … heureusement que Nicolas Lambert a très rapidement pu régler ce problème spécifique en deux minutes trente chrono et en plein confinement. Merci à lui.
Application cartographique
De la même façon, la représentation des OD non symétriques induit une difficulté supplémentaire liée à la gestion des dispositions des figurés d’orientations opposées entre les mêmes OD, leurs dessins respectifs obligeant au respect d’un parallélisme parfait, pour évoquer l’éventuelle bilatéralité des interactions représentées … mais heureusement que le confinement a un peu duré, car du coup, Nicolas Lambert a aussi pu régler cet autre problème dans R, quoique plus compliqué que le précédent. « – Je t’assure que là, elles sont bien parallèles les flèches « .La proposition initiale de Tobler conduit finalement à trois principaux types de cartes de flux fondamentalement différentes, alors qu’elles portent sur les mêmes données. Ces trois cartes correspondent en réalité à trois types de matrices différentes, que j’avais déjà présenté, en version longue ici (pp. 109-140) et en version courte ici. Aussi ici en version atelier pour les géomaticiens sous QGIS.
Carte 1. Flux observés
Pour illustrer brièvement le résultat cartographique, considérons trois cartes réalisées par Tobler lui-même, à partir d’une matrice de migrations intra-européennes de 1990.Les flux observés (Fij) sont généralement asymétriques : le flux de i vers j est (généralement) différent du flux de j vers i : (Fij) <> (Fji) .
C’est pourquoi ces flux sont symbolisés par deux flèches , d’épaisseurs différentes et d’orientations opposées.
– On ne fait pas un rectangle ou une seule flèche pour représenter ces matrices asymétriques, juste parce que l’on trouve que c’est joli. Faire cela, c’est supprimer arbitrairement des inter relations ou interactions entre des lieux.
– Le seul cas pour lequel on pourrait substituer une flèche par une bande, est dans la représentation des flux dirigés vers / depuis un seul lieu, aussi dans celle des accessibilités – c’est la méthode dite des oursins.Sur le plan (carto)graphique : les tracés sont droits et strictement parallèles, leur dessin évoque la métrique euclidienne (le vol d’oiseau) puisque le mode de transport n’est pas considéré dans les données, ni dans leur cartographie. Dit autrement, les contraintes (notamment) géographiques liées au déplacement ne sont pas prises en compte dans cette cartographie.
Carte 2. Volume bilatéral de fluxLa composante symétrique (Fij+) de cette même matrice se symbolise par une bande, typiquement par un rectangle unique (en raison de la symétrie des valeurs). La carte illustrer un volume bilatéral des échanges.
Sur le plan (carto)graphique : les tracés sont également droits et leur dessin évoque aussi la métrique euclidienne, pour les mêmes raisons que précédemment.
Carte 3. Solde (ou bilan net)La composante antisymétrique (Fij-) de cette même matrice se symbolise par une seule flèche, car les valeurs situées de part et d’autres de la diagonale principale sont similaires, mais de signes opposés. La représentation de la moitié (des figurés) de la matrice suffit donc pour symboliser le flux, sous réserve que cela soit précisé en légende – à noter que les images d’origine présentées ici ne sont pas dotées de légendes.
Trois possibilités sont en effet envisageables selon qu’on appréhende le (Fij-) :
a) en valeur absolue |(Fij-)| en combinant avec des éléments supplémentaire de sémiologie
b) par ses valeurs positives : (Fij-) > 0
c) par ses valeurs négatives : (Fij-) < 0.Le choix de l’une de ces possibilités dépend de la thématique de la matrice sous-jacente (flux migratoires, commerciaux, financiers …) et de l’interprétation de la carte, en particulier lorsqu’elle est bipartite – que les lieux d’origine diffèrent de ceux de destination.
Perspectives
Dans le cas des flux commerciaux par exemple, il sera dès lors possible de représenter la dynamique des flux d’exportations ou celle des flux d’importation, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. De même que pour les mobilités professionnelles qui s’expriment entre des lieux de résidence et des lieux de travail, la représentation de cette dynamique n’aura pas la même signification.
La carte suivante décrit des migrations entre des lieux similaires (des lieux de résidence).Au-delà de ces trois cas, il est possible d’enrichir la carte en combinant la représentation de ces différents types de flux par un indicateur similaire du point de vue des lieux (par exemple, le volume des flux reçus par chacun des lieux). C’est d’ailleurs ce qui est généralement fait – en géographie du moins.
En suivant ce raisonnement général de Tobler, il est également possible d’aller plus loin en manipulant la matrice pour aboutir soit à d’autres types de flux ; soit à d’autres représentations cartographiques de ces principaux types de flux ; soit à d’autres symbolisation de ces mêmes flux ; enfin, soit à d’autres interprétations qualitatives de ces mêmes flux.
Si l’on s’en tient aux perspectives d’ordre cartographique, il est possible de pousser le raisonnement en entrant par la manière dont ces différents types de flux sont symbolisés.
De ce point de vue, l’une des particularités de ces cartes de flux est qu’elles sont réalisées à l’aide de polygones et non seulement de lignes tracées entre les OD. Ce changement de forme n’est pas si anodin, il correspond d’abord à un changement d’implantation spatiale. S’il ouvre évidemment d’autres perspectives graphiques, il conduit avant tout à ré-examiner la signification des différents types de cartes de flux envisageables et plus loin, à enrichir le raisonnement conduisant à la représentation de mouvements géographiques … pour avoir le mouv’ [Billet à venir] à défaut d’avoir le bon flow !
Mais pour cela, il faut d’abord pouvoir réaliser de telles cartes. C’est pourquoi l’un des packages R du programme Tribute to Tobler (TTT) sera finalement dédié aux fonctionnalités du Flowmapper, le programme historique de Tobler qui a permis de représenter les cartes présentées ci-dessus … aussi celle-ci présentée ici en version béta.Vers une version 2 du FlowmappeR de Tobler, Tribute To Tobler, 2020.
L’enjeu ici est de rendre cette proposition cartographique réalisable aujourd’hui et aisément reproductible pour pouvoir proposer ce type de cartes sur des jeux de données contemporains, y ajouter d’autres types en étendant les fonctionnalités de cet outil, voire même, pourquoi pas, en proposer d’autres outils tel celui-ci..
Références de Tobler mentionnées
– Tobler, W. R. (1979), A geographical flow mapping program, Geographical Analysis, n°13, Vol. 1, pp. 1-20.
– Tobler W. R. (1982), Cartographic study of movement tables, Presentation in the National Computer, Graphic Assembly – session on Statistical Graphics – Mapping, Anaheim, 17-06-1982.Billets liés à TTT
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Autres références mentionnées
– Jacques Bertin (1973), les diagrammes, les réseaux, les cartes, p. 344.
– Bahoken, F. (2014), L’intérêt du raisonnement logique en cartographie de flux. L’exemple de migrations internes, European Journal of GIS and Spatial Analysis | Revue Internationale de Géomatique (RIG), Lavoisier, vol. 24, n°2, pp. 231-250 [Pdf sur demande].
– Bahoken, F. (2015), L’approche cartographique de la décomposition des matrices de flux, Mappemonde, [https:]]
– Bahoken, F. (2016), La décomposition des matrices de flux (Fij): le volume (Fij+) et le solde bilatéral (Fij–). Chapitre 3, « Contribution à la cartographie d’une matrice de flux». Thèse de doctorat en Géographie – Sciences des Territoires, Université Denis Diderot (Paris 7), p. 117-120. HAL Id: tel-01273776
– Bahoken, F. (2017), Cartographie de flux avec QGIS. support de l’atelier « Analyse de réseaux spatiaux et SIG », session de la Conférence internationale de géomatique – SAGEO 2017.
– Lhomme, S. (2017), Analyse de réseaux spatiaux et SIG, compte rendu de la session de la Conférence internationale de géomatique – SAGEO 2017, groupe fmr (flux, matrices, réseaux).Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:59
Avoir le bon flow
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, après plusieurs jours d’expérimentations et de développement, je suis heureux de mettre enfin en ligne cette petite application web réalisée en R et D3.js. Ce faisant, je poursuis à la fois ma petite série sur les globes [voir, voir et voir] et les travaux que nous menons conjointement avec Françoise Bahoken sur les représentations possibles d’une matrice de flux [voir et voir].
Ici, c’est la tant décriée flèche qui a été choisie. Je cède donc à mon tour à un travers cartographique que je m’échine pourtant à combattre. Car en effet, les flèches suggèrent un mouvement, alors que les données ne concernent ici que le nombre de migrants dans chaque pays. Un stock et non un flux. On frôle le mapfail… De plus, d’un point de vue thématique (les migrations), les flèches agrègent par construction une multitude de trajectoires individuelles dans des courbes souvent dessinées pour paraître les plus harmonieuses possibles. Or on sait que l’harmonie n’est pas ce qui caractérise le plus les flux de migrants qui se heurtent bien souvent, dans la réalité, à la violence des frontières. Et que dire de de la rhétorique d’invasion que ces cartes véhiculent souvent ? [voir]
Et pourtant, si je me suis lancé dans une telle réalisation, au-delà de la dimension esthétique indéniable de ce genre de cartes, c’est que les enjeux méthodologiques sont importants. Comment exprimer la variable visuelle taille de ces flèches ? Par l’épaisseur ? Par la surface ? Quid de la distance ? Quid des projections ? Quid de l’effet des mailles géographiques sous jacentes ? On marche là dans les pas de Waldo Tobler. Tout ceci, c’est justement l’objet d’un package R actuellement en développement dans le cadre du projet TTT [voir]. Mais je suis certain que Françoise Bahoken nous en dira plus dans un prochain billet
Voir
Flow Globe
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer3Comrades cartographers, after several days of experimentation and development, I am happy to finally put online this tiny web application made in R and D3.js. In doing so, I am continuing both my series on globes [see, see and see] and the work we are doing together with Françoise Bahoken on the possible representations of a flow matrix [see and see].
Here, the much-discussed arrows have been chosen. So I give in to my turn to a cartographic shortcoming that I’m struggling to fight against. For indeed, the arrows suggest a movement, whereas the data here only concern the number of migrants in each country. A stock and not a flow. Moreover, from a thematic point of view (migrations), the arrows aggregate by construction a multitude of individual trajectories in curves often drawn to appear as harmonious as possible. But it is well known that harmony is not what characterizes the flows of migrants, which in reality very often come up against the violence of borders. And what about the rhetoric of invasion that these maps often convey? [see]
And yet, if I embarked on such a project, beyond the undeniable aesthetic dimension of this kind of map, it is because the methodological stakes are high. How to express the visual variable size of these arrows? By thickness? By the surface? What about distance? What about projections? What about the effect of the underlying geographical grids? We’re walking in Waldo Tobler’s footsteps here. And this is precisely the subject of an R package currently being developed as part of the TTT project [see]. But I’m sure Françoise Bahoken will tell us more in a future post
See:
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer3Billets liés à TTT / Linked post to TTT
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:01
MigrExploreR (2) MigTrends, pour explorer la temporalité des migrations internationales
sur Carnet (neo)cartographique« Par ses alchimies silencieuses,
la mondialité diffuse en nous la présence d’un invisible plus large que notre lieu,
d’une partie de nous plus large que nous-mêmes. »
(Patrick Chamoiseau, Frères migrants, 2017)Comment explorer/visualiser aujourd’hui une matrice origine-destination décrivant des migrations genrées entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet…
La seconde piste que nous explorons dans ce billet à deux voix est celle de la composante temporelle des migrations internationales. L’objectif est de pouvoir répondre à des questions telles que :
– Quels sont les pays dont le stock de migrant.e.s a augmenté entre 1990 et 2019 ?
– Quels sont les pays ou régions qui ont accueilli le moins de migrant.e.s rapporté.e.s à leur population totale depuis 2015 ?
– Quels sont les pays pour lesquels le nombre de migrant.e.s rapporté.e.s à la population a baissé / augmenté ? etc.Les informations sont celles de la matrice déjà présentée dans MigrExplorer(1). Elles sont disponibles pour les années 1990, 1995, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019 pour tous les pays et toutes les régions du monde (au sens des Nations Unies).
Le choix d’un diagramme temporel
Pour observer des données, il est possible de les représenter, soit :
– en privilégiant la vision de l’espace, sur celle du temps ;
– en focalisant l’attention sur le temps, l’espace intervenant dans un second temps ;
– en tentant d’articuler l’espace et le temps sur une même vue.
C’est la seconde possibilité que nous avons choisie, pour une analyse plutôt « tempo-spatiale » que « spatio-temporelle ».La géographie n’étant pas l’entrée principale de l’analyse que nous proposons ici, il n’y a pas nécessairement lieu de réaliser une carte ! D’abord parce que le fait que les données soient localisées n’est pas une condition suffisante pour les spatialiser. Ensuite parce que, l’important est (la nature de la donnée, certes) la lecture de ces migrations dans le temps : la perception de stocks de migrant.e.s à différentes dates, celle de leur évolution (croissance – stagnation – décroissance) dans un intervalle temporel. La carte est pour cela peu opérante, car elle va d’abord privilégier la visualisation des positions des lieux dans l’espace géographique (ce qui est normal) et négliger la linéarité du temps (ce qui n’est pas son objectif principal).
En effet, comme l’indique Gilles Palsky (2004) « La carte déstructure le temps, en oblitérant sa linéarité et son irréversibilité. Où commence la lecture d’un système de mouvements ? Dans quel sens et dans quel ordre ? Seule la variation visuelle de troisième dimension peut permettre d’exprimer synchronisme et succession, à condition que la même variation affectant des mobiles différents corresponde à un moment précis » (Palsky, 2004 : 350).Si la carte est en effet l’outil privilégié de visualisation de la distribution géographique d’un phénomène, des migrations par exemple, le diagramme s’avère pertinent pour représenter le temps. Cependant, plutôt que d’ajouter une troisième dimension (T) à une carte qui en compte déjà deux (X,Y), nous allons plutôt réduire la figure à un diagramme formé d’une seule composante : celle du temps.
Explorer la « tempo spatialité » des migrations internationales
Dans ce diagramme figurant le temps sur un unique axe, l’espace n’est pas pour autant en reste : il demeure par ailleurs mobilisable, grâce aux possibilités d’interactivité offertes par MigrExplorer (2) MigTrends.Le temps ainsi placé sur un unique axe linéaire est dès lors appréhendé comme une composante structurante du diagramme. Dans ce cas, il donne à voir, par exemple, le temps qui passe ou encore l’effet du temps au cours du temps sur un phénomène, typiquement sa situation à deux voire plusieurs moments pour observer une évolution – voir Fig 1a).
Pour observer cette « tempo spatialité », nous avons ensuite fait un choix purement cartographique. En effet, plutôt qu’ajouter un axe vertical symbolisant les effectifs à deux dates – pour aboutir au modèle classique du diagramme en barres (pour visualiser l’effectif au cours du temps) – nous avons préféré opté pour un diagramme ne figurant qu’un seul axe de repérage de position dans le temps, un peu à la manière des économistes comme dirait Peter Haggett (voir Fig 1 a’).
Fig 1. Construction de MigrExploreR (2) MigTrends
Aux positions temporelles considérées, nous dessinons un figuré ponctuel, de forme carrée et de couleur rouge, qui symbolise la population de migrant.e.s aux différentes dates. Cette population étant potentiellement variable, la surface de ce symbole subit logiquement une variation de sa taille proportionnelle au stock observé, aux temps (tn) considérés.
Pour enrichir l’analyse, nous introduisons une seconde variable, la population totale de la zone concernée, qui présente la même forme que précédemment – dont la taille varie également, mais une autre couleur.
Le résultat graphique [MigrTrends] consiste alors en un système de symboles proportionnels imbriqués qui permet d’observer simultanément les stock de migrant.e.s et de population (fig 1. MigrTrends).Deux visions sont proposées, une vision absolue obtenue par une comparaison visuelle directe des dimensions des deux carrés équivalents à ces populations et une vision relative rendue possible par deux mentions littérales :
Comment ça marche ?
– la part en pourcentage de migrant.e.s dans la population totale aux dates considérées ;
– le taux de changement simple : l’évolution du stock de migrant.e.s sur la période considérée.Comme précédemment, MigrExplorer (2) MigTrends est une application développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source], à partir des données fournies librement par le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU [voir].
Accéder à MigrExploreR 2 – MigrTrends
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer2/
La première étape consiste à sélectionner la composante spatiale, sur la partie gauche, en choisissant la zone d’intérêt à observer :
– le monde entier ;
– les régions les plus développées ;
– les régions les moins développées ;
– un groupe de pays formant une région du monde ;
– un pays donné.NB : les régions et groupes de pays sont ceux des Nations unies.
La seconde étape est celle du choix de la composante temporelle,
de deux dates ou d’un intervalle temporel.Ces choix nous permettent d’observer la situation du monde, entre 2010 et 2019.
Au niveau monde, le nombre total de migrant.e.s est passé de 220,8 millions en 2010 à 271,6 millions en 2019, ce qui correspond à une augmentation de +0,3% en près de 10 ans.
En 2010, le stock total de migrants correspondait à 3,2% de la population totale mondiale estimée à 6956,9 millions, tandis qu’en 2019, il est de 3,5% de cette même population totale mondiale estimée à 7713,5 millions.
Face à ces chiffres dont on rappelle qu’ils sont de source ONU, la question qui se pose est celle de savoir s’il y a bien eu un « afflux » de migrant.e.s au niveau mondial, un important mouvement par rapport à la population.
Certains vont nous rétorquer que le problème se pose surtout pour les pays les plus développés ou encore pour l’Europe, qui subit supposément une crise migratoire depuis 2015.Examinons donc la situation migratoire de l’Europe, entre 2015 et 2019.
Le nombre total de migrant.e.s d’une zone Europe à cru de 0,9 % depuis 2015, ce qui correspond à une augmentation de 7,3 millions de personnes en 2019, avec un stock de 82,3 millions à cette date alors qu’il était de 79 millions en 2015, effectifs qui correspondent respectivement à 10,1 et 11% de la population totale européenne.
Nous sommes en droit de nous poser la question de savoir si une augmentation de moins de 1% peut bien être qualifiée « d’afflux » …Oui, mais, en fait, il faudrait regarder certains pays : ceux qui accueillent beaucoup devraient voir leur population de migrants augmenter considérablement.
Soit, observons à présent le cas de la France, par exemple, entre 1990 et 2019.
Entre 1990 et 2019, le nombre de migrant.e.s présent.e.s en France a effectivement cru en valeur absolue : il est passé de 5,9 millions de personnes en 1990 à 8,3 millions en 2019, ce qui correspond à une augmentation nette de 2,5 millions de personnes. Dans le même temps, la population française a augmenté de 8,4 millions de personnes – effectif résultant de la différence entre les 65,1 millions d’habitants dénombrés en 2019 et les 56,7 millions de 1990.
Cette augmentation, lorsqu’elle est rapportée à l’ensemble de la population française, est exactement de 2,4% sur une période de près de 30 ans – ce qui ne pèse pas bien lourd. Il est donc possible de conclure que le nombre de migrant.e.s présents en France depuis 1990, s’il n’est pas nul, il n’en demeure pas moins négligeable, à l’échelle nationale.Référence mentionnée :
Palsky, G. (2004), Le temps des cartographes, in : Bord J.-P., Baduel, R., Les cartes de la connaissance, Karthala-Urbama, pp. 345-352.Billets liés :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : [https:]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10556 -
12:11
La géographie est-elle de gauche ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui le youtubeur MrLughsson qui vient tout juste de sortir ce vendredi une vidéo sur la géographie radicale [voir]. Impossible donc de ne pas en faire écho ici.
Bonjour MrLughsson, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Salut moi c’est Lùghsson, comme vous pouvez vous en douter c’est un pseudo. Je ne suis pas encore très à l’aise avec le fait d’utiliser mon vrai nom… et puis je garde une part de « mystère » comme ça ^^
Peux-tu présenter ta chaîne YouTube ?
C’est une chaîne que j’anime depuis 2016 sur laquelle je fais de de vulgarisation. Le but de ma chaîne est d’essayer de montrer que « la » géographie (les guillemets sont importants) ne s’arrête pas à ce qu’on apprend au collège ou au lycée et qu’aimer la géographie ce n’est pas seulement savoir placer tous les pays du monde sur une carte… Mais j’essaye aussi de faire découvrir des endroits ou des pays étranges et/ou merveilleux !
Pourquoi t’être intéressé à la géographie radicale ?
En réalité, cela fait longtemps que j’ai envie de parler des différents « courants » de la géographie (française ou non). L’idée de cette vidéo m’est venue pendant la lecture d’un des livres de David Harvey, comme une évidence ! Le but pour moi était surtout que celle-ci soit une porte d’entrée. Je compte bien approfondir le sujet. J’ai par exemple très peu parlé de R. Peet et pas du tout de M. Davis. Ce que j’aime bien chez les géographes radicaux c’est, outre leur militantisme, leur façon de penser autrement, la manière dont ils ont fait évoluer la géographie / la cartographie !
Mais c’est quoi la géographie radicale ?
Clairement, son côté « militant » justement (principalement contre le capitalisme et ses conséquences) ! Après si on veut rentrer dans les détails, juste dire « la géo radicale c’est… » est assez compliqué. Tous les géographes / cartographes abordent leur discipline à leur manière ! Un géographe « Anarchiste » (Simon Springer) aura une approche différente d’un géographe « Marxiste » (David Harvey).
C’est aussi une géographie de rupture.
Oui. Les géographes radicaux ont été dans une logique de rupture franche et assumé vis-à-vis des géographes classiques jusqu’à, pour certains, se faire virer de leur poste universitaire ! Assez « drôle » quand on pense que nombre d’entre eux sont maintenant assez respectés dans ce même milieu universitaire !
Nous sommes ici sur un blog qui parle de cartographie. Que peux-tu nous dire des cartes ?
La carte étant une représentation du monde ou d’un territoire vu à travers les yeux de celui ou celle qui la dessine, elle sera toujours éminemment politique. La carte n’est qu’un outil. Libre à nous de l’utiliser de façon plus ou moins engagée. Mais toujours avec méthode ! Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi non plus !
Les cartes peuvent-elles changer le monde ?
Je n’en sais rien… par contre elles peuvent tout à fait faire évoluer notre rapport à celui-ci. Bunge l’avait très bien compris par exemple. Ses cartes ne lui servaient pas seulement à faire passer une information, elles permettaient de jeter une lumière crue sur les conditions de vies des populations noires de Detroit. La carte représentant le nombre de morsures de rats par quartier de la ville est très révélatrice à ce niveau. Le travail de W.Bunge a donc, sans doute, permis de faire évoluer certaines pratiques d’aménagement urbain.. au moins pour un temps. Aussi, cartographier un territoire c’est le rendre visible aux yeux du monde ! Du coup oui, je pense que les cartes peuvent nous inciter à changer notre façon de voir le monde.. nous inciter à agir ! Tout dépend de l’intention de l’auteur / autrice en fait… Et notre perception de cette intention.
Quel conseil pourrais-tu donner aux jeunes géographes ou cartographes aujourd’hui ?
Je ne sais pas si je suis suffisamment qualifié pour prodiguer des conseils sur le sujet. Mais si vous voulez étoffer votre culture, allez voir du côté du « Decolonial Atlas » ! Un peu de cartographie radicale ça fait jamais de mal ^^
Sur quoi portera ta prochaine video ?
Pour ce qui est du format des épisodes « principaux », je préfère ne pas dévoiler le thème tout de suite. J’ai tendance à changer d’avis au dernier moment, je suis pas très fiable à ce niveau là ^^. Par contre ce que je peux dire c’est que dans la prochaine vidéo (format secondaire) on partira à la découverte de trois temples « extraordinaires » ! Enfin, si je n’ai pas changé d’avis entre temps bien sûr…
Quelque chose à ajouter ?
La géographie, c’est pas seulement connaître les capitales des pays ! Et arrêtez de le demander à tout-e-s les
cartographes et géographes que vous croisez svp ! Ça serait chouette. ^^Merci MrLughsson ^^
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:24
Sortir du carcan géométrique
sur Carnet (neo)cartographiqueEnclosure: [download]
— English below —
Camarades cartographies, je reproduis ici un court article paru dans le numéro 27 de la revue Progressistes [voir] qui, à partir de maintenant, est dotée d’une rubrique « cartographie(s) ».
Grâce à l’ouverture des données, de nombreuses cartes ont vu le jour pendant le confinement pour représenter l’évolution du coronavirus en France. Mais peu d’entres elles ont essayé de s’affranchir d’un maillage administratif départemental ou régional qui enferme les données dans un carcan qui a finalement peu de sens au regard du phénomène représenté. Les cartes gouvernementales du déconfinement en sont un exemple éclatant [voir].
La carte que nous publions ici représente le nombre de décès liés à la covid-19 dans les hôpitaux, pondéré par la population des départements dans lesquels ils se trouvent. Une méthode d’interpolation spatiale fondée sur la distance permet alors de « dessiner » la donnée selon un gradient continu allant du noir (pour les faibles taux de mortalité, dans le Sud-Ouest) au jaune (pour les forts taux de mortalité, dans le Grand Est).
Si cette carte permet de percevoir d’un seul coup d’œil la géographie de l’épidémie, elle permet cependant mal d’en saisir l’ampleur, car les décès en EHPAD et en ville ne sont pas pris en compte. Cela dit, cette sous-estimation de la réalité n’empêche pas d’en appréhender la logique spatiale et son évolution dans le temps. Une version animée et mise à jour quotidiennement de la carte est d’ailleurs disponible en ligne [voir].
— English version —
Go Beyond Administrative DelineationsComrades cartographers, I am reproducing here an article that was published in Progressistes #27 [see] which, from now on, has a « cartography » section.
Thanks to the opening of the data, many maps were created during the containment to represent the evolution of the coronavirus in France. But few of them have tried to avoid a departmental or regional administrative network that « encloses » the data in a structure that makes little sense in terms of the phenomenon represented. The government maps are a clear example of this [see].
The map we publish here represents the number of deaths related to covid-19 in hospitals, weighted by the population of the departments in which they are located. A spatial interpolation method based on distance then makes it possible to « draw » the data according to a continuous gradient from black (for low mortality rates, in the South-West) to yellow (for high mortality rates, in the North-East).
Although this map gives a snapshot of the geography of the epidemic, it does not give a good idea of the magnitude of the epidemic (e.g. deaths in retirement homes are not included). Nevertheless, this underestimation still allows us to understand its spatial logic and its evolution over time. An animated and daily updated version of the map is available online here [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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22:05
Le temps, au temps des graphes du Covid-19
sur Carnet (neo)cartographiqueHorloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Charles Beaudelaire, « l’Horloge », les Fleurs du mal
Dont le doigt nous menace et nous dit : » Souviens-toi !Le temps semble vraiment important en cette période de confinement, entre le temps qui passe, celui qu’il fait, le temps qui dure ou la perception d’un temps, infini, la répétition du temps ou plutôt la (non) fréquence des événements, la mémoire de nos déplacements jadis récurrents, l’ancienne périodicité de nos vies … bref, tout ce temps de réflexion sur notre gestion du temps pendant ce confinement apparaît aussi crucial que la gestion de notre espace, que la mise en (cartes et) graphiques de cette pandémie. Et quand le temps s’en mêle, des questions graphiques, alors tout semble perdu.
Si la représentation du temps habituellement proposée dans les différentes carto-graphies proposées pour le suivi du Codiv-19 sont assez classiques (voir ci-dessous), l’une d’entre elle semble avoir innové aujourd’hui.
C’est le cas de la série de graphiques proposée par Daniel Dorling et consorts.
Fig. 1. Diagrammes de portrait de phase montrant les taux de mortalité de différents pays
liés au virus Covid-19 en 2020Phase-portrait diagrams showing mortality rates of Covid-19 virus 2020.
Source : [www.dannydorling.org]Cette proposition tourbillonnante apparaît renouveler la manière de représenter l’évolution d’un phénomène dans le temps. Elle est d’ailleurs tellement surprenante qu’elle suscita un petit débat sur Twitter. Qu’en est-il exactement ?
La représentation graphique du temps
Pour mieux mettre en évidence la particularité de ce diagramme, commençons par regarder comment nous mettons traditionnellement le temps, à l’aide de petits graphiques.Sans rentrer dans les détails, il convient de rappeler que la prise en compte du temps dans un graphique a d’abord eu pour objet de représenter le temps qui passe : la trajectoire d’un événement dans le temps. C’est pourquoi le temps est souvent figuré par un axe horizontal gradué, porté en abscisses.
L’évolution linéaire d’un phénomène, dont les valeurs sont en ordonnées, prend la forme d’une courbe (à gauche) ou d’une bande (à droite), comme dans le cas des frises chronologiques.
Le fait de positionner l’axe du temps en abscisses (X) ou en ordonnées (Y) renseigne sur la manière dont la temporalité est considérée. Plusieurs modalités sont d’ailleurs envisagées.
Fig. 2. Mise en graphique de la « composante temporelle » d’un phénomène
Le placement du temps en (X) évoque le temps qui passe ou le cours du temps (a) comme indiqué précédemment.
L’axe du temps placé en (Y) renseigne sur le temps qu’il fait (b) ou encore sur le temps qu’il était (c), selon que l’axe vertical est respectivement croissant ou décroissant, comme pour remonter le temps.
Le temps qu’il fait est parfois doublement mobilisé en (Y) et (Y’) pour caractériser… le temps atmosphérique, qu’il fait, dans les climato grammes – il me semble que c’est d’ailleurs en climatologie qu’on trouve la variété la plus importante de diagrammes temporels. Le (b) peut ainsi être enrichi par la représentation de deux caractères complémentaires (les précipitations et les températures par exemple), pour représenter comme en (e) le temps qu’il fait au cours du temps (ou bien l’évolution du temps, au cours du temps).
[J’ai l’impression que je vais me perdre quelque part par là]En (e), donc, la représentation de l’évolution du temps qu’il fait est précisée par l’évocation du temps qui passe placée en abscisses (mensualités, saisonnalités). La présence d’un triple axe temporel permet alors de visualiser la coévolution de deux caractéristiques du temps (en Y et en Y’).
Le temps qu’il était (c) symbolise le poids du temps, des années qui passent. Il traduit une forme d’usure du phénomène (ou de l’individu).
Représenter en (d) l’effet du temps, au cours du temps mobilise le temps sur les axes (X) et (Y). L’exemple d’un des diagrammes mobilisé par les démographes dans le cadre d’analyses longitudinales, qui place l’âge en ordonnées et le temps en abscisses, est intéressant à ce titre. Wilhelm Lexis un statisticien, économiste et sociologue allemand proposa le diagramme dit de Lexis (enfin, il y a une petit débat sur la paternité dans lequel nous n’entrerons pas) pour visualiser la coévolution de trois caractères : un individu (ou une cohorte) dans le temps et le poids de ce temps sur cet individu dont la trajectoire est représentée par une droite oblique. Il est dès lors possible de visualiser l’évolution de la cohorte et son âge à un moment donné (de cette évolution). Plusieurs variantes de ce modèle ont été proposées parmi lesquelles celles de Christian Vandeschrick qui a d’ailleurs fait sa thèse en 1992 sur ce diagramme.
En réalité, la composante temporelle est souvent combinée avec d’autres composantes pour figurer l’évolution d’un phénomène. C’est notamment le cas des phénomènes localisés dont on souhaite observer l’évolution à l’aide de cartes comparables.
Le cas particulier des cartes temporellesLorsque l’on souhaite représenter l’évolution d’un phénomène localisé dans un espace, qui mobilise déjà les axes (X) et (Y), le temps est présenté soit sur la forme d’un indicateur, par exemple, un taux de changement ou d’évolution entre deux dates, soit sous la forme d’une composante. Dans un cas, le temps est intégré à l’information et le résultat est disponible sur une seule carte tandis que dans l’autre, les différents temps (T) d’observation conduisent à une décomposition de l’image en (k) moments ou périodes d’observation. On réalise alors une collection de cartes (que certains appellent des small multiple), une pour chacune des situations observées en T(0,1,2,3….k) en mode statique, voire une carte animée pour l’ensemble des situations, si le support est numérique.
On notera que d’autres possibilités de représentations combinées du temps et de l’espace existent, mais ce n’est pas le sujet ici.
Que change le graphe de Dorling ?Face à cette petite sélection de possibilités, la nouveauté apportée par le graphe de Dorling, du moins celle m’est apparue la plus saisissante est la suivante. Le temps n’est pas une composante structurante du diagramme (une « variable de l’image », comme dirait Bertin) depuis lequel ou en fonction duquel on observe un phénomène, il est l’information elle-même, dont on observe l’évolution en même temps qu’on (se) la représente – non sous la forme d’un indicateur – comme un événement, dont on observe les caractéristiques en projetant les coordonnées de sa position dans un plan sur des axes (X,Y) qui caractérisent un phénomène (ici les cas de Codiv-19 selon deux indicateurs).
On notera (juste au passage) un second élément notable dans ce diagramme à savoir le fait que l’espace (un pays) ne soit pas non plus symbolisé par un ou deux axes, il l’est par une teinte appliquée à une courbe, c’est-à-dire par une « variable de séparation de l’image » et non par une variable structurant l’image comme souvent.En fait, cette image de Dorling bouleverse complètement les codes de mise en graphique de la temporalité et pour cause : le temps n’est pas considéré ici comme une composante, même si le graphique autorise une lecture de l’évolution des deux variables représentées. C’est peut-être cela que ce diagramme apparaît si déroutant au premier abord.
La temporalité intervient à deux niveaux dans la lecture : comme l’une des caractéristique du point (qui symbolise l’événement observé) sous la forme d’un label renseignant systématiquement la date du jour « 01-apr. » directement sur le graphe. et comme une tendance générale à l’échelle de la période d’observation des variables placées en (X) et (T). Les caractéristiques de l’événement étant comme habituellement à rechercher au croisement des deux axes (X,Y) structurant le plan mais aussi relativement à un troisième axe celui du 0 en (X). Partant de là, il est possible de tenter une mise en graphique de cette proposition.
Fig. 3. Essai de mise en graphique de la proposition de Dorling
Cette proposition permet d’observer l’évolution d’un pays en termes de nombre de cas de covid-19 au cours du temps, globalement, sur l’ensemble de la période d’observation et localement, pour un jour donné.
Ainsi, pour un jour donné, trois informations sont disponibles :
- un nombre cumulé de victimes (en Y) ;
- un mouvement du nombre de cas par rapport au jour précédent (X’) ;
- un pays (un point, une teinte).
Pour un pays donné, la courbe permet donc de suivre son évolution globale (Y) et dans le même temps sa situation temporelle locale, en termes de bilan net. L’axe du 0 est en effet ajouté de manière à pouvoir distinguer les bilans négatifs, la typographie de la gradation de l’axe des valeurs négatives située à gauche du zéro étant entre crochets.
Quels commentaires du graphique ?L’interprétation générale d’une courbe peut être la suivante. Plus la courbe est ample et plus le nombre de cas enregistrés par rapport à la veille (en plus, si étalement sur la droite, ou en moins, si étirement sur la gauche) est important. Plus la pente est forte et plus le nombre cumulé augmente. Plus la courbe est serrée et proche de l’axe zéro et moins sont les nouveaux cas sont enregistrés, en plus ou en moins, par rapport à la veille.
Prenons l’exemple de la France à suivre sur la courbe de couleur bleu des mers du sud.
Au début de la période, le nombre de nouveaux cas enregistré est faible (voir en X) , de même que le nombre de cas cumulé (voir Y). C’est à partir du 27 mars que l’on dénombre pour la première fois 50 cas de plus par jour. Malgré un recul ponctuel dès le lendemain, la courbe s’envole ensuite pour franchir le seuil de 100 cas supplémentaires les 29-30 mars.
C’est au début du mois d’avril que le bilan en termes de nouveaux cas sera le plus important pour la France, avec + 250 cas nouveaux par jour ; il s’agit du maximum de la série, la courbe va ensuite opérer un net et rapide recul – que l’on aimerait d’ailleurs pouvoir nous attribuer collectivement, comme un résultat de l’efficacité de notre gestion collective du confinement (à ce moment, nous sommes en effet à 15-16 jours de sa mise en place).
A partir du début du mois d’avril, donc, le bilan net demeure positif mais dans une moindre mesure par rapport au mois de mars. La courbe régresse ensuite à moins de 100 nouveaux cas dès le 2 avril. Si son amplitude reste toutefois forte, le nombre cumulé de victimes étant logiquement en augmentation, la pente est nettement moins forte. La courbe tend d’ailleurs à s’aplatir témoignant d’un ralentissement du nombre de nouveaux cas, un aplatissement bien visible sur la partie haute du graphique.
La tendance amorcée dès le 1er avril se poursuit en réalité (avec sa faible pente) jusqu’au 3 avril, jour où l’on observe un bilan nettement encourageant : le nombre de nouveaux cas apparaît négatif pour la 1ère fois, avec quelques 200 cas de moins que la veille (on part de + 70 environ et on descend à -120).
Ce recul prendra quelques jours à trouver un point d’équilibre, avant de reculer à nouveau la seconde semaine du mois. La troisième semaine d’avril apparaît celle de l’espoir, avec une baisse de 150 cas qui reste fragile : au 20 avril, le bilan est de nouveau positif, de l’ordre de 10 nouveaux cas.
Par rapport à d’autres pays, on peut noter que l’allure générale de la courbe française est proche de celle des USA, ce qui n’est pas très bon signe, surtout au regard de la situation des voisins espagnols et italiens. Espérons maintenant qu’au-delà de ce 20 avril, notre courbe puisse rester voire stagner sous l’axe zéro.
ConclusionUne image qui décoiffe au premier abord mais reste accessible pour qui prend la peine de s’y plonger. Son principal intérêt est d’autoriser un suivi des soubresauts de l’évolution de la courbe française. L’effet de tourbillon, dont on ne sait pas s’il arrive complètement par hasard ou non, apparaît fabuleux, tellement il colle à cette réalité du confinement qui nous tourne littéralement la tête.
=> Pour en savoir plus : consultez le billet SLOWDON – covid-19 sur le site de Danny Dorling
=> Un long thread est aussi proposé par l’auteur sur Twitter, ici.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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15:58
L’art est dans la cARTe !
sur Carnet (neo)cartographiqueUne fois n’est pas coutume, nous accueillons aujourd’hui dans Néocarto, une artiste. Ghislaine Escande est artiste peintre et plasticienne. Avec ses cARTes, elle redessine le Monde et bien plus que cela. Elle nous fait voyager… Nous lui laissons la parole.
Je vois que sur votre blog il est question d’analyses cartographiques, de migrants et de migrations, alors je vais tenter une analyse d’une de mes œuvres qui parle de migration. Et donc de voyages et d’évasion.
« J’ai choisi de vous présenter Par tous les chemins, une œuvre réalisée en 2017. Format 100 cm x 100 cm. Peinture acrylique sur cartes marouflées sur toile, ce qui est caractéristique de ma technique favorite : réalisation d’une marqueterie signifiante à l’aide de cartes de toutes sortes, reprise en peinture, multiples glacis qui permettront toujours de lire les cartes.
Image 1 : le montage avec juste un début de peinture à l’extérieur du globe.
Cette création fait partie, comme beaucoup de mes œuvres, d’une série construite autour d’un thème, ici celui des migrations.
Mes cartes (la plupart du temps des globes) ne sont pas réalistes comme les vôtres, mais se veulent sensibles, poétiques et ouvertes à toutes les interprétations. Sans vouloir vous influencer dans la lecture de cette œuvre, je vais cependant vous en dévoiler l’intention.
J’habite dans une ville qui s’honore d’accueillir environ 20 % d’étrangers de plus de 120 nationalités et un centre d’hébergement de femmes migrantes avec enfants. Cette dimension d’accueil est, à Ivry-sur-Seine, une constante très importante depuis très très longtemps. C’est en pensant à cela, à mes voisins et à l’actualité brûlante du sujet, que j’ai conçu ce tableau. Ivry est au centre du tableau. Nous y sommes.
Mes cartes ne sont pas réalistes
comme les vôtres, mais se veulent sensibles,
poétiques et ouvertes à toutes les interprétations.Il faut beaucoup de cartes pour retracer tous ces voyages qui mènent jusqu’à nous. Ils ont eu lieu depuis tant d’années. Pour construire ce globe de la migration, j’ai utilisé plusieurs dizaines de cartes. Les voyages se font et se sont faits par terre, par mer, par air. Il faut des cartes à toutes les échelles. Parfois on piétine ; alors l’espace, comme le temps, paraît plus grand, donc l’échelle est plus petite. Ailleurs, le survol sera rapide. Parfois on compte les distances en jours et d’autres fois en kilomètres. Parfois la mer devient rouge sang, parfois elle tutoie le ciel. Au bord de ce monde, où les détours sont très nombreux, le souvenir des ruines qui ont obligé au départ se confond avec les cartes marines. Des mers tentent le passage par tous les dangers. Les frontières géographiques (montagnes, fleuves) et politiques sont par endroits très marquées… Je vous laisse explorer et découvrir tout cela derrière ma peinture qui fait partie du voyage, précise et incertaine, lente et rapide, qui souligne et efface, assure la cohésion mais peut aussi fracturer.
On me demande souvent, en voyant mon travail si je suis cartographe, cela me flatte mais je suis obligée de préciser que non, simplement artiste. Mais une artiste qui depuis plus de vingt ans travaille à construire de nouvelles cartes à partir de celles dressées par les cartographes.
Les cartes que j’utilise (de toutes origines et époques) ont presque toutes été utilisées et m’ont été données par des cartographes, des voyageurs, des marins, des aviateurs et bien d’autres, qui ont pris le temps de m’en expliquer la provenance, l’histoire, l’usage, les caractéristiques. Grâce à la part de chacun d’eux, ceux qui fabriquent, ceux qui ont utilisé, ceux qui donnent, mes globes appartiennent à la géographie humaine.
Quand je peins, je pense toujours à ces femmes qui, à leur domicile, aquarellaient magnifiquement les cartes bien avant le numérique. »
Image 2 : Par tous les chemins, état final.
Pour d’autres voyages : www.escande.fr
Artiste peintre
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14:45
MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales
sur Carnet (neo)cartographique« Et puis je suis parti. Sans guide, sans boussole.
Et les cris de ma mère. Par-dessus mon épaule. J’ai pris mon élan
Une fois et dix fois. Sauté par-dessus les grilles comme papa.
Où aller où ? Où aller ? Où aller où ? Je ne sais pas où aller… »
(Tiken Jah Fakoly, Où aller où ?, 2007)Comment explorer/visualiser aujourd’hui une matrice origine-destination décrivant des migrations genrées entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet…
La première piste que nous explorons dans ce billet à deux voix consiste à proposer un outil cartographique interactif permettant moyennant différents filtrages de répondre aux questions suivantes : Dans quels pays y-a-t-il le plus de migrants en 2019 ? Quels sont les pays qui en accueillent le plus ? Les migrants sont-ils surtout des hommes ? Était-ce également le cas en 1990 ? Au fait, combien y-a-t-il de français à l’étranger ? De quels pays proviennent les migrants qui vivent aujourd’hui en Suède ? Etc.
Cette proposition cartographique souhaite répondre à l’un des problèmes de la mise en carte de matrices origine-destination (OD), à savoir la troncature des données représentées. En effet, la complexité intrinsèque de ces tableaux croisés, associée à la difficulté de se les (re)présenter facilement, conduit à des analyses cartographiques qui sont tronquées, parce que trop fortement soumises à différents filtrages. Ces représentations partielles posent différents problèmes, parmi lesquels celui de transmettre une information erronée. Nous proposons d’examiner ce problème par la carte, en prenant le cas des migrations internationales.
Les migrations internationales de population observées à l’échelle mondiale sont symptomatiques des phénomènes sciemment mis en cartes de manière tronquée, pour transmettre un message souvent erroné quant au type, à la nature, au volume et à l’ampleur du phénomène (au regard des données existantes). En effet, les cartes de flux de migrants ne représentent habituellement que certains pays d’accueil, généralement ceux de l’Europe de Schengen et seulement certains types de migrants, plutôt des hommes qui proviennent d’Afrique sub-saharienne, ou encore de Syrie pour ne citer que deux cas emblématiques.
Pourquoi tronquer l’information de flux pose problème ?Avant toute chose, il convient de rappeler que les cartes de flux de migrants ne mériteraient pas tant d’attention si elles n’avaient pas une forte capacité de remédiation. Il faut dire qu’elles circulent beaucoup, parce qu’elles sont naturellement dotées de l’autorité de pouvoir associée au statut de leurs émetteurs.
L’un des problèmes fondamentaux posé par ces cartes est qu’elles sont surtout éhontément partielles et cela, non parce que les données sont importantes ou nombreuses et qu’elles doivent être filtrées, ce qui est logique, mais parce qu’elles sont filtrées pour in fine ne pas décrire la réalité de la migration considérée. Le cas de la mise en cartes de la migration syrienne en 2005 est un bon exemple que nous avons pu analyser [voir]. Ces cartes ne décrivent donc pas une réalité de la migration de manière objective, en dessinant honnêtement des faits.
Parce qu’elles tronquent les données sous-jacentes de manière abusive pour soutenir un discours, ces cartes posent des problèmes évidents dans l’information communiquée sur les migrations internationales, dans la perception du message par les publics ciblés. Le fait qu’elles soient par ailleurs souvent erronées, du point de vue de leur construction, renforce des effets déjà désastreux quant à la rhétorique d’ensemble sur les migrations internationales contemporaines.
Pour tenter de remédier à ce problème de troncature, nous proposons ici une première exploration cartographique de données sur les migrations internationales, en les présentant dans leur totalité.
Ré-articuler les différentes focales d’un même tableauPrésenter les données dans leur totalité revient à ré-articuler les différentes composantes d’un même tableau de départ qui sont souvent mobilisées de manière séparée. ll s’agit d’une matrice OD décrivant habituellement des stocks (un effectif de personnes) observés à une date dans des pays d’arrivée en provenance de pays de départ. Elle décrit donc un flux de migrant.e.s dont on peut observer la localisation à destination ou selon l’origine. A noter qu’elle peut également être vue comme une matrice de (flux de) migrations – décrivant les déplacements de migrants – si l’on considère qu’un.e migrant.e n’a effectué qu’une et une seule migration entre les OD sur la période.
Ces données s’expriment sur un zone géographique, dans notre cas, l’ensemble des pays du monde, pendant une période. Elles sont souvent difficiles à analyser et à (se)représenter aisément pour la simple raison qu’elles nécessitent d’articuler plusieurs informations : celles qui portent sur des lieux d’origine ; celles qui portent sur des lieux de destination et celles qui concernent des couples de lieux mis en relation par l’existence d’un flux (de migrants, de migrations). Aussi celles qui portent sur des caractéristiques sociales (ou économiques…) de ces migrant.e.s (par exemple : leur genre, leur niveau de formation …) ou encore sur la temporalité de leur déplacement.
La représentation qui découle de ces informations peut ainsi être réalisée selon trois grandes perspectives qui correspondent à trois cartes. Ces trois cartes sont fondamentalement différentes mais relèvent toutes de la même population observée sur la même zone et sur la même période. Elles sont respectivement focalisées sur :
– les lieux de résidence antérieure à la migration, en réponse à la question d’où viennent les migrant.e.s ? ;
– les lieux de résidence au moment de l’enquête, pour savoir où sont accueilli.e.s les migrant.e.s ? ;
– les flux échangés entre des couples d’origine et de destination, pour savoir quels sont ceux les lieux qui échangent entre eux ?Présenter ces perspectives sous la forme de cartes complémentaires (puisqu’elles couvrent le même tableau) au même endroit offre l’avantage de distinguer dans ces flux migratoires ce qui relève de l’émigration, de l’immigration ou du déplacement.
C’est pourquoi nous les avons réunies au sein de MigrExploreR, une application interactive exploitant les technologies actuelles spécifiques au support écran, pour explorer l’évolution spatio-temporelle de flux de migrants internationaux.
Géovisualiser des migrationsMigrExploreR est une application développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source]. Elle permet de représenter par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) dans les différents pays du monde à plusieurs dates.
Au delà des aspects techniques et méthodologiques que nous ne détaillerons pas ici, l’objectif général de cette application cartographique est de proposer systématiquement, par un système d’onglets, une carte représentant l’immigration et une carte représentant l’émigration ; c-à-d. un couple de cartes qui fonctionnent ensemble, parce qu’elles nous apparaissent complémentaires pour l’analyse. Il s’agit par exemple de montrer combien de migrants étrangers vivent en France en même temps qu’on montre combien de migrants français vivent à l’étranger. Car on entend en effet souvent parler des chiffres de l’immigration de manière déconnectée de ceux de l’émigration, sans parler de la mise en catégories de ces voyageurs, du cas des ressortissants des pays riches qui vivent hors de leur pays. Pour ces derniers, on parle d’ailleurs souvent d’expatriés.
Ici nous avons donc voulu (re)mettre tous les migrant.e.s au même niveau. Sait-on par exemple que s’il y a 3,4 millions de migrants venant de Turquie à travers le Monde en 2019, la Turquie accueille elle-même plus de 5,7 millions de migrants ? Et quid de pays Africains tel le Nigeria, le Cameroun ou encore la Mauritanie ? Sont-il des pays d’émigration ou des pays d’accueil ? Où vont les ressortissants de ces pays ? Et d’où viennent les migrants qui y résident aujourd’hui ? Cette application cartographique permet ainsi, par des déambulations et des filtrages successifs, de plonger dans ces questions, et, d’y répondre. Précisons au passage que les cartes proposées dans cette application sont toutes comparables entre elles.
Les données utilisées sont fournies librement par le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU [voir]. Elles reposent sur des estimations du nombre de migrants internationaux disponibles pour les années 1990, 1995, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019 pour tous les pays et régions du monde. Ces estimations sont basées sur les statistiques officielles sur la population née à l’étranger ou sur la population étrangère.
Comment ça marche ?
Les migrants internationaux ont été assimilés à la population née à l’étranger à chaque fois que cette information est disponible, ce qui est le cas dans la plupart des pays ou régions. Pour les pays où la donnée sur le lieu de naissance n’est pas disponible, ce sont les informations sur le pays de citoyenneté des personnes recensées qui ont servi de base à l’identification des migrants internationaux. Les données combinent donc des migrant.e.s internationaux et des citoyen.ne.s de nationalité étrangère.Sur le bandeau de gauche, la possibilité de sélection porte sur le choix du pays à explorer, sur le genre (hommes, femmes, total) et sur l’année d’observation (de 1990 à 2019). Il est également possible, en cochant la case « All Countries« , de visualiser une situation d’ensemble.
La sélection porte également sur l’affichage de l’émigration, de l’immigration ou des données cartographiées.Via ces onglets, pour un pays donné (ou pour l’ensemble du monde), deux cartes sont proposées :
une carte d’immigration,
et une carte d’émigration.
Dans l’onglet data, un tableau « triable » permet d’accéder aux données qui se trouvent derrière ces cartes.
Un procédé pratique de filtrage cartographiqueL’attention est attirée sur le fait que l’approche que nous mettons en œuvre étant purement cartographique, l’affichage de l’information, donc des valeurs sur la carte, passe par la sélection de différentes variables puis par le paramétrage de la taille (« Circle sizes ») des figurés, parce que ce que l’on perçoit d’abord sur une telle carte, ce sont les variations de taille plus ou moins importante des symboles circulaires, en fonction des valeurs qu’elles symbolisent ; ces tailles étant naturellement rendues proportionnelles au nombre de migrant.e.s émis ou reçu par le pays en question.
Il s’agit là d’un procédé inédit de filtrage, purement cartographique, d’une information statistique localisée (nous reviendrons sur ces possibilités dans un autre contexte).Accéder à MigrExploreR
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer/Référence mentionnée :
Nicolas Lambert & Françoise Bahoken (2018), Méfiez-vous des cartes, pas des migrants : les réfugiés syriens, Carnet de recherches Néocartographiques [voir]
Billet lié :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10556Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872 (ouvre un nouvel onglet) -
11:50
COVID-19 : cartographie(s) d’un débordement
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, il n’était pas possible de passer à côté du sujet qui nous concerne tous. J’ai donc réalisé cette série de cartes sur le thème du COVID-19 à partir des données départementales des hôpitaux mises en ligne sur le portail français de l’open data : data.gouv.fr [voir].
Les cartes réalisées avec R sont mises à jour quotidiennement et à votre disposition via l’application en ligne disponible ici [cliquez sur l’image ci-dessous].
Quels choix cartographiques ?On le sait, derrière toute carte il y a un.e cartographe, avec ses arrières pensées, ses idées et ses visées. Ici, mon objectif était triple.
1 – Points
La première idée qui conduit à cette carte est la volonté de décomposer l’information statistique pour la représenter par des points. Sur ces cartes, lorsque l’ordre de grandeur de la variable le permet, un point représente une seule personne. Ce parti pris est fort, car il consiste à ne pas représenter cette donnée pourtant agrégée sous la forme d’agrégats (e.g. de symboles proportionnels) mais sous une forme élémentaire (e.g. semis de points) pour symboliser un peuplement, une dynamique de peuplement. Il y a là une volonté de rappeler qu’il s’agit de vies humaines et d’insister sur le fait que chaque individu est unique. D’où la nécessité de les représenter tous distinctement. Par ailleurs, notons que cette représentation, avec le déplacement progressif des points (voir 2 – propagation), rend assez bien compte des quantités et de leur proportionnalité.
2 – Propagation
La méthode de déplacement des cercles, qui permet d’éviter la superposition de l’information, inspirée de la méthode des cartogrammes de Danny Dorling, évoque à mon sens assez bien l’idée de la propagation du virus. Même s’il s’agit d’un artifice graphique, le déplacement des points de jour en jour, tel un semis qui s’étend progressivement et dangereusement à la surface de la carte, rappelle la contagion du virus et sa diffusion dans l’espace. Ici, il y a bien une recherche de cohérence visuelle entre la forme (graphique) et le fond (thématique).
3 – Débordement
Enfin, une autre idée forte, qui était en réalité le point de départ de cette série de cartes, est la volonté de rendre compte du débordement et de la saturation des services de santé, face à une crise sanitaire dont, visiblement, nous n’étions pas préparés. Les points se déplacent de jour en jour en jour bien au delà de leurs mailles d’origine et ce, jusqu’à la saturation de l’image. L’effet recherché est de produire un véritable effet visuel d’étouffement qui évoque – en tout cas telle était mon intention – la situation de crise à / de l’hôpital. Rappelons au passage que les signaux d’alertes avaient été nombreux, comme le montre cette banderole photographiée le 17 décembre 2019…
Le code source est disponible ici [voir]. La prochaine mise à jour des cartes aura lieu ce soir après 19 heures. A suivre…
Ailleurs sur le web
- Decryptagéo : [https://decryptageo.fr]
- Cause Commune : [https://www.causecommune-larevue.fr]
- Data.gouv : [https://www.data.gouv.fr]
- Mediapart : [https://www.mediapart.fr]
— English version —
COVID-19: Dots, Spread & OverflowComrades cartographers, it was inevitable that we could not miss the subject that concerns us all. I have therefore realized this cartographic collection on the theme of COVID-19 from departmental hospital data available on the French open data portal: data.gouv [see].
The maps made in R are updated daily and are made available via the online application that you can find here [click on the image below].
What cartographic choices?
We know that behind every map there is a cartographer, with his thoughts, ideas and goals. Here, my aim was threefold, as the title of this post spells.
1 – Dots
The first idea behind this map was the desire to split the statistical information to represent it by points. On these maps, when the order of magnitude of the variable allows it, a point represents a person. The idea here is strong because it consists in not representing the data in the form of aggregates (e.g. proportional symbols). There is a will to remind that we are talking about lives and to insist on the fact that each individual is unique. Hence the need to represent them all. Furthermore, it should be noted that this representation, with the progressive shifting of points (see 2 – spread) gives a fairly good account of quantities and proportionality.
2 – Spread
The method of moving the circles to avoid overlapping, inspired by Danny Dorling’s method, is in my opinion quite similar to the idea of the propagation of the virus. Even if it is a graphic artifice, the movement of the points from day to day, like a pattern that gradually and dangerously spreads over the surface of the map, is a reminder of the contagion of the virus and its spread in space. Here, there is a coherence between the form (graphic) and the content (thematic).
3 – Overflow
Finally, another strong idea, which was in fact the starting point for this work, is the aim to reflect the overflow and saturation of health services in the face of a health crisis for which we were clearly unprepared. The dots are moving day by day far beyond their original mesh until the image is overloaded. The targeted effect is to produce a real visual suffocation that evokes, at least that was my intention, the crisis situation in the hospital. Let’s recall that, the warning signals had been very numerous, as shown on this banner captured on December 17, 2019…
The source code is available here [see]. The next map update will be done tonight after 7pm. To be continued…
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:20
Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
sur Carnet (neo)cartographiqueComment cartographier le mouvement, les déplacements, les migrations ?
Cette question agite le cerveau des cartographes depuis longtemps, car aucune réponse simple ni de consensus n’a jamais été complètement trouvé. Le défi est en effet important. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder comment les déplacements sont en général décrits. En effet, pour décrire un ensemble de déplacements, on utilise généralement une matrice M appelée matrice OD (pour matrice Origine-Destination) qui comptabilise simplement le nombre de déplacements observés entre chaque couple de zones OD. Même si cette matrice est généralement creuse (c’est-à-dire qu’elle contient beaucoup de zéros, un certain nombre de zones n’échangeant pas de déplacements entre elles), le nombre de données à représenter est de l’ordre du nombre de zones au carré ! Difficile dans ces conditions de mobiliser simplement une carte choroplèthe ou de simple symboles proportionnels positionnés au centre de chacune des zones de l’étude. Ces méthodes par nature ne permettent de représenter qu’une information par lieu et non une information impliquant des couples de lieux.Pour résoudre cette difficulté, les cartographes ont tout de même imaginé un grand nombre de solutions. Des cartes de flux utilisant des flèches, des cartes multiples, des représentations matricielle, des représentations circulaires …
Mais ce ne sont pas celles-là qui nous amènent aujourd’hui. La solution dont nous allons discuter a été imaginée par le prolifique Waldo Tobler dans les années 70 / 80. Tobler a travaillé sur différentes méthodes de visualisation et a évoqué une approche particulière dans différents articles, permettant de reconstruire un champ vectoriel (tel que ceux rencontrés dans la description des vents, par exemple) pour décrire des migrations observées. L’article A Model of Geographic Movement publié en 1980 est une bonne présentation synthétique de ses recherches sur cette question. Pour les curieux, je vous recommande également ces 2 présentations : A Movement Talk et Asymmetry to Potentials dans lesquelles il évoque les données de migrations entre communes Françaises comme cas d’étude pour sa méthode.
Dans le cadre du projet Tribute To Tobler (TTT), nous avons donc trouvé naturel de produire des cartes dynamiques sur les migrations résidentielles françaises telles que celle-ci pour remettre en avant cette méthode.
Carte des vents des migrations résidentielles des retraités Français en 2016 [source recensement INSEE]Vous pouvez explorer les résultats obtenus pour d’autres catégories de la population française ici.
Ces cartes s’appuient sur la méthodologie de Tobler pour reconstruire un champ vectoriel : à chaque point de l’espace est associé un vecteur donnant une direction et une amplitude résumant les migrations observées ; et sur une technique de visualisation, les streamlets. La visualisation des champs vectoriels sous la forme de streamlets est assez classique. Les streamlets sont simplement des particules dont on simule le comportement suivant le champ vectoriel que l’on veut visualiser, pendant une petite période de temps, avant de les faire disparaître et d’en simuler de nouvelles.
Un effet de légère traînée – obtenu en conservant une version estompée de la simulation au pas de temps précédent – permet de mieux suivre les trajectoires des particules individuelles. Pour obtenir ce rendu, nous avons développé un petit script d3 qui s’inspire en partie du code de wind.js, un portage du projet earth-null-school développé pour visualiser les données de vents sur la surface du globe.Ces cartes possèdent donc un lien fort avec les cartes de phénomènes physiques de vents, telles que la magnifique carte du projet earth-null-school qui s’appuie également sur le système des streamlets pour représenter le champ vectoriel décrivant les vents. Cependant, elles ne sont pas tout à fait de même nature que celles qui portent sur des migrations. Les cartes physiques de vents peuvent s’appuyer sur des mesures directes du champ vectoriel associé au vent. En chaque point de l’espace, il est possible de mesurer la direction et la force du vent ; chaque point de l’espace est donc associé à un et un seul vecteur et la mesure obtenue correspond donc directement à un champ vectoriel.
Carte des vents du projet earth-null-school.
Dans le cas des migrations de personnes ou de biens, ce champs que nous représentons n’est pas observé directement et n’est en fait en partie qu’une (re)construction de l’esprit. En effet, seuls les lieux d’origine et de destination des déplacements sont observés, c’est pourquoi il est nécessaire de (re)construire un champ vectoriel permettant de résumer ces mouvements observés entre les couples de lieux. C’est justement ce que fait la méthodologie développée par Tobler.
La carte suivante montre ainsi le champ reconstruit par Tobler à partir des données de migrations de billets de 1 dollar, en 1976, aux USA. La visualisation est statique, car les moyens informatiques de l’époque rendaient difficile la création de cartes animées telles que celle que nous proposons ; le champ vectoriel est visualisé à l’aide de flèches positionnées sur une grille dont la longueur et la direction varient.Champs vectoriel et potentiel associés aux mouvements des billets de 1 dollar aux USA, en 1976
(re)construits avec la méthode de Waldo Tobler. Tobler dans A geography of movements.La combinaison assez naturelle que nous proposons des champs vectoriels de Tobler associés au rendu en streamlets donne un résultat assez parlant. Ce qui, à mon sens, rend cette représentation particulièrement efficace c’est l’adéquation parfaite qu’elle offre entre le fond et la forme.
La carte animée représente des mouvements au sens propre comme au sens figuré. Les dynamiques qui l’animent représentent bien des mouvements. J’ai cherché où trouver une bonne image pour évoquer ce lien fort et direct entre forme et fond et j’aime bien l’idée du calligramme cartographique, ce qui me permet de glisser dans ce post un calligramme de Guillaume Apollinaire.
En tout cas, ce procédé rend cette représentation des mouvements particulièrement intelligible et efficace, cela au premier regard et même sans échelle, un crime !Calligramme de Guillaume Apollinaire issu de Calligrammes, sous-titré Poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, publié le 15 avril 1918 aux éditions Mercure de France.
Comme nous l’avons déjà dit, cette représentation s’appuie sur la (re)construction d’un champ vectoriel pour résumer des migrations ; elle n’est donc in-fine pas une représentation parfaite de ces migrations. Nous reviendrons sur les inconvénients qui découlent de ce choix, mais pour l’heure intéressons-nous à la (re)construction de ce champs.
Comment ça marche ?Pour reconstruire un champs de vecteurs résumant une matrice OD, la méthodologie s’appuie sur un nombre restreint d’hypothèses et sur 2 étapes.
La première de ces étapes consiste à reconstruire un champ non pas vectoriel mais scalaire (associant à chaque nœud d’une grille un nombre) qui va décrire l’attractivité de chacun des nœuds de la grille.
La seconde étape permet d’obtenir le champ vectoriel en calculant le gradient, c’est-à-dire la dérivée en x et y, par différence finie du champ précédent.Un nœud de la grille i et ses quatre voisins (N, E, S, O) et leurs échanges.
Imaginons que l’espace est représenté par une grille régulière, chaque nœud étant placé tous les 2 km par exemple. Chaque nœud de cette grille communique et échange uniquement avec ses quatre voisins. C’est la première hypothèse forte qui est posée : les mouvements sont locaux, ils ne peuvent s’effectuer que de proche en proche. La figure précédente reprend cette hypothèse et décrit les différents flux entre un nœud i et ses quatre voisins. Enfin, le solde de i, ?i est calculé : il correspond simplement à la différence entre les flux entrants et les flux sortants de i.
La seconde hypothèse forte du modèle de Tobler permet de relier les flux observés à l’attractivité des lieux. La différence entre les valeurs des flux observés est supposée proportionnelle à la différence d’attractivité des lieux (pondérée par l’inverse de la distance entre ceux-ci, certains retrouveront ici des liens avec le modèle gravitaire). Comme ici les nœuds sont placés sur une grille régulière, ceux-ci sont positionnés à équidistance les uns des autres et ce facteur de distance peut être supprimé. En utilisant cette hypothèse pour le nœud précédent, il est possible d’écrire 4 équations quasiment identiques : elles font intervenir l’attractivité du nœud i et de ses voisins, ainsi que l’ensemble des flux entre ceux-là.
En additionnant simplement ces quatre équations, nous obtenons une nouvelle relation entre ces nœuds qui est au fondement de l’approche. Celle-ci fait en effet apparaître le solde en i et les attractivité des 5 nœuds concernés.
Cette équation peut être dérivée de manière identique pour l’ensemble des nœuds de la grille, à l’exception des nœuds situés sur la frontière pour lesquels un traitement spécifique est nécessaire en raison d’un effet de bord, cela permet d’obtenir un système d’équations liant les attractivités aux soldes. Si les soldes sont observés (ou calculés a partir d’une matrice OD), il est possible de résoudre ce (très grand) système d’équations pour obtenir les attractivités de chacun des nœuds, à une constante additive près.L’idée de Tobler consiste à calculer les soldes en chaque nœud de la grille à l’aide d’une matrice OD et d’en déduire les attractivités et le champ vectoriel associés ; ce dernier étant donné par calcul de différences finies.
Schéma de l’affectation des noeuds de la grille régulière aux zones.
Pour calculer les soldes en chaque nœud d’une grille à partir d’une matrice OD entre zones définies par des polygones, Tobler propose simplement de calculer les soldes de chaque zone, puis de les répartir de manière uniforme sur l’ensemble des nœuds se situant à l’intérieur de la zone considérée (comme le montre le petit schéma précédent).
Pour résumer, on calcule donc les soldes finaux de chaque nœud et l’on essaye de reconstruire le champ d’attractivité en contraignant les mouvements à être locaux qui sont compatibles avec ces soldes observés au niveau des zones de départ.Au final, ce n’est donc qu’un résumé de la matrice OD qui est pris en compte, les soldes ou balances entre entrants/sortants de chaque zone. Ces soldes permettent de décrire l’asymétrie de la matrice OD. Il ne reste plus qu’à rechercher le champ d’attractivité avec des déplacements locaux qui est compatible avec ces soldes.
Il est intéressant de noter que ce système d’équations correspond à la discrétisation d’une équation physique bien connue, l’équation de Poisson, même si elle n’a pas été dérivée en utilisant une analogie physique, mais un modèle sur les déplacements (le déplacement est contraint au voisinage et la différence des flux est proportionnelle à la différence d’attractivité).
LimitesComme nous l’avons vu, au final, cette méthode entraîne tout de même une perte d’information, seuls les soldes de chaque zone sont utilisés ; le reste de l’information étant reconstruit en utilisant l’hypothèse de continuité des déplacements de proche en proche, les particules n’ayant pas le droit de se téléporter. Cela peut entraîner des déformations dans la perception des échanges et ne permet pas de visualiser des relations qui justement ne respecteraient pas cette propriété. Enfin, cette hypothèse rend difficile le traitement de territoires non continus qui présentent des îles ! C’est d’ailleurs pour cela que la Corse n’est pas représentée dans notre proposition cartographique. Les mouvements étant locaux, il faut nécessairement un chemin, une continuité spatiale entre chaque nœud de la grille pour que le résultat obtenu fasse sens. J’aimerai d’ailleurs bien réfléchir à cette question dans le futur.
Voila pour cette première présentation autour des travaux de Tobler sur la visualisation de flux. D’autres posts suivront peut-être sur ces questions, avant que nous ne diffusions le package R permettant de faire plus facilement ce genre d’analyse.
Références mentionnées
J’espère que, si vous avez réussi à me suivre jusqu’ici, ce post vous aura permis de mieux comprendre cette méthodologie proposée par Tobler et ses limites éventuelles.Tobler W. R. (1980) A Model of Geographic Movement
Billets liés à TTT
Tobler W. R. A Movement Talk
Tobler W. R. (2005) Asymmetry to Potentials
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
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11:24
Cartographie(s) “extrudée(s)”
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Extrusion, n.f. Procédé de mise en forme des matières plastiques, qui consiste à pousser la matière à fluidifier à travers une filière. Synonyme : Boudinage. [https:]
Camarades cartographes, « profitant » de ces jours de confinement forcés et du fait d’un emploi du temps modifié, je me suis lancé dans quelques expérimentations graphiques (plus ou moins concluantes) dans mon langage de prédilection : R. En effet, féru des représentations cartographiques vintages, et notamment celles du début de l’informatique, j’ai essayé de reproduire ces fameuses cartes dites « extrudées » (ou en prismes) dont la paternité revient apparemment à George F. Jenks – et non à Waldo Tobler comme je le pensais auparavant, merci Laurent Jégou pour la référence [voir] – que vous connaissez sûrement pour sa fameuse méthode de discrétisation. Même si plusieurs outils permettent déjà de produire ce genre de représentation, j’ai voulu en réaliser un moi même dans le but d’obtenir des cartes dans un style épuré et 100 % vectoriel pour pouvoir les importer et les modifier dans un logiciel de dessin.
Pour cela, j’ai commencé à développer le package R mapextrud qui propose deux principales fonctions. La fonction deform() qui permet de mettre le fond de carte en perspective, et la fonction extrude() qui permet de réaliser la carte extrudée. Notons que nous sommes là encore au stade de l’expérimentation. Le programme reste très lent et produit encore des images imparfaites.
Le résultat est le suivant :
Notez aussi que cette méthode permet des rendus assez sympas sur les cartes lissées avec un aspect « culture en terrasses ». En voici une réalisée à partir des données d’exemple du package R SpatialPosition sur les lits d’hôpitaux à Paris.
Notez enfin que cette méthode s’applique aussi facilement à des grilles régulières, comme le montre cette représentation sur la population mondiale réalisée, elle aussi, avec le package.
Au delà de ces expérimentations informatiques, reste la question du sens. D’un point de vue sémiologique, l’extrusion de polygones aux tailles et formes hétérogènes n’est pas sans poser quelques questions. Faut-il faire varier la hauteur des polygones ou leurs volumes ? Il ne semble pas y avoir de consensus sur ce point. Soyez prudents…
Bref, notez bien que le travail présenté ici est un travail en cours. Les paramètres et les fonctions du package sont encore susceptibles de bouger. Une fois le package stabilisé (si j’y arrive), celui-ci sera mis en ligne sur le CRAN et je vous en informerai via un nouveau billet de blog. Mais d’ici là, si vous voulez contribuer pour améliorer le travail déjà effectué, n’hésitez pas (Pull request, etc). Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin, comme dit le proverbe africain.
Vous pouvez installer le package dans R en tapant ceci : devtools::install_github(« neocarto/mapextrud »)
Vous pouvez accéder au code source ici : [voir ]
Et à la documentation ici : [voir]Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un projet de recherche pluri-disciplinaire
TTT (Tribute To Tobler)— English version —
Building « Extruded » map(s) in RExtrusion, noun. The process of forming something by forcing or pushing it out, especially through a small opening. [https:]
Comrades cartographers, « taking advantage » of these days of forced confinement and because of a modified schedule, I launched into some graphic experiments (more or less conclusive) in my favourite language: R. In fact, as a fan of vintage cartographic representations, especially those from the early days of computer science, I tried to reproduce these famous « extruded » (or prism) maps whose authorship apparently belongs to George F. Jenks – and not Waldo Tobler like I thought before, thank you Laurent Jégou for the reference [see] – who you probably know for his famous method of discretization. Even if several tools already allow to produce this kind of representation, I wanted to make one myself in order to obtain maps in a sober and 100 % vectorial style to be able to import and modify them in a drawing software.
For this, I started to develop the R mapextrud package which offers two main functions. The deform() function which allows to put the basemap in perspective, and the extrude() function which allows to make the extruded map. Note that we are still at the experimentation stage. The program remains very slow and still produces imperfect images.
The result is as follows:
Note also that this method allows for quite nice renderings on smoothed maps with a « terrace cultivation » aspect. Here is one made from the example data of the R SpatialPosition package on hospital beds in Paris.
Finally, note that this method is also easily applied on regular grids, as shown in this representation of the world population also made with the package.
Beyond these computer experiments, the question of meaning remains. From a « semiological » point of view, the extrusion of polygons with heterogeneous sizes and shapes is not without asking some questions. Is it necessary to vary the height of the polygons or their volumes? There does not seem to be a consensus on this point. Be careful…
In summary, please note that the work presented here is a work in progress. The parameters and functions of the package are still subject to change. Once the package will be stabilized (if I can), it will be put online on the CRAN and I will inform you about it via a new blog post. But until then, if you want to contribute to improve the work already done, don’t hesitate (Pull request, etc). Alone we go faster, together we go further, as the African proverb says.
You can install the package in R by typing this: devtools::install_github(« neocarto/mapextrud »)
You can access the source code here: [voir ]
And to the documentation here: [voir]This work was done as part of a multi-disciplinary research project called
Billets TTT liés / linked blog post
TTT (Tribute To Tobler)
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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19:41
Ma 1ere carte, de flux
sur Carnet (neo)cartographiqueConfinement oblige, on se recentre et parfois on retrouve quelques pépites.
En voici une !Ceci est ma première carte de flux. Réalisée en 2007. Je la dépose ici en l’état, dans sa mise en page, avec les commentaires de l’époque.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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22:52
Le coronavirus, sur ses webmaps et ses graphes
sur Carnet (neo)cartographiqueLa pandémie actuelle du coronavirus donne l’opportunité aux (néo)cartographes de proposer des cartes permettant de visualiser les dégâts, l’extension géographique de son influence, les motifs de sa diffusion, avec parfois une profondeur temporelle.
Cette production cartographique apparaissant notable, une page récapitulative leur est d’ailleurs consacrée sur le blog collectif de Cartographie(s) numérique(s). L’impressionnant recensement d’images de toutes sortes et de toutes provenance que Sylvain Genevois (2020) propose a « (…) notamment pour [ambition de] développer la prévention auprès des populations. Au delà de l’exemple du coronavirus comme symbole des paniques de notre siècle, l’article vise à esquisser une réflexion sur la cartographie des épidémies à l’ère de la mondialisation.». Aussi et avant cela, d’examiner les éléments qui participent de la fabrication de ces cartes de manière à « (…) aller vers une approche cartographique plus scientifique. », ce qui ne serait pas le cas de l’essentiel des cartes qui y sont recensées et pour cause, elles émanent majoritairement de la société civile. Le billet met ainsi davantage l’accent sur les cartes statistiques qui mobilisent des données dans le cadre d’analyses qui dépassent le stade de la description.
Foule de webmaps sur le coronavirusLa forte production de webmaps dédiées au coronavirus par des acteurs relevant de la société civile et de la presse est révélatrice de l’existence d’une forte demande sociale d’informations pour ce type de phénomènes mondiaux (pour des raisons qui semblent liées à leur potentiel catastrophique en termes de santé publique, d’économie, etc.). Elle pose l’hypothèse de l’existence de procédés de remédiation spécifique à la mise en carte de catastrophes, c’est-à-dire de pratiques liées à la fabrique contemporaine de la carte (liée au geoweb) qui iraient au delà de son usage.
Ces webmaps sont d’apparence et de niveau informationnel variés. Qu’elles fournissent ou non une information, elles sont logiquement assez largement partagées sur les réseaux sociaux, au sein et entre des communautés différentes. Elles participent de fait, pour une bonne part d’entre elles, de la diffusion d’une connaissance, d’un message, sur la situation du virus – par exemple : l’évolution du nombre de cas pour les pays concernés.
Le rôle de ces cartes numériques est d’autant plus important qu’elle bénéficient d’un double pouvoir : le pouvoir historique d’autorité, propre au document carte et le pouvoir, certes plus récent, de sa version numérique, que le support web renforce indéniablement. Dans ce registre, il serait d’ailleurs particulièrement intéressant d’analyser la fonction de médiation de toutes ces cartes numériques portant sur le coronavirus.
Si tout semble « au mieux dans le meilleur des mondes possibles » (en matière de cartographie, bien entendu), il convient en effet de noter que cette production cartographique est entachée de quelques critiques portées sur la composition des documents : leur forme, leur style et leur fond sont commentés au point que certain.e.s soient tenté.e.s de représenter autrement la diffusion et/ou la distribution spatiale du coronavirus. L’objectif étant dans bien des cas de produire une image plus fidèle à la réalité géographique de ce virus.
La figure cartonumérique du coronavirus, parce qu’elle est souvent bardée de cercles rouges apparaît anxiogène. Outre l’effrayant affichage du nombre de cas, elle est par ailleurs sauf exception peu informative pour deux raisons. La première est que les auteurs et autrices sont souvent des designers d’informations, produisant du contenu visuel (par une mise en graphique directe des données) et non des scientifiques produisant une information illustrant les résultats d’observations ou d’analyses. La seconde raison est qu’en la matière, les données sont lacunaires ou non encore consolidées. Dans le registre de la carte thématique, l’enjeu réside d’abord sur l’articulation des informations (statistique et géographique) puis sur la manière de les représenter pour produire un message monosémique. L’importance de l’information disponible explique probablement l’engagement récent d’une collecte collaborative de données le 14 mars 2020, sur une plateforme permettant le dépôt, l’archivage et la coédition en ligne (voir ici : Github).
Cette plateforme utilisée par les développeurs et designers d’informations, sert en effet un objectif de transparence, d’honnêteté et d’ouverture qui n’est pas réservé à la société civile; il est aussi le fait de projets scientifiques, tels celui de Nextstrain.
Le projet NextstrainLa plateforme Nextstrain fait partie d’un projet de recherche collective initié par Richard Neher, biologiste de l’Université de Bâle, pour surveiller les changements génétiques de différents agents pathogènes parmi lesquels le coronavirus, mais aussi ebola ou encore zika. Il propose notamment un suivi en temps réel de leur évolution dans le temps et dans l’espace au niveau mondial, à différents niveaux de résolutions.
Nextsrain donne ainsi lieu à une production intéressante voire unique d’analyses, de possibilités d’exploration de données et de (géo)visualisations portant sur la séquence des agents pathogènes étudiés. La particularité du projet réside aussi dans son mode collaboratif (le projet implique de nombreuses équipes de recherche), son esprit d’ouverture et le caractère reproductible de ses analyses.
Les motivations de l’équipe en ce sens sont très claires :
« Si les séquences du génome d’un agent pathogène doivent servir de base aux interventions de santé publique, il faut alors procéder rapidement à des analyses et diffuser largement les résultats. Les pratiques actuelles de publication scientifique entravent la diffusion rapide des résultats pertinents sur le plan épidémiologique. Nous pensons qu’un système ouvert, en ligne, qui met en œuvre de solides filières bio informatiques pour synthétiser les données de tous les groupes de recherche est le plus à même de faire des déductions épidémiologiques exploitables. En outre, nous avons ouvert tous les outils que nous utilisons et nous espérons créer une communauté autour de Nextstrain qui soutient et promeut les analyses génomiques de toutes sortes. »
Le projet fournit en effet à la communauté scientifique [Voir] une mise à jour en continu de données, de codes source (sous licence publique générale GNU Affero) et de résultats d’analyses sous la forme de rapports et d’images pouvant être utilisés librement sous licence CC-BY-4.0 incluant l’attribution à nextstrain.org, le tout pour « (…) aider à la compréhension épidémiologique et d’améliorer la réponse aux épidémies (…) renforcer les capacités des communautés de l’épidémiologie génomique et de la santé publique au sens large ».
La production graphique du projetNextstrain diffère des autres propositions graphiques actuelles sur les virus sur plusieurs points.
La page accessible ici (filtrée pour le Coronavirus) diffère d’abord par son apparence assez classique, elle présente un style plutôt sobre, des couleurs neutres qui s’opposent au fameux modèle du rouge-et-noir.
La page se distingue aussi par ses deux principales modalités d’exploration des données, une carte (voir ci-dessous) et un graphe, jouant sur leurs complémentarités (mais pas celles que l’on croit) sur visualiser la géographie ou la temporalité de ces agents.
Source : Nextstrain.org
Source : Nextstrain.org
Ces vues peuvent être enrichies par des possibilités de filtrage interactif, par :
- niveau géographique : localité, division administrative (région) et pays ;
- hôte : canin, environnemental et humain ;
- auteur et laboratoire.
La page de Nextstrain se distingue enfin par ses partis-pris méthodologiques qui, d’après ce que j’ai pu observer, conduisent à explorer la temporalité par la carte et la géographie par le diagramme.
Explorer la temporalité par la carteLes données étant spatio-temporelles, elle sont représentées sur une carte interactive et animée. S’il n’est pas possible d’agir sur des composantes cartographiques, le paramètre temps est quant à lui mobilisé / mobilisable dans deux dimensions : pour visualiser le temps des données en lien avec le temps de la représentation, les actions correspondantes permettant d’animer la carte en jouant sur le critère de vitesse de représentation.
La carte se trouve être la modalité graphique la plus riche du projet. La composante d’échelle est gérée par le filtre géographique (par localisation, par division administrative et par pays), comme illustré ci-dessous.
Résolution de niveau local (16 mars 2020)
Au-delà du choix du niveau de résolution, il intéressant de noter que les paramètres d’action de la carte sont liés à la gestion du temps sur le geoweb, c’est-à-dire d’informations permettant d’enrichir, d’une part, d’abord l’exploration temporelle des données avant leur composante géographique ; d’autre part, l’expérience de géo visualisation en ligne.
La vue cartographique peut en effet être animée, pour servir de support à la perception de la « dynamique » de l’agent considéré, pour visualiser l’historique de sa propagation et son évolution au cours du temps, dans leur contexte géographique.
La composante temporelle des données cartographiées est accessible par les actions suivantes :
- au clic direct sur la carte, via le bouton Play placé directement sur la carte, pour animer ses données et explorer leur ligne de temps ;
- par le réglage de la vitesse d’animation sur l’un des trois niveaux proposés : lent, moyen, rapide ;
- par le réglage du type d’animation, pour une visualisation « en boucle » ou sous la forme d’une « histoire cumulée ».
Si la composante temporelle des données a logiquement été privilégiée dans cette représentation, on regrette toutefois que la carte ne permette pas d’enrichir davantage l’exploration géographique de ces données.
La légende manquant cruellement, il est impossible de savoir au premier abord à quoi correspondent exactement les tailles des cercles représentés, de même qu’il est difficile de savoir à quoi correspondent les différentes couleurs (apparemment) fixées par défaut.
Pour cause, l’exploration géographique de la propagation de ces agents passe par l’examen d’un graphe.
Explorer la géographie par le grapheLe graphe proposé est de type arbre hiérarchique, présenté selon quatre modalités de dessin : rectangulaire tel un dendrogramme, radial, déraciné ou encore « horloge ». Ces graphes hiérarchiques donnent à voir l’origine et le mode de diffusion des agents.
Le graphe étant interactif, la proposition d’action sur les dimensions de l’arbre entraîne la modification de l’axe des abscisses ; l’axe des ordonnées étant réservé à la distribution géographique de l’agent par niveau territorial (localité, région, pays).
Une action sur le graphe entraîne donc une modification de la longueur et de l’apparence colorée des branches. La longueur des branches (des liens) varie selon que l’affichage de la temporalité est de type Temps ou « divergent », tandis que leur apparence tient à l’affichage ou non des labels.
Exemple de l’arbre de type rectangulaire
Affichage de la temporalité de type Temps. Source : Nextstrain.org.
Affichage de la temporalité de type Divergent. Source : Nextstrain.org
Chacun des nœuds de l’arbre correspond à un pays (cf. le choix de filtrage étant le pays), dont il est possible d’afficher la fiche (voir ci-dessous) et de repérer ses voisins qui ont une teinte similaire ou proche, en affichant la légende. Le comportement de chacun des pays, similaire à son voisinage ou isolé est dès lors facilité sur le graphe, puis sur la carte qu’il est possible de ré-examiner de ce point de vue.
Affichage de la géographie sur graphe. Source : Nextstrain.org
Les possibilités d’action sur la teinte des nœuds ne se limitent pas au pays, d’autres variables auraient pu être utilisées telles la date, le génotype, la localisation, l’hôte, l’âge, le sexe, les auteurs, le laboratoire d’origine, le laboratoire de soumission.
Pour finir, une belle application pouvant tenir lieu d’observatoire ouvert sur les données, la géographie et la temporalité de cette pandémie du coronavirus (notamment), sûrement bien utile – aux initi.é.e.s pouvant lire et interpréter la mine d’informations disponibles – à l’heure où l’on parle d’une augmentation de la vitesse de propagation internationale, à l’échelle mondiale, mais aussi locale des relations interpersonnelles.
Référence du projet :
Hadfield et al. (2018) Nextstrain: real-time tracking of pathogen evolution, Bioinformatics> Le dépôt : https://github.com/nextstrain/ncov
> La page : [https:]Voir aussi :
Genevois S. (2020), La cartographie des épidémies entre peur de la contagion et efforts de prévention. Exemple à travers la diffusion du coronavirus, Blog cartographie(s) numérique(s)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:53
Fermer les frontières tue !
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, il est de bon ton aujourd’hui de dire qu’il faudrait fermer les frontières pour se protéger du Coronavirus et ainsi sauver des vies. C’est bien vite oublier que les frontières sont elles aussi responsables de la mort de milliers d’êtres humains à traverses le Monde. Aux frontières de l’Union européenne, c’est 50 000 hommes, femmes et enfants qui y ont péri depuis le début des années 1990.
Afin que vous puissiez en juger par vous mêmes, je vous propose ici un petit outil cartographique permettant de visualiser les migrants morts et portés disparus au voisinage de l’Union européenne depuis 1993. L’objectif est de maintenir à jour cette « carte des morts » qu’on me demande régulièrement et de disposer d’une carte paramétrable par année et espace géographique.
Cette carte repose sur 3 bases de données :
- United for Intercultural Action (1993 – 1999)
United for Intercultural Action est un réseau européen de lutte contre le nationalisme, le racisme et le fascisme et de soutien aux migrants, aux réfugiés et aux minorités. United coordonne des campagnes, organise des conférences, prend part à des projets, produit des publications et entreprend des actions de sensibilisation pour protester contre la discrimination et promouvoir notre vision commune d’une société diverse et inclusive. Dans ce cadre de leurs actions, ils publient sur des affiches ou de grandes bandes de papier déroulées dans l’espace public, la liste des migrants morts aux frontières de l’UE [voir]. Il s’agit donc d’une base de donnée militante qui a été longtemps la seule disponible et c’est elle qui a permis de lancer l’alerte à un moment où personne n’avait idée de l’ampleur du phénomène [voir]. - The Migrant’s file (2000 – 2013)
The Migrant’s file est une base de donnée créée par un consortium de journalistes provenant de 15 pays européens. Leur travail à consisté à vérifier toutes les données pour tenter de donner une image juste de la mortalité à nos frontières. Surprise, ce travail a démontré que toutes les données disponibles jusqu’ici sous estimaient largement la réalité. Ce travail de recensement et de fact checking ont été abandonnés le 24 juin 2016. Il a été récompensé par plusieurs prix [voir]. - OIM (à partir de 2014)
Le projet « Missing Migrants » de l’Organisation internationale pour les migrations recense les incidents impliquant des migrants, y compris des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui sont morts ou ont disparu au cours du processus de migration vers une destination internationale. C’est à ce jour la base de donnée sur le sujet la plus utilisée. Elle est quotidiennement mise à jour [voir].
Au final, cette carte est dans la lignée des différentes cartes produites depuis des années sous l’impulsion d’Olivier Clochard et Philippe Rekacewitz [voir] et mises à jour abondamment notamment par le réseau Migreurop [voir]. Elle s’inscrit dans la continuité de ces cartes radicales destinées à alerter sur les drames qui se produisent à nos frontières. Elles sont un appel politique à l’ouverture et la démocratisation des frontières pour que toute personne, qu’elle soit riche ou pauvre, puisse circuler librement en toute sécurité.
- L’application cartographique est ici [voir]. Merci de me pardonner les quelques bugs qui subsistent encore.
- Le code source est ici [voir]
— English version —
The Borders KillsComrades cartographers, it is common practice today to say that borders should be closed to protect us against the Coronavirus and thus save lives. It is forgetting that borders are also the cause of death of thousands of human lives around the world. At the borders of the European Union, 50 000 men, women and children have died since the early 1990s.
So that you can judge for yourselves, I offer you here a small mapping tool to visualise the dead and missing migrants in the neighborhood of the European Union since 1993. The aim is to keep this « map of the dead », which I am regularly asked to update, up to date and to have a map that can be configured by year and geographical area.
This map is based on 3 datasets:
- United for Intercultural Action (1993 – 1999)
United for Intercultural Action is a European network fighting nationalism, racism and fascism and supporting migrants, refugees and minorities. United coordinates campaigns, organises conferences, takes part in projects, produces publications and undertakes awareness-raising activities to protest against discrimination and promote our common vision of a diverse and inclusive society. As part of their work, they publish on posters or large strips of paper in public spaces the list of migrants who have died at the EU borders [see]. It is therefore an activist database that was for a long time the only one available, and it was the only one that made it possible to raise the alarm at a time when no one had any idea of the extent of the phenomenon [see]. - The Migrant’s file (2000 – 2013)
The Migrant’s file is a database created by a consortium of journalists from 15 European countries. Their work consisted in checking all the existing data to try to give an accurate picture of mortality at our borders. Surprisingly, this work has shown that all the data available so far largely underestimates the reality. This census and fact checking work was stopped on 24 June 2016. It has been awarded several prizes [see]. - IOM (from 2014)
The « Missing Migrants » project of the International Organization for Migration identifies incidents involving migrants, including refugees and asylum-seekers, who have died or disappeared during the process of migration to an international destination. It is currently the most widely used database on the subject. It is updated daily [see].
In the end, this map is in line with the various maps produced over the years under the initiative of Olivier Clochard and Philippe Rekacewitz [see] and abundantly updated, notably by the Migreurop network [see]. It is a continuation of these radical maps intended to alert on the dramas that occur at our borders. They are a political message calling for the opening and democratization of borders so that everyone, rich or poor, can move freely and safely.
- The mapping application is here [see]. Please forgive me for the few bugs that still exist.
- The source code is here [see]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
- United for Intercultural Action (1993 – 1999)
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17:31
Des points, des liens et des humains
sur Carnet (neo)cartographique« Tout interagit avec tout, mais deux objets proches ont plus de chances de le faire que deux objets éloignés » (Waldo Tobler).
Camarades cartographes, je continue ici ma série cartographique sur les globes
[voir et voir] avec cette petite expérimentation de géo-visualisation originale basée sur la grille de population du gw4 [voir]. Il s’agit là d’un prototype et il est, de ce fait, non dénué de certaines imperfections.Les principes sont les suivants :
1 – Chaque pixel est symbolisé par un figuré proportionnel représentant le nombre d’habitants dans le pixel.
2 – En faisant varier la taille des pixels, on peut donc visualiser la population mondiale à différentes échelles. Notons au passage que les surfaces des cercles sont comparables d’une échelle à l’autre. Mais attention, si vous choisissez un niveau d’agrégation trop fin, votre ordinateur risque de ramer un peu…
3 – En faisant varier le seuil de population représenté, vous pouvez faire disparaître les zones peu denses et focaliser la carte sur les zones les plus densément peuplées.
4 – Deux zones proches et suffisamment peuplées sont reliés par un trait.
Au final, cette carte mobilise une symbolique simple : des symboles ponctuels et des lignes. Une représentation cartographique basique pensée pour donner à voir un monde interconnecté où la notion de distance compte. Et quoi de mieux qu’une carte qui relie les Hommes entre eux ?
NB : D’un point de vue technique, cette carte s’appuie sur un couplage R+Shiny d’une part et D3.js d’autre part, à l’aide du package r2d3. Toutes les cartes sont générées à la volée. Les codes sources sont disponibles en ligne [voir]
Dots, links & humans: A New Map of the World’s Population« Everything is related to everything else, but near things are more related than distant things » (Waldo Tobler).
Comrades cartographers, I go on with my cartographic series on globes [see and see] with this small original geo-visualization experiment based on the gw4 population grid [see]. This is a prototype and is, therefore, not without some imperfections.
The principles are as following:
1 – Each pixel is symbolized by a proportional circle representing the number of inhabitants in the pixel.
2 – By varying the size of the pixels, we can thus visualize the world population at different scales. Note that the surfaces of the circles are comparable from one scale to another. But beware, if you choose too fine a level of aggregation, it’s going to take a while for your computer to calculate…
3 – By varying the population threshold, you can make the low-density areas disappear and focus the map on the most densely populated areas.
4 – Two close and densely populated areas are connected by a line.
Finaly, this map uses a simple symbolism: circles and lines. A basic cartographic representation designed to show an interconnected world where the notion of distance matters. And what could be better than a map that connects humans to each other?
NB: From a technical point of view, this map is based on a coupling R+Shiny on the one hand and D3.js on the other hand, using the r2d3 package. All maps are generated on the fly. The source codes are available on line [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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10:47
Le monde selon Trump : l’archipel palestinien
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, les cartes twittées par Donald Trump sont décidément très intéressantes. Hier, le président Américain publiait une carte intitulée « Vision for Peace » (qu’on peut traduire par vision pour la paix ou représentation pour la paix) avec le commentaire suivant : « C’est à cela que peut ressembler un futur État de Palestine, avec une capitale dans certaines parties de Jérusalem-Est » [voir].
Je propose ici un court décryptage cartographique à chaud. N’hésitez pas à le compléter dans les commentaires.Points clés
Sur la carte de Trump, le Plateau du Golan fait parti de l’État israélien. Ce territoire syrien, occupé et administré par Israël depuis de la guerre des Six Jours en 1967, a été annexé unilatéralement par Israël en 1981. Cette annexion n’est à ce jour pas reconnue par la communauté internationale. Il s’étend ainsi sur 1.154 km² .
La Vallée du Jourdain. Ce territoire, qui s’étend sur 120 km le long du fleuve Jourdain, représente près de 30 % de la Cisjordanie. Sur ce territoire vivent 10.000 des 400.000 israéliens établis en Cisjordanie, mais aussi environ 65.000 Palestiniens. L’annexion du Jourdain faisait partie des promesses de campagne de Benjamin Netanyaou aux élections législatives de l’an dernier. B. Netanyahu disait, en octobre 2019, que le plan de paix que l’administration Trump va prochainement dévoiler (nous y sommes) offrira une opportunité « historique et unique » pour cette annexion. C’est chose faite. A l’époque, l’Union européenne indiquait que ce même plan compromettait les perspectives de paix.La frontière entre Israël et le Liban est également forte intéressante. Seule ligne de la carte représentée par des pointillés, elle reprend le tracé de la ligne d’armistice du 23 mars 1949. Cette ligne n’est pourtant pas reconnue comme étant la frontière. Notons au passage la note figurant au bas de la carte : « La représentation des frontières ne fait pas nécessairement autorité ».
Enfin, il y a la capitale Jérusalem. Depuis le déménagement de l’ambassade des États-Unis le 14 mai 2018, Jérusalem est considérée par ces derniers comme la capitale d’Israël en lieu et place de Tel-Aviv. Cela est à nouveau entériné dans ce plan de « paix » puisque celle-ci est nommée comme étant « la capitale indivisible d’Israël », tout en disant aussi que certaines parties de Jérusalem-Est (lesquelles ?) seraient la capitale de la Palestine. Malgré ce flou, on voit se dessiner Jérusalem comme étant la capitale pleine et entière d’Israël, où les palestiniens venant en paix, pour visiter la mosquée Al-Aqsa, par exemple, seraient les bienvenus. C’est d’ailleurs ce qui est indiqué en gras sur la carte.
L’archipel Palestinien
De billets de blogs en billets de blogs, je ne cesse de le répéter : toute carte entérine un discours, reflète un point de vue, suppose un parti pris. Avec cette carte de Trump, on en a là un exemple flagrant. Au final, ce qui est proposé, c’est un État palestinien archipel qui n’est pas sans rappeler la vision poétique du géo-artiste Julien Bousac (voir infra). Un État gruyère, sans continuité territoriale, relié par des routes et des tunnels (contrôlés par qui ?), bardé de routes israéliennes permettant d’accéder à des enclaves représentées par des points. Bref, un État érodé et rabougri, miné de toute part et sous domination. Doté d’une carte très favorable à Israël, ce « plan de paix » entérine donc la colonisation et tout ce dont les palestiniens ne veulent pas. On est là en pleine logique Orwellienne. « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ». En réalité, plutôt que de bâtir la paix, cette carte entérine les germes de la guerre !
Notons au passage qu’on est bien loin du plan de partage de la Palestine adopté par l’ONU le 29 novembre 1947…
NB : les cartes ont été sélectionnées ici ou là pour illustrer mes propos. Cliquez-dessus pour accéder aux articles sources.
Lire aussi : [https:]]Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:01
#Néocarto solidaire
sur Carnet (neo)cartographiqueOpposé.e.s au projet de réforme des retraites et à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), ce carnet de recherches Néocartographique se montre solidaire des travailleuses et des travailleurs actuellement en lutte.
En conséquences, Néocarto rejoint la mobilisation en cours dans l’enseignement supérieur et la recherche ainsi que l’appel des travailleuses et des travailleurs du numérique et de l’Open Edition.
Le collectif #Néocarto
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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10:06
Exploration cartographique de relations mondiales #4 anamorphose
sur Carnet (neo)cartographiqueLa cartographie de relations mondiales souffre de problèmes graphiques spécifiques à ce type de données […] qui peuvent être résolus en filtrant les nœuds et/ou les relations à cartographier, ainsi qu’en changeant les positions des lieux.
Ce billet est le quatrième et dernier d’une série consacrée à l’exploration de relations aériennes. Le premier billet présente notre démarche générale, avec des exemples de fusion graphique des liens et de changement de projection [Voir #1] : le second billet est consacré au filtrage des nœuds et des liens, pour ne retenir en particulier que ceux qui sont dits majeurs [Voir # 2] ; le troisième billet est dédié au filtrage des liens, selon leur distance parcourue [Voir #3].
L’objectif ici est de poursuivre l’exploration dans le registre des transformations cartographiques de position des nœuds pour résoudre un problème identifié à la fin du billet #3. Cela va nous conduire à modifier la position des sommets, à transformer le maillage territorial en réalisant une anamorphose. Cette méthode, pourtant très utilisée en cartographie thématique choroplèthe, est étrangement peu mobilisée pour représenter des données relationnelles ou des flux spatialisé.e.s. Pourtant le même principe d’application peut être facilement mis en œuvre.
Les données étant relationnelles, l’anamorphose peut en effet être soit scalaire et porter sur les nœuds (les zones correspondantes) soit vectorielle et porter sur l’espacement entre les nœuds – en l’occurrence sur des caractéristiques des liens -, depuis un seul nœud (vectorielle uni polaire) ou entre plusieurs nœuds (vectorielle multi polaire). Seul le premier cas est mis en œuvre ici. L’anamorphose scalaire entraîne une déformation morphologique du fond de carte proportionnellement à une masse (un indicateur de stock) tandis que la seconde mobilise plutôt, généralement, un indicateur d’accessibilité pour renseigner sur des distances spatio-temporelles entre des lieux.Ce billet étant le dernier de cette série, nous tirons le double fil des possibilités de transformations cartographiques et de filtrage (des billets # 2 et #3) pour réaliser une carte de flux sur un fond de carte en anamorphose scalaire directe (l’anamorphose scalaire pouvant être inversement proportionnelle à la masse de référence).
Le fond de carte utilisé est assez classique (projection Mollweide) : la surface des pays est déformée proportionnellement au nombre de degrés de chacun des pays. On obtient ainsi un nouveau maillage territorial sur lequel on projette les relations – selon les filtrages présentés dans les billets précédents.
Pour faciliter la lecture des documents, les planches ci-dessous reprennent la carte classique (en haut à gauche) et sa version anamorphosée (en haut à droite). ; la carte résultante figure au centre, les relations y sont agrégées par pays.
La figure suivante représente les seules relations de moins de 645 km.
Figure 1. Relations de courte distance sur anamorphose des degrés
La figure 2 représente privilégie à l’inverse la densité de relations les densités de relations entre certains pays.
Figure 2. Cartographie des relations les plus fortes, anamorphose des degrés
On observe différents motifs intéressant, en particulier sur la longue distance qui présenterait les fréquences de lignes internationales les plus importantes … sans doutes faudrait-il approfondir …
Le mot de la FinSi tout est possible en termes de (géo)visualisation – il est possible de réaliser n’importe quelle image à partir de n’importe quelles données, pourvu qu’elle soit belle -, les résultats obtenus ne sont pas toujours pertinents dans le contexte d’une analyse thématique.
Les théorie de la représentation cartographique de données et celles du design d’information qui concourent toutes deux à la « communication cartographique » pour reprendre une expression de Gilles Palsky demeurent les variables clés permettant de présenter des résultats intelligibles.
L’image obtenue, si son esthétique est devenue fondamentale de nos jours, il convient de ne pas perdre de vue que sa construction devrait toujours dépasser ce seul cadre ; elle devrait résulter d’une attention au moins égale portée à l’information : à leur préparation et à leur traitement pour générer une carte info-communicationnelle. Inversement, les possibilités et facilités actuelles de calcul et de dessin offertes par les outils ne devraient plus être une excuse au manque d’imagination tant pour ce qui est du traitement de l’information que de son rendu esthétique.
Référence :
Bahoken F., Beauguitte L., Lhomme S. (2013), Visualizing world flows: a challenge between efficacy, accuracy and aesthetics, European Colloquium on Quantitative and Theoretical Geography (ECQTG’13), Special Session ‘’Networking the world II: data, Practice and Visualizations’’, Paris-Dourdan, juillet 2013. European Colloquium of Theoretical and Quantitative Geography (ECTQG, 2013), Dourdan. Télécharger le support PPT.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales, Carnet (néo)cartographique, [https:]] .
Exploration cartographique de relations mondiales #2 liens majeurs, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #3 liens distants, Carnet (néo)cartographique. [https:]]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:42
1,5 million de manifestant.e.s le 5 décembre
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, veillez trouver ci-dessous la carte des mobilisations du 5 décembre 2019 contre la réforme des retraites. Cette carte a été réalisée avec le package R leaflet [voir]. Les codes sources sont disponibles ici [voir]. Concernant les données, elles sont principalement issues du portail « Mobilisations en France » de la CGT [voir] et ont été complétées ponctuellement par la presse régionale et des contributions individuelles via le formulaire dédié [voir]. A ce jour, des données ont été collectées pour 164 villes sur les 250 rassemblements annoncés par la CGT [voir]. De manière générale, quand plusieurs chiffres sont disponibles, les sources syndicales ont été privilégiées. N’hésitez pas à completer si votre ville n’est pas représentée.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:22
Exploration cartographique de relations mondiales #3
sur Carnet (neo)cartographiqueLa cartographie de relations mondiales souffre de problèmes graphiques spécifiques à ce type de données […] qui peuvent être résolus en filtrant les nœuds, par conséquent leurs relations, selon les quantiles de la distance qui les sépare, par exemple.
Ce troisième billet poursuit l’exploration de relations aériennes mondiales qui avait été engagée en agissant sur le graphisme et les positions de lieux [Voir #1], poursuivi par le filtrage des nœuds et des liens, en particulier ceux qui sont dits majeurs [Voir # 2].
L’objectif ici est de poursuivre l’exploration par un filtrage devant nous permettre de localiser les aéroports qui occupent une position majeure (quels sont les premiers) en captant une part significative du nombre de relations – donc en termes de densité de trafic (nombre de lignes) et non de trafic passager, les relations de la base Openflightdata mobilisée n’étant pas pondérées.
Le critère de sélection pouvant être exploré selon différentes directions et la carte filtrée indéfiniment, plutôt qu’approfondir dans cette voie, explorons plutôt la composante géographique de ces relations aériennes. Parmi les différentes possibilités présentées dans Bahoken, (2016), nous explorons ici la distance parcourue par ces lignes aériennes, ce qui nous conduit à supprimer tous les filtrages antérieurs de manière à pouvoir examiner la distribution de l’ensemble des relations impliquant tous les aéroports disponibles.
3.1. Distribution des distances des relations aériennes mondialesLa composante géographique des relations aériennes mondiales est appréhendée ici du point de vue de l’espacement des lieux, de la distance (orthodromique) à parcourir entre deux aéroports. Ces distances se répartissent de la manière suivante.
Figure 1 : Distribution des distances des relations aériennes
On observe qu’une forte part des relations aériennes de la base Openflightdata s’exprime à très courte distance, à moins de 60 km – ce qui est logique, le fichier présente de nombreux aéroports locaux.
Pour filtrer les relations en fonction de la distance parcourue, nous allons conserver la même posture que dans les billets précédents, à savoir raisonner selon les positions (et en termes de degrés des sommets et des liens). Cela nous conduit à segmenter notre série de distances selon les quantiles puis d’observer les relations aériennes correspondantes, éventuellement de les filtrer à nouveau.
Nous choisissons de faire trois classes de distances parcourues qui pourraient correspondre aux petits, moyens et longs courriers. Cela nous conduit à réaliser une petite collection de trois cartes complémentaires.
3.2. La composante géographique des relations aériennes mondialesL’ensemble de cartes obtenues ici diffère fondamentalement de celles des billets précédents. D’abord parce qu’elles ne représentent que les relations entre les couples d’aéroports et non leur fréquence ; ensuite, en raison des motifs qu’elles décrivent.
Figure 2. Petits et moyen-long courriers
Liaisons inférieures à 645 km.
Liaisons comprises entre 645 et 2 595 km.
Liaisons supérieures à 2 595 km
A courte distance, les relations qui demeurent sont celles de la desserte locale, domestique tandis qu’à longue distance, on voit surtout le rôle des aéroports internationaux situés en Europe dans la desserte internationale mondiale.
Figure 3. Relations de courte distance parmi l’ensemble
On observe que les aéroports impliqués dans des liaisons de courte distance le sont également dans la longue distance, ils sont aussi essentiellement localisés dans les pays du nord, à quelques exceptions près.
Les différentes cartes présentées interpellent par les nombreux liens observés sur la zone Europe, pouvant poser problème dans la lecture. Ils empêchent en effet la visualisation de traits européens, hormis en cas de zoom comme ci-après.
Figure 4. Zoom sur des relations européennes
Le recadrage de la carte sur une zone Europe met en évidence la position de certains aéroports dans le réseau de lignes aériennes internationales, impliquant des aéroports majeurs, qu’il serait intéressant de pouvoir lire au niveau Monde.
Le problème qui se pose tient au « statut » de cette zone Europe dans les cartes réalisées. Parce qu’elle est formée de nombreux états qui présentent des superficies somme toutes faibles à l’échelle mondiale, leurs aéroports se retrouvent tellement « proches » qu’il est parfois difficile de les différencier à cette échelle.
Pour résoudre ce problème, deux grandes possibilités sont envisageables. La première consiste à agréger les différents pays européens – en considérant que l’Europe constitue une entité en tant que telle – dont on ne retiendrait que l’aéroport de rang 1 ; la seconde possibilité consiste à changer l’espace des positions (des aéroports) de manière à ce que ces derniers, en particulier ceux qui sont impliqués dans de nombreuses relations aériennes, ne soient pas trop proches sur la carte et cela, indépendamment du fait qu’ils appartiennent à un pays de faible superficie.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #2 liens majeurs, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #4 anamorphose, Carnet (néo)cartographique. [https:]]
Référence :
Bahoken F. (2016), Propositions de solutions liées à la prise en compte de l’espace : la distance, le voisinage spatial et l’appartenance territoriale, Contribution à la cartographie d’une matrice de flux, Thèse de doctorat en géographie, pp. 285-323. Accessible sur HALshs
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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16:55
Exploration cartographique de relations mondiales #2
sur Carnet (neo)cartographiqueLa cartographie de relations mondiales souffre de problèmes graphiques spécifiques à ce type de données, à leur échelle géographique d’analyse, leur résolution notamment. L’effet spaghetti qui en résulte peut être résolu en filtrant les nœuds et/ou les liens à cartographier…
Ce second billet poursuit l’exploration de relations aériennes mondiales qui avait été engagée [Voir #1], dans un objectif d’analyse cartographique.
L’objectif ici est d’explorer les résultats cartographiques obtenus suite à une double sélection de l’information, réalisée sur les nœuds (les aéroports) et sur leurs relations. Cette exploration sur le filtrage fait l’objet de deux billets, successivement notés 2 et 3 [Voir #3].
Plusieurs possibilités théoriques et méthodologiques de filtrage étant envisageables, nous faisons le choix général de raisonner selon les positions (ou selon les rangs), en termes de degrés (des sommets et des liens). Cette posture est justifiée par le fait nous cherchons à savoir quels sont les aéroports qui occupent une position majeure (quels sont les premiers) en captant une part significative du nombre de relations – donc en termes de densité de trafic (nombre de lignes) et non de trafic passager, les relations de la base Openflightdata mobilisée n’étant pas pondérées (ou valuées). Cela étant, des données complémentaires peuvent être mobilisées pour enrichir la carte.
2.1. Les aéroports majeurs à l’échelle mondiale
La carte des aéroports de premier rang 1 (first degree airports) varie selon les critères retenus (niveau global de la matrice) ou local (sélection de lignes / colonnes de la matrice) des aéroports, ou de leur agglomération de rattachement – mais c’est une autre question que j’espère d’ailleurs pouvoir traiter un jour… Nous arbitrons donc ici entre différents critères tels le nombre de degrés pondérés ou non à l’échelle mondiale, régionale, locale, globale de la matrice d’adjacence, etc..
Nous avons choisi de raisonner selon le niveau géographique, en retenant le rang 1 par pays – ce mode de sélection en référence au flux majeur est très populaire chez les géographes. Rappelons que le nombre d’aéroports total de la base est de 5 584 relatifs à 3 325 villes.
Figure 1. Aéroports de rang 1 par pays
Pour plus de lisibilité, il est possible d’afficher les labels des entités sélectionnées…
Figure 2. Liste des aéroports de rang 1 par pays
… ainsi que le poids de ces différents aéroports en termes de degrés pondéré.
Le volume total de relations aériennes (entrantes ou sortantes) est analysé au regard du trafic en termes de passagers pour identifier les aéroports qui sont doublement denses : en termes de densité de lignes et de trafic de passagers.
Figure 3. Degré et encombrement des aéroports de rang 1 par pays
La petite sélection (arbitraire et largement discutable) des dix plus gros aéroports permet de différencier les aéroports qui sont à la fois majeurs pour leur pays, en termes de densité de ligne aérienne, et les plus denses en termes de trafic passager au niveau mondial.
Ces aéroports les plus denses (incluant ceux dont le volume est le plus important – entourés de tiretés vert) sont tous situés dans l’hémisphère nord : d’abord en Asie, en Chine (Beijing) et à Hong-Kong, en Europe (Francfort, Londres et Paris Charles de Gaulle en 5e position) et aux États-Unis (Chicago). Il est intéressant d’observer que les aéroports les plus encombrés en termes de densité de trafic passager sont également situés en Asie (mais pas en Chine!), au Japon et en Corée ; aussi en Australie (l’aéroport de Sydney se distingue par son encombrement et non par sa densité de lignes), de même que Johannesburg en Afrique du sud et Saõ Paulo au Brésil.
Poursuivons notre exploration cartographique en ne retenant que ces 4% d’aéroports majeurs (pour leur pays) et visualisons les sur un fond de carte en projection polaire – comme vu dans le billet précédent (déjà mentionné, voir ici).
Figure 4. Aéroports de rang 1 par pays, en projection polaire
Examinons à présent les relations majeures de ces aéroports.
2.2. Les relations aériennes issue des nœuds majeurs, à l’échelle mondialeLa cartographie des relations aériennes impliquant cette sélection d’aéroports va mettre l’accent sur les couples de relations les plus importants, en termes de fréquence de ligne.
Pour augmenter la lisibilité de ces relations, leur teinte varie en fonction de la part en % que chacune de ces lignes représente par rapport au total.
Figure 5. Relations aériennes – version 1
La figure obtenue n’étant pas très lisible, il est possible d’agir sur la disposition des lignes en fonction de leur valeur, autrement dit de favoriser la perception visuelle des couples de relations présentant les relations aériennes les plus nombreuses (en proportion de l’ensemble, par exemple) – en les plaçant au premier plan, comme ci-dessous.
Figure 5. Relations aériennes – version 2
La carte obtenue souligne alors les relations les plus importantes dans l’ensemble, elle dessine en particulier les motifs de sous-réseaux intra continentaux ; ils sont situés aux Amériques (États-Unis / Mexique / Canada), en Europe (France, Allemagne, Espagne) ainsi qu’en Asie, mais dans des proportions du total moins importantes. On observe plus généralement, et logiquement, de façon complémentaire à la carte de la figure 3 (qui portait sur le degré des aéroports impliqués dans ces relations), que les relations les plus importantes sont celles de l’hémisphère nord.
Il est possible d’améliorer un chouïa cette figure, en faisant une autre sélection à savoir, celle de ne représenter que les 1% de relations les plus fortes, comme ci-après.
Figure 5. Relations aériennes – version 3
La sur-sélection des valeurs comme ci-dessous fait apparaître des motifs (apparemment) intéressant qu’il est possible de commenter à foison. Elle souligne effectivement les relations aériennes les plus denses, en mettant l’accent sur les pays présentant les aéroports qui accueillent la densité de lignes la plus importante.
Mais la carte obtenue est-elle vraiment si intéressante ? Une variante pus efficace de ces possibilités de filtrage sera présentée dans le Billet #3.
Avant cela, il est possible de ne sélectionner que le lien majeur (de ces aéroports majeurs).
2.3. Les relations majeures des aéroports majeurs, à l’échelle mondialeEn suivant le même raisonnement que pour les nœuds, il est possible de ne représenter que la relation majeure de chacun de ces aéroports.
Figure 6. Relations internationales majeures des aéroports de rang 1, par pays à l’échelle mondiale
La carte qui en résulte apparaît plus intéressante que la précédente. Son filtrage très important révèle les seuls plus forts des nœuds et des liens (les premiers de cordée !) . La sélection conduit en effet à isoler différents principaux sous-réseaux de relations aériennes qui présentent de nombreuses lignes avec quelques aéroports (États-Unis, Europe et Asie… ), ces sous-réseaux sont organisées autour d’aéroports d’envergure internationale. Après un tel filtrage, il est ensuite possible de poursuivre l’analyse soit dans le cadre de la théorie des graphes (calculer des mesures de centralité des sommets …) soit dans le cadre de la théorie gravitaire (pour le dire vite), pour explorer par exemple le rôle de l’espace géographique.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #3 liens distants, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #4 anamorphose, Carnet (néo)cartographique. [https:]]
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12:16
Dendrochronologie, viz et migration
sur Carnet (neo)cartographiqueOù les auteurs (Pedro M. Cruz etal., 2019) montrent comment la métaphore des cernes ou « lignes de vie » des troncs d’arbres permet de visualiser l’origine géographique et la temporalité des principales vagues migratoires aux États-Unis. Lumineux.
L’image présenté ci-dessous a été réalisée dans le cadre du projet de recherche en cours de Pedro Cruz, John Wihbey, Avni Ghael et Felipe Shibuya, soutenu par le College of Arts, Media, and Design de la Northeastern University.
Projet qui s’inscrit dans une recherche plus vaste portant sur les flux, vagues migratoires et identité aux États-Unis, elle a également donné lieu à une Exposition sur les cernes d’arbres soutenue par le Northeastern Center for the Arts.
Le projet a été récemment présenté lors de la conférence de l’IEEE Viz Art Program (Visap 2019′).Le point de départ de la lecture est le centre d’un modèle circulaire – en l’occurrence les États-Unis – dont il est question d’observer l’évolution de vagues migratoires.
Chaque ligne correspond à une année, l’orientation de leur écartement du point central est fonction de la situation du pays ou de la région de provenance de migrants par rapport aux États-Unis (Le Canada est au nord, par exemple).
Sur ces lignes sont placés des points. Chacun d’entre eux correspond à un nombre de migrants (ci-dessus à 100 immigrants) qui sont donc arrivés aux États-Unis au cours d’une année ou d’une décennie. La position des points résulte d’un algorithme de calcul qui les place de manière à simuler l’apparence des cernes d’arbres. Leur teinte renseigne sur la région du monde d’origine (L’Europe en vert, le Canada en bleu, l’Afrique en Rouge et l’Amérique latine en orange, etc.).
Ce système de teintes par zone d’origine explique aussi l’importance de la déformation de la ligne, plus étendue vers certaines régions du monde (Canada, Europe), traduisant ainsi l’importance et l’ancienneté de l’immigration de ses ressortissants vers les États-Unis.
Cette image présentée pour les États-Unis est ensuite déclinable / déclinée pour visualiser la situation d’états américains, les comparer (organisation en collection de cartes) ou encore celle de différents pays.
En savoir plus :
- Le site du projet est ici
- L’animation vidéo, sur Viméo
- L’article : Pedro M. Cruz etal (2019), Process of simulating tree rings for immigration in the U.S., IEEE Viz Art Program, October 21-25, 2019, Vancouver, BC, Canada [Voir]
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13:31
La grande muraille États-Unis-Mexique
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, on s’intéresse aujourd’hui au mur qui sépare les États-Unis et le Mexique. Il s’agit en fait d’une séquence cartographique réalisée dans le langage R avec Ronan Ysebaert et présentée mercredi dernier dans le cadre d’une journée d’étude organisée par la commission Géomatique du CNFG, la plateforme Géotéca et l’UMS Riate. J’en résume ci-dessous les grandes lignes. Les liens vers l’ensemble des cartes, la présentation et les programmes R sont disponibles en fin de billet.
Borders and lines on maps are not a representation of preexisting differences between peoples and places ; they create those differences.” (Reece Jones, 2016)
Le mur
La ligne séparant les Etats-Unis du Mexique a été définie en 1848, à la fin de la guerre entre les deux pays, dans le traité de Guadelupe Hidalgo. Au départ, la frontière était marquée sur les cartes mais pas nécessairement sur le terrain. Ce n’est qu’en 1890 qu’une commission regroupant les deux pays fut formée pour installer au sol des bornes de démarcation. En 1924, les Etats-Unis déploient pour la première fois des agents de patrouille frontaliers. Au milieu des années 90, certains points de passages, à El Paso ou San Diego, sont carrément verrouillés. Puis, à la suite des attentas du 11 septembre 2001 qui mettent le pays sur une trajectoire toujours plus sécuritaire, le Secure Fence Act est signé en 2006, actant ainsi le projet fou de construire un mur le long de la frontière ; une matérialisation physique de ce qui n’était au départ qu’une ligne tracée à la main sur une carte…
Un espace géographique inégalitaire
En terme de richesse, cet espace frontalier est aujourd’hui profondément inégalitaire et discontinu. Le PIB par habitant élevé des Etats-Unis place le pays au 14 rang mondial derrière un certain nombre de petits « paradis » fiscaux (Monaco, Liechtenstein, Luxembourg, …) tandis que le Mexique reste dans le milieu du tableau, au 87e rang. Le PIB par habitant des Etats-Unis est 7 fois supérieur à celui du Mexique. Une disparité bien visible sur les cartes et dans la vie des gens.
Si cette discontinuité spatiale peut se cartographier de façon classique en faisant varier l’épaisseur des frontières comme sur une carte de discontinuité classique, elle peut aussi être représentée en faisant varier la hauteur de cette même frontière en fonction des valeurs de discontinuités. En d’autres termes, plus les écarts de richesse sont forts, plus le mur est haut. Un nouveau mur, invisible, emerge alors pour venir se superposer au mur bien réel, construit par les autorités américaines.
Une frontière militarisée
Pour protéger la richesse américaine, un simple mur ne suffit pas. Il faut aussi des milliers d’hommes armés prêts à empêcher quiconque de passer. Le long du mur ou le long du fleuve Rio Grande, c’est près de 382 postes frontières qui sont référencées dans la base de données OpenStreetMap. Si on les représente sous formes de barres, ils apparaissent alors comme des tours de contrôle, des miradors disséminés le long de la frontière, pour repérer et intercepter tout intrus.
Une frontière qui tue
Ici comme ailleurs, la militarisation d’une frontière sur un espace inégalitaire a une conséquence directe : cela tue ! 2245 personnes sont mortes ou portées disparues à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique depuis le 1er janvier 2014. Et même si ce chiffre est loin de rejoindre celui des drames qui se passent aux portes de l’Europe (18 000 morts sur la même période), il est chaque année en augmentation. Sur la carte ci-dessous, chaque point rouge représente un événement où au moins une personne a perdu la vie.
Ci-dessous, chaque cercle correspond au nombre de personnes mortes ou portées disparues lors d’un événement.
Sur celle-ci, les cercles sont déplacés pour les rendre tous visibles, et voir ainsi l’ampleur du phénomène, sans rien dissimuler.
Ici, chaque événement est décomposé de telle sorte qu’un point sur la carte correspond à une vie perdue.
Enfin, par un choix puissant de couleurs – surimpressions de rouges sur fond noir – cette ultime carte animée tente de rendre compte du massacre de masse qui sévit à cette frontière, comme à tant d’autres, et qui continue, encore, et encore, et encore, et encore…. Jusqu’à quand ?
La présentation réalisée mercredi 20 novembre est ici : [https:]]
Les codes sources R des cartes sont disponibles ici : [https:]]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:21
Cartographier des flux avec arabesque !
sur Carnet (neo)cartographiquearabesque est une nouvelle application web de cartographie thématique dédiée aux données de flux et réseaux origine-destination. Cette première version permet leur exploration, filtrage, géovisualisation et représentation.
arabesque permet de réaliser des cartes de flux depuis un navigateur web – équipé de Mozilla ou de Chrome, à partir de ses propres jeux de données.
Développée dans le cadre du projet geographic flow visualisation – gflowiz [consulter le carnet], par une équipe pluridisciplinaire, arabesque s’inscrit dans le paradigme de la « cartographie de visualisation » (Alan MacEachren, 2004) qui consiste à combiner au sein d’une même interface les deux piliers de la représentation : la (géo)visualisation et le traitement amont des données correspondantes.
arabesque s’appuie sur les possibilités technologiques actuelles, en particulier celles offertes par les nouvelles bibliothèques de visualisation et de cartographie web (openlayers, d3, OSM, Turf, NaturalEarthData).
La réalisation d’une carte de flux avec arabesque se décompose en 5 grandes étapes :
- Importation des données de flux (liens et/ou nœuds) ;
- Traitement des données de flux (création d’indicateurs, statistiques) ;
- Exploration et filtrage numérique des données ;
- Symbolisation graphique ;
- Exportation et sauvegarde.
Accéder à l’application : http://arabesque.ifsttar.fr/
Une visualisation par défaut des données de flux (liens et nœuds) est proposée par l’application après leur chargement – pour éviter un effet-spaghetti au démarrage. Les données pouvant être massives, la vue affichée par défaut représente les 10% de liens (de figurés) qui contribuent à la part (en % du total) d’information de flux la plus importante.
La vue ci-dessous représente les 10% de liens qui décrivent 91% des flux internationaux de migrants (2017) impliquant 83% des nœuds (ici, des pays du monde, selon la liste ISO3).
Paramétrage
arabesque permet ensuite d’agir sur toutes les composantes de la représentation de flux pour aboutir à une carte juste et lisible. Les possibilités d’actions portent, d’une part, sur l’information en elle-même, qu’elle soit géographique (fond de carte) ou statistique (fond de la carte) ; d’autre part, sur leur symbolisation graphique (figuré), dans le respect des principes de sémiologie pour une amélioration qualitative de la carte.
En savoir plus sur les paramétrages …
Après quelques paramétrages simples, il est possible d’obtenir assez facilement une carte signifiante, comme illustré ci-dessous.
Le résultat obtenu peut être sauvegardé sous la forme d’un projet pour pouvoir être utilisé ultérieurement dans arabesque, ou bien exporté au format image.
L’application étant libre, tout le matériel servant à son développement et à son utilisation est disponible en ligne :
- Accéder aux codes sources de arabesque : [https:]]
- Ajouter des commentaires : https://github.com/gflowiz/arabesque/issues
- Accéder à l’application : [arabesque.ifsttar.fr]
- Suivre un tutoriel : [https:]]
- Le carnet de recherche du projet : gflowiz
Toutes les contributions sont bienvenues.
Alors n’hésitez pas !Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:05
Dessiner c’est coder !
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, à travers ce billet, j’entends montrer que l’on peut faire de très jolies cartes avec le langage R ! Oui je sais, des lignes de code c’est repoussant, compliqué et austère. Mais c’est aussi la liberté de bâtir une carte de A à Z sans être contraint par les carcans de tel ou tel logiciel. Ici, à des fins de démonstration, j’ai choisi de reproduire en R cette fameuse carte des murs invisibles publiée dans l’atlas Map Maps [voir] et qui était également présente, dans une version antérieure, dans le Manuel de Cartographie [voir]. Dans les deux cas, de nombreux logiciels avaient été nécessaires pour la réaliser : Excel (pour mettre en forme les données), QGIS (pour préparer le fond de carte), Magrit (pour gérer la projection et la symbologie), Adobe Illustrator (pour la mise en page), etc. Cette nouvelle version de la carte ne mobilise quant à elle qu’un seul et même logiciel : R !
Tout commence par une feuille blanche
Dans cet environnement de travail, plus besoin d’aller télécharger un fichier de données sur un site internet, le dezipper, le remodeler dans un tableur pour le rendre compatible avec les logiciels de cartographie. Plus besoin non plus d’aller télécharger un fond de carte, de l’ouvrir dans un SIG pour en extraire telle couche pertinente, déterminer l’emprise, le projeter puis l’exporter avant de l’ouvrir dans un autre logiciel de cartographie avant de le réexporter vers un autre logiciel de dessin vectoriel. Ici, tout se fait de façon cohérente et continue. Dans R, le package eurostat offre la possibilité d’accéder directement aux données statistiques et aux fonds de cartes des régions européennes (NUTS) à différentes années à différents niveaux de généralisation. Quelques lignes de code suffisent alors pour sélectionner les données utiles et les joindre au fond de carte. Puis, le package rnaturalearth permet d’habiller un peu la carte en ajoutant la mer ou les graticules. Puis, c’est au tour du package sf de jouer son rôle pour la projection cartographique ou autres opérations SIG, etc. Ici, c’est une projection orthographique [voir] centrée sur l’Afrique qui a été choisie pour donner cet effet de perspective (en 2.5D).
Concernant la représentation cartographique en tant que telle, nous nous servons évidemment du package cartography et de ses nombreuses fonctions. La fonction choroLayer permet de réaliser en quelques lignes une carte choroplèthe. La fonction getBreaks permet de déterminer les classes de valeurs pertinentes. La fonction getBorders permet d’extraire les frontières pour réaliser une carte de discontinuités (que l’on pourra faire avec la fonction discLayer). Au besoin, on pourra aussi utiliser le package RColorBrewer pour choisir des belles palettes de couleur. Puis, le positionnement des textes et la réalisation des légendes (e.g. legendChoro) vient finaliser la carte avant son export.
La taille c’est aussi la hauteur
La hauteur des murs est proportionnelle
à la valeur des discontinuités.
Plus les discontinuités sont fortes,
plus les murs sont hauts.Sur cette carte, la représentation des discontinuités est inhabituelle. Tout d’abord, pour des raison de lisibilité, seules les 10% les plus fortes sont représentées sur la carte. C’est a dire, les frontières où les valeurs de PIB par habitant de part et d’autre sont très différentes. Ensuite, le choix a été fait de différencier les discontinuités entre deux régions d’un même pays et les discontinuités entre deux régions de deux pays différents. Cela a pour but de mettre en exergue les discontinuités sur les frontières nationales. Pour ces dernières, la hauteur des murs est proportionnelle à la valeur des discontinuités (alors que d’habitude, on fait plutôt varier l’épaisseur de la ligne). Plus les discontinuités sont fortes, plus les murs sont hauts. Pour ce faire, une simple petite boucle en R a permis de faire varier le nombre d’iterations en fonction de la valeur des discontinuités et aussi determiner la hauteur des murs sur la carte. Un effet d’extrusion rendu possible par la projection cartographique choisie. Ainsi, le mur autour du Luxembourg est plus haut que les autres puisque ce pays est énormément plus riches que ses régions voisines.
Des lignes de codes aux lignes de la cartes
Au final, cette carte est le résultat de 200 lignes de code. Ni plus. Ni moins. Et même si effectuer une mise en page jolie et élégante sans utiliser la souris reste laborieux, le résultat final ressemble à s’y méprendre à une carte issue d’un logiciel de DAO. Preuve qu’on peut être un peu geek et dessiner quand même de jolies cartes. Et inversement
Code source disponible sur github.
Coding is DrawingComrades cartographers, with this post, I intend to illustrate that you can make very pretty maps with the R language! Yes, I know, lines of code are repulsive, complicated and austere. But it is also the freedom to build a map from A to Z without being constrained by the limitations of any particular software. Here, for demonstration purposes, I have chosen to reproduce in R this famous map of invisible walls published in the Map Maps atlas [see] and which was also present, in an former version, in the Manuel de Cartographie [see]. In both cases, many softwares were required to create it: Excel (to prepare the data), QGIS (to prepare the base map), Magrit (to manage the projection and the symbology), Adobe Illustrator (for the page layout), etc. This new version of the map has only been made with one single software: R!
A from scratch process
In this workflow, there is no need to download a data file from a website, unzip it, reshape it in a spreadsheet to make it compatible with cartographic software. No more need to download a basemap, open it in a GIS to extract such a relevant layer, determine the extent, project it and then export it before opening it in another mapping tool and again in a CAD software. Everything here is done in a coherent and continuous process. In R, the eurostat package offers the possibility of direct access to statistical data and to the European Regional basemaps (NUTS) at different years at different levels of generalization. A few lines of code are then sufficient to select the useful data and join it to the basemap. Then, the rnaturalearth package allows you to “dress up” the map by adding the sea or the graticule. Then the sf package is next to play its role for cartographic projection or other GIS operations. Here, an orthographic projection [see] centered on Africa was chosen to give this perspective effect (in 2.5D).
Concerning the cartographic representation as such, we obviously use the cartography package and its many functions. The choroLayer function allows you to create a choropleth map in a few lines. The getBreaks function is used to determine the relevant value classes. The getBorders function allows you to extract the borders to create a discontinuity map (what can be done with the discLayer function). If necessary, we can also use the RColorBrewer package to choose beautiful color palettes. Then, the positioning of the texts and the realization of the legends (e.g. legendChoro) finalize the map before its export.
The size is also the height
The height of the walls is proportional
to the value of the discontinuities.
The stronger the discontinuities,
the higher the walls.On this map, the representation of discontinuities is not common. First of all, for reasons of readability, only the highest 10% are represented on the map. This means, borders where the values of GDP per capita on both sides are very different. Then, the choice was made to make a distinction for discontinuities between two regions of the same country and for discontinuities between two regions of two different countries. For these, the height of the walls is proportional to the value of the discontinuities (whereas usually, the thickness of the line is varied). The stronger the discontinuities, the higher the walls. To do this, a simple loop was used to vary the number of iterations according to the value of the discontinuities and also to determine the height of the walls on the map. An extrusion effect made possible by the chosen cartographic projection. Thus, the wall around Luxembourg is higher than the others because this country is much richer than its neighboring regions.
From code lines to map lines
Finally, this map is the result of 200 lines of code. No more. No less. And even if making a pretty and attractive layout without using the mouse remains laborious, the final result looks like a map from a CAD software. Proof that you can be a little geeky and still draw pretty maps. And vice versa
Source code available on github.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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12:18
Le poids des mots
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, si les choix graphiques (formes, couleurs, tracés, etc) déterminent très largement le message cartographique émis, le choix des mots qui composent la carte est lui aussi loin d’être anodin. Choisir les mots, c’est choisir comment on nomme les choses, comment on désigne une réalité. Et choisir les mots, c’est souvent prendre parti. Je pense bien sûr à cette carte d’Israël repérée lors de la dernière conférence internationale de cartographie en juillet dernier [voir], sur laquelle, au delà du fait que la plateau du Golan y est annexé, le mot Palestine n’y figure pas, les mots “territoires occupés” encore moins, et Jérusalem y est indiqué comme la capitale du Pays à la place de Tel Aviv. Bref, des choix qui n’ont rien d’anodins et qui renvoient à une vision (géo)politique bien particulière. Je pense aussi à cette carte sur la population Roms en Europe réalisée en par Cécile Marin [voir] que je montre souvent aux étudiants sans le titre, en leur demandant d’en proposer un. Un titre plutôt neutre comme « Les Roms en Europe » ? Un titre raciste comme « L’invasion Roms » ? Ou alors le titre original qui prend clairement le parti de ce peuple d’Europe : « Les Roms, peuple européen ». Le constat est alors sans appel. Alors même que la carte reste immuable, changer le titre peut changer radicalement le message de la carte dans son ensemble. Le titre programme la lecture écrivait Christian Jacob en 1992 dans l’Empire des cartes.
Dans l’actualité, la question des mots se pose aussi radicalement. Faut il designer ce qui s’est passé à la mosquée de Bayonne le 28 octobre dernier de « faits » comme le dit Christophe Castaner, d’ « attaque » comme l’écrivent nombre de journalistes, ou bien d’ « attentat » comme l’affirme le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel. Quels mots sont les plus adéquats pour décrire cette réalité dramatique ? Cartographier, c’est toujours exprimer une intention, matérialiser une idée, tenir un discours. Aucune carte n’est anodine et les mots qui la composent en disent souvent autant sur le phénomène géographique représenté que sur le cartographe lui même. La carte devient alors une sorte de carte d’identité du cartographe qu’il peut être intéressant de s’amuser à décrypter…
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:10
Livre-circulation sur un plan
sur Carnet (neo)cartographiqueSi vous ne savez pas quoi lire en cet automne, après les différentes rentrées littéraires, sachez qu’il existe un moyen de vous repérer dans ce qui ressemble souvent à un imbroglio : le plan d’un réseau de métro de livres réalisé par Sophie.
Sophie est une enseignante canadienne de français, passionnée de littérature jeunesse. Elle partage ses coups de cœur sur son site internet, Sophielit, Un site pour propager le plaisir de lire ! Aussi sur différents réseaux sociaux Twitter, Facebook, Youtube et Instagram.
Elle les partage également sur une carte saisonnière dressant leur réseau. L’ensemble des livres suggérés par Sophielit.ca est en effet représenté à la manière du métro parisien. Leur agencement autorise une circulation ligne par ligne, donc thème par thème, avec un système de correspondances entre différents thèmes pour les lecteurs avancés.
Extrait du plan du réseau Automne 2019.
Sophielit.ca. Droits réservés. Publié avec l’autorisation de l’autrice.
Chacun des thèmes correspond à une ligne du réseau, colorée, ponctué de plusieurs stations libellées du nom des ouvrages. Ces stations présentent différents niveaux de difficulté de lecture (lecteur débutant, intermédiaire, avancé).
Les thèmes et niveaux de lecture sont tous deux légendés, avec une sémiologie impeccable qui mobilise les variables visuelles de Forme et de Couleur.
Ce réseau de livres, qui se veut centralisé sur votre appétence pour la lecture, se déploie autour d’un point central symbolisé par une pastille « Vous êtes ici ».
L’autrice étant enseignante, des plans similaires sont proposés pour différents publics.
Les suggestions de lecture pour cet hiver 2019 sont présentées sur ce plan.
Sophielit.ca. Droits réservés. Publié avec l’autorisation de l’autrice.
Pour des adolescents, par exemple, voir un exemple par ici.
Rejoindre le site de Sophielit.ca
Puis, n’oubliez pas, si vous trouvez des mentions de cartes, n’hésitez pas à les renseigner dans #MapQuote.
Billet lié : MapQuote : la carte des citations cartographiques
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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23:46
[Book] avec des #MapQuotes à lire et à voir
sur Carnet (neo)cartographiqueDans le cadre de Mapquote, nous recherchons des citations et mentions des termes cartes » et « cartographie » dans des romans, afin de les cartographier sur une carte globale, présentée ici.
Si ces mentions sont généralement présentées de manière littérales, certaines d’entre elles sont également proposées en version picturale, dont sous la forme de carte.
C’est le cas dans A la lumière de ce que nous savons (In the Light of What We Know, trad. Jacqueline Odin), un ouvrage de Zia Haider Rahman publié en mars 2016 aux éditions Christian Bourgois.
La présentation qui en est faite sur le site Diacritik évoque un roman-monde et carte du temps « riche et foisonnant » qui propose une relecture de la vision idéologique apportée par les cartes du monde. Celle-ci est rapportée lors de dialogues ou du récit de Zafar, personnage central dont on suit la circulation de part le monde.
Le site signale en particulier le récit – présenté sous la forme de note de bas de page et non en plein texte – filant des pages 31 à 33, mentionnant littéralement et visuellement des (fonds de) cartes. Il est intéressant de noter que le dialogue proposé conduit à 1) une définition de la carte du monde selon Peters et à 2) une illustration du fond de carte correspondant comparée à un fond de carte en projection Mercator.
Extrait de l’ouvrage, proposé par Diacritik.
Et ce n’est pas tout !
Une section du deuxième chapitre 2 portant également sur ces systèmes de projections devrait faire sourire tous les cartographes. Extraits :
« S’agissant de cartographier le globe, le problème fondamental est de reporter la surface courbe de la terre, sphère aplatie aux pôles, sur une surface plane. Il existe une autre difficulté : si, sur terre, on se met à marcher dans n’importe quelle direction et continue sa route, jamais on ne rencontrera de limite. On pourra faire le tour du monde. Mais si on se place sur une carte, morceau de papier rectangulaire, et qu’on avance pareillement, on finira par atteindre le bord du papier. Obtenir une représentation de la surface courbe de la Terre, sur une feuille de papier plane et limitée, tel est le défi des projections. On se heurte au même problème pour traduire la poésie. Partant d’une langue, on doit projeter l’œuvre dans une autre langue. »
Et ce n’est pas tout. L’ouvrage propose plusieurs citations de différents types de cartes, des citations qui sont en fait des définitions, des descriptions détaillées, telle cette évocation de cartes topographiques lors d’un voyage en avion.
Comme le dit l’auteur, toutes ces cartes nous « […] intriguent par leur nature de métaphores : outils qui nous donnent quelque chose dont la vérité est bien plus riche mais sans lesquels nous ne percevrions rien et ne trouverions jamais nos repères. »
Au-delà de ces quelques exemples portant sur des définitions, l’ouvrage est par ailleurs truffé de citations de l’auteur ou rapportées telles celle-ci :
Et ces apports sont présents dès le premier chapitre, qui compte pas moins de huit mentions du terme « carte » avec ou sans « s ».
Ce chapitre est d’ailleurs fourni gratuitement par l’éditeur.
En savoir plus sur Diacritik
Référence : Zia Haider Rahman, A la lumière de ce que nous savons (In the Light of What We Know), trad. Jacqueline Odin, éditions Christian Bourgois, mars 2016, 528 p.
Billet lié : #MapQuote
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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21:59
[Exposition] VIVRE SON TERRITOIRE
sur Carnet (neo)cartographiqueCréer une carte, c’est construire un iceberg.
« VIVRE SON TERRITOIRE » L’UNIVERSITÉ CARTOGRAPHIQUE CITOYENNE. Découvrez l’histoire complète d’une carte topographique. Exposition proposée par Jacques Boutault, Maire du 2e arrondissement de Paris
et Jasmine Desclaux-Salachas « les Cafés-cartographiques »
Du 23 Septembre au 04 Octobre 2019
Mairie du 2e arrondissement de Paris – 8, rue de la Banque, Paris 2e – Métro BOURSE. -
11:46
[Conference] Vivre son territoire
sur Carnet (neo)cartographiqueDans le cadre de l’exposition « VIVRE SON TERRITOIRE » l’Université Cartographique Citoyenne,
Jacques Boutault, Maire du 2e arrondissement de Paris et « les Cafés-cartographiques »
vous invitent à la conférence « Entre Géodésie et Art, Bâtir la Paix »
Jeudi 03 Octobre à 19H00 – Espace JEAN DAME – 17, rue Léopold Bellan, Paris 2e – Métro SENTIER.- Présentation-Expertise:
Armelle COUILLET, Présidente de l’Association ´les Cafés-cartographiques’. Cartographe
UMR 6266 du CNRS-Normandie Université, Université de Rouen.- Coordination et restitution des travaux cartographiques de Battir depuis Mai 2012:
Jasmine DESCLAUX-SALACHAS, Directrice général de l’Association ´les Cafés-cartographiques’. Cartographe.
Fondatrice des Cafés-cartographiques (Octobre 1999).- De la mise en œuvre locale des relevés sur le terrain à la réalisation des collections de cartes topographiques de Battir: UNESCO? École Nationale des Sciences Géographiques? les Cafés-cartographiques:
Giovanni FONTANA-ANTONELLI, Architecte-urbaniste, expert du paysage.
L’équipe scientifique de l’Écomusée de Battir a été coordonnée dès 2003 par G. Fontana Antonelli, alors Directeur du Bureau Culturel de l’UNESCO à Ramallah, par Samir Harb, Mohammad Hammash, Mohammad Abu Hammad (Architectes-urbanistes) ; par Claudia Cancellotti, Patrizia Cirino, Nicola Perugini (Anthropologues), Pasquale Barone (Expert du paysage), Francesco Cini (Géomorphologue) et Hassan Muamer (Ingénieur-civil Battiri les ayant rejoints en Février 2010) : “— Une équipe où personne n’a jamais dirigé l’autre, tant chacun savait le travail qu’il y avait à faire “ Giovanni Fontana Antonelli Paris Déc. 2015, interview JdS.G. Fontana Antonelli nous expliquera l’origine des travaux topographiques dirigés à Battir jusqu’en Novembre 2011.
Nous expliquerons comment les fichiers de ces mesures de terrain sont parvenues à Paris. Nous répondrons aux questions qui n’ont jamais cessé d’être posées depuis plus de 7 années de partages à flux continu de cette aventure cartographique sans précédent dans l’histoire humaine ;et
Hervé QUINQUENEL, Ingénieur SIG/GIS, École Nationale des Sciences Géographiques — Aujourd’hui Chef de Produit Cartographies et Chaîne Graphique, Institut National de l’Information Géographique et Forestière /ex-IGN, pour expliquer notre rôle dans la géolocalisation de la donnée de Battir depuis Paris, dès 2012.
H. Quinquenel présentera les travaux des élèves de l’École Nationale des Sciences Géographiques que nous avons tutorés, des redressements de la cartographie initiale aux rectifications des bases de géo-référencement et leurs enregistrements dans nos différents systèmes cartographiques professionnels. Nous expliquerons notre démarche pédagogique et d’ouverture de nos métiers de la représentation du territoire suite à la demande qui nous a été faite.
En savoir plus sur la conférence :
– Visionner l’origine du projet local de l’Écomusée de Battir après 2003
www.vimeo.com/362527155– Flyer-verso de la conférence
– Télécharger le dossier de presse de l’exposition: VIVRE_SON_TERRITOIRE_DossPress4pagesw
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16:34
Make our Cartography Great Again!
sur Carnet (neo)cartographiqueMes chers camarades, la cartographie est décidément un sport de combat. Loin d’être de simples descriptions du réel, les cartes thématiques en sont aussi des leviers, des arguments, pour établir un rapport de force avec ses adversaires. En tout cas, cela était bien visible aujourd’hui sur les réseaux sociaux.
Tout a commencé par le tweet suivant de Donald Trump.En pleine procédure d’impeachment suite à l’affaire ukrainienne, le président Trump dégaine une carte pour se revendiquer une légitimité populaire. Les américains le soutiennent, c’est visible sur cette carte : les États-Unis sont recouverts de rouge, couleur du parti républicain, lui-même à sa tête …
Mais il y a un hic !Un air de déjà vu
Si elle y ressemble, cette carte n’est pas l’exacte réplique de la carte de son élection [voir]. Par ailleurs, elle ressemble tout autant à la carte de la réélection de Richard Nixon en 1972 qui remporta haut la main 49 des 50 États américains. C’est d’ailleurs ce que n’ont pas tardé à lui rappeler certains twittos en ressortant cette carte, toute rouge également (voir infra), qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle brandie par Trump il y a quelques heures. L’argument est puissant puisque, rappelons-nous, cette victoire écrasante et cette légitimité populaire n’empêchera en rien le président Nixon de démissionner deux ans plus tard suite à l’affaire de Watergate. L’argument cartographique est donc retourné avec force, en prêtant un destin similaire à Donald Trump. Un beau contre argument.
Mais ce n’est pas là que se joue le nœud de cette affaire cartographique.Et quid de la population ?
Si cette carte recouverte de rouge peut paraître impressionnante, c’est qu’elle considère au même niveau les comtés très peuplés et les comtés quasi vides. C’est d’ailleurs ce que se sont empressés de lui rappeler un certain nombre de twittos aguerris aux techniques de manipulation cartographique. Certains d’entre eux l’ont même accusés de “fake map“. Car, en effet, si on élimine de la carte les zones vides, elle parait d’un seul coup beaucoup moins impressionnante !
Une simple carte par symboles proportionnels, en anamorphose (voir infra) ou en trois dimensions (voir infra) rend également les choses beaucoup plus limpides.
En réintroduisant un critère de taille fondé sur la population, la carte change radicalement de visage. Les zones rouges deviennent moins imposantes et la partie (de cartes) n’est plus gagnée d’avance.Au final, Trump avance un argument cartographique provocateur revendiquant sa suprématie sur l’écrasante majorité du territoire américain. Si les grandes villes ne votent pas pour lui, il a le territoire des arrières-pays pour lui et tous ceux qui y vivent relégués. L’argument est fort. Mais rappelons nous quand même que, en 2016, Donald Trump a été élu avec 3 millions de voix de moins que Hilary Clinton et cela, malgré une carte totalement bardée de rouge.
Il y a décidément mille et une façons mettre en scène graphiquement une même réalité géographique. La guerre des cartes est déclarée !Sur le même sujet : Donald Trump ou la vérité à la carte, Libération, 03 oct. 2019
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:24
Longitude, concentré de Calembourg (57387) cartographique
sur Carnet (neo)cartographiqueLe 25 septembre dernier sortait “Mad Maps, L’atlas qui va changer votre vision du Monde” de Nicolas Lambert et Christine Zanin. J’ai eu un grand Plaisir (78490) à parcourir cet ouvrage et ses cartes parfois très sérieuses et graves (“La butte rouge migratoire”, page 95) parfois un peu Folles (87067) comme “Le monde vu par un platiste” page 113 ou comme “Un monde inversé” page 45.
La carte qui m’a le plus interpellée est “Longitude” (page 35). Il s’agit d’une carte imaginaire de “La Grande Île Uzion”, prétexte pour Nicolas pour laisser s’exprimer son goût pour la paronymie (rapport lexical entre deux mots dont la graphie ou la prononciation sont très proches). Enfin dans ce cas, plutôt la paronymie étendue aux toponymes, la topo-paronymie.
N. Lambert, C. Zanin, 2019
La carte a toujours été pour moi une invitation au voyage et au rêve et celle-ci ne fait pas exception. On se prend donc assez rapidement à souhaiter s’allonger sur la plage Horaire en bord de la mer Idienne. Puis repartir vers le bois Inkou, en empruntant la route Abaga mais en contournant le marais Okü et en évitant les périls du Rock Ambolesk.
Imaginaire, imaginée, la carte fait la part belle aux jeux de mots toponymiques et le fameux marais Okü fait bien évidemment penser à cette séquence du Petit Rapporteur où Daniel Prévot montrait Montcuq à la télévision.
Daniel Prévot montrant Montcuq dans l’émission Le Petit Rapporteur (1976)Car les toponymes, du monde réel cette fois-ci, sont parfois victimes des Calembourg (57387) les plus Bidon (07034). Les jeux de Meaux (77284) Y (80289) sont parfois Marans (17218), ne nous arrache qu’un Mouais (44105) dubitatif ou sont vraiment Trécon (51578). Le sujet en est souvent le Saix (86250) ou Le Fion (74500), dans un humour un peu Simplé (53260) et Bauffe (Belgique).
On en retrouvera certains sur la carte des noms de villes les plus drôles en France compilée par le site lebonbon.fr.
Carte des noms de villes les plus drôles en France (source : lebonbon.fr)
Outre-Manche, nos amis Anglais ne sont pas en reste avec Great Snoring (le grand ronflement) ou Donkey Town (ville de l’âne). L’Écosse en revanche n’incite pas au tourisme avec Dull (Ennuyeuse) ou pire Lost (Perdue) !
Carte des noms les plus étranges du Royaume-Uni (Source : familybreakfinder.co.uk)
Les Finlandais sont en revanche bien meilleurs que nous à ce petit jeu, car à l’occasion de l’invasion par les
Russes et la cartographie réalisée par ces derniers, ils se sont pour le moins laissés aller. L’on apprendra
aussi qu’il y existe 121 étangs nommés Paskalampi (étang de merde).D’autres, tel Victor Alexandre, s’en amusent et ont recours à la synecdoque et au Code Officiel Géographique
pour passer le temps au Buros (64152).
Source: Victor? @humeursdevictor (Twitter.com)Avis à la team @InseeFr et #carto (@B_Bouthier @JulesGrandin).
— Victor (@humeursdevictor) August 20, 2019
J'ai un jeu à vous proposer.
Je vous préviens, ça a l'air complètement 26101 mais 01073.
01188 des gens qui sont prêts ?Comme quoi, même avec la cartographie, sujet au combien sérieux, il est possible de faire le Mariol (03163).
Rions (33355) un Poil (58211) avant La Tombe (77467) ! -
11:26
MapQuote : la carte des citations cartographiques
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, j’imagine que certains d’entre vous sont probablement aussi des camarades lecteur.rice.s, et que tout comme moi, votre vie est ponctuée de romans qui vous accompagnent au fil de vos journées, et parfois même de vos nuits. Certains d’entre eux sont bons, d’autres moins, certains sont à oublier tandis que d’autres vous font cogiter pendant des années. Parfois dans ces romans, il est aussi question de cartes. Au cœur de l’intrigue parfois ; au détour d’une phrase plus souvent. Simple évocation ou description fine, nombreux sont les romans qui évoquent la cartographie. C’est justement ce florilège de citations que nous ambitionnons de rassembler ici à travers le projet MapQuote.
Comment ca marche ?MapQuote est un projet libre initié par Françoise Bahoken et moi-même. Il prend la forme d’une carte interactive basée sur la méthode des clusters [voir]. Celle-ci repose sur la bibliothèque JavaScript Leaflet [voir] et a été entièrement conçue en langage R [voir].
L’information cartographiée est répartie dans différents fichiers :
- Un fichier auteurs référençant leurs noms et leurs lieux de naissance [voir]
- Un fichier biblio référençant les livres au format BibText [voir]
- Un fichier mots référençant les termes ciblés (cartographie, cartes, planisphère, mappemonde, etc.) [voir]
- Et bien sûr, un fichier citations [voir]
Des livres et vous !A ce jour, MapQuote contient un nombre de citations encore limité. Seuls 27 livres et 46 citations sont pour l’instant référencés. Le travail de saisie est en cours. Pour enrichir ce corpus, nous faisons donc appel à vous. Nous vous invitons à contribuer au projet en cliquant simplement sur cet icône, qui vous donnera accès à un formulaire de saisie. Vos citations seront ensuite validées et intégrées à la carte lors de la prochaine mise à jour. Nous comptons sur vous !
Comme l’écrivait Victor Hugo : « lire, c’est boire et manger ; l’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas. » Bref, n‘oubliez jamais que lire délivre
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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9:00
Mad Maps
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je suis heureux de vous annoncer la sortie aujourd’hui de Mad Maps, L’atlas qui va changer votre vision du Monde. Enfin, un atlas, pas tout à fait… Car le but de cet ouvrage n’est pas d’utiliser les 60 cartes inédites qu’il contient pour décrire le Monde selon un thème donné comme le ferait un atlas traditionnel, mais plutôt de raconter comment les cartes décrivent le Monde. Styles graphiques, méthodes cartographiques, couleurs, polices de caractères, systèmes de projection, échelles, etc. tout y passe pour donner à voir l’infinité du Monde des cartes. A travers cinq chapitres ludiques, pédagogiques, critiques, engagés voir parfois impertinents, ce livre tente de bousculer un certain nombre d’idées reçues. La Terre est-elle vraiment ronde ? La France est-elle en Europe ? Quelle est la vraie taille des continents ? La géographie ca sert à faire la guerre ou bien bâtir la paix ? Le Monde a-t-il un centre ? Les cartes peuvent-elles nous mentir ? Ou sont passés les ouvriers ? Le Nord est-il vraiment en haut ? Les américains ont-ils libéré la France ? Quel est le point commun entre une pieuvre géante et les pays de l’OTAN ? A quoi ressemblera le Monde dans 250 millions d’années ? Et si la Terre était plate ? Autant de questions susceptibles de changer votre vision du Monde…
Ce livre tout en images est disponible dès à présent dans toutes les meilleurs librairies
Ils en ont parlé :- Geocarrefour [voir]
- La Nouvelle République [voir]
- Néocarto [voir]
- Cartographie(s) numérique(s) [voir]
- Géographies en mouvement (libération) [voir]
- L’Humanité [voir] et [voir]
- Decryptagéo [voir]
- La Cliothèque [voir]
- Cartolycée [voir]
- Page des libraires [voir]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:10
Exploration d’une application web de visualisation de flux : deck_mobiliPro
sur Carnet (neo)cartographiqueIl y en a qui fabriquent des applications web de cartographie parce que c’est leur métier et puis il y en a d’autres qui le font, juste parce qu’ils sont passionnés ! Il semblerait que ce soit le cas de l’auteur de deck_mobiliPro, alors ça vaut le coup de prendre un peu de temps pour l’explorer finement.
Billet réalisé suite à la demande de recension de l’auteur, publié avec son autorisation.
deck_mobiliPro est une application d’exploration cartographique en ligne fabriquée par Nahélou Quentin, alors étudiant en Master 2 SIGAT (Rennes 2) . L’objectif est de géo visualiser les mobilités professionnelles de la région Bretagne, à l’échelle communale.
L’application accessible ici est très aboutie, maniable, fluide et assez intuitive. Elle représente des flux du point de vue des lieux de destination et d’origine en mobilisant différentes informations, l’orientation des flux par exemple ou encore les modalités de ces déplacements. Avant d’aller plus loin, il convient de préciser le point de vue adopté, à juste titre, par l’auteur – la cartographie de flux étant souvent considérée comme devant être l’expression de figurés exclusivement linéaires.
1. Préambule sur le point de vue des fluxLa partie centrale de l’interface propose en effet toujours une carte choroplèthe, avec un rendu coloré en deux ou trois dimensions des effets de ces flux sur la distribution des lieux ; elle permet de mettre en évidence visuellement une forme d’attractivité de l’emploi disponible dans certaines communes.
Si la visualisation des interactions entre lieux de résidence et de travail n’est pas proposée, l’application offre en revanche, sur sa partie droite, des diagrammes qui renseignent sur la distribution des flux représentés selon les modes de transport et le profil de l’employeur principal.
La partie gauche de l’application présente, quant à elle, trois modalités de filtrage de l’information au préalable de sa visualisation :
- Analyse des flux entrants ;
- Analyse des flux sortants ;
- Analyse expérimentale.
Ces possibilités de filtrage correspondent aux parties de la matrice de données sous-jacentes qui sont encadrées de rouge sur la Fig. 1.1, les flux entrants correspondent à la colonne (Dj) et les flux sortants à la colonne (Oi).
Figure 1.1. Une matrice de flux origine-destination et ses marges
F. Bahoken, Neocarto, 2019.
En effet, si la carte de flux évoque au premier abord des figurés linéaires (qui symboliseraient la partie bleue de la Fig. 1.1), sa construction est en réalité plus complexe que cela puisqu’elle est supposée pouvoir combiner à la fois des figurés linéaires (partie bleue), ponctuels et/ou surfaciques (parties rouges et bleues).
2. Exploration des flux sortantsJe choisis d’explorer les flux sortants (j’aurai pu prendre les flux entrants, cela revient strictement au même sur le plan méthodologique, seule l’interprétation devrait changer).
L’analyse étant localisée, la possibilité est offerte de sélectionner une seule localité. Ne connaissant pas particulièrement la Bretagne, je clique au hasard et je sélectionne la commune de Vannes. Mon exploration porte donc sur les flux sortants de Vannes (Fig. 2.1).
Fig. 2.1. Interface d’exploration des flux sortants de Vannes
La représentation principale située au centre présente des polygones (symbolisant les communes), qui sont extrudés (variable visuelle Taille) pour un rendu en effet 3D par rapport à … une variable qui n’est hélas pas précisée. Ce rendu n’étant pas associé à une légende, il apparait difficile d’avoir une idée autre que visuelle des effectifs représentés. J’entends d’ici des collègues comme Boris Mericksay, par ailleurs enseignant de l’auteur, dire quelque chose comme ceci : « les légendes sont facultatives dans ce genre de dispositif de web cartographie ! ; certaines informations complémentaires étant disponibles au survol » – nous y reviendrons.
La teinte de ces polygones à une intensité décroissante à mesure que l’on s’éloigne de Vannes. Si les communes limitrophes ou voisines de Vannes reçoivent logiquement la part de navetteurs la plus importante, on observe que des communes plus éloignées, situées à l’est, probablement des pôles d’emploi secondaires à l’échelle régionale, semblent attirer davantage d’actifs résident à Vannes, que des communes plus proches situées à l’ouest ou au nord breton.
La signification de la teinte de chacun des polygones, à l’inverse de leur taille, est précisée dans une légende située sur le bas de la partie gauche. La variation d’intensité proposée correspond à la part en % de l’ensemble de flux émis par Vannes, que chacune des communes représentée reçoit, en application de la variable visuelle Valeur.
Cette précision de l’intensité permet de déduire que la hauteur de chacune des communes correspond à l’effectif de navetteurs provenant de Vannes, autrement dit, au nombre d’actifs qui réside à Vannes et exerce dans la commune concernée – ce qui revient à sélectionner une ligne du tableau de la Fig. 1.1 et de ne représenter que ce qui se passe à la destination.
Le premier des deux graphiques présentés sur la partie droite de l’interface est un diagramme en barres colorées (Fig. 2.2.).
Il représente l’ensemble des 18 216 actifs résidant à Vannes qui travaillent dans une autre commune, en lien avec la carte principale. Il décrit les effectifs d’actifs internes (intra communal) et externes (inter communal) selon leur mode de transport (à pied, en voiture…).
Fig. 2.2. Distribution modale des flux internes et externes à Vannes
Si ce graphique est très intéressant pour lui-même, il est regrettable qu’il ne soit pas tout à fait en adéquation avec la carte centrale. Cela génère à première vue une confusion (éléments barrés sur le paragraphe précédent), ce qui est dommage.
En effet, d’après ce que j’ai compris, la valeur 18 216 est celle de l’ensemble des actifs de 15 ans et plus exerçant un emploi et résidant à Vannes qui se déplacent pour travailler, que leur lieu de travail soit situé à l’intérieur de la commune (flux internes) ou à l’extérieur (flux externes) ; elle ne correspond pas aux seuls flux sortants comme indiqué sur la légende.
Sans avoir un compas dans l’œil, il me semble que la somme des rectangles des flux sortants (la partie droite du graphique) ne fait pas 18 216 ; elle est plutôt de l’ordre de 5 à 5 300 individus si j’ajoute, à la louche, les différentes barres décrivant ces flux.
En fait, l’information sur l’effectif d’actifs sortants de Vannes – c’est cela qui m’intéresse, puisque c’est mon filtrage de départ – n’est pas directement accessible. Il n’est pas possible de savoir à combien s’estime l’ensemble de ces habitants de Vannes qui va travailler ailleurs, dans la région, ce qui est un peu dommage puisqu’il s’agit de l’information représentée sur la carte principale (les actifs qui résident à Vannes).
Revenons à la carte principale, car des informations complémentaires sont disponibles au survol de la souris pouvant nous éclairer (Fig. 2.3).
Fig. 2.3. Survol à la souris de la commune de Vannes
Le survol de la commune de Vannes fait apparaître une fiche riche d’enseignements [Boris Mericksay a donc raison !]. On y apprend que la population totale de la commune est de 53 218 habitants. Aussi que le nombre de « flux depuis Vannes », c’est-à-dire émis par Vannes est de 12 603 personnes.
À quoi correspond cette valeur, par rapport au tableau de la Fig. 1.1 ? S’agit-il de la somme marginale en ligne de Vannes ? Ou bien de la somme marginale déduite des flux internes (Oi) qui pourrait correspondre à une ligne de la Fig. 1.1 ?
Si je retire ces 12 603 personnes (69,9%) aux 18 216 actifs sortants (Fig. 2.2), j’obtiens 5 613 actifs [Je n’ai pas un compas dans l’œil mais j’y étais presque!] qui pourraient correspondre à l’ensemble des sortants hors diagonale (hors flux internes), qui représenteraient environ 30 % des actifs.
Le second graphique propose une distribution du profil (de l’employeur) des travailleurs « intra » (en rouge) et « sortants » (en bleu) de la commune pour y exercer un emploi (Fig. 2.4.) – dont on note qu’il correspond bien aux données cartographiées
Fig. 2.4. Distribution du profil des travailleurs sortants et internes à Vannes
Ce graphique est complémentaire du précédent. On y apprend ainsi que, à l’instar des navetteurs internes, les navetteurs externes sont employés dans les secteurs de l’administration publique (environ 2 000 personnes), dans le commerce (environ 1 500) et dans l’industrie (environ 1 000).
3. Exploration de l’analyse expérimentale
La sélection de la section Analyse expérimentale entraîne un enrichissement de la légende située sur la partie gauche de l’interface.
3.1. Exploration visuelleLa première étape consiste à sélectionner la commune que l’on souhaite analyser, puis de choisir le type de flux à visualiser : entrant, sortant ou tous. Sans précision sur le « tous », on ne sait pas exactement de quel indicateur il s’agit. C’est pourquoi je choisis d’explorer d’abord les flux entrants [pour changer], toujours du point de vue de Vannes.
Pour les flux entrants / sortants, la carte décrit logiquement les sommes marginales (partie rouge de la Fig. 1.1.), par des cercles proportionnels dont la variation de taille est présentée en légende (en bas à gauche).
Fig. 2.5. Interface d’exploration de l’analyse expérimentale : exemple des flux entrants
Le survol à la souris est moins détaillé que précédemment, seule la population totale de la commune est affichée.
Les diagrammes présentés sur la droite ont également été modifiés par rapport à l’interface précédent : les flux entrants ont été ajoutés à cette distribution des actifs selon les modes de transport. On y apprend ainsi que le nombre total de flux entrants est de 26 768 actifs, qui travaillent à Vannes et résident dans une autre commune de la région ; le nombre de sortants étant inchangé (à 18 216 actifs), ce qui est normal.
La sélection de ce qui correspond à « tous » les flux n’est pas précisée. D’après la Fig. 1.1, on pourrait croire qu’il s’agit d’une des parties présentées en vert (indicateurs donnés à titre d’exemple). En fait, il s’agit d’une visualisation simultanée des flux entrants et des flux sortants.
Ce choix conduit à changer la représentation (Fig. 2.6.), en enrichissant la symbolisation et la légende correspondante (toujours située sur la gauche de l’interface). Quatre teintes sont désormais utilisées pour représenter ces flux.
Fig. 2.6. Interface d’exploration de l’analyse expérimentale : exemple de « tous » les flux
Ce choix de superposer des symboles circulaires qui présentent par ailleurs des variations de tailles et de teintes opaques, en référence à différentes parties de la matrice (Fig. 1.1) conduit à une symbolisation qui n’apparaît pas visuellement efficace.
Examinons la légende correspondante (Fig. 2.7.) pour en savoir plus.
Fig. 2.7. Légende générale de l’analyse expérimentale
Je ne suis personnellement pas favorable à ce choix, car la superposition de cercles ne génère pas un résultat très lisible, y compris à la lecture. De plus, la combinaison des éléments variables n’est pas rigoureusement exacte sur le plan sémiologique… ce qui explique d’ailleurs pourquoi ce n’est pas clair.
Pour montrer le rôle joué par le fait de considérer chacune des infirmations à représenter une par une, avant de les combiner, déconstruisons cette légende, pour essayer d’en proposer une qui serait plus efficace à défaut d’être plus jolie.
3.2. Déconstruction de la légende principaleLa Fig. 2.8 dissocie les différents éléments, en conservant (à peu près) les codes couleurs et les formes choisies par l’auteur.
Fig. 2.8. Décomposition de la légende
Cette décomposition nous indique qu’en en réalité, la légende proposée n’a pas besoin de mobiliser quatre teintes, deux d’entre elles qui sont opposées sur le cercle chromatique suffisent.
En repartant des choix colorés de l’auteur (Fig. 2.8, pour les entrants, exemple (1)), j’ai sélectionné le rouge fondé et le ton opposé sur le cercle chromatique puisqu’il s’agit de symboliser des informations qui sont formellement opposées : des flux entrants et des flux sortants d’un lieu. Dit autrement, il s’agit de mobiliser la Couleur dans son acception qualitative, vu le type qualitatif (catégoriel) de flux à représenter.
Ainsi, un élément d’explication de la confusion tient ici à un problème lié au choix de la variable rétinienne Couleur pour représenter des informations différentes. Puisque trois caractères sont disponibles, il devrait être possible de distinguer les variables visuelles utilisées pour chacun d’eux. Mais seule la Couleur ressort nettement.
La Couleur
La couleur est mobilisée dans un nuancier unique, en l’occurrence de couleurs chaudes (dans les mêmes tons de rouge-orange-jaune) pour représenter, d’après la légende (Fig. 2.7), pour chacun des lieux :
- la valeur ou l’intensité du flux (via les signes > <) ;
- L’orientation entrante du flux ;
- L’orientation sortante du flux
L’orientation du flux :
L’orientation est une variable caractéristique des flux, plus souvent mobilisée lorsque les flux sont représentés du point de vue des relations entre les lieux. Lorsque ce n’est pas le cas, il est effectivement possible d’utiliser la couleur pour distinguer les flux entrants vs sortant d’une commune, ce qui est effectivement le choix fait ici.
Indépendamment du choix des tons qui est fortement subjectif, le choix du nuancier donne l’impression d’une variation d’intensité entre les cercles, c’est-à-dire d’une utilisation de la Valeur, ce qui n’est pas le cas, par définition. D’ailleurs, l’auteur le sait bien puisqu’il a précisé ceci en légende : « Entrants dans la commune sélectionnée > aux sortants ».
Les mentions littérales (« entrant = sortant » ; « entrants > sortants ») font référence au bilan net des flux aux lieux, plus généralement à leur attractivité en termes de travailleurs – elle correspond formellement à la représentation de l’indicateur (S) présenté sur la Fig. 1.1. Cependant, si cette information semble avoir été calculée, elle n’a pas été reprise dans la représentation, ce qui est dommage.
De même, l’intensité des flux n’est hélas pas directement visible, alors qu’elle semble souhaitée. En réalité, il manque à cette représentation, la variable permettant de le faire, à savoir la Taille … Ré-introduisons-là.
Fig. 2.8. Décomposition de la légende et ajout de la Taille
3.3. Proposition de reconstruction de la légende
En partant de là (Fig. 2.8), il est possible de combiner différents éléments informations pour reconstruire la légende.
La légende d’origine mobilise trois types d’informations sur lesquelles il est possible d’agir :
- information sémiologique : la Couleur, l’Orientation, la Taille* ;
- information graphique : le choix d’une implantation ponctuelle associée à une Forme unique, un cercle ;
- information numérique : la valeur du flux, son orientation, une information sur son bilan net (ex. des flux entrants supérieurs aux flux sortants)
L’objectif n’étant pas de tout refaire, nous conservons l’ensemble des choix de l’auteur et suggérons de modifier le symbole et/ou sa teinte. L’utilisation de demi-cercles affrontés (Fig. 2.9), éventuellement colorés (orientation), permettrait de différencier facilement à la fois les différences de taille que l’orientation des flux (entrants-sortants).
Fig. 2.9. Recomposition de la légende
La suggestion de demi-cercles affrontés apparaît facilement, mais je ne sais si elle est aussi “facilement “automatisable – elle ne semble pas être présente par défaut. Si elle ne peut être mise en œuvre facilement, alors, dans ce cas, il faudrait envisager un autre procédé de représentation ou bien calculer un indicateur qui permettrait de ne mobiliser qu’un cercle par localité.
*Note : il n’est pas tout à fait exact de dire que la Taille n’est pas présente sur l’application, elle l’est effectivement mais de manière anecdotique car elle est incomplète : la légende correspondante ne propose aucune information sur le poids des cercles.
Conclusion
La superposition d’informations – de figurés symbolisés correspondants – fonctionne généralement assez mal visuellement, sauf à vouloir montrer graphiquement la complexité d’une réalité. Plus il y a de densité en termes de figurés et moins l’image sera lisible ; plus il y d’informations empilées et moins l’information principale sera visible ; plus nombreuses sont les composantes de sémiologie mobilisées et moins efficace sera le résultat issu de cette superposition.
Il est donc préférable d’essayer de sélectionner l’information, de les combiner (quelle que soit leur nature), de les articuler voire de les transformer pour faire gagner l’ensemble en lisibilité, mais surtout en richesse qualitative, dans l’objectif de résultats interprétables dans un contexte donné. C’est pour cela que la légende proposée à été décomposée, déconstruite de manière à trouver les ressorts d’une construction qui soit un peu plus efficace.
Au-delà des aspects graphiques et sémiologiques, plutôt que de chercher à superposer des formes et des teintes relatives à des informations numériques de formats variés, pouvant d’ailleurs s’opposer, au risque de frôler la carte erronée, peut-être faudrait-il fallu mobiliser des indicateurs déjà calculés, tel le bilan net (noté S sur la Fig. 1.1, voir ici un exemple de mise en application). Outre l’amélioration de la lecture, leur utilisation permet de limiter le nombre de figurés et de composantes de sémiologie à mobiliser.
De plus, mobiliser un indicateur spécifique au type de phénomène plutôt qu’une représentation directe de l’information, devrait permettre d’enrichir considérablement la sémiologie de cette, déjà bien aboutie, application dédiée aux mobilités professionnelles bretonnes. Les remarques et demandes de précisions formulées sont bien à considérer à la marge, l’essentiel du travail ayant été parfaitement réalisé ! Alors, à suivre ?
Références :
Accéder à l’application, DeckmobiliPro, c’est ici
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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23:02
[Book] Face au BRAND territorial
sur Carnet (neo)cartographiqueDans un rayonnage dédié au design d’une petite bibliothèque, je tombe sur un ouvrage qui m’interpelle, non parce qu’il met en scène ce que je recherche ce jour-là, mais parce qu’il est consacré à des images que, a priori, je n’apprécie pas particulièrement…
Vu que je n’ai pas trouvé ce que je cherchais, je reviens sur mes pas. On doit ce billet à son percutant sous-titre : “Sur la misère symbolique des systèmes de représentation des collectivités territoriales”.Ruedi Baur et Sébastien Thiéry (dir.), 2013, Face au BRAND territorial. Sur la misère symbolique des systèmes de représentation des collectivités locales, Lars Muller Publishers.
Avec les contributions de :
Ruedi Baur, Sébastien Thiéry, Jean-Pierre Grunfeld,
Luc Gwiazdzinski, Pierre-Damien Huyghe,
Annick Lantenois, Great Nation et Maria Roszkowska.Face au BRAND territorial est un ouvrage réalisé par un collectif d’étudiant.e.s de l’EnsadLab (laboratoire de recherche de l’École nationale des arts supérieurs décoratifs) de Paris qui dénonce la pauvreté des images de territoires qui serait en lien avec une misère politique.
Ce collectif a examiné des productions visuelles de territoires qui n’intéresseraient pas la recherche, celles qui relèvent du Branding.
L’ouvrage prend la forme d’un plaidoyer pour la reprise de la compétence liée à fabrique des images territoriales parce que « […] qu’abandonner l’art de fabriquer ces images aux apprentis sorciers de la communication visuelle et aux préceptes du branding, c’est rendre progressivement inaudible nos collectivités publiques, et laisser se défaire l’action politique jusqu’à ne devenir que gesticulation aveugle ».
L’informatisation de la société a en effet conduit au succès de nouveaux modes de représentations de l’espace géographique. Leur diffusion avant tout en ligne a indéniablement contribué à populariser une image cartographique numérique, proposée sur différents supports. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les formats papier et autres supports physiques ne sont toutefois pas en reste : de la Bande Dessinée aux cartes postales, des dépliants publicitaires aux logos, films, affiches, photographies, dessins, sculptures, peintures, tous les types d’images participent de ce renouvellement du paysage de l’image cartographique, de l’image territoriale.
Ces images territoriales, si elles ont pendant longtemps été réalisées par des spécialistes de la production cartographique, relèvent désormais pour une part sans cesse croissantes du marketing (territorial, donc), ce qui signe leur appauvrissement.
La multiplication actuelle des modalités de représentations d’un territoire contribue à renouveler son image à des fins de communication, publicitaires. Il faut dire que différentes formes de représentation permettent une lecture géographique : mentales, concepts, idées ; physiques : graphique, schéma, cartes, textes, images fixes ou animées, bases de données, visualisations multimédias peuvent être mobilisés pour promouvoir une construction, un aménagement, un projet, une idée ou que sais-je encore, sous la forme d’images symboliques, fortement évocatrices, plaquées sur des supports dont l’ensemble relève d’une stratégie certaine, que l’on aime ou pas.
C’est en ce sens que cet ouvrage composé de huit chapitres se révèle intéressant. Si plusieurs raisons peuvent être évoquées, ce qui m’a probablement le plus intéressé – sachant que je ne connais pas du tout le sujet -, c’est l’analyse des environnements sémiotiques liés à des territoires donnés. La manière dont la mise en images symbolique de certains territoires est proposée est richement illustrée, et pédagogique.
Sans trop dévoiler les ressorts des auteurs, on peut citer le cas d’utilisation de différentes teinte pour révéler l’environnement sémiotique (la foultitude d’images et de symboles) auquel certaines populations sont exposées.
Prenons l’exemple du rouge. Si l’on vous demande quel pays cette teinte vous évoque, vous répondrez probablement facilement que c’est la Suisse. L’exemple est effectivement trivial. La référence au drapeau est évidente, immédiate, le message est instantané (le rouge est associé au blanc de la croix centrale). Il est d’ailleurs repris sur de multiples supports (des bols, des tee-shirts, des casquettes, des montres, des couteaux … forcément suisses, etc.).
Les auteurs montrent habilement que cette même teinte rouge correspond au communisme (dis comme cela, c’est tout de suite évident), par conséquent à l’environnement sémiotique d’un chinois dans les années 1970 … qui correspond à celui d’un suisse en 2010 !
Illustration
Le rouge “Suisse” en 2010 | Le rouge “Communisme” en 1970
Le Branding opèrant à différentes échelles et prenant différentes formes, il peut être appréhendé à l’échelle des États, comme des villes. Les analyses proposées sont, dans ce registre, intéressantes lorsqu’elles montrent le rôle joué par cette avalanche d’images sur les citoyen.ne.s, telle une contamination, une invasion. En restant dans le rouge, les auteurs montrent le pouvoir visuel de certaines marques, telles celle de cette célèbre boisson.
(extraits)
Le collectif dit combien le public est “désabusé” par cette “manipulation” (négative et) continue du branding et des politiques qui l’accompagnent. Toute cette politique visuelle du marketing territorial (Only Lyon…) participe d’une “désinformation” générale, d’une réduction des identités nationales au profit de certains qui fait en réalité fi de la “complexité du monde contemporain“.
Que penser de cette carte de France ?
En savoir plus :
-> Consulter une présentation de l’ouvrage, sur le site de Lars Müller Publishers, ici.
-> Accéder à une conférence sur le site de Pompidou, en présence de Michel Pastoureau, iciGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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11:58
7,7 milliards d’humains
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, après avoir parcouru “The Vizualisation of Spatial Social Structure” de Dany Dorling (merci Laurent Beauguitte), j’ai eu l’idée de construire cette carte sur la population mondiale en utilisant sa fameuse méthode (des cartogrammes de Dorling). La carte est réalisée en R avec le package cartogram [voir] à partir des données carroyées GpW [voir]. Je la livre ici sans plus de commentaires. Les codes sources sont très simples et disponibles sur mon compte github [voir].
7.7 billion peopleComrades cartographers, after reading Dany Dorling’s book “The Vizualisation of Spatial Social Structure” (Thx to Laurent Beauguitte), I had the idea to build this map on the world population using his famous method (i.e. Dorling cartograms). The map is built in R with the cartogram package [see] from the GpW gridded data [see]. I deliver it here without further comment. The source codes are very simple and available on my github account [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:16
Un Monde sans frontières
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, avant le break estival, je vous propose dans ce billet une carte inédite de la population mondiale. Il s’agit d’une carte entièrement “dessinée” en lignes de code. Elle est réalisée avec R (pour les calculs) et D3.js (pour l’affichage et l’interactivité). Elle est basée sur la méthode des potentiels selon Stewart telle qu’elle a été implémentée dans la package R SpatialPosition [voir]. L’effet relief de cette carte provient de l’utilisation d’ombrages sous chaque isosurface et s’inspire des travaux de Timothée Giraud sur Tanaka [voir] (même si la méthode utilisée ici n’est pas tout à fait la même). De ce fait, les zones peuplées en rouge apparaissent en relief tandis que les zones vides en bleu (montagnes, déserts, forêts) apparaissent en creux. Des montagnes en creux, peut être est-ce contre-intuitif…
Tout comme dans le billet précédent [voir], cette carte se base sur la projection orthographique [voir] pour lui donner l’aspect d’un globe interactif. Mais en plus du cas précédent, un second globe plus petit, dont la rotation est synchronisée, permet de voir l’intégralité du Monde qu’elle que soit la vue choisie. Il n’y a plus de face cachée. Enfin, un choix cartographique non anodin : dans le but de donner à voir un Monde de continuums et non un espace discontinu, les frontières des États ne sont pas représentées . Et du coup, quoi de mieux qu’un globe pour exprimer l’idée d’un Monde sans bordures ?
Toutes vos remarques et suggestions d’amélioration sont les bienvenues. Les commentaires sont faits pour cela. N’hésitez pas à les utiliser.
Codes sources disponibles ici : [https:]]
Ce globe a été réalisé avec D3.js. Cliquez sur la carte et jouez avec la souris pour changer le point de vue.
A New Vision of World PopulationComrades cartographers, before the summer break, I propose in this blog post a new map of the world population. It is a map entirely “drawn” in source lines of code. It is performed with R (for calculations) and D3.js (for display and interactivity). It is based on the Stewart potential method as implemented in the R SpatialPosition package [see]. The relief effect of this map comes from the use of shadows under each isosurface and is inspired by Timothée Giraud’s work on Tanaka [see] (although the method used here is not quite the same). As a result, areas populated in red appear as mounds while empty areas in blue (mountains, deserts, forests) appear as hollows. Hollow mountains, maybe it’s counter-intuitive….
As in the previous blog post [see], this map is based on the orthographic projection [see] to give it the aspect of an interactive globe. But in addition, a smaller second globe, whose rotation is synchronized, allows to see the whole World whatever the view chosen. There is no longer any dark side. Finally, a significant cartographic choice: in order to show a World of continuums and not as a discontinuous space, the borders of States are not represented. And so, what better way to express the idea of a borderless world than by using a globe?
All your comments and suggestions for improvement are welcome. Comments are made for that. Feel free to use them.
Source codes available here: [https:]]
This globe was made with D3.js. Click on it and play with the mouse to change the view.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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12:10
Des cartes ou des globes ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, et si nous en finissions enfin avec ces satanées cartes qui déforment la réalité ? A l’heure du numérique où tout est interactif, animé, augmenté, en 3 dimensions, en réalité virtuelle, n’est-il pas temps, en effet, de mettre au rebut ces représentations planes et distordues qui montrent le Monde tel qu’il n’est pas. La Terre n’est pas plate à ce que je sache…
Cette idée n’est pas nouvelle. Au XIXe siècle, elle était notamment défendue par le géographe et anarchiste français, Élisée Reclus. Fermement opposé aux cartes qui, par construction, distordent la surface terrestre, il plaidait pour la construction d’un globe terrestre géant de 160 mètres de diamètre, pour l’exposition universelle de 1900. Selon lui, enseigner la géographie sur des images fausses était un non sens total. Voici ce qu’il en disait dans L’enseignement de la géographie (1903) : « Après avoir dit aux jeunes enfants que la Terre est ronde, que c’est une boule roulant dans l’espace comme le Soleil et la Lune, j’en viendrais leur en présenter l’image sous une forme d’une feuille de papier quadrangulaire avec des images coloriées […] Dois-je tenter de faire comprendre à ces petits que la sphère a pu se changer en planisphère – c’est à dire, si je comprends bien les deux mots associés, en une sphère plane ? ». Face aux écueils évident des représentations cartographiques en deux dimensions, Reclus nous mettait donc en garde contre les illusions cartographiques et plaidait pour une approche réaliste, visant à montrer le Monde tel qu’il est vraiment. De plus, un globe, ça n’a pas de bord ni de centre. Personne ne peut se mettre au centre. Personne ne peut en être exclus. Les surfaces, les formes les distances, les positions des différents pays sont fidèles à la réalité. De plus, construire un tel globe en plein Paris était aussi une façon de faire rentrer la géographie dans la citée. Au final, ce globe, qui devait trôner fièrement au somment de la butte Chaillot en face de la tour Eiffel ne sera finalement jamais construit. Mais le débat reste ouvert.
Ce globe a été réalisé avec D3.js. Cliquez sur la carte et jouez avec la souris pour changer le point de vue.Alors, faut-il en finir avec les cartes ? Rien n’est moins sur ! Car n’oublions pas que les cartes, grâce aux systèmes de projection, restent le seul moyen de donner à voir le Monde d’un seul coup d’œil. Elles permettent de visualiser simultanément les États-Unis et l’Australie, Le Brésil et le Japon, l’Arctique et l’Antarctique, pour comparer, analyser, bref faire de la géographie. De plus, renoncer aux cartes ça serait se priver d’un formidable moyen d’expression pour raconter le Monde. Car tordre, déformer, faire pivoter, découper, étirer, c’est aussi un moyen efficace pour expliquer la complexité des phénomènes géographiques à l’échelle de la planète. A la façon de Raymond Queneau qui s’est amusé à raconter un même événement de 99 façons différentes dans son célèbre ouvrage Exercice de style (1947), les cartes permettent de raconter le Monde de mille et une manières. Chaque carte le raconte d’une façon particulière sans oser prétendre tout dire. Et c’est bien là que réside l’art de faire des cartes. Sélectionner, choisir, hiérarchiser, déformer, utiliser un langage graphique riche aux mille et unes facettes pour expliquer un territoire de la façon la plus pertinente qui soit. D’une certaine façon, les cartes sont éminemment critiquables par bien des aspects, et la critique est toujours utile. Mais quoi qu’en pensent les « globistes », leurs atouts sont innombrables. Et de ce fait, il y a fort à parier qu’elles resteront longtemps l’outil premier des géographes. Et c’est très bien ainsi
Maps or globes?
Comrades cartographers, what if we finally end these damn maps that distort reality? In the digital age in which everything is interactive, animated, augmented, in 3 dimensions, in virtual reality, is it not time to discard these flat and distorted representations that display the World as it is not. The Earth is not flat as far as I know….
This is not a new idea. In the 19th century, it was defended by the French geographer and anarchist, Elisée Reclus. Strongly opposed to maps that, by definition, distort the earth’s surface, he argued for the construction of a giant 160-metre diameter globe for the 1900 Universal Exhibition in Paris. According to him, teaching geography on fake images was a total nonsense. He wrote about it in L’enseignement de la géographie (1903): “After telling the young children that the Earth is round, that it is a rolling ball in space like the Sun and the Moon, I would come to present them with the image in the form of a sheet of quadrangular paper with colored images… Should I try to make these children understand that the sphere could have changed into a planisphere – that is, if I understand the two associated words correctly, into a planar sphere?”. Faced with the obvious drawbacks of two-dimensional cartographic representations, Reclus therefore warned us against cartographic illusions and called for a realistic approach, aiming to show the World as it really is. Besides, a globe has no edge or center. No one can be put in the center. No one can be excluded from it. The surfaces, the shapes, the distances, the positions of the different countries are as in reality. Moreover, building such a globe in the middle of Paris was also a way of bringing geography into the city. In the end, this globe, which was supposed to be proudly installed at the top of the Chaillot hill in front of the Eiffel Tower, will never be built. But the discussion remains open.
This globe was made with D3.js. Click on it and play with the mouse to change the view.So, should we be done with the maps? Nothing is less sure! Because let us not forget that maps, thanks to projection systems, remain the only way to show the world at a glance. They make it possible to simultaneously visualize the United States and Australia, Brazil and Japan, the Arctic and Antarctica, to compare, analyze, in short, to make geography. Moreover, to renounce to maps would be to deprive oneself of a wonderful way of expression to narrate the World. Because twisting, deforming, rotating, cutting, stretching is also an effective way to explain the complexity of geographical phenomena at the global scale. In the same way as the french writer Raymond Queneau, who had fun telling the same story in 99 different ways in his famous book Exercice de style (1947), maps allow us to tell the world in a thousand and one ways. Each map tells it in a particular manner without claiming to say everything. And that’s exactly where the art of making maps lies. Select, choose, prioritize, distort, use a graphic language rich in a thousand and one facets to explain a territory in the most relevant and effective possible manner. In a way, the maps are eminently open to criticism in many ways, and criticism is always useful. But whatever the “globalists” think, their assets are innumerable. And because of this, it is likely that they will remain for a long time the preferential tool of geographers. And that’s very good as well
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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12:23
Quelle est la bonne carte ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vous propose dans ce nouveau billet une petite réflexion sur la multi-représentation cartographique, appliquée à la géographie des migrants morts et portés disparus en Méditerranée. Ce billet fait suite à la communication effectuée avec Timothée Giraud [voir] à la 29e conférence internationale de cartographie qui s’est tenue à Tokyo du 15 au 20 juillet dernier [voir]. Si l’aspect méthodologique vous intéresse, le papier [voir], les slides [voir] et les codes sources [voir] sont dores et déjà en ligne.
Cartographier les morts
La première carte des migrants morts et disparus aux frontières de l’Union européenne a été conçue et réalisée par le géographe Olivier Clochard (Migrinter) et publiée en 2002 dans les cahiers d’Outre-Mer. Le principe de cette carte était simple. Elle combinait une information quantitative (le nombre de migrants morts et disparus représenté par la surface des cercles) et une information qualitative (la cause de la mort représentée par la couleur). C’était la première fois que ces données étaient cartographiées. En 2003, cette carte a été redessinée, “recrée” à partir de données mises à jour par l’association néerlandaise “United Against Racism”, par le géographe Philippe Rekacewicz (Visionscarto) pour une première publication dans Le Monde diplomatique, ce qui lui donna un impact considerable [voir]. Puis, toujours réalisée selon les mêmes principes, elle fut mise à jour plusieurs fois par les cartographes du réseau Migreurop [voir]. De nombreuses autres cartes, statiques, interactives, artistiques, furent aussi produites. L’idée n’est pas ici d’être exhaustif.
Ici, nous proposons de nouvelles représentations basées sur les données de l’OIM. Les 6 représentations ci-dessous sont réalisées exactement à partir des mêmes données. Je vous invite donc à présent à les décortiquer et les questionner.
Cette première carte est une carte très classique par symboles proportionnels. Chaque cercle correspond à un naufrage d’un bateau de migrants. La superficie des cercles correspond au nombre de personnes mortes ou portées disparues depuis le 1er janvier 2014. Cette carte nous permet d’identifier les endroits les plus meurtriers pour les migrants. Gibraltar, la mer Égée, les côtes libyennes. Mais elle a un gros inconvénient : il y a beaucoup de symboles superposés. Une grande partie de l’information est cachée.
Cette deuxième carte propose une agrégation des données selon la localisation des naufrages. En limitant le nombre de cercles, la méthode d’agrégation (une CAH construite sur les coordonnées géographiques des naufrages) permet de montrer l’importance du phénomène pour chaque route migratoire. Plus de 13 600 personnes sont mortes en 5 ans, entre la Libye et l’Italie. Mais la carte ne permet plus de voir le nombre de naufrages, leur localisation et leur gravité.
Cette troisième carte est construite par agrégation sur une grille régulière. De ce fait, elle permet d’identifier les zones les plus dangereuses. Au large des côtes libyennes, il y a eu en 5 ans plus de 25 morts par km². D’un point de vue politique, cette carte est utile. Elle attire l’attention sur la nécessité d’effectuer des opérations de sauvetage dans les eaux territoriales libyennes. Seuls défauts, ce type de carte ne permet pas d’appréhender les quantités et propose une représentation « non naturelle » (dans une grille).
Cette quatrième carte est la plus compliquée d’un point de vue méthodologique même si son aspect est très simple et facilement lisible. Elle a été réalisée par la méthode des potentiels (selon Stewart), méthode qui consiste à calculer en tout point de l’espace, le nombre de personnes mortes ou disparues dans un voisinage donné définit selon une fonction d’interaction décroissante (ce qui est proche est plus fortement pris en compte que ce qui est loin). Compliqué… Pour plus de détails, je vous renvoie à la bibliographie consacrée [voir]. Comme précédemment, cette carte permet d’identifier les zones les plus dangereuses et propose organisation géographique lisible, facilement compréhensible. Notons aussi que l’originalité de cette carte réside également dans l’utilisation de la méthode d’ombrage « Tanaka », qui donne cet effet de relief [voir]. Seul inconvénient, les valeurs issues de ce type de méthode sont difficiles à interpréter.
Cette cinquième carte reprend la méthodologie précédente mais effectue une inversion des valeurs pour transformer les « bosses » en « creux ». Avec une palette de couleur adaptée, la mer Méditerranée se transforme en un vaste tourbillon dans lequel les migrants disparaissent. Une sorte de métaphore cartographique qui nous rappelle explicitement les naufrages.
Enfin, cette sixième carte, qui utilise la méthode de Dorling [voir], présente un double avantage. Elle permet à la fois d’identifier le nombre de morts et de disparus dans chaque naufrage et de montrer l’ampleur du phénomène pour chaque route migratoire. Ici, aucun cercle n’est superposé. On les voit tous. Le seul inconvénient, car il y en a toujours, est que la localisation géographique des naufrages n’est pas respectée.
Quelle carte choisir ?
Aucune carte n’est efficace à 100%. Chaque carte a ses forces et ses faiblesses. Toute carte montre un aspect d’un phénomène géographique. Elle met en exergue certains éléments et en dissimule d’autres. Avantages vs inconvénients. La bonne carte, c’est donc celle qui permet de répondre aux questions que l’on se pose. Ou celle qui montre le mieux possible ce que l’on désire montrer ou communiquer. Bref, le choix de la bonne carte dépend toujours de l’objectif qu’on lui assigne. Elle dépend de l’intention du cartographe, du contexte de publication, du public, etc. Car n’oublions pas que faire une carte, c’est produire un discours graphique. Faire une carte c’est réaliser une image simplifiée et codifiée de l’espace géographique qui résulte de l’acte créateur et des choix de son auteur [voir]. En d’autres termes, faire une carte c’est raconter quelque chose sur un territoire donné. Il n’y a pas de lien direct et mécanique entre les données et l’image cartographique produite. La richesse du langage cartographique permet en réalite bien des nuances. La seule limite est notre imagination…
Which is the Better Map?Comrades cartographers, I propose in this new post a small discussion about cartographic multi-representation, applied to the geography of dead and missing migrants in the Mediterranean from 2014 to 2019. This post is a continuation of the communication made with Timothée Giraud [see] at the 29th International Cartographic Conference [see]. If you are interested in the methodological aspects, the paper [see], the slides [see] and the source codes [see] are already available online.
Mapping the Dead in the Mediterranean
The first map of dead and missing migrants at the borders of the European Union was designed and drawn by the geographer Olivier Clochard (Migrinter) and published in 2002 in les cahiers d’Outre-Mer. The principle of this map was easy. It combined quantitative data (the number of dead and missing migrants represented by the surface of the circles) and qualitative data (the cause of death represented by color). It was the first time this topic had been mapped. In 2003, this map was redrawn, “recreated” from up-to-date data, by geographer Philippe Rekacewicz (Visionscarto) for publication in Le Monde diplomatique, which gave it a considerable impact [see]. Then, always based on the same principles, the map was updated several times by the cartographers of the Migreurop network [see]. Many other static, interactive, artistic maps were also produced. The idea here is not to be exhaustive.
Here, we propose new representations based on IOM data. The 6 representations below are based on exactly the same data. I therefore invite you now to analyse and question them.
This first map is a very classical symbolization. Each circle corresponds to a shipwreck of a migrant boat. The area of the circles corresponds to the number of people who have died or were reported missing since 1 January 2014. This map allows us to identify the most deadly places for migrants. Gibraltar, the Aegean Sea, the Libyan coast. But it has a big disadvantage: there are many overlapping symbols. A lot of information is hidden.
This second map provides an aggregation of data according to the location of the shipwrecks. By limiting the number of circles, the aggregation method (a cluster analysis based on the geographical coordinates) can be used to show the importance of the phenomenon for each migration route. More than 13,600 people died in 5 years between Libya and Italy. But the map no longer shows the number of shipwrecks, their location and their gravity.
This third map is built by aggregation on a regular grid. As a result, it allows to identify the most dangerous areas. In 5 years, there have been more than 25 deaths per km² off the Libyan coast. From a political point of view, this map is useful. It highlights the need for rescue operations in Libyan territorial waters. The only disadvantage of this type of map is that it does not allow quantities to be apprehended and provides an “unnatural” representation (in a regular grid).
This fourth map is the most complicated from a methodological point of view, even if its appearance looks very simple and easily readable. It was realized by the method of potentials (according to Stewart), a method that consists in calculating at any point in space, the number of dead or missing persons in a given neighborhood defined according to a decreasing interaction function (what is close is more strongly taken into account than what is far). Complex… For more details, I can refer you to the dedicated bibliography [see]. As before, this map makes it possible to identify the most dangerous areas and provides a readable, easily understandable geographical organization. It should also be noted that the originality of this map also lies in the use of the “Tanaka” shading method, which gives this relief aspect [see]. The only drawback is that the values derived from this type of method are difficult to interpret.
This fifth map follows the previous methodology but inverts the values to transform the “bumps” into “hollows”. With an appropriate color palette, the Mediterranean Sea is transformed into a vast whirlpool in which migrants disappear. A kind of cartographic metaphor that explicitly reminds us of shipwrecks.
Lastly, this sixth map, based on the Dorling method [see], has a double advantage. It allows both to identify the number of deaths and missing persons in each shipwreck and to show the extent of the phenomenon for each migration route. Here, no circles are overlaid. We can see them all. The only disadvantage, because there are always some, is that the geographical location of the shipwrecks is not maintained.
Which map to choose?
No map is 100% successful. Each map has its strengths and weaknesses. Actually, any map shows an aspect of a geographical phenomenon. It highlights some elements and hides others. Advantages vs. disadvantages. The right map is therefore the one that answers the questions we ask ourselves. Or the one that most accurately shows what you want to show or communicate. In short, the choice of the right map always depends on the objective assigned to it. It depends on the intention of the cartographer, the context of publication, the audience, etc. Because we have to remember that making a map is always producing a visual discourse. To make a map is to create a simplified and codified image of a geographical territory that results from the creative act and the choices of its author [see]. In other words, making a map is telling something about a given territory. There is no direct and mechanical link between the data and the map image produced. The richness of the cartographic language allows many nuances and subtleties. The only limit is our imagination….
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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13:56
[Book] Terra forma
sur Carnet (neo)cartographiqueTERRA FORMA – MANUEL DE CARTOGRAPHIES POTENTIELLES est un ouvrage de Frédérique Aït-Touati (chercheuse au CNRS, historienne des sciences et metteure en scène), Alexandra Arènes et Axelle Grégoire (architectes) publié en avril 2019 dans la collection Cartographie des Editions B-42.
Ce manuel est issu de Zone critique, un projet de recherche création interdisciplinaire pour explorer les modalités de production ou de transmission de connaissance par les arts, ici en particulier graphiques.
L’ouvrage présente en effet de nombreux graphiques dont on perçoit bien la composante exploratoire et expérimentale. Cette réflexion sur le dessin de territoires est en effet mise au service d’une revisite (ré-exploration ?) d’une pratique de représentation graphique conceptuelle du monde qui se veut résolument nouvelle. Il faut dire que l’objectif des autrices est ambitieux, celui de réaliser “un atlas d’un nouveau genre” fondé sur une esthétique (un design ?) du graphique et sur la graphique (au sens de Jacques Bertin).
L’intérêt étant porté ici sur un graphisme “cartographique”, l’ouvrage intéresse directement l’expression visuelle de ce langage. Il conduit à une modélisation graphique classique qui passe par le dessin de formes signifiantes, réalisées à partir de symboles élémentaires structurants qui sont à leur tour mobilisés pour former un ensemble cohérent décrivant, par leurs interrelations respectives, un état, une situation, processus ou un phénomène donné ; leur mise en œuvre technique est également proposée.
Cette formalisation graphique apparaît très riche. Elle s’inscrit dans le contexte d’une analyse géographique opérationnelle, orientée aménagement de territoires pratiqués, vécus, rêvés, appréhendés selon une perspective graphique artistique, donc, mais aussi critique, politique.
L’ouvrage est composé de sept chapitres qui concernent : le sol, le point de vie, les paysages vivants, les frontières, l’espace-temps, les (re)sources et les mémoire(s).
Tous correspondent à autant de points de vue sur le monde narrés graphiquement pour en produire autant de visions différentes, comme incarnées et toujours situées. Un intérêt particulier est apporté par exemple à la notion de focale – que je trouve personnellement toujours très intéressante à explorer tant elle va pouvoir faire varier l’image produite. Ici, les points de vue sont innovants en ce sens qu’ils sont ” […] par les profondeurs, par les mouvements, par le point de vie, par les périphéries, par le pouls, par les creux, par les disparitions et les ruines […] “, ils ne sont pas orthogonaux, horizontaux, obliques comme dans les approches cartographiques plus traditionnelles. La possibilité est ainsi donnée d’entrer dans l’image par différents endroits et de cheminer dans le dessin, comme pour mieux se l’approprier.
Si tous les chapitres méritent l’attention, on notera en particulier la nouvelle sténographie proposée dans le chapitre Espace-temps, à savoir “[…] un système de notation qui permet de décrire de manière simultanée l’espace et le temps pour y naviguer ou pour y faire projet. Ces signes regroupés par famille conjuguent l’empreinte spatiale avec la durée et la fréquence […]” pour un renouvellement de ce “bagage sémiologique“. Les graphiques qui en résultent tranchent avec l’existant (les manières de représenter l’articulation des composantes temporelles et spatiales), ils sont pour certains vraiment fascinants. Ils autorisent plusieurs niveaux de lecture des spatio temporalités symbolisées – au format statique – , à un moment donné (approche transversale) ou sur une période pour figurer le changement l’évolution (approche transversale) … sachant que la mise en œuvre graphique peut toujours être décomposée ou visualisée dans son ensemble.
Au final, un bel ouvrage sur la modélisation graphique de processus sociaux qu’il est possible de feuilleter sur le site de l’éditeur, à l’adresse suivante : [https:]]
Voir également le site du projet de recherche création Zone critique
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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22:20
[Book] This is not an atlas
sur Carnet (neo)cartographiqueThis is not an atlas. Si Ceci n’est pas un atlas, c’est en tous cas un très bel ouvrage proposant une quarantaine de documents au format papier et pdf en open access participant de la contre-cartographie. Il a été élaboré par le kollektiv orangotango, un réseau de géographes critiques et activistes sur des questions de (luttes de) territoires, de pouvoir et de résistance préfigurant la mise en place d’alternatives sociales, notamment via des processus d’émancipation par le bas.
This is not an atlas est en fait un recueil de « cartes », plus précisément de représentations visuelles de territoires – toutes ne sont pas des cartes, mais c’est un point délicat que je préfère éluder dans l’immédiat – non conventionnelles et classiques pour une bonne partie d’entre elles. D’après le kollektiv orangotango, il ne s’agit donc pas d’un atlas même s’il utilise le terme de carte pour qualifier les images proposées – le terme atlas n’étant pas à prendre au sens historique du terme, si on peut dire.
Les projets (ou documents) mis en avant n’ont en effet pas pour vocation de restituer, sous une forme cartographique formalisée, une forme d’occupation (visible ou invisible) d’une portion de surface terrestre, élaborée dans un contexte opérationnel. L’ambition ne semble pas tant dans la production d’une connaissance exhaustive de faits « objectifs » sur un territoire que dans l’illustration de l’accompagnement (sous la forme d’ateliers, etc.) de changements sociaux résultant de luttes pour plus de justice. C’est pourquoi l’ouvrage ne propose pas de cartes, géographiques, présentée à des fins de comparaison, d’information scientifique ou de communication, mais plutôt à des fins d’activisme.
L’objectif de cet ensemble semble plutôt de rassembler des documents, uniques, monographiques, portant sur différentes zones et, donc, forcément non comparables puisqu’ils sont hétéroclites. Aussi et surtout de montrer comment des représentations de territoires sont pensées, discutées, fabriquées pour, voire en coproduction avec, des populations.
Son élaboration s’inscrit en effet dans un contexte de recherche géographique critique, mêlant des considérations artistiques à des objectifs pédagogiques, d’éducation.
Ce qui est vraiment intéressant – pour qui n’y est pas familier – est de voir comme la réflexion à l’origine des projets présentés, souvent collective, prend corps dans un contexte de lutte politique et implique des populations diverses qui vont ainsi pouvoir s’emparer de l’outil « cartographie » pour proposer (co construire) leur propre vision de leur territoire, celui où ils vivent – en s’appuyant sur des matériaux divers … en réponse à différents objectifs pouvant être scientifiques.
Le sommaire de l’ouvrage est en effet révélateur de la richesse que ce genre de pratiques de contre-cartographie peut produire. Les huit sections présentant des titres évocateurs, comme une tentative d’illustrer autant de facettes de la contre-cartographie. Elle est ainsi vue comme un outil d’action, de renforcement de la pression politique, d’éducation, de cartographie occasionnelle, de visibilisation, de subjectivité spatiale, d’auto-réflexion et de critique (consulter le sommaire ici).
L’ouvrage a été élaboré par des (géo)cartographes critiques, engagé.e.s et souvent activistes. Une marque de fabrique des représentations qui en découlent, qui m’apparaissent toutes subjectives. On pourrait aller jusqu’à dire qu’il s’agit « d’auto-biographies graphiques » pour citer Brian Harley tant elles parlent [de mon point de vue] de leurs concepteurs-réalisateurs, certain.e.s productions étant d’ailleurs facilement reconnaissables.
La conclusion « qui n’en est pas une » précise que cet ouvrage s’inscrit dans la lignée de travaux déjà anciens de cartographie radicale (Mogel & Bhagat, 2007), en particulier ceux qui sont contre l’idée selon laquelle ces contre-cartographies seraient ou parleraient d’elles-mêmes. D’après le collectif, les « cartes » proposées sont considérées comme un outil pratique de documentation pour une analyse, une modalité d’accompagnement émancipateur de changements sociaux à l’œuvre qui est observé dans différents endroits du monde, à différentes échelles, locales et mondiales.
C’est pourquoi ces [contre] « cartes » sont considérées [par le collectif] comme participant d’un “mouvement fluide dont la tactique va de la création artistique à l’action directe en passant par l’élaboration de politiques. Ce travail lent, cumulatif et constant à plusieurs échelles d’action est ce qui crée le changement social ” (Mogel et Bhagat, 2007 : 12).
Ce mouvement étant en cours, l’ouvrage se termine par une belle discussion réflexive proposée par les différents auteurs et autrices sollicité.e.s qui posent ou répondent à certaines questions, font part de leurs doutes, etc.
-> Consulter les “cartes” dans la version numérique de l’ouvrage.
-> Consulter le blog qui accompagne l’ouvrage :
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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19:11
[Geoweb] Watchthemed
sur Carnet (neo)cartographiqueLe projet Mapping Safe Passages. Real-Time Interventions at the Maritime Borders of Europe à conduit au développement d’une infrastructure de cartographie web intitulée Watchthemed. L’objectif de surveiller la méditerranée l’est pour garantir la sécurité des populations mouvements. Il prend la forme d’une cartographie interactive temps réel des points de passages sûrs aux frontières maritimes de l’Europe, qui peut être enrichie de couches d’informations complémentaires.
Accéder à la plateforme : [watchthemed.net]
Outre la mission d’accompagnement et de sécurisation des migrant.e.s, l’intérêt de ce dispositif est de s’inscrire dans une approche de « contre-cartographie » qui est mobilisée au sens propre ici.
Le dispositif de cartographie numérique mis en œuvre n’a en effet pas pour ambition de surveiller les frontières dans un objectif de traque de migrants, de contrôles qui les conduisent souvent à leur enfermement. Il ambitionne plutôt de surveiller les frontières pour pouvoir structurer le réseau de soutien aux populations en fuite avant (pour préparer leur voyage) et pendant le voyage lui-même, pour garantir la sécurité du parcours. L’intérêt de ce travail est également de changer de point de point de vue, d’être positionné du point de vue des populations concernées – et non de celui des autorités, de proposer une vision plutôt bottom-up et non top-down comme c’est souvent le cas.
Stephan Liebscher s’est entretenu avec Ina Fischer, membre de l’Alarmphone indique que « L’idée du projet est née en 2013, après que deux bateaux en situation d’urgence en Méditerranée centrale n’aient pas reçu d’aide : […] La situation de détresse et de non-assistance a été reconstituée en détail sur la plateforme de monitoring en ligne watchthemed.net. Ces deux cas ont été un moment clé pour soulever diverses questions :
- Que ce serait-il passé si ces personnes en détresse, systématiquement ignorées par les garde-côtes, avaient eu la possibilité d’appeler une ligne téléphonique indépendante ?
- Ne serait-il pas possible d’amplifier les appels de détresse par des appels immédiats au public ? […] »
Lire la suite de l’entretien ici (.pdf) ou sur le site du Non Atlas Project, ici
Accéder à la plateforme : [watchthemed.net]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:33
Cartographier les migrations #3 : enjeux rhétoriques
sur Carnet (neo)cartographiqueCette vidéo est issue d’un cycle de séminaires organisé par le laboratoire MIGRINTER, consacré aux représentations des migrations [en savoir plus].Ce billet est le troisième d’une série de trois billets consacrés aux représentations cartographiques des migrations, présenté lors d’un séminaire au laboratoire MIGRINTER, le 4 avril 2019. Celui-ci est dédié aux enjeux rhétoriques.
Verbatim
La carte est l’instrument fondamental du géographe. Elle permet de faire émerger des hypothèses, de tester une intuition, de valider un raisonnement, de spatialiser le regard. En sciences, la carte peut d’ailleurs valoir de preuve. L’élaboration d’une carte à la fin d’un processus de recherche permet aussi d’expliquer par l’image le résultat d’un raisonnement donnant toujours lieu à une représentation donnée du Monde, située. Le fait qu’il y ait 1000 et 1 manières de mettre le Monde en cartes suggère autant de discours envisageables. La carte illustre en réalité, par l’intermédiaire d’un langage graphique plus ou moins formel, un ensemble d’arguments dont la présentation n’est pas dénuée de techniques de rhétorique.
Certaines cartes de l’agence Frontex en sont l’exemple frappant. En représentant des migrations sud-nord par de grosses flèches rouges pointant de façon menaçante vers les pays de l’Union européenne, leurs cartes font plus que mettre, simplement, des chiffres en images. Elles racontent un phénomène inscrit dans un espace géographique, de son point de vue : celui d’une autorité qui considère qu’il faut « protéger » les frontières européennes de l’arrivée de migrants jugés trop nombreux. Le mode de représentation traduit un parti pris cartographique indéniable pour soutenir leur position. Et pourtant, d’autres choix étaient possibles : en jouant sur l’échelle du rendu ou sur les figurés graphiques eux-mêmes, ou sur les questionnements sous-jacents. Qu’y a-t-il derrière ces grosses flèches rouges ? Quid des histoires individuelles de ces hommes, de ces femmes et enfants en migration ?
Faire une carte, ce n’est pas mettre en image le réel, c’est en représenter une facette. C’est porter un regard sur le Monde, donner une représentation nécessairement tronquée et simplifiée de la réalité. La réalisation d’une carte résultant de choix pris dans un éventail de possibles, elle n’est ni totalement objective, ni complètement neutre ; elle se doit donc d’être conçue avec honnêteté.
Les cartes servent aussi à dénoncer, à alerter. C’est l’objectif de celles qui sont réalisées depuis 2003 sur les morts et portés disparus aux frontières de l’Europe. En montrant les logiques spatiales et leurs évolutions à travers le temps, ces cartes permettent de mettre directement en cause les politiques de durcissement des frontières extérieures de l’Union européenne et leurs conséquences. Chaque fois qu’un point de passage est fermé (détroit de Gibraltar, Iles Canaries, Lampedusa,?etc.), les flux migratoires sont déviés mais non stoppés. En d’autres termes, chaque fermeture conduit à des morts… La carte réalisée dans ce contexte joue alors un rôle de contestation qui n’est pas sans rappeler la démarche du géographe américain Wiliam Bunge.
Enfin, l’exemple de la cartographie des migrants syriens permet de montrer à quel point les images cartographiques peuvent être sujettes à caution. En changeant les mots, les couleurs, la taille des symboles, l’emprise de la vue, il est possible de faire tout dire à une carte, et son contraire ! À travers cet exercice de déconstruction, l’esprit critique est de mise. Cette mise en garde permet de démontrer qu’aucune carte n’est innocente ; que derrière chacune d’elles se cachent des choix et des intentions qu’il faut savoir débusquer pour bien comprendre son message.
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Voir le billet #1 : un monde de cartes
Voir le billet #2 : enjeux théoriques et méthodologiquesIngénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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8:43
Cartographier les migrations #2 : enjeux théoriques et méthodologiques
sur Carnet (neo)cartographiqueCette vidéo est issue d’un cycle de séminaires organisé par le laboratoire MIGRINTER, consacré aux représentations des migrations [en savoir plus].Ce billet est le deuxième d’une série de trois billets consacrés aux représentations cartographiques des migrations, présenté lors d’un séminaire au laboratoire MIGRINTER, le 4 avril 2019. Celui-ci est dédié aux enjeux théoriques et méthodologiques.
Verbatim
Les images cartographiques produites au cours du temps sur des mouvements et déplacements apparaissent diverses dans leur forme, dans leur fond et dans leur mise en œuvre. Dans la mesure où elles peuvent être (perçues comme) complexes, il devient intéressant de les examiner de plus près.
Pour cela, il convient d’adopter une posture critique dé-constructive de ces images pour essayer d’identifier les éléments qui les composent, leur structure élémentaire et plus loin leur fondement théorique. Quel est le processus mis en œuvre pour réaliser cette carte de migrations ? Dans quel cadre théorique (approche réseau, approche gravitaire, approche visuelle) s’inscrit-elle ? Quel phénomène y est symbolisé ? A l’aide de quels procédés ?
Cette seconde partie du séminaire met en œuvre une approche compréhensive à visée pédagogique, pour présenter les enjeux théoriques et méthodologiques d’une cartographie de migrations. Le rappel des notions mobilisées concernant la mesure de l’information est mis en perspective avec la symbolisation cartographique qui peut être réalisée en lien avec une difficulté spécifique qui se pose d’emblée pour les migrations.
L’usage de la flèche génère une erreur qui conduit généralement à interpréter son dessin sur une carte comme une généralisation de comportements individuels, alors qu’elle symbolise plutôt le comportement d’un agrégat – et non celui d’un groupe ou d’un individu. Son examen conduit à arbitrer sur le choix du niveau de chacune des composantes (sociale, spatiale, temporelle …) mobilisée dans l’analyse cartographique des déplacements, en général.
La prise en compte de ces choix théoriques dans la symbolisation graphique des migrations n’est donc pas sans conséquences sur le type d’images réalisée, sur leur signification. On montre enfin qu’il existe en réalité trois modalités cartographiques de ces déplacements qui diffèrent fondamentalement sur les plan graphique et théorique.
A suivre….
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Voir le billet précédent : Cartographier les migrations #1 : un monde de cartes
Voir le billet suivant : Cartographier les migrations #3 : enjeux rhétoriquesGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:16
Cartographier les migrations #1 : un monde de cartes
sur Carnet (neo)cartographiqueCette vidéo est issue d’un cycle de séminaires organisé par le laboratoire MIGRINTER, consacré aux représentations des migrations [en savoir plus].Ce billet est le premier d’une série de trois billets consacrés aux représentations cartographiques des migrations, présenté lors d’un séminaire au laboratoire MIGRINTER, le 4 avril 2019. Celui-ci est dédié à l’approche historique de la cartographie en général, de la cartographie des migrations en particulier.
Verbatim
Cela fait longtemps que l’Humanité produit différents types de cartes. Cartes polynésiennes, table de Peutinger, portulans, etc., nombre d’entre elles étaient notamment conçues pour le repérage et l’organisation des déplacements humains sur terre ou en mer.
L’histoire de la cartographie est aussi l’histoire de la représentation du Monde. Si la première carte du monde connu date de l’époque babylonienne (vers 600 avant notre ère), ce sont les grecs qui ont posé les fondements de la cartographie scientifique : mesure de la rotondité de la terre (Ératosthène), systèmes de projection, découpages en zones, etc.
Les premières représentations de données sous la forme de graphiques sont également très anciennes : elles datent du XIVe siècle et sont signées Nicolas Oresme, un intellectuel né en Allemagne, ancien évêque de Lisieux à qui sont attribués les premiers histogrammes de l’Histoire.
En 1826, une conjonction graphique qui mêle ces histoires de la mise en graphique et de la cartographie s’ouvre avec les travaux du français Charles Dupin. Nait alors la première carte (choroplèthe) représentant des données statistiques localisées invisibles à l’œil nu, une carte de l’instruction populaire en France. Comme l’indique Gilles Palsky, on a effectivement d’abord appris à représenter le temps sous la forme de diagramme, puis l’espace sous la forme de carte.
Et puis, il y a Charles Joseph Minard, ingénieur civil français qui entreprend, à l’heure de la retraite, un travail considérable de cartographie statistique fondé sur « un calcul par l’œil ». Sa carte figurative sur la Campagne de Russie de 1812-1813 est d’ailleurs considérée aujourd’hui comme le « Gold Standard » de la dataviz.
Minard produira nombre de cartes et graphiques descriptifs de mouvements de transports, avant d’étudier également ceux de populations humaines. Sa mise au point de plusieurs variables visuelles posera les fondements d’une école française de la sémiologie cartographique.
La publication illustrée des Lois de la migration à la fin du XIXe siècle par Ernst Georg Ravenstein, cartographe allemand installé à Londres, ouvre la voie vers un changement de paradigme théorique : les approches monographiques, purement descriptives, sont progressivement complétées par une vision idiographique qui donnera lieu à un renouvellement progressif des méthodes et des cartographies correspondantes.
Le tournant spatial de la fin des années 1960 entraînera dans son sillage un renouvellement de la figure de la carte statistique liée à un double mouvement. D’une part, les principes de sémiologie acquis au cours du temps sont formalisés par Jacques Bertin, dans le registre de la cartographie générale ; ils incluent à la marge des considérations liées aux déplacements. D’autre part, le développement d’une algorithmie spécifique au traitement et à l’analyse de données localisées va devenir une pratique courante avec les travaux de Waldo Rudolf Tobler, géographe américain qui publiera, notamment, les premiers scripts autorisant le dessin automatique sur une carte, décrivant en particulier des interactions territoriales par des flux ; plus généralement l’émergence de nouveaux outils, les Systèmes d’information géographique.
La production cartographique actuelle sur les déplacements, forte des acquis théoriques et méthodologiques du passé, est soutenue ces dernières années par le développement de l’informatique graphique et un engouement général pour la cartographie. Sa fabrique connaît en effet un renouvellement profond dans le contexte de la cartographie 2.0, une évolution en même temps qu’une ouverture des outils et des pratiques qui s’inscrit dans un contexte de permanence de questionnements anciens (figurer des routes, des directions majeures, montrer des zones d’accumulation, …).
A suivre…
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Voir les billets suivants :
Cartographier les migrations #2 : enjeux théoriques et méthodologiques
Cartographier les migrations #3 : enjeux rhétoriquesGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:11
Atlas des migrants en Europe (English version)
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, le réseau Migreurop est heureux de vous annoncer la parution de la version anglaise de l’Atlas des migrants en Europe aux éditions Routledge [voir">[hTtP0cQd4X024uDVzSVByMw-DwZPlussNSnA">voir] ]. Tout comme la version française, ce livre parle des hommes, femmes et enfants qui fuient la guerre, la pauvreté ou les crises politiques, risquant leur vie pour trouver refuge en Europe. Et parce que, comme l’écrivait Georges Orwell, “à une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire”, ce livre énonce, chiffres et cartes à l’appui, un certain nombre de vérités. Les réalités de l’enfermement en Europe (dont la France détient le triste record [voir]), la sous-traitance de la frontière, son externalisation, la surveillance militaro-policière, les morts et portés disparus à nos frontières, etc. Mais au delà de l’énonciation des faits, le livre vise aussi à déconstruire un certain nombre d’idées reçues comme le fait qu’il y aurait eu une crise migratoire en Europe en 2015 alors que tout montre qu’il s’agissait en réalité d’une crise de l’accueil. Ou encore, de montrer que l’hécatombe humaine en méditerranée n’est pas le fruit de la fatalité mais directement lié aux politiques migratoires menées par les pays européens.
Ancré de la champ de la géographie critique, le but de cet atlas collectif (près de 100 personnes y ont participé), n’est pas seulement de décrire la géographie des migrations ni de simplement décortiquer les politiques migratoires, c’est aussi d’aider à faire bouger les lignes, à changer la façon dont nous voyons les autres. En effet, si ce livre est principalement l’oeuvre de scientifiques de plusieurs disciplines et issu d’un travail rigoureux de recherche qualitative et quantitative, ce n’est pas pour autant un ouvrage neutre et purement descriptif. Il s’agit d’un ouvrage engagé, fruit d’un collectif qui prône la liberté de circulation et la fin de l’enfermement des migrants. D’ailleurs, la dimension subjective des cartes, dont il est souvent question sur ce blog, est également discutée dans cet Atlas à travers deux chapitres. Le premier, intitulé “interroger les cartes : raisons et affects”, traite de la rhétorique des images cartographiques et des discours qu’elles véhiculent. Le second, “contrefaçons cartographiques”, montre à travers l’exemple des migrants syriens, comment il est facilement possible de mentir avec les cartes. Bref, si ce livre contient beaucoup de cartes et d’infographies, il met aussi en garde de lecteur sur leur utilisation, et cherche à éveiller son esprit critique. En d’autres termes, il l’invite à se méfier des cartes et non des migrants. Cet Atlas c’est le pari du savoir et de l’intelligence collective contre des idées reçues bien souvent fantasmées. Car la géographie, ça ne sert pas seulement à faire la guerre…
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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10:17
Le théorème des quatre couleurs
sur Carnet (neo)cartographiqueRobin Wilson, 2002
Le saviez-vous, 4 couleurs suffisent pour colorier n’importe quelle carte – la carte des pays du Monde, la carte des départements, la carte des communes, etc. – sans jamais utiliser deux couleurs identiques pour 2 pays adjacents. Faites l’essai sur n’importe quel fond de carte, ça marche à tous les coups.
Bien que triviale, cette propriété ne fut pas facile à démontrer et nombre de mathématiciens s’y cassèrent les dents. C’est Francis Guthrie en 1852, qui s’intéressa le premier à cette question en travaillant sur la coloration des régions en Angleterre. Plus tard, Alfred Kempe et Peter Guthrie Tait tentèrent des démonstrations mathématiques, mais sans succès.
Dans les années 60 et 70, d’autres voies furent explorées à l’aide de l’informatique. Heinrich Heesch, Kenneth Appel et Wolfgang Haken apportèrent enfin des preuves irréfutables après des heures et des heurs de calcul informatique. Mais pour les purs et durs, ces démonstrations informatiques n’en sont pas tout à fait.
Aujourd’hui encore, aucune preuve mathématique (sans usage de l’informatique) n’a été découverte. Mais une chose est sure quand même, avec 4 couleurs seulement, on est le roi de la carto.
A vous de jouer
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:48
Une carte de l’anti-relief démographique Haut-Alpin
sur Carnet (neo)cartographiqueAmoureux et arpenteur régulier des Hautes-Alpes, j’avais depuis longue date dans un coin de la tête la réalisation d’une carte qui déconstruit les perceptions usuelles de la topographie alpine. L’idée m’est alors venue de considérer des données fines de population, qui se concentre naturellement dans les vallées alpines et de réfléchir à l’utilisation de procédés de représentations cartographiques peu courants pour réaliser une représentation graphique originale de cet espace alpin. Le territoire des Hautes-Alpes se démarque des autres départements français tout d’abord par sa faible population (4ème département le moins peuplé de France après la Lozère, la Corse-du-Sud et la Lozère) ; mais aussi par ses caractéristiques montagneuses : avec 938 mètres, c’est le département dont l’altitude moyenne de résidence de la population est le plus élevé en France.
Cette carte originale a été réalisée grâce aux données de population fournies par l’INSEE pour six départements alpins à une résolution géographique fine (grille de 200m) et le package R linemap. Les fonctions de ce package permettent facilement d’agréger des données vectorielles d’entrée dans une grille régulière d’une résolution spatiale donnée (ici 1500 m) à de réaliser des cartes composées de lignes dont la hauteur dépend d’une variable quantitative de stock.
Les éléments d’habillage sont aussi importants pour pouvoir se repérer sur cette représentation cartographique peu usuelle. Les parcs naturels et nationaux (source : IPNP) ont ainsi été rajoutés et représentés selon un style « griffonné ». Technique graphique rendue possible grâce à la fonction GetPencilLayer du package R cartography. Les cours d’eau principaux (source : Sandre), les limites départementales (source : IGN) et des labels ont aussi été ajoutés afin que le lecteur puisse plus facilement se situer sur la carte.
Cette représentation graphique donne ainsi à voir la répartition de la population dans les Hautes-Alpes et ses départements voisins. Les pics démographiques haut-alpins se concentrent dans la vallée de la Durance (Briançon, Guillestre, Embrun). Gap la préfecture et son agglomération dominant malgré tout du haut de son pic démographique. Les pics haut-alpins sont bien isolés : entourés de plaines démographiques protégées (Écrins, Queyras, Baronnies, Vercors), les foyers de population voisins, de taille modeste (Barcelonette, La Mure, Sisteron, Nyons) sont tous situés à plusieurs dizaines de kilomètres des limites du département.
On remarque néanmoins au nord-ouest poindre le massif démographique grenoblois et ses collines Valentinoise, elles situées un peu plus à l’ouest. Briançon et Gap ne sont situés en effet « qu’à 2 heures » de voiture de Grenoble.
Malheureusement, les belles pentes qu’offrent ces pics démographiques ne sont jusqu’à preuve du contraire pas skiables.
Les données et le code qui ont permis de réaliser cette carte, utilisant les fonctionnalités de base des packages sf, cartography et linemap sont disponibles ici.
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19:37
La légende d’une carte, un élément incontournable
sur Carnet (neo)cartographiqueLa légende est l’un des éléments essentiels d’une carte statistique. S’il est essentiel qu’elle soit présente sur le document cartographique, elle doit également être conçue de manière efficace, pour éviter les contresens dans l’interprétation des informations cartographiées.
1. L’importance de la légende d’une carteLa légende doit être claire et facilement compréhensible. Lorsqu’elle est bien conçue, elle permet de faire un lien direct entre le dessin des figurés perçus, les informations sous-jacentes et l’interprétation principale de la figure, telle qu’elle est souhaitée par l’auteur. Au-delà de la légende, la difficulté de réaliser une carte (plus généralement un graphique statistique) réside donc d’abord dans le choix de la méthode de traitement des données à appliquer en amont de la représentation proprement dite, ensuite dans leur formalisation (carto)graphique ; l’inadéquation de l’un de ces éléments se verra forcément dans la légende, et conduira au désormais célèbre #mapfail !
La légende permet en effet de faire le lien entre les informations numériques, les informations géographiques, et la manière dont leur articulation est symbolisée sur un espace quelconque – en utilisant les principes de la sémiologie (carto)graphique – pour une communication efficace du message véhiculé par la carte.
C’est ainsi grâce à la légende que l’on peut s’assurer que les variables rétiniennes mobilisées pour symboliser (carto)graphiquement les valeurs numériques sont bien celles qui assurent une transmission instantanée et convenable du message.
La légende est donc un élément crucial dans la compréhension de la carte. Elle permet par ailleurs de statuer avec quasi-certitude de son caractère erroné ou non.
Pour montrer le rôle joué par la légende, considérons une jolie carte mentionnée ce jour sur Tweeter (ici), donc sélectionnée (presque) au hasard !
1. Exemple d’applicationLa carte en question peut être visualisée ici.
1.1. La carte dans son contexte"Consommation" du fond @OSM_FR à l'échelle mondiale (source : [https:]] ) pic.twitter.com/oCOWdEBEXX
— PanierAvide (@PanierAvide) February 26, 2019Cette est mentionnée avec le message suivant : « la consommation du fond OSM [couche cartographique Open Street Map] à l’échelle mondiale ».
Littéralement frappée par la part de bleu qui concerne toute l’Afrique et une partie de l’Asie en opposition à une partie de l’Europe de l’ouest, je porte rapidement mon regard sur la légende, élément fondamental de compréhension d’une carte thématique.
1.2. Focus sur la légendeLa couleur bleue, la première de la gamme, est associée à la valeur zéro. Il n’y aurait donc aucune « consommation du fond OSM » en Afrique, notamment. Dans la foulée, je tagge cette carte en #mapfail ! ce qui permet d’alimenter automatiquement la petite base de données (déjà conséquente de #mapfail) d’un collègue.
Boris Mericksay dit ici n’être pas d’accord sur le fait que cette carte soit un #mapfail . Il précise à juste titre que la variable représentée n’est pas un stock … information qui n’est pas évidente au premier abord (voir la légende). Cela me conduit à revenir sur la légende, puis sur la carte.
2. Légende et commentaire de carteCette légende est composée de trois parties, que j’examine tour à tour en suivant l’ordre de lecture qui fut le mien afin d’esquisser l’introduction d’un commentaire (comme on le fait en géographie) de la carte.
2.1. Décortiquer la légendeAu centre :
Sachant que le ton bleu symbolise le zéro, j’observe ensuite la progression de la série de valeurs qui s’étend de 0 à 25 000. Ces valeurs sont représentées en aplats. Déformation professionnelle [renforcée par le fait que j’ai rappelé ça pas plus tard qu’hier soir à des étudiants géographes de L2] : je pense immédiatement : ‘ Caractère quantitatif absolu‘ <-> Variable rétinienne ‘valeur’ <- #mapfail ! n°1 ( variable visuelle Taille). Et tagge cette carte sur Tweeter ici !
Je ne vois pas immédiatement qu’il s’agit en réalité d’une variable de rapport : Boris Mericskay a donc raison sur ce premier point, je le lui accorde. L’auteur de la carte indique par ailleurs sur un forum spécialisé ceci : the « map normalized to OSM consumption in bits per second per 1000 people, using estimated population per country from Natural Earth (the countries layer used). The outliers on the high end are micro-states, like the Vatican, with very high per capita usage ». [ cette carte est normalisée … en utilisant une estimation de la population par pays à partir de Natural Earth (la couche pays utilisée). Les valeurs aberrantes les plus élevées sont celles les micro-États, tels le Vatican où la consommation par habitant est très élevée.]
Cela étant, le défaut de légende qui a conduit à cette confusion aurait pu être évité <- #mapfail ! n°1 (défaut de légende)Partie gauche
A ces valeurs sont associées une série d’aplats de couleurs nuancées et variées. Les caissons mobilisant la ‘valeur’ avec la ‘couleur’ sur deux tons (bleu / rouge), le tout en opposition colorée. Il ne semble pas voir sur le document que cette opposition correspond à une inflexion des valeurs, au franchissement d’un certain seuil – je ne connais pas ces données, je ne vois pas ce qui justifie cette opposition <- #mapfail ! n°2 (couleur / opposition colorée abusive)
Partie droite
A la droite de ces mêmes valeurs figurent une seconde série de valeurs : elles sont grisées, présentées en pourcentage (%).
J’observe la progression des valeurs et j’aperçois une segmentation de la série qui m’apparaît un peu, comment dire, ?… Je ne le sais pas. Disons qu’elle est empirique, fondée sur la connaissance que l’auteur à du terrain qu’il analyse, 63% correspond probablement à une valeur particulière – je ne connais pas ces données. La discrétisation est donc plutôt « sensible », elle pourrait correspondre à un « seuillage naturel » (mais je n’en sais rien).
Ces % étant disposés en face des valeurs des caissons, je suppose qu’ils représentent soit l’équivalent en % de l’ensemble de la classe de valeur correspondante – je le suppose, car ce n’est pas précisé -, soit une fréquence cumulée puisque les valeurs s’étendent de 0,0% à 100%. Cette seconde éventualité me semble plus probable que la précédente. C’est celle-là que je retiens.
Forte de cette petite lecture de la légende, à l’heure du déjeuner, je décide de revenir à la carte en elle-même pour essayer de l’interpréter.
2.2. Quelle interprétation de la carte ?- les pays qui sont en jaune, c’est-à-dire eux situés dans la classe présentant la valeur 1500 contribuent à 81% de « Consommation du fond OSM à l’échelle mondiale », comme l’indique le tweet de départ. Cela n’est pas clair, d’autant moins que l’on serait dans l’hypothèse d’un % cumulé- mais je me fie ici à la seule représentation. Vue la gamme de couleurs, je ne peux en effet pas dire que les pays dont les couleurs s’étendent du bleu au jaune représentent 81% du total cumulé des connections… Prenons un autre exemple.
- les pays qui sont représentés en bleu (incluant notamment toute l’Afrique) présentent une valeur égale à 0 qui équivaut à moins de 63,6% – ou bien à, tout de même, 63,3% de la « Consommation du fond OSM à l’échelle mondiale », ce qui n’est pas rien. Donc la classe portant l’effectif de pays le plus important, portant 63% de l’information, est mélangée avec ceux où il ne se passe rien. Disons le autrement : les pays représentés en bleu présentent un « nombre de connexions » inférieur à 500 (ou plutôt à 499 ?) et correspondent à 63,6% (soit plus de la moitié) de la consommation du fond OSM.
On voit bien qu’un autre problème se dessine, avec cette difficulté de lecture. Sachant maintenant qu’il s’agit d’une variable de rapport (connexions pour 1000 personnes) , cette difficulté de lire/d’interpréter la carte est liée au mapfail ! n°2 mais avant cela, à un autre problème de position des bornes de ces classes <- #mapfail ! n°3 (discrétisation).
Si je ne connais pas les intentions initiales de l’auteur, j’observe manifestement un décalage entre la série statistique et sa représentation cartographique, lié à un mésusage des principes élémentaires qui fait que le message transmis m’apparaît difficile à appréhender.
A noter que le problème vient donc, comme très souvent en cartographie statistique, d’un défaut dans le traitement amont des données numériques. J’ajoute à cela que cette carte est par ailleurs très incomplète quant à sa conception et aux éléments d’habillage, mais il s’agit d’autres problèmes.
En guise de conclusion, cette carte ne transmet pas correctement l’information disponible. Et c’est bien dommage !.
A noter : une discussion sur l’amélioration de cette carte incluant les données, est ouverte sur Reddit (ici).
Billets liés :
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:32
Pas de stocks en aplat !
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, vous qui connaissez sur le bout des doigts la sémiologie graphique de Jacques Bertin, vous le savez pertinemment, la seule variable visuelle permettant de retranscrire visuellement des données quantitatives absolues est la variable visuelle Taille. En d’autres termes, s’il ne fallait retenir qu’une règle et une seule, elle s’énoncerait un peu caricaturalement de la façon suivante : Pas de stocks en aplat. Simple. Basique.
Ce principe est d’ailleurs unanimement admis. Tous les cartographes utilisent cette règle de base de façon stricte, tous les étudiants en géographie l’apprennent et se font taper sur les doigts s’ils y dérogent. En définitive, rares sont les MapFails, les FakeViz, les Cartox, c’est à dire les cartes qui n’appliquent à ce principe simple. Pas de stocks en aplat, c’est le B.A.BA de la cartographie pour les données quantitatives.
Mais la raison de cette règle est-elle vraiment comprise ? Que se passerait-il vraiment si on cartographiait des données quantitatives absolues avec des aplats de couleurs ? La carte serait-elle fausse ? Pour y voir plus clair, voici deux cartes sur la population des communes françaises réalisées rapidement avec le logiciel en ligne Magrit [voir].
Et si on essayait les stocks en aplat ?Voici une carte de la population (nombre d’habitants = donnée quantitative absolue) à l’échelle des communes françaises représentée sous forme de carte choroplèthe. Ici, la variable visuelle utilisée est la valeur (dégradé de rouge). Question : cette carte est-elle fausse ? Non, cette carte n’est pas fausse. Mais…
Carte 1 : Des stocks en aplat, une bonne idée ?
Mais, elle ne permet pas de retranscrire toutes les relations contenues dans les données quantitatives absolues qui, je le rappelle, sont les suivantes : association, sélection, ordre et proportion.
Sur cette carte, on peut distinguer les communes qui sont dans des classes de population différentes (sélection) et associer 2 communes qui se situent dans la même classe (association). De plus, on peut également repérer ou sont les communes les plus peuplées et les communes les moins peuplées (ordre). Par contre, du fait de la sémiologie graphique utilisée, la carte ne permet pas de rendre compte des quantités (ou proportions). Cela, seule la variable visuelle Taille permet de le faire. Cette carte n’est donc pas fausse, mais elle n’exploite pas la totalité des relations contenues dans les données quantitatives absolues. Elle est donc sous opérante. En résumé, on peut mieux faire…
Passons aux symboles proportionnelsReproduisons la carte avec avec l’utilisation de figurés proportionnels (variable visuelle Taille).
Carte 2 : Une image pertinente de l’espace géographique
La différence avec la carte précédente est flagrante. Ici, les surfaces des cercles sont toutes différentes. Certains sont très gros, et d’autres très petits, presque imperceptibles. Sur cette carte, la surface de chaque cercle est directement proportionnelle au nombre d’habitant. C’est cela l’expression graphique de la relation de proportion. Et de ce fait, une organisation géographique se dégage nettement. Les grandes villes jaillissent et sautent aux yeux, tout autant que les espaces vides peu densément peuplés. Grace à un bonne usage de la sémiologie graphique adapté aux données représentées, nous avons sous les yeux une image pertinente de l’espace géographique français. Une carte éloquente qui raconte correctement le territoire.
Que retenir ?En résumé, la sémiologie graphique, ce n’est rien d’autre que du pragmatisme. Faire une bonne carte, c’est se demander comment exploiter au mieux les données, les rendre visibles efficacement pour simplifier le plus possible la vie du lecteur de carte sans l’induire en erreur. Donc si vous pouviez éviter les stocks en aplat, ca rendrait un grand service à tout le monde et ca permettrait à vos cartes de révéler le territoire… A bon entendeur
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.