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0:38
L’émigration européenne en 1951
sur Carnet (neo)cartographiqueOn souligne beaucoup ces derniers temps – en le plaçant au centre des débats – le fait que les pays d’émigration contemporaine soient ceux du sud, notamment ceux d’Afrique qui provoqueraient un afflux important de réfugiés en direction du Nord, en direction de l’Europe de l’Ouest.
C’est entre autres oublier qu’il fut un temps, pas si ancien que cela, c’était plutôt les populations du Nord, en particulier celles d’Europe occidentale qui émigraient en direction de pays du sud.
La carte ci-dessous a été réalisée à partir d’informations disponibles dans le « … Rapport présenté par le Directeur Général au Conseil Général de l’Organisation Internationale pour les Réfugiés sur l’expérience acquise dans le domaine des migrations au cours des opérations par lesquelles l’Organisation à préparé l’émigration et assuré le transport de plus d’un million de réfugiés et autres émigrants. »
Elle présente une typologie des pays du monde au regard de l’émigration et de l’immigration.
Cette carte montre qu’en 1951, les pays d’accueil de réfugiés internationaux sont surtout ceux du sud. Elle souligne notamment le rôle notable de la France (et de la Grande-Bretagne) qui présentent tous deux un profil d’émigration et d’immigration.
Source : Organisation internationale pour les réfugiés, 1951, Migrations d’Europe… Résultats d’une expérience, Éditions du Rocher, Monaco.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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22:01
L’exil cartographié par (et de) Émile Giffault
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui nous accueillons Gaëlle Sutton, cartographe indépendante spécialisée dans la gestion des risques naturels et passionnée de climatologie et de l’Arctique. Gaëlle nous présente l’une de ses très belles cartes reprenant la cartographie de l’exil du cartographe Émile Giffault. Nous lui laissons la parole…
A l’occasion du Mapvember (édition 2021, organisée sur Twitter par le cartographe Topi Tjukanov), j’ai repris une carte d’Émile Giffault (1850-1906), cartographe et géographe, réalisée lors de son exil en Nouvelle-Calédonie.
L’exil forcé d’Émile GiffaultEn 1871, Émile Giffault prit part aux événements de la Commune. En juin 1872, il fut accusé d’avoir participé à l’incendie de la préfecture de Paris dans laquelle il travaillait aux archives. Après un bref procès, il fut condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie au début de l’année 1872, à l’âge de 21 ans. Quelques mois plus tard, au départ du bagne de Toulon, il embarque à bord de la Virginie pour un voyage de quatre mois et quelques 16 000 kilomètres. Il réalisera aussi plusieurs croquis des lieux d’escale de la Virginie comme l’île de Gorée au Sénégal ou l’île de Tristan Da Cunha, isolée dans l’Atlantique sud.
En tant que déporté politique, il est débarqué à l’île Nou, non loin de Nouméa. Le géographe séjournera en Nouvelle-Calédonie pendant 8 ans, avant de pouvoir rentrer à Paris.
Un témoignage géographique de la communeMalgré des conditions de voyage effroyables à bord de la Virginie et un long séjour sur l’île, Émile Giffault conservera sa carte (et ses croquis) jusqu’à son retour. Conservée au musée Balaguier (à la Seyne-sur-Mer), elle constitue un rare témoignage cartographique et géographique de la Commune. À Paris, il poursuivra sa carrière de cartographe en illustrant des atlas et plusieurs élections législatives pour différents quotidiens.
La carte d’Émile Giffault
A l’exception du trajet de retour par la route du Cap Horn, le géographe a reporté le trajet de la Virginie et plusieurs de ses escales, datées, de Toulon à Nouméa.
J’ai simplement repris et reporté ces informations sur un fond de carte simple (généré à partir de ce site : worldmapgenerator.com) qui permet de choisir une projection, de la déformer à souhait et de l’exporter en format vectoriel. Cet export m’a permis d’éditer le fond facilement, d’ajouter le tracé et de mettre en page la carte sur Illustrator.
– Sources :
Artistes engagés dans la commune de Paris de 1871
Émile Giffault (1850-1906) dans la commune de Paris
Le procès d’Émile– Ses travaux cartographiques
Émile Giffault sur ./data.bnf.fr/gaellesutton.fr @Gaelle_Sutton
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13:01
La France, seul pays des droits de l’homme ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLa revue De Facto propose un dossier intitulé Et si la France se retirait des conventions internationales ? », coordonné par Émeline Zougbédé, Ségolène Barbou des Places et Michel Agier, à l’intérieur duquel figure l’article « « France, pays des droits de l’homme ». Ce qu’en disent les conventions et accords » auquel j’ai participé. Extrait.
Certaines voix déplorent régulièrement que la souveraineté de la France en matière de gouvernance des migrations est contrainte par un sérail de conventions internationales. C’est oublier que la France, loin d’être le seul pays des droits de l’homme, conclut aussi des accords de réadmission pour le renvoi des personnes étrangères dans leur pays d’origine.
« La France n’est pas le seul pays des droits de l’homme », comme on aurait pu s’y attendre, c’est le constat qui s’impose après lecture de cette carte : nombre de pays d’Afrique, notamment, disposent également d’instruments juridiques liés aux droits humains, bien que dans une moindre mesure en raison du caractère précurseur de la France dans le domaine. Lire la suite dans le n°32 de De facto | Institut Convergences Migrations.
Françoise Bahoken, Emeline Zougbédé, Ségolène Barbou des Places & Michel Agier, « « France, pays des droits de l’homme ». Ce qu’en disent les conventions et accords », in : Emeline Zougbédé, Michel Agier & Ségolène Barbou des Places (dir.), Dossier « Et si la France se retirait des conventions internationales ? », De facto [En ligne], 32 | Mars 2022, mis en ligne le 4 avril 2022. URL : [https:]]
Référence :Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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8:25
Ukrainian refugees welcome
sur Carnet (neo)cartographiqueSelon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), près de 4 millions de personnes ont fuit l’Ukraine depuis le début de la guerre. Des mécanismes de protections temporaires ont été mis en place par les pays européens et les populations se mobilisent pour aider et accueillir les réfugiés à travers toute l’Europe. Mais, même si tous les pays du continent sont mobilisés, d’un point de vue géographique, c’est bien les pays limitrophes, en première ligne, qui assurent prioritairement l’accueil. Sur 4 millions de réfugiés, 2.2 million se trouvent aujourd’hui en Pologne, 560 000 en Roumanie, 380 000 en Moldavie et 330 000 en Hongrie. En géographie, la distance compte !
Cette prime à la proximité dans les phénomènes migratoires est d’ailleurs observable dans d’autres contextes. Lors de la dite crise des réfugiés syriens de 2015, les pays qui ont accueilli le plus étaient la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Arabie Saoudite et non pas les pays européens comme on se l’imagine souvent. Voilà de quoi, donc, nous interroger sur nos perceptions souvent biaisées, et disons-le, profondément nombrilistes.
Quoi qu’il en soit, la prise de conscience et l’élan de solidarité en faveur des réfugiés ukrainiens fait plaisir à voir. Certains revirements sont mêmes spectaculaires. On peut penser par exemple au mea culpa improbable de Robert Ménard. Sans préjuger de la sincérité ou non de ce type de posture, une brèche est désormais ouverte. Et c’est ce qu’ont bien compris nombre d’associations, comme le réseau Migreurop qui réclame que cet élan de solidarité et d’accueil soit étendu à toutes les personnes quelles que soient l’origine, la nationalité, la couleur de la peau, la classe, etc. Bref, un appel faire enfin vivre l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui proclame un droit réel à la liberté de circulation pour toutes et tous. Quel beau combat fraternel, universaliste et internationaliste à mener.
___
Article original paru dans l’Humanité [voir]
Le code source de la carte (javascript) est disponible ici.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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15:28
Prendre la route de Bamako pour QGIS via le Plugin OSM
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui, nous recevons Joseph Benita, ancien travailleur humanitaire reconverti dans la gestion de l’information au service des humanitaires et surtout dans la cartographie et la mise en place de SIG pour ceux-là. Joseph couvre notamment le Sahel depuis quelques années. C’est pourquoi il nous montre comment récupérer les routes de Bamako.
Nous lui laissons la parole…Chercher des données pour faire des cartes, de la géographie est devenu avec internet, un travail à temps plein de recensement des sites avec les grands classiques, largement connus et les petites pépites qu’on se refile entre collègues.
Au rang des bases de données les plus ouvertes et génériques, Openstreetmap est une source de données mondiale qui permet de disposer à la fois d’un fond de carte pertinent avec des couches clés, routes, lieux, etc. Créée en 2004 et mise à jour en continu par des milliers de volontaires autour du monde c’est un équivalent cartographique au projet wikipédia où chacun peut tant être utilisateur que contributeur de données via différentes interfaces disponibles.
1. Interfaces web de téléchargement des données OSMLes données sont disponibles au téléchargement par différentes interfaces web, notamment[1] :
- Bbbike, permettant d’exporter l’ensemble des données OSM pour une zone définie par création d’un polygone d’intérêt ;
- Geofabrik, qui permet de récupérer l’ensemble des données OSM à l’échelle d’un contient ou d’un pays ;
- Overpass-turbo qui permet, pour une zone définie de ne télécharger que les éléments d’intérêt et non pas toute la base de données d’OSM par le biais de requête reposant sur la structuration de la BD OSM et sur le langage de l’API. Gros intérêt donc, on ne télécharge que ce qui nous intéresse plutôt que toutes les données OSM qui peuvent peser très lourd.
En parallèle, un des outils carto. de la galaxie du libre est QGIS, qui permet la manipulation de couches raster, vecteur et de bases de données. Le logiciel s’enrichit version après version depuis 2002 et s’appuie sur un très grand nombre d’extensions développées de manière ad-hoc qui sont intégrables au logiciel principal (Extensions > Installer/ gérer les extensions). Développées par une multitude de contributeurs, elles sont souvent orientées sur une utilisation spécifique et complètent le logiciel principal par de nouvelles fonctionnalités (voir par exemple « Themeselector » pour la gestion des thèmes, qui facilite la gestion des atlas).
2. Récupérer des données OSM dans QGISDans le lot, QuickOSM est une extension clé qui permet de récupérer directement dans QGIS des données d’intérêt issue d’Openstreetmap. L’interface fonctionne de la même manière que l’API d’overpass-turbo par le biais de requêtes permettant de récupérer des données d’OSM.
Installer l’extension quickOSMConcrètement, 3 variables sont à définir dans l’utilisation de cette extension :
- La clé de recherche des objets tel que définis par OSM ;
- La valeur la clé recherchée (si non définie, l’ensemble des objets avec cette clé seront considérés) ;
- La zone concernée.
Note : les différentes clés et valeurs sont directement listées dans l’outil et fonctionnent en cascade.
Listes en cascade des clés et valeurs de clé d’OSMEn complément, deux autres éléments sont paramétrables :
- La durée d’exécution de la requête (25 secondes par défaut, ce qui peut être trop court pour des requêtes volumineuses) ;
- Le type d’objet recherché (node – nœud et/ou way – ligne et/ou relation – polygone). On récupère par défaut l’ensemble des objets de ces trois catégories, il est possible d’être plus spécifique dans l’écriture de la requête en supprimant les types d’objet non désirés.
Note pour la définition de la zone d’intérêt : il est possible d’utiliser à la fois l’emprise du canevas, celle d’une couche ou encore la référence d’une entité administrative existante dans OSM (« geocodeArea »): « Paris », « Marseille », « Bamako », etc.
Requête rapide sur l’exemple des routesL’onglet « requête rapide » permet de définir les 3 variables rapidement et d’exécuter la requête. Au besoin, il est possible de rentrer dans l’écriture de la requête (onglet « Requête » ou « Montrer la requête ») pour alors paramétrer plus finement celle-ci.
Une requête basique ressemble à ceci pour récupérer les routes primaires de Bamako :
3. Récupérer les seuls attributs de données
Pour une recherche plus large, on pourra alors modifier la requête tel que suit :Il est possible d’aller plus loin en ne téléchargeant que les données sans les objets géographiques, de sélectionner des colonnes spécifiques dans la table attributaire, etc.
Note : les couches chargées sont mises en mémoire tampon dans QGIS et doivent être sauvegardées en local dans le format souhaité (.gpkg, .shp, etc.).
Plus d’éléments : Importing Openstreetmap dans QGIS (en anglais)
Finalement, il existe une autre manière de « récupérer » une couche OSM dans QGIS, cette fois pour de l’affichage simple sous forme de tuile (pas de modification, ni de manipulation dans ce cas). Pour cela, il existe plusieurs manières de procéder :
Ajout manuel d’une couche de tuile XYZ via son URL- La plus basique étant d’ajouter une couche de tuile XYZ manuellement en disposant de l’URL de la couche (Explorateur> XYZ tiles > Nouvelle connexion > URL). Pour la couche OSM de base : http://tile.openstreetmap.org/{z}/{x}/{y}.png (attention, les URL peuvent changer) ;
- La plus facile étant via l’extension QuickMapService (QMS) qui facilite l’ajout de couches XYZ via le menu déroulant « Internet » en proposant différentes sources (Extensions > Installer/gérer les extensions).
[1] On ne note ici que celles qui nous semblent les plus intéressantes, la liste n’est pas exhaustive.
Consultant indépendant
en cartographie et
gestion de donnéesBillets liés :
Je demande la route -
23:56
Je demande la route, d’OSM
sur Carnet (neo)cartographique« Je demande la route » est une expression courante utilisée en Afrique noire (et peut-être ailleurs) pour indiquer à l’assistance qu’on souhaite partir, qu’on veut « prendre la route », autrement dit « aller vers la route » – on y dit d’ailleurs : « aller en route » (pour attraper un taxi, un véhicule). Bref.
Dans le présent billet, il ne s’agit pas d’aller vers la route, mais plutôt de faire venir la route à soi, enfin, de télécharger un fichier de routes (ou autre) depuis un serveur distant pour réaliser rapidement une cartographie d’un réseau de routes, donc, ou d’un plan de ville par exemple.Supposez que vous avez une carte ou une géodataviz à réaliser mobilisant un réseau routier à grande échelle et, que vous pensez qu’il serait intéressant qu’elle puisse s’appuyer sur les données de la base de données géographiques collaborative Open Street Map (OSM). Mais vous avez un soucis : vous n’êtes pas vraiment un.e geek ou, si vous en êtes un.e, vous êtes pressé.e, mais vous voulez quand même réaliser une belle carte.
Deux possibilités s’offrent à vous en fonction de l’outil que vous allez utiliser pour réaliser cette carte : un logiciel de dessin vectoriel (cas n°1) ou bien une application logicielle de cartographie/géovisualisation de données localisées (cas n°2) .
Pour obtenir un fichier vectoriel ou image à utiliser avec un outil de dessin tel Inkscape ou autre, rendez-vous sur Anvaka, puis entrez le nom de la ville et choisissez l’emprise qui vous intéresse parmi la liste proposée.
Vous arrivez ensuite sur un écran qui vous permet de faire une petite mise en forme avant l’export en .png ou .svg.
Exemple ci-dessous avec la ville de Grenoble (située en France…).
Vous pouvez ensuite customiser récupérer votre sortie dans un logiciel de graphisme pour finaliser votre mise en page. Si vous êtes également intéressé par l’outil qui permet cette jolie sortie, tout vous est fourni sur un plateau déposé sur le Github de @anvaka.
Vous pouvez au contraire souhaiter obtenir un plan de ville prêt à l’emploi, à imprimer ou à encadrer. Dans ce cas, MyOsMatic vous permet de générer des plans de villes issus d’OSM aux formats .png, .pdf et .svg, prêts à imprimer.
Mappin Map it Now est plutôt intéressant, car il permet d’obtenir le réseau de routes d’une ville souhaitée à différentes échelles, comme ci-dessous.
Exemples de changements d’échelle d’une vue sur Grenoble (France)
Le choix de l’échelle réalisé, l’emprise de la vue est s’affiche dans un cadre pré-défini. Il est ensuite possible de styliser sa carte par le choix de couleurs des lignes, du fond, ou par celui l’application d’un style de carte, parmi lesquels les suivants …
Exemples de stylisation d’une vue sur Grenoble (France)
L’encadrement de sa carte permet ensuite d’en profiter telle une œuvre d’art.
Grenoble, ma ville !
Pour obtenir un fichier vectoriel issu d’OSM et utilisable dans une application de type Système d’Information Géographiques (SIG), webSIG et consorts, allez plutôt sur un site tel BBBike extracts OpenStreetMap par exemple.
Choisissez d’abord votre format de sortie, encore une fois en fonction de votre outil préféré, parmi la liste proposée – laquelle est très fournie. Renseignez également une adresse électronique, car l’application vous enverra un email pour vous informer lorsque votre jeu de données sera prêt à télécharger.
Recadrez ensuite la vue ou dessinez l’emprise de votre zone d’intérêt, puis attendez quelques secondes. L’application télécharge alors pour vous un ensemble de fichiers géoréférencés sur votre zone d’intérêt et au format demandé (donc pas seulement les routes). Vous recevez une archive .zip dont vous pouvez ensuite (re)travailler le style ou non.
Exemple d’extraction OSM sur Grenoble (Isère) : couches bâti et réseau routier
Exemple d’extraction sur Saint-Marcellin (Isère) : couches bâti et réseau routier
Vous réalisez ensuite a minima le design et la mise en page finale dans l’outil de graphisme de votre choix. Ci-dessous, récupération de shapefiles mis en forme dans QGis et Inkscape.
Cela étant, il y a quand même un avantage à passer par la seconde solution qui est de pouvoir récupérer un fichier géographique, donc muni d’une projection cartographique, avec lequel il va ensuite être possible de réaliser des analyses géographiques, spatiales… avant de réaliser la carte finale.
Pour aller plus loin dans l’analyse, il est possible de télécharger d’autres éléments d’occupation du sol de la ville d’intérêt, en utilisant l’API overpass turbo.
Overpass est un outil permettant de sélectionner des couches OSM relatives à une zone, par le biais de requêtes (l’application fournit un assistant de requêtes). Cela suppose toutefois une bonne connaissance des données OSM ainsi que de la structure du langage des requêtes API Overpass qui est spécifique à l’application (ce dernier est décrit dans le WIKI d’OSM).
L’intérêt d’Overpass est de pouvoir exporter soit les données brutes de OSM, soit un export en version graphique (.png) ou bien géonumérique dans différents formats (.geojson, gpx, .kml). A noter également la possibilité d’exporter une carte interactive ou de partager son lien d’accès.
Si les routes d’OSM peuvent être rapatriées depuis des API et autres webmaps, il est également possible de les mobiliser via des requêtes effectuées depuis des applications logicielles SIG telles QGIS, par exemple, à suivre…
Merci à Sylvain Genevois et Joseph Benita pour les suggestions de Mappin et d’Overpass.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:09
Géomagicien, géomathématicien, géomaticien ? Mais en fait c’est quoi ton job ?
sur Carnet (neo)cartographique«- Au fait, tu bosses dans quoi ?
– La géomatique.
– La géo-quoi ?
– Les sciences de l’information géographique.
– Ah… Ok. C’est quoi ? »
Voilà un échange que j’ai régulièrement à propos de mon métier de géo-magicien, pardon de géomaticien. Dans le cadre de l’initiative Séries Science, j’ai pu présenter de manière détendue les particularités de celui-ci.
– Séries Science, c’est quoi ?
– C’est un rendez-vous proposé aux personnels de l’Université Gustave Eiffel afin de présenter leurs travaux en les illustrant avec des extraits de séries télévisées.
Pour visualiser la vidéo, c’est ici.
Je me suis appuyé sur des extraits des œuvres suivantes :
– Vampires en toute intimité (What We Do in the Shadows), film néo-zélandais de 2014
– Washington Police (The District), épisode pilote de 2000
– Parks and Recreation, épisode 9 de la saison 4 (2011)La présentation se termine par une courte démonstration de cartographie avec le logiciel libre QGIS pour réaliser une carte de stocks, à partir de données que j’utilise régulièrement en cours.
– Mais pourquoi avoir choisi ces extraits ?
– Principalement parce qu’ils donnent à voir une certaine facette du métier de géomaticien. Dans un premier temps, la méconnaissance du métier par le grand public. Dans un deuxième temps, les aspects d’aide à la décision et d’appui aux politiques publiques. Le dernier extrait montre que la géomatique est partout autour de nous, parfois sans que nous le sachions.
Geodatabases and stuffLe premier extrait est tiré de Vampires en toute intimité, il se se concentre sur Stuart et sa difficulté à expliquer son travail à ses amis et aux gens qu’il rencontre. Je ne sais pas comment les créateurs du film ont eu cette idée (très probablement de l’entourage proche d’un des scénaristes) mais cela tombe particulièrement juste. Personne ne connaît le métier de géomaticien mais tout le monde connaît Google Maps !
A noter que Stuart est régulièrement confondu avec un informaticien alors que de mon côté, je suis plus souvent assimilé à un géographe.
With backupsLes extraits suivants sont tirés de l’épisode pilote de la série Washington Police.
Le gendarme et l’hétérogénéité spatialeDans cet épisode Jack Mannion vient de prendre la direction des services de police de la ville de Washington D.C. Lors d’une réunion avec son équipe, il s’interroge sur le découpage des secteurs de police et des disparités entre ces secteurs. Certains secteurs sont très fortement pourvus (autour de la Maison Blanche et du Capitole mais aussi des quartiers riches), d’autres secteurs sont moins favorisés.
Les géographes ont un concept pour cela, l’hétérogénéité spatiale : la répartition dans l’espace des phénomènes observés n’est jamais homogène, certains endroits de l’espace verront un nombre de phénomènes supérieur à la moyenne du territoire observé, d’autres auront une quantité inférieure à la moyenne. Ces différences de répartition dans l’espace, qu’elles soient dues à des causes naturelles ou anthropiques, peuvent être étudiées.
Constatant le manque d’entrain de ses subordonnés à répondre à ces questions, Jack Mannion se met en quête du service Statistiques dans les sous-sols. Il y rencontre Ella Chambers qui s’occupe depuis plus de 15 ans des statistiques des forces de police de Washington. Le cliché du geek à l’aise avec les ordinateurs, caché au fond d’un couloir au sous-sol a encore de beaux jours devant lui.
La géomatique, votre atout beautéConsciencieuse et professionnelle, Ella Chambers maintient à jour ses bases de données et les chiffres fournis. Séduit par le franc-parlé d’Ella Chambers, Jack Mannion demande à cette dernière de lui sortir des statistiques à jour comparant les crimes résolus et non résolus.
Dans l’extrait suivant, Jack Mannion a convoqué les chefs des différents secteurs de police afin de confronter les chiffres que ces derniers lui fournissent et la « réalité » du terrain. S’ensuit un débat houleux car la réalité n’est pas glorieuse.
Cette séquence est intéressante car Jack Mannion utilise les compétences d’Ella Chambers pour afficher sur un écran géant la cartographie de différents types de crimes. Grâce à cela, il donne à voir à son auditoire le message qu’il veut faire passer: « les calculs sont pas bons, Kévin » .
Penchons-nous un peu sur différents éléments de cette séquence.
Guerre des chiffresEn introduction, je parlais des « sciences de l’information géographique » pour parler de la géomatique. Je pourrais tout autant parler des « sciences des données géospatiales » pour dire la même chose. Et, si il est toujours satisfaisant de produire une jolie carte, il faut toujours se confronter aux données sous-jacentes. Ne pas hésitez à retourner à la source quand les données agrégées nous interpellent. C’est ce qu’a fait Jack Mannion en allant voir Ella Chambers et ce qui lui permet de tenir tête à son interlocuteur quand celui-ci lui assure de la qualité des chiffres concernant une baisse de la criminalité.
SIG métierL’outil utilisé par Chambers et Mannion se rapproche de COMPSTAT, un Système d’Information Géographique (SIG) développé par la ville de New York dans les années 90. Capable d’interroger des bases de données et d’afficher les résultats sur une carte, COMPSTAT s’intéresse aux crimes. Quand un SIG s’intéresse à un domaine particulier (criminalité, réseaux humides ou secs, urbanisme, etc.), et généralement avec des fonctionnalités dédiées, nous parlons alors de SIG métier.
Jeu d’échellesEn demandant à Ella Chambers d’afficher le district, de zoomer sur un endroit particulier, puis sur un croisement particulier, Jack Mannion joue avec les échelles. Ainsi, avec un SIG, il est possible de s’intéresser à une observation précise mais aussi à ceux de tout un territoire ou d’une partie de celui-ci. Dans certains cas, les dynamiques locales sont différentes des dynamiques globales et ces jeux d’échelles permettent de s’en rendre compte.
Croisement de donnéesJack Mannion utilise la possibilité de l’outil d’afficher plusieurs couches d’information simultanément pour croiser des données, par exemple les crimes résolus et ceux non résolus. La carte qui était parsemée de points blancs se couvre alors de rouge. Les SIG peuvent ainsi analyser l’hétérogénéité spatiale d’un phénomène mais aussi de comparer celles de plusieurs phénomènes.
Etla tendressel’analyse spatiale, bordel ?N’ayant jamais utilisé COMPSTAT, je ne peux présumer des fonctionnalités proposées par l’outil mais Jack Mannion ne fait que montrer des empilements de couches sans tenter de calculer des indicateurs spatiaux.
Considérant que Jack Mannion dispose des données non agrégées et de la position géographique de chaque observations, une analyse des semis de points aurait été possible. Il aurait pu tenter de s’affranchir des limites des secteurs de police à l’aide d’un maillage régulier, de trouver des « points chauds » avec un lissage spatial.
If you think that’s bad, go to Google Earth and type in your adress!Le dernier extrait est un dialogue entre deux personnages de la série Parks and Recreations : April Ludgate and Ron Swanson. Ron interroge April au sujet d’une publicité personnalisée sur un site commercial. Celle-ci lui apprend qu’à l’aide de cookies les sites commerciaux sont capables d’apprendre des choses sur lui. Ron en est choqué, et, pour enfoncer le clou, April lui conseille de saisir son adresse dans Google Earth.
Cet extrait permet d’illustrer qu’il est possible d’utiliser la géomatique (par exemple Google Earth) sans même sans apercevoir et avec un minimum de connaissance. Mais surtout il illustre le fait que même des données géolocalisées peuvent être collectées à notre insu.
Si la question de la collecte de vos données personnelles par des groupes privés vous intéresse, je ne peux que vous recommander le documentaire DISPARAÎTRE – Sous les radars des algorithmes disponible sur Arte.tv.
ConclusionPrésenter son métier à l’aide d’extrait télévisé est un exercice plaisant et j’espère que l’expérience aura été enrichissante et qu’au prochain repas de famille, vous pourrez épater votre beau-frère Jean-Michel Sait-tout : « Au fait tu sais ce que c’est la géomatique, toi ? »
P.S. : Si, malgré cette démonstration, vous ne croyez toujours pas que géomagicien c’est un vrai métier, sachez c’est qu’il existe une fiche ROME !
Billets liés :
– Nicolas Lambert, 2021, Et sinon, tu fais quoi dans la vie ?
– Nicolas Lambert, 2019, Pas de stocks en aplat ! -
21:24
AR9 (carto)graphies et (géo)visualisation de Données
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet reprend des éléments de la proposition d’axe de recherche « (carto)graphies et (géo)visualisation de Données » [accéder au site] rédigée collectivement par une équipe pluridisciplinaire de porteurs et porteuses composée de Françoise Bahoken, Anne-Christine Bronner, Étienne Côme, Robin Cura, Nicolas Lambert et Boris Mericskay, pour le renouvellement du GdR MAGIS (2022-2027) du CNRS.
Présentation
Le renouvellement pour 5 ans du Groupement de recherche du CNRS sur les Méthodes et Applications pour la Géomatique et l’Information Spatiale (GdR MAGIS) donne lieu à un nouvel axe de recherche (AR) dédié aux (carto)graphies et (géo)visualisations de données (AR9) ; le texte intégral est disponible dans le pré projet.
Cet axe de recherche s’inscrit dans la continuité des Actions Prospectives (AP) CartActive (2006-2013) et Géoviz (2017-2020) dont elle découle directement, ainsi que de certains axes des AP Géo-visualisation et Cognition et Geoweb (2017-2020).
Objectifs :L’objectif général de l’AR9 (carto)graphies et (géo)visualisations de données est de fédérer des réflexions et des travaux scientifiques d’origines disciplinaires variées en proposant, d’une part, de mener une veille théorique, méthodologique et technique sur les modalités contemporaines de la fabrique des cartes et, d’autre part, de fédérer et d’animer une communauté de chercheurs (essentiellement géographes, géomaticiens, cartographes, informaticiens…) lors d’ateliers, de journées et de séminaires thématiques et méthodologiques.
Au-delà de cette fédération, il s’agit aussi de poursuivre le mouvement initié par l’AP Géoviz de discussion avec des « communautés connexes » s’intéressant toujours plus à la visualisation de données spatiales (sciences des données, statistiques, visualisation d’informations). Un objectif à long terme serait d’établir des interactions entre des domaines d’expertises qui interagissent encore peu : la cartographie dans toute sa diversité (inscrite dans la géographie et la géomatique) et la visualisation/exploration visuelle de données (inscrite dans les champs informatiques de la dataviz, de l’IHM et de l’InfoVis).
Cela consiste plus généralement à susciter une réflexion idéalement interdisciplinaire sur la manière dont les pratiques des cartographes ont évolué ces dernières années, ont pu s’enrichir dans le cadre de « fertilisations croisées » (Bunge, 1962) avec d’autres disciplines au premier rang desquelles les sciences de l’information.
Pour structurer ces réflexions, nous pouvons mentionner les questionnements qui suivent.
Comment les géovisualisations participent-elles à la compréhension des enjeux sociétaux et environnementaux ? Comment enrichir qualitativement les géovisualisations en tenant compte de leur thématique (climat, migration, risques, santé, etc.), de leur contexte de production (outils, technologies), du public de destination (grand public, experts) ? Comment évaluer cet enrichissement ? Comment évaluer les documents/productions cartographiques à l’aune des pratiques réalisées en anthropologie ou dans les sciences cognitives, par exemple ? En retour, comment valoriser le corpus disciplinaire des SHS (concepts et méthodes de l’analyse spatiale, théories de la cartographie thématique par exemple) auprès des communautés inscrites dans les champs informatiques de la dataviz, de l’IHM et de l’InfoVis qui manipulent l’information géographique ?
Cette nouvelle AR est portée par un ensemble de chercheur·e·s aux profils diversifiés, ayant une pratique hétérogène de la cartographie contemporaine et s’inscrivant dans des registres variés tant techniques, méthodologiques que réflexifs.
Principaux axes :Les actions de l’AR se structureront autour de 3 axes principaux.
1 – Recenser et qualifier les usages, les méthodes, les concepts et les outils de la fabrique cartographique contemporaine ;
2 – Identifier et analyser les évolutions et les changements qui s’opèrent aujourd’hui dans les pratiques cartographiques au sens large ;
3 – Questionner et formaliser les différences entre approches cartographiques et approches infovis/dataviz. Présentent-elles des différences fondamentales en termes de pratique de réalisation, de types de publics, de data-litteracy ou encore d’évaluation ?
Programme d’actions :Différents types d’actions sont envisagés pour mettre en œuvre ces objectifs, en particulier lors des assises de MAGIS ou de la conférence SAGEO. Elles seront menées en privilégiant les collaborations avec d’autres AR, mais aussi avec la communauté infoviz/dataviz et des collectifs de recherche existants.
- Ateliers > Présentations et discussions autour d’objets et de thèmes spécifiques ;
- Journée d’étude > pour favoriser l’interconnaissance dans le cadre d’échanges avec d’autres communautés (infoviz, informatique, sciences sociales,…) ;
- Formation > format court (workshop, masterclass) et format long (école thématique) ;
Bunge, W., 1962. Theoretical Geography. First Edition. Lund Studies in Geography Series C: General and Mathematical Geography. Lund, Sweden: Gleerup.
Christophe, S. (2020). Geovisualization?: Multidimensional Exploration of the Territory (pp. 325-332). Communication présentée au 11th International Conference on Information Visualization Theory and Applications. DOI: 10.5220/0009355703250332
Çöltekin, A., Bleisch, S., Andrienko, G., & Dykes, J. (2017). Persistent challenges in geovisualization – a community perspective. International Journal of Cartography, 3(sup1), 115?139. DOI : 10.1080/23729333.2017.1302910
Joliveau T., Noucher M., Roche S. (2013). « La cartographie 2.0, vers une approche critique d’un nouveau régime cartographique ». L’Information géographique, vol. 77, n°4, p. 29-46. DOI : 10.3917/lig.774.0029
MacEachren, A. M., Gahegan, M., Pike, W., Brewer, I., Cai, G., Lengerich, E., & Hardisty, F. (2004). Geovisualization for Knowledge Construction and Decision Support. IEEE computer graphics and applications, 24(1), 13-17. DOI : 10.1109/MCG.2004.1255801
Roth, R., E., 2013, Interactive maps: What we know and what we need to know, The Journal of Spatial Information Science, 6:59-115. DOI:10.5311/JOSIS.2013.6.105
Lancement de l’AR9Le lancement de l’axe de recherche (carto)graphies et (géo)visualisations de données sera effectué lors des journées Assises MAGIS qui auront lieu à Grenoble du 21 au 23 mars 2022.
Il donnera lieu à deux moments : un atelier collectif et une présentation en séance plénière.
(1) Atelier collectif : Évolutions et changements des pratiques, méthodes et outils cartographiques : actualités et perspectivesLundi 21 mars de 10h30 à 12h30 – Programme des ateliers.
Descriptif : Le 1er atelier de l’AR 9 souhaite engager une discussion avec les participant.e.s sur les évolutions récentes (horizon des 5 dernières années) de leurs propres pratiques de cartographies et géovisualisation de données.
Pour initier la discussion, nous présenterons les éléments de nos retours réflexifs sur les changements d’environnements méthodologiques et techniques que nous avons initiés dans nos propres pratiques, ainsi que sur les effets de ces changements sur nos productions cartographiques en tant que telles.Mots-clés : Fabriques et usages cartographiques, (géo)visualisation, interaction, information spatiale, sémiologie.
L’atelier est ouvert à tous et toutes, avec la possibilité d’un suivi à distance.
(2) Présentation en plénière : (carto)graphies et (géo)visualisations de données
Merci de contacter les organisateurs pour accéder aux codes d’accès.
Mardi 22 mars à 14h – Programme
Présentation de l’AR9, de ses questionnements et objectifs, de ses actions envisagées.
Les porteurs de l’AR9 :
F. Bahoken, A.-C. Bronner, E. Côme, R. Cura, N. Lambert, B. Mericskay.
Envoyer un mail aux porteursGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:18
Migrexplorer l’émigration ukrainienne
sur Carnet (neo)cartographiqueLes populations ukrainiennes sont actuellement jetées sur les routes de l’émigration en raison d’une guerre totalement injuste et asymétrique, à laquelle elles sont confrontées. Certains observateurs des données ont d’ailleurs mentionné que plus d’un million de personnes ont émigré depuis le début des attaques russes. D’autres cartographient, au fil de l’eau, si on peut dire, ces mouvements de populations associés aux enjeux géopolitiques qu les sous-tendent.
Avant cela, il nous semble intéressant de s’interroger avant tout sur l’émigration ukrainienne récente.
Les ukrainien.ne.s d’aujourd’hui ont-ils eu l’habitude d’émigrer ?Une « bonne carte » valant plus qu’un long discours, pour paraphraser Napoléon, nous allons utiliser les outils de la famille MigrExploreR pour examiner cette émigration ukrainienne récente – celle des trente dernières années.
MigrExploreR est un outil de géovisualisation spatiotemporelle des effectifs mondiaux de migrants. Elle participe d’une famille d’applications cartographiques en ligne [Voir une présentation] développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source]. Migrexplorer permet de représenter, par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) pour un pays donné, un groupe de pays ou pour l’ensemble des pays du monde, selon leur genre et à une ou plusieurs dates.
L’objectif de ce court point est de poser les éléments de l’émigration ukrainienne récente, de manière à pouvoir éventuellement la comparer, ultérieurement et le cas échéant, avec l’émigration actuellement en cours, en lien avec la question de l’accueil des réfugiés en Europe.
Rappelons que, à propos de la migration afghane [voir ce billet], le président de la république française avait mentionné dans son allocution du 16 août [écouter] que « (…) la déstabilisation de l’Afghanistan risque également d’entraîner des flux migratoires irréguliers vers l’Europe (…) et l’Europe ne doit pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle ».
En 2019, près de 6 millions d’Ukrainien.ne.s résident dans un pays autre que le leur. Le premier pays d’accueil de ces populations étant … la Fédération de Russie. A noter que l’inverse est également vrai : la première nationalité des immigrant.e.s en Ukraine étant la Fédération de Russie, c’est dire si leur volume migratoire bilatéral (sommes des flux de l’Ukraine vers la Fédération de Russie et inversement) est important, témoignant de relations pour le moins intense, au sens propre.
Figure 1. les flux de l’émigration ukrainienne en 2019
Accéder à MigrExplorer3 pour explorer ces flux
Si la Russie focalise largement les flux d’émigration ukrainiens en 2019, le solde migratoire est toutefois positif pour l’Ukraine. Cela signifie que l’Ukraine a accueilli plus de Russes que la Fédération de Russie n’a accueillie d’Ukrainiens). L’Ukraine semble d’ailleurs jouer le rôle de pays d’accueil des ressortissant.e.s. de l’Europe de l’est avec lesquels la balance lui est positive : c’est aussi le cas avec la Biélorussie et l’Ouzbékistan qui figurent parmi les dix premiers pays de l’émigration ukrainienne.
Figure 2. Les dix premiers pays d’émigration ukrainienne en 2019
Il faut dire que l’émigration ukrainienne apparaît assez variée spatialement, concentrée dans l’hémisphère nord. En effet, d’après les données des Nations unies qui sont intégrées dans les applications MigrExplorer, les États-Unis étaient le second pays d’accueil en 2019, suivis par le Kazakhstan (voir ci-après les statistiques d’émigration des dix premiers pays d’émigration) puis par des pays européens : l’Italie en quatrième position est suivie de l’Allemagne).
Figure 3. Émigration ukrainienne en 2019
Cette situation n’est pas récente, la carte de l’émigration ukrainienne présente des motifs pour le moins assez constants.
Les populations ukrainiennes émigrent-elles beaucoup dans leur ensemble ?Pour répondre à cette question, examinons la temporalité (1990-2000) de cette migration, à l’aide de MigrExplorer Trends.
Figure 3-1. Temporalité de l’émigration ukrainienne entre 2000 et 2019
Si l’émigration ukrainienne est constante depuis les vingt dernières années à 11,3 % alors que la population totale à perdu 4 millions d’individus sur la période, on observe toutefois une légère baisse à -2,1% lorsqu’elle mesurée depuis 1990 (la population ayant également baissé de près de 6 millions).
Figure 3-2. Temporalité de l’émigration ukrainienne entre 2000 et 2019
Billets liés :
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration afghane. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration mondiale. [Accéder]
- Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géovisualiser des migrations internationales. [Accéder]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2022) Migrexplorer l’émigration ukrainienne depuis , Carnet de recherches Néocartographiques, URL [https:] -
13:52
Le charme d’Herbin
sur Carnet (neo)cartographiqueL’Alphabet plastique d’Herbin, j’ai dû le redessiner et par conséquent essayé d’en savoir un peu plus pour pouvoir le présenter rapidement. Morceau choisi.
L’alphabet plastique d’Herbin« Comme la musique, la peinture a son propre alphabet qui servira de base à toutes les combinaisons de couleurs et de formes ». Auguste Herbin (1949).
L’Alphabet plastique d’Herbin (1882-1960) est un abécédaire « plastique » composé de cinq formes géométriques, des 26 lettres de l’alphabet, des 7 notes de musique et d’un ensemble de couleurs nuancées.
La combinaison (lettre/note, forme, couleur) permet de créer des œuvres picturales d’apparences abstraites parce que fondées sur des motifs géométriques concrets et colorés. Elles n’en sont pas moins signifiantes dès lors que l’on comprend le message transmis via l’alphabet sous-jacent.
CompositionLes motifs des œuvres fondées sur l’alphabet plastique d’Herbin ne sont pas « muets ». Si les images sont bel et bien « à voir », elles sont aussi « à lire » et « à écouter ».
Le principe d’une telle composition est d’agencer des formes géométriques d’intensités colorées variables et associées à une lettre ainsi qu’à une voire un ensemble de notes, de sorte à composer un message : un mot, une phrase (sur la guerre, la paix, …) déchiffrable.
Les combinaisons fondées sur l’alphabet d’Herbin sont en effet considérées comme fondamentales par les artistes abstraits, depuis la présentation de l’ouvrage L’Art non figuratif non objectif par Auguste Herbin lui-même dans une galerie d’art parisienne : La Gentilhommière. Cet ouvrage signe en effet l’émergence, après la seconde guerre mondiale, d’un nouvel art minutieux et non objectif, à la recherche constante d’une forme de perfection dans ses créations.
Son CharmeLa dernière œuvre de l’auteur réalisée en 1959 est intitulée Charme. Elle semble illustrer à merveille le talent de son auteur.
Quid de Néocarto ?Pour composer le terme Néocarto comme pour écrire n’importe quel mot, il faut d’abord récupérer les formes colorées associées à chaque lettre, à savoir la liste suivante :
Ensuite, il convient de manipuler cet ensemble pour créer une « œuvre », les agencer sur un plan de manière à ce qu’on trouve l’ensemble esthétique. Encore faut-il avoir un sens (de l’) esthétique.
En savoir plus :« L’invisible devient de plus en plus visible en se dégageant de l’objet ». Auguste Herbin.
Pour en savoir plus sur le peintre Auguste Herbin et ses apports, lire les travaux de l’historien et critique d’art Christian Perazzone qui a soutenu une thèse sur l’auteur. Voir en particulier l’ouvrage La Création. Traité de la couleur chez Auguste Herbin paru aux éditions Hermann. Une partie de sa collection est également visible sur le site du Moma.
Sources :
– Image mise en avant sur le billet : Auguste Hertin (1941) composition sur les mots pomme, poire, pêche, Gouache sur papier. 32.4 × 47 cm.
– Auguste Herbin (1949) L’Art non figuratif non objectif, Éditions Lydia Conti.
– Mise en musique de l’alphabet réalisé d’après le Cahier de Joséphine.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:52
[TTT] Tobler (1969) à propos de Bertin (1967)
sur Carnet (neo)cartographiquePréambule :Le projet Tribute to Tobler (TTT) s’intéresse aux différents éléments de la production scientifique de Tobler. L’un d’entre eux concerne les textes de l’auteur, ceux qui ont été publiés dans des revues mais aussi ses notes de recherches et autres documents non publiés. Si les textes peuvent être examinés selon différentes perspectives, l’une d’entre elles concerne leur traduction en français. Une série TTT – traductions, réalisée en collaboration avec Laurent Beauguitte, s’ouvre ainsi avec ce premier texte de Tobler (1969). [Voir]
Les textes de Tobler étant logiquement en anglais, nous avons décidé d’essayer d’en traduire quelques uns en français afin de faciliter leur appropriation. Nos forces de travail étant cependant limitées pour une tâche pouvant être ardue, cette activité de traduction de texte de Tobler est en partie mutualisée avec les activités du groupe f.m.r (flux, matrices, réseaux). Une série f.m.r. Textes a en effet ouvert il y a quelques mois à l’initiative de Laurent Beauguitte, donc (et merci !!! c’est une chouette idée).
Les textes de la collection fmr disponibles sur HalSHS sont tous relatifs à l’analyse de réseaux telle qu’elle est mise en œuvre dans différentes disciplines. De fait, ceux de Tobler traduits et intéressant le sujet des réseaux au sens large participeront d’une double collection groupe f.m.r./TTT, ceux qui n’en relèvent pas feront l’objet d’une collection TTT_traductions.
L’objectif n’est bien entendu pas de traduire tous les textes – nous ne disposons ni des ressources, ni du budget, ni du temps, ni … -. Ne vont donc être traduits que ceux qui nous intéressent et nous paraissent pertinents dans le cadre des travaux ou développements menés sur le corpus de Tobler. Cette activité est évidemment ouverte à vous tous et toutes qui seraient intéressés.
Pour commencer cette série, TTT – Traductions, nous avons souhaiter examiner un texte traitant de cartographie de données localisées, aussi par son commencement en évoquant la sémiologie graphique comme une sorte de clin d’œil au lecteur puisque ici, sur Néocarto, on s’intéresse d’abord plutôt à la cartographie de données.
Ayant en particulier proposé différentes méthodes de représentation cartographique, Tobler s’est de fait intéressé aux questions de sémiologie sous-jacentes. D’où son intérêt que l’on devine pour la fameuse publication de Jacques Bertin (1967) Les Diagrammes – Les réseaux – Les Cartes. Il en propose une recension dans le Journal of the American Statistical Association peu après sa sortie, qui fera donc l’objet de cette première TTT – traductions de texte.
Qu’en a-t’il pensé, Tobler, de ce traité de Bertin, sur la sémiologie graphique ?
La traduction de cette review est proposée dans une version bilingue et commentée, suivant la charte d’édition du groupe f.m.r. ; ce texte sera l’un des rares de Tobler à en faire partie, ses travaux ne portant pas spécifiquement sur l’analyse des réseaux.
Les autres textes traduits de Tobler devraient toutefois avoir un formalisme similaire. Sont déjà programmés pour ce qui relève de TTT :
– Waldo R. Tobler (non daté), Statistical Cartography : what it is ? Note de recherche non publiée 2 p.
– Waldo R. Tobler (1976), Analytical Cartography, The American Cartographer, (3)-1, pp. 21-31.
– Tobler W.R. (1981), A Model of Geographical Movement, Geographical analysis, (13)-1, pp. 1-20Référence : Françoise Bahoken. Waldo R. Tobler, 1969, Review of Sémiologie graphique: Les Diagrammes – Les réseaux – Les Cartes, Journal of the American Statistical Association, 24(325):391-392. Coll. Textes, groupe f.m.r (flux, matrices, réseaux), Version bilingue et commentée. 2022. ?hal-03583854?
Voir aussi :
Tobler (1969) face à la sémiologie des réseaux de Bertin (1967)
TTT dans Néocarto
Programme TTT (Tribute 2.0 Tobler)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:38
Les variables cartographiques du flux
sur Carnet (neo)cartographiqueCette figure présente les principales variables mobilisées pour réaliser un graphe ou une carte de flux origine-destination.
Les variables de l’image (Bertin, 1967) servent de composante à la carte : elles caractérisent son implantation spatiale et sa géométrie qui vont servir de support à la représentation.
L‘implantation spatiale géométrique d’un flux est soit bi ponctuelle, soit linéaire tandis que l‘implantation graphique d’un flux (sa géométrie) est généralement linéaire.Les variables visuelles (ou variables rétiniennes) servent à enrichir la représentation graphique [1] en général, sa sémantique symbolisée, pour un flux, par une (poly)ligne et un couple de points d’origine et/ou de destination [2].
Les variables cartographiques du flux origine-destination
La Morphologie est une nouvelle variable que je propose d’introduire pour affiner la sémiologie du flux de manière à pouvoir distinguer la représentation d’un flux origine-destination ordinaire de celle d’un flux origine-destination affecté sur réseau.
Il s’agit bien de deux concepts relevant respectivement du graphe non planaire et du graphe planaire qui vont conduire aux notions de flux et de mouvements dont la cartographie doit également pouvoir tenir compte, y compris dans sa sémiologie. A suivre …Billets liés :
[1] L’image des flux spatialisés dans le geoweb
[2] Quels flux représenter comment ?Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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18:53
Cartographie du métissage de peau
sur Carnet (neo)cartographiqueEn 2001, Ingrid Mwangi, artiste plasticienne germano-kényanne, née à Nairobi en 1975, réalise un duo d’œuvres cartographiques sur le thème du métissage de peau.
Les oeuvres Static Drift 1 and 2 (Dérive statique 1 et 2) – 75 x 110 cm chacune sont visibles au National Museum of Women in the Arts de Washington. Elles peuvent être téléchargées en pleine résolution ici sur le site de l’artiste.
Ces œuvres sont des photographies du propre corps de l’artiste utilisé comme support de deux cartographies obtenues au pochoir : l’une de l’Afrique et l’autre de l’Allemagne.
Mwangi Hutter. Static Drift, 2001 Germany Africa Source : Static Drift
La carte de l’Afrique (à droite) présente une couleur claire sur un fond sombre tandis que celle de l’Allemagne (à gauche) est plutôt sombre sur un corps plus clair. L’Afrique dévoile un texte courbe et transversal au continent « Bright Dark Continent », directement repris du « (…) langage raciste des premiers explorateurs qui la qualifiaient de ‘’continent noir’’ ». Si l’Afrique apparaît mise en lumière, c’est pour mieux évoquer sa colonisation et renverser l’image colonie/colon qui conduit l’artiste à assombrir la figure du colon, en l’occurrence l’Allemagne et de l’assortir d’un texte horizontal « Burn out country » (pays du burn out).
Cette mise en scène fortement évocatrice de la relation entre les grandes puissances européennes et l’Afrique décrit avec force la volonté d’en souligner les conséquences actuelles. Ce jeu sur les effets d’un bronzage questionne en effet la complexité d’un métissage afropéen (différant de la situation américaine), « (…) de l’identité biraciale, ainsi que les concepts d’appartenance » (collectif, 2021) appréhendés par la couleur de peau, en jouant avec justesse sur les variations d’une peau métissée en fonction de son exposition solaire.
Le jeu de lumière obtenu sur ce corps de femme pourtant non blanche semble par ailleurs illustrer une situation bien réelle, bien que en apparence paradoxale : la situation vécue par la personne métisse dans le monde actuel, à savoir, l’appartenance systématique à une minorité visible pour n’avoir jamais la couleur de peau majoritaire dans la société. Elle est en effet perçue soit plus foncée, soit plus claire que la population majoritaire, respectivement en Europe et en Afrique, par conséquent toujours perçue comme venant d’ailleurs, étant l’enfant d’autres. Dans les deux cas, cette position d’entre-deux l’empêche de se vivre pleinement comme étant d’ici ou de la-bas, c’est-à-dire comme une noire en Afrique ni comme une blanche en Europe.
Il est intéressant de noter par ailleurs que ces deux territoires fondant l’identité de l’artiste, l’Afrique et l’Allemagne, ne sont pas choisis au hasard puisqu’ils évoquent les parents de l’artiste. Le Kenya, terre paternelle et terre natale, est fusionné ou assimilé à l’Afrique toute entière, comme s’il ne saurait avoir d’existence propre, pour lui-même tandis que la seconde nation, l’Allemagne, celle de sa mère, est présentée de manière isolée (comme une île, diraient des cartographes), soulignant l’identité géographique propre d’une grande nation Européenne.
Cette idée de fusion des corps et des terres, des couleurs et des peaux apparaît chère à l’artiste puisqu’elle a fusionné sa propre identité d’artiste à celle de son conjoint, Robert Hutter, également artiste. Tous deux sont désormais dénommés : IngridMwangiRobertHutter (en un seul mot).
“Je suis IngridMwangiRobertHutter. Et j’essaie de développer une conscience dans laquelle je possède ces deux corps. Ainsi, lorsque je fais de l’art, je mets ce corps blanc masculin en relation avec ce corps “noir” féminin. C’est très excitant, car nous avons affaire à la matérialité du corps. Cela élargit la portée de l’ensemble du thème : pour moi, le concept vient de la vie….
Lire la suite…Références consultées :
– mwangihutter.art
– International Museum of Women
– Collectif (2021), Artistes africains. 1882 à aujourd’hui. Phaidon. Beaux Arts. 352 p.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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20:13
La jointure totale/partielle en cartostats
sur Carnet (neo)cartographiqueLa jointure attributaire [voir ici] réalisée habituellement en cartographie statistique pour apparier des informations géographiques et statistiques localisées [et non pour effectuer des requêtes visant à générer des sous-populations], dans un objectif de cartographie thématique, n’est pas toujours totale. Elle peut être partielle, ce qui – contre toute attente – peut aussi être un avantage. Explications.
Qu’est-ce qu’une jointure totale ?Une jointure totale(ment) réalisée signifie que l’ensemble des entités disponibles dans le fond de carte sont également disponibles dans le fichier de données, elles sont de ce fait toutes mises en relation les unes avec les autres. Dans ce cas, la zone d’étude est une entité sans voisins, qui prend la forme d’un territoire isolé (que ce territoire soit d’ailleurs une île ou non).
La carte ci-dessous décrit la population des communes du département de l’Isère. Point.
Figure 1. Cartographie réalisée à partir d’une jointure géo-statistique totale
Jointure partielle et contextualisation
Le département de l’Isère apparaît comme une île, ce qui ne correspond pas forcément à sa géographie. La carte n’est pas fausse, elle pourrait souffrir d’un manque de contexte, tout dépend de ce à quoi elle est destinée.A la différence d’une jointure totale, une jointure partielle signifie qu’une partie des entités présentes dans l’un des jeux de données (statistique ou géographique) ne peut être appariée avec l’autre jeu de données.
Si plusieurs cas peuvent se présenter, l’un des plus courants qui est aussi le plus intéressant est celui où la jointure attributaire porte sur des données disponibles dans un fichier statistique qui couvre partiellement la zone d’étude, sans que les entités spatiales qui ne sont pas concernées soient supprimées au passage. Conserver l’ensemble des entités permet en effet de contextualiser la carte, ce qui peut apparaître plus intéressant.
Supposons que l’information géographique utilisée pour réaliser la Figure 1 est disponible sur l’ensemble des communes de la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA). Ne représenter que celles qui concernent le département de l’Isère correspond alors à une jointure partielle. D’ailleurs, sur la Figure 1, seules 512 communes (12%) sur les 4 039 communes que compte l’AURA sont représentées, les autres ayant été supprimées.
Il est par conséquent possible de conserver tout ou partie de ces communes supprimées pour concevoir la carte. Cela ne permettra pas nécessairement d’étendre la zone d’étude – qui sera toujours limitée au département de l’Isère – mais permettra de mieux contextualiser la représentation.
L’exemple ci-dessous présente le résultat de cette jointure géographique partielle (réalisée dans Magrit) sans suppression des entités non concernées.
Figure 2. Cartographie réalisée à partir d’une jointure géo-statistique partielle
Les communes du département de l’Isère apparaissent comme pleinement intégrées dans leur environnement géographique, celui de la région AURA. Cette seconde carte permet de situer géographiquement l’Isère, ce qui ne présente pas forcément d’intérêt, la première carte étant focalisée sur la zone d’étude.
Remarque concernant les flux.
Une jointure partielle pour des données bi localisées signifie généralement qu’un (ensemble de) lieu(x) d’origine et/ou de destination des flux ne dispose soit pas d’un code identifiant, soit pas de référence géographique permettant de le(s) spatialiser ou encore soit que la valeur du couple de lieux origine-destination n’est pas renseignée. Dans ces cas, les données non renseignées sont généralement supprimées de la représentation, car elles sont susceptibles d’encombrer inutilement la représentation ; certains outils permettant de dessiner des liens théoriques (qui pourraient exister dans la réalité) mais qui ne sont pas mesurés/ renseignée dans la matrice.
Cette jointure partielle peut ainsi être interprétée comme un taux de remplissage des données utiles à la représentation, autrement dit de correspondance entre la géographie (points, bipoint) et les données statistiques ainsi mises en relations. Pour les flux, ce taux de remplissage correspond à la densité de la matrice, au nombre de cases qui sont renseignées par rapport au nombre de cases existantes.Billet lié : La jointure en cartostats
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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15:10
La jointure en Cartostats
sur Carnet (neo)cartographiquePour les personnes qui débutent en cartographie, je dépose ici ce graphique initialement réalisé pour mes étudiant.e.s de niveau L1/L2 afin de leur expliquer pourquoi/comment faire cette fameuse jointure sans laquelle il n’est pas[1] possible de représenter des données statistiques qui sont disponibles dans un fichier distinct du fond de carte – parce que ce fichier contient des données qui résultent de traitements réalisées par ailleurs, et est disponible au format d’un tableur ou d’un fichier texte (.txt, .csv par exemple).
A quoi ça sert ?Réaliser une jointure est une opération fondamentale en cartographie statistique qui sert à distinguer les entités spatiales à représenter, les unes par rapport aux autres.
Il s’agit alors de répondre à la question suivante :
En quoi consiste une jointure ?
« Quelle est la variable contenant le code permettant d’identifier (le code identifiant) de manière unique et indubitable les entités spatiales à représenter par un (ou plusieurs) caractère(s) donné(s) ? »La jointure dont il est question[2] ici consiste à apparier (mettre en relation) les informations géographiques et statistiques disponibles sur une zone d’étude dans l’objectif de réaliser une carte thématique. Elle peut être attributaire ou spatiale.
La jointure attributaire
La jointure attributaire s’appuie sur l’appariement de données géographiques territoriales et statistiques contenues dans un tableau externe, tandis que la jointure spatiale s’appuie sur l’appariement d’informations géographiques en fonction de leur localisation.
Seule la jointure attributaire est présentée ci-dessous.La jointure attributaire consiste à apparier une information statistique (le tableau de données) collectée à un échelon donné (celui des départements, par exemple) à une information géométrique/géographique (le fond de carte) disponible à la même échelle (celle des départements).
Ce code, qui est une variable qualitative exhaustive, présentée souvent au format alphanumérique, est à rechercher dans les deux jeux de données statistiques et géographiques. Il s’agit de la variable dont les modalités sont similaires, même si leurs intitulés diffèrent.
Dans l’exemple ci-dessous le code identifiant les entités est mentionné en rouge dans les deux cas. Il correspond au caractère intitulé ‘ID’ dans le fichier géographique (ce code peut être trouvé dans le .dbf associé au shapefile par exemple) et au caractère ‘CODE’ du tableau de données.
Schéma d’une jointure attributaire
A noter que l’opération de jointure s’applique à tous les types d’information géographique, quel que soit leur mode d’implantation : ponctuelle, linéaire ou aréale.
Précision pour les données de flux origine-destination
Que se passe t’il après une jointure ?
Pour réaliser une carte de flux/réseaux qui va s’appuyer sur une implantation bi ponctuelle (un couple de lieux ou sur une dyade), il convient de réaliser une double jointure : la première pour apparier les entités géographiques aux lieux d’origine et la seconde pour les apparier aux lieux de destination.Après une jointure, quelle que soit son type, les données statistiques sont toutes (ou partiellement, si l’outil permet de les sélectionner) transférées dans le fichier géographique (tables jointes, sur la figure précédente), ce qui va autoriser leur cartographie.
Les outils de cartographie offrent généralement la possibilité de réaliser les jointures simples ou doubles, en amont de la cartographie (sauf Kepler.GL qui nécessite une matrice origine-destination sous la forme d’un fichier joint).
Que faire après, si l’on est dans magrit par exemple ?Dans magrit, l’étape suivante consiste à typer les données, c’est-à-dire à déclarer le format des différentes variables disponibles dans les jeux de données et qui sont susceptibles de faire l’objet d’une représentation cartographique. En cas de doute sur un caractère, le déclarer en « inconnu ». A noter que les caractères quantitatifs relatifs ou continus (taux, indices) sont de type « ratio ».
A-t-on toujours besoin de réaliser une jointure pour cartographier des données statistiques ?En réalité non : certains outils tels les Systèmes d’information géographiques (QGIS, ArcGIS, …) permettent de spatialiser puis de représenter des données de stocks, taux et flux disponibles dans un tableau, sous réserve que leurs coordonnées géographiques (pour les fichiers textes de type .csv) et/ou leur géométrie (pour les fichiers géographiques de types . shp ou .geojson) figurent déjà dans le fichier de données à représenter.
[1] La cartographie sera toutefois possible si les données à représenter sont contenues dans le fichier d’information géographique.
[2] Seule la jointure réalisée sans requêtage (type SQL) associé, pour générer d’éventuelles sous-populations d’entités, permettant d’apparier des informations géographiques et statistiques disponibles dans des fichiers distincts, est présentée dans ce billet.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:47
Observable pour les géographes
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, depuis plus d’un an, je réalise des cartes et des visualisations de données avec Observable. Cet outil 100% en ligne basé sur la langage javascript, mis en place notamment par Mike Bostock, l’inventeur de d3.js, est selon moi une véritable révolution dans le monde de la dataviz. Dans la vidéo ci-dessous, j’essaie d’expliquer ce que j’ai compris de cet écosystème et pourquoi je considère que cet environnement est idéal pour créer des cartes statiques, animées et interactives. Vos retours sont les bienvenus.
Le notebook montré dans cette vidéo est disponible ici.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:11
Drôle de planète
sur Carnet (neo)cartographiqueEnclosure: [download]
Mais sur quelle drôle de planète vivons-nous ? Une planète dans laquelle 11 300 000 000 000 $ (9?400 milliards d’euros) sont dissimulés dans des paradis fiscaux. Un argent de la triche fiscale qui se mélange avec l’argent de la drogue et des trafics en tous genres. L’argent n’a pas d’odeur parait-il… Une somme folle. 2 % de celle-ci suffirait pour d’éradiquer la faim dans le monde. Un peu moins de 43 % permettrait d’endiguer le réchauffement climatique (voir). Et quel manque à gagner pour nos services publics, nos hopitaux, la protection sociale.
document.createElement('video'); [https:]]La carte présentée ici est une anamorphose. Le principe : déformer chaque pays de telle sorte que sa taille soit proportionnelle à une donnée statistique. Ici, la surface des pays correspond au nombre de bénéficiaires effectifs révélés dans les Pandora Papers. Projeté sur une sphère, se dessine alors un monde étrange, déformé, biscornu, bref, un monde parallèle, qui permet de voir autrement l’espace géographique. N’est-il pas laid ce monde déformé de la sorte ? Égoïste ? Avide ? Et si on le remettait à l’endroit ?
Cette carte a été réalisée avec le logiciel ScapeToad. puis projetée sur un globe et mise en scène via Observable [voir]
La carte interactive et la version originale de cet article est disponible en ligne sur le site de L’Humanité.fr [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:01
Mon métier de cartographe
sur Carnet (neo)cartographiqueEt toi, qu’est ce que tu fais comme métier ? Voilà une question qui me met bien souvent dans l’embarras, quand au détour d’une conversation, je suis amené à devoir raconter ce que je fais dans la vie. La conversation prend souvent la tournure suivante :
– Et sinon, tu fais quoi dans la vie ?
– Je suis cartographe.
– …
– …
– Tu travailles à l’IGN ?
– Non, au CNRS
– Heu, c’est où le CNRS ?
– Un peu partout, dans les universités la plupart du temps.
– Ah… Mais, tu fais des cartes sur quoi ? Il y a encore des choses à cartographier ? Des îles ? Quoi ?
– En fait, je ne cartographie pas le terrain, je cartographie surtout des données statistiques.
– …
– …Difficile en effet de faire comprendre ce qu’est aujourd’hui la cartographie (ou pire encore, la géographie). Alors essayons d’expliquer un petit peu plus mon métier. Et pourquoi c’est une activité ô combien passionnante.
Exploration et communication
Tout d’abord, ce qu’on peut dire, c’est que la carte, c’est bien souvent le point de départ et le point d’aboutissement du travail en géographie. On commence par une carte pour explorer les données. On finit par une carte pour expliquer et montrer nos découvertes géographiques de la façon la plus claire et la plus pédagogique possible. Attentions, quand je parle de découvertes géographiques, je ne parle pas de la découverte d’un archipel perdu au milieu de l’océan Pacifique. Non, je parle de découvrir une logique dans la répartition d’un phénomène spatial. Les marchands d’armes se situent plutôt au Nord. Les guerres plutôt au sud. Il y a une relation entre le vote RN et la proximité des gares. Ou sont les morts du Covid ? Etc. Visualiser l’organisation géographique d’un phénomène social permet de comprendre quelles en sont les logiques sous-jacentes, de formuler et tester des hypothèses.
Une langue vivante
Pour visualiser les données statistiques sur des cartes, on va alors mobiliser un langage bien particulier : la sémiologie graphique. Le but ? Utiliser des signes graphiques pertinents pour retranscrire un maximum d’information de telle sorte que le message de la carte soit compris par le lecteur en un minimum de temps. Pour cela, le cartographe a à sa disposition un vocabulaire graphique – taille, couleur, textures, etc – qu’on regroupe sous le nom de variables visuelles. Pour bien manipuler ces variables graphiques, il est toujours nécessaire de bien savoir quel type de donnée on manipule car celui détermine assez largement les façons de construire les cartes. Pas si simple. Mais fort heureusement, tout cela a été théorisé par de nombreux chercheurs à travers le monde depuis bien longtemps, et synthétisé de façon magistrale dans les années 60-70 par le français Jacques Bertin, dont les travaux font encore référence aujourd’hui. Mais rien n’est figé et le travail se poursuit. De nouvelles représentations graphiques sont inventées régulièrement par des chercheurs ou des ingénieurs en « data visualisation ». D’autres représentations sont quant à elles contestées, remises en cause. Bref, la cartographie est une langue vivante.
L’art de la simplification
Par ailleurs, ce qu’il faut bien avoir en tête, c’est qu’on ne peut pas tout mettre sur une carte. Et oui. Imaginez une carte qui représenterait tout. Une carte à l’échelle 1/1 qui viendrait se superposer point par point au terrain qu’elle représente. Au delà de l’impossibilité de réaliser une telle carte, non maniable, jamais à jour, elle serait surtout bien inutile. Non. Faire une carte ce n’est pas représenter le réel qu’on a devant les yeux. C’est en donner une clé d’interprétation via un processus de schématisation. Simplifier de réel, c’est chercher à le comprendre. Ainsi, en cartographie, on ne dessinera pas chaque île microscopique, chaque micro relief, tout simplement parce que cela alourdirait la carte. On simplifira donc les tracés. De même, on représentera les phénomènes sociaux avec des données qui n’en sont qu’une approximation réductrice. Impossible de représenter la complexité de la vie réelle de chacune des personnes qui habitent sur la planète. Alors on utilise des données statistiques, on les agrège dans des mailles (communes, départements, régions, pays, bassins versants, …) et on fait des calculs statistiques. Bref, on simplifie, on schématise, on classe, on hiérarchise, on « caricature » honnêtement le réel pour rendre visible une cohérence, un sens, une organisation spatiale. La carte n’est pas le territoire.
Sur la carte ci-dessous par exemple, chaque pays est symbolisé par un simple rectangle plus ou moins allongé selon la forme réelle du pays. Leur taille est proportionnelle soit à la surface du pays, soit au nombre d’habitants qu’ils contiennent. Puis, les rectangles sont écartés automatiquement les uns des autres jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de superpositions. Ce qui est intéressant ici, c’est que même en faisant disparaître le fond de carte, l’image ainsi formée laisse deviner l’espace mondial assez clairement, alors même que les pays ne sont pas à leur position exacte et que leurs tracés ont été simplifiés à l’extrême. Émerge alors une image épurée, sans artifices, sans information superflue, qui montre l’information brute. Ceci est évidemment un exemple parmi 1000 autres possibilités graphiques à imaginer.
Le pouvoir des cartes
En définitive, toute carte est un acte de création. Un pouvoir créatif. Et même si le terreau méthodologique sur lequel se bâtissent les cartes est éminemment scientifique, aucune carte ne peut réellement prétendre être absolument objective. Car faire une carte, c’est toujours faire des choix. Choix des données, des traitements, choix graphiques, choix de projection, d’emprise, choix des mots, des couleurs, etc. Le rôle d’un cartographe, au-delà de la maîtrise technique nécessaire, c’est donc de faire en sorte que ceux-ci soient le plus éclairés possibles. Les plus honnêtes possibles. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités…
NB : Ce texte a été publié initialement sur le site du journal l’Humanité [voir]. Les codes sources de la carte sont disponibles sur mon carnet Observable [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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9:41
Cartographier la compétition économique mondiale
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui, dans Néocarto, nous accueillons Arnold Platon qui est diplômé en architecture et travaille actuellement en tant que projeteur 3D en France. Arnold réalise à son compte (voir exemples) des projets de dataviz et de cartographie sur des thèmes liés à l’Europe (surtout l’Union Européenne), sur son pays d’origine (la Roumanie), sur les langues et sur l’étymologie. Nous lui laissons la parole.
Depuis peu apparaissent, particulièrement dans les publications dites « anglo-saxonnes », des comparaisons cartographiques de la République Populaire de Chine et des États-Unis vues à travers le prisme des échanges commerciaux mondiaux.
Le schéma proposé est simple : on prend le commerce (le volume total de marchandises) de chaque pays du monde réalisé avec les États-Unis et la Chine et on compare les deux valeurs : si le commerce avec la Chine est plus important, alors le pays est coloré en rouge, sinon il est en bleu.
Quel que soit le cas, la carte montre une influence commerciale de la Chine : elle est décrite en pleine croissance surtout face aux pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine et même d’Europe.
Deux exemples récents :
Source : The Economist, 07-2021.
Source : Financial Time, 02-2020.
Même si ces cartes sont attirantes au niveau visuel, les représentations du monde qu’elles proposent posent deux gros problèmes qui devraient nous mettre en garde.
Problème no. 1: le « réductionnisme »Le « réductionnisme » concerne à la fois les données et les acteurs représentés.
Au niveau des données cartographiées, ces cartes décrivent des échanges de marchandises, donc des services – un autre élément important des échanges commerciaux, surtout pour les pays occidentaux – qui est souvent oublié.
Ensuite, en excluant les autres acteurs commerciaux, la complexité des échanges de chaque pays est gommée. De plus, les autres acteurs économiques qui sont importants à l’échelle mondiale (tels que l’Union Européenne) ou même à une échelle régionale (l’Inde, l’Afrique du Sud, etc.) sont invisibles.
Problème no. 2: le spectre du « péril jaune »Source : Visual Capitalist, 01-2020.
Cette vision cartographique centrée sur les États-Unis et la Chine, présentés comme les deux seuls acteurs en étroite compétition, nous renvoie aussi à l’image mentale de type « guerre froide » avec une menace provenant cette fois-ci d’une puissance asiatique.
La couleur rouge, probablement choisie en référence à la couleur dominante du drapeau chinois, est aussi une teinte qui attire l’attention, qu’on associe très vite avec le péril : elle vient renforcer l’idée d’un danger chinois.
Le rouge alimente aussi l’anxiété autour du déclin de l’Occident, en général, mais aussi, plus particulièrement, de la perte de la position hégémonique des États-Unis. Le développement économique du Japon dans les années 70’ et l’émigration chinoise de la fin du 19e / début du 20e siècle ont également généré des peurs (civilisationnelles et/ou raciales) au sein des sociétés occidentales face à un potentiel « péril jaune ».
Cela explique pourquoi j’ai fait le choix de refaire ces cartes pour montrer comment l’inclusion d’autres acteurs économiques mondiaux pouvait changer notre vision de ces échanges commerciaux.
Inclure les autres puissances commerciales, comme solution aux problèmesL’inclusion de l’Union Européenne par exemple, en tant que puissance commerciale, va complètement changer l’image déclinante de l’occident apportée par ces cartes. La carte ci-dessous montre en effet que le commerce international n’est pas vraiment en train d’être « conquis par la Chine ». À la suite de la publication par l’auteur de cette animation, dans le style du Financial Times, la publication elle-même a créé, fin 2020, une carte plus réaliste, avec l’inclusion de l’UE et du Japon.
Source : Financial Time, 12-2020.
Et juste pour faire un exercice de prospective, on pourrait même aller plus loin en imaginant une contre-déformation cartographique. Si on comparait la Chine avec les deux puissances commerciales occidentales (les États-Unis et l’Espace Économique Européen), on verrait la position toujours dominante de ce qu’on appelle « l’Occident », même si la croissance économique et commerciale de la Chine est une réalité.
Arnold Platon Dataviz FreelancerSources :
Financial Times :
« How to navigate the US-China trade war »
« Tomorrow’s world in charts: Gen Z, climate change, China, Brexit and global trade »The Economist :
« Joe Biden is determined that China should not displace America »Visual Capitalist :
« How China Overtook the U.S. as the World’s Major Trading Partner » -
16:45
[Book] Atlas in a Day:migration
sur Carnet (neo)cartographiqueEn voilà une jolie expérience de cartographie collective pour produire un Atlas sur le sujet général des migrations.
Le 5 octobre 2019, près d’une cinquantaine de cartographes situés en Amérique du Nord, au Panama et en Nouvelle-Zélande se sont réunis autour du collectif Guerrilla Cartography pour résoudre un défi : produire un atlas en 24h chrono intéressant les migrations, toutes les migrations quel que soit leur thème.
L’Atlas in a Day:Migration ainsi produit est composé de 43 cartes réalisées sur différents supports (numériques, papier, etc.) à l’aide d’outils variés : logiciel, crayons de couleur, aquarelles, fil à broder, … Si le collectif indique avoir arbitré dans le choix des cartes en fonction de considérations sociales et philosophiques, l’ensemble dresse un panorama aussi hétéroclite qu’intéressant des migrations contemporaines.
Le thème des migrations a en effet été abordé selon différentes acceptions : sous l’angle des migrations humaines (celles des émigrés du monde, de conférenciers, de réfugiés Rohingyas ou encore de passagers aériens, mais aussi non humaines : des migrations animales, de marchandises alimentaires (des bananes) ou non (des plastiques) pour ne citer que celles là. Les cartographies réalisées ont représenté des migrations terrestres, aériennes ou maritimes qui s’expriment à différentes échelles, réalisées par des terriens … ou bien par des extra-terrestres venus les visiter …
L’Atlas in a Day ainsi produit par le collectif est disponible sur leur site à la vente ; on peut aussi le visualiser gratuitement ici.
En savoir plus : guerrillacartography.org
Référence :
Atlas in a Day:Migration (ISBN 978-0-9884272-3-5)
Copy right c 2019 Guerrilla Cartography
CC BY-NC-SA Creative Commons Attribution – NonCommercial – ShareAlikeGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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16:06
Migrexplorer la migration afghane en 2000, 2005 et 2019
sur Carnet (neo)cartographiqueLe président de la république française a mentionné dans son allocution du 16 août [écouter] faisant suite à la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan que « (…) la déstabilisation de l’Afghanistan risque également d’entraîner des flux migratoires irréguliers vers l’Europe (…) et l’Europe ne doit pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle ».
Soit. Qu’en est-il exactement ?
Cette déclaration appelle en effet plusieurs interrogations, parmi lesquelles celles-ci :
– est-ce que l’Europe a déjà assumé à elle seule les conséquences d’une situation similaire en Afghanistan ?
– des personnes de nationalité afghane ont-elles massivement migré par le passé vers l’Europe ? Vers la France ? Et si oui, dans quelles proportions ?
– sommes-nous (en France) dans une situation de « risque » face à une immigration afghane qui serait massive ?
Speak with data & maps !
Pour répondre à ces questions, plutôt que de dérouler un long discours hors sol, il est possible d’explorer les migrations afghanes passées en visualisant des cartes et tableaux factuels. Les documents présentés, que nous proposons de commenter, en jouant avec l’application Migrexplorer,
MigrExploreR est un outil de géovisualisation spatiotemporelle des effectifs mondiaux de migrants et migrantes, participant d’une famille d’applications cartographiques en ligne [voir] développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source].
L’application permet de se représenter, par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) pour un pays donné ou pour l’ensemble des pays [voir] du monde, selon leur genre et à une ou plusieurs dates [voir].
Observons l’émigration depuis l’Afghanistan à différentes dates, à commencer par 2019 et avant la pandémie (voir Carte 1).
Carte 1. Émigration afghane en 2019
En 2019, un ensemble de 5121 personnes de nationalité afghane résident dans un pays autre que le leur. Les trois premières nations qui les accueillent sont la République Islamique d’Iran avec 2,3 millions de personnes, le Pakistan avec 1,5 millions et l’Arabie Saoudite avec 469 324 personnes.
Le tableau ci-dessous présente les dix premiers pays de destination de migrants et migrantes provenant d’Afghanistan.
Tableau 1. Top 10 des pays d’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2019
En 2019, le premier pays européen d’accueil de populations afghanes est l’Allemagne, située au 4e rang avec 208 732 personnes ; elle est suivie par les États-Unis, avec 80 026 personnes. La France du président Macron est quant à elle située au … 23e rang, avec 6 887 personnes afghanes accueillies (voir tableau 2).
Tableau 2. Position de la France dans l’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2019
Cette dramatique situation afghane s’était déjà produite il y a vingt ans, à la suite de la guerre d’Afghanistan de 2001-2014 qui jetta sur les routes des millions de femmes, d’hommes et d’enfants.
Les données des Nations Unies utilisées dans MigrExporer étant quinquennales et non annuelles, il est possible d’explorer la migration Afghane en 2000 et en 2005 (voire plus tard en 2010, 2015, 2020).
Si l’on s’en tient au début de la période, que l’on soit en 2000 (voir Carte 2) ou en 2005 (Carte 3), les mêmes pays qu’en 2020 participaient déjà de l’accueil des migrants et migrants Afghan.ne.s à savoir l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Pakistan et l’Allemagne comme premier pays européen.
En 2000, 4,6 millions de personnes de nationalité Afghane résident à l’étranger (Carte 2).
Carte 2. Émigration afghane en 2000
Le premier pays d’accueil européen est l’Allemagne qui compte 69 794 résident.e.s afghans, elle est suivie par les Pays-Bas et le Royaume-Uni (voir tableau 3).
Tableau 3. Position des premiers pays européens dans l’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2000
Il est indéniable que la France contribue, comme d’autres pays d’Europe, à l’accueil de populations d’origine afghane ; elle est d’ailleurs placée à la 6e place avec 3 563 personnes accueillies en 2000.
Observons maintenant la situation en 2005, quelques années après le début de la guerre d’Afghanistan de 2001-2014.
Carte 3. Émigration afghane en 2005
En 2005, 3,8 millions personnes de nationalité Afghane résident à l’étranger, soit un peu moins qu’avant le début de la guerre.
Le premier pays d’accueil européen est toujours l’Allemagne, avec 75 824 résidents de nationalité afghane qui y résident, soit plus qu’en 2000 (alors que le nombre total de migrants à baissé) ; elle est toujours suivie par les Pays-Bas puis par la Suède (voir tableau 4).
Tableau 4. Position des premiers pays européens dans l’accueil d’émigrés de nationalité afghane en 2005
La France qui accueille effectivement des populations migrantes en provenance d’Afghanistan est passée de la 16e à la 18e place mondiale entre 2000 et 2005. Elle occupe en 2005 la 7e place européenne avec 3409 personnes accueillies (tableau 4).
Billets liés :
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration mondiale. [Accéder]
- Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géovisualiser des migrations internationales. [Accéder]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021) Migrexplorer la migration afghane en 2000, 2005 et 2019, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : -
17:04
La carte, un outil d’aide à la décision
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, l’été est là, le couvre feu est derrière nous et les terrasses rouvrent. Youpie ! La vie reprend enfin ses droits. Du coup, en m’inspirant des travaux en R de Timothée Giraud [voir], je n’ai pas résisté à l’idée de réaliser à mon tour une carte de la localisation des bars et pubs à Paris. Pour cela, j’ai extrait les 1342 bars et 414 pubs référencés dans la base de données OpenStreetMap et ai interpolé les données pour produire une représentation continue facile à lire.
La carte présentée ici a été réalisée de bout en bout en javascript sur la plateforme Observable. Dans le carnet accompagnant la carte, le code montre comment extraire des données OpenStreetMap, comment les mettre en forme de façon intelligible, et comment les représenter sur une carte avec la célèbre librairie javascript de Mike Bostock qui a 10 ans déjà : d3.js. N’hésitez donc pas à consulter ce carnet, interagir et laisser des commentaires si jamais vous avez des questions techniques.
Au final, ce genre de carte nous rappelle quelque chose de bien connu des géographes : la carte est un outil d’aide à la décision. De par sa capacité à mettre en forme l’espace géographique, elle permet de transformer une réalité géographique complexe en une simple image claire, hiérarchisée et organisée. Ici, la question est de la plus plus haute importance : ou aller boire une bière aux beaux jours ? Avec cette carte, nous avons dores et déjà quelques éléments de réponse. Mais pour en avoir le cœur net, une mission sur le terrain s’impose ^^
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:49
L’image des flux spatialisés dans le geoweb
sur Carnet (neo)cartographiqueL’apparence des cartes thématiques et leur style sont fondamentaux dans la réception du message qu’elles véhiculent. La communication d’une information de flux par voie cartographique, y compris sur le support géonumérique, ne saurait se départir de la sémiotique qui permet de rendre les cartes (du web) signifiantes.
Il importe en effet de rappeler l’importance du langage dans la transmission de l’information en général qui s’appuie sur les composantes de l’image (implantation spatiale), celle des types de flux mis en carte. Aussi le rôle joué par la composante de l’image et l’application de variables rétiniennes aux formes graphiques linéaires perçues.
La linéarité perçue des flux cartographiésLes cartes correspondantes relèvent en effet des mêmes principes que celles fondées sur des figurés ponctuels ou surfaciques. Cependant, parmi les trois modes usuels d’implantation spatiale que sont le point, la ligne et la surface, la transcription des déplacements requiert a minima deux entrées spécifiques : le bipoint et la ligne et cela, indépendamment du fait que leurs géométries respectives soient linéaires.
En effet, du point de vue de la représentation, si l’expression graphique des flux ordinaires et les flux affectés sur réseaux (décrivant un mouvement des transports) ont sensiblement la même apparence visuelle (un ensemble de lignes), c’est parce qu’elles s’appuient sur les mêmes géométries : des (multi)lignes, alors que leurs composantes sont fondamentalement différentes (bi ponctuelles et linéaires). Le fait de s’appuyer sur un bipoint ou sur une ligne comme géographie en entrée n’est pas sans conséquences sur les possibilités de cartographie envisageables et sur l’interprétation (flux/mouvement) de la carte.
La ligne, lorsqu’elle est disponible, correspond au réseau de transport sous-jacent (qui servira de support à la représentation du trafic mesuré, donc d’un flux affecté) et si non, cette même ligne perçue est une approximation graphique – sous la forme d’une ligne droite – du trafic ou de la quantité déplacée entre deux points (formant un couple d’origine – destination) que l’on représente formellement pas un bipoint.La figure ci-dessous reprend la proposition de présentation des éléments de la sémiologie cartographique sur le géoweb (Mericskay 2016), en l’étendant pour considérer les deux types de cartes de flux : affectés ou non sur des réseaux. A noter que la figure de Zanin et Trémelo (2003) présentée ici pourrait également faire l’objet d’une extension similaire.
Le bipoint comme composante de l’image des flux ordinaires
Cette image introduit le bipoint comme une modalité de l’implantation spatiale ponctuelle, là où l’implantation linéaire est une modalité principale. Cela porte à quatre le nombre d’objets (géo)graphiques élémentaires pouvant être mobilisés a minima (le point, le bipoint, la ligne et la surface). Rappelons que Goodchild & al. (2007) en avaient précédemment présentés cinq : le point, la ligne, la surface, le volume et l’entité floue ; et mobilisaient un géodipôle.
Cette figure décrit également les géométries associées aux quatre modes d’implantation spatiale, pour renforcer cette différence conceptuelle entre flux et flux affectés sur réseaux spatiaux.
Les géométries sont appréhendées comme un caractère qualitatif nominal exhaustif. Assimilable à l’identifiant des objets géographiques, ce dernier ne nécessite pas de sémiologie particulière.
Le croisement des lignes (implantation spatiale) et colonnes (caractère statistique) permet de visualiser les différentes images des flux ou réseaux spatiaux envisageables, toutes obtenues avec les principaux outils actuels.L’image des flux spatialisés dans le geoweb
Type d’implantation, de caractère et de représentation des fluxAinsi, si on récapitule la lecture de cette image :
- la représentation d’un caractère quantitatif discret (orienté) entraîne le dessin d’une ligne (ou une flèche) de largeur proportionnelle à la quantité ;
- la représentation d’un caractère quantitatif continu conduit à tracer un figuré linéaire puis à nuancer sa teinte en appliquant une discrétisation effectuée sur une variable continue ;
- la représentation d’un caractère qualitatif catégoriel consiste à colorer les figurés linéaires dans des tons différentes qui sont fonction d’une classe d’appartenance qualitative ;
- la représentation d’un caractère qualitatif ordinal revient à représenter une distribution de valeurs de flux ordonnées en adaptant la sémiologie des sommets de manière à traduire la hiérarchie des lieux issues d’une analyse de type de flux majeurs / dominants.
Une mobilisation inappropriée de l’une ou l’autre dimension de la figure est susceptible de communiquer un message erroné, voire de conduire à une mésinterprétation de la carte qui peut être préjudiciable pour l’analyse des flux représentés.
Références mentionnées :
Goodchild M. F., Yuan M., Covas J. T. (2007), Towards a general theory of geographic representation in : GIS, International Journal of Geographic Information Science, vol. 21, n°3, pp. 239-260.
Mericskay B. (2016), La cartographie à l’heure du Géoweb : Retour sur les nouveaux modes de représentation spatiale des données numériques, in : Revue Cartes et géomatique du Comité français de cartographie, n0229, 14 p. halshs-01468314
Zanin C., Trémélo M.-H. (2003), Savoir-faire une carte. Aide à la conception et à la réalisation d’une carte thématique univariée, Belin, Coll. Géographie, 200 p.Billets liés :
Éviter un #mapfail : Type d’implantation, type de caractère, type de variable visuelleGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:51
Le langage du moment est pour quelle carte ?
sur Carnet (neo)cartographiqueLa mention de Mapquote, dans l’article « C’est le langage du moment : comment les nouvelles cartes redessinent le monde » publié dans l’édition Abonnés du Monde datée de ce jour m’a invitée à une petite réflexion (que je livre ici à chaud), sur la réception des cartes et cartographies contemporaines par différentes communautés.
Les cartes du momentL’article propose, comme son nom l’indique, un point sur le langage du moment que je comprends comme la communication par voie cartographique sur le « monde » qui nous entoure (celui de tout le monde ? du monde entier ? de notre monde ?), la communication qui s’exprime principalement sur un réseau social tel Twitter assez marqué par l’empreinte de ces cartes.
Cet article apparaît évocateur de la manière dont la production cartographique actuelle et l’iconographie correspondante est perçue par les médias et plus loin susceptible de l’être par le grand public auquel le quotidien s’adresse : par le choix des références qui sont mentionnées, par celles qui ne le sont pas, aussi par celles qui sont évoquées au passage, parmi lesquelles Mapquote, par exemple.
L’article fait référence à différents types de cartographies qui utilisent des méthodes, outils et technologies variés, pour obtenir des rendus faisant ou ayant fait l’actualité sur les réseaux sociaux. Il valide l’hypothèse d’une démocratisation de la fabrique cartographique analysée par certains chercheurs tels Thierry Joliveau ou encore Matthieu Noucher, rendant pratiquement impossible l’analyse de toutes ces productions, tant elles sont variées et nombreuses. Comme a pu le dire Thierry Joliveau (dans des propos récemment rapportés par Matthieu N.) : il y a aujourd’hui derrière chaque clic une carte.
L’informatisation générale de la société entraîne effectivement la prolifération de toutes sortes de cartes thématisées caractérisant alors la bien heureuse ère du Tous cartographes ! . Et c’est plutôt une bonne chose, ce florilège de MAPS témoignant du dynamisme d’une communauté de cartographes élargie … confinant parfois et il faut reconnaître à son palindrome, au SPAM (cartographique) comme dans le cas des cartes de la covid-19.
L’article étant de type journalistique et sachant que le discours est toujours situé, la sélection de références proposées privilégie logiquement l’impact visuel de l’image – la fonction d’infocommunication de la carte, qui passe ici par la perception visuelle d’une image socialement construite.
Mais cela ne semble pas tant l’information qui importe dans cette sélection que la modalité de communication en elle-même, la voie cartographique où le document Carte sert de support, montrant sa « parfaite adaptation à la société de l’image » (comme si, soit dit en passant, la cartographie n’avait pas précédemment et précisément toujours évolué avec son temps).
« Une carte se définit peut-être moins par des traits formels que par les conditions particulières de sa production et de sa réception, par son statut d’artefact et de médiation dans un processus de communication sociale. »
Christian Jacob (1992) L’Empire des cartes : Approche théorique de la cartographie à travers l’histoire, Albin Michel.Il n’a pas été franchement question de contenu (sauf dans quelques exemples) au sens de regard porté sur un thème donné que le pouvoir informationnel de la carte viendrait soutenir car, finalement, la carte ne servirait effectivement pas (seulement ?) à transmettre une information localisée, elle aurait aussi d’autres fonctions, notamment celle de susciter une émotion remplissant par là une fonction sociale artistique. Elle pourrait aussi être considérée comme ayant une fonction de documentation, pour faire le lien avec Mapquote.
Mapquote est une application de cartographie collaborative en ligne. C’est un objet ludique sans grandes prétentions au départ, mais qui ambitionne toutefois de contribuer à collecter les mentions de la cartographie / carte dans la littérature (pour le dire vite). Sa fonction à ce stade est d’essayer de documenter les éléments pouvant former une pratique des notions et concepts de la cartographie, à des éventuelles fins d’analyses d’un corpus ainsi constitué.
Sources : extraits de citations capturées dans Mapquote.
Si l’application souhaite communiquer sur un corpus en cours de formation, cette grande carte mondiale n’est pas vouée à informer sur la géographie du corpus dont il est question. Et d’ailleurs, la localisation des citations au lieu de naissance de l’auteur / autrice de l’ouvrage n’est pas liée au corpus et ne dit rien de lui ; elle n’est rien de plus qu’un clin d’œil [déroutant – voir ci-dessous] à nos camarades cartographes visant à communiquer, donc, par une cartographie, ce qui relève d’usages littéraire de la cartographie. Rien de plus.
La mention de Mapquote dans un grand quotidien national interpelle au regard de l’accueil qui lui a été réservé par ailleurs (plusieurs collègues s’étant étonnés des choix dont sa fabrication relevait). Elle nous conduit à supposer qu’elle y a reçu un accueil favorable, mais qui relèverait de sa seule modalité de communication sur un corpus – le quotidien n’étant a priori pas en mesure de juger de sa conception.
La réception de ce même travail lors de sa présentation sous la forme d’un article court en vue d’une publication dans une revue (référencée par l’HCERES, pour les initié.e.s) n’a pas reçu le même écho. L’évaluation que des pairs (peer review) en ont faite a été violente (dans son ressenti) ; elle n’a toutefois pas entraîné le rejet de sa publication (mais nous avons préféré la retirer).
Morceaux choisis.
– « Je dois dire que j’arrive à me demander s’il s’agit d’une proposition sérieuse […] pas recevable »
L’idée même d’un objet cartographique où la position des lieux n’est pas signifiante dans le corpus est donc irrecevable.
– « Produire de la carte c’est considérer que les lieux sont signifiants. »
Autrement dit fabriquer une carte ne passerait que par la case localisation géographique.
Si tel est le cas, que penser des cartes mentionnées dans cet article qui font fi de cet impératif de localisation, et présentent des informations dont la position ne s’appuie pas sur un référentiel exact ?
– « Si l’on refuse ce postulat, il n’y a pas besoin d’une carte »
A l’heure de la démocratisation de la cartographie, on pense directement à cette fameuse citation de Molière.
« Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.”
Molière, Le Tartuffe, III, 2 (v. 860-862)Et pourtant, si l’on en croit John Brian Harley, Mapquote comme d’autres de ces cartes du moment – qui ne respectent pas à la lettre la théorie de la cartographie – ne sont « ni justes ni fausses » et toutes, elles « […] contribuent au dialogue dans un monde socialement construit ».
Cet exemple sur la réception de Mapquote apparaît illustrer la différence fondamentale de traitement réservé d’une part, par des universitaires et de l’autre par des journalistes à un objet de la cartographie contemporaine. L’application s’appuie sur des technologies, des méthodes et sur un rendu contemporain, non strictement conventionnels. De même qu’elle propose une méthode de constitution d’un corpus qui diffère des pratiques actuellement observées dans le champs de la cartographie des récits, de constitution mais aussi de présentation car, effectivement, tout cela aurait tout aussi bien pu être présenté sur un diagramme.
La carte, un outil « à destination »Au-delà du cas de Mapquote, le message qu’il nous semble important de faire passer est que l’accueil réservé à ces cartographies contemporaines est vraiment fonction du public, autrement dit à leur destination.
Si Mapquote est mentionnée par un média ou sur les réseaux sociaux, sa plus ou moins bonne réception dépend du public qui la reçoit ou en fait / fera l’usage, donc de son éventuelle destination qui va faire appel à l’intention de départ du / de la cartographe.Rappelons qu’un document par intention est destiné à communiquer « une information identifiée comme telle par l’émetteur et par le récepteur » (Meyriat, 1978). Cette intention de transmettre un message monosémique est elle-même liée à la fonction de la carte réalisée (à quoi sert-elle ?) que l’on comprend nécessairement destinée à un public donné. La destination interroge aussi la « portée sociale des cartes » que les tenants de la cartographie critique connaissent bien.
Pour finir de tourner en rond à la recherche d’une destination, sortons de ce carrefour dans lequel nous pensons nous trouver en tant que cartographe pour terminer par une petite métaphore autoroutière.
Les chemins des cartographies actuelles, de celles prisées par les universitaires, des cartographies traditionnel.le.s à celles des géodatavizeurs, si elles ont pu évoluer ces dernières années dépassant quelques tensions inéluctables, me semblent désormais sur le point de bifurquer pour prendre chacun une direction hélas séparée de celle des autres, plutôt que de fonctionner en parallèle en s’enrichissant mutuellement. Et c’est bien dommage. Mais bon, quand #jdcjdr.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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8:35
Un jour, un concept de géographie avec Death Stranding ! #3 : La friction de la distance
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet participe d’une série consacrée aux notions et concepts de l’analyse géo-cartographique présents dans les cartographies des jeux vidéos.
Voir aussi : #1 : lignes de désir #2 : territoire maîtriséAprès nous être intéressés aux notions de “maîtrise du territoire” et des “lignes du désir” dans Death Stranding, nous allons faire aujourd’hui un peu de géographie des transports et aborder dans ce billet le concept de friction de la distance !
La friction de la distance …L’ensemble du gameplay de Death Stranding repose sur son environnement et sur votre capacité à lire le relief pour délivrer vos colis de la manière la moins pénible possible. Le jeu part du principe que tout déplacement nécessite un effort et représente un coût en temps, en énergie ou en argent. On appelle cela la friction de la distance !
Plus la friction sera forte, moins vous serez tentés d’aller délivrer des colis dans des zones escarpées et/ou dangereuses (au sommet d’une montagne, à l’autre bout du monde, dans une zone remplie d’ennemis…).
Ce coût est proportionnel à la distance mesurée entre le point de départ et d’arrivée. A cause de cette friction, les interactions spatiales auront tendance à être plus importantes à courte distance et inversement, à être plus faibles à mesure que la distance augmente.
On aura également tendance à privilégier certains modes de déplacement en fonction de la distance à parcourir et du coût qu’elle représente.
Pour simplifier : vous accepterez facilement de rendre visite à vos grands-parents en voiture s’ils résident à 20 km de chez vous mais, passée une certaine distance, vous privilégierez le train ou l’avion pour les rejoindre car le coût en voiture sera beaucoup trop important.
Le graphique ci-dessous résume ce principe :Source : http://geographylaunchpad.weebly.com/the-friction-of-distance.html
Également, les contraintes spatiales qui pèsent sur la distance telles que : la topographie du terrain ou encore les divisions administratives auront tendance à avoir des conséquences négatives sur les déplacements en aggravant cette friction de la distance.
Appliquons désormais ce concept à Death Stranding.
Au cours des premières heures de jeu, la friction de la distance est très importante car nous ne disposons que de nos jambes pour livrer nos colis.Image rare d’un livreur se confrontant à la dure réalité de la friction de la distance :
Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Ainsi, nous aurons donc tendance à moins souvent visiter des zones situées dans des lieux escarpés, éloignés ou difficilement accessibles. Néanmoins, avec l’apparition des véhicules tels que les motos ou les camions et la construction de nos premières infrastructures de transport, cette friction se réduit drastiquement !
La friction de la distance ?! Connais pas.
Un cas pratique de réduction de la frictionSources : captures in-game réalisée par l’auteur
Un exemple concret : à un moment donné, le jeu nous demande de livrer des colis au cœur d’une chaîne de montagnes.
Source : reddit
C’est une zone du jeu compliquée à appréhender, car la neige et le froid glacial épuise rapidement l’énergie de votre héros, les reliefs escarpés handicapent grandement votre avancée et les rafales de vent peuvent vous faire trébucher à tout moment.
Visibilité 0, le froid, la faim, la déshydratation, le relief… Pas de doute, c’est un environnement hostile.
Source : Capture in-game réalisée par l’auteur.
Néanmoins, au fur et à mesure de votre progression dans l’aventure, le jeu vous donnera la possibilité d’installer des tyroliennes (exemple ci-dessous).
Des tyroliennes pour dominer la frictionSource : Capture in-game réalisée par l’auteur.
Pour la science, j’ai mis en place un réseau de tyroliennes reliant 5 points de livraison au cœur des montagnes me permettant de traverser très rapidement une zone montagneuse et enneigée.
Ci-dessous, une carte de la zone en question. En rouge, j’ai dessiné les points où j’avais positionné mes tyroliennes. Les marqueurs jaunes indiquent la position des différents lieux de livraison.
Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Construire des tyroliennes représente un cout très important en matière première et en temps. J’ai tout de même estimé que ce coût était nécessaire pour faciliter mes déplacements au sein de cette zone.
Ci-après une autre vue de la position des tyroliennes :
Source : capture in-game realisée par l’auteur
Avant, si l’on se base sur la carte ci-dessus, il me fallait entre environ 30 min pour voyager du marqueur 1 au marqueur 5… contre moins de 2 minutes avec mon réseau de tyroliennes.
Adieu la friction, bonjour le « territoire maîtrisé » [voir billet #2] grâce aux réseaux de transport ! -
8:37
Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #3/3
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet est le numéro 3 d’une série [Voir #1 et #2] proposée par Cédric Rossi, pour explorer la fabrication d’une carte des émissions de gaz à effet de serre, nationale, puis européenne.
Les données SEQE-UELors de la publication de la première version de la carte (voir le 1er billet) plusieurs commentaires relevaient des inexactitudes de la base de données source. Un responsable RSE m’a ainsi contacté en me disant qu’ils avaient confondu kilogrammes et tonnes (!) lors de la déclaration, et il est vite devenu évident que le problème était le même pour d’autres. À l’inverse, certains émetteurs bien connus n’apparaissaient pas, et après vérification, ces derniers ont apparemment fait la même erreur… dans l’autre sens !
Entre nous…Au regard de la faible qualité de la base de données IREP ces deux extraits de sa documentation laissent songeur…
En recherchant une source plus fiable, je découvre l’« European Transaction Log » (EUTL), la base de données qui rassemble les informations nécessaires à la bonne marche du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE). Les données sont difficiles à télécharger (j’ai dû écrire un script R pour récupérer les 18 000 fichiers XML nécessaires…), mais une fois les fichiers parsés et convertis dans un format exploitable, leur qualité apparait bien supérieure (ce qui n’est pas étonnant, sachant que ces chiffres ont un impact financier direct).
Par contre, la géolocalisation est, là encore, presque entièrement manquante. Mais on peut là aussi utiliser les codes postaux pour obtenir une géolocalisation à la commune très propre.
L’Europe !Dans le billet précédent j’ai utilisé ces données pour réaliser une carte de France. Mais étant donné qu’on a maintenant des données pour toute l’Europe, dommage de ne pas en profiter !
Seul problème : on a géolocalisé la base française grâce aux codes postaux, et à priori, je ne connais pas de base fiable à l’échelle européenne qui me permettrait de faire la même chose.
Merci eueuts.info !Alors que j’essayais de trouver une solution avec les membres de #teamopendata, on m’a parlé d’une initiative récente de Jan Abrel, un chercheur du ZEW : eueuts.info. Il a réalisé un travail d’extraction des données EUTL similaire au mien, et les a déjà géocodées via l’API Google Maps. Ce n’est pas parfait bien sûr, mais les résultats sont plus que corrects. Après quelques ajustements manuels, nous voici prêts pour la série de cartes finale.
Le problème de la représentation en cartogramme de Dorling…… est que les points sont déplacés afin de ne pas se superposer. Pour les points proches de la frontière, ce n’était pas trop grave tant qu’on était en France (j’avais fait attention à ne pas afficher de limites de régions ou de département pour atténuer ce problème), mais sur une carte d’Europe ça devient plus problématique.
J’ai donc utilisé le plug-in de QGIS « Coloration topologique » qui permet de colorer chaque polygone d’une couche en évitant que deux polygones adjacents aient la même couleur, avec un minimum de couleurs. Par une simple jointure, j’ai associé cette couleur aux points Dorling, afin de pouvoir rendre à chaque nation son dû.
D’autres représentations thématiques sont possiblesEn catégorisant les émissions par activité, on obtient une carte très intéressante (surtout quand on la compare à la carte de France précédente), qui montre la faible industrialisation et la faible proportion d’énergie carbonée en France par rapport à nos voisins du nord.
Quant à l’interprétation de ces cartes, je ne saurais dire mieux que Bon Pote
Et après ?Ces émissions représentent seulement une partie des émissions européenne ; il manque toutes les émissions « diffuses » (transports, agriculture, habitat, tertiaire, etc.) mais aussi toutes les émissions « importées » : la France apparait comme une bonne élève sur la carte d’Europe grâce à un mix électrique plus décarboné que ses voisins, mais sa désindustrialisation n’a fait que reporter les émissions de gaz à effet de serre ailleurs… Il y aurait une réflexion intéressante à faire sur la meilleure façon de le représenter. Peut-être dans un futur billet ?
Billets liés :
– Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #1/3 : symboles proportionnels
– Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #2/3 : cartogrammes de Dorling
– Résoudre le problème de la superposition des cercles en cartographie -
7:35
Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #2/3
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet est le numéro 2 d’une série de trois billets [Voir #1 et #3] proposés par Cédric Rossi, pour explorer la fabrication d’une carte des émissions de gaz à effet de serre, nationale, puis européenne.
Des allers-retours entre cartographes…Me conduisent à reprendre la carte précédente sous forme de cartogramme de Dorling.
QGIS ne sait pas les générer, mais un test rapide en R, en suivant ce tutoriel, me montre immédiatement tout l’intérêt de cette approche. Les cercles proportionnels sont déplacés afin d’éviter toute superposition ; on perd bien entendu la position géographique précise, mais en échange, on voit très clairement autant les gros émetteurs que les accumulations de plus petits.
En parallèle, je décide d’utiliser un nouveau jeu de données, plus fiables, dont nous parlerons dans le dernier billet de cette série.
Une fois exporté sous forme de shapefile, on peut importer ce cartogramme dans QGIS pour finaliser la carte.
Recréer une légendeMais cette couche contient maintenant des cercles sous forme de polygone, impossible d’en faire une légende exploitable ! Pour résoudre cela, je génère leurs centroïdes, que je superpose sur les cercles Dorling, puis j’utilise l’assistant « Taille de points » de QGIS (en ayant réglé l’unité de taille en « unités de carte » pour ne pas dépendre de l’échelle).
En utilisant la méthode de calcul « Surface » de l’assistant (qui correspond à ce que fait l’algorithme de Dorling), je centre la carte sur le plus gros cercle, et je cherche manuellement la bonne valeur dans le champ « Taille… à » pour recouvrir exactement les cercles Dorling.
Enfin, dans les réglages avancés du style de couche, il ne reste qu’à activer « Légende pour la taille définie par des données »…
… et finalement à paramétrer cette légende.
Pour les Outre-mers, il me semble indispensable d’utiliser une échelle unique, assez peu habituelle, ne serait-ce que pour que la taille des cercles soit comparable. Pour cela, dans le module « Mise en page » de QGIS, j’ajoute une carte par territoire, chacun dans sa projection officielle.
Pour être certain de bien garder une échelle unique sur tous les territoires, je la définis comme variable de la page…
…puis j’utilise cette variable pour régler l’échelle, dans chaque carte.
J’ai mis en ligne ce modèle de mise en page sur le site [https:]] .
Le résultat final !À suivre…
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– Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #1/3 : symboles proportionnels
– Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #3/3 : échelle européenne
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18:53
Cartographier les émissions de gaz à effet de serre #1/3
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui nous recevons Cédric Rossi, ex-CTO d’une startup d’urbanisme, en reconversion dans la cartographie engagée. Cédric nous propose une série de trois billets formant une superbe exploration de la fabrication d’une carte des émissions de gaz à effet de serre, nationale puis européenne dont nous avions beaucoup parlé sur les réseaux sociaux.
Nous lui laissons la parole.Début février, un ami m’a demandé si je pouvais lui préparer une carte « vite fait » pour répondre à un appel d’offres. Il s’agissait de cartographier les émissions de CO? recensées dans le Registre des émissions polluantes (base IREP) du ministère de la Transition écologique qui liste les substances chimiques et polluants rejetés par les principales installations industrielles.
À priori, ça paraissait assez simple, l’affaire d’une petite demi-heure dans QGIS.
Trois mois plus tard, c’est enfin terminé.
Exploration cartographique de la base IREPJ’ouvre donc les CSV dans QGIS, et tout de suite, première mauvaise surprise, et non des moindres…
Les coordonnées géographiques sont inexploitables : mélange non documenté de latitude/longitude, de projections dans différents systèmes, de coordonnées nulles… Bref, il va falloir trouver une autre solution.
Heureusement, on trouve aussi une colonne SIRET. Après jointure avec la version géocodée de la base Sirene créée par Christian Quest, on obtient un résultat qui n’est pas idéal, mais suffisant pour se faire une première idée.
Afficher des cercles proportionnels…Je commence par simplement afficher des cercles proportionnels à la quantité d’émissions, en faisant attention à bien gérer l’ordre de rendu, afin que les plus gros cercles soient dessinés sous les petits, et qu’aucun ne soit masqué.
… leur appliquer une transparenceOn voit qu’il y a une composante géographique importante dans ces émissions, avec des zones de fortes concentrations dans les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-France, le Grand Est, et la Normandie, ainsi que de très grosses disparités entre les émetteurs. Par contre, cette représentation masque les accumulations locales d’émissions ; s’il y a énormément de sites très proches, on perçoit très mal le total.
On peut améliorer cela légèrement avec de la transparence, qui fera mieux apparaitre les cumuls, mais ça reste peu lisible.
Essayer une carte de chaleur
Pour mettre en évidence ces accumulations locales, je passe à une représentation en carte de chaleur (heat map).
Elle nous confirme que l’Île-de-France, le Rhône et, dans une moindre mesure, la Loire-Atlantique, étaient sous représentés dans la première carte. Mais cette fois, on perd évidemment toute l’information discrète : est-ce que les émissions d’une zone donnée proviennent d’un gros site, ou de nombreux petits ?
Cumuler symboles proportionnels et carte de chaleur…Ce rendu me paraissait à priori assez plaisant : il montre très bien à la fois les très gros émetteurs et les zones ou les émissions totales sont importantes, mais partagées par de nombreux émetteurs.
Nettoyer les données…De toute évidence, le jeu de données a quelque chose à raconter, il est donc temps de le nettoyer sérieusement. Je décide de le regéolocaliser intégralement, en suivant plusieurs étapes :
- une première passe via l’API de la Base Adresse Nationale (BAN) ; hélas elle ne gère pas les codes Cedex employés dans de nombreuses adresses.
- une transformation de Cedex en code postaux, via la base Sirene, puis retour sur l’API BAN.
- enfin pour les géolocalisations encore manquantes, on va se contenter d’une localisation à la commune (amplement suffisante à cette échelle) via la Base officielle des codes postaux
J’ai publié le jeu de données géolocalisées ici.
… et finaliser la carteIl était maintenant temps de finaliser cette carte et de la diffuser sur les réseaux sociaux.
La publication de cette carte sur les réseaux sociaux a été mitigée : elle a circulé assez largement et a eu un certain succès, mais sans doute pas toujours pour les bonnes raisons ; en cette époque de pandémie où nous voyons tous les jours des cartes de taux d’incidence, je me rends compte que le choix des couleurs n’est pas idéal. De nombreuses personnes y voient une corrélation géographique assez osée avec la diffusion de l’épidémie… La heat map évoque quant à elle une idée de « pollution », qui entraine elle aussi des réactions assez vives…
Les cartographes, de leur côté, sont assez peu emballé·es par la heat map, et le côté « flou » qu’elle apporte.
Au moment de la republier dans un autre contexte, je tente quelques modifications : cercles gris, plus neutres, et pas de heat map. De façon très intéressante, ça a conduit à des réactions plus modérées qui discutaient plus du fond. Mais une partie importante de l’information manquait : l’Île-de-France ou le Rhône semblaient très peu émetteurs par exemple, et plusieurs personnes s’en sont étonnées.
Les cartographes me conseillent plusieurs approches alternatives, en particulier l’usage d’un cartogramme de Dorling, où les cercles proportionnels vont être déplacés juste autant que nécessaire pour ne pas se superposer. Ce sera donc la prochaine étape !
À suivre…
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17:40
Un jour, un concept de géographie avec Death Stranding ! #2 : L’art de maîtriser un territoire
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet participe d’une série consacrée aux notions et concepts de l’analyse géo-cartographique présents dans les cartographies des jeux vidéos. Voir aussi : #1 : lignes de désir #2 : territoire maîtrisé #3. Friction
Comme nous l’avons vu dans le précédent billet, Death Stranding est un jeu parfait pour appréhender une multitude de notions propres au domaine de la géographie. Aujourd’hui, nous nous intéresserons à l’expression « maîtrise du territoire » !
A gauche : je ne maîtrise pas mon territoire, à droite : mon territoire est maîtrisé !
Source : captures réalisées ingame par l’auteur
Mais au fait, qu’est-ce qu’un territoire maîtrisé ? Pour répondre à cette question, définissons tout d’abord le terme territoire.
Territoire et espaceTerme galvaudé et polysémique s’il en est, le territoire est régulièrement confondu avec le concept d’espace. Les politiques l’utilisent également à tort et à travers, souvent pour désigner tout ce qui est situé à l’extérieur de Paris. C’est un mot fourre-tout dans lequel nous pouvons retrouver les communes, les intercommunalités, les départements, les régions ou encore les cantons…
Romain Pasquier, politologue, résume parfaitement dans un article parut dans le Parisien les raisons de cette banalisation du mot territoire dans les allocutions politiques : « le terme territoire est très lié à l’organisation de l’État français. Cela renvoie à tout ce qui n’appartient pas à l’État central mais qui est local ou régional. Autrement dit, c’est tout ce qui n’est pas à Paris ».
Jean Castex, se présentant en “homme des territoires”, est le parfait exemple de la surutilisation de ce concept de géographie dans des formules de communication politique. En effet, par exemple, dans son discours de politique générale du 16 juillet 2020, le Premier Ministre a prononcé à 25 reprises le mot territoire.Néanmoins, et parce que nous sommes entre nous, nous définirons simplement le territoire comme une portion d’espace appropriée, dominée par un – ou un groupe d’individus – et délimitée (oui, c’est une définition très très large).
La maîtrise d’un territoire, c’est donc l’ensemble des stratégies mises en place pour s’approprier, transformer, contrôler et aménager un territoire.
Dans Death Stranding, ce dernier verbe est le plus important car, en termes d’aménagement, on va pouvoir se faire plaisir… Oh oui.
La maîtrise du territoire dans Death StrandingAu début du jeu, le joueur ne dispose que d’échelles télescopiques, de cordes et de ses jambes pour se déplacer dans un environnement où la moindre aspérité du terrain peut lui faire perdre l’équilibre et le faire tomber (voir la capture ci-dessous).
Un poids mal équilibré, une pente trop forte, un vent violent, des rochers, le courant d’une rivière… Les facteurs de chute sont légion dans Death Stranding !
Source : capture réalisée in-game par l’auteur.
Ainsi, le joueur subit son environnement plus qu’il ne le domine. Cette progression dans la domination du territoire est d’ailleurs très bien retranscrite dans la diégèse[1] du jeu.Source : captures réalisées in-game par l’auteur.
En effet, très rapidement, le jeu nous offrira la possibilité de construire un réseau d’infrastructures de déplacement (cordes, échelles…) et de transport (route, tyrolienne…) qui nous permettront de dominer réellement le territoire. Nous pourrons également améliorer nos modes déplacement en débloquant des véhicules tels que des camions, des motos, des chariots ou encore en optimisant notre combinaison afin de nous déplacer plus rapidement (par exemple, nous aurons la possibilité de débloquer une tenue nous permettant d’évoluer plus facilement dans les environnement montagneux).
Néanmoins, au fur et à mesure que l’on avance dans le jeu, le joueur se rendra compte que maîtriser son territoire ne va pas être une mince affaire. En effet, il va devoir évoluer dans différents biomes, chacun ayant des propriétés différentes, qui devront être appréhendées de différentes manières par le joueur…
On comprend effectivement très rapidement à quel point il sera difficile de manier correctement son véhicule sur une plaine caillouteuse, une montagne enneigée ou bien sur une étendue de rochers volcaniques…Quelques images du biome “désert volcanique”
Source : captures réalisées in-game par l’auteur
Pour faciliter les déplacements au sein de ces différents espaces, le jeu nous pousse à investir dans la construction de routes ou de ponts !Outre le fait de se simplifier grandement la tâche dans la livraison des colis, cet élément de gameplay procure une réelle satisfaction pour le joueur ; il marque le passage à un palier supérieur dans sa maîtrise du territoire !
Source : captures réalisées in-game par l’auteur
[1] Ce concept relatif au domaine du game design a été développé dans un précédent billet [Voir]
Sources :
Territoires, territorialisation, territorialité, sur Géoconfluences
L’espace un concept geographique majeur, sur Geobunnik -
13:52
[Appli] D’où venons-nous ?
sur Carnet (neo)cartographiqueD’où venons-nous ? (« Where We’re From ») est le titre d’une application de géo visualisation de migrations internationales récemment mise en ligne par l’Organisation des migrations internationales (OIM, 2021) et développée par Locus Insight, une agence de datavisualisation.
La particularité de cette application est de représenter l’effet de ces migrations sous la forme d’une carte par points (dotmap), en mobilisant les données géographiques de Natural Earth data pour cartographier les statistiques des Nations Unies, en l’occurrence l’International Migrant Stocks que nous connaissons maintenant bien [voir notamment MigrExplorer], pour l’année 2017.
L’application décrit ainsi la présence étrangère [voir] sous la forme de pointillés distribués dans les pays du monde traduisant ainsi soit l’accueil, soit la nationalité d’origine.
L’originalitéL’originalité de cette application tient à un double mouvement opéré dans le choix du type de représentation et dans sa modalité de mise en œuvre.
Quand bien même le motif pointillé évoquerait directement un groupe d’individus définissant un peuplement, et serait de fait particulièrement adapté à la visualisation de distributions de populations – y compris agrégées comme ici -, il faut reconnaître qu’il ne fait pas pour autant l’objet d’attentions particulières pour représenter la géographie de populations générales, encore moins celle décrivant migrations (ls symboles proportionnels étant encore largement répandus, ce qui est logique).
L’application étant proposée sur le geoweb, il est tentant de faire le lien avec le procédé des #particules, souvent animées, mais ce n’est pas tout à fait la même chose.
Le choix d’une carte par point (dotmap) pour représenter des quantités (effectifs de personnes) sous une forme désagrégée apparaît ainsi particulièrement intéressante.La seconde originalité tient dans le procédé de spatialisation de points symbolisant chacun 20 000 personnes (5 points représentant alors 100 000 personnes).
Alors que les cartes par points donnent traditionnellement lieu à une représentation sous la forme d’une densité irrégulière de points (density dotmap) ou exceptionnellement régulière (points Bertin) [ voir notre proposition ici ], la proposition de l’OIM concentre en un seul point le semis appartenant à une même maille.
Qu’est ce que cela change ?La visualisation d’amas de points qui se chevauchent [ plutôt qu’une densité irrégulière ou même régulière de points ] supprime dès lors la visualisation de l’intensité des semis de chacune des mailles, procurée par la density dot map, pour privilégier la vision d’une accumulation de points en un point donné. Aussi la formation de communautés de points regroupés et distinguées par leurs couleurs et cela, en plus de leur quantité perçue et rendue par le nombre de points de 20 000 personnes chacun.
Les données n’étant logiquement pas symétriques, l’application propose de visualiser l’immigration et l’émigration.
Qu’est ce que cela donne ?Pour la France, la vision « Out » de la résidence à l’étranger de ses ressortissants n’est pas très lisible. La diversité des lieux de leur pays de résidence combinée au fait que leurs effectifs n’excèdent pas souvent plus 20 000 personnes par pays rend difficile leur perception globale. La vision d’ensemble pour une lisibilité des points ainsi que les contrastes colorés n’ont manifestement pas fait l’objet d’une attention particulière.
A l’inverse, la vision « In » de la diversité des pays d’origine des populations étrangères résidente en France est davantage lisible. La carte décrit en effet une multitude de points organisés de manière circulaire autour du pays.
Le semis d’ensemble est formé de communautés de points d’autant plus importantes qu’elles sont à l’origine d’importants effectifs de populations. Ces communautés peuvent être distinguée par leur couleur et identifiées au simple clic sur un élément coloré, comme ci-après pour l’Italie et le Maroc.
On observe ainsi que la France accueille des populations provenant de nombreux pays distincts (de nombreux petits cercles symbolisant chacun 20 000 personnes) et seuls quelques pays d’accueil émettent dans des proportions importantes.
[ Accéder à l’application ]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:29
Un jour, un concept de géographie avec Death Stranding ! #1 : Les lignes du désir
sur Carnet (neo)cartographiqueUne nouvelle série de billets néocartographiques dédiés à la cartographie dans les jeux vidéos s’ouvre aujourd’hui. Réalisée par et à l’initiative de Tony Hauck, cette série vise à explorer la manière dont les notions et concepts de l’analyse géographique sont mobilisés dans les univers vidéoludiques. Pour les dénicher, Tony va fouiller dans les dispositifs de Death Stranding, un jeu développé par le célèbre créateur Hideo Kojima et son studio Kojima Productions. Passons-lui le relai sans tarder, pour une présentation du jeu suivie de la première et passionnante partie consacrée aux « lignes de désir ».
Death Stranding ?Death Stranding est le jeu idéal à faire en période de confinement.
Pour ma part, ce titre a été une véritable bulle d’air en mars-avril 2020 lorsque la France s’est arrêtée de tourner pendant presque 3 mois. Si vous ne connaissez pas cette œuvre, arrêtez tout de suite la lecture de ce billet et courrez faire ce jeu !Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Néanmoins, rassurez-vous, je ne spoilerai aucun élément de l’intrigue ou de l’histoire, je m’attarderai uniquement sur le gameplay du jeu et les possibilités offertes par le titre.
Death Stranding est un jeu qui a indubitablement polarisé les critiques à sa sortie et qui continue de diviser les joueurs. Pour certains, l’œuvre de Hideo Kojima est simplement une simulation de randonnées (walking simulator). Pour d’autres, c’est une expérience vidéoludique unique et puissante. Quoi qu’il en soit, c’est définitivement un titre qui ne vous laissera pas indifférents.
Éléments sur l’histoireEssayons de résumer simplement l’histoire. Dans un futur proche, le monde a été détruit par le Death Stranding, un événement surnaturel qui a brisé la barrière entre le monde des vivants et celui des morts. Dans ce monde post-apocalyptique, vous êtes Sam Bridges (incarné par Norman Reedus), une personne chargée de récupérer et de transporter des colis au cœur d’une Amérique vide et dévastée pour des personnes réfugiées dans des bunkers répartis dans plusieurs régions.
Source : https://visuwyg.org/
L’action prend place sur le territoire des anciens États-Unis d’Amérique où l’entreprise Bridges tente de construire les UCA (United Cities of America), un réseau de villes-relais, par la livraison de matériel, de fournitures et de souvenirs du monde passé.
Le logo de la société Bridges résume parfaitement l’objectif poursuivi : retisser les liens perdus entre les villes-relais des États-Unis :
Source : forbiddenplanet.com
En récompense, selon la rapidité du service, la quantité et l’état des biens livrés, il reçoit des “likes”, des points qui lui permettront de débloquer des équipements (véhicules, combinaisons, bottes…), améliorant ses conditions de travail de livreur chronopost.
Après chaque livraison, le joueur recevra une note suivant plusieurs critères qui augmentera sa réputation globale de livreur
Source : psthc
Si je décide d’en parler ici, c’est parce que Death Stranding fait écho à une infinité de concepts de géographie, qui seront développés dans de futurs billets.
#1. Les lignes de désir,Source : capture in-game réalisée par l’auteur
Et aujourd’hui, nous allons parler des lignes de désir !
une dissonance spatiale entre l’offre urbaine et la demande des usagersNe vous arrive-t-il jamais de couper inconsciemment à travers un espace vert pour vous éviter un détour inutile ? Ou bien d’emprunter un petit sentier informel pour relier deux points d’un même trajet ?!
Sources :
image de gauche : https://github.com/matjojo/desire-paths – image de droite : @MaxRobitzsch
Ces tracés organiques et officieux, fruits d’une érosion graduelle due aux passages répétés des passants portent un nom tout aussi élégant que soyeux : les lignes du désir.
Sources :
Image de gauche : https://www.pointforward.com/desire-paths – Image de droite : Pinterest, @Marco_De_Boer
Dans Death Stranding, c’est exactement pareil ! Nos pas ainsi que ceux des autres joueurs (car Death Stranding est une expérience multijoueurs où notre session de jeu est partagée par des milliers de personnes en temps réel) ont une incidence directe et visible sur le monde que l’on traverse. Nos allées et venues répétées vont façonner de petits sentiers qui deviendront ensuite des routes, routes que nous emprunterons alors machinalement pour aller plus vite et gagner du temps dans nos livraisons.
Sources :
Capture in-game réalisée par l’auteur – Image de droite : [https:]]Source : Captures ingame réalisées par l’auteur
Dans le jeu comme dans la vie réelle, les lignes du désir sont le révélateur du puissant décalage qui peut parfois exister entre le tracé initial de la voirie et les besoins des usagers. Cauchemars des urbanistes pour les uns, manifestations des pratiques de ceux qui vivent la ville pour d’autres, ces lignes confrontent indubitablement deux points de vue. Néanmoins, une chose est sûre : il suffit d’observer ces tracés pour connaître les volontés des piétons en matière de planification urbaine.Enfin si vous souhaitez approfondir le sujet, sachez qu’il existe un subreddit entièrement consacré à ce phénomène !
Billets liésv: #1 : lignes de désir #2 : territoire maîtrisé
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9:28
Et si on alignait le Monde ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vous propose aujourd’hui une carte totalement inutile donc absolument indispensable. Il s’agit d’une carte du monde composée de points, qu’il est possible d’aligner à gauche, à droite, ou de justifier à la manière d’un texte. Deux paramètres sont modifiables : la projection et le nombre de points. Le tout est réalisé en javascript avec Observable. Le code source est disponible ici.
Ce travail, n’est pas une création originale, mais une réappropriation du magnifique travail artistique d’Angela Detanico et de Rafael Lain, deux artistes fascinés par le langage et la typographie qui aiment jouer avec l’espace géographique. Dans leur oeuvre intitulée « The World Justified, Left-aligned, Centred, Right-aligned » (2004), ils proposent en effet des versions cartographiques du monde, un monde centralisé, un monde aligné à droite et monde aligné à gauche, comme autant de representations utopiques et déformantes. D’autres oeuvres sont à retrouver ici.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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18:24
[Book] 7963. e-psychogéographie d’un exil
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui dans #Néocarto, nous recevons Franck Burns [sous pseudonyme, l’auteur souhaitant garder l’anonymat]. Franck est sociétaire du Rêve de la Sardine et « arpenteur polymorphe des silences » comme il se définit lui-même. Il nous a contactés pour nous présenter son projet d’une (carto)graphie littérale singulière issu du récit du voyage d’un jeune mineur guinéen entre Conakry et Marseille. Nous lui laissons la parole.
« Je hais les voyages et les explorateurs, … »« “ Je hais les voyages et les explorateurs, et voilà pourtant que je m’apprête à ”…
En débutant ainsi « Tristes Tropiques » Claude Lévy-Strauss entendait, je crois, régler un malentendu, celui du récit du voyage à venir qui n’était pas l’écriture romanesque de chroniques exotiques mais le moyen d’un autre récit, celui de sa relation objective à l’expérience du voyage.Précision utile car moi aussi, et pour les mêmes raisons, je hais les voyages et les explorateurs et voilà pourtant qu’un soir notre petite famille a ouvert sa porte à un mineur isolé pour trois nuits. Un voyage comme qui dirait à l’envers.
Le choc a été violent. Une part d’humanité oubliée en nous s’est réveillée. Ces trois nuits se sont faites années. Aujourd’hui Allan est en BTS en alternance. C’est un magnifique garçon. Ce fut et est une belle aventure même si la manière dont il arrivé jusqu’à nous est toujours restée silencieuse.
Sa résilience et notre volonté de ne pas être intrusifs ne nous ont permis que d’imaginer ce « voyage » dont nous savons qu’il fut marqué de souffrances dont son corps porte encore témoignage – esclavagisme, torture…
Malgré ça, je voulais quand même faire de ce silence un récit, écrire une histoire coupable d’une relation renversante de nous autres jusqu’à nous mêmes, et au décillement forcément brutal. Ce sacerdoce moral s’imposait à moi. Mais comment relater ce qui se refuse à dire ? Comment écrire le silence ? Et surtout, surtout comment dire sans trahir…
Au début j’avais imaginé quelque chose d’esthétique. Un planisphère de nuit ou seules les lumières feraient de notre terre un ciel. Sur ce dernier, à l’image des plans du métro parisien où l’on voit la ligne s’allumer, j’avais imaginé porter les trajectoires des gamins migrants sous forme de constellation. Mais l’esthétisme risquait prendre le pas sur le malheur. Je ne m’en sentais pas le droit. J’ai donc cherché d’autres façons de dire ce qu’il ne pouvait dire et toute cette souffrance que nous ne voulions entendre.
Voilà comment est né ce projet d’écriture machinale.
[ Lire ]J’ai simplement utilisé la neutralité algorithmique à portée de main. J’ai ouvert Google Maps, mis en lieux de départ « Konakry », en lieu d’arrivée « Gare Saint Charles de Marseille », j’ai précisé les quelques lieux dont au fil du temps nous avions appris qu’il les avait traversé, j’ai choisi le mode pédestre et j’ai lancé l’algorithme.
Extrait du voyage de Allan
Ainsi s’est écrit le récit. Et ce fut remarquable.
La petite fabrique de « littérature machinale » mis en branle disait tout des très exactement 7 963 kilomètres au mètre près du voyage d’Allan et paradoxalement, et magnifiquement, n’en disait absolument rien.
Il n’y avait là dans ce long récit ni exotisme, ni relation objective de l’expérience, rien sinon une inutile précision nettoyée de tout adjectif, conjugaison, sujet, et finalement de toute âme… Un récit sans peur à craindre dont la morale s’est imposée naturellement. L’expérience n’étant plus un prérequis au récit biographique, nous n’avons plus rien à redouter puisque la littérature machinale peut tout raconter de nous-même et surtout ce qui n’a jamais été. Il n’y a plus à haïr les voyages et les explorateurs juste à se laisser bercer des suaves sirènes machinales.
Je voulais tirer plus loin le fil de cette absurdité, et c’est ainsi que j’ai prolongé ce non récit d’un documentaire cartographique fabriqué à la main : il s’agit d’un film d’animation monté image après image (flèche après flèche qu’il aura fallut synchroniser avec le son…) … afin que cette absurdité à lire se donne aussi à voir.
Un documentaire cartographique à l’absurdité salutaire [Voir]Nécessairement, j’ai puisé dans le situationnisme un peu de sa philosophie et beaucoup de sa cartographie m’amusant ainsi d’un hommage non plus psychogéographique mais « e-psychogéographique » c’est à dire m’amusant d’une subjectivité privée de toute expérience ou pas plus que le verbe, la géographie n’a d’utilité à être vraie, comme qui dirait une géographie inexpérimentée, autrement dit une géographie sans d’autre cap que le « non sens » dont l’algorithme est la seule boussole.
Au final, ce dont il est question ici ce n’est plus forcément du voyage d’Allan mais plutôt et possiblement de notre propre dérive immobile.
Et si je devais donner un nom à l’absurdité contradictoire de ce non récit et de ce non documentaire cartographique, je crois, en petit clin d’œil, que « Tristes tropismes » sonnerait assez bien …
Franck Burns,
Le rêve de la Sardine._____________________________
[Écouter aussi ] Claude Lévy-Strauss (Tristes tropiques, 1955)
à propos de la phrase « Je hais les voyages et les explorateurs, … ». -
18:20
Quelle est la forme de l’espace-temps géographique? Image d’un ratatinement
sur Carnet (neo)cartographiqueNotre connaissance de l’espace-temps géographique provient de notre expérience acquise à travers nos déplacements, et de la consultation de ses représentations, les cartes. Et de fait les premières cartes connues (Harrel et Brown 1992) ont pour fonction de montrer où se trouvent les choses, mais aussi de montrer comment les atteindre.
On peut observer un ensemble de propriétés de l’espace-temps géographique :
- L’idée du rétrécissement du monde a été émise dès l’antiquité (Pline L’Ancien) avec l’idée que l’amélioration des moyens de transport réduit les distances-temps
- La coexistence de plusieurs modes de transport (Armstrong 1998), et donc de plusieurs vitesses de déplacement
- L’existence de réseaux pour assurer les services de transport, qui entretiennent des liens complexes avec l’espace dans lequel ils s’inscrivent
- Une géométrie profondément déformée par le phénomène omniprésent de l’inversion spatiale (Tobler 1961?; Bunge 1962)
Le phénomène d’inversion spatiale énoncé par Bunge (1962)
L’inversion spatiale — le fait qu’un trajet débute par un mouvement inverse à la direction finale — est liée aux deux précédentes propriétés et en constitue une conséquence extrême. Or elle implique une inversion de l’ordre des proximités et pose une question redoutable pour la représentation : doit-on couper l’espace, le détacher, le tordre ?
La carte classique, héritée de l’effort millénaire de la recherche de l’exactitude topographique, échoue à rendre en particulier les trois dernières propriétés énoncées. Dans l’histoire de la cartographie plusieurs propositions ont cherché à répondre à ces enjeux, dont les anamorphoses et les cartes en ressort de Tobler (1997).
Conceptualisée par Philippe Mathis en 1993, et mise en œuvre par L’Hostis la cartographie en relief d’espace-temps exploite la troisième dimension pour allonger les liens moins rapides qu’une vitesse de référence définissant la ligne droite. Ses principes de construction veulent que:
- Les villes conservent leur localisation géographique usuelle
- La longueur des arcs est proportionnelle au temps de transport
- Les liaisons les plus rapides sont tracées selon la ligne droite (ou la géodésique sur le globe)
- La troisième dimension permet de tracer des liaisons moins rapides et à la durée proportionnellement plus élevée
- Une échelle d’espace-temps convertit les longueurs des liaisons en durées de transport
L’ensemble de ces règles génère une géométrie tridimensionnelle issue d’un rapport de vitesses et décrite par des équations mathématiques.
Nous proposons en dessous une représentation de l’espace-temps géographique de la Chine et Taiwan pour l’année de référence 2014 (L’Hostis, Abdou, 2021). Le réseau aérien relie les villes situées aux sommets de cônes formés par la pente issue du rapport des vitesses entre l’aérien (750 km/h) et le mode routier (100 km/h). Sur cette représentation sans projection cartographique, les liaisons aériennes à longue distance (> 2 000 km) dessinent des arcs géodésiques de plus court chemin (en rouge), tandis que les liaisons aériennes à courte distance, plus lents, s’allongent par des arcs inscrits au-dessus de la surface terrestre (en vert).
Représentation de l’espace-temps géographique chinois en 2014, première représentation avec des cônes et courbes
L’image est celle d’un ratatinement de l’espace-temps pour reprendre l’expression utilisée par Tobler. En effet, les systèmes de transport à grande vitesse — ici l’aérien — rapprochent les villes, mais laissent intacte l’étendue spatiale interurbaine, parcourue et atteinte par la route à des vitesses de l’ordre de 7 fois moins élevées. Les liaisons aériennes viennent réduire certaines distances sans altérer l’espace interstitiel, de manière similaire à la transformation du ratatinement accompagnant le mûrissement d’un fruit. La propriété d’inversion spatiale est lisible sur la représentation : un trajet débutant à proximité d’un point d’accès au réseau rapide — la ville — cherchera à rejoindre celle-ci plutôt que de suivre son chemin le long des pentes abruptes de l’assemblage des cônes.
S’éloignant des modèles de la plaine euclidienne, de la feuille de caoutchouc, ou de la surface découpée, la proposition introduit une métaphore organique liée au mûrissement pour exprimer la complexité d’un espace-temps géographique comportant plusieurs modes aux vitesses fortement différenciées, des réseaux de transport rapides et une surface prenant la forme d’un assemblage complexe de cônes portant chacun une ville à leur sommet.
Le projet Shriveling world initié en 2016 et regroupant une équipe pluridisciplinaire — géographes, géomaticiens, informaticiens, graphiste, artistes — vise à produire et développer ce type de représentation. C’est avec ce projet qu’ont été introduits les cônes ainsi que la possibilité de dessiner des arcs courbes. En tant qu’initiative de science ouverte le projet comporte un carnet scientifique, un code accessible, une application fonctionnelle ainsi qu’un forum pour les utilisateurs.
Alain L’Hostis
Références- Armstrong J., 1998, « Transport history, 1945-95?: The rise of a topic to maturity », Journal of transport history, Vol.19, N°2, 103–121.
- Bunge W., 1962, Theoretical geography. Lund, Gleerup, 289 p.
- Harrell J. A., Brown V. M., 1992, « The World’s Oldest Surviving Geological Map: The 1150 BC Turin Papyrus from Egypt », The Journal of Geology, 3–18.
- L’Hostis, A.; Abdou, F. What is the Shape of Geographical Time-Space? A Three Dimensional Model made of Curves and Cones. Preprints 2021, 2021030594 (doi: 10.20944/preprints202103.0594.v1).
- Pline l’Ancien., 1877, Histoire naturelle de Pline?: avec la traduction en français. Tome 1 (É. Littré, Tran.). Paris, Firmin-Didot et Cie, 764 p. [gallica.bnf.fr]
- Tobler W. R., 2001, The World is Shriveling as it Shrinks, Invited Presentation,Texas A & M, College Station, TX, 26 October 2001
- Tobler W. R., 1997, « Visualizing the impact of transportation on spatial relations », 7 in: Western Regional Science Association meeting. Hawaii, Western Regional Science Association.
- Tobler W. R., 1961, Map transformation of geographic space. Washington, University of Washington, Geography, 183 p.
Voir aussi :
TTT dans Néocarto
Programme TTT (Tribute 2.0 Tobler) -
11:49
[Vidéo] Arabesque, pour explorer et visualiser vos flux géolocalisés
sur Carnet (neo)cartographiqueArabesque, l’application d’exploration et de géo visualisation de données de flux et de réseaux, développée dans le cadre du projet geographic flow visualization gflowiz, a fait l’objet du 45e Meetup de l’association Toulouse dataviz (TDV), le 13 avril 2021. Pour l’occasion, Étienne Côme, Laurent Jégou et moi-même en avons présenté la première version et son utilisation sur trois jeux de données multiscalaires [voir le support].
Ces données s’expriment respectivement :
– au niveau national : pour la France, il s’agit des flux aériens de passagers, de fret et courrier (DGAC), préparés pour le mapathon du colloque Cartomob ;
– au niveau mondial : des flux commerciaux internationaux historiques, provenant de la base de données RIcardo, notamment mobilisés lors de la session geoweb-gflowiz du colloque Sagéo ;
– au niveau local : à Toulouse, des mobilités scolaires observées par niveau de diplôme, professions, catégories sociales et lycées (INSEE, MOBSCO).Le dessin automatique d’une carte par défaut (symbolisant les 10% des liens les plus forts) ouvre plusieurs possibilités d’exploration et de géo visualisation des différentes dimensions des données de départ, avec le confort et la fluidité des bibliothèques actuelles de visualisation et de cartographie web : openlayers, d3, OSM, Turf, NaturalEarthData.
Arabesque facilite en effet la prise en main des matrices origine-destination multiscalaires en proposant d’importer vos propres données (liens et/ou nœuds) ; de paramétrer d’une part, leurs géographies, leurs dessins selon des modalités variées, leurs sémiologies et d’autre part, leurs aspects statistiques (sélection, filtrage des valeurs quantitatives, qualitatives catégorielles ou ordinales).
Le calcul automatique de différents indicateurs sur les nœuds et les liens, permet d’enrichir l’expérience, en proposant notamment une analyse des balances ou des degrés des nœuds, ou encore un filtrage continu selon l’espace (distance parcourue).
Accéder à la vidéoArabesque est une application entièrement développé en Javascript.
N’hésitez pas à contribuer,
directement sur le dépôt :
./arabesque-dev (en cours)
Version initialeou à contacter Étienne Côme
Billet lié : Cartographier des flux avec arabesque !
Voir aussi : ArabesqueGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:33
A propos des ordres de grandeur
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, les chiffres viennent de paraître. L’homme le plus riche du Monde, Jeff Bezos, possède à lui seul 177 milliards de dollars, talonné de près par Elon Musk et ses 151 milliards de dollar. Faramineux n’est-ce pas ? Mais que représentent vraiment ces chiffres ? Que représente vraiment un million ? Un milliard ? Cent milliards ? Pas si facile de se représenter concrètement ces ordres de grandeur dans nos cerveaux qui ne sont pas faits pour cela.
En visualisant ces chiffres sur un simple graphique, que constatons-nous ? Que finalement, un million c’est très peu par rapport à un milliard. Ainsi, quelqu’un qui posséderait dix millions de dollars se retrouverait sur cet axe proche du zéro. Est-ce vraiment cette image là que nous avons en tête quand nous voyons ces chiffres défiler dans les médias ou sur les réseaux sociaux ? Probablement pas.
Mais cela devient encore plus fou dès lors qu’on rajoute les montants des grandes fortunes citées plus haut. Sur cet axe allant de zéro à 177 milliards (la fortune de Jeff Bezos), le point correspondant à un milliard se retrouve à son tour attiré sur la gauche, jusqu’à s’approcher de la valeur… zéro. Cela montre à quel point cette classe sociale des ultra riches est extrêmement hétérogène. Aussi, une fois de plus, notre incapacité cognitive à saisir à priori le sens de ces nombres démesurés. Finalement, posséder un milliard de dollar c’est bien peu pour quelqu’un qui en possède 177 fois plus.
Oui, certes, tout cela semble évident vous dites vous peut-être. Mais faites quand même le test avec les gens autour de vous. Prenez une feuille, tracez une ligne. inscrivez zéro à l’extrémité gauche et un milliard à l’extrémité droite. Et demandez à votre entourage de placer 1 million sur cette ligne. Les résultats vont vous étonner
Et en cartographie ?
Dès lors, comment cartographier concrètement la fortune de ces multi-milliardaires dans le but de rendre perceptible l’immensité de leur richesse ? Une approche, imparfaite, proposée ici est de comparer celle-ci aux PIB des Nations. Imparfaite, car cela revient à comparer un stock et un flux (ce qui est peu recommandé). Dit autrement, cela revient à comparer la fortune accumulée par une personne tout au long de sa vie (stock) à la production de richesse par la population d’un pays au cours d’une seule année (flux). En procédant comme cela, on compare donc un peu des choux et des carottes, tout comme ceux d’ailleurs, qui expriment le montant de la dette publique (stock) en pourcentage du PIB (flux). Un partout, balle au centre…
Au final, cette approche permet tout de même de constater que 156 pays dans le Monde ont un PIB inférieur à la fortune de Jeff Bezos. Ahurissant quand on y pense. Et même si la méthode est discutable et critiquable (j’en conviens), celle-ci permet tout de même de constater à quel point les fortunes de ces multi-milliardaires sont disproportionnées. Et c’était justement le but de la manœuvre. Ni plus. Ni moins.
NB : Cette carte a été publiée initialement dans l’Humanité.fr. Les codes sources sont disponibles en ligne sur mon Notebook Observable, tout comme ceux des graphiques présentés plus haut.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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12:41
Du minimalisme cartographique au frisson de l’inconnu #3/3
sur Carnet (neo)cartographiquePour terminer ce dossier consacré à la cartographie dans l’univers du jeu vidéo, Tony Hauck nous propose un troisième billet consacré au minimalisme cartographique. Nous lui laissons la main.
Le troisième billet de ce dossier, consacré à la cartographie dans les jeux vidéo, est très certainement le plus intimiste, car il aborde des titres qui ont marqué ma vie de joueur et qui ont bouleversé la manière avec laquelle j’appréhende le jeu vidéo.
Je n’en dis pas plus… Bonne lecture !
La réduction du poids de la carte dans le paysage vidéoludiqueComme nous l’avons évoqué dans le précédent billet [Voir #2/3], la démultiplication des open-world débordant de quêtes creuses – présentes uniquement dans le but d’augmenter la durée de rétention du joueur – a conduit à un sentiment progressif de lassitude pour ce type de jeu.
Les studios de développement ont donc cherché à se renouveler et à apporter un vent de fraîcheur au genre open-world. Mais comment cette transformation s’est-elle opérée au niveau cartographique ?
Tout bon joueur vous le dira : l’élément cartographique, s’il est mal intégré dans le jeu, peut venir saper l’expérience vidéoludique, en apportant lourdeur et redondance. La répétition de la manipulation suivante a horripilé et rebuté plus d’un joueur :
bouton start => ouverture de la carte du jeu => marquage du lieu de destination sur la carte => ouverture de la carte toutes les minutes pour vérifier que l’on est dans la bonne direction…C’est pourquoi son influence dans les jeux (hormis pour les genres de jeu où la carte est l’acteur principal) tend à s’atténuer.
Pour réduire cette lassitude dans les contrôles, les jeux vidéo traditionnels ont intégré une minimap directement dans le HUD[1]. Cela permet à l’utilisateur de s’orienter dans le jeu sans avoir l’obligation de passer par les menus, mais cela ne réduit en rien le sentiment de monotonie pouvant être éprouvé par le joueur.
Pour éviter de surcharger le HUD avec cette indéboulonnable minimap, certains jeux ont inscrit des éléments de repères ou les itinéraires à emprunter directement dans la diégèse[2] du jeu. Un des derniers jeux en date à s’être écarté des techniques de navigation conventionnelles, en proposant des procédés intelligent et plus ergonomique, est Ghost Of Tshushima.
Dans ce jeu se déroulant dans le Japon médiéval de l’époque de Kamakura (XIIIe siècle), il suffit simplement de caresser le pad tactile de la manette PS4 pour se repérer (voir la vidéo ci-dessous). Par cette manipulation, le vent et les feuilles souffleront et vous donneront une indication sur le chemin à suivre pour accéder à votre destination.
Le vent, un élément de gameplay important dans Ghost Of Tsushima.
document.createElement('video'); [https:]]Source : youtube
Vous serez également régulièrement interpelés par des animaux tels que des oiseaux ou des renards qui, si vous les suivez, vous guideront vers des emplacements importants du jeu.
Tous ces éléments de navigation, disséminés de manière organique dans la grammaire du jeu, viennent enrichir notre immersion dans cet univers tout en participant à la construction de l’esthétique naturaliste et minimaliste du titre.
Source : image de droite : segmentnext.com – image de gauche : gamereactor.eu
Ce minimalisme est poussé à son paroxysme dans la carte du jeu, ode au style épuré de l’art japonais. C’est également une déclaration d’amour au réalisateur Akira Kurosawa[3], avec son utilisation de nuances noires et blanches ponctuées avec parcimonie de touches rouges et dorées, apportant élégance à l’ensemble.
Capture d’écran de la carte au cours de la première heure de jeu, on y retrouve le fameux fog of war.
Du jeu sans carte à la cartographie mentaleSource : retro-hd.com
Les jeux s’affranchissant du support cartographique souhaitent faire la part belle à l’exploration. On peut penser par exemple au phénomène Minecraft, ce jeu « bac-à-sable » pixélisé, où la carte est absente. La suppression de cet élément de gameplay force ainsi le joueur à observer son environnement et à avancer dans un univers dont il ne suppose à aucun instant ni son immensité, ni les contours de ses reliefs, ni les dangers qui se poseront sur sa route.
Grâce à son gameplay exigeant, Dark Souls a acquis au fil des années le statut de jeu culte auprès d’une partie des joueurs, et pourtant, aucune carte ne vous sera fournie.
Quel est la fonction première d’une carte dans un jeu vidéo ?
Se repérer.
Mais comment se repérer si les développeurs ne prévoient aucune carte ?
Par l’ingéniosité d’un level design[4] parfaitement construit et encourageant l’observation minutieuse des décors.C’est en étant attentif à son environnement que le joueur se rendra compte qu’une partie du vitrail est brisé, lui permettant de se faufiler dans cette église pour poursuivre sa progression.
Source : vaguespeculations.com
Dark Souls a en effet bousculé les codes du RPG standard. Tout le mérite revient en fait au studio FromSoftware et à Hidetaka Miyazaki (personnage clé du studio) qui ont su renouveler le genre. Ici, l’absence de carte est un choix volontaire qui est motivé par deux raisons principales.
Les développeurs de Dark Souls ont souhaité que le joueur se sente perdu et abandonné lorsqu’il arrive dans ce monde qui a existé avant lui et qui persistera après lui.
Dans Dark Souls, vous ne disposez ainsi d’aucun repère et vous naviguez dans les dédales de cet univers, sans boussole, dans l’espoir de trouver un feu de camp. Ces lieux primordiaux sont comparables à des oasis dans un désert et vont structurer notre exploration dans l’univers du jeu. Il est possible de se reposer près d’un feu pour récupérer ses forces et, en cas de mort, vous réapparaîtrez directement à côté du dernier feu devant lequel vous vous êtes reposé.
Les feux de camp sont des lieux essentiels dans Dark Souls.
Source : desktopbackground
La difficulté du jeu et la méconnaissance du monde dans lequel nous sommes plongés lors des premières parties permettent à Dark Souls de créer une ambiance unique : le frisson de l’inconnu, cette peur de ne pas savoir où nous mettons les pieds combinée à l’exaltation ressentie lors de l’exploration de cet univers.
« Dans Dark Souls, c’est vous contre le reste du monde »
Jenova Chen[5]
pour le magazine IGN (2018)Source : kotaku
L’absence de carte associée à l’intelligence de son level design vient sublimer cette impression d’être prisonnier de ce monde. L’ingéniosité dans la construction des niveaux nous permet de retourner sur des chemins connus et ce, même lorsque nous errons pendant plusieurs heures dans une direction, donnant l’impression d’évoluer dans un univers cohérent.
Les zones de jeu sont interconnectées entre elles, donnant de la cohérence au monde.
La reconstitution cognitive du territoire par le level design et les décorsSource : imgur
Ce level design rend ainsi l’exploration gratifiante et la progression fluide et organique. C’est réellement la pierre angulaire de ce titre. Chaque niveau traversé est truffé de détails, possède une histoire, des caractéristiques propres.
Cette minutie dans la création de niveaux à l’identité unique et remarquable facilite la mémorisation des décors et la construction cognitive du territoire sur lequel nous sommes bazardés. Une thèse parue en 2016[6] examine d’ailleurs en détail le level design dans la saga des Souls – saga dans laquelle Dark Souls s’inscrit – et nous donne les clés pour en comprendre toute l’ingéniosité.
De plus, les repères et les indices visuels délaissés avec parcimonie sur notre route, ainsi que la possibilité offerte par les développeurs d’avoir un panorama constant sur les environnements qui pourront être visités, participent également à la construction de cette carte mentale se complétant au fur et à mesure de vos explorations.
Les panoramas sont des marqueurs spatiaux qui permettent au joueur de construire une cartographie mentale de son environnement, exemple avec la zone de Anor Londo.
Sources : en haut à gauche : wallpaperaccess – en bas à gauche : imgur – à droite : ign
Ainsi, dans Dark Souls, on troque le :
« Mais où est-ce que je dois aller ?! Je suis encore perdu… », par un :
« Où est-ce que pourrais-je bien aller désormais ?»,
c’est une nuance cruciale dans un jeu vidéo.Dans une interview accordée à Ars Tecnica, Charlie Cleveland, le directeur technique du jeu Subnautica et directeur du studio UnknownWorld affirme :
« le frisson de l’inconnu est le pilier émotionnel, c’est le « pourquoi » du jeu (Subnautica). […] Avoir un monde sans frontière, regarder en bas et voir en dessous de soi un énorme trou sans fond s’enfonçant dans les ténèbres… Ces petits moments vous donnent des frissons et génèrent de petites pointes émotionnelles en vous ! »Que peut-il bien y avoir dans cette fosse sous-marine ?
Source : gameplay.tips
Subnautica et Outer Wilds sont deux véritables chefs d’œuvre où exploration, découverte, mystère et aventure seront les points cardinaux de votre expérience.
Le premier est un jeu d’aventure où le but sera de survivre sur une exoplanète entièrement recouverte d’eau. Le second est une simulation d’exploration spatiale où le joueur est bloqué dans une boucle temporelle se réinitialisant toutes les 22 minutes, temps que nous disposons pour en apprendre à chaque fois un peu plus sur notre système solaire et sur l’origine d’une civilisation extraterrestre disparue, les Nomaï. Chacune des planètes que nous devrons visiter aura son lot de mystères et toutes les informations découvertes lors de chaque boucle seront consignées dans un journal de bord.Un système solaire rempli de mystères, un soleil se transformant en supernova et précipitant la mort du joueur toutes les 22 minutes, une civilisation dont les causes de sa disparition sont inconnues… Voici ce qui vous attend dans Outer Wilds !
Source : kotaku
Une ambiance unique se dégage de ces deux titres. Que ce soit dans Outer Wilds ou dans Subnautica, une connexion émotionnelle s’opère instantanément pour quiconque souhaite s’embarquer dans un univers singulier rempli de mystères. Parmi tous les éléments de game design qui participent à la construction du « frisson de l’inconnu », nous nous arrêterons sur deux concepts de jeu qui se substituent au support cartographique et qui contribuent à créer cette atmosphère si exaltante.
Ces deux titres reprennent en effet le principe de la carte mentale. Le joueur, pour dresser une cartographie de son environnement, va pouvoir s’appuyer sur des éléments de localisation diégétique. Dans Subnautica, nous pourrons rapidement construire et déposer des balises à des endroits importants du monde, afin de maîtriser notre exploration et le territoire. Dans Outer Wilds, nous disposons d’une carte très sommaire nous présentant la position des différents astres composant le système solaire. Néanmoins, le véritable élément de navigation sera le Signaloscope, un appareil qui vous indiquera la localisation des lieux importants à visiter.
Les balises indiquent leur position directement dans le jeu :
Source : Reddit
Dans Outer Wilds, nous disposons d’une carte très sommaire nous présentant la position des différents astres composant le système solaire. Néanmoins, le véritable élément de navigation sera le Signaloscope, un appareil qui vous indiquera la localisation des lieux importants à visiter, chaque repère ayant sa propre signature sonore.
[https:]]Source : Youtube
La curiosité du joueur, vecteur de reconstitution mentale du territoireLe système de journal de bord proposé par Outer Wilds est un élément clé du jeu. Véritable cartographie des informations recueillies au cours des nombreuses boucles de 22 minutes que vous enchaînerez, le journal associe les informations aux lieux et participe à cette spatialisation cognitive de l’espace dans lequel nous sommes lâchés. Les cartes affublées d’un « ? » signalent l’existence de mystères attendant d’être découverts, encourageant ainsi le joueur à poursuivre son enquête.
Capture d’écran du journal de bord.
Source : eurogamer
Un système similaire est présent dans Subnautica où, à intervalle régulier, vous recevrez un message envoyé par un destinataire inconnu sur votre radio, vous incitant à vous rendre dans une zone du jeu encore inexplorée. Ce sont ici deux mécanismes différents mais diablement efficaces pour produire ce sentiment d’exaltation face à l’inconnu tout en se substituant de manière intelligente au traditionnel support cartographique.
De mystérieuses transmissions géolocalisables seront envoyées sur votre radio, vous encourageant à rejoindre le lieu du signal émis :
Source : craftableworlds
La carte dans les jeux vidéo est un objet singulier, prédominant et à forte valeur artistique. Elle n’est pas uniquement présente dans un but informatif et descriptif ; elle participe à donner vie et cohérence à l’univers dans lequel les développeurs souhaitent plonger les joueurs. Elle n’est cependant pas nécessaire et certains titres la délaissent volontairement, cela dans le but de produire des sentiments d’exaltation et d’inquiétude enivrantes face à la méconnaissance du monde dans lequel ils évoluent.
_________________________
[1] « Ensemble d’informations affiché en périphérie du centre de l’écran et renseignant le joueur sur son personnage ou son environnement : score, niveau, santé de son personnage, arme utilisée, nombre de munitions restantes, carte… » wikipédia
[2] L’espace-temps dans lequel se déroule l’histoire proposée par la fiction d’un récit, d’un film, d’un jeu vidéo
[3] Un filtre colorimétrique « Kurosawa » permet également de jouer au jeu en Noir & Blanc.
[4] « Le level design consiste à conceptualiser le niveau d’un jeu. Il prend tout son sens quand il s’associe au game design. » [https:]]
[5] Jenova Chen est un game designer et fondateur du studio Thatgamecompany. Il a été rendu célèbre grâce au succès de son jeu Journey et pour sa thèse sur la théorie du flow, concept défini comme étant « le sentiment d’une concentration complète et sous tension dans une activité, avec un haut niveau de plaisir et de satisfaction », (Chen J., 2007 : p. 4)
[6] La thèse de Valdemar Ribbing and Laban Melander est disponible ici
Références mentionnées :
CHEN Jenova, 2007, Flow in games (and everything else), Université de Californie du Sud.En savoir plus :
– ROMIEU Sylvain & MECHERI Damien, 2017, Dark Souls. Par-delà la mort, Volume 1 et 2, Third Editions
– L’excellent podcast FinDuGame animé par ExServ, Hugo et ThomasBillets liés :
Tony Hauck (2021), La carte dans les jeux de stratégie #1/3
Tony Hauck (2021), La cohérence des univers par la carte #2/3 -
16:37
La cohérence des univers par la carte : le cas des RPGs et des jeux à monde ouvert #2/3
sur Carnet (neo)cartographiqueEnclosure: [download]
Suite de ce dossier, réalisé par Tony Hauck, consacré à la cartographie dans l’univers du jeu vidéo. Ce second billet fait un focus sur les jeux de rôles et les jeux à monde ouvert. (Lire le billet précédent #1/3) .
Nous allons aborder ici l’intégration des cartes dans les jeux de rôle (RPG ou role–playing game) et les jeux à monde ouvert (open world en anglais) !
Que ce soit dans The Witcher 3, Skyrim, la saga des Final Fantasy ou dans la multitude d’open world sortant chaque année, la carte, au-delà de la possibilité offerte par le joueur de pouvoir se repérer dans un environnement, cherche avant tout à donner vie et cohérence à un univers virtuel.
Tolkien, lui-même disait qu’une bonne histoire devait toujours commencer par une carte. C’est exactement ce chemin qu’empreinte ces genres de jeux. La topographie, le placement des villages, celui des cours d’eau, des plaines, l’ajout de populations définies par des codes sociaux uniques, des us et coutumes et des normes architecturales caractéristiques, etc… la carte est la synthèse du terrain de jeu s’offrant au joueur.
Tout prend sens et s’harmonise au sein de la dimension géographique.Pendant un temps, la représentation cartographique est devenue un véritable atout marketing dans une industrie vidéoludique où les mètres étalons se résumaient sommairement à la richesse géographique d’un jeu et à l’immensité de ces environnements, synonymes de plusieurs dizaines d’heures de jeu en perspective… Malheureusement, cette vision tronquée de l’open world donne régulièrement naissance à des titres vides et sans âme, souvent comparés à des coquilles vides.
Les développeurs ont très bien compris l’importance de la carte dans les RPGs et les open world, d’où le soin apporté à celle-là. Et attention aux yeux ! Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que certains studios de développement se sont fait plaisir !
On peut penser par exemple à Skyrim et à sa représentation en 3D isométrique de Bordeciel (le territoire fictif dans lequel prend place l’aventure).
Source : Nexusmods
Autre exemple avec ce patchwork de biomes dans le jeu Just Cause 4
Source : Reddit
La jolie carte composée par CD Projekt dans The Witcher 3 lorsque celle-ci n’est pas recouverte d’icônes en tous genres et de points d’interrogation, rendant la navigation sur la carte relativement pénible
Source : [https:]]
Constat similaire du côté de la carte d’Assassin’s Creed Odyssey : une belle carte du monde truffée d’icônes et autres marqueurs.
La cartographie, un piège pour les développeurs de jeuSource : sidequest.blog
Les cartes de The Witcher 3 ou d’Assassin’s Creed Odyssey sont révélatrices de ce piège dans lequel tombent régulièrement les développeurs de jeu, à savoir réaliser une carte du monde surchargée d’icônes, créant une angoisse, lorsque l’on débute le jeu et de la lassitude au fur et à mesure de la progression du joueur. Les développeurs ont bien tenté de réduire cette surabondance d’informations par le biais de divers artifices (réduction de l’opacité des icônes lorsque le lieu a été visité, possibilité de filtrage des marqueurs par catégorie, etc.), malheureusement ce sont là des caches misères qui ne réduisent que très peu cette impression d’être noyé sous une palanquée de tâches et d’activités.
Cette surabondance de figurés sur la carte est un procédé régulièrement pointé du doigt par les communautés de joueurs dans les open-world et les RPGs. Les développeurs souhaitant garder le joueur actif et captif du jeu, lui propose toutes sortes d’activités – bien souvent inutiles – parfois synonymes de remplissage. Les quêtes dites FEDEX en sont un exemple :
« j’ai perdu mon marteau de forgeron dans une grotte remplie d’ennemis, pourrais-tu aller me le chercher ? ».Néanmoins, certains jeux ont trouvé de l’inspiration du côté des cartographes et des géomaticiens pour proposer des cartes allégées et plus digestes.
Des cartes qui se complètent avec la progression du joueurLa carte de Red Dead Redemption 2 est un exemple de carte que je trouve à titre personnel bien construite.
Source : shacknews
Dans Red Dead Redemption 2, la carte épurée style papier se complète au fur et à mesure de l’exploration du joueur par des annotations et autres gribouillis, à la manière de la carte de The Last Of Us 2 ou de Silent Hill 2.
Silent Hill 2 (image de gauche) et The Last Of Us 2 (image de droite)
Sources : gamefaqs & pushsquare
Ainsi, nous ne sommes pas noyés sous un flot abrupt d’informations visuelles, les diverses couches d’informations s’affichant sur la carte au fur et à mesure de notre progression dans le jeu.
La réutilisation du fog of warLe concept de fog of war que nous avions abordé lors de notre précédent billet (voir) est également très présent dans les RPGs et les open world. Dans une frange importante de jeux vidéo, le joueur doit trouver des tours ou des espaces surélevés préalablement positionnés sur la carte afin de révéler toutes les activités disponibles aux alentours. C’est un procédé popularisé par Ubisoft avec sa série des Assassin’s Creed et que nous retrouvons dans bon nombre de titres.
Les « tours Ubisoft » sont des mécaniques de jeu qui se sont démocratisées avec le temps.
Source : primagames
Source : Reddit
Néanmoins, il est à noter qu’une partie des jeux actuels s’affranchit du système des « tours Ubisoft » et laisse plus de liberté aux joueurs, rendant l’exploration plus organique et moins redondante. L’un des exemples les plus aboutis est sans conteste The Legend of Zelda : Breath Of The Wild (Lire l’excellent thread Twitter de @TourbeTourbe qui donne toutes les clés pour comprendre comment le titre de Nintendo bouscule les codes de l’exploration).
Une information cartographique calibrée sur les niveaux de zoomUne autre manière d’alléger une carte dans les RPGs et les open world est d’avoir une information cartographique qui évolue en fonction du niveau de zoom. Même si Cyberpunk 2077 souffre des mêmes lacunes cartographiques que son grand frère The Witcher 3 (comme la surabondance nauséeuse de marqueurs de localisation), le titre de CD Projekt propose tout de même une hiérarchisation de l’information géographique et un affichage scalé sur l’échelle de la carte :
Exemple avec la carte du jeu Cyberpunk 2077 :
Source : [https:]]
- A petite échelle (image de gauche), la carte nous présente les différents quartiers et les localisations importantes liées à la mission principale du jeu.
- A moyenne échelle (en haut à droite), nous avons la localisation des missions secondaires et les lieux intéressants qui s’ajoutent sur la carte.
- A grande échelle (en bas à droite) … Fuyez.
Le scaling de l’information géographique sur les niveaux de zoom est un procédé que l’on peut également retrouver dans Red Dead Redemption 2.
[https:]]Source : https://www.youtube.com/watch?v=nbG3d4_2Ocw
La carte, un élément incontournable des jeux vidéo ?Dans Hollow Knight, un jeu de la Team Cherry, le joueur ne dispose au départ d’aucune indication sur sa localisation et son environnement.
Les cartes se méritent,elles doivent être achetées auprès d’un cartographe, Cornifer, passionné par son métier :
Source : [https:]]
Cependant Cornifer est constamment sur le terrain, il faudra donc avancer à l’aveugle pour pouvoir le retrouver et lui acheter le fruit de son précieux travail !
Il est tout à fait possible de faire le jeu sans carte, mais cela compliquera grandement votre aventure et votre progression dans ces environnements étriqués. Ici, la Team Cherry propose de nous doter d’un support cartographique, mais à aucun moment on ne nous impose ce choix. Cette proposition vidéoludique est caractéristique du chemin emprunté par certains jeux vidéo ces derniers temps. Mais ça, nous le verrons dans un prochain billet …
Billet lié :
Tony Hauck (2021), La carte dans les jeux de stratégie #1/3
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21:07
MigrExploreR la migration mondiale
sur Carnet (neo)cartographique« … des gens, des milliers de personnes, pas des méduses
ou des grappes d’algues jaunes mais des gens, petites grandes vieilles
toutes qualités de personnes, qui dépérissent et qui périssent,
et longtemps vont mourir dans des garrots de frontières,
en bordure des nations, des villes et des États de droit… »
(Patrick Chamoiseau, Frères migrants)De tous temps les Hommes ont migré. Et ils ne sont d’ailleurs par les seuls. Les animaux, les plantes, les idées, les biens alimentaires ou les simples consommables ont eux aussi, toujours migré, pour notre consommation courante, nos loisirs. Les personnes que nous sommes aujourd’hui sont le résultat des migrations de celles qui nous ont précédées. Des migrations qui, par le brassage des populations qu’elles ont induit, ont justement permis notre évolution collective, ont forgé nos compétences, enrichi nos cultures, définit notre pluralité.
Cette application MigrExplorer, a fait l’objet d’un précédent billet présentant les modalités d’exploration des stocks (effectifs) de personnes étrangères appréhendées depuis un pays d’origine ou un pays de destination (voir).
On souhaite à présent montrer que la migration internationale n’est pas le fait de quelques personnes fuyant leur pays, certains pays pour en envahir un ou quelques autres. Que si l’approche locale voire régionale d’analyse des migrations internationales est pertinente, elle n’en reflète que le petit bout de la lorgnette. Elle ne saurait révéler l’amplitude spatiale et temporelle d’un phénomène migratoire intrinsèque à la nature humaine, son ampleur en termes de nombre de pays concernés, d’hommes et de femmes. Qu’il s’agisse d’émigration ou d’immigration, tout le monde et pratiquement tous les pays du monde sont concernés.
« Homo sapiens est aussi et surtout un Homo migrator…
Sapiens l’Africain n’est pas né dans un lacis de frontières aiguisées,
mais dans des écosystèmes ouverts, rythmés par les climats, les pénuries,
les abondances, sécheresses et submersions… ».
(Patrick Chamoiseau – ibid.)Le fait même de migrer, de partir vivre ou de s’installer ailleurs que sur son lieu de naissance est, typique, historique et mondial, indépendant du genre, de l’origine géographique et du niveau social, spatial etc. Dit autrement, on observe ce phénomène migratoire dans toutes les cultures, quel que soit le niveau d’observation : celui de l’immeuble, du quartier, de la ville, du pays et même du monde entier.
Se (géo)visualiser nos migrations mondialesMigrExplorer ambitionne justement de permettre de se (géo)visualiser cette migration mondiale qui nous concerne toutes et tous à l’échelle des pays du monde qui nous accueillent, afin que nous tous puissions prendre, par nous-même, la mesure de ce phénomène.
Il est ainsi possible d’explorer la géographie mondiale de l’accueil ou de l’émission de populations étrangères (quel que soit le motif de leur migration qui n’est pas précisé dans les données mobilisées), leur évolution dans le temps soit pour l’ensemble de la population, soit par genre, sous la forme de cartes ou de tableau.
Pour MigrExplorer la migration mondiale simultanément pour l’ensemble des pays, il faut cliquer sur « All countries ».
Puis définir la catégorie sociale que l’on souhaite visualiser :
– le Total correspond à l’ensemble des personnes qui résident dans un autre pays que le leur ;
– le sous-ensemble des femmes ;
– le sous-ensemble des hommes.Sélectionner aussi la temporalité. Les données sont disponibles pour les années 1990, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019.
La taille des cercles sur la carte peut également être paramétrée, en fonction de la vision de ces migrations que l’on souhaite obtenir.
La planche ci-dessous décrit le total de l’immigration et de l’émigration par pays en 1990, en 2015 (au moment de la crise des politiques migratoires européennes) et en 2019 (juste avant la pandémie). Les cartes formant cette petite collection sont strictement comparables.
Concernant l’émigration (cartes de gauche), en 1990, ce sont les ressortissants de la Fédération de Russie qui résident le plus à l’étranger, suivis de ceux de l’Afghanistan et de l’Inde. La situation diffère légèrement en 2015, avec l’Inde qui occupe la 1er place, suivie du Mexique puis de la Fédération de Russie. En 2019, l’Inde (2019) et le Mexique sont toujours les deux premiers, mais ils sont suivis par la Chine, la Fédération de Russie et le Bangladesh, à la 5e position. Viennent ensuite le Pakistan… le premier pays africain, l’Égypte, occupe la 19e place mondiale, en termes d’émission de migrants.
Du point de vue de l’immigration (cartes de droite), les États-Unis d’Amérique occupent le premier rang de l’accueil de populations étrangères. Ils sont suivis par la Fédération de Russie en 1990 et en 2015. L’Allemagne apparaît en 2019 en seconde position, elle est suivie par l’Arabie Saoudite, la Fédération de Russie et le Royaume-Uni qui occupe la 5e place. La France arrive est 6e position mondial pour l’accueil des populations étrangères.
MigrExploreR appartient à une famille d’applications cartographiques développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source]. Elle permet de représenter, par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) pour un pays donné ou pour l’ensemble des pays du monde, selon leur genre et à plusieurs dates.
Billets liés :
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021), MigrExploreR la migration mondiale. [Accéder]
- Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales. [Accéder]
- Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géovisualiser des migrations internationales. [Accéder]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2021) MigrExploreR la migration mondiale, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872 -
21:11
Géo-graphie des circulations maritimes
sur Carnet (neo)cartographiqueSupposons que l’on souhaite cartographier de manière cohérente les mouvements des transports maritimes.
Ce billet présente une communication à SAGEO’2016. Elle décrit une famille de solution apportée au problème général de l’effet spaghetti surgissant inévitablement lors de la cartographie de matrices de flux denses. Cette solution consiste à agir sur le fond de carte (maillage de la zone d’étude) afin de le rendre cohérent avec le fond de la carte (une circulation maritime) ; elle relève donc du traitement de l’information géographique sous-jacente à la cartographie de ces flux maritimes.
Trois types d’approches sont en effet envisageables pour cartographier un mouvement :
– une approche statistique ou mathématique ;
– une approche graphique ;
– une approche géographique – cartographique.L’exploration empirique de cette solution liée à l’information géographique a été rendue possible grâce à une petite collaboration que j’ai eu la chance de réaliser avec Claire Lagesse, dans le cadre du groupe fmr (flux, matrices, réseaux) en lien avec le programme ERC Worldseastems, coordonné par César Ducruet.
L’examen d’une action sur la géographie pour servir de support à la cartographie d’un flux maritime a en effet mobilisé les Listes Lloyd’s (2008) compilées dans Worldseastems, en complément de fichiers NaturalEarth pour l’information géographique. Passons les nombreux traitements réalisés par plusieurs autres collègues sur ces listes pour obtenir une base de données générale décrivant in fine les trajectoires (Lij) de différents types de navires transportant de port en port (i) des conteneurs, par delà les mers du monde. Les trajectoires étant pondérées, nous les qualifions de flux OD (Fij), que l’on a symétrisé pour éviter de gérer les problèmes inhérents aux sens de circulation.Cette base disposant également d’une épaisseur temporelle, seule l’année 2008 est considérée ici.
Ce qui est intéressant ici est de pouvoir disposer d’une très quantité importante de liens qui sont par ailleurs pondérés, de sorte que les solutions manuelles de cartographie des mouvements correspondants ne sont pas applicables. Cette situation est assez exceptionnelle car en pratique, les routes et leur sémantique ne sont pratiquement jamais connues simultanément : on accède généralement soit aux routes ou soit aux tableaux de déplacement ; l’une ou l’autre information pouvant être utilisée en complément éventuel de données décrivant les navires d’un côté et les ports de l’autre.
Si les cartes telles celles de Marine Traffic et consorts (voir ci-après) décrivent très précisément les routes empruntées par les navires, les lignes pourtant esthétiquement colorées mais à l’épaisseur identique ne signifient rien en termes de quantités transportées, ni sur les opérations de transport maritime. On ne sait absolument pas qui transporte quoi et qui passe par où depuis où. Les données AIS figurent quant à elles, très finement, les positions spatio temporelles des navires, elles ne décrivent pas précisément leurs routes.
On voit donc l’intérêt de l’exploration réalisée ici qui permet d’explorer de nombreuses routes caractérisées selon plusieurs variables.
La cartographie des données de trajectoires réalisée en première intention – selon une logique de flux consistant à tracer un lien droit pondéré entre les OD – sur l’espace transméditerranéen est celle-ci.
Carte 1. Volume de flux maritimes euro-méditerranéens
Au niveau théorique, on observe (avec satisfaction) que les liaisons présentant les tonnages les plus importants – les liens les plus larges – sont également les plus courts (i.e. s’expriment à courte distance) ; la couleur des liens étant fonction de leur densité. Inversement, les lignes qui sont les plus grandes transportent les quantités les moins importantes, en termes de tonnages ; elles s’expriment sur longue distance. Ce sont elles qui brouillent la carte, répondant alors à la définition de l’effet-spaghetti (Voir ici).
Cette carte soulève deux familles de problèmes :
– au niveau graphique : l’image est visuellement trop complexe pour pouvoir être lisible (effet-spaghetti), des informations permettant le repérage sont inexistantes, alors même que les données sont projetées ;
– au niveau thématique : la cartographie de ces flux de marchandises, réalisés par voie maritime, est absurde, car elle décrit des échanges impossibles dans la réalité. Ce transport conteneurisé n’est pas supposés franchir des continents comme le laisse supposer la carte 1.Pourquoi on en arrive là ? A faire des cartes de flux à ce point absurdes ?
Parce que l’espace géographique concerné par ces échanges n’est pas pris en compte dans la cartographie.
Comment est-ce possible de faire une carte (géographique) sans considérer l’espace (géographique) ?– Le problème général : les contraintes géographiques exercées sur l’expression de ces échanges, les caractéristiques de ce type de transport par des navires circulant sur les mers du globe, ne sont pas prises en compte dans la modélisation cartographique (quand bien même ils l’auraient été dans leur modélisation numérique). C’est pourquoi les flux franchissent les mers et les terres de manière indifférenciée.
Existe t-il des solutions ?
Plusieurs solutions sont en réalité envisageables, et elles sont plus ou moins opérantes.
L’une d’entre elles consiste à cartographier des flux maritimes … dans leur espace de définition, à savoir l’espace maritime. Bah oui.Dis comme cela paraît très simple. Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?
Parce que ce n’est justement pas si facile : les solutions automatisées / automatisables existantes (de type edge bundling) se sont révélées finalement peu opérantes sur ce type de flux.
Nous avons toutefois trouvé une solution, présentée ci-dessous.– la solution : adopter une logique de mouvements, c’est-à-dire un raisonnement qui conduit à cartographier des mouvements maritimes et non des flux maritimes. Cela suppose dans ce cas particulier de considérer l’espace géographique d’expression de ces échanges (ici l’espace des océans) dans le processus cartographique, dans le dessin du flux, à le forcer à rester en mer.
On notera au passage que c’est cette posture qui consiste à ne pas considérer la géographie des échanges étudiés dans la fabrique cartographique qui rend les cartes de flux terrestres fausses, sinon peu intéressantes pour l’analyse thématique. Le même type de raisonnement pourrait ainsi être appliqué à des flux terrestres de type migratoire – la situation est différente pour les flux aériens.
L’approche géographique consiste à agir sur l’information géographique – cartographique qui va servir de support à la représentation, donc sur le maillage (territorial ou spatial). Précisons au passage que le volet cartographique de cette approche varie en fonction du support, il peut être mis en œuvre sur un support statique (comme ci-dessous) ou bien animé / interactif, pour une représentation active (ou animée) du mouvement.
Pour représenter des flux, rappelons que l’implantation spatiale est bi ponctuelle, alors qu’elle est linéaire dans la représentation d’un mouvement ; cette dernière éventualité ne pouvait être directement mise en place car la connaissance de la trajectoire (voir ci-dessous) n’est pas suffisamment précise, autrement dit, nous ne disposons par de nœuds suffisants pour pouvoir résoudre l’effet d’itinéraire posé par ce type de carte.
Mobiliser l’information géographique consiste donc ici à trouver une solution pour contraindre les trajectoires des navires à s’exprimer sur des routes d’un espace maritime (en rouge ci-après) niveau mondial et non librement (en bleu ci-dessous), le résultat apporté étant incohérent avec la thématique.La méthode mise en œuvre (par Claire Lagesse entre autres) comporte trois étapes :
– une segmentation de l’espace maritime, en le reconstruisant sous la forme d’un maillage théorique, formellement un graphe sur lequel il serait possible de circuler ;
– sur ce graphe, une reconstitution des trajectoires de navires entre des nœuds donnés (des ports), en utilisant logiquement une métrique de plus court chemin ;
– une agrégation des trajectoires ainsi reconstituées pour former des routes maritimes théoriques et a peu près cohérentes.Deux possibilités de représentation de ces mouvements maritimes, selon deux approches ont ensuite été examinées sur la sélection de trajectoires impliquant l’espace euro-méditerranéen. Ce qui m’intéressait en particulier à ce stade était de voir comment cette contrainte spatiale (de localisation à terre des ports et des routes en mer) pouvait influer sur le rendu cartographique de ces flux maritimes, en mode discret et continu.
L’approche discrète prenait pour support le maillage maritime reconstitué, pour une cartographie de la fréquence du trafic sur les routes maritimes calculées. Pour éviter de gérer les problèmes graphiques liés aux sens de circulation et à l’orientation des lignes (les flèches etc.), les données de traffic ont été transformées en volume bilatéral.Carte 2. Volume de mouvements euro-méditerranéens – approche discrète
Cette carte (en bleu) des fréquences de navires met en évidence les grandes artères et corridors de ce trafic maritime – elle peut être considérée comme une variante des cartes précédente décrivant la densité du trafic maritime.
Elle a notamment permis de valider l’hypothèse selon laquelle 80% du trafic maritime mondial se concentre sur des arcs inter portuaires de moins 5 000 km. Une variante de cette carte consiste à représenter les tonnages transportés sur ces mêmes lignes (en rouge ci-dessus).L’approche continue pour une cartographie des mêmes quantités pondérées par la fréquence de lignes maritimes est présentée ci-dessous (Carte 3).
Carte 3. Volume de mouvements euro-méditerranéens – approche continue
Cette carte des volumes transportés révèle les lignes de force de l’espace maritime euro-méditerranéen, elles sont caractérisées par une desserte inégale des ports, et une dépendance à l’Asie via le canal de Suez.
On montre ainsi que, à la différence de la représentation cartographique classique des flux (Carte 1), selon une logique de flux, la cartographie d’un mouvement s’inscrit nécessairement ces mêmes flux dans un territoire (maritime, ici).
En inscrivant l’analyse dans un environnement purement géomatique, pour explorer des solutions cartographiques, agissant sur l’information géographique sous-jacente, on montre d’une part, le rôle joué par l’espace, via le maillage géographique (le fond de carte) dans la représentation de ces déplacements, d’autre part, l’importance d’une réflexion théorique menée en amont sur le type de carte à réaliser au regard de la thématique (flux ou mouvement du transport maritime)._______________
Références :
Bahoken F., Lagesse C., Ducruet C. (2016), L’approche cartographique de la représentation du mouvement spatial. L’exemple des flux commerciaux maritimes euro-méditerranéens, in Actes de la conférence internationale Spatial analysis and geomatics (SAGEO’2016), Nice, 6-9 Décembre, pp. 44-60.
Bahoken F., (2015), Éléments pour une représentation (carto)graphique des matrices de flux?», M@ppemonde, n°115, 16?p. AccéderGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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8:39
Peters vs Mercator ?
sur Carnet (neo)cartographiqueArticle original à retrouver en français ici et en anglais (avec les code sources) là.
Camarades cartographes, vous connaissez peut-être la série « À la Maison-Blanche » (The West Wing), cette série américaine créée par Aaron Sorkin et diffusée aux États-Unis sur le réseau NBC de 1999 à 2006 et en France à partir de 2001. Cette série récompensée à de nombreuses reprises, met en scène la vie d’un Président des États-Unis démocrate incarné par Martin Sheen et de ses collaborateurs, installés dans la fameuse aile Ouest de la Maison-Blanche, The West Wing en anglais.
Quel rapport avec la cartographie ? Le fait est que dans l’épisode 16 de la deuxième saison, une journée porte ouverte est organisée à la maison blanche pour recevoir « tous ceux qui veulent discuter de choses dont on se fiche éperdument ». C’est ainsi que débarquent trois universitaires membres de l’organisation des cartographes pour l’égalité sociale (sic). Ils sont là pour réclamer une législation visant à rendre obligatoire dans toutes les écoles publiques, l’utilisation par les professeurs de géographie de la projection de Peters au lieu de la traditionnelle Mercator.
« La Terre est bleue comme une orange » (Paul Eluard)Depuis l’antiquité, tous les cartographes ont du faire face à une épineuse question : comment dessiner en deux dimensions sur une feuille de papier ou un écran un Monde en trois dimensions. En d’autres termes, comment passer de la sphère au plan ? Faites l’expérience avec une orange, épluchez-là et essayez de disposer son écorce à plat sur la table devant vous. Un constat s’impose, il y a mille et une façons de procéder et quelle que soit votre technique, il y aura des cassures et des déformations. Au final, l’image de l’orange mise à plat sur la table ne pourra être autre chose qu’une orange déformée, bien loin de l’objet sphérique initial. Alors comment s’y prennent les cartographes pour se jouer de cette difficulté ?
Le Monde de MercatorAu 16e siècle, le cartographe Mercator proposa une projection très astucieuse qui avait l’avantage de reproduire assez fidèlement la forme des différents pays et continents. Autre avantage, sa carte qui était destinée aux marins européens comme outil de navigation, leur permettait de suivre le cap en traçant simplement une ligne droite sur la carte. Par contre, pour rendre cela possible, cette projection cartographique avait l’inconvénient d’exagérer fortement les surfaces des pays au fur et à mesure que l’on se rapproche des pôles. Par exemple, sur cette carte, le Groenland semble 15 fois plus grand que le Mexique alors qu’en réalité les deux pays font à peu près la même taille. L’Afrique semble plus petite que l’Amérique du Nord alors qu’en réalité, avec 1/5e des terres émergées de la planète, c’est le plus grand continent après l’Asie. Autre écueil, l’Allemagne est située au milieu de la carte alors qu’en réalité elle est bien plus au Nord. Au final, la carte de Mercator surreprésente très largement les pays du Nord au détriment de ceux du Sud. Pour les fameux experts cartographes de la série télé, la projection de Mercator encourage ainsi « une attitude européenne impérialiste depuis des siècles et a créé des préjugés ethniques contre le tiers monde ». Pourtant, d’autres façons de dessiner le Monde sont possible.
La projection Gall-PetersDans une volonté de combattre ce discours cartographique dominant, un cartographe Allemand du nom d’Arno Peters donne son nom au début des années 1970 à une projection qu’il présente alors comme supérieure à celle de Mercator. Même s’il ne s’agit pas vraiment d’une invention puisque cette façon de représenter le Monde avait déjà été décrite en 1855 par James Gall (on parlera alors plutôt de projection Gall-Peters), Peters la sort de sa dimension purement technique pour l’inscrire dans une démarche altermondialiste et militante. Car cette carte a en effet de nombreux atouts. Contrairement à la carte de Mercator, elle dessine un monde où la surface de tous les pays sont scrupuleusement respectés. Sur cette carte, l’Afrique paraît massive tout simplement parce que l’Afrique est gigantesque dans la réalité. Plus de 30 millions de km². A contrario, l’Europe semble toute petite et ratatinée en haut de la carte car dans la réalité, c’est le plus petit continent après l’Australie. Au final, cette projection redonne aux pays du Sud l’importance qu’ils méritent. Car toujours selon les experts de la maison blanche, « tant que la représentation des pays du tiers monde sera erronée, ils seront sous estimés ».
Perdre le NordAussi, pourquoi ne pas questionner aussi la position des différents pays sur la carte ? Qui mettre au centre ? Qui mettre en haut ? Qui mettre en bas ? Si en Europe on a l’habitude de représenter le monde centré sur l’Europe, sachez que les américains et les japonnais en font de même. Leurs planisphères sont bien souvent centrés sur leur pays. Par ailleurs, puisque la terre est ronde, pourquoi ne pas remettre en cause également notre façon de toujours représenter le Nord en haut de la carte ? Une sphère n’a ni haut, ni bas. Et cela c’est justement ce qu’a essayé de rappeler en 1979 le géographe australien Stuart McArthur en proposant une carte « à l’envers » où l’Australie règne triomphalement en haut de la carte. Rappelons au passage qu’au cours de l’Histoire, l’orientation des cartes au Nord n’a pas toujours été une évidence. Au moyen âge par exemple, les cartes européennes étaient tournées vers l’est, vers l’orient. C’est d’ailleurs de là que provient le mot « orienter » qu’on utilise souvent en cartographie pour parler du nord. Un contre sens, donc… Au final, retourner la carte est un moyen d’en changer le message. Car comme le disent les membres de l’organisation des cartographes pour l’égalité sociale, « tant que la projection de Mercator exagérera l’importance des pays occidentaux, et tant que l’hémisphère nord se trouvera en haut, et que l’hémisphère sur sera en bas, malheureusement les gens tendront a adopter une attitude allant du haut vers le bas ».
Mille et une façons de dessiner le MondeEn résumé, les projections cartographiques sont un moyen d’expression pour les cartographes leur permettant de raconter le Monde dans lequel nous vivons. Déformer, à la manière d’une caricature, permet de « grossir le trait » pour attirer le regard vers ce qui est important (en le plaçant au haut et au centre) et minimiser ce qui l’est moins (en le reléguant sur les bords voir au-delà des limites de la carte). Un simple fond de carte porte donc en lui des idées, des choix sous-jacents pour exprimer une vision du Monde. Celle-ci peut être porteuse de valeurs égalitaires comme la projection polaire ou simplement d’une vision géopolitique comme celle inventée par Xao Xiaoguang en 2002. Choisir telle ou telle façon de dessiner le Monde c’est toujours prendre parti. Rien n’est anodin en cartographie. Tenez-vous le pour dit !
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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7:06
Jeux vidéo : la cartographie au service d’expériences immersives
sur Carnet (neo)cartographiqueAujourd’hui, dans Néocarto, nous sommes ravis d’accueillir deux personnes : Eve Ben-Haïm, Inspirational Content Advisor et Julien Laurent, chef de projet Web, tous deux cartographes en immersion dans l’imaginaire du jeu vidéo.
Néocarto : Bonjour et bienvenue à vous deux. Quels sont vos parcours respectifs ?
Eve : Bonjour Néocarto ! je vous remercie de nous recevoir. Je m’appelle Eve BEN-HAÏM et je suis Responsable des Recherches de Terrain – Inspirational Content Advisor à Ubisoft. Je suis issue d’une formation à l’Université Paris-Sorbonne : j’y ai réalisé une Licence en Géographie et Aménagement, suivi d’un Master de Géographie, Aménagement, Environnement et Logistique des échanges, spécialité Culture, Politique Patrimoine. Je me suis consacrée à de nombreux projets de terrains, et j’ai développé des connaissances et des expertises en géographie humaine et environnementale. J’y ai également appris la cartographie, entre autres auprès de vous, Françoise Bahoken. J’ai conclu mon mémoire en Juin 2019, et j’ai rejoint la Research Unit d’Ubisoft depuis Novembre 2019.
Julien : Bonjour, je m’appelle Julien LAURENT, et ça fait cette année 10 ans, que je travaille chez Ubisoft. Originellement formé aux métiers du web, J’ai officié en tant que Web designer en agence avant d’entrer chez Ubi où j’ai occupé divers postes, finalement toujours en lien avec le partage d’expertise et plus généralement des connaissances auprès de nos studios de production. Je suis aujourd’hui chef de projet Web dans la Research Unit.
Source : Cartograph, Time zones (Julien Laurent)
Néocarto : En quoi consistent vos métiers aujourd’hui ?
Eve : Ubisoft est un des leaders mondiaux de la création et de l’édition de jeux vidéo. La Research Unit est une équipe transdisciplinaire dans laquelle nous mettons en commun nos différentes expertises en sciences humaines pour apporter du soutien aux studios d’Ubisoft dans leurs processus de création et de production. Ce système internalisé contribue à la fabrication d’univers immersifs, authentiques, et plus ou moins inspirés par la réalité. Notre objectif est de fournir aux équipes les informations scientifiques nécessaires pour s’assurer de la cohérence des univers qu’ils créent, tout en les nourrissant de contenus inspirationnels pour étoffer leurs perspectives créatives.
Jeux de rôle au quotidien
Au quotidien, cela se traduit par plusieurs rôles que nous occupons :
- Nous mettons en place et alimentons des encyclopédies en interne, dédiées aux différents projets de jeux ou transversaux. Nous y écrivons des articles multimédia et interactifs, qui ont l’avantage d’être plus précis et orientés pour les besoins de nos équipes que les wikis « grand public » que l’on retrouve en ligne.
- Nous contribuons à l’écriture de livres internes qui accompagnent les différents projets.
- Nous sommes sollicités pour réviser les contenus envisagés pour les jeux (personnages, quêtes, environnements…) afin d’y apporter notre point de vue.
- Nous emmenons certains membres de l’équipe sur le terrain afin de les aider à prendre la pleine mesure des facteurs sociaux, environnementaux, et des activités qui font l’essence d’une région, d’une ville.
Julien : Quant à moi, mon cas est un peu spécifique dans l’équipe Recherche vu que je m’occupe de créer et de faire évoluer les outils web nous permettant de mener à bien notre mandat inspirationnel. Nous étoffons ces outils au jour le jour pour continuer à enrichir notre palette d’action. Concrètement, je m’occupe de définir les besoins et de porter la vision produit. Je travaille au long cours avec une petite équipe de webdesigners et développeurs au quotidien pour implémenter tout ça.
Néocarto : Depuis quand vous intéressez-vous aux jeux vidéos ? Certains vous ont-il plus marqué que d’autres ?
Eve : Je m’intéresse aux jeux vidéo depuis ma toute jeune enfance, car à ma naissance, ma grande sœur avait déjà une PlayStation 1. Je me prends tout particulièrement de passion pour les jeux qui me font découvrir des univers remplis de mystères. J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir un monde à travers les âges transformé par des singes dans Ape Escape. Foncer à toute allure dans les merveilleux paysages de Rayman Origins est très satisfaisant pour moi, autant que de planifier une stratégie d’attaque et de défense au cours d’une partie tendue de Rainbow 6 Siege.
Julien : J’ai commencé avec la Game boy et la NES il y a fort longtemps, et la liste des jeux qui m’ont retourné, fait vibrer et émerveillé est bien trop longue pour être énoncée ici. Mon dernier coup de cœur est Outer Wilds, un savant mélange d’exploration spatiale et d’énigmes dont la fin, profonde, m’a mis les larmes aux yeux. Vous avez 22 minutes avant l’explosion du soleil en supernova et beaucoup de choses à découvrir
Néocarto : Eve, arrivez-vous à faire le lien entre la cartographie académique et la cartographie imaginaire ou virtuelle des jeux vidéos ?
Eve : La cartographie est omniprésente dans les jeux vidéo : de l’écran de pause aux « mini-maps » à même l’écran de jeu, les joueurs et les joueuses ont accès à des cartes dans la grande majorité de leurs expériences. La cartographie imaginaire est une chance de mobiliser ce qui pourrait être un outil informatif de prime abord comme un vecteur d’immersion, d’histoires, d’émotions. Les cartes d’univers sont l’héritage d’une véritable tradition de la fiction en littérature, et les jeux vidéo peuvent s’en inspirer pour inviter les joueurs et les joueuses à découvrir leurs univers. De très nombreux romans de fiction s’ouvrent sur une carte pour faire exister empiriquement leur univers, à l’instar du Seigneur des Anneaux. De la même manière, nos cartes de jeux vidéo visent à transmettre des informations, mais également un sentiment d’univers propre, qui existe, aux joueurs et aux joueuses.
Cartographier pour « conscientiser » l’architecture d’une carte
D’un point de vue technique, croiser des compétences de cartographie académique aux forces créatives des jeux est un bon moyen de conscientiser l’architecture d’une carte. En somme, d’affirmer les intentions des équipes de création en matière de cartographie, de cerner ce que l’on souhaite créer à travers notre carte.
« A quoi sert notre carte ?
Que veut-on transmettre aux publics ?
Avec quel niveau d’intensité ? »
La GIS [SIG, ndlr] est également un outil utile pour nos équipes, pour deux raisons principales. Dans un premier temps, la vision « par layers » induite par la pratique des GIS est d’une grande aide lorsqu’il s’agit de trier et de hiérarchiser les très nombreux niveaux d’information que nous essayons de faire coexister au sein d’une carte de jeu. D’autre part, l’utilisation de cartes interactives fabriquées à l’aide de l’outil Cartograph de Julien, est un atout majeur pour transmettre des informations claires et lisibles à l’aide du langage quasi-universel qu’est la cartographie.
Cartograph, c’est l’outil de Julien. Cette carte sur les invasions perses est un exemple de carte qui peut accompagner les équipes sur un projet historique…
Source : Cartograph, Persian invasion (Julien Laurent)
… un projet historique comme Assassins Creed Odyssey, qui se déroule pendant les guerres du Péloponnèse.
La cartographie pour créer du contenu, le mettre en perspective, …
Néocarto : Eve, vos compétences (méthodes et outils de l’analyse cartographique) acquises à l’Université vous sont-elles utiles ? En quoi vous permettent-elles de spécifier votre poste actuel, de l’enrichir ?
Eve : Les compétences universitaires me servent au quotidien dans la mesure où notre équipe s’attache à l’authenticité scientifique et historique. Elles permettent de compléter les forces créatives et artistiques des équipes pour que, de concert, nous puissions bâtir des univers imaginaires cohérents, denses et inspirés.
De manière très directe, les compétences dédiées à la recherche, telles que la recherche de documents et la création de contenus pédagogiques constituent le cœur de mon métier.
Mes compétences cartographiques sont mobilisées dans deux contextes au quotidien :
- D’une part, lorsqu’il s’agit de créer du contenu de support aux équipes de création. C’est-à-dire qu’à l’aide de l’outil de Julien, nous allons créer des cartes interactives pour permettre aux membres des équipes de création et de productions des jeux de s’informer et d’accéder à des informations scientifiques par ce biais. Un studio de jeu est constitué de nombreuses personnes qui travaillent à des tâches différentes les unes des autres : imaginez arriver dans un studio en tant que [développeur], et apprendre que vous allez travailler sur un jeu dédié à la culture viking. Il est bon d’avoir accès à des moyens rapides et efficaces pour s’informer sur la période, afin d’être au même « niveau de connaissances » sur le sujet que le reste de ses collègues. Par ailleurs, nous essayons d’approfondir nos contenus, afin que tout le monde puisse s’inspirer et profiter de ces connaissances.
- D’autre part, lorsque les équipes travaillent directement sur la cartographie d’un jeu, je peux être mobilisée pour apporter mes perspectives. En règle générale, la cartographie est confiée à des designers et des artistes, qui réalisent un excellent travail. Mon objectif dans ce contexte va être, non pas de concevoir et de dessiner moi-même la carte du jeu, mais plutôt d’apporter des éclairages, de souligner quels éléments sont particulièrement réussis et à l’inverse lesquels pourraient être améliorés. J’essaie de poser les questions qui permettront de pousser la carte un cran plus loin, dans l’objectif de favoriser l’immersion et la rétention d’information du côté du public de nos jeux.
Néocarto : Julien, pourriez-vous nous présenter l’un des outils de cartographie que vous avez développés ?
Julien : Pour délivrer des contenus inspirationnels à des équipes ayant des questionnements extrêmement divers, il nous fallait un éditeur agile et suffisamment flexible pour pouvoir construire plusieurs types de cartes. Nous voulons pouvoir partager des cartes géopolitiques, des cartes historiques, des cartes choroplèthes, de la dataviz ou encore associer de manière interactive graphiques, media et autres informations additionnelles à n’importe quel point, polygone ou texte ajouté sur nos cartes.
Nous voulons être capables de créer des cartes illustratives très simples comme des cartes structurées avec des dizaines de layers et de sections. Ces dernières peuvent présenter une image globale d’un sujet, d’un contexte spatio-temporel qui intéresse les studios. Elles regroupent, par exemple, des informations sur les infrastructures d’une ville, leurs points d’intérêt, des flux, des indicateurs socio-économiques, etc.
… apporter un sentiment d’authenticité
Cette carte qui décrit le parcours de Helena est un exemple de support aux équipes lié au sentiment d’authenticité dans nos projets contemporains …
Source : Cartograph, Field Trip (Julien Laurent)
… à l’instar de Far Cry 5 qui se passe dans le Montana.
Il existe énormément d’applications GIS commerciales ou open source de qualité mais aucune ne nous permettait de répondre à tous nos besoins clé en main. Nous avions en plus besoin d’interfacer ces cartes avec nos autres outils. Nous avons donc conçu notre propre éditeur de cartes interactives [d’où sont extraites l’ensemble des images de ce billet] nous permettant de partager à n’importe quelle équipe d’Ubisoft ces contenus, qui peuvent les éclairer sur des éléments spécifiques concernant leurs projets. L’éditeur s’appuie sur une API et des fonds de carte bien connus puisqu’il s’agit de l’API Google Maps.
Source : US unemployment choropleth map, Ubisoft.
Le développement de cet outil est loin d’être terminé et il y a encore de nombreuses fonctionnalités qui nous manquent. Quelques exemples :
- A date, ce qui nous intéresse sont les cartes du monde réel, mais nous voulons pouvoir charger nos propres fonds de carte, ce qui va considérablement ouvrir le champ du possible.
- Continuer à développer l’intégration et la manipulation des fichiers GeoJSON (que nous gérons déjà) afin de faciliter le travail plus lourd sur des gros jeux de données.
- Nous allons mettre en place des outils de comparaison de cartes (typiquement une timeline pour comparer l’évolution d’un phénomène).
- Nous allons permettre la co-construction d’une carte entre plusieurs éditeurs.
J’en passe bien d’autres, mais c’est pour vous donner une idée.
De l’utilité des applications cartographiques dans le milieu du jeu vidéo
Néocarto : En quoi ce type d’application cartographique est-il utile dans l’univers du jeu vidéo ?
Julien : Par rapport au mandat inspirationnel de notre équipe, la capacité de partager des cartes taillées sur mesure est un atout absolument essentiel qui prolonge nos moyens d’actions. C’est un langage graphique familier, synthétique, qui nous permettra de creuser et d’accompagner notre propos.
Néocarto : Pour finir, quel message souhaitez-vous envoyer aux étudiant.e.s géographes, potentiellement futur.e.s cartographes ?
Eve : La géographie est une porte d’entrée pluridisciplinaire qui présente l’avantage d’être particulièrement professionnalisante, à l’échelle des sciences humaines. Je vous recommande de vous investir dans les projets qui vous passionnent et vous intéressent, d’en tirer le fil pour les développer. Une fois que ces projets sont réalisés, surtout : parlez-en. Si certains sujets attirent votre attention, c’est sans doute qu’ils intéressent également d’autres personnes. Communiquez autour de vos réalisations : la géographie et la cartographie sont des terrains de jeu très vastes. A vous de vous en approprier les outils pour tester, créer et apporter de nouvelles perspectives à vos projets !
Néocarto : merci à vous deux.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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18:25
La carte dans les jeux de stratégie #1/3
sur Carnet (neo)cartographiquePour poursuivre sur la cartographie dans l’univers du jeu vidéo, nous accueillons aujourd’hui Tony Hauck, un géomaticien – data designer freelance et féru de jeux vidéos ! Tony nous parle du support cartographique dans le jeu vidéo dans une série de 3 billets, à commencer par celui-ci. Nous lui laissons la parole.
Le support cartographique dans le paysage vidéoludique“I wisely started with a map and made the story fit”
TolkienQue ce soit dans des œuvres de fiction ou fantastique, les cartes ont toujours eu un rôle crucial.
Croquis de la Terre du Milieu par J.R.R Tolkien
Les jeux vidéo n’échappent pas à cette règle. En effet, que vous jouiez à un FPS (first-person-shooter), un RPG (jeu de rôle ou role playing game), un jeu d’aventure ou de stratégie, elles ont depuis longtemps été présentes et poursuivent des objectifs bien précis, objectifs qui diffèreront suivant les genres de jeu.
Daggerfall, sorti en 1996, est un jeu disposant d’une des cartes les plus étendues dans l’histoire du jeu vidéo (230 000 kilomètres² d’espace de jeu !).
Source : Daggerfall Forums
La carte n’est pas uniquement un support informatif sur sa localisation dans un monde virtuel, les destinations possibles s’offrant à nous et les différents chemins nous permettant d’y accéder.
La cartographie, dans les jeux vidéo, sert à donner corps à un univers imaginaire. Elle participe à la construction d’un monde fictif, à la création d’un tout crédible et cohérent et contribue grandement à la suspension consentie de l’incrédulité[1] du joueur.
Il existe autant de manières d’êtres de la carte
qu’il existe de genres de jeu vidéo.
Il existe une grande variété d’utilisation de la carte dans le médium vidéoludique. J’irai même jusqu’à dire qu’il existe autant de manières d’êtres de la carte qu’il existe de genres de jeu vidéo.Le bijou de Konstantinos Dimopoulos, Virtual Cities, propose une longue sélection de cartes de jeux vidéo. Son œuvre est surtout une preuve de l’exhaustivité de ce sujet et de la manière dont l’industrie vidéoludique s’est appropriée les codes de la cartographie au sein de son écosystème. L’importance de l’élément cartographique va différer suivant le genre du jeu auquel nous jouons.
La carte dans les jeux de stratégieDans le cas des jeux de stratégie ou des wargames[2], la carte va être le support principal de l’expérience de jeu et une grande partie des mécaniques de gameplay[3] auront pour dénominateur commun cette dernière. En effet, dans ces jeux que l’on nomme généralement jeu 4X (eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination), le joueur évolue sur une carte et son objectif est de tirer profit des ressources éparpillées autour de lui pour développer son territoire ou accroître son influence. Les jeux tels que Europa Universalis, Civilization ou bien la saga des Total War, sont des cas bien concrets où la carte se révèle être le médium principal du système de jeu.
En bref : Sans carte, pas de jeu !
Les jeux de l’éditeur Paradox Interactive et leur saga Europa Universalis sont connus pour l’austérité graphique de leur interface : une carte du monde et des graphiques. Néanmoins ce visuel (pouvant en rebuter plus d’un) laisse rapidement place à une expérience de jeu des plus chronophages, où nous sommes invité à réécrire l’histoire de la nation de notre choix sur une période s’étalant sur une de trois siècles !
Source: Europa Universalis.
Ce point de vue omniscient de la carte adopté dans les jeux de stratégie pourrait rapidement faire perdre l’intérêt et l’attention du joueur. En effet, ce dernier a une vue globale et il surplombe l’action, cela pourrait donc rendre les heures de jeu ennuyeuses et sans saveur dans la mesure où il sait tout, il voit tout et où il pourrait par conséquent prévoir les moindres mouvements de ces adversaires.
Néanmoins, c’est sans compter sur l’ingéniosité des développeurs, qui ont réussi à rendre l’expérience de jeu addictive et palpitante grâce à une astuce de game design[4] : le brouillard de guerre ou fog war.Le fog war est un élément de jeu dissimulant les belligérants, les ressources et les reliefs présents sur le terrain sous un brouillard épais qui ne sera rendu visible que lorsque le joueur se déplacera sur ces zones. Le brouillard de guerre oblige ainsi le joueur à partir à la découverte de l’univers du jeu… Sous peine d’avoir de mauvaise surprise en se rendant compte un peu tard que nous sommes entourés d’un voisinage belliqueux et bien plus développé que vous ! Par cette mécanique de gameplay, l’intérêt du joueur est constamment relancé, son envie de découverte et d’exploration venant nourrir son expérience vidéoludique.
Exemple de brouillard de guerre dans les jeux Total War Shogun 2 et le mythique Age Of Empire 2 :
Source : Steam
Source : Reddit
Un article paru sur Canadian Geographic nous permet d’en apprendre plus sur le processus de création cartographique, un processus empruntant énormément à la communauté des géomaticiens et des cartographes. L’inspiration n’est pas à pas à sens unique, bien au contraire ! Par exemple, certains cartographes, adorateurs de jeux de stratégie, se sont à leur tour réappropriés ce concept de fog war dans leur production cartographique.
Robin Hawkes a développé une carte sous Mapbox dévoilant en temps réel uniquement les lieux visités ou traversés, le reste de la carte étant drapé sous un épais voile aux motifs hexagonaux :
Source : @robhawkes
Ce style de jeu démontre parfaitement comment les développeurs de jeu vidéo se sont appropriés les codes de la cartographie.
Dans les jeux de stratégie, la carte est l’acteur principal de ces types de jeu, celui au travers duquel le jeu est rendu possible. Au travers de ce billet, nous n’avons effleuré qu’une infime partie de ce sujet.
Nous aborderons dans un prochain billet les usages de la carte dans un autre style de jeu vidéo… Lequel ?! Surprise !
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Notes :
[1] « Le mécanisme psychologique qui va permettre au lecteur/joueur/spectateur de se laisser embarquer dans des aventures pourtant totalement irréalistes, parfois dès leur postulat de départ » (https://writingsfff.wordpress.com/2016/08/21/la-suspension-consentie-de-lincredulite/)
[2] Jeux de stratégie simulant des situations de conflit.
[3] Ensemble des éléments liés à l’interaction entre le joueur et le jeu, dont les règles et les possibilités d’actions, qui sont définis et intégrés au jeu lors de la création d’un jeu vidéo, et qui contribuent au plaisir de jouer, découlant de l’interactivité, ressenti pendant le jeu.
[4] Système de règles, une structure imposée au joueur pour l’amener vers une situation ludique (Genvo, 2006)
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13:04
[Appli] Openflight Air Travel | Naresh Suglani
sur Carnet (neo)cartographiqueTrès jolie application web de Naresh Suglani réalisée (avec Tableau) à partir des données Openflightdata (mars 2018 à février 2019) déjà mobilisées ici dans un registre similaire.
L’intérêt de cette exploration cartographique des routes aériennes proposées par Openflightdata est son approche historique (1991-2020) qui permet de visualiser directement l’effet de la crise sanitaire de la Covid-19 sur la circulation aérienne globale : ses répercussions en termes d’ouvertures de lignes, d’effectifs de passages et, bien sûr, leurs conséquences financières.
L’application se présente sous la forme d’un poster interactif. Très riche, elle mobilise l’ensemble des données du site (et des données complémentaires de sources non précisées – je ne les ai pas trouvées, mais j’ai peut-être mal cherché. Elle présenter une carte globale (ou régionale) ainsi qu’une série de graphiques.
La carte mondiale décrit par des lignes, l’ensemble des routes et par des cercles proportionnels les degrés des aéroports, à savoir le nombre de routes par aéroport – il ne s’agit pas du trafic de passagers.
Les tableaux proposés, très visuels et agréablement stylisés, présentent de leur côté des indicateurs classiques tels le Top 10 des routes ou encore des toutes, mais cela, sans lien avec la cartographie proposée – ils ne sont hélas pas mis à jour avec une éventuelle sélection géographique, pourtant rendue possible (voir infra).
Sur l’évolution des lignes ouvertes et l’effectif correspondant de passagers, leur baisse est logiquement importante vu le lockdown imposé au Monde dans son ensemble. La situation en 2020 à 1 795 milliards de US$ se situe dans le même ordre de grandeur qu’en 2003, ce que ce graphique illustre.
Il en résulte une baisse drastique de rentrées financières pour le secteur du transport aérien en 2020, avec 1328 milliards de US$.
La richesse des informations embarquées limite quelque peu la réactivité lors de l’exploration. Il est toutefois possible de (géo)visualiser la situation en sélectionnant un continent en particulier, en fonction de sa teinte.
Deux modalités de filtrage des continents sont en effet proposées, pour :
– en exclure un ;
– en garder un exclusivement (voir ci-dessous, l’Afrique)Pour des possibilités de filtrage sur les liens de ces mêmes données, voir ici ou encore ici.
[ Accéder ] à l’application.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales
~~~ Billet #2 liens majeurs
~~~ Billet #3 liens distants
~~~ Billet #4 anamorphoseBahoken F. (2018), Cartographie du réseau Openflight de relations mondiales, Carnet du groupe fmr (flux, matrices, réseaux).
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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11:35
Un point c’est tout !
sur Carnet (neo)cartographiqueSaviez-vous que la cartographie en densités de points a été justement mise au point par un chirurgien militaire français en 1830 ? La particularité de cette méthode est de représenter la distribution d’une quantité pourtant agrégée en zones sous la forme de pointillés évoquant visuellement le peuplement dont il est question.
La carte philosophique de la population de la France de Montizon représente en effet la population française par départements, sous la forme d’un semis de points, avec une relation de 1-à-plusieurs où 1 point sur la carte symbolise 10 000 personnes.
Et si on géo visualisait comme cela la densité du « peuplement » mondial ?
Cette méthode à été portée sur [R] et [d3.js] par Nicolas Lambert, pour permettre de cartographier, par exemple, la population mondiale à l’échelle des pays, à partir des données du Gridded Population of the World (GPW) (édition 2018) proposées par le CISIEN.
La carte ci-dessous décrit ainsi la population mondiale par point-équivalent 3 millions de personnes – une version interactive et paramétrable est accessible ici.Le maillage territorial de référence étant celui des pays, il est par définition hétérogène. L’utiliser comme fond cartographique de référence conduit à une vision étatique du peuplement : elle est dépendante de contingences politico administratives nationales, ce qui est logique.
Et si on testait la méthode sur un maillage régulier ?
Pour se défaire de cette vision étatique du peuplement, il faudrait pouvoir cartographier la population mondiale sans être contraints par ces limites nationales. C’est cette éventualité qui a conduit au développement d’une variante de la méthode, mobilisant un maillage régulier.
La carte ci-dessous représente la même information que précédemment, mais à partir d’une distribution carroyée de la population mondiale.
Cette carte est également disponible sous une forme interactive. Sa version paramétrable est proposée ci-dessous. Il est possible de changer la taille de l’ensemble des points (Dot size) et la valeur de chaque point (Dot value). De même que la grille de référence initiale peut être affichée comme ci-dessus (See Reference Grid) et modifiée (Initial Resolution in degrees) : plus fine est la maille et plus précise est la carte.
A vous de jouer !
Le code source et les explications techniques sont disponibles ici.
Voir aussi :
[R] Transformer des quantités aréales en densité de points
DotDensity Map (regular grid)
DotDensity Map from countries) -
13:27
Carto : un voyage initiatique et cartographique
sur Carnet (neo)cartographiquePour ouvrir une petite série de billets sur la cartographie dans l’univers du jeu vidéo, nous accueillons Lubin Picard, un étudiant en master de géomatique passionné de cartographie et de jeux vidéo ! Lubin nous raconte un coup de cœur, l’histoire de Carto, une toute jeune cartographe. Nous lui laissons la parole.
Je déplace la ville de Paris au milieu de l’océan et Hop !
une nouvelle île.En tant qu’étudiant en géomatique avec peut-être un peu trop d’imagination, je me suis souvent amusé à penser que mes actions sur les cartes pouvaient avoir de réelles conséquences : je déplace la ville de Paris au milieu de l’océan et Hop ! une nouvelle île. Il ne pouvait y avoir qu’un moyen, autre que le rêve, pour essayer ce pouvoir. En effet, le jeu-vidéo est le médium parfait pour ce genre d’expérience.
Carto, une jeune cartographeSorti en octobre 2020, Carto nous propose d’incarner une toute jeune cartographe, prénommée très justement Carto, qui, par un concours de circonstances climatiques se retrouve séparée de sa grand-mère. Elle atterri alors dans un monde inconnu mais qui se dévoile au fur à et mesure que le jeu avance et ce, par un moyen, somme toute classique : la carte.
L’interface cartographique du jeu
Un puzzle-game innovant où les énigmes sont résolues en modifiant la carte
En effet, la jeune Carto trouve, tout au long de son périple pour retrouver sa grand-mère, un certain nombre de morceaux de carte qui ne serviront pas juste à se repérer. Carto comme tout bon cartographe infra-diégétique, peut changer le monde qui l’entoure en changeant la carte.
Ainsi commence Carto, un puzzle-game innovant où les énigmes sont résolues en modifiant la carte. Attention, tout n’est pas possible avec ce pouvoir, certaines règles topologiques essentielles sont à respecter : un bord de carte de type forêt ne pourra être accolé qu’à un autre bord de carte du même type.
Carto nous emmène à travers des mondes très variés où tous les types de biomes se mélangent. Nous traversons alors le désert, la forêt, l’océan ou encore la banquise dans l’espoir de rassembler l’ensemble des morceaux de cartes perdus qui nous permettront de réunir la jeune cartographe et sa grand-mère. C’est aussi l’occasion de faire la connaissance de nombreux personnages qui peuplent ces territoires et qui nous aideront à poursuivre notre voyage.
Un condensé de merveilleuses trouvailles qui rendent l’expérience vidéo-ludique unique
Ce jeu est un condensé de merveilleuses trouvailles qui rendent l’expérience vidéo-ludique unique. Le concept de base qui ressemble un petit peu au taquin, nous laisse complétement libre sur notre façon d’organiser notre monde. Il n’existe pas toujours qu’un seul moyen de résoudre les différentes énigmes et la carte prend des formes multiples en fonction de nos choix et des objectifs. La difficulté augmente graduellement tout au long du jeu, sans jamais nous laisser démunis d’indices pour réussir.
Carto est également un beau jeu, la direction artistique bien que simple retranscrit parfaitement l’ambiance générale. Les personnages sont tous uniques avec souvent des têtes incroyables, voire très mignonnes pour certaines. Les paysages qui nous entourent, sont à l’instar de la cartographie, simples mais très logiques : les arbres ressemblent à des arbres, un pont à un pont etc. ce qui rend les passages de la vue cartographique à la vue classique beaucoup plus compréhensibles.
Carto dans la forêtLa musique est toujours un élément primordial pour une œuvre vidéo-ludique et Carto remplit très bien le contrat puisque, comme le reste des éléments du jeu, la musique qui nous accompagne pendant notre périple colle toujours bien à l’ambiance des lieux et de l’histoire.
Tous ces éléments rassemblés font de Carto un très bon jeu indépendant qui parvient à nous transporter dans son monde pour vivre le voyage initiatique de la jeune Carto, mêlant des thèmes variés comme notre rapport à la nature ou encore celui du passage à l’âge adulte, de manière simple et poétique.
Carto dans le désertCe jeu n’est pas très long (6 heures pour finir l’histoire) mais il est parfait pour décompresser pendant cette période pas toujours plaisante. Un grand bravo au studio taiwanais Sunhead Games pour ce jeu et à l’équipe de localisation française pour la très bonne traduction, ajoutant beaucoup de poésie à ce coup de cœur personnel de 2020.
À découvrir sur Steam.
Lubin Picard
@Lubin_Picard -
9:22
Vaccination contre le Covid-19 par départements et classes d’âge
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, voici une nouvelle carte interactive concernant la vaccination contre la Covid-19 en France, par départements et par classe d’âge. Cette carte est construite en croisant les données de l’INSEE [voir] et celles fournies quotidiennement par Santé Publique France [voir]. La carte est interactive (n’hésitez pas à survoler les cercles avce votre souris) et est mise à jour quotidiennement. Les codes sources sont disponibles sur mon notebook Observable [voir].
Comment lire cette carte ?Sur cette carte, deux informations sont cartographiées simultanément. La surface des cercles représente le nombre de doses administrées dans chaque département depuis le début de la campagne de vaccination. Leur couleur permet d’interpréter cette valeur au regard de la population du département pour une tranche d’âge donnée. Les départements teintés en rouge/orange sont ceux où le taux de vaccination est inférieur à la médiane. Les départements en vert sont ceux où il est supérieur à la médiane. Cette opposition permet ainsi de comparer les départements les uns par rapports aux autres, visualiser ceux qui sont en avance et ceux qui sont en retard par rapport au rythme général. Notons que ce type de carte n’a de sens que lorsque l’on sélectionne la donnée par classe d’âge. En effet, puisque la vaccination commence par les personnes âgées, les départements en verts seront ceux dans lesquels vivent davantage de personnes âgées. Attention donc aux mauvaises interprétations.
Sur la droite de la carte, le graphique en forme de seringue permet d’avoir accès aux informations de chaque département, dès lors que l’on survole les cercles avec la souris. On accède ainsi à la population du département pour une classe d’âge donnée, au nombre de doses de vaccin administrées, et au rapport entre ces deux valeurs exprimé en pourcentage. La seringue sera remplie entièrement dès lors que ce rapport atteindra la valeur 200%, c’est à dire quand la totalité de la classe d’âge aura reçu deux doses de vaccin.
NB : cette carte a été publiée initialement pour le journal l’Humanité [voir]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:19
Une Cartajouer sur la migration #syrienne
sur Carnet (neo)cartographiqueImaginez que vous avez Carte Blanche. Vous aussi, vous pouvez alors jouer à manipuler les cartes sur les migrations, en prenant l’exemple de la cartographie de la migration syrienne (2015), telle que présentée ici.
Un exercice cartographique interactif (accessible aux élèves de collège dès la 4ième) vous est proposé, dans l’objectif d’aborder le double sujet de la migration internationale et de (sa) data visualisation. L’idée est de susciter l’échange sur des ressorts de la production cartographique sur des migrations sous un angle ludique, mais avec une ambition informative claire sur l’intention d’un.e cartographe en lien avec le message reçu / perçu par un grand public.
Sujet : Il vous est demandé de réaliser une carte décrivant la présence de personnes syriennes en 2015 dans les pays européens. Pour cela, vous devez choisir les couleurs des pays, la taille des cercles (pour symboliser le nombre de personnes présentes dans chaque pays), la couleur du fond de carte et enfin donner un titre à votre carte, en jouant avec l’application ci-dessous.
[Accéder à l’ensemble de l’exercice et au code source]
Cette application a été développée par Alain Ottenheimer, directeur de Datasens & Association toulouse dataviz (TDV) dans le cadre d’une action Parcours laïque et citoyen mise en place par le département de la Haute-Garonne, en collaboration avec l’association TDV.
Grand merci à Alain O. de proposer cet exemple, en mobilisant ainsi justement nos travaux. NL & FB.
Voir aussi cet exercice de cartographie reproductible réalisé avec R : Syrians
Billet lié : Méfiez-vous des cartes, pas des migrants : les réfugiés syriens.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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10:59
Infographie : tous vaccinés d’ici la fin de l’été ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, bientôt la fin du tunnel ? Et oui, Emmanuel Macron l’a annoncé, tous les adultes qui le souhaitent pourront êtres vaccinés d’ici la fin de l’été. Mais cette promesse enthousiasmante résistera t-elle à l’épreuve du réel. À ce stade, impossible de le savoir. La seule chose que nous pouvons faire, c’est « prolonger les courbes ». Et cela, c’est justement ce que je me suis amusé à faire à travers petite infographie.
Sur celle-ci, le niveau de chaque seringue correspond à l’état de la vaccination actuel par tranches d’âges. Le taux de remplissage est défini selon deux critères : le taux de vaccination ciblé et le nombre de doses requises. Par défaut, l’infographie est calibrée sur 2 doses requises et un taux de vaccination de 70%, ce qui correspond aux recommandations de l’OMS. Ces paramètres sont rappelés en bas de l’infographie.
En sus, en regardant le nombre de doses administrées au total par jour sur une période donnée, il est possible de définir assez simplement un rythme de vaccination moyen. Par défaut, la période prise en compte est de 20 jours mais vous pouvez évidemment faire varier ce paramètre. Ainsi, en disposant d’un rythme de vaccination et d’un objectif de doses à administrer, nous pouvons calculer quand cet objectif sera atteint.
A l’heure ou j’écris ces lignes (l’infographie se met à jour toute seule au fur et à mesure de la publication des données par Santé Publique France), en prenant en compte le rythme des 20 derniers jours, il nous faudra encore patienter 1 349 jours pour atteindre un objectif de vaccination de 70% de la population avec 2 doses de vaccin. Ce qui signifie que cet objectif ne sera pas atteint avant le 14 octobre 2024. Autrement dit, une éternité…. En d’autres termes, pour vacciner tous les adultes qui le souhaitent d’ici la fin de l’été, il va falloir sacrément accélérer.
Code source disponible ici : [https:]]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:22
Camarades cartographes, nous sommes heureux d’accueillir dans ...
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, nous sommes heureux d’accueillir dans Néocarto, Marie Dougnac, étudiante à l’ENS de Lyon, qui tente de faire voir la géographie autrement sur sa chaîne Youtube : Archipel. Sachez que vous pouvez aussi la retrouvez tweeter sous le pseudo @BoussoleGeo.
Neocarto : Bonjour Marie, quel est le but de ta chaîne youtube ?
MD : Son but est de montrer que non, la géo n’est pas une matière théorique et rébarbative consistant à apprendre des atlas par cœur. Au contraire, c’est une discipline concrète, utile, et présente partout dans notre quotidien !
Neocarto : Comment t’y prends-tu pour expliquer cela ?
MD : Pour faire passer le message, tous les moyens sont bons : un dialogue avec une tomate, une lecture géographique des Barbapapa, des vidéos pour lutter contre les idées reçues sur le climat et l’environnement… mais aussi un épisode sur les tableaux impressionnistes comme outils scientifiques, la géographie des toilettes ou la SF pour penser la ville de demain.
Neocarto : les thèmes sont très variés…
MD : Oui, car l’objectif est aussi de présenter la diversité de la discipline : géographie sociale, culturelle, environnementale, politique, animale… la géographie est plurielle ! Et Archipel n’hésite pas à croiser la géo avec d’autres disciplines comme la littérature, la biologie, l’écologie, l’histoire de l’art ou la sociologie.
Neocarto : Ton approche c’est donc de faire de la vulgarisation scientifique…
MD : Le pari finalement, est de montrer la géographie comme une clé de compréhension du monde, réellement utile et concrète, et de susciter la curiosité des spectateurs. Tout ça sans laisser de côté la rigueur scientifique, et en accordant une importance aux articles de recherche et aux sources systématiquement proposées pour creuser le sujet. De quoi titiller les curieux, susciter l’esprit critique et battre en brèche l’idée selon laquelle la géographie serait ennuyeuse.
Neocarto : Et donc, ta dernière vidéo parle de cartographie, et de la capacité des cartes à nous manipuler.
MD : Oui, ce que j’ai voulu montrer c’est que les cartes ne sont jamais neutres. Pour cela, j’en ai sélectionné plusieurs qui pourraient induire en erreur, tout en proposant des clés pour les lire sans se faire piéger. Ainsi, je parle des cartes pas si objectives de Google Maps, de l’histoire de cette carte qui a fait exister un lieu imaginaire, d’une carte électorale qui manipule ses lecteurs ou d’une carte du crime un peu trompeuse qui influence les politiques de la ville de Londres. Je propose donc un voyage de l’Angleterre aux États-Unis, pour découvrir comme les cartes nous piègent, et comprendre qu’une carte n’est jamais un reflet objectif de la réalité, mais toujours une construction subjective.
Neocarto : Merci Marie.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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9:11
L’Union européenne tisse sa toile
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, je partage ici cette carte réalisée l’année dernière pour illustrer un article paru dans le numéro 29/30 de la revue The Large Glass Journal éditée par le musée d’art contemporain de Skopje en Macédoine du Nord. Cette carte a une double histoire.
Premièrement, elle est inspirée d’une carte réalisée en 2013 par Olivier Clochard (MIGRINTER) intitulée Où est la frontière ? (carte de gauche) sur laquelle il avait eu l’idée lumineuse de ne faire figurer que des points localisant les centres de rétention et une ligne symbolisant les limites de l’espace Schengen. En faisant disparaître les contours des pays, se dessine alors une représentation minimaliste qui interroge sur la nature même de la frontière migratoire européenne, une frontière à la fois linéaire et réticulaire qui déborde bien au delà des limites officielles de l’Union européenne. C’est l’externalisation des contrôles migratoires.
Deuxièmement, cette carte s’inspire aussi d’une autre carte réalisée en 2014 (carte de droite) pour un dossier collectif du Nouvel Obs, porté par le CIST et le RIATE pendant la campagne des élections européennes. Sur cette carte, les centres de rétention proches les uns des autres sont reliés par des traits à la manière d’une toile d’araignée. Se dessine alors l’image d’une Europe qui tisse sa toile, au delà de ses propres frontières, dans le but de prendre les personnes en migration dans ses filets et les empêcher d’avancer. Pour montrer cette toile qui se déploie, une version animée de cette carte avait également été réalisée à l’époque.
La représentation présentée ici est donc un mélange actualisé de ces deux cartes relativement anciennes. Sur celle-ci, seuls les camps ouverts au moins 2 années depuis le début des années 2000 sont représentés. Deux camps situés à moins de 100 km sont reliés par un trait, le choix de distance étant totalement empirique. Pour éviter les effets de superposition, les points sont légèrement écartés les uns des autres grace au package R packcircles. Enfin, la limite de l’espace Schengen est dessiné de façon plus anguleuse que d’habitude pour lui donner un aspect plus abrupt et plus hostile. Les données sont issues du du projet Close The Camps.
European Union Weaves its WebComrades cartographers, I share here this map realized last year to illustrate an article published in the number 29/30 of The Large Glass Journal edited by the Museum of Contemporary Art of Skopje in Northern Macedonia. This map has a double background.
Firstly, it is inspired by a map made in 2013 by Olivier Clochard (MIGRINTER) called Where is the Border? on which he had the great idea to display only dots locating detention centers and a line symbolizing the limits of the Schengen area. By making the contours of the countries disappear, a minimalist representation emerges that raises questions about the very nature of the European migratory border, a border that is both linear and reticular and that spreads beyond its official limits. It is the externalization of migratory controls.
Secondly, this map is also inspired by another map designed in 2014 for a collective work published in the Nouvel Obs, made by CIST and RIATE during the European election campaign. On this map, the detention centers close to each other are linked by lines in the manner of a spider’s web. The image of a Europe that weaves its web, beyond its own borders, with the aim of catching people in migration in its nets and preventing them from reaching Europe. To show this web spreading out, an animated version of this map had also been made at the time.
The representation presented here is therefore an updated mix of these two relatively old maps. On this one, only the camps open at least 2 years since the early 2000s are represented. Two camps located at less than 100 km are connected by a line (the choice of distance being totally empirical). To avoid overlapping effects, dots are slightly apart from each other thanks to the R packcircles package. Finally, the border of the Schengen area is drawn in a more angular way than usual to give it a sharper and more hostile aspect. The data comes from the Close The Camps project.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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8:49
Les damné.e.s de la mer
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je reproduis ci-dessous un article paru dans le journal l’Humanité le 11 janvier dernier [voir]. La carte est animée et interactive. Elle est réalisée avec D3.js et Observable. N’hésitez pas à cliquer sur pause et survoler les cercles avec votre souris.
Du premier janvier 2014 jusqu’à la fin de l’année 2020, l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) a comptabilisé 40 000 personnes mortes ou portées disparues au cours de leur migration à travers le Monde (dont au moins 2300 enfants). Parmi eux, plus de la moitié ont péri noyés en Méditerranée, ce qui en fait, et de loin, la frontière migratoire la plus mortifère au monde. En méditerranée, les drames se succèdent mais ne se ressemblent pas. On peut penser en premier lieu au jeune Alan Kurdi, originaire de Kobané, dont le corps d’à peine 3 ans a été retrouvé inerte le 2 septembre 2015 sur une plage de Turquie et dont la photo a fait le tour du monde. Ou encore à ce naufrage du 19 avril 2015 au large des côtes libyennes qui a provoqué la mort simultanée de plusieurs centaines de personnes. Triste record… Ou enfin, à l’histoire du Left-to-die Boat relaté avec force par Charles Heller et Lorenzo Pezzani en 2014 dans le film cartographique, liquid tarces, et qui montre à quel point les pays européens placent la “protection” de leurs frontières bien avant les gestes de solidarité les plus élémentaires.
Compter les mortsIl n’existe pas à ce jour en Europe de dispositif officiel de décompte des morts de la migration. Pour pallier ce manque, c’est le réseau UNITED for Intercultural Action qui a été le premier à ouvrir la voie dans les années 1990. Ce collectif, qui regroupe aujourd’hui plus de 560 organisations, s’est en effet lancé très tôt dans cette comptabilité macabre pour tenter d’appréhender l’ampleur de ce qui se jouait en méditerranée et dénoncer ainsi le racisme et le nationalisme des pays européens. Au même moment, le journaliste italien Gabriele Del Grande tentait lui aussi de référencer ces drames en méditerranée à travers son blog Fortress Europe. En 2013, dans une volonté de croiser et vérifier le maximum d’informations disponibles, le projet “Migrants Files” initié par un groupe de journalistes européens, compilait alors toutes les informations disponibles et les vérifiait une à une, révélant ainsi que toutes les données connues jusqu’alors sous-estimaient la réalité. Enfin, depuis 2014, l’OIM référence quotidiennement dans une base de donnée, les personnes mortes ou portées disparues en migration à travers le monde sur son portail “Missing Migrants Project”.
Un lourd bilanEn mettant bout à bout ces différentes données, on obtient le chiffre tragique de 50 000 femmes, hommes et enfants qui sont morts en migration au voisinage de l’Union européenne deouis le début des années 1990, soit l’équivalent d’une ville comme Laval, Arles ou Bobigny. Par construction, on sait aussi que ces chiffres sous-estiment la réalité, puisque les morts noyés en pleine mer, de soif dans le désert, ou de faim dans les prisons libyennes, ne peuvent être comptabilisés faute de témoignages pour les relater. Ajoutons enfin que cette accumulation de chiffres, si elle a l’avantage d’éclairer sur l’ordre de grandeur, ne doit pas faire oublier non plus qu’en matière de migration, chaque histoire est une histoire singulière qu’il est délicat de résumer par de simples données statistiques, comme l’a montré récemment l’ONG SOS Méditerranée à travers une série de portraits de mineurs secourus par l’Aquarius et l’Ocean Viking.
Spatialisation du regardLa première carte des morts aux frontières de l’Europe a été réalisée au début des années 2000 par le géographe Olivier Clochard et publiée pour la première fois en 2003 dans un numéro des Cahiers d’Outre-Mer. Aussitôt sa parution, cette carte a été redessinée et mise à jour par le géographe Philippe Rekacewicz pour une première publication dans Le Monde diplomatique, ce qui lui donna un fort écho. Depuis, cette carte a été mise à jour régulièrement dans le cadre des atlas du réseau Migreurop. La carte animée présentée ici s’inscrit dans cette lignée.
Une frontière mobileEn faisant défiler les cartes de 1993 à 2020 comme on ferait défiler une pellicule photo, une chose saute aux yeux : la “géographie des morts” varie d’année en année. Concentrée au niveau du détroit de Gibraltar et des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla en 2000, la frontière glisse progressivement jusqu’en 2006 vers les îles Canaries, plus au sud. En 2015, au moment de la “crise migratoire”, on voit apparaître de nombreux naufrages en mer Égée alors qu’en 2017, l’essentiel de ceux-ci se produisent au large de la Libye, en Méditerranée centrale. Enfin, 2020 aura été marqué par un retour des naufrages au large du Sénégal et des îles Canaries.
Au delà des variations d’ampleur qui peuvent s’expliquer en partie par des événements extérieurs (guerre en Libye, en Syrie, printemps arabes, etc.), les déplacements de cette frontière létale sont largement imputables aux politiques migratoires de l’Union européenne. Chaque fois qu’un point de passage est fermé (détroit de Gibraltar, îles Canaries, Lampedusa, etc.), les flux migratoires sont déviés mais non stoppés. Pour avoir une chance de passer, il faut emprunter des routes toujours plus dangereuses et mettre sa vie entre les mains de mafias peu scrupuleuses. Les routes vers l’Europe deviennent chaque fois plus chères, plus dangereuses et plus violentes pour les migrant.e.s qui les empruntent. Les politiques migratoires européennes sont donc non seulement inefficaces, mais elles sont avant tout dangereuses. On rêve d’un jour où la question migratoire sera abordée rationnellement, en phase avec les travaux scientifiques actuels, et où le débat public ne portera pas sur les moyens ineptes de “tarir le flux”, mais sur les façons réelles d’organiser un accueil digne de celles et ceux qui arrivent. Les violences du parcours doivent être combattues bec et ongles, pour que chacun, qu’il soit riche ou pauvre, puisse franchir les frontières librement, et en toute sécurité.
Données Codes sourcesIngénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique.
Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network. -
16:54
Enfin 2021 !
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, bonne année à tou.te.s. Comme vous le savez, l’heure est aux vaccins. Pour mon premier billet de l’année, Je vous propose donc une petite infographie permettant de comparer ou en est le processus de vaccination dans différents pays du Monde. Ce graphique s’inspire très largement du travail de Kaho Cheung [voir] dont je n’ai fait qu’adapter le code. Les données, mises à jour quotidiennement, sont issues de Our World in Data [voir] ; le graphique va donc évoluer au fur et à mesure de la publication des données. A ce stade, avec seulement 516 doses administrées au total, le France semble bien loin du compte. A suivre…
Les codes sources sont disponible sur mon carnet observable [voir].
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17:16
[Expo] All over the maps, Paula Sher (2020)
sur Carnet (neo)cartographiquePaula Sher est une artiste peintre qui fabrique des œuvres cartographiques pour se poser, une activité qui la « force à être patiente, un trait de caractère » qui lui manquerait. Familière du mouvement actuel de data visualisation, elle y participe via son art.
« La conception se fait rapidement sur ordinateur et la peinture est laborieuse. Le design est social. La peinture est isolante. Le design a un but. L’art n’a pas de but. Je ne peux pas imaginer l’un sans l’autre. » Elle évoque dans un entretien pour The Atlantic (2011) le fait que parce que l’information existe, elle doit avoir l’air scientifique, d’où le rôle joué par l’ordinateur pour standardiser la production visuelle, la dataviz de sorte que, finalement, « l’information réfléchit pour vous et vous n’avez pas besoin de réfléchir du tout. Je suis peut-être un précurseur de cela, mais j’espère que ce n’est pas le cas ».
Mais pourquoi donc avoir choisi de peindre des cartes ?
« Je suis obsédée par les tableaux, les graphiques, les diagrammes et les cartes depuis trente ans … »
Parce qu’elle a toujours baigné dans la cartographie.
Paula Sher tire en effet sa passion pour la carte, la cartographie traditionnelle de celle mise en œuvre par son père, un ingénieur civil qui était photogrammètre à l’USGS (United States Géological Survey). Elle se plait d’ailleurs à dire que lui qui s’occupait à mesurer des distances entre les formes d’occupation du sol, pour réaliser les référentiels géographiques américains (les vraies cartes, donc, celles aux mesures supposées exactes) lui a toujours parlé de l’inexactitude des cartes : « Toutes les cartes mentent ».Si cette expression « Toutes les cartes mentent » est pratiquement tombée dans le domaine public – n’importe qui évoquant le mensonge des cartes, surtout à propos de leur projection ou des statistiques dont elles décrivent la géographie [ce qui ne relève pas d’un mensonge, mais passons] – le père de Paula Scher est probablement de ceux qui savent de quoi ils parlent en matière de « mensonge » des cartes.
Il connaissait en effet probablement mieux que d’autres cette impossible exactitude des cartes, fussent t’elle issues d’un dispositif de mesure sophistiqué. L’appareil qu’il a d’ailleurs inventé, le Stereo Template, avait justement pour objectif de corriger les apparentes erreurs de mesures lues sur les cartes, erreurs liées aux distorsions provenant du passage entre la photographie aérienne et la carte imprimée [voir ici].
Par les travaux de son père, Paula Sher s’est ainsi très tôt familiarisée avec le dessin cartographique qu’elle met en œuvre sous une forme artistique, selon différentes techniques : peinture, gravure, installations monumentales…
« … et je les utilise comme une forme de satire et de commentaire social dans mon travail de conception »
La série « All over the maps » évoquée ici a récemment fait l’objet d’une exposition en ligne (du 9 octobre au 8 novembre 2020).
Elle illustre, de mon point de vue, cette profusion mondiale de cartes proposées à tous les niveaux, à toutes les échelles…
Cependant, à l’heure de ce ralentissement global imposé par la pandémie, ces cartes m’ont directement évoqué toutes ces mises en relations rendues possibles par tous ces réseaux sociaux faisant la part belle à une image de plus en plus souvent cartographique et qui, finalement, plutôt que de nous détendre ou de nous aérer, en nous ouvrant sur un ailleurs, saturent nos espaces visuels, encombrent nos espaces privés.
World Trade Routes ((Paula Scher, 2018).
Il est de plus amusant de constater que ces cartes décriant la profusion de la circulation de biens de consommation, sont publiées à l’heure où les personnes sont empêchées de circuler !
D’après la galerie SeemsRed qui accueille l’artiste [Voir], les cartes de Paula Scher mettent en évidence la « (…) sur-stimulation de notre époque moderne et la publicité constante, les nouvelles, les signes et les symboles qui nous entourent dans notre vie quotidienne. Les représentations sans équivoque de l’abondance que fait l’artiste sont en quelque sorte une méta-étude de la sémiotique, dans le cadre de sa propre satire schérienne caractéristique. »
Les cartes proposées sont assez étonnament et dans l’ensemble, plutôt très chargées, comme pour évoquer la complexité de la réalité. Cependant, retranscrire cette complexité, l’autrice fait ce que nous faisons tous à savoir sélectionner l’information pour in fine proposer des cartes très spécialisées : elles décrivent des courbes de niveaux, des réseaux et échanges de toutes sortes apparentes.
Sur les cartes de réseaux, l’artiste décide de montrer la vision relationnelle du monde : lke commerce international mondial (voir ci-dessus), les distances inter états aux Etats-Unis comme dans USA distances (ci-dessous), ou encore l’enchevêtrement de lignes du métro de Londres [voir ici].
[Voir] d’autres cartes sur le site de la galerie.
Références mentionnées :
– Paula-scher-all-over-the-map online exhibition (2020)
– Paula Scher Makes Enormous Maps That Are Only Sort of Right, The Atlantic (2011)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:56
Vague après vague
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vous propose ici de nouvelles cartes sur l’épidémie de Covid-19 en France publiées hier dans le journal l’Humanité [voir]. Les données sont agrégées mensuellement et deux modes de représentation sont proposées. D’une part, une représentation par points pour donner à voir les données absolues (nombre de…). Et d’autre part, des représentations « lissées » [voir] avec un effet Tanaka [voir] pour montrer les données en part de la population départementale. Les cartes sont mises à jour au fil de l’eau (tous les 2 ou 3 jours). Les codes sources R sont disponibles ici [voir].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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19:22
[Book] [Pièce] Le Cartographe
sur Carnet (neo)cartographiqueLe Cartographe est un ouvrage et une pièce de théâtre. C’est, bien entendu, comme son nom l’indique, une pièce racontant l’histoire d’un cartographe, plus précisément celle de la carte d’un cartographe. C’est aussi et c’est peut-être là l’essentiel, l’histoire de cartographes, de femmes cartographes d’époques différentes qui, parce qu’elles sont toutes passionnées par l’art de la cartographie, vont se passionner par celle du « vieux cartographe du ghetto » de Varsovie des années 1940. Effectivement passionnant.
L’histoireSource : J’irai marcher sur les toits, compagnie La Traverse, 2020.
L’histoire est celle du ghetto de Varsovie (Pologne) racontée à travers celle du « vieux cartographe du ghetto », lequel raconte à la fin de sa vie son métier de cartographe à sa petite-fille.
Cette histoire dans l’histoire ne présente ni unité de lieu, ni unité de temps. Si elle prend place à Varsovie, la ville est mobilisée à différents moments et selon différentes perspectives, sur différents supports, qui la rendent multiple.
D’incessants allers et retours, sur le modèle de la rétrospective, sont opérés entre le Varsovie de l’époque de la cartographie du ghetto, vers 1940, sa situation dans les années communistes de 1960 – 1980 et de l’époque contemporaine (~1990).
Le lien entre ces différentes différentes temporalités, par conséquent entre les différentes spatialités de Varsovie est assuré par des femmes. D’abord par la petite-fille, cartographe en herbe, qui dessine l’ultime carte « transmise » par son grand-père… Ensuite par Blanche, une femme de diplomate par ailleurs cartographe. Après avoir flashé lors d’une exposition sur des photos du ghetto, elle va entreprendre d’en réaliser elle même la carte, les cartes. Sa passion pour cette histoire la torturera au point de vouloir en retrouver la version initiale. L’histoire est aussi tenue par Déborah, une autre femme également cartographe, contemporaine de tout le monde : du grand-père, de sa petite-fille et de Blanche.
Une description minutieuse du ghetto de Varsovie
La carte passionne, car elle porte sur le plus grand des ghetto des juifs d’Europe situé au cœur de Varsovie. Elle décrit son organisation à travers l’action des personnes qui s’y trouvent. Au-delà de son intérêt historique, la description révèle aussi probablement la pratique cartographique d’une époque. Le dessin fait l’objet d’une extrême minutie, comme s’il s’attelait à tout consigner de ce territoire (à la mesure de photographies ?), pour en conserver la mémoire, assurer un retour ultérieur, garder la trace d’une histoire. La méthode décrite soulève d’emblée la question de la sélection de l’information représentée, celle de l’impossible exhaustivité de la cartographie, le problème de la précision des tracés, de leur véracité – il sera d’ailleurs aussi question de falsification des tracés. La minutie de la cartographie est renforcée par le style de la carte qu’on devine assez aride, une sorte de rudesse traduite par la monochromie (en noir et blanc) qui n’admettra qu’une seule couleur et très ponctuellement : le rouge.
« le plus difficile à représenter, c’est le temps »La déambulation de Blanche est structurée par son en-quête sur ce grand-père, à partir de dessins de lieux (de vie) où finalement, comme dans toutes les cartes de ce type : « le plus difficile à [se] représenter, c’est le temps ».
La carte, qui n’est ici pourtant que dite dévoile toutefois autant de sa conception que de sa réalisation (forcément imparfaite, par une petite-fille). Elle met aussi en exergue un élément qui m’intéresse, dans un autre registre, à savoir la temporalité de l’approche cartographique (dans son type et dans son style).
Extraits L’auteur
La manière de faire des cartes est bien toujours le reflet d’une époque, de ses connaissances et des outils du moment.
Juan Mayorga est Professeur de dramaturgie et de philosophie à l’École Royale Supérieure d’Art Dramatique de Madrid. Lauréat en Espagne en 2007 du Prix National du Théâtre, il jouit d’une reconnaissance internationale qui valut plusieurs adaptations de ses textes au cinéma ou au théâtre, y compris en France. François Ozon adapte par exemple en 2012 la pièce Le Garçon du dernier rang, sous le titre Dans la maison.
Nombreuses sont ses pièces qui ont été traduites en français (souvent par Yves Lebeau) et adaptées, parmi lesquelles Le Cartographe. La pièce fait également l’objet d’une adaptation par la compagnie J’irai Marcher sur les Toits.La version française de la pièce a d’abord fait l’objet d’une lecture-spectacle.
A suivre…Un spectacle est par ailleurs prévu au Théâtre de l’Opprimé à Paris XIIème la saison prochaine (probablement en novembre 2021). Les représentations initialement programmées du 9 au 20 décembre 2020 ayant été reportées suite au re confinement. Faute de pouvoir accueillir le public en ce mois de décembre, une captation filmique va être réalisée le 9 décembre 2020.
Une table ronde réunissant des cartographes, artistes et écrivains autour de la fabrique cartographique est également prévue, autour de la mise en scène d’une cartographie de ces histoires croisées qui s’entremêlent dans le temps et nous donnent à réfléchir sur l’Histoire et sur notre histoire, sur l’objectivité / subjectivité de la carte, sur la manipulation du dessin par les pouvoirs, …
… en devenant coproducteur du Cartographe !
Malgré le report, l’équipe des huit comédiens entourés de leur metteur en scène Hervé Petit et de la scénographe Christiane Clairon-Lenfant, ne s’est pourtant pas arrêtée.
Pour boucler le budget de la production de cette pièce en français et en France, la compagnie espère le soutien de la communauté des cartographes.
N’hésitez donc pas à devenir coproducteur du Cartographe, en participant à la campagne de financement sur ulule">[http.referer--&ul_medium=uluid_3312568-unknown-202010271836">ulule] Cartographe.
En savoir plus :
Compagnie J’irai Marcher sur les Toits
Florence Le Bihan (présidente)
jirai@jirai.frGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:48
#30dayMapChallenge
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je vais vous parler ici du #30dayMapChallenge qui vient de s’achever hier. Initié pour la première fois par Topi Tjukanov l’année dernière, il s’agit d’un « défi carto » d’une durée de 30 jours (tout au long du mois de novembre) et qui a pour but de créer une émulation dans le monde de la cartographie.
#30DayMapChallenge 2020 categories are here. Starting November 1st!
— Topi Tjukanov (@tjukanov) October 1, 2020
Publish a map each day with the following themes. No restriction on tools or data, but all maps should be made by you. Doing less than 30 is fine too.
More info:: [https:]] pic.twitter.com/3yvftgv4K1Le principe est simple : chaque jour, un challenge cartographique portant sur une caractéristique spatiale ou un sujet différent est présenté. A chacun alors de partager une carte pour y répondre. Aucune restriction particulière en termes d’outils : on peut tout aussi bien utiliser des crayons de couleurs que des outils informatiques. Seul impératif néanmoins : ne partager que les cartes qu’on soit-même réalisé.
Pour cette seconde édition, j’ai donc relevé le défi et ai posté 30 cartes sur twitter, une par jour, sur les thèmes demandés. En définitive, si certaines d’entre elles ont eu un certain écho, pour certaines ce ne fut pas le cas :-) Pour visualiser ces disparités, j’ai réalisé une petite infographie sur Observable après avoir extrait les données avec R. On s’amuse comme on peut quand on est confiné
Au final, la carte la plus appréciée a été la carte historique qui ouvre l’Atlas Mad Maps (jour 17) suivie de près par un globe représentant la population mondiale sans frontières (jour 29). Les cartes pour les thème « rouge » (jour 6) et « altitude » ne s’en sortent pas si mal. Par contre, on peut noter un très net creux le 26 novembre (4 likes et 1 retweet) mais nous étions alors en plein Thanksgiving aux États-Unis. Ceci explique peut être cela...
Mais bon, l’intérêt n’est pas vraiment ici de comparer le succès ou non de ces différentes cartes, mais plutôt de proposer un moyen, via billet de blog, d’y donner accès à ceux qui ne passent pas leur vie sur twitter. Je précise que la plupart d’entre elles sont issues de l’atlas Mad Maps. Pour y accéder, il vous suffit de cliquer sur la barre jaune au question. Une fois sur twitter, n’hésitez pas non plus à naviguer de tweet en tweet avec le hashtag #30dayMapChallenge. Vous le verrez, beaucoup de belles choses ont circulé. Bien plus belles et originales que celles que j’ai moi même réalisé. Je pense en particulier à cette carte en carottes extrudée sur laine postée par Romain Lacroix.
#30DayMapChallenge 12. Not made with GIS software
— Romain Lx (@lacxrx) November 12, 2020
Carrot production in France
Basemap knitted by @BecViv pic.twitter.com/MeBAnjiPNhOu cette carte popup inventée par les Artisans cartographes.
#30DayMapChallenge #Day25 #Covid19
— ArtisansCartographes (@Artisans_Cartos) November 25, 2020
Cartographie du nombre de cas sous la forme d'un #popup
( Travail réalisé lors du 1er confinement ) pic.twitter.com/ecDM9M5Qb4Ou encore cette carte à la Jackson Pollock imaginée par Jean Leveugle.
#30DayMapChallenge – Day 12 – Map not made with a GIS software // Carte faite sans logiciel de SIG
— Les Savoirs Ambulants (@SavoirsEnBulles) November 12, 2020
Not easy to read, but so informative ! Thank you Jackson ! // Pas évidente à lire, mais tellement instructive ! Merci Jackson !pic.twitter.com/fQDAgiSEam
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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7:56
Tout est question de point de vue
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je le répète assez souvent de billet de blog en billet de blog, quelles que soient les méthodes et techniques utilisées, et quelles que soient leur complexité, toute carte résulte avant tout d’un processus intentionnel de communication. Les cartes ne sont en effet pas des miroirs reflétant le monde réel mais des constructions intellectuelles basées sur des hypothèses, des parti pris, des savoirs et des savoir-faire. C’est la fameuse trahison des images racontée par René Magritte dans son célèbre tableau (qui inspira d’ailleurs, pour cette raison, le nom du logiciel de cartographie… Magrit).
Bref, la carte n’est pas le territoire mais une représentation de celui-ci réalisée selon un point de vue particulier : un point de vue qui est bien souvent celui du dominant qui impose aux autres son propre regard. Pour illustrer cette idée de la subjectivité des cartes de façon humoristique, j’avais réalisé pour l’atlas Mad Maps (2019), une planche mettant en vis à vis les hommes tués par les requins et les requins tués par les hommes. En somme, deux visions du monde radicalement opposées. J’en propose ici une version animée réalisée avec Jules Jeng.
Squalophobes s’abstenir…
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:02
Traversées mortifères à la frontière franco-britannique
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, je profite de la publication du dernier rapport Gisti/IRR/TPP [voir] pour poster ici la carte mise à jour (et en anglais) des migrants morts à la frontière franco-britannique. Cette base de donnée, cartographiée ici, a été élaborée avec Maël Galisson (du GISTI) et réalisée avec leaflet. Au total, c’est près de 300 décès liés aux frontières dans et autour de la Manche depuis 1999 qui sont répertoriés ici. Triste bilan.
Comrades cartographers, I take the opportunity of the publication of the latest Gisti/IRR/TPP report [see] to post here the updated map (in English) of the dead migrants at the French-British border. This database, cartographed here, was elaborated with Maël Galisson (from GISTI) and realized with leaflet. In total, nearly 300 border-related deaths in and surrounding the Channel since 1999 are listed here.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:21
Carto et chorégraphie #2. Le langage
sur Carnet (neo)cartographiqueCe billet participe d’une courte série souhaitant examiner les modalités de représentation graphique du mouvement individuel en mettant en parallèle ceux d’un danseur (du répertoire classique) et ceux d’une personne circulant librement ou non dans un espace géographique. Pourquoi ? Parce que ça peut toujours servir …
(image d’illustration : crédit F. Bahoken, 2017)Ce second billet porte sur les primitives du langage de la cartographie et de la chorégraphie qui servent à la graphie / notation du mouvement. L’objectif est d’essayer de comparer leurs formalisations en prenant l’exemple de quelques objets communs dans les deux disciplines.
PARALLÈLES :
- La cartographie (thématique) et la chorégraphie ont recours à des méthodes de représentation graphique visiblement similaires. La composition part toujours d’une idée (l’intention du choré ou du carto graphe) qui implique, après réflexion et mise en ordre, une symbolisation graphique faisant appel à une écriture plus ou moins formalisée.
- La cartographie mobilise les primitives graphiques élémentaires : le point, la ligne et le polygone, la chorégraphie aussi.
- La cartographie assemble ces primitives pour en faire une grammaire permettant la construction de figures géométriques lisibles au sol, des « patrons », la chorégraphie aussi ;
- En cartographie, ces primitives sont des objets sont le point, la ligne, le polygone, le volume, l’entité floue … représentation des informations géographiques dont ils symbolisent l’implantation spatiale, en chorégraphie, aussi, ces objets sont plus souvent le point et la ligne…
- En cartographie, la combinaison d’un ensemble d’objets forme des « motifs spatiaux » autrement dit des patrons, comme en chorégraphie pour laquelle il est commun de parler de cercle, de demi-cercle, de rang, de file, de carré, de rectangle, de quinconces … décrits par rapport aux « repères au sol » (diagonales, verticales, ..) présentés ici.
- La cartographie enrichit qualitativement le dessin des symboles – pour leur donner une signification dans un contexte thématique donné. Elle mobilise ce que Jacques Bertin (dans l’optique d’une théorisation de la cartographie statistique) a qualifié de variables visuelles, qu’elle adapte depuis une sémiologie graphique plus générale, la chorégraphie aussi.
Exemples ci-dessous avec des variables visuelles qualitatives.
La cartographie offre la possibilité de combiner symboles et variables visuelles pour générer un motif signifiant, la chorégraphie aussi. En voici deux exemples simples.
Essais de comparaison graphiques de motifs
chorégraphiques et cartographiques. Néocarto, 2020.Commentaires bienvenus.
Billet lié : Carto et chorégraphie #1. La scène
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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9:00
Une carte pour qualifier des migrations pendulaires
sur Carnet (neo)cartographiqueNous accueillons aujourd’hui une jeune géographe géomaticienne, Alice Caron, actuellement en poste dans un bureau d’études du bassin chamberien après avoir obtenu un Master Géonumérique (Université Lyon 2 – ENS – Université de Saint-Etienne). Son stage de Master 1 réalisé en 2017 à l’Agence de développement et d’urbanisme de la région strasbourgeoise (ADEUS), à porté sur l’exploitation d’une matrice de flux domicile-travail. Il a donné lieu à la réalisation de plusieurs cartes parmi lesquelles celle qu’elle a choisi de présenter aujourd’hui. Nous lui laissons la parole …
Qualification des migrations pendulaires dans la région Grand-EstLa carte présente les flux de navetteurs journaliers résidents et/ou exerçant leur activité au sein de la région Grand-Est en 2013. Le fichier qui en résulte intègre principalement des communes infra-régionales, mais aussi des communes limitrophes à la région, tant en France qu’en Allemagne, Belgique, Luxembourg et Suisse.
La population se déplace au gré des avantages proposés par la singularité des lieux.
Au-delà du jeu graphique des lignes qui inscrivent le mouvement dans l’espace, notre intérêt s’est porté sur l’origine et les destinations qui les motivent. Les nœuds migratoires expriment ces objectifs constitutifs du déplacement pendulaire : le travail d’un côté et l’habitation de l’autre. Ces points d’ancrages sont divers et variés, aussi la population se déplace-t-elle au gré des avantages proposés par la singularité des lieux. Le solde net des navetteurs par communes nous a permis de développer cinq profils d’agglomérations, du pôle majeur d’emploi à la commune résidentielle.
Comme partout en France, la région se caractérise par la présence des villes majeures qui concentrent un grand nombre d’emplois, tant hautement que peu qualifiés. Strasbourg, Nancy, Metz, Mulhouse, Bâle et Luxembourg sont les principaux bassins d’emploi dans la région, ils attirent massivement les actifs des communes périphériques. Cette spécificité transfrontalière de la région provoque une dynamique de flux importante et quasi unilatérale en bordure de ses limites nationales. Les salaires plus élevés des pays voisins et la proximité spatiale entraînent un déséquilibre des mouvements domicile-travail infra-nationaux. Les répercussions sont multiples, de l’accessibilité à l’emploi au prix de l’immobilier, jusqu’au profil des navetteurs et des habitant.e.s du territoire.
MéthodologieLes recherches de G. Fusco et al. (2013) et de l’Observatoire des territoires (2016) démontrent la pertinence de l’analyse des entités géographiques fixes dans l’étude des flux. Nous nous sommes basés sur ces recherches afin de constituer cette carte qui représente les communes de destination et d’origine des navetteurs en se proposant de les qualifier.
Le logiciel R {flows} et le plug-in flowmapper de Qgis ont été les deux outils utilisés pour mener à bien ces traitements. L’objectif de ce travail a été de proposer un enrichissement conceptuel et technique pour l’analyse des interrelations géographiques.
Au vu de la complexité de traitement du fichier très volumineux des déplacements pendulaires dans la région Grand-Est avec excel et Qgis, nous nous sommes portés sur l’utilisation de R. Ce logiciel libre permet de nombreux traitements statistiques. Stable et puissant, son usage nous a permis de développer une méthodologie permettant d’automatiser le passage d’un fichier source origine/destination/valeur du flux (format long) aux fichiers demandés par l’extension flowmapper (matrices carrées). Ce plug-in reconnaît les nœuds par l’index des valeurs dans les fichiers.
Aussi, [1 :1] dans la matrice carrée correspond à la valeur du lien unissant le nœud 1 au nœud 1 (flux intra entité). Il est possible de calculer, à partir d’une matrice carrée présentant des données quantitatives de stock, la somme de chaque colonne (objet géographique de destination), et la somme de chaque ligne (objet géographique d’origine). Il est donc possible de connaître le flux dominant [Majeur] sortant ou entrant rattaché à une entité (valeur max de la ligne ou de la colonne). Cette connaissance est intrinsèque aux matrices carrés, qui indexent symétriquement (ligne-colonne) la valeur du lien entre couples d’entités.La table attributaire générée par flowmapper associée aux fichiers .shp des nœuds nous permet d’accéder à de nombreuses informations que d’autres plug-in ne produisent pas. Par exemple, nous avons accès au total de flux entrants et sortants, à la somme et au solde des flux, et enfin à un indicateur (1, -1 ou 0) qui atteste d’un gain, d’une perte ou de la stabilité des nœuds. C’est à partir des soldes de flux à la commune que nous avons établi nos profils qualitatifs ainsi que la charte graphique relative aux nœuds.
Compléments sur l’élaboration de la carteLes données à l’origine de ce travail sont de source INSEE (mobilités professionnelles, 2013). Elles décrivent des flux à l’échelle communale pour la France et les pays frontaliers. Nous notons l’absence d’informations sur les navetteurs transfrontaliers venant travailler en France.
Présélection des données
Le tableau a été filtré par plusieurs critères :
Représentation des données
– la sélection porte sur les flux supérieurs à 80 navetteurs quotidiens ;
– la distance parcourue par les navetteurs est inférieure à 250 km ;
– les flux infra-communaux ont été exclus ;
– les flux inter communaux avec les pays transfrontaliers et les départements contigus à la région Grand-Est ont été maintenus.
La Taille des carrés est proportionnelle à la valeur absolue du solde des migrations professionnelles à la commune (transfert net / 300).La qualification des communes est issue de la classification des soldes migratoires réalisée avec une méthode manuelle depuis Jenks.
– G. Fusco et al., “Recompositions territoriales en Provence-Alpes-Côte d’Azur : Analyse croisée par les mobilités quotidiennes et résidentielles”, 2013.
– Observatoire des territoires, Chapitre 2C “La mobilité des actifs, enjeux et défis pour le développement équilibré des territoires, dans Emploi et territoires”, 2016, p.125-129.
– Caron Alice, rapport de stage Master 1 à l’ADEUS: “Recherches exploratoires dans la représentation et le traitement des flux”, 2017.
Alice Caron
@Alice_Caron_
[https:]] -
8:44
[Vidéo] Regards de cartographes
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, je partage ici avec vous l’intervention effectuée avec Christine Zanin pour la conférence d’ouverture de la 8e journée SIG de l’université de Laval (Québec) le 13 novembre dernier [voir]. Nous y parlons de cartographie, de sémiologie graphique, mais aussi d’un certain nombre d’enjeux liés aux représentation cartographiques. La plupart des cartes présentées sont issues du livre Mad Maps [voir].
Présentation
Entre art, science et communication, la cartographie est une discipline à la croisée des chemins. Elle emprunte aussi bien à la statistique, à la géodésie, à l’informatique et au dessin avec à chaque fois un double objectif. D’une part, elle est un outil qui permet de chercher à comprendre comment le monde fonctionne et d’autre part, elle le donne à voir à travers des images simples et qui font sens : exploration d’un côté, communication de l’autre.
Cet exercice est semé d’embuches !
Comment passer de la sphère au plan ? Quelle est la meilleure représentation du monde ? Qu’apporte la 3ème dimension ? Comment représenter la complexité du monde ? Comment rendre compte des phénomènes non physiquement perceptibles ?
Le discours cartographique ne peut être unique, il n’y a pas de carte idéale. Il n’y a pas de relation mécanique entre une donnée et son expression graphique. Toute carte véhicule un discours partial et donc forcément subjectif. Le tout est de savoir lequel !
Voir la vidéo
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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23:04
[Expo] Migrations en images
sur Carnet (neo)cartographiqueUne petite exposition de cartes et images coordonnée par Olivier Clochard, Gilles Dubus et Nelly Martin et intitulée Migrations en images est (probablement encore) actuellement visible à La bibliothèque Baulieu, à Poitiers. Initialement programmée du 18 février au 28 mars 2020, elle a visiblement été prolongée suite au premier confinement (les photos présentées ont été prises à la fin du mois de septembre 2020).
L’exposition apparaît comme ça, tout d’un coup à l’approche de l’entrée de la bibliothèque. Toute suspendue qu’elle est, elle file ensuite sur ce mur perforé de sorte que l’on peut regarder ces œuvres en passant son chemin ou bien en s’y attardant quelques instants.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit que ce sont des migrations intéressant plusieurs terrains de recherche qui sont données à voir, dans une extraordinaire variété de contextes géographiques et sociaux. Puisqu’il n’est pas possible de tous les citer et qu’il faut choisir, mentionnons seulement ceux qui commencent par un A : l’Afrique subsaharienne, l’Algérie, l’Argentine et Athènes.
Cette variété des terrains présentés inscrit d’emblée ces migrations à différentes échelles.
L’exposition propose en effet un triple regard sur les personnes concernées, sur leur parcours et sur les lieux pratiqués, avec en fond constant l’effet des politiques migratoires européennes qui, pour certaines d’entre elles, » […] pèsent [vraiment] bas et lourd comme un couvercle sur leurs têtes » [1].Un premier regard montre l’expérience individuelle pendant la migration, donc ce qui relève de l’individu, de son parcours, de son voyage ; le deuxième regard décrit ce qui relève des lieux ponctuant le parcours : ils sont appréhendés à différentes échelles (du logement à l’État Nation) et relève de plusieurs situations (résidence, enfermement, etc.).
La variété des terrains fait écho à la variété de styles présentés sur des supports homogènes dans leur taille et dans leur matériaux. On distingue toutefois deux séries se panneaux.
La première série est remarquable par le style en noir et blanc très reconnaissable de Lucie Bacon.
La seconde série est réalisée par différents auteurs et autrices qui présentent des œuvres complémentaires sur un même sujet.
Le travail de Brenda Le Bigot, par exemple, illustre des migrations Nords – Suds par un ensemble d’œuvres complémentaires. Cartes, dessins et photographies cohabitent en effet pour proposer plusieurs visions de parcours migratoires ainsi que la fabrique des documents proposés ; de la collecte des informations, leur capture par la photographie jusqu’à leur retranscription sous la forme de récits et de croquis dévoilent à la fois les étapes et les résultats d’une recherche. Les extraits présentés ci-dessous portent sur la migration des séniors.Un autre exemple de cette série est proposé par Olivier Pissoat et Olivier Clochard, avec une planche présentant carte, dessins et plans décrivant le parcours de Morteza. Par rapport à la version de ce parcours précédemment présenté dans l’Atlas des migrants en Europe (2017), la planche montre en particulier la longue détention de Morteza dans un commissariat de police dont le plan à été réalisé par Morteza lui même.
Au final, une jolie exposition qui souligne la variété des migrations internationales, suggère leur caractère universel par leur expression en tous points du monde, à toutes les échelles, à tous les niveaux comme pour nous signifier que, finalement, ce phénomène concerne chacun de nous.
[1] Spleen, Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire (1857 – réédition 1861).
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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21:53
Géovisualiser des flux aériens, les contributions au mapathon de cartomob
sur Carnet (neo)cartographiqueUn Concours de (géo)datavisualisation de données portant sur des mobilités a été réalisé dans le cadre du colloque Tous (im)mobiles, tous cartographes?, du 7 au 18 octobre 2020 et clôturé le 2 novembre 2020 à 20h lors d’une soirée de présentation des contributions lauréates réalisée en Web conférence.
Les 14 contributions reçues mettent en œuvre un jeu de données [Voir] décrivant l’évolution spatio-temporelle du trafic aérien (passagers et fret : biens et courrier) ont été reçues.Cet événement correspond au deuxième événement de ce type spécifique à des données de mobilité, réalisé avec le concours de l’association Toulouse Dataviz (voir la précédente édition).
Concernant les outils mobilisés, QGIS apparaît en tête dans cette session, avec une mobilisation dans presque la moitié des contributions ; il est suivi par Mapbox et Python. Plusieurs composantes du javascript permettant d’ajouter une composante web et interactive aux images obtenues ont également été mobilisées. On notera l’absence d’outils spécifiques de cartographie thématique (seul Khartis semble avoir été mobilisé pour la préparation d’un fond de carte).
Plus d’information ce mapathon sont disponibles ici.
Autre contribution notable mobilisant les données de ce mapathon : Le transport aérien en France métropolitaine en 2019, réalisée avec Excel, Magrit et Illustrator, par Jean-Christophe Fichet (Cartolycée)
Billet lié : Quelles technologies pour visualiser des flux ?
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:50
Géovisualiser des stocks comme des flux
sur Carnet (neo)cartographiqueUne carte de flux est traditionnellement réalisée à partir de données archivées dans un tableau croisé, que l’on nomme une matrice de flux. Par convention, par chez nous du moins, sont mentionnées en lignes les entités d’origine et en colonnes, celles de de destination. Le croisement d’une ligne et d’une colonne décrit une quantité transferée depuis une entité d’origine vers une entité de destination.
Cette matrice est donc composé de deux grandes parties exploitables dans un processus de cartographique :– une partie centrale, son cœur, qui décrit cette quantité transférée entre les couples d’origine-destination ;
– une partie périphérique, les marges, qui décrivent soit le total émis par une entité (située en ligne) ou soit le total reçus par cette même entité (située en colonne).Partant de là, différents indicateurs peuvent être calculés … de même que différents raisonnements peuvent être adoptés pour analyser les données de cette matrice et les visualiser notamment par voie cartographique, en fonction de leur thématique, afin de les communiquer à un public donné.
La carte étant un document à destination, sa réalisation est fondamentalement liée à sa thématique.
Illustrons donc ce qui précède, en prenant l’exemple d’une matrice de migrants. Cela nous permet de faire le lien avec MigrExploreR (3) qui propose une géovisualisation de stocks (de migrants) sous la forme de flux (de populations étrangères).La figure ci-dessous a pour objectif d’illustrer ce passage entre les données numériques dont on dispose et deux grandes possibilités cartographiques. Il est important de noter que ces deux possibilités correspondent à deux logiques de raisonnement bien distinctes :
– une logique de lieux : je regarde ce qui qui se produit au pays de destination (ou d’origine) ;
– une logique de flux : je regarde comment les pays d’origine et de destination sont reliés, mis en relation par l’existence d’une quantité de population (un stock, donc) qui a été transférée (un flux, donc) à un moment donné.Interprétation :
en supposant que A, B, C et D soient des pays, on observe que le pays B a accueilli 8 personnes ayant la nationalité du pays A, ce qui témoigne d’un transfert de population que l’on peut formellement représenter par une flèche (bleue ci-dessus). Inversement, 6 personnes du pays B résident dans le pays A. C’est cette vision que MigrExploreR (3) propose.
Le pays A accueille au total 17 personnes qui proviennent / ont la nationalité exclusive d’un autre pays. Dans le même temps, ce même pays B a accueilli 14 personnes, tandis que 11 de ses compatriotes (individus de nationalité B) résident à l’étranger ; le pays B possède donc un volume total égal à 25 personnes, que l’on peut représenter par un symbole ponctuel proportionnel (cercle vert ci-dessus).Billet lié :
MigrExploreR (3) pour géovisualiser un flux de populations étrangèresGéographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:33
Trop Moyen Orient (combien de réfugiés français dans les pays voisins ?)
sur Carnet (neo)cartographiquePour changer de nos ordinaires, nous accueillons aujourd’hui dans Néocarto un artiste enseignant. Julien Dupont (Kobri) est auteur de fictions radiophoniques et cartographiques ainsi que professeur d’histoire-géographie en collège, près de Lyon. Avec ses cARTes, il redessine nos espaces de vie réels et imaginaires, nous transportant, songeurs, vers d’autres ailleurs. Ses cartes explorent et imaginent à l’aquarelle des espaces aussi divers qu’un salon en période de confinement, le Groenland après la fonte de l’Inlandsis ou le dernier plan de partage de la Palestine. Elles mobilisent les ressorts de la cartographie imaginaire pour s’emparer d’un sujet par le dessin et les mots, en proposer un récit. Pour Néocarto, il a choisi le Proche-Orient et la question des réfugiés syriens… Nous lui laissons la parole.
« Au mois de mars 2018 le régime syrien lance une offensive sur la Ghouta orientale (ghouta al sharqia), région périphérique à l’est de Damas, dans laquelle la rébellion à Bachar el Asad a survécu depuis 2012. Cette ultime bataille, présentée dès le départ comme un dernier sursaut de l’insurrection, oppose une armée régulière, aidée par des contingents étrangers, à quelques milliers d’opposants armés, dispersés sur un territoire de plaines agricoles parsemées de villages.
C’est la dernière grande oasis avant le désert de Syrie, partiellement asséchée par l’urbanisation de ces trente dernières années. Elle fait maintenant partie des lointaines banlieues et espaces périurbains de Damas, dont l’agglomération comptait 2,6 millions d’habitants en 2011. Si l’on transposait en France, Douma, la principale ville de la Ghouta, pourrait être l’équivalent d’une ville de l’Essonne. Ou encore Décines dans l’Est lyonnais. Peut-être Martigues et les alentours de l’Etang de Berre. En 2018, une grande majorité des habitants de cette région périphérique ont déjà fui. Les images qui nous parviennent nous montrent des immeubles éventrés et des routes défoncés empruntés par des blindés et des files de gens qui s’en vont encore et encore.
Depuis 2011, la moitié de la population syrienne a été déplacée et presqu’un tiers des Syriens a fui à l’étranger. Vers quels pays sont-ils partis ? Particulièrement la Turquie, le Liban, l’Irak, la Jordanie.
Au Liban, plus d’un million de réfugiés sont arrivés, augmentant sa population de plus de 15%. Ils sont sans doute autour de 2 millions en Turquie. L’Arabie Saoudite en revendique 2,5 millions mais le chiffre est difficilement vérifiable. Le nombre passe brutalement à quelques certaines pour d’autres pays voisins (Israël, Chypre).
Parallèlement, l’Europe voit arriver depuis 2015 des flux de plus en plus denses de réfugiés syriens, dont l’accueil est aussi proportionnellement très variable d’un pays à l’autre (capacité d’accueil de 1 à 30 entre la France et l’Allemagne, de 1 à 7 entre la France et la Suède, cette dernière pourtant bien moins peuplée que le France).
Mais le brassage de ces différents chiffres – suivre des flux d’humains en situation de fuite sous forme de courbes, de diagrammes ou d’énormes points sur des cartes – est finalement impuissant à quantifier la catastrophe syrienne.
Un tiers environ des habitants a fui le pays depuis 2011. Les conditions d’accueil des réfugiés dans les pays voisins sont extrêmement variables. On trouve plus souvent un accueil à l’entrée d’un camping que d’un camp de réfugiés et du personnel d’accueil à Stockholm que dans un village du désert jordanien.
Et nous, vers quels pays nous tournerions-nous
s’il fallait fuir les bombes et les massacres ?Pour cette carte réalisée au moment de l’offensive du régime syrien sur la Ghouta orientale, j’ai imaginé le nombre de réfugiés que provoquerait un conflit tel que celui qui dure depuis 9 ans en Syrie pour un pays comme la France (au prorata de la population déplacée dans les pays voisins).
Aquarelle 20cmX20cm, Julien Dupont (Kobri), mars 2018.Quel pays voisin nous « accueillerait », ou en tout cas nous laisserait rentrer, que ce soit pour nous guider vers un hébergement d’urgence ou plus simplement nous laissera planter nos tentes quechua au bord d’une voie rapide ? Si la France avait connu le terrible enchaînement des évènements qui dévaste la Syrie depuis presque dix ans, une vingtaine de millions de personnes aurait franchi les frontières belges, allemandes, suisses, espagnoles…
Quels pays auraient ouvert leurs frontières,
quels autres les auraient fermé ?Cette carte est une fiction, une tentative de renversement de perspective ; toute ressemblance avec des chiffres ou des pays ayant existé serait purement fortuite, et quelques données ont immanquablement été maltraitées. Elle exprime seulement une volonté de tromper l’œil en manipulant cartes et chiffres, ces objets mentaux qu’on nous sert à volonté chaque jour, et dont on peut essayer de s’emparer pour poser notre propre regard interrogatif sur le monde. »
Julien Dupont (Kobri)
kartokobri.wordpress.com
@kartokobri -
13:29
Passeports : Red is the new Black
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
« Ça impressionne Papier carbone Mais c’est du vent » (Serge Gainsbourg)
Camarades cartographes, une fois n’est pas coutume, je vous livre ici une cartographie par passeports proportionnels (sic). Et oui, sur cette carte, la surface des passeports représentés est proportionnelle à leur pouvoir, c’est à dire au nombre de pays qu’ils permettent d’atteindre sans visa préalable (en 2019 avant l’épidémie de Covid19). Et aussi absurde que cela puisse paraître, en matière de mobilités internationales, la couleur compte. Si vous avez un passeport rouge, sachez que vous pourrez voyager facilement dans 135 pays en moyenne. Si vous avez un passeport bleu, il vous donnera accès à 103 pays. Avec un passeport noir, vous pourrez rejoindre 88 pays. Et si par malheur vous avez un passeport vert, seuls 78 pays vous ouvriront les bras. Par ailleurs, sachez que le passeport le plus « puissant » au Monde est celui des Émirats arabes unis puisque il donne accès à 179 pays à travers le Monde (contre 170 pour un passeport français). A contrario, le passeport le moins puissant est le passeport Afghan, il ne donne accès qu’à 35 pays.
Mais quand même, vous devez probablement trouver ça absurde de prendre comme critère la couleur des passeports, n’est-ce pas ? Et vous n’avez pas tout à fait tort, même si ces couleurs ne sont pas choisies totalement au hasard. Le rouge par exemple, a été choisi à l’époque par les pays communistes, vous comprendrez aisément pourquoi. Mais le rouge, c’est aussi le choix de tous les pays européens à l’exception de la Croatie. La couleur verte quant à elle, a été choisie par la majorité des pays musulmans. Le vert, couleur de l’Islam. Le bleu est quant à lui très présent en Amérique (du nord et du sud). Et enfin les passeports noirs sont extrêmement rares. Seuls 7 pays les utilisent.
Eurasie, Amérique, pays musulmans : au final, ces couleurs renvoient plus ou moins à une régionalisation du Monde. Plus que la couleur du passeport, c’est donc en réalité la place de votre pays dans l’ordre mondial qui détermine votre capacité à franchir les frontières. En d’autres termes, selon que vous soyez ressortissant d’un puissant pays riche en paix ou d’un pays pauvre en guerre, vous n’aurez pas accès aux mêmes opportunités spatiales. Le premier critère pour avoir droit à la mobilité internationale c’est donc avant tout d’être bien né. Ni plus ni moins.
Note : les données utilisées ici proviennent du site passportindex.org [voir]. Mais d’autres classements existent avec des données sensiblement différentes. Voir par exemple henleypassportindex.com [voir].
Passports: Color mattersComrades cartographers, just the once will not hurt, I deliver you here a cartography by proportional passports (sic). And yeah, on this map, the surface of the passports represented is proportional to their power, that is to say to the number of countries they allow to reach without prior visa (in 2019 before the Covid epidemic19). And as absurd as it may seem, when it comes to international mobility, color matters. If you have a red passport, be aware that you will be able to travel easily to an average of 135 countries. If you have a blue passport, it will give you access to 103 countries. With a black passport, you will be able to reach 88 countries. And if by misfortune you have a green passport, only 78 countries will open their doors to you. In addition, you should know that the most « powerful » passport in the world is the United Arab Emirates passport, which gives you access to 179 countries around the world (compared to 170 for a French passport). On the other hand, the least powerful passport is the Afghan passport, which gives access to only 35 countries.
But still, you probably think it’s absurd to take the color of passports as a criterion, don’t you? And you’re not entirely wrong, even if these colors are not chosen at random. Red, for example, was chosen by the communist countries, you will easily understand why. But red is also the choice of all European countries except Croatia. The color green, for its part, was chosen by the majority of Muslim countries. As you know, green is the color of Islam. Blue is very present in America (North and South). And finally black passports are extremely rare. Only 7 countries use them.
Eurasia, America, Muslim countries: in the end, these colors refer more or less to a regionalization of the World. More than the color of your passport, it is actually the place of your country in the world order that determines your ability to cross borders. In other words, regardless of whether you are a citizen of a powerful country rich in peace or a poor country in war, you will not have access to the same spatial opportunities. The first criterion to be entitled to international mobility is therefore above all to be born in a good place. No more and no less.
Note: the data used here come from the website passportindex.org [see]. But other rankings exist with significantly different data. See for example henleypassportindex.com [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:46
La vraie forme de la Terre
sur Carnet (neo)cartographique– English below –
Camarades cartographes, on vous a menti. Et non, la Terre n’est pas ronde… Pourtant, cette idée était belle. Pour Platon par exemple, la Terre ne pouvait être autre chose qu’une sphère parfaite. Une forme géométrique pure. Ératosthène en calcula même la circonférence il y a de cela 2000 ans. Un véritable exploit quand on y pense. Mais on le sait aujourd’hui, Platon avait tort. Et la réalité est toujours plus complexe que celle qu’on imagine dans nos modèles théoriques.
En fait, même en faisant abstraction des reliefs qui la composent, la Terre n’est pas une sphère parfaite. Ce point n’est pas facile à comprendre au premier abord. Pourquoi la Terre sans ses reliefs ne serait pas ronde ? Pour bien saisir de quoi on parle, il faut imaginer notre planète comme si celle-ci n’était recouverte que d’eau, sans vents, ni courants, ni marées. On le comprend assez vite, la forme de la Terre ainsi définie, on ne peut pas la voir directement. C’est une surface fictive. Une surface théorique déterminant tous les points de notre planète à l’altitude zéro. Mais cette surface, on peut la mesurer. Car celle-ci n’est autre qu’une valeur constante du champ de gravité. On parlera aussi de surface equipotentielle du champ de pesanteur. Pour ce faire, on calcule la valeur moyenne de la gravité (g) au niveau des océans. Puis, on mesure en tout point du globe, les écarts à cette valeur moyenne. Si la mesure est plus petite que g, il y a un creux (ici en bleu sur la carte). Si la valeur est plus élevée, il y a une bosse (ici en rouge sur la carte). Cette surface ainsi définie est ce qu’on appelle le géoïde. Il définit la forme de la Terre au centimètre près.
Or, il s’avère que le géoïde est tiraillé de toutes parts par diverses forces. Tout d’abord, il a tendance a être légèrement déformé par la rotation de la Terre, il est aplati aux pôles et légèrement boursouflé à l’équateur. Mais il est également déformé par tous les astres qui opèrent de l’attraction sur lui, en particulier la Lune et le Soleil. Pensez aux marées. Enfin, il est déformé par les reliefs massifs. On estime par exemple qu’un relief de l’ordre du kilomètre provoque une déformation du géoïde d’environ un mètre.
Au final, le géoïde définit une surface imparfaite, bosselée de toute part, qui ressemblerait plutôt à une patate, comme le montre cette carte animée, réalisée avec un peu de patience avec le langage R. Si cela vous intéresse, les codes sources sont disponibles ici [voir].
The true shape of earthComrades cartographers, you have been lied to. No, the Earth is not round… Yet the idea was beautiful. For Plato, for example, the Earth could not be anything but a perfect sphere. A simple geometrical shape. Eratosthenes even calculated its circumference 2000 years ago. A real masterpiece when you think about it. But we know today, Plato was wrong. And reality is always more complex than what we imagine in our theoretical models.
In actually, even if we do not consider the landforms of which it is composed, the Earth is not a perfect sphere. This point is not easy to understand at first glance. Why the Earth without its reliefs would not be round? To understand what we are talking about, we have to imagine our planet as if it were covered only with water, without winds, streams or tides. We understand it quickly enough, the shape of the Earth thus defined, we can not see it directly. It is a fictitious surface. A theoretical surface determining all the points of our planet at zero altitude. But we can measure this surface. Because this surface is a constant value of the gravity field. We will also speak of equipotential surface of the gravity field. To do this, we calculate the average value of gravity (g) at the level of the oceans. Then, the deviations from this average value are measured at any point on the globe. If the measurement is smaller than g, there is a trough (here in blue on the map). If the value is higher, there is a bump (here in red on the map). This surface thus defined is what is called the geoid. It defines the shape of the Earth to the nearest centimeter.
However, the geoïd turns out that this one is pulled from all sides by various forces. First of all, it tends to be slightly deformed by the Earth’s rotation, it is flattened at the poles and slightly swollen at the equator. But it is also distorted by all the stars that operate attraction on it, especially the Moon and the Sun. Think of the tides. Finally, it is deformed by massive landforms. It is estimated for example that a relief of the order of a kilometer causes a deformation of the geoid of about a meter.
Finally, the geoid defines an imperfect surface, bumpy on all sides, which would rather look like a potato, as shown on this animated map, made with a little patience with the R language. If you are interested, the source codes are available here [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:12
MigrExploreR (3) pour géovisualiser un flux de populations étrangères
sur Carnet (neo)cartographique« La grande vie nous a plongé dans sa grande cohue
Hors y’a pas d’étranger y’a que des inconnus
Yé yé yé yé la – Yé yé yé yé la
Solidarité voila c’est ce qu’on est venu demander
La beauté n’a pas de frontières, la frontière n’a pas de cotés, … »
(M, Toumani et Sidiki Diabaté, Fatoumata Diawara, Solidarité, 2007)Comment explorer/visualiser le déplacement de populations depuis un pays vers un autre, selon leur genre et cela, entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet …
La troisième piste que nous explorons dans ce billet à deux voix ambitionne de répondre aux questions suivantes :
– Quels sont les pays d’origine des populations de nationalité étrangère accueilli.e.s dans un pays donné ?
– D’où viennent ces populations étrangères recensées dans un pays donné ?
– Dans quels pays du monde sont installées les populations de telle ou telle autre nationalité ?
– Où s’installent les femmes françaises ?
– etc.
Les données sont celles qui ont déjà été présentées dans MigrExplorer (1). Elles décrivent littéralement un « stock de migrants » selon leur genre (homme, femme, ensemble), observé en 1990, 1995, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019 pour tous les pays et toutes les régions du monde (au sens des Nations Unies), sous la forme de matrice origine-destination.
L’information que nous mobilisons ici la partie disponible au cœur de cette matrice origine-destination. A noter que les applications précédentes [Migr et Migr 2] exploitent toutes deux les marges de cette même matrice, c’est-à-dire les sommes en lignes et en colonnes qui décrivent respectivement le nombre de personnes genrées émises ou reçues par un pays (un groupe de pays ou un ensemble de plusieurs pays), à une date ou bien sur une période.Le cœur de cette matrice décrit ainsi, par définition et par construction, le transfert ou déplacement d’un effectif de populations depuis un lieu d’origine vers un lieu de destination. Formellement un flux origine-destination.
Précisions sur le flux dont il est questionCette matrice décrit pour un pays donné, la présence étrangère – et non à proprement parler un effectifs de migrant.e.s.
Les migrant.e.s sont des personnes en cours de déplacement (et qui, au moment de l’enquête, ne sont pas encore arrivées à destination finale). Les données ne décrivent en effet pas le voyage réalisé par ces populations étrangères recensées dans un pays autre que celui dont elles portent la nationalité. Il n’est pas possible de savoir par où elles sont passées, quels sont les pays traversés, les routes (terrestres, maritimes ou aériennes) empruntées, quel est le mode de transport utilisé (à pied, en bus, en train, en avion, …), dans quelles localités elles ont résidé pendant leur voyage et avec qui, etc.
Dit autrement, pour une personne de nationalité étrangère recensée comme résidente dans un pays donné, la France par exemple, il n’est pas possible de reconstituer sa trajectoire à partir des données dont nous disposons. Tout au plus savons-nous que cette personne est de telle ou telle nationalité et qu’elle réside sur place en tant qu’étrangère (nous ne savons pas si elle est née en France ou même si elle a résidé dans le pays dont elle possède la nationalité au moment de l’enquête).Le cœur de la matrice met en relation le pays de résidence (celui de destination, la France par exemple) avec un pays d’origine, correspondant à celui dont la personne recensée en tant qu’étrangère porte la nationalité. Il reconstruit par là une donnée origine-destination (OD). Cette situation résulte du fait que la mesure directe des individus qui se sont déplacés sur une période entre deux pays, celle des migrant.e.s donc, tout comme celle de leurs déplacements, les migrations, n’est pas connue avec précision. Basée sur la déclaration des personnes puis sur celle des États, elle est par essence incomplète, sous-estimée ou lacunaire. C’est pourquoi des méthodes de collecte indirectes ont été développées, conduisant à reconstituer des flux à partir de stocks déclarés. C’est le cas de nombreuses données portant sur des flux internationaux, ceux d’étrangers, de réfugiés collectées par l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) ou encore ceux de migrant.e.s que nous mobilisons ici.
Cette donnée OD ne décrit par conséquent ni le voyage, ni le mouvement. Elle ne décrit pas non plus des migrations – c’est pourquoi elle ne devra pas être interprétée comme telle (un mouvement migratoire). Cette OD décrit une et une seule migration par personne – alors que l’on peut raisonnablement supposer que la probabilité que les populations concernées aient changé de lieu de résidence entre deux dates est forte, d’autant plus que la période observée est grande et la distance parcourue (ou l’éloignement depuis l’origine) importante. Cela signifie que cette donnée OD est largement sous-estimée du point de vue du nombre de déplacements réalisés dans la réalité entre les couples de pays concernés.
[NOTE DE F.B.]
Il importe donc de garder à l’esprit que ces données renseignent sur un nombre de résidents de nationalité étrangère par pays, un effectif de personnes ayant la nationalité exclusive d’un autre pays dit d’origine. C’est pourquoi elles mettent en relation un pays d’origine et un pays d’accueil (de destination) que l’on appréhende ici comme un réseau de relations pondérées par l’effectif, et spatialisées.
Ce réseau est formé de l’ensemble de ces couples de pays entre lesquels des populations ont circulé ; l’objet géographique analysé ici est un couple OD. C’est pourquoi il est tout à fait pertinent de le représenter sous la forme d’un graphe pondéré (synonyme : graphe de flux). Un graphe que l’on va juste projeter sur un espace géographique et qui prendra ainsi la forme de graphe spatialisé de relations inter pays, autrement dit de carte de flux.
J’espère avoir répondu ici à la demande de précision de Nicolas Lambert [Voir ici] sur le risque de #mapfail concernant la représentation de stocks de migrant.e.s sous la forme de flux
Balle au centre ?Ce flux de migrant.e.s étant obtenu par construction à partir des effectifs déclarés (l’inverse est également vrai), l’image des relations inter pays qui en résulte est nécessairement complémentaire à celle des localisations des effectifs de migrant.e.s émis ou bien reçus par chacun d’eux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les cartes présentées dans cette série MigrExploreR [Voir Migr] présentent des liens et des cercles.
Complémentarité des interactions et des positionsPour un développement théorique sur cette complémentarité, voir Grasland (2010), accessible ici.
La figure ci-dessous illustre une partie de cette complémentarité par la représentation de la présence étrangère en France, en focalisant l’attention sur le Maroc, comme pays d’origine (symbolisé en orange sur les deux images). Ces deux modalités graphiques correspondent à deux visions strictement complémentaires, alors qu’elles décrivent respectivement un flux par un lien (à gauche) et une localisation par un nœud (à droite), tous deux pondérés par la même quantité : le nombre de personnes de nationalité marocaine résidente en France en 2019.
La représentation sous la forme de liens pondérés orientés illustre les transferts, par des flèches (à gauche). Le Maroc, avec l’une des plus grosses flèches, apparaît ainsi comme l’un des premiers pays d’origine des étrangers présents en France, en 2019. Ce constat est confirmé sur la vision selon les localisations, symbolisées par des symboles proportionnels aux effectifs : le Maroc apparaît effectivement comme l’un des pays le plus important en termes de provenance (il occupe le second rang avec 1 020 162 personnes, derrière l’Algérie, avec 1 575 528 personnes déclarées comme résidentes sur le territoire français en 2019).
Au-delà de ces questionnements thématiques, MigrExplorer 3 permet de questionner des aspects méthodologiques de construction cartographique de ces transferts de populations (au sens statistique) au niveau mondial, sous la forme de flux origine-destination.
Enjeux méthodologiquesCette proposition cartographique souhaite en effet répondre à deux des problèmes de la mise en carte des matrices origine-destination (OD) s’exprimant au niveau mondial à savoir :
La projection cartographique de flux mondiaux
– les problèmes liés au choix de la projection cartographique ;
– le dessin cartographique des flux origine-destination.L’application est présentée sur un globe interactif, en 3D, car la représentation des flux en 2D au niveau monde pose des problèmes liés au choix du système de projection cartographique à adopter.
Au delà des questions liées à la projection en elle-même (Mercator versus Peters par exemple) – entre lesquels l’arbitrage est en réalité « impossible » (Grataloup, 2011) – le fait est que la représentation des flux et mouvements est très sensible aux positions relatives des lieux d’origine et de destination les uns par rapport aux autres.
Deux problèmes se manifestent en particulier :
– un effet d’itinéraire [Voir une description ici, §. 6.2.1.2. p.262 et suiv.] ;
– un effet d’alignement topologique lié au fait que l’alignement (nord-sud ou nord-nord) de certains pays empêche la perception de certaines de leurs relations [Voir une description ici, §. 6.2.1.1. p.261].
Les flux économiques par exemple, lorsqu’il sont importants en valeur, sont majoritairement orientés nord-nord. Leur dessin sur un planisphère classique génère de nombreux traits horizontaux parmi les plus larges (voir ci-dessous une exemple de vue en projection de Mollweide comparé à une projection polaire. Source : Figure 6.4., page 253 (ici).La superposition de ces traits rend difficile la perception des échanges entre les États-Unis, l’Allemagne et la Chine. Pour contourner ce problème, il peut être intéressant d’adopter par exemple une projection polaire équidistante qui positionnera ces pays non pas horizontalement mais aux sommets d’un triangle quasi équilatéral (dessin de droite ci-dessus) … L’image qui en résulte sera plus claire, plus harmonieuse, en même temps qu’elle mettra en évidence la Triade voire les BRICS – rappelons au passage que le choix de la projection mérite d’être adapté à la thématique.
Le choix du globePour résoudre ces problèmes de projection, Waldo R. Tobler a proposé d’utiliser certains systèmes plutôt que d’autres, mieux adaptés aux flux (il nous a d’ailleurs suggéré de développer notre propre système de projection, ce dont nous sommes incapables).
Plus généralement, Tobler a aussi suggéré de recourir au globe, en faisant la proposition ci-dessous pour une représentation d’un phénomène de mondialisation en 2D.Projection du globe en 2D (Source : Waldo R. Tobler)
L’idée d’utiliser un globe pour représenter des flux est une question récurrente assez ancienne, renouvelée avec l’avancée des outils permettant de l’examiner encore et toujours.
L’interactivité apportée par le globe proposé ici est en ce sens très intéressante, car outre la nouvelle vision de ces flux mondiaux, une exploration assez fine en est grandement facilitée par la souplesse et la fluidité de d3.Si cette vision 3D est un enjeu fort de cette troisième application, l’enjeu tient dans le dessin de ces flux sur un globe.
Le dessin cartographique du flux sur un globeLe second enjeux méthodologique fort réside ici dans le dessin des flux, à savoir celui de la flèche. La solution proposée résulte d’un développement particulier réalisé dans le cadre du projet Tribute to Tobler (TTT), le style de la flèche étant à peu de choses près celui du Flowmapper [Voir ici]. Ce migrExploreR 3 est ainsi l’un des exemples d’application web de la cette partie d’un package R TTT, en cours de développement.
L’avantage d’un tel développement du dessin de flèches dans R (Rspatial) tient d’une part, dans la possibilité de leur spatialisation grâce au package {sf} et d’autre part, dans la maîtrise totale de leur géométrie dans l’objectif de progresser dans la sémiologie de ces flux.
Le portage des flèches dans Rspatial les transforme en effet en objets spatiaux, en l’occurrence surfaciques, qui sont définis dans un système de projection cartographique.Exemple de spatialisation d’un symbole de flux.
Cette spatialisation du symbole signifie que leur dessin s’adapte à la projection cartographique du fond de carte – tel un drap que l’on poserait sur une maquette, la flèche peut en épouser toutes les formes.De ce fait, un changement de projection cartographique entraînera un changement du motif intrinsèque des figurés … en même temps que les motifs d’ensemble varieront, par définition, en fonction du choix du système de projection cartographique.
Les flèches ainsi spatialisées peuvent ainsi être (re)projetées à volonté, voire même dessinées sur une sphère en s’adapter soit à la configuration (géographique) de la zone étudiée, soit au point de vue de ces flux, comme illustré sur la figure suivante centrée sur les États-Unis.
Exemple de spatialisation d’un symbole de flux (variante 3D globe)
La maîtrise de la géométrie des flux étend en même temps qu’elle les augmente les possibilités de leur sémiologie cartographique. Rappelons que la pratique usuelle consiste à ne paramétrer que la largeur / épaisseur de la flèche de manière proportionnelle à la quantité de flux symbolisée. Cette pratique apparemment paradoxale [Voir Bahoken et al. 2016] tient au rôle joué par l’espace géographique – via la distance parcourue. Si l’espace est bien pris en compte dans la construction de la valeur du flux (les modèles gravitaires intègrent bien différentes acceptions de la distance ou de l’éloignement/proximités des lieux OD), ce n’était pas le cas pour la construction de la distance cartographique … du moins jusqu’ici.
Comment ça marche ?
Avoir la main sur le dessin cartographique de ces flux va donc permettre de bousculer nos pratiques, de ré-examiner la sémiologie de flux discrets [voir migrExploreR 4], voire même de la dépasser…
En attendant d’y arriver, il est déjà possible de paramétrer différemment (les largeurs) des flèches.Sur le bandeau de gauche, la possibilité d’action sur la carte porte d’abord sur la matrice à analyser (From/To), depuis ou vers un pays, qui est sélectionné dans la foulée.
La deuxième étape est celle du filtrage des valeurs de flux symbolisées pour éviter que la carte soit trop complexe graphiquement (« effet spaghetti »). Ce filtrage consiste à définir l’intervalle de valeurs de flux bornées à afficher, les seuils minimum (et éventuellement maximum).
La troisième étape relève du dessin cartographique de la flèche, selon deux modalités :
– un paramétrage manuel (et visuel) qui passe par la définition d’un seuil graphique permettant de dimensionner la largeur des flèches. L’intérêt du recours à ce seuil est qu’il va pouvoir être appliquée à d’autres cartes et ainsi assurer la comparabilité de plusieurs images ;
– un paramétrage empirique, pour une définition automatique du seuil, qui conduit à un résultat intéressant mais unique et non comparable puisqu’il fonctionne de la même manière qu’une discrétisation / segmentation des valeurs selon un seuillage dit naturel.Une fois les paramètres sélectionnés, la carte décrit alors le résultat de la sélection de flux de migrants d’un pays donné, visualisée sur un globe qu’il est possible de manipuler avec une fluidité assez extraordinaire.
A suivre…
Références mentionnées :
Françoise Bahoken, Claude Grasland, Christine Zanin (2016), D’une cartographie de flux à une cartographie du mouvement. Aspects sémiologiques, Cartes et Géomatique, 2016, pp.65-74. ?hal-01592726?Françoise Bahoken (2016), Chapitre 6. D’une cartographie de flux à une cartographie de mouvements ?tel-01273776?
Claude Grasland (2009), Spatial analysis of social facts: A tentative theoretical framework derived from Tobler’s first law of geography and Blau’s multilevel structural theory of society. Handbook of Quantitative and Theoretical Geography
ou
___________________(2010), Advances in Quantitative and Theoretical Geography, Faculty of the Geosciences and Environment of the University of Lausanne, pp.000-046 ?halshs-00410669v2?Christian Grataloup (2011), Représenter le monde, La Documentation Française, La Documentation
photographique – Les dossiers, n° 8084..Billets liés :
Nicolas Lambert (2020), Avoir le bon flow, Carnet de recherches Néocartographiques, URL [https:]
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10556Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR 3 pour géovisualiser un flux de populations étrangères, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10950 -
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Jeu de cartes
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, c’est à vous de jouer. Mettez-vous en situation. Vous êtes un.e astronaute et vous explorez la voie lactée à bord de votre vaisseau spatial. Et là, patatras, alors que vous êtes à l’approche de la planète BX-429, vous êtes percuté.e par un objet non identifié vous contraignant à un atterrissage d’urgence. Votre mission, réparer les dégâts et en savoir plus sur cette planète inconnue. Pour cela, votre intelligence artificielle, bien que facétieuse, sera là pour vous aider.
Ce jeu vidéo cartographique, développé dans le cadre du consortium ImaGEO [voir] pour la fête de la science, a pour but d’initier le joueur, de manière ludique, aux principales notions de la cartographie indispensables pour savoir lire une carte géographique. Qu’est ce que l’information géographique ? Que se cache-t-il derrières les projections cartographiques ? Comment fonctionne la sémiologie graphique ? Pour cela, en plus du jeu vidéo en tant que tel, plusieurs vidéos pédagogiques sont proposées [voir]. A présent, une seule question se pose : saurez-vous retrouver votre vaisseau ?
Le jeu est à retrouver sur [https:]] .
Amusez-vous bien
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:30
Covid19 : 1 million de tests par semaine
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, je poursuis dans ce billet l’exploration des données publiques sur la covid-19. Dans ce travail en pointillé, j’ai choisi cette fois-ci de regarder les données relatives aux résultats des tests virologiques. Ces données sont assez simples à interpréter. Le taux de positivité des tests correspond au nombre de positifs rapportés au nombre de tests réalisés. Les données sont disponibles chaque jour (ou ici, par semaines) par départements et par classes d’âges [voir].
A partir de ces données, j’ai réalisé deux propositions graphiques. L’une est cartographique, sous la forme assez classique d’une carte choroplèthe interactive par départements. L’autre prend la forme d’un graphique assez classique lui aussi, montrant la distinction par classes d’âges. Au regard de cet indicateur statistique, il ne fait aucun doute que l’épidémie progresse dans notre pays, en particulier chez les 20-29 ans.
Mais peut-on résumer la situation sanitaire à un seul indicateur ? Evidemment non. Avec une dangerosité et une létalité différente selon les tranches d’âge, celui-utilisé ici n’est d’ailleurs pas parfait. D’autres données ne seraient-elles pas plus efficaces ? Plus utiles ? Plus pertinentes ? Et quels seraient leurs biais sous-jacents ? Voilà autant de questions qu’il est primordial de se poser lors de la confection d’une carte. En d’autres termes, se demander quel est le bon proxy statistique susceptible de rende compte au mieux d’une réalité géographique complexe à un instant donné. Pas si facile de choisir. Taux de mortalité en part de la population pour montrer la dangerosité du virus et sa diffusion dans l’espace [voir] ? Nombre de personnes en reanimation pour montrer le débordement du système hospitalier [voir] ? Données relatives ? Données absolues ? Ne faut-il pas changer d’échelle [voir] ? En réalité, aucun indicateur n’est parfait et aucun ne suffit à lui seul. Chaque carte produira son propre discours, avec ce qu’il dit et ce qu’il ne dit pas. Gare aux manipulations..
NB : Les codes sources derrière ces visualisations sont disponibles ici :
[https:]]covid19: 1 million tests per week
Comrades cartographers, I follow in this post the exploration of public data on covid-19. In this work, I have chosen this time to look at the data related to the results of virological tests. This data is quite simple to understand. The positivity rate is the number of positive tests relative to the number of tests performed. The data is available daily (or here, by weeks) by department and by age group [see].
From this data, I made two graphical proposals. One is cartographic, in the classic shape of an interactive choropleth map by departments. The other one is a classical chart, showing the distribution by age groups. Considering this statistical indicator, there is no doubt that the epidemic is growing in our country, especially among the 20-29 year olds.
But can the health situation be summed up in a single indicator? Obviously not. With different dangerousness and lethality according to age groups, this one is not perfect. Wouldn’t other data be more effective? More useful? More relevant? And what would be the underlying biases? These are all questions that it is essential to ask when making a map. In other words, what is the right statistical proxy that can best depict a geographic reality at a given moment. Not so easy to decide. Mortality rate to show the dangerousness of the virus and its spread in space [see] ? Number of people in resuscitation to show the overflow of the hospital system [see] ? Relative data ? Absolute data ? Shouldn’t the scale be changed [see]? Relative data ? Absolute data ? Shouldn’t the scale be changed [see]? In practice, no indicator is perfect and none is enough on its own. Each map generate its own discourse, with what it says and what it doesn’t say. Beware of manipulations…
NB: The source codes behind these visualizations are available here :
[https:]]Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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13:33
Geocovid
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, quoi de mieux qu’un globe pour représenter un phénomène à l’échelle globale. Ici, j’ai choisi de représenter les données publiques sur la Covid pour chaque pays du Monde. Réalisée en D3.js [voir], la carte présentée ci-dessus est interactive – le globe tourne et il est possible de survoler les cercles avec la souris pour en connaitre la valeur – et s’appuie sur des données mises à jour quotidiennement – la carte est donc à jour elle aussi. Trois variables sont disponibles : le nombre de décès depuis le début de l’épidémie, le nombre de cas et le nombre de guérisons. Deux options de représentation sont possibles. Une représentation par sphères où la donnée est proportionnelle au volume. Et, plus classique, une représentation par disques où la donnée est proportionnelle à la surface. Notez que ce choix n’est pas anodin. En choisissant le symbole sphère, on minimise visuellement l’écart entre les petits et les gros symboles. Mais ne saviez-vous pas que tout cartographe excellait dans l’art de la manipulation ?
Comrades cartographers, what better than a globe to represent a phenomenon at global scale. Here, I have opted to represent the public data on Covid19 for each country in the world. Made in D3.js [see], the map above is interactive (you can rotate the globe and it is possible to fly over the circles with the mouse to know their value) and is based on daily updated data (so the map is up to date too). Three variables are available: the number of deaths since the beginning of the epidemic, the number of cases and the recoveries. Two representation options are possible. A representation by spheres where the data is proportional to the volume. And, more classical, a representation by disks where the data is proportional to the surface. Note that this choice is not meaningless. By choosing the sphere symbol, you visually minimize the gap between small and large symbols. But didn’t you know that all cartographers are skilled in the art of manipulation?
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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14:57
Carto et chorégraphie #1. La scène
sur Carnet (neo)cartographiqueDans cartographie, il y a « graphie », dans chorégraphie aussi.
Ceci est un premier court billet, d’une courte série, souhaitant examiner les modalités de représentation graphique du mouvement individuel, en mettant en parallèle ceux d’un danseur (du répertoire classique) et ceux d’une personne circulant librement ou non dans un espace géographique. Pourquoi ? Parce que ça peut toujours servir …
RAPPEL :
La cartographie, c’est l’art de créer des cartes (géographiques). La chorégraphie, c’est l’art de créer des ballets (du répertoire classique). Dans les deux cas, il s’agit de produire une image décrivant un phénomène social. Pour comparer ces deux pratiques, prenons l’exemple de la graphie de la mobilité individuelle.
Ce billet porte sur la scène qui servira de support à la graphie d’un mouvement individuel.
PARALLÈLES :
- La cartographie (au sens de carte thématique) décrit des motifs (des patrons) dotés d’une signification, la chorégraphie aussi.
- La cartographie s’exprime sur une scène (souvent géographique, mais pas seulement), la chorégraphie aussi (la scène est souvent celle d’un théâtre).
- La scène du chorégraphe est une piste de danse, celle du cartographe est une zone d’étude. Toutes deux délimitent un espace géographique (le territoire du danseur, du navetteur, du touriste, etc.).
- La cartographie nécessite des repères spatiaux, c’est-à-dire au sol, la chorégraphie aussi.
- La cartographie s’appuie sur un maillage de l’espace, la chorégraphie aussi. Ce maillage est formé de lignes qui se croisent, définissant ainsi des points de repères, respectivement d’amer ou de coordonnées et des points Vaganova, par exemple.
- La cartographie se destine à un public donné, la chorégraphie aussi. Toutes deux sont donc (destinées à êtres) vues et perçues par au moins un observateur isolé.
- La cartographie est généralement orientée (par défaut vers un nord versus un sud), la chorégraphie aussi (par défaut de face versus de dos) par rapport au public.
- La cartographie est souvent présentée (au public) en vue de dessus, la chorégraphie en vue de face.
Ci-dessous, un essai de représentation graphique formelle comparant la scène du chorégraphe et celle du cartographe, en vues de dessus.
Essai de comparaison graphique des scènes chorégraphiques et cartographiques. (c) Néocarto, 2020.
Commentaires bienvenus.
Billet lié : Carto et chorégraphie #2. Le langage
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:02
Le Flowmapper de Tobler (1979)
sur Carnet (neo)cartographiquePREAMBULE : L’un des objectifs du programme Tribute to Tobler (TTT) consiste à permettre de mobiliser facilement différentes méthodes d’analyse et de cartographie proposées par Waldo Tobler, telles que présentées dans ses articles et supports de communication. Les méthodes et concepts qu’il a mobilisés ont souvent été illustrés par des données analysées à l’aide de programmes développées par l’auteur lui-même, souvent mis à disposition dans une extraordinaire démarche d’ouverture. Il est dès lors possible de les remobiliser voire de les étendre.
Le Flowmapper
Atteindre cet objectif de reproductibilité d’analyses anciennes, souvent complexes dans leur exposé et dans leur mise en œuvre suppose d’une part, une relecture des textes (articles, notes de recherches …) concernés et d’autre part, le re développement des programmes et outils mobilisés dans le ou les textes en question, dans les langages contemporains.
C’est le cas du Flowmapper qui fait l’objet de ce billet à deux voix.Flowmapper, c’est le nom de l’un des premiers, si ce n’est du premier programme de
cartographie automatique de données de flux origine-destination. Rien que cela. Il s’agit donc d’un outil développé par Tobler en 1979, après une série d’expérimentations portant en particulier sur l’automatisation de la carte statistique en général, celle de flux et de mouvements en particuliers (Tobler, 1970).
Le Flowmapper est en effet un outil complet et autonome qui permet de réaliser une cartographie discrète des flux et des mouvements, celle-ci pouvant également être statique (dans son support) continue ou animée. Tobler développe cette approche discrète en parallèle à une approche continue de ces mêmes mouvements qu’il explore alors tant pour ce qui est de leur modélisation numérique que de leur cartographie (processus et représentation) dans le cadre d’une réflexion d’ensemble (Tobler (1987) visant à géovisualiser des matrices OD décrivant des flux, mouvements et trajectoires.
La figure suivante illustre à partir d’une matrice de flux financiers souvent mobilisée par Tobler, ces deux raisonnements discrets et continus ; les cartes représentent toutes deux le bilan net de ces flux [Voir ici] pour décrire la dynamique de ces mouvements financiers.
Source : Tobler (note de recherche non datée), On viewing flow map.
Les cartes discrètes, continues ou animées (Tobler distingue ces trois types) se différencient « […] en fonction de la manière dont elles montrent le mouvement. Le type de carte discrète consiste en des bandes ou des flèches dont la largeur est proportionnelle au volume déplacé […] » (Tobler, n-d.1). Dans ce registre, le Flowmapper permet notamment de filtrer, surtout de dessiner des objectifs surfaciques (et non linéaires) prenant la forme de bandes ou de flèches.
Historique des versionsL’intérêt d’une communauté intéressée par la géovisualisation des flux et mouvements a valu plusieurs existences au Flowmapper, sous la forme de différentes outils développés aux États-Unis, aussi en France !
La version initiale est développée en fortran par Waldo R. Tobler, en 1979. En 1987, une version pour Windows est développée par David Jones, en Visual Basic.Net : la nouveauté est qu’elle présente des graphiques vectoriels « adaptables » pour le rendu des cartes. D’autres versions vont ensuite suivre, proposées par des équipes de recherche. Deux d’entre elles voient ainsi le jour à l’Université de Strasbourg, autour de Colette Cauvin (Laboratoire Image Ville Environnement – UMR 7362) : la première réalisée sur station est signée Elisabeth Renault (1986) lors de son DEA ; la seconde est réalisée par Olivier Kapps (1995-96) pour Macintosh, sous le nom de Superflux. Tobler lui même en propose une nouvelle version pour micro ordinateur en 1987 et l’accompagne d’articles et de notes de recherches. Cette version sera suivie par celle de Alan Glennon (2005) réalisée dans le cadre de sa thèse, toujours accessible sur le site du Center for Spatially Integrated Social Science (CSISS), ici.
S’est ouvert entre temps une période qui voit l’intégration du Flowmapper dans les Systèmes d’Information Géographiques (SIG), alors que l’auteur avait justement vanté le fait que son Flowmapper n’en était pas un, de SIG, que par ailleurs il ne les mobilisait pas : « GISNot Needed ! ». Mais l’attrait des sigistes est si fort que l’avènement des SIG conduit naturellement au développement de plusieurs boites à outils largement inspirées du Flowmapper de Tobler.
On notera pour l’histoire, classées par éditeur, les travaux suivants :
- Applications Mapbasic pour MapInfo : l’outil Flux.mbx développé à l’issue des stages de Irène Goblran (2004) et de Stéphanie Julinet (2005) réalisés au CNRS (Géographie-cités UMR 8504), encadrées par Hélène Mathian. A noter également SpiderGraph ou mieux Fluxour.mbx pour Mapinfo et Arrows40.mbx (de mémoire), mobilisant des figurés liénaires.
- Toolbox pour ArcGis : Le Flowtoolsv069 pour ArcGis développé en VBA par A. Glennon (2006) sous la forme d’un document Arcmap (.mxd) était directement inspiré du Flowmapper (voir supra). Il n’a cependant pas supporté le passage à la version 10x du logiciel. De même que la proposition de G. Danhuai (2011) fortement inspirée des versions de Tobler et de Glennon (2006), mais présentée sous une forme interactive, est désormais inopérante. A noter les outils suivants pour ArcGis8x et 9x : OutildeFlux.dll, Oursins.dll et CreationFlèches.dll mobilisant un figuré linéaire avec un rendu rectilinéaire ou circulaire, qui ne sont donc pas dans la lignée de la proposition de Tobler.
- Plugin pour QGIS : Un plugin Flowmapper pour Qgis est actuellement maintenu par Cem Gulluoglu depuis 2012 [Voir]. A noter que si d’autres plugin QGIS pour cartes de flux existent, ils sont non directement liés aux travaux de Tobler – une recension (datant de 2017) est disponible ici.
Les possibilités actuellement offertes par le Flowmapper ne sont par conséquent disponibles, pour l’essentiel et à peu près facilement, que dans QGIS. Et puis c’est tout. Aucun outil ou package ne permet de reproduire aisément cette proposition qui sert pourtant de fondement à notre pratique actuelle de cartographie de mouvements.
Fonctionnalités historiques
C’est pourquoi, dans le cadre du programme Tribute To Tobler, nous ambitionnons de porter dans R notamment ces méthodes de cartographie des flux / mouvements. L’approche discrète étant principalement examinée par Nicolas Lambert et Françoise Bahoken en liens avec Étienne Côme qui examine en parallèle l’approche continue [voir Winds].Trois grandes familles de fonctionnalités spécifiques à une cartographie thématique de flux OD sont proposées dans le Flowmapper :
- la première permet d’agir sur le dessin des figurés symbolisant les flux (Flow Properties, Flow type/Width, Flow Color et Flow Threshold) ;
- la seconde concerne le dessin des figurés symbolisant des lieux mobilisés dans le système d’échanges (Data Points), mais elle est peu développée. ;
- la troisième relève de la conception d’ensemble de la carte (Backgound & Title), mais elle est logiquement assez limitée par rapport aux potentialités actuelles.
Comme tous les outils destiné à manipuler des matrices OD localisées, le Flowmapper requiert a minima deux fichiers :
- un fichier contenant les coordonnées (X,Y) des lieux d’origine et de ceux destination ;
- un second fichier décrivant l’interaction entre les couples de lieux.
- Des fichiers supplémentaires comportant les noms des lieux ou encore leurs limites géographiques pouvant être ajoutés.
Ces fonctionnalités sont accessibles par une barre de menus, composée de plusieurs onglets. Seuls les onglets typiquement dédiées aux flux vont être présentés ici.
Flowmapper’s project settinf
Les fonctionnalités dédiés aux flux sont d’ordre numériques et graphiques. Elles permettent d’agir soit sur la valeur du flux à cartographier en fonction du type de flux [ Flowtype/Width ], soit sur le filtrage / seuillage de l’information de flux [ Flow threshold ] pour réduire le nombre de figurés linéaires (représenter les flux supérieurs à une valeur donnée) et/ou ponctuels (en choisissant une focale, par exemple celle de ne représenter que les flux émis/reçus par un lieu particulier) ; enfin soit sur le dessin proprement dit du symbole [ Flow property ].
L’idée de décomposer la matrice initiale étant au cœur du raisonnement de Tobler [ Voir le billet Quels flux représenter comment ?] les principales possibilités cartographiques qui en découlent sont logiquement intégrées dans le Flowmapper via les fonctions [ Flowtype / width ] et [ flowthreshold ].
[ Flow Type / width ][ Flowtype / width ] est un onglet complet dans la mesure ou il conduit à sélectionner ET à filtrer les flux ET à arbitrer sur le type de figuré (flèche, bande) à représenter. Les actions qu’ils autorisent ont donc une double conséquence sur la carte : numérique et graphique.
Le Flowtype conduit d’abord à décider de l’une des trois cartes à représenter qui vont mobiliser trois formes de figurés différentes, parce que leur signification en dépend. Rappelons que :
– les OD asymétriques où pour tout (i,j), (Fij) <> de (Fij) ==> deux flèches de sens opposé ;
– les OD symétriques (Fij+) où pour tout (i,j), (Fij) = (Fij) ==> une bande (non orientée) ;
– les OD anti-symétriques (Fij-) où pour tout (i,j), (Fij) = – (Fij) ==> une unique flèche1) Choix de la partie de la matrice à représenter
niveau relationnel (le cœur de la matrice, donc les liens)
– tous les flux, le volume ou le solde bilatéral (all, gross, net, two-way) ;
niveau local (les marges de la matrice, c’est-à-dire les lieux)
– un lieu d’origine ou de destination ou tous les lieux (all, single row or column)2) Tri des flux sélectionnés, de la plus grosse à la plus petite valeur de manière à pouvoir placer alternativement au premier plan, les symboles correspondants aux plus grandes ou aux plus petites valeurs.
Épaisseur du lien
À noter que l’auteur suggère de placer les plus gros symboles au premier plan – en France, on nous suggère plutôt l’inverse.
3) Paramétrage de la largeur graphique du symbole (en points) selon trois possibilités :
[Flow threshold]
– en introduisant une valeur fixe, de sorte que les dimensions des flux soient tous identiques ;
– en rendant les symboles strictement proportionnels à la quantité de flux ;
– en fixant la largeur du maximum graphique sur le maximum numérique.
Seuillage du fluxLe seuillage des flux fait partie des paramètres exclusivement numériques, n’agissant que sur la pondération du lien. En raison de la complexité graphique de la carte qui peut résulter d’une cartographie directe des liens, il s’agit d’appliquer un critère qui va conduire à éliminer une partie de l’information pour ne conserver que les figurés jugés significatifs, représentatifs, majeurs, principaux … bref, ceux qui intéressent l’analyse et dont la modélisation ou sélection a nécessairement été réalisée en amont de cette étape de représentation.
L’objectif du filtrage étant d’assurer la « clarté de la figure », définie par Tobler (dans l’une de ses notes de recherche non publiée, voir référence) comme une propriété essentielle de la carte de flux.Les possibilités de filtrage proposées relèvent de :
– l’application d’un seuil tel que : la moyenne des flux, un pourcentage du total de l’information (par exemple, 70% de l’information totale de flux), une valeur spécifique ou encore un maximum attendu ;
– la représentation de toute l’information de flux, donc sans seuillage.À noter que Tobler suggère d’utiliser par défaut la valeur moyenne des flux calculée sur l’ensemble des flux observés (hors diagonale et marges, faut-il le préciser ?). Il ajoute par ailleurs que l’interprétation de cette moyenne est sensible selon le type de flux représenté (elle sera généralement importante pour les flux bruts et plus faible pour les flux nets).
[Flow Color]
Couleur et dessin des figurésLe Flowmapper permet d’agir sur les couleurs des figurés linéaires, ou ponctuels.
Concernant les liens, il est possible de modifier leur :
– Couleur : du contour ou du fond. Pour le fond la teinte du symbole peut être unie ou nuancée, selon un gradient qui est soit proportionnel aux valeurs de flux correspondantes – afin que les plus gros flux présentent l’intensité de teinte la plus forte –, soit inversement proportionnelle pour focaliser l’attention sur les plus petits flux (lesquels sont souvent les plus longs). La construction de ce gradient admet trois couleurs de manière à pouvoir gérer les superpositions (deux couleurs pour le dégradé du fond et une troisième pour le contour).
– Forme : choix du style de lien (flèche, bande)Concernant les lieux, il est possible d’afficher des points de coordonnées, à défaut les centroïdes de zones, et de leur appliquer une variation de :
– forme : au choix de cercle, carré, triangle ou aucune ;
– couleur : de fond ou de contour ;
– de taille ;
– de label au survol de la souris.Quelques éléments d’habillage complémentaires très rudimentaires sont en outre proposés, tels l’affichage d’un titre ou le paramétrage du fond de carte.
La carte ci-dessus a été réalisée par Tobler, à partir de données de traffic routier français interdépartemental (données qui lui auraient été transmises par un certain monsieur Saligny).
Précisions sur l’usage de la couleur / noir et blancSource : Tobler (1999), France_road_traffic_Map.png
Tobler apporte notamment les précisions suivantes concernant l’usage de couleur (dans le Lisez-Moi 1rts.Read disponible dans les jeux de données fournis avec le Flowmapper). Ayant accès au corpus de travaux et documents de l’auteur, nous avons pu retrouver les fichiers d’illustration (Black & White.tif) mentionnés ci-après.
« Les cartes en couleur [comme ci-dessus] se convertissent bien en niveaux de gris pour l’impression en demi-teinte, mais si vous souhaitez réaliser une carte entièrement en noir et blanc, procédez comme suit. Choisissez le blanc pour le fond et pour la carte muette, choisissez ensuite le noir ou le blanc pour les bandes / flèches de flux. Lorsque les bandes / flèches sont blanches, spécifiez un bord plus large en noir pour les distinguer sur la carte, et pour montrer le chevauchement clairement.
Si les bandes ou les flèches sont en noir, choisissez un bord blanc pour la même raison. De plus, avoir un bord plus large en noir pour le contour du polygone est généralement approprié. Un exemple est donné sous la forme de Black & White.tif dans le dossier USA/By Age/Maps » [cartes ci-dessus].
Quelques enjeux cartographiques d’une relecture du FlowmapperLe premier enjeu tient au type de figuré symbolisant les flux. Ce figuré étant surfacique (et non linéaire comme souvent), il prend la forme de polygones. Ce changement de figuré signifie que la construction graphique du flux s’appuie sur un objet dont l’aire est (potentiellement) mesurable. Porter la construction de cet objet dans Rspatial va donc nous donner la main sur toutes les dimensions de ce figuré – ce qui n’est actuellement possible dans aucun outil à notre connaissance. Dit autrement, mobiliser un polygone, c’est enrichir la construction cartographique du flux en étendant les possibilités d’actions lors de la fabrication du figuré, en rajoutant en l’occurrence la dimension de surface comme paramètre de dessin.
Rappelons que seule la dimension de largeur / épaisseur (disponible pour les symboles classiquement mobilisés : flèches, bandes, etc.) peut être aujourd’hui paramétrée (y compris dans le Flowmapper) pour construire le flux. Cela soulève un paradoxe dans la mesure ou l’œil humain perçoit cette largeur, mais aussi une tâche visuelle (sous forme de flèche) qui correspond à leur aire (voir Bahoken et al, 2016). Leur longueur n’est pas mobilisable a priori, car elle correspond à l’espacement des OD, un critère déjà donné par le système de projection du fond de carte sous-jacent. Dans une projection donnée, les positions relatives des lieux les uns par rapport aux autres sont absolues et, dans une approche géographique qui mobilise le rôle joué par l’espace ou le territoire dont il est question, il n’est pas envisageable de modifier arbitrairement ces positions. (Il est évidemment possible de changer de système de projection global ou de raisonnement théorique pour modifier les positions des lieux ; aussi d’utiliser des métriques non géométriques pour représenter par exemple la morphologie du système de flux sous la forme de graphe, mais n’oublions pas que dans ce cas, la composante géographique est perdue…).
Le fait que l’œil perçoive la largeur, la longueur et la surface d’un figuré, mais qu’il ne soit possible que d’agir que sur la seule largeur pour construire ce même figuré pose donc un problème.Le second enjeu notable est que cet objet polygone peut désormais être spatial, ce qui signifie qu’il va pouvoir être assorti d’une projection cartographique qui lui sera intrinsèque. La nouveauté ici est que cette projection cartographique pourra être intégrée à la fabrication de l’objet, au dessin lui-même – sachant par ailleurs que cet objet a pour vocation d’être spatialisé, autrement dit projetté sur une carte.
Cette nouvelle possibilité est très utile lorsqu’il s’agit de représenter des flux mondialisés sur une sphère, comme illustré par la figure ci-dessous où l’on voit bien comment le figuré épouse la rotondité de la sphère (figure de droite). [Voir migrExploreR3 ]Enjeu de la possibilité d’une spatialisation du symbole de flux.
Vers une version 2 du FlowmappeR de Tobler, Tribute To Tobler, 2020.Sur un plan purement cartographique, on peut donc faire l’hypothèse raisonnable que pouvoir mobiliser des polygones spatiaux orientés ou non n’est pas qu’un artifice graphique. Si cela présente un risque apparent de #mapfail (voir Bahoken et al, 2016 – nous y reviendrons dans un prochain billet), qui va d’ailleurs se renforcer pour certains types de flux (les migrations par exemple), c’est notamment parce qu’il conduit à questionner les fondements théoriques de la construction (cartographique) du flux et leur interprétation, au regard du système sémiologique actuel. Aussi parce qu’il va nous pousser dans nos retranchements. Si l’action sur l’épaisseur du symbole du flux ne conduit pas à un résultat faux, celle menée sur sa surface (moyennant le jeu de variables visuelles additionnelles) devrait nous permettre d’avancer dans la possibilité de cartographier des mouvements.
Références de Tobler mentionnées
– Tobler, W. R. (n.-d.1), On viewing flow map, Note de recherche non datée, 6 p.
– Tobler, W. R. (1979), A geographical flow mapping program, Geographical Analysis, n°13, Vol. 1, pp. 1-20.
– Tobler W. R. (1982), Cartographic study of movement tables, Presentation in the National Computer, Graphic Assembly – session on Statistical Graphics – Mapping, Anaheim, 17-06-1982.
– Tobler W. R. (1987), FlowMapper Tutorials.
– Tobler, W. R. (1988), Resolution, resampling and all that, Paper for Discussion at the International Geographical Union Global Database Planning Project, Tylney Hall, England, May, 9-13, 1988, 9 p.Billets liés à TTT
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur ljegou Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le site de @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Autres références mentionnées
Bahoken F., Grasland C., Zanin C. (2016), D’une cartographie de flux à une cartographie du mouvement spatial, aspects sémiologiques, Revue Cartes et géomatique, Comité Français de Cartographie (CFC), n° 229-230, 2016, pp.65-74.
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11:57
Back to Nuit Debout
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, je vous propose avec ce court billet de rentrée, un petit retour en arrière. Au printemps 2016, la France connaît un grand mouvement social contre la loi travail, avec des grèves et des manifestations massives. C’est sur ce terreau de contestation populaire que né le mouvement Nuit Debout, sur le modèle d’Occupy Wall Street et des Indignés espagnols. Ces rassemblements en plein air ont débuté à Paris le 31 mars et ont duré plusieurs semaines. Mais loin de se limiter à la capitale, ceux-ci en essaimé partout en France. Pour s’en rendre compte, une équipe de multidisciplinaire composée de géographes, historiens et sociologues a réalisé une base de donnée exhaustive recensant tous les rassemblements du mois d’avril [voir]. Pour cela, trois sources ont été utilisées : le wiki créé par le mouvement lui même, les pages et groupes Facebook créés par les assemblées locales et la presse régionale. Au total, les sources ont permis d’identifier 1300 assemblées qui se sont déroulées dans 215 lieux différents. L’ensemble des données est disponible en ligne [voir]. La carte ci-dessous, réalisée en D3.js [voir] n’en est que l’expression graphique interactive.
Bonne rentrée à tou.te.s.
Comrades cartographers, I propose to you with this short post, a small step back in time. In the spring of 2016, France is experiencing a major social movement, with strikes and massive demonstrations. It is on this ground of popular protest that the French Nuit Debout movement was born, based on the model of Occupy Wall Street and the Spanish Indinados. These open air assemblies began in Paris on March 31 and lasted several weeks. But far from being limited to the capital city, they spread all over France. To find out, a multidisciplinary team of geographers, historians and sociologists has compiled an exhaustive database listing all the April gatherings [see]. Three data sources were used: the wiki created by the movement itself, the Facebook pages and groups created by the local assemblies and the regional press. In total, the sources made it possible to identify 1300 assemblies that took place in 215 different places. All the data is available online [see]. The map below, made in D3.js [see] is only its interactive graphic expression.
Have a good start to the new school year.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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9:04
Quelles technologies pour visualiser des flux ?
sur Carnet (neo)cartographiqueOn ne peut que se réjouir de ce que la cartographie des interactions territoriales, sous la forme de carte flux, participe aujourd’hui pleinement des nouvelles fabriques de la carte, celles qui sont propres au geoweb.
Les nouveaux outils – qui à force d’être nouveaux, le sont de moins en moins – apparaissent désormais appropriés par la communauté des géomaticien.ne.s – cartographes – Voir à ce sujet ce billet le blog du Master géonumérique ici. La compétence en développement largement reconnue comme essentielle pour la manipulation quotidienne de données localisées, l’est désormais pour les données bi localisées, de type flux OD ou de réseaux.
Des utilisateurs de plus en plus divers et nombreux se sont d’ailleurs appropriés ces outils, en témoigne le nombre croissant et la variété des dispositifs de géo visualisation de flux et réseaux actuellement accessibles en ligne (voir un aperçu ici).
Il faut dire que l’intérêt pour ces outils est renforcé par diverses sollicitations dont les développeurs peuvent faire l’objet, sollicitations d’autant plus encourageantes qu’elles prennent la forme de concours de type Mapathon. Si tous ne sont pas fructueux en termes de résultat, de style ou d’innovation des propositions, le Mapathon organisé par l’association Toulouse-Dataviz (TDV) organisé en 2019 sur des OD mérite qu’on s’y attarde.
L’exemple d’un Hackaviz dédié aux OD
Source : http://toulouse-dataviz.fr/hackaviz-2019-2.
Le Hackaviz est un terme introduit par l’association TDV pour signifier Concours de visualisation de données en temps limité, seul ou en équipe. La seconde édition organisée en avril 2019, était dédié à l’exploitation d’une matrice de flux de travailleurs de la région Occitanie, extraite du fichier Mobilités professionnelles des individus (MOBPRO) de l’INSEE accessible ici. L’objectif affiché était simple. Il s’agissait de produire une analyse visuelle des données de flux de l’Occitanie et non seulement une simple visualisation !.
Les participant.e.s ont eu dix jours pour « raconter une histoire à partir des informations […] avec des graphiques [réalisés] à partir d’un jeu de données original seul ou en équipe .»
Pour préparer / accompagner les travaux, quatre newsletters ont été proposées :
– Pourquoi visualiser [Voir] ?
– Comment visualiser [Voir] ? ;
– Outils et exemples, avec notamment un lien vers le Dataviz tools ;
– Exemples & entraînements [Voir].L’événement a connu un certain succès. Près de la moitié (37) des 85 personnes inscrites ont contribué à l’une des 24 productions, souvent seul.e (16 sur 24) ou en équipe (8 sur 24).
Quelles outils utilisés lors du #Hackaviz2019 ?Les participant.e.s ont mobilisé différents outils, souvent en lien avec la visualisation (voir graphique ci-dessous). A noter la popularité de R et Tableau mobilisés chacun dans 4 propositions, ils sont suivis par Python vu comme le second grand environnement de développement avec R.
Les langages permettant d’ajouter une composante web et interactive aux images obtenues, à savoir JS & d3 et Plotly sont logiquement bien positionnés en tête. Hormis Tableau qui réussi à se glisser dans le carré de tête, le premier outil propriétaire est issu de la gamme de Microsoft (Excel puis Powerpoint) tandis que sa version libre (Libre Office) n’a été utilisé que par une seule proposition.
Quelles images obtenues ?
Ces outils sont-ils libres ?
D’après Nicolas Roelandt qui avait examiné avec attention le graphique ci-dessus (merci à lui !) en tant que spécialiste de ces questions [Voir son ouvrage], le fait que la moitié des technologies mobilisées dans ce hackaton présente des licences de type FOSS (Fondation Open Source Geospatial) est plutôt bon signe.Les 24 productions finalement présentées lors du #Hackaviz2019 ont fait preuve d’une variété graphique et d’une richesse sémiologique qu’il convient de souligner, révélant le dynamisme d’une communauté spécifique de data visualisateurs qui ne semblent plus (?) insensibles à la signification de l’information représentée.
Ces productions peuvent être classées en deux familles selon leur support numérique interactif (14 sites) ou statique (10), en témoigne cette petite sélection.
Tous les résultats peuvent être consultés individuellement sur une page dédiée [voir]
Quels langages pour demain ?Ces quelques réalisations apportent un aperçu de l’image cartographique contemporaine de ces navettes domicile-travail, dont le renouvellement est nécessairement lié aux possibilités technologiques du moment …
Cela étant, s’il n’est pas nécessaire de connaître tous les langages du moment, on observe toutefois la permanence de grands standards, comme l’illustre cette série de graphiques proposée par la chaîne Data Is BeautifulI dans une vidéo sur les Most Popular Programming Languages 1965 – 2019.A noter l’analyse réalisée par Axel Fourneyron (2019) sur les langages de programmation cartographique de demain [Voir]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:38
Quels flux représenter comment ?
sur Carnet (neo)cartographiquePREAMBULE : Ce billet est un rappel en version courte d’une approche classique de cartographie thématique sous la forme de flux origine-destination, que j’ai déjà pu présenter à plusieurs reprises dans différents contextes (voir réf. en fin de billet). Que les initi.é.e.s m’en excusent. Si je propose cette version – billet, c’est pour rappeler ces bases (histoire que l’on sache bien de quoi on parle, parce que cela va nous servir pour la suite) sur lesquelles Nicolas lambert et moi-même nous penchons en particulier dans le cadre du programme Tribute to Tobler TTT pour ré-examiner la partie des travaux de Tobler qui porte sur une approche discrète de la cartographie des interactions spatiales – à noter que l’approche continue étant notamment examinée en parallèle par Étienne Côme – voir notamment ses Winds.
Les matrices de flux correspondent à « […] ces tables [qui] peuvent être décomposées en deux parties, une partie symétrique et une partie antisymétrique. Pour les statisticiens de l’auditoire la variance totale peut également être divisée en ces deux parties ».
Waldo Rudolf Tobler (1979).La matrice de flux étant un objet complexe à manipuler, le choix du flux à représenter est un paramètre fondamental. Du point du vue de la matrice origine-destination (tableau croisé lignes*colonnes) et dans une perspective d’analyse géographique, faut-il s’intéresser :
– aux interrelations entre les lieux (le cœur de la matrice) ?
– aux interactions entre les lieux (le cœur pondéré de la matrice) ?
– aux lieux de destination (les colonnes) ?
– aux lieux d’origine (les lignes) ?
– à un seul lieu, d’origine et/ou de destination (une seule ligne et/ou colonne) ?
– ou encore aux effets de ces interactions sur la distribution des lieux d’origine et/ou de destination (les marges du tableau) ? ;
– à tout ce qui précède ?
– etc.Pour tenter d’y voir clair, Tobler (1979, 1982) a proposé de décomposer l’information du coeur de la matrice de flux en deux sous-parties complémentaires.
Rappelons au passage – car il faut toujours rendre à César ce qui lui appartient – que cette idée de « décomposition » s’inscrit dans la suite logique de celle de « simplification » proposée par Jacques Bertin (1973).
« Lorsque l’on veut tout représenter sur une même carte [de flux], des simplifications s’imposent. Elles peuvent être de diverses natures : 1°) Représentation de la balance entre les deux sens, ce qui divise le réseau par deux et évite les allers et retours. Mais la vision de la masse migrante disparaît […] ». Jacques Bertin (1973).
Bertin propose de représenter soit l’existence d’une liaison (Lij), soit la balance migratoire, ce que propose également Tobler et d’autres auteurs, mais en allant plus loin, en proposant de décomposer une matrice de flux quelconque en deux composantes complémentaires.
Principe de la décomposition des flux selon ToblerL’objectif d’enrichir la cartographie discrète de la valeur de flux (Fij) à représenter, que celle-ci ait fait l’objet d’une modélisation en amont ou non – c’est très important -, en la décomposant en deux sous-parties complémentaires :
– l’une décrivant le fond vital du système d’échanges (Fij+), sous la forme d’un volume bilatéral total ;
– l’autre décrivant la dynamique du système d’échanges (Fij-), via le bilan, balance ou solde bilatéral net ;
sachant qu’il est toujours possible de représenter
– l’ensemble des flux bilatéraux (Fij) = (Fij-) + (Fij+)Cette proposition théorique présente plusieurs avantages méthodologiques qui sont liés à la conception de la carte en lien avec les données dont on dispose.
En utilisant la propriété générale de symétrie des matrices OD par rapport à la diagonale principale, la décomposition entraîne une division par deux du nombre de figurés linéaires à représenter, allégeant ainsi considérablement l’image.
Cette forme de « symétrisation », en modifiant les valeurs de flux, introduit également des variations de forme des figurés associés à chacune des sous-parties – elle a donc des conséquences graphiques directes. Si un système de double flèches convient pour le (Fij), une seule flèche est requise pour le (Fij-) et une bande pour le (Fij+), comme illustré par ce tableau récapitulatif.Les OD symétriques symbolisées par une bande suppriment par ailleurs l’orientation des figurés, ce qui n’est pas peu, vus mes / nos problèmes (dans R spécialement) liés à la gestion des dispositions des têtes et des queues de flèches visant à montrer un effet de convergence (ou de divergence) des flux vers (ou depuis) des lieux de destination (ou d’origine) mais … heureusement que Nicolas Lambert a très rapidement pu régler ce problème spécifique en deux minutes trente chrono et en plein confinement. Merci à lui.
Application cartographique
De la même façon, la représentation des OD non symétriques induit une difficulté supplémentaire liée à la gestion des dispositions des figurés d’orientations opposées entre les mêmes OD, leurs dessins respectifs obligeant au respect d’un parallélisme parfait, pour évoquer l’éventuelle bilatéralité des interactions représentées … mais heureusement que le confinement a un peu duré, car du coup, Nicolas Lambert a aussi pu régler cet autre problème dans R, quoique plus compliqué que le précédent. « – Je t’assure que là, elles sont bien parallèles les flèches « .La proposition initiale de Tobler conduit finalement à trois principaux types de cartes de flux fondamentalement différentes, alors qu’elles portent sur les mêmes données. Ces trois cartes correspondent en réalité à trois types de matrices différentes, que j’avais déjà présenté, en version longue ici (pp. 109-140) et en version courte ici. Aussi ici en version atelier pour les géomaticiens sous QGIS.
Carte 1. Flux observés
Pour illustrer brièvement le résultat cartographique, considérons trois cartes réalisées par Tobler lui-même, à partir d’une matrice de migrations intra-européennes de 1990.Les flux observés (Fij) sont généralement asymétriques : le flux de i vers j est (généralement) différent du flux de j vers i : (Fij) <> (Fji) .
C’est pourquoi ces flux sont symbolisés par deux flèches , d’épaisseurs différentes et d’orientations opposées.
– On ne fait pas un rectangle ou une seule flèche pour représenter ces matrices asymétriques, juste parce que l’on trouve que c’est joli. Faire cela, c’est supprimer arbitrairement des inter relations ou interactions entre des lieux.
– Le seul cas pour lequel on pourrait substituer une flèche par une bande, est dans la représentation des flux dirigés vers / depuis un seul lieu, aussi dans celle des accessibilités – c’est la méthode dite des oursins.Sur le plan (carto)graphique : les tracés sont droits et strictement parallèles, leur dessin évoque la métrique euclidienne (le vol d’oiseau) puisque le mode de transport n’est pas considéré dans les données, ni dans leur cartographie. Dit autrement, les contraintes (notamment) géographiques liées au déplacement ne sont pas prises en compte dans cette cartographie.
Carte 2. Volume bilatéral de fluxLa composante symétrique (Fij+) de cette même matrice se symbolise par une bande, typiquement par un rectangle unique (en raison de la symétrie des valeurs). La carte illustrer un volume bilatéral des échanges.
Sur le plan (carto)graphique : les tracés sont également droits et leur dessin évoque aussi la métrique euclidienne, pour les mêmes raisons que précédemment.
Carte 3. Solde (ou bilan net)La composante antisymétrique (Fij-) de cette même matrice se symbolise par une seule flèche, car les valeurs situées de part et d’autres de la diagonale principale sont similaires, mais de signes opposés. La représentation de la moitié (des figurés) de la matrice suffit donc pour symboliser le flux, sous réserve que cela soit précisé en légende – à noter que les images d’origine présentées ici ne sont pas dotées de légendes.
Trois possibilités sont en effet envisageables selon qu’on appréhende le (Fij-) :
a) en valeur absolue |(Fij-)| en combinant avec des éléments supplémentaire de sémiologie
b) par ses valeurs positives : (Fij-) > 0
c) par ses valeurs négatives : (Fij-) < 0.Le choix de l’une de ces possibilités dépend de la thématique de la matrice sous-jacente (flux migratoires, commerciaux, financiers …) et de l’interprétation de la carte, en particulier lorsqu’elle est bipartite – que les lieux d’origine diffèrent de ceux de destination.
Perspectives
Dans le cas des flux commerciaux par exemple, il sera dès lors possible de représenter la dynamique des flux d’exportations ou celle des flux d’importation, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. De même que pour les mobilités professionnelles qui s’expriment entre des lieux de résidence et des lieux de travail, la représentation de cette dynamique n’aura pas la même signification.
La carte suivante décrit des migrations entre des lieux similaires (des lieux de résidence).Au-delà de ces trois cas, il est possible d’enrichir la carte en combinant la représentation de ces différents types de flux par un indicateur similaire du point de vue des lieux (par exemple, le volume des flux reçus par chacun des lieux). C’est d’ailleurs ce qui est généralement fait – en géographie du moins.
En suivant ce raisonnement général de Tobler, il est également possible d’aller plus loin en manipulant la matrice pour aboutir soit à d’autres types de flux ; soit à d’autres représentations cartographiques de ces principaux types de flux ; soit à d’autres symbolisation de ces mêmes flux ; enfin, soit à d’autres interprétations qualitatives de ces mêmes flux.
Si l’on s’en tient aux perspectives d’ordre cartographique, il est possible de pousser le raisonnement en entrant par la manière dont ces différents types de flux sont symbolisés.
De ce point de vue, l’une des particularités de ces cartes de flux est qu’elles sont réalisées à l’aide de polygones et non seulement de lignes tracées entre les OD. Ce changement de forme n’est pas si anodin, il correspond d’abord à un changement d’implantation spatiale. S’il ouvre évidemment d’autres perspectives graphiques, il conduit avant tout à ré-examiner la signification des différents types de cartes de flux envisageables et plus loin, à enrichir le raisonnement conduisant à la représentation de mouvements géographiques … pour avoir le mouv’ [Billet à venir] à défaut d’avoir le bon flow !
Mais pour cela, il faut d’abord pouvoir réaliser de telles cartes. C’est pourquoi l’un des packages R du programme Tribute to Tobler (TTT) sera finalement dédié aux fonctionnalités du Flowmapper, le programme historique de Tobler qui a permis de représenter les cartes présentées ci-dessus … aussi celle-ci présentée ici en version béta.Vers une version 2 du FlowmappeR de Tobler, Tribute To Tobler, 2020.
L’enjeu ici est de rendre cette proposition cartographique réalisable aujourd’hui et aisément reproductible pour pouvoir proposer ce type de cartes sur des jeux de données contemporains, y ajouter d’autres types en étendant les fonctionnalités de cet outil, voire même, pourquoi pas, en proposer d’autres outils tel celui-ci..
Références de Tobler mentionnées
– Tobler, W. R. (1979), A geographical flow mapping program, Geographical Analysis, n°13, Vol. 1, pp. 1-20.
– Tobler W. R. (1982), Cartographic study of movement tables, Presentation in the National Computer, Graphic Assembly – session on Statistical Graphics – Mapping, Anaheim, 17-06-1982.Billets liés à TTT
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Autres références mentionnées
– Jacques Bertin (1973), les diagrammes, les réseaux, les cartes, p. 344.
– Bahoken, F. (2014), L’intérêt du raisonnement logique en cartographie de flux. L’exemple de migrations internes, European Journal of GIS and Spatial Analysis | Revue Internationale de Géomatique (RIG), Lavoisier, vol. 24, n°2, pp. 231-250 [Pdf sur demande].
– Bahoken, F. (2015), L’approche cartographique de la décomposition des matrices de flux, Mappemonde, [https:]]
– Bahoken, F. (2016), La décomposition des matrices de flux (Fij): le volume (Fij+) et le solde bilatéral (Fij–). Chapitre 3, « Contribution à la cartographie d’une matrice de flux». Thèse de doctorat en Géographie – Sciences des Territoires, Université Denis Diderot (Paris 7), p. 117-120. HAL Id: tel-01273776
– Bahoken, F. (2017), Cartographie de flux avec QGIS. support de l’atelier « Analyse de réseaux spatiaux et SIG », session de la Conférence internationale de géomatique – SAGEO 2017.
– Lhomme, S. (2017), Analyse de réseaux spatiaux et SIG, compte rendu de la session de la Conférence internationale de géomatique – SAGEO 2017, groupe fmr (flux, matrices, réseaux).Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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17:59
Avoir le bon flow
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, après plusieurs jours d’expérimentations et de développement, je suis heureux de mettre enfin en ligne cette petite application web réalisée en R et D3.js. Ce faisant, je poursuis à la fois ma petite série sur les globes [voir, voir et voir] et les travaux que nous menons conjointement avec Françoise Bahoken sur les représentations possibles d’une matrice de flux [voir et voir].
Ici, c’est la tant décriée flèche qui a été choisie. Je cède donc à mon tour à un travers cartographique que je m’échine pourtant à combattre. Car en effet, les flèches suggèrent un mouvement, alors que les données ne concernent ici que le nombre de migrants dans chaque pays. Un stock et non un flux. On frôle le mapfail… De plus, d’un point de vue thématique (les migrations), les flèches agrègent par construction une multitude de trajectoires individuelles dans des courbes souvent dessinées pour paraître les plus harmonieuses possibles. Or on sait que l’harmonie n’est pas ce qui caractérise le plus les flux de migrants qui se heurtent bien souvent, dans la réalité, à la violence des frontières. Et que dire de de la rhétorique d’invasion que ces cartes véhiculent souvent ? [voir]
Et pourtant, si je me suis lancé dans une telle réalisation, au-delà de la dimension esthétique indéniable de ce genre de cartes, c’est que les enjeux méthodologiques sont importants. Comment exprimer la variable visuelle taille de ces flèches ? Par l’épaisseur ? Par la surface ? Quid de la distance ? Quid des projections ? Quid de l’effet des mailles géographiques sous jacentes ? On marche là dans les pas de Waldo Tobler. Tout ceci, c’est justement l’objet d’un package R actuellement en développement dans le cadre du projet TTT [voir]. Mais je suis certain que Françoise Bahoken nous en dira plus dans un prochain billet
Voir
Flow Globe
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer3Comrades cartographers, after several days of experimentation and development, I am happy to finally put online this tiny web application made in R and D3.js. In doing so, I am continuing both my series on globes [see, see and see] and the work we are doing together with Françoise Bahoken on the possible representations of a flow matrix [see and see].
Here, the much-discussed arrows have been chosen. So I give in to my turn to a cartographic shortcoming that I’m struggling to fight against. For indeed, the arrows suggest a movement, whereas the data here only concern the number of migrants in each country. A stock and not a flow. Moreover, from a thematic point of view (migrations), the arrows aggregate by construction a multitude of individual trajectories in curves often drawn to appear as harmonious as possible. But it is well known that harmony is not what characterizes the flows of migrants, which in reality very often come up against the violence of borders. And what about the rhetoric of invasion that these maps often convey? [see]
And yet, if I embarked on such a project, beyond the undeniable aesthetic dimension of this kind of map, it is because the methodological stakes are high. How to express the visual variable size of these arrows? By thickness? By the surface? What about distance? What about projections? What about the effect of the underlying geographical grids? We’re walking in Waldo Tobler’s footsteps here. And this is precisely the subject of an R package currently being developed as part of the TTT project [see]. But I’m sure Françoise Bahoken will tell us more in a future post
See:
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer3Billets liés à TTT / Linked post to TTT
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:01
MigrExploreR (2) MigTrends, pour explorer la temporalité des migrations internationales
sur Carnet (neo)cartographique« Par ses alchimies silencieuses,
la mondialité diffuse en nous la présence d’un invisible plus large que notre lieu,
d’une partie de nous plus large que nous-mêmes. »
(Patrick Chamoiseau, Frères migrants, 2017)Comment explorer/visualiser aujourd’hui une matrice origine-destination décrivant des migrations genrées entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet…
La seconde piste que nous explorons dans ce billet à deux voix est celle de la composante temporelle des migrations internationales. L’objectif est de pouvoir répondre à des questions telles que :
– Quels sont les pays dont le stock de migrant.e.s a augmenté entre 1990 et 2019 ?
– Quels sont les pays ou régions qui ont accueilli le moins de migrant.e.s rapporté.e.s à leur population totale depuis 2015 ?
– Quels sont les pays pour lesquels le nombre de migrant.e.s rapporté.e.s à la population a baissé / augmenté ? etc.Les informations sont celles de la matrice déjà présentée dans MigrExplorer(1). Elles sont disponibles pour les années 1990, 1995, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019 pour tous les pays et toutes les régions du monde (au sens des Nations Unies).
Le choix d’un diagramme temporel
Pour observer des données, il est possible de les représenter, soit :
– en privilégiant la vision de l’espace, sur celle du temps ;
– en focalisant l’attention sur le temps, l’espace intervenant dans un second temps ;
– en tentant d’articuler l’espace et le temps sur une même vue.
C’est la seconde possibilité que nous avons choisie, pour une analyse plutôt « tempo-spatiale » que « spatio-temporelle ».La géographie n’étant pas l’entrée principale de l’analyse que nous proposons ici, il n’y a pas nécessairement lieu de réaliser une carte ! D’abord parce que le fait que les données soient localisées n’est pas une condition suffisante pour les spatialiser. Ensuite parce que, l’important est (la nature de la donnée, certes) la lecture de ces migrations dans le temps : la perception de stocks de migrant.e.s à différentes dates, celle de leur évolution (croissance – stagnation – décroissance) dans un intervalle temporel. La carte est pour cela peu opérante, car elle va d’abord privilégier la visualisation des positions des lieux dans l’espace géographique (ce qui est normal) et négliger la linéarité du temps (ce qui n’est pas son objectif principal).
En effet, comme l’indique Gilles Palsky (2004) « La carte déstructure le temps, en oblitérant sa linéarité et son irréversibilité. Où commence la lecture d’un système de mouvements ? Dans quel sens et dans quel ordre ? Seule la variation visuelle de troisième dimension peut permettre d’exprimer synchronisme et succession, à condition que la même variation affectant des mobiles différents corresponde à un moment précis » (Palsky, 2004 : 350).Si la carte est en effet l’outil privilégié de visualisation de la distribution géographique d’un phénomène, des migrations par exemple, le diagramme s’avère pertinent pour représenter le temps. Cependant, plutôt que d’ajouter une troisième dimension (T) à une carte qui en compte déjà deux (X,Y), nous allons plutôt réduire la figure à un diagramme formé d’une seule composante : celle du temps.
Explorer la « tempo spatialité » des migrations internationales
Dans ce diagramme figurant le temps sur un unique axe, l’espace n’est pas pour autant en reste : il demeure par ailleurs mobilisable, grâce aux possibilités d’interactivité offertes par MigrExplorer (2) MigTrends.Le temps ainsi placé sur un unique axe linéaire est dès lors appréhendé comme une composante structurante du diagramme. Dans ce cas, il donne à voir, par exemple, le temps qui passe ou encore l’effet du temps au cours du temps sur un phénomène, typiquement sa situation à deux voire plusieurs moments pour observer une évolution – voir Fig 1a).
Pour observer cette « tempo spatialité », nous avons ensuite fait un choix purement cartographique. En effet, plutôt qu’ajouter un axe vertical symbolisant les effectifs à deux dates – pour aboutir au modèle classique du diagramme en barres (pour visualiser l’effectif au cours du temps) – nous avons préféré opté pour un diagramme ne figurant qu’un seul axe de repérage de position dans le temps, un peu à la manière des économistes comme dirait Peter Haggett (voir Fig 1 a’).
Fig 1. Construction de MigrExploreR (2) MigTrends
Aux positions temporelles considérées, nous dessinons un figuré ponctuel, de forme carrée et de couleur rouge, qui symbolise la population de migrant.e.s aux différentes dates. Cette population étant potentiellement variable, la surface de ce symbole subit logiquement une variation de sa taille proportionnelle au stock observé, aux temps (tn) considérés.
Pour enrichir l’analyse, nous introduisons une seconde variable, la population totale de la zone concernée, qui présente la même forme que précédemment – dont la taille varie également, mais une autre couleur.
Le résultat graphique [MigrTrends] consiste alors en un système de symboles proportionnels imbriqués qui permet d’observer simultanément les stock de migrant.e.s et de population (fig 1. MigrTrends).Deux visions sont proposées, une vision absolue obtenue par une comparaison visuelle directe des dimensions des deux carrés équivalents à ces populations et une vision relative rendue possible par deux mentions littérales :
Comment ça marche ?
– la part en pourcentage de migrant.e.s dans la population totale aux dates considérées ;
– le taux de changement simple : l’évolution du stock de migrant.e.s sur la période considérée.Comme précédemment, MigrExplorer (2) MigTrends est une application développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source], à partir des données fournies librement par le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU [voir].
Accéder à MigrExploreR 2 – MigrTrends
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer2/
La première étape consiste à sélectionner la composante spatiale, sur la partie gauche, en choisissant la zone d’intérêt à observer :
– le monde entier ;
– les régions les plus développées ;
– les régions les moins développées ;
– un groupe de pays formant une région du monde ;
– un pays donné.NB : les régions et groupes de pays sont ceux des Nations unies.
La seconde étape est celle du choix de la composante temporelle,
de deux dates ou d’un intervalle temporel.Ces choix nous permettent d’observer la situation du monde, entre 2010 et 2019.
Au niveau monde, le nombre total de migrant.e.s est passé de 220,8 millions en 2010 à 271,6 millions en 2019, ce qui correspond à une augmentation de +0,3% en près de 10 ans.
En 2010, le stock total de migrants correspondait à 3,2% de la population totale mondiale estimée à 6956,9 millions, tandis qu’en 2019, il est de 3,5% de cette même population totale mondiale estimée à 7713,5 millions.
Face à ces chiffres dont on rappelle qu’ils sont de source ONU, la question qui se pose est celle de savoir s’il y a bien eu un « afflux » de migrant.e.s au niveau mondial, un important mouvement par rapport à la population.
Certains vont nous rétorquer que le problème se pose surtout pour les pays les plus développés ou encore pour l’Europe, qui subit supposément une crise migratoire depuis 2015.Examinons donc la situation migratoire de l’Europe, entre 2015 et 2019.
Le nombre total de migrant.e.s d’une zone Europe à cru de 0,9 % depuis 2015, ce qui correspond à une augmentation de 7,3 millions de personnes en 2019, avec un stock de 82,3 millions à cette date alors qu’il était de 79 millions en 2015, effectifs qui correspondent respectivement à 10,1 et 11% de la population totale européenne.
Nous sommes en droit de nous poser la question de savoir si une augmentation de moins de 1% peut bien être qualifiée « d’afflux » …Oui, mais, en fait, il faudrait regarder certains pays : ceux qui accueillent beaucoup devraient voir leur population de migrants augmenter considérablement.
Soit, observons à présent le cas de la France, par exemple, entre 1990 et 2019.
Entre 1990 et 2019, le nombre de migrant.e.s présent.e.s en France a effectivement cru en valeur absolue : il est passé de 5,9 millions de personnes en 1990 à 8,3 millions en 2019, ce qui correspond à une augmentation nette de 2,5 millions de personnes. Dans le même temps, la population française a augmenté de 8,4 millions de personnes – effectif résultant de la différence entre les 65,1 millions d’habitants dénombrés en 2019 et les 56,7 millions de 1990.
Cette augmentation, lorsqu’elle est rapportée à l’ensemble de la population française, est exactement de 2,4% sur une période de près de 30 ans – ce qui ne pèse pas bien lourd. Il est donc possible de conclure que le nombre de migrant.e.s présents en France depuis 1990, s’il n’est pas nul, il n’en demeure pas moins négligeable, à l’échelle nationale.Référence mentionnée :
Palsky, G. (2004), Le temps des cartographes, in : Bord J.-P., Baduel, R., Les cartes de la connaissance, Karthala-Urbama, pp. 345-352.Billets liés :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (3) Géovisualiser le flux de populations étrangères, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : [https:]
Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10556 -
12:11
La géographie est-elle de gauche ?
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui le youtubeur MrLughsson qui vient tout juste de sortir ce vendredi une vidéo sur la géographie radicale [voir]. Impossible donc de ne pas en faire écho ici.
Bonjour MrLughsson, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Salut moi c’est Lùghsson, comme vous pouvez vous en douter c’est un pseudo. Je ne suis pas encore très à l’aise avec le fait d’utiliser mon vrai nom… et puis je garde une part de « mystère » comme ça ^^
Peux-tu présenter ta chaîne YouTube ?
C’est une chaîne que j’anime depuis 2016 sur laquelle je fais de de vulgarisation. Le but de ma chaîne est d’essayer de montrer que « la » géographie (les guillemets sont importants) ne s’arrête pas à ce qu’on apprend au collège ou au lycée et qu’aimer la géographie ce n’est pas seulement savoir placer tous les pays du monde sur une carte… Mais j’essaye aussi de faire découvrir des endroits ou des pays étranges et/ou merveilleux !
Pourquoi t’être intéressé à la géographie radicale ?
En réalité, cela fait longtemps que j’ai envie de parler des différents « courants » de la géographie (française ou non). L’idée de cette vidéo m’est venue pendant la lecture d’un des livres de David Harvey, comme une évidence ! Le but pour moi était surtout que celle-ci soit une porte d’entrée. Je compte bien approfondir le sujet. J’ai par exemple très peu parlé de R. Peet et pas du tout de M. Davis. Ce que j’aime bien chez les géographes radicaux c’est, outre leur militantisme, leur façon de penser autrement, la manière dont ils ont fait évoluer la géographie / la cartographie !
Mais c’est quoi la géographie radicale ?
Clairement, son côté « militant » justement (principalement contre le capitalisme et ses conséquences) ! Après si on veut rentrer dans les détails, juste dire « la géo radicale c’est… » est assez compliqué. Tous les géographes / cartographes abordent leur discipline à leur manière ! Un géographe « Anarchiste » (Simon Springer) aura une approche différente d’un géographe « Marxiste » (David Harvey).
C’est aussi une géographie de rupture.
Oui. Les géographes radicaux ont été dans une logique de rupture franche et assumé vis-à-vis des géographes classiques jusqu’à, pour certains, se faire virer de leur poste universitaire ! Assez « drôle » quand on pense que nombre d’entre eux sont maintenant assez respectés dans ce même milieu universitaire !
Nous sommes ici sur un blog qui parle de cartographie. Que peux-tu nous dire des cartes ?
La carte étant une représentation du monde ou d’un territoire vu à travers les yeux de celui ou celle qui la dessine, elle sera toujours éminemment politique. La carte n’est qu’un outil. Libre à nous de l’utiliser de façon plus ou moins engagée. Mais toujours avec méthode ! Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi non plus !
Les cartes peuvent-elles changer le monde ?
Je n’en sais rien… par contre elles peuvent tout à fait faire évoluer notre rapport à celui-ci. Bunge l’avait très bien compris par exemple. Ses cartes ne lui servaient pas seulement à faire passer une information, elles permettaient de jeter une lumière crue sur les conditions de vies des populations noires de Detroit. La carte représentant le nombre de morsures de rats par quartier de la ville est très révélatrice à ce niveau. Le travail de W.Bunge a donc, sans doute, permis de faire évoluer certaines pratiques d’aménagement urbain.. au moins pour un temps. Aussi, cartographier un territoire c’est le rendre visible aux yeux du monde ! Du coup oui, je pense que les cartes peuvent nous inciter à changer notre façon de voir le monde.. nous inciter à agir ! Tout dépend de l’intention de l’auteur / autrice en fait… Et notre perception de cette intention.
Quel conseil pourrais-tu donner aux jeunes géographes ou cartographes aujourd’hui ?
Je ne sais pas si je suis suffisamment qualifié pour prodiguer des conseils sur le sujet. Mais si vous voulez étoffer votre culture, allez voir du côté du « Decolonial Atlas » ! Un peu de cartographie radicale ça fait jamais de mal ^^
Sur quoi portera ta prochaine video ?
Pour ce qui est du format des épisodes « principaux », je préfère ne pas dévoiler le thème tout de suite. J’ai tendance à changer d’avis au dernier moment, je suis pas très fiable à ce niveau là ^^. Par contre ce que je peux dire c’est que dans la prochaine vidéo (format secondaire) on partira à la découverte de trois temples « extraordinaires » ! Enfin, si je n’ai pas changé d’avis entre temps bien sûr…
Quelque chose à ajouter ?
La géographie, c’est pas seulement connaître les capitales des pays ! Et arrêtez de le demander à tout-e-s les
cartographes et géographes que vous croisez svp ! Ça serait chouette. ^^Merci MrLughsson ^^
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:24
Sortir du carcan géométrique
sur Carnet (neo)cartographiqueEnclosure: [download]
— English below —
Camarades cartographies, je reproduis ici un court article paru dans le numéro 27 de la revue Progressistes [voir] qui, à partir de maintenant, est dotée d’une rubrique « cartographie(s) ».
Grâce à l’ouverture des données, de nombreuses cartes ont vu le jour pendant le confinement pour représenter l’évolution du coronavirus en France. Mais peu d’entres elles ont essayé de s’affranchir d’un maillage administratif départemental ou régional qui enferme les données dans un carcan qui a finalement peu de sens au regard du phénomène représenté. Les cartes gouvernementales du déconfinement en sont un exemple éclatant [voir].
La carte que nous publions ici représente le nombre de décès liés à la covid-19 dans les hôpitaux, pondéré par la population des départements dans lesquels ils se trouvent. Une méthode d’interpolation spatiale fondée sur la distance permet alors de « dessiner » la donnée selon un gradient continu allant du noir (pour les faibles taux de mortalité, dans le Sud-Ouest) au jaune (pour les forts taux de mortalité, dans le Grand Est).
Si cette carte permet de percevoir d’un seul coup d’œil la géographie de l’épidémie, elle permet cependant mal d’en saisir l’ampleur, car les décès en EHPAD et en ville ne sont pas pris en compte. Cela dit, cette sous-estimation de la réalité n’empêche pas d’en appréhender la logique spatiale et son évolution dans le temps. Une version animée et mise à jour quotidiennement de la carte est d’ailleurs disponible en ligne [voir].
— English version —
Go Beyond Administrative DelineationsComrades cartographers, I am reproducing here an article that was published in Progressistes #27 [see] which, from now on, has a « cartography » section.
Thanks to the opening of the data, many maps were created during the containment to represent the evolution of the coronavirus in France. But few of them have tried to avoid a departmental or regional administrative network that « encloses » the data in a structure that makes little sense in terms of the phenomenon represented. The government maps are a clear example of this [see].
The map we publish here represents the number of deaths related to covid-19 in hospitals, weighted by the population of the departments in which they are located. A spatial interpolation method based on distance then makes it possible to « draw » the data according to a continuous gradient from black (for low mortality rates, in the South-West) to yellow (for high mortality rates, in the North-East).
Although this map gives a snapshot of the geography of the epidemic, it does not give a good idea of the magnitude of the epidemic (e.g. deaths in retirement homes are not included). Nevertheless, this underestimation still allows us to understand its spatial logic and its evolution over time. An animated and daily updated version of the map is available online here [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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22:05
Le temps, au temps des graphes du Covid-19
sur Carnet (neo)cartographiqueHorloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Charles Beaudelaire, « l’Horloge », les Fleurs du mal
Dont le doigt nous menace et nous dit : » Souviens-toi !Le temps semble vraiment important en cette période de confinement, entre le temps qui passe, celui qu’il fait, le temps qui dure ou la perception d’un temps, infini, la répétition du temps ou plutôt la (non) fréquence des événements, la mémoire de nos déplacements jadis récurrents, l’ancienne périodicité de nos vies … bref, tout ce temps de réflexion sur notre gestion du temps pendant ce confinement apparaît aussi crucial que la gestion de notre espace, que la mise en (cartes et) graphiques de cette pandémie. Et quand le temps s’en mêle, des questions graphiques, alors tout semble perdu.
Si la représentation du temps habituellement proposée dans les différentes carto-graphies proposées pour le suivi du Codiv-19 sont assez classiques (voir ci-dessous), l’une d’entre elle semble avoir innové aujourd’hui.
C’est le cas de la série de graphiques proposée par Daniel Dorling et consorts.
Fig. 1. Diagrammes de portrait de phase montrant les taux de mortalité de différents pays
liés au virus Covid-19 en 2020Phase-portrait diagrams showing mortality rates of Covid-19 virus 2020.
Source : [www.dannydorling.org]Cette proposition tourbillonnante apparaît renouveler la manière de représenter l’évolution d’un phénomène dans le temps. Elle est d’ailleurs tellement surprenante qu’elle suscita un petit débat sur Twitter. Qu’en est-il exactement ?
La représentation graphique du temps
Pour mieux mettre en évidence la particularité de ce diagramme, commençons par regarder comment nous mettons traditionnellement le temps, à l’aide de petits graphiques.Sans rentrer dans les détails, il convient de rappeler que la prise en compte du temps dans un graphique a d’abord eu pour objet de représenter le temps qui passe : la trajectoire d’un événement dans le temps. C’est pourquoi le temps est souvent figuré par un axe horizontal gradué, porté en abscisses.
L’évolution linéaire d’un phénomène, dont les valeurs sont en ordonnées, prend la forme d’une courbe (à gauche) ou d’une bande (à droite), comme dans le cas des frises chronologiques.
Le fait de positionner l’axe du temps en abscisses (X) ou en ordonnées (Y) renseigne sur la manière dont la temporalité est considérée. Plusieurs modalités sont d’ailleurs envisagées.
Fig. 2. Mise en graphique de la « composante temporelle » d’un phénomène
Le placement du temps en (X) évoque le temps qui passe ou le cours du temps (a) comme indiqué précédemment.
L’axe du temps placé en (Y) renseigne sur le temps qu’il fait (b) ou encore sur le temps qu’il était (c), selon que l’axe vertical est respectivement croissant ou décroissant, comme pour remonter le temps.
Le temps qu’il fait est parfois doublement mobilisé en (Y) et (Y’) pour caractériser… le temps atmosphérique, qu’il fait, dans les climato grammes – il me semble que c’est d’ailleurs en climatologie qu’on trouve la variété la plus importante de diagrammes temporels. Le (b) peut ainsi être enrichi par la représentation de deux caractères complémentaires (les précipitations et les températures par exemple), pour représenter comme en (e) le temps qu’il fait au cours du temps (ou bien l’évolution du temps, au cours du temps).
[J’ai l’impression que je vais me perdre quelque part par là]En (e), donc, la représentation de l’évolution du temps qu’il fait est précisée par l’évocation du temps qui passe placée en abscisses (mensualités, saisonnalités). La présence d’un triple axe temporel permet alors de visualiser la coévolution de deux caractéristiques du temps (en Y et en Y’).
Le temps qu’il était (c) symbolise le poids du temps, des années qui passent. Il traduit une forme d’usure du phénomène (ou de l’individu).
Représenter en (d) l’effet du temps, au cours du temps mobilise le temps sur les axes (X) et (Y). L’exemple d’un des diagrammes mobilisé par les démographes dans le cadre d’analyses longitudinales, qui place l’âge en ordonnées et le temps en abscisses, est intéressant à ce titre. Wilhelm Lexis un statisticien, économiste et sociologue allemand proposa le diagramme dit de Lexis (enfin, il y a une petit débat sur la paternité dans lequel nous n’entrerons pas) pour visualiser la coévolution de trois caractères : un individu (ou une cohorte) dans le temps et le poids de ce temps sur cet individu dont la trajectoire est représentée par une droite oblique. Il est dès lors possible de visualiser l’évolution de la cohorte et son âge à un moment donné (de cette évolution). Plusieurs variantes de ce modèle ont été proposées parmi lesquelles celles de Christian Vandeschrick qui a d’ailleurs fait sa thèse en 1992 sur ce diagramme.
En réalité, la composante temporelle est souvent combinée avec d’autres composantes pour figurer l’évolution d’un phénomène. C’est notamment le cas des phénomènes localisés dont on souhaite observer l’évolution à l’aide de cartes comparables.
Le cas particulier des cartes temporellesLorsque l’on souhaite représenter l’évolution d’un phénomène localisé dans un espace, qui mobilise déjà les axes (X) et (Y), le temps est présenté soit sur la forme d’un indicateur, par exemple, un taux de changement ou d’évolution entre deux dates, soit sous la forme d’une composante. Dans un cas, le temps est intégré à l’information et le résultat est disponible sur une seule carte tandis que dans l’autre, les différents temps (T) d’observation conduisent à une décomposition de l’image en (k) moments ou périodes d’observation. On réalise alors une collection de cartes (que certains appellent des small multiple), une pour chacune des situations observées en T(0,1,2,3….k) en mode statique, voire une carte animée pour l’ensemble des situations, si le support est numérique.
On notera que d’autres possibilités de représentations combinées du temps et de l’espace existent, mais ce n’est pas le sujet ici.
Que change le graphe de Dorling ?Face à cette petite sélection de possibilités, la nouveauté apportée par le graphe de Dorling, du moins celle m’est apparue la plus saisissante est la suivante. Le temps n’est pas une composante structurante du diagramme (une « variable de l’image », comme dirait Bertin) depuis lequel ou en fonction duquel on observe un phénomène, il est l’information elle-même, dont on observe l’évolution en même temps qu’on (se) la représente – non sous la forme d’un indicateur – comme un événement, dont on observe les caractéristiques en projetant les coordonnées de sa position dans un plan sur des axes (X,Y) qui caractérisent un phénomène (ici les cas de Codiv-19 selon deux indicateurs).
On notera (juste au passage) un second élément notable dans ce diagramme à savoir le fait que l’espace (un pays) ne soit pas non plus symbolisé par un ou deux axes, il l’est par une teinte appliquée à une courbe, c’est-à-dire par une « variable de séparation de l’image » et non par une variable structurant l’image comme souvent.En fait, cette image de Dorling bouleverse complètement les codes de mise en graphique de la temporalité et pour cause : le temps n’est pas considéré ici comme une composante, même si le graphique autorise une lecture de l’évolution des deux variables représentées. C’est peut-être cela que ce diagramme apparaît si déroutant au premier abord.
La temporalité intervient à deux niveaux dans la lecture : comme l’une des caractéristique du point (qui symbolise l’événement observé) sous la forme d’un label renseignant systématiquement la date du jour « 01-apr. » directement sur le graphe. et comme une tendance générale à l’échelle de la période d’observation des variables placées en (X) et (T). Les caractéristiques de l’événement étant comme habituellement à rechercher au croisement des deux axes (X,Y) structurant le plan mais aussi relativement à un troisième axe celui du 0 en (X). Partant de là, il est possible de tenter une mise en graphique de cette proposition.
Fig. 3. Essai de mise en graphique de la proposition de Dorling
Cette proposition permet d’observer l’évolution d’un pays en termes de nombre de cas de covid-19 au cours du temps, globalement, sur l’ensemble de la période d’observation et localement, pour un jour donné.
Ainsi, pour un jour donné, trois informations sont disponibles :
- un nombre cumulé de victimes (en Y) ;
- un mouvement du nombre de cas par rapport au jour précédent (X’) ;
- un pays (un point, une teinte).
Pour un pays donné, la courbe permet donc de suivre son évolution globale (Y) et dans le même temps sa situation temporelle locale, en termes de bilan net. L’axe du 0 est en effet ajouté de manière à pouvoir distinguer les bilans négatifs, la typographie de la gradation de l’axe des valeurs négatives située à gauche du zéro étant entre crochets.
Quels commentaires du graphique ?L’interprétation générale d’une courbe peut être la suivante. Plus la courbe est ample et plus le nombre de cas enregistrés par rapport à la veille (en plus, si étalement sur la droite, ou en moins, si étirement sur la gauche) est important. Plus la pente est forte et plus le nombre cumulé augmente. Plus la courbe est serrée et proche de l’axe zéro et moins sont les nouveaux cas sont enregistrés, en plus ou en moins, par rapport à la veille.
Prenons l’exemple de la France à suivre sur la courbe de couleur bleu des mers du sud.
Au début de la période, le nombre de nouveaux cas enregistré est faible (voir en X) , de même que le nombre de cas cumulé (voir Y). C’est à partir du 27 mars que l’on dénombre pour la première fois 50 cas de plus par jour. Malgré un recul ponctuel dès le lendemain, la courbe s’envole ensuite pour franchir le seuil de 100 cas supplémentaires les 29-30 mars.
C’est au début du mois d’avril que le bilan en termes de nouveaux cas sera le plus important pour la France, avec + 250 cas nouveaux par jour ; il s’agit du maximum de la série, la courbe va ensuite opérer un net et rapide recul – que l’on aimerait d’ailleurs pouvoir nous attribuer collectivement, comme un résultat de l’efficacité de notre gestion collective du confinement (à ce moment, nous sommes en effet à 15-16 jours de sa mise en place).
A partir du début du mois d’avril, donc, le bilan net demeure positif mais dans une moindre mesure par rapport au mois de mars. La courbe régresse ensuite à moins de 100 nouveaux cas dès le 2 avril. Si son amplitude reste toutefois forte, le nombre cumulé de victimes étant logiquement en augmentation, la pente est nettement moins forte. La courbe tend d’ailleurs à s’aplatir témoignant d’un ralentissement du nombre de nouveaux cas, un aplatissement bien visible sur la partie haute du graphique.
La tendance amorcée dès le 1er avril se poursuit en réalité (avec sa faible pente) jusqu’au 3 avril, jour où l’on observe un bilan nettement encourageant : le nombre de nouveaux cas apparaît négatif pour la 1ère fois, avec quelques 200 cas de moins que la veille (on part de + 70 environ et on descend à -120).
Ce recul prendra quelques jours à trouver un point d’équilibre, avant de reculer à nouveau la seconde semaine du mois. La troisième semaine d’avril apparaît celle de l’espoir, avec une baisse de 150 cas qui reste fragile : au 20 avril, le bilan est de nouveau positif, de l’ordre de 10 nouveaux cas.
Par rapport à d’autres pays, on peut noter que l’allure générale de la courbe française est proche de celle des USA, ce qui n’est pas très bon signe, surtout au regard de la situation des voisins espagnols et italiens. Espérons maintenant qu’au-delà de ce 20 avril, notre courbe puisse rester voire stagner sous l’axe zéro.
ConclusionUne image qui décoiffe au premier abord mais reste accessible pour qui prend la peine de s’y plonger. Son principal intérêt est d’autoriser un suivi des soubresauts de l’évolution de la courbe française. L’effet de tourbillon, dont on ne sait pas s’il arrive complètement par hasard ou non, apparaît fabuleux, tellement il colle à cette réalité du confinement qui nous tourne littéralement la tête.
=> Pour en savoir plus : consultez le billet SLOWDON – covid-19 sur le site de Danny Dorling
=> Un long thread est aussi proposé par l’auteur sur Twitter, ici.Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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15:58
L’art est dans la cARTe !
sur Carnet (neo)cartographiqueUne fois n’est pas coutume, nous accueillons aujourd’hui dans Néocarto, une artiste. Ghislaine Escande est artiste peintre et plasticienne. Avec ses cARTes, elle redessine le Monde et bien plus que cela. Elle nous fait voyager… Nous lui laissons la parole.
Je vois que sur votre blog il est question d’analyses cartographiques, de migrants et de migrations, alors je vais tenter une analyse d’une de mes œuvres qui parle de migration. Et donc de voyages et d’évasion.
« J’ai choisi de vous présenter Par tous les chemins, une œuvre réalisée en 2017. Format 100 cm x 100 cm. Peinture acrylique sur cartes marouflées sur toile, ce qui est caractéristique de ma technique favorite : réalisation d’une marqueterie signifiante à l’aide de cartes de toutes sortes, reprise en peinture, multiples glacis qui permettront toujours de lire les cartes.
Image 1 : le montage avec juste un début de peinture à l’extérieur du globe.
Cette création fait partie, comme beaucoup de mes œuvres, d’une série construite autour d’un thème, ici celui des migrations.
Mes cartes (la plupart du temps des globes) ne sont pas réalistes comme les vôtres, mais se veulent sensibles, poétiques et ouvertes à toutes les interprétations. Sans vouloir vous influencer dans la lecture de cette œuvre, je vais cependant vous en dévoiler l’intention.
J’habite dans une ville qui s’honore d’accueillir environ 20 % d’étrangers de plus de 120 nationalités et un centre d’hébergement de femmes migrantes avec enfants. Cette dimension d’accueil est, à Ivry-sur-Seine, une constante très importante depuis très très longtemps. C’est en pensant à cela, à mes voisins et à l’actualité brûlante du sujet, que j’ai conçu ce tableau. Ivry est au centre du tableau. Nous y sommes.
Mes cartes ne sont pas réalistes
comme les vôtres, mais se veulent sensibles,
poétiques et ouvertes à toutes les interprétations.Il faut beaucoup de cartes pour retracer tous ces voyages qui mènent jusqu’à nous. Ils ont eu lieu depuis tant d’années. Pour construire ce globe de la migration, j’ai utilisé plusieurs dizaines de cartes. Les voyages se font et se sont faits par terre, par mer, par air. Il faut des cartes à toutes les échelles. Parfois on piétine ; alors l’espace, comme le temps, paraît plus grand, donc l’échelle est plus petite. Ailleurs, le survol sera rapide. Parfois on compte les distances en jours et d’autres fois en kilomètres. Parfois la mer devient rouge sang, parfois elle tutoie le ciel. Au bord de ce monde, où les détours sont très nombreux, le souvenir des ruines qui ont obligé au départ se confond avec les cartes marines. Des mers tentent le passage par tous les dangers. Les frontières géographiques (montagnes, fleuves) et politiques sont par endroits très marquées… Je vous laisse explorer et découvrir tout cela derrière ma peinture qui fait partie du voyage, précise et incertaine, lente et rapide, qui souligne et efface, assure la cohésion mais peut aussi fracturer.
On me demande souvent, en voyant mon travail si je suis cartographe, cela me flatte mais je suis obligée de préciser que non, simplement artiste. Mais une artiste qui depuis plus de vingt ans travaille à construire de nouvelles cartes à partir de celles dressées par les cartographes.
Les cartes que j’utilise (de toutes origines et époques) ont presque toutes été utilisées et m’ont été données par des cartographes, des voyageurs, des marins, des aviateurs et bien d’autres, qui ont pris le temps de m’en expliquer la provenance, l’histoire, l’usage, les caractéristiques. Grâce à la part de chacun d’eux, ceux qui fabriquent, ceux qui ont utilisé, ceux qui donnent, mes globes appartiennent à la géographie humaine.
Quand je peins, je pense toujours à ces femmes qui, à leur domicile, aquarellaient magnifiquement les cartes bien avant le numérique. »
Image 2 : Par tous les chemins, état final.
Pour d’autres voyages : www.escande.fr
Artiste peintre
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14:45
MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales
sur Carnet (neo)cartographique« Et puis je suis parti. Sans guide, sans boussole.
Et les cris de ma mère. Par-dessus mon épaule. J’ai pris mon élan
Une fois et dix fois. Sauté par-dessus les grilles comme papa.
Où aller où ? Où aller ? Où aller où ? Je ne sais pas où aller… »
(Tiken Jah Fakoly, Où aller où ?, 2007)Comment explorer/visualiser aujourd’hui une matrice origine-destination décrivant des migrations genrées entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet…
La première piste que nous explorons dans ce billet à deux voix consiste à proposer un outil cartographique interactif permettant moyennant différents filtrages de répondre aux questions suivantes : Dans quels pays y-a-t-il le plus de migrants en 2019 ? Quels sont les pays qui en accueillent le plus ? Les migrants sont-ils surtout des hommes ? Était-ce également le cas en 1990 ? Au fait, combien y-a-t-il de français à l’étranger ? De quels pays proviennent les migrants qui vivent aujourd’hui en Suède ? Etc.
Cette proposition cartographique souhaite répondre à l’un des problèmes de la mise en carte de matrices origine-destination (OD), à savoir la troncature des données représentées. En effet, la complexité intrinsèque de ces tableaux croisés, associée à la difficulté de se les (re)présenter facilement, conduit à des analyses cartographiques qui sont tronquées, parce que trop fortement soumises à différents filtrages. Ces représentations partielles posent différents problèmes, parmi lesquels celui de transmettre une information erronée. Nous proposons d’examiner ce problème par la carte, en prenant le cas des migrations internationales.
Les migrations internationales de population observées à l’échelle mondiale sont symptomatiques des phénomènes sciemment mis en cartes de manière tronquée, pour transmettre un message souvent erroné quant au type, à la nature, au volume et à l’ampleur du phénomène (au regard des données existantes). En effet, les cartes de flux de migrants ne représentent habituellement que certains pays d’accueil, généralement ceux de l’Europe de Schengen et seulement certains types de migrants, plutôt des hommes qui proviennent d’Afrique sub-saharienne, ou encore de Syrie pour ne citer que deux cas emblématiques.
Pourquoi tronquer l’information de flux pose problème ?Avant toute chose, il convient de rappeler que les cartes de flux de migrants ne mériteraient pas tant d’attention si elles n’avaient pas une forte capacité de remédiation. Il faut dire qu’elles circulent beaucoup, parce qu’elles sont naturellement dotées de l’autorité de pouvoir associée au statut de leurs émetteurs.
L’un des problèmes fondamentaux posé par ces cartes est qu’elles sont surtout éhontément partielles et cela, non parce que les données sont importantes ou nombreuses et qu’elles doivent être filtrées, ce qui est logique, mais parce qu’elles sont filtrées pour in fine ne pas décrire la réalité de la migration considérée. Le cas de la mise en cartes de la migration syrienne en 2005 est un bon exemple que nous avons pu analyser [voir]. Ces cartes ne décrivent donc pas une réalité de la migration de manière objective, en dessinant honnêtement des faits.
Parce qu’elles tronquent les données sous-jacentes de manière abusive pour soutenir un discours, ces cartes posent des problèmes évidents dans l’information communiquée sur les migrations internationales, dans la perception du message par les publics ciblés. Le fait qu’elles soient par ailleurs souvent erronées, du point de vue de leur construction, renforce des effets déjà désastreux quant à la rhétorique d’ensemble sur les migrations internationales contemporaines.
Pour tenter de remédier à ce problème de troncature, nous proposons ici une première exploration cartographique de données sur les migrations internationales, en les présentant dans leur totalité.
Ré-articuler les différentes focales d’un même tableauPrésenter les données dans leur totalité revient à ré-articuler les différentes composantes d’un même tableau de départ qui sont souvent mobilisées de manière séparée. ll s’agit d’une matrice OD décrivant habituellement des stocks (un effectif de personnes) observés à une date dans des pays d’arrivée en provenance de pays de départ. Elle décrit donc un flux de migrant.e.s dont on peut observer la localisation à destination ou selon l’origine. A noter qu’elle peut également être vue comme une matrice de (flux de) migrations – décrivant les déplacements de migrants – si l’on considère qu’un.e migrant.e n’a effectué qu’une et une seule migration entre les OD sur la période.
Ces données s’expriment sur un zone géographique, dans notre cas, l’ensemble des pays du monde, pendant une période. Elles sont souvent difficiles à analyser et à (se)représenter aisément pour la simple raison qu’elles nécessitent d’articuler plusieurs informations : celles qui portent sur des lieux d’origine ; celles qui portent sur des lieux de destination et celles qui concernent des couples de lieux mis en relation par l’existence d’un flux (de migrants, de migrations). Aussi celles qui portent sur des caractéristiques sociales (ou économiques…) de ces migrant.e.s (par exemple : leur genre, leur niveau de formation …) ou encore sur la temporalité de leur déplacement.
La représentation qui découle de ces informations peut ainsi être réalisée selon trois grandes perspectives qui correspondent à trois cartes. Ces trois cartes sont fondamentalement différentes mais relèvent toutes de la même population observée sur la même zone et sur la même période. Elles sont respectivement focalisées sur :
– les lieux de résidence antérieure à la migration, en réponse à la question d’où viennent les migrant.e.s ? ;
– les lieux de résidence au moment de l’enquête, pour savoir où sont accueilli.e.s les migrant.e.s ? ;
– les flux échangés entre des couples d’origine et de destination, pour savoir quels sont ceux les lieux qui échangent entre eux ?Présenter ces perspectives sous la forme de cartes complémentaires (puisqu’elles couvrent le même tableau) au même endroit offre l’avantage de distinguer dans ces flux migratoires ce qui relève de l’émigration, de l’immigration ou du déplacement.
C’est pourquoi nous les avons réunies au sein de MigrExploreR, une application interactive exploitant les technologies actuelles spécifiques au support écran, pour explorer l’évolution spatio-temporelle de flux de migrants internationaux.
Géovisualiser des migrationsMigrExploreR est une application développée en R et portée sur le web via le package Shiny [voir code source]. Elle permet de représenter par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) dans les différents pays du monde à plusieurs dates.
Au delà des aspects techniques et méthodologiques que nous ne détaillerons pas ici, l’objectif général de cette application cartographique est de proposer systématiquement, par un système d’onglets, une carte représentant l’immigration et une carte représentant l’émigration ; c-à-d. un couple de cartes qui fonctionnent ensemble, parce qu’elles nous apparaissent complémentaires pour l’analyse. Il s’agit par exemple de montrer combien de migrants étrangers vivent en France en même temps qu’on montre combien de migrants français vivent à l’étranger. Car on entend en effet souvent parler des chiffres de l’immigration de manière déconnectée de ceux de l’émigration, sans parler de la mise en catégories de ces voyageurs, du cas des ressortissants des pays riches qui vivent hors de leur pays. Pour ces derniers, on parle d’ailleurs souvent d’expatriés.
Ici nous avons donc voulu (re)mettre tous les migrant.e.s au même niveau. Sait-on par exemple que s’il y a 3,4 millions de migrants venant de Turquie à travers le Monde en 2019, la Turquie accueille elle-même plus de 5,7 millions de migrants ? Et quid de pays Africains tel le Nigeria, le Cameroun ou encore la Mauritanie ? Sont-il des pays d’émigration ou des pays d’accueil ? Où vont les ressortissants de ces pays ? Et d’où viennent les migrants qui y résident aujourd’hui ? Cette application cartographique permet ainsi, par des déambulations et des filtrages successifs, de plonger dans ces questions, et, d’y répondre. Précisons au passage que les cartes proposées dans cette application sont toutes comparables entre elles.
Les données utilisées sont fournies librement par le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU [voir]. Elles reposent sur des estimations du nombre de migrants internationaux disponibles pour les années 1990, 1995, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2019 pour tous les pays et régions du monde. Ces estimations sont basées sur les statistiques officielles sur la population née à l’étranger ou sur la population étrangère.
Comment ça marche ?
Les migrants internationaux ont été assimilés à la population née à l’étranger à chaque fois que cette information est disponible, ce qui est le cas dans la plupart des pays ou régions. Pour les pays où la donnée sur le lieu de naissance n’est pas disponible, ce sont les informations sur le pays de citoyenneté des personnes recensées qui ont servi de base à l’identification des migrants internationaux. Les données combinent donc des migrant.e.s internationaux et des citoyen.ne.s de nationalité étrangère.Sur le bandeau de gauche, la possibilité de sélection porte sur le choix du pays à explorer, sur le genre (hommes, femmes, total) et sur l’année d’observation (de 1990 à 2019). Il est également possible, en cochant la case « All Countries« , de visualiser une situation d’ensemble.
La sélection porte également sur l’affichage de l’émigration, de l’immigration ou des données cartographiées.Via ces onglets, pour un pays donné (ou pour l’ensemble du monde), deux cartes sont proposées :
une carte d’immigration,
et une carte d’émigration.
Dans l’onglet data, un tableau « triable » permet d’accéder aux données qui se trouvent derrière ces cartes.
Un procédé pratique de filtrage cartographiqueL’attention est attirée sur le fait que l’approche que nous mettons en œuvre étant purement cartographique, l’affichage de l’information, donc des valeurs sur la carte, passe par la sélection de différentes variables puis par le paramétrage de la taille (« Circle sizes ») des figurés, parce que ce que l’on perçoit d’abord sur une telle carte, ce sont les variations de taille plus ou moins importante des symboles circulaires, en fonction des valeurs qu’elles symbolisent ; ces tailles étant naturellement rendues proportionnelles au nombre de migrant.e.s émis ou reçu par le pays en question.
Il s’agit là d’un procédé inédit de filtrage, purement cartographique, d’une information statistique localisée (nous reviendrons sur ces possibilités dans un autre contexte).Accéder à MigrExploreR
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer/Référence mentionnée :
Nicolas Lambert & Françoise Bahoken (2018), Méfiez-vous des cartes, pas des migrants : les réfugiés syriens, Carnet de recherches Néocartographiques [voir]
Billet lié :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR (2) MigrTrends pour explorer la temporalité des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/10556Citation :
Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872 (ouvre un nouvel onglet) -
11:50
COVID-19 : cartographie(s) d’un débordement
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, il n’était pas possible de passer à côté du sujet qui nous concerne tous. J’ai donc réalisé cette série de cartes sur le thème du COVID-19 à partir des données départementales des hôpitaux mises en ligne sur le portail français de l’open data : data.gouv.fr [voir].
Les cartes réalisées avec R sont mises à jour quotidiennement et à votre disposition via l’application en ligne disponible ici [cliquez sur l’image ci-dessous].
Quels choix cartographiques ?On le sait, derrière toute carte il y a un.e cartographe, avec ses arrières pensées, ses idées et ses visées. Ici, mon objectif était triple.
1 – Points
La première idée qui conduit à cette carte est la volonté de décomposer l’information statistique pour la représenter par des points. Sur ces cartes, lorsque l’ordre de grandeur de la variable le permet, un point représente une seule personne. Ce parti pris est fort, car il consiste à ne pas représenter cette donnée pourtant agrégée sous la forme d’agrégats (e.g. de symboles proportionnels) mais sous une forme élémentaire (e.g. semis de points) pour symboliser un peuplement, une dynamique de peuplement. Il y a là une volonté de rappeler qu’il s’agit de vies humaines et d’insister sur le fait que chaque individu est unique. D’où la nécessité de les représenter tous distinctement. Par ailleurs, notons que cette représentation, avec le déplacement progressif des points (voir 2 – propagation), rend assez bien compte des quantités et de leur proportionnalité.
2 – Propagation
La méthode de déplacement des cercles, qui permet d’éviter la superposition de l’information, inspirée de la méthode des cartogrammes de Danny Dorling, évoque à mon sens assez bien l’idée de la propagation du virus. Même s’il s’agit d’un artifice graphique, le déplacement des points de jour en jour, tel un semis qui s’étend progressivement et dangereusement à la surface de la carte, rappelle la contagion du virus et sa diffusion dans l’espace. Ici, il y a bien une recherche de cohérence visuelle entre la forme (graphique) et le fond (thématique).
3 – Débordement
Enfin, une autre idée forte, qui était en réalité le point de départ de cette série de cartes, est la volonté de rendre compte du débordement et de la saturation des services de santé, face à une crise sanitaire dont, visiblement, nous n’étions pas préparés. Les points se déplacent de jour en jour en jour bien au delà de leurs mailles d’origine et ce, jusqu’à la saturation de l’image. L’effet recherché est de produire un véritable effet visuel d’étouffement qui évoque – en tout cas telle était mon intention – la situation de crise à / de l’hôpital. Rappelons au passage que les signaux d’alertes avaient été nombreux, comme le montre cette banderole photographiée le 17 décembre 2019…
Le code source est disponible ici [voir]. La prochaine mise à jour des cartes aura lieu ce soir après 19 heures. A suivre…
Ailleurs sur le web
- Decryptagéo : [https://decryptageo.fr]
- Cause Commune : [https://www.causecommune-larevue.fr]
- Data.gouv : [https://www.data.gouv.fr]
- Mediapart : [https://www.mediapart.fr]
— English version —
COVID-19: Dots, Spread & OverflowComrades cartographers, it was inevitable that we could not miss the subject that concerns us all. I have therefore realized this cartographic collection on the theme of COVID-19 from departmental hospital data available on the French open data portal: data.gouv [see].
The maps made in R are updated daily and are made available via the online application that you can find here [click on the image below].
What cartographic choices?
We know that behind every map there is a cartographer, with his thoughts, ideas and goals. Here, my aim was threefold, as the title of this post spells.
1 – Dots
The first idea behind this map was the desire to split the statistical information to represent it by points. On these maps, when the order of magnitude of the variable allows it, a point represents a person. The idea here is strong because it consists in not representing the data in the form of aggregates (e.g. proportional symbols). There is a will to remind that we are talking about lives and to insist on the fact that each individual is unique. Hence the need to represent them all. Furthermore, it should be noted that this representation, with the progressive shifting of points (see 2 – spread) gives a fairly good account of quantities and proportionality.
2 – Spread
The method of moving the circles to avoid overlapping, inspired by Danny Dorling’s method, is in my opinion quite similar to the idea of the propagation of the virus. Even if it is a graphic artifice, the movement of the points from day to day, like a pattern that gradually and dangerously spreads over the surface of the map, is a reminder of the contagion of the virus and its spread in space. Here, there is a coherence between the form (graphic) and the content (thematic).
3 – Overflow
Finally, another strong idea, which was in fact the starting point for this work, is the aim to reflect the overflow and saturation of health services in the face of a health crisis for which we were clearly unprepared. The dots are moving day by day far beyond their original mesh until the image is overloaded. The targeted effect is to produce a real visual suffocation that evokes, at least that was my intention, the crisis situation in the hospital. Let’s recall that, the warning signals had been very numerous, as shown on this banner captured on December 17, 2019…
The source code is available here [see]. The next map update will be done tonight after 7pm. To be continued…
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:20
Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
sur Carnet (neo)cartographiqueComment cartographier le mouvement, les déplacements, les migrations ?
Cette question agite le cerveau des cartographes depuis longtemps, car aucune réponse simple ni de consensus n’a jamais été complètement trouvé. Le défi est en effet important. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder comment les déplacements sont en général décrits. En effet, pour décrire un ensemble de déplacements, on utilise généralement une matrice M appelée matrice OD (pour matrice Origine-Destination) qui comptabilise simplement le nombre de déplacements observés entre chaque couple de zones OD. Même si cette matrice est généralement creuse (c’est-à-dire qu’elle contient beaucoup de zéros, un certain nombre de zones n’échangeant pas de déplacements entre elles), le nombre de données à représenter est de l’ordre du nombre de zones au carré ! Difficile dans ces conditions de mobiliser simplement une carte choroplèthe ou de simple symboles proportionnels positionnés au centre de chacune des zones de l’étude. Ces méthodes par nature ne permettent de représenter qu’une information par lieu et non une information impliquant des couples de lieux.Pour résoudre cette difficulté, les cartographes ont tout de même imaginé un grand nombre de solutions. Des cartes de flux utilisant des flèches, des cartes multiples, des représentations matricielle, des représentations circulaires …
Mais ce ne sont pas celles-là qui nous amènent aujourd’hui. La solution dont nous allons discuter a été imaginée par le prolifique Waldo Tobler dans les années 70 / 80. Tobler a travaillé sur différentes méthodes de visualisation et a évoqué une approche particulière dans différents articles, permettant de reconstruire un champ vectoriel (tel que ceux rencontrés dans la description des vents, par exemple) pour décrire des migrations observées. L’article A Model of Geographic Movement publié en 1980 est une bonne présentation synthétique de ses recherches sur cette question. Pour les curieux, je vous recommande également ces 2 présentations : A Movement Talk et Asymmetry to Potentials dans lesquelles il évoque les données de migrations entre communes Françaises comme cas d’étude pour sa méthode.
Dans le cadre du projet Tribute To Tobler (TTT), nous avons donc trouvé naturel de produire des cartes dynamiques sur les migrations résidentielles françaises telles que celle-ci pour remettre en avant cette méthode.
Carte des vents des migrations résidentielles des retraités Français en 2016 [source recensement INSEE]Vous pouvez explorer les résultats obtenus pour d’autres catégories de la population française ici.
Ces cartes s’appuient sur la méthodologie de Tobler pour reconstruire un champ vectoriel : à chaque point de l’espace est associé un vecteur donnant une direction et une amplitude résumant les migrations observées ; et sur une technique de visualisation, les streamlets. La visualisation des champs vectoriels sous la forme de streamlets est assez classique. Les streamlets sont simplement des particules dont on simule le comportement suivant le champ vectoriel que l’on veut visualiser, pendant une petite période de temps, avant de les faire disparaître et d’en simuler de nouvelles.
Un effet de légère traînée – obtenu en conservant une version estompée de la simulation au pas de temps précédent – permet de mieux suivre les trajectoires des particules individuelles. Pour obtenir ce rendu, nous avons développé un petit script d3 qui s’inspire en partie du code de wind.js, un portage du projet earth-null-school développé pour visualiser les données de vents sur la surface du globe.Ces cartes possèdent donc un lien fort avec les cartes de phénomènes physiques de vents, telles que la magnifique carte du projet earth-null-school qui s’appuie également sur le système des streamlets pour représenter le champ vectoriel décrivant les vents. Cependant, elles ne sont pas tout à fait de même nature que celles qui portent sur des migrations. Les cartes physiques de vents peuvent s’appuyer sur des mesures directes du champ vectoriel associé au vent. En chaque point de l’espace, il est possible de mesurer la direction et la force du vent ; chaque point de l’espace est donc associé à un et un seul vecteur et la mesure obtenue correspond donc directement à un champ vectoriel.
Carte des vents du projet earth-null-school.
Dans le cas des migrations de personnes ou de biens, ce champs que nous représentons n’est pas observé directement et n’est en fait en partie qu’une (re)construction de l’esprit. En effet, seuls les lieux d’origine et de destination des déplacements sont observés, c’est pourquoi il est nécessaire de (re)construire un champ vectoriel permettant de résumer ces mouvements observés entre les couples de lieux. C’est justement ce que fait la méthodologie développée par Tobler.
La carte suivante montre ainsi le champ reconstruit par Tobler à partir des données de migrations de billets de 1 dollar, en 1976, aux USA. La visualisation est statique, car les moyens informatiques de l’époque rendaient difficile la création de cartes animées telles que celle que nous proposons ; le champ vectoriel est visualisé à l’aide de flèches positionnées sur une grille dont la longueur et la direction varient.Champs vectoriel et potentiel associés aux mouvements des billets de 1 dollar aux USA, en 1976
(re)construits avec la méthode de Waldo Tobler. Tobler dans A geography of movements.La combinaison assez naturelle que nous proposons des champs vectoriels de Tobler associés au rendu en streamlets donne un résultat assez parlant. Ce qui, à mon sens, rend cette représentation particulièrement efficace c’est l’adéquation parfaite qu’elle offre entre le fond et la forme.
La carte animée représente des mouvements au sens propre comme au sens figuré. Les dynamiques qui l’animent représentent bien des mouvements. J’ai cherché où trouver une bonne image pour évoquer ce lien fort et direct entre forme et fond et j’aime bien l’idée du calligramme cartographique, ce qui me permet de glisser dans ce post un calligramme de Guillaume Apollinaire.
En tout cas, ce procédé rend cette représentation des mouvements particulièrement intelligible et efficace, cela au premier regard et même sans échelle, un crime !Calligramme de Guillaume Apollinaire issu de Calligrammes, sous-titré Poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, publié le 15 avril 1918 aux éditions Mercure de France.
Comme nous l’avons déjà dit, cette représentation s’appuie sur la (re)construction d’un champ vectoriel pour résumer des migrations ; elle n’est donc in-fine pas une représentation parfaite de ces migrations. Nous reviendrons sur les inconvénients qui découlent de ce choix, mais pour l’heure intéressons-nous à la (re)construction de ce champs.
Comment ça marche ?Pour reconstruire un champs de vecteurs résumant une matrice OD, la méthodologie s’appuie sur un nombre restreint d’hypothèses et sur 2 étapes.
La première de ces étapes consiste à reconstruire un champ non pas vectoriel mais scalaire (associant à chaque nœud d’une grille un nombre) qui va décrire l’attractivité de chacun des nœuds de la grille.
La seconde étape permet d’obtenir le champ vectoriel en calculant le gradient, c’est-à-dire la dérivée en x et y, par différence finie du champ précédent.Un nœud de la grille i et ses quatre voisins (N, E, S, O) et leurs échanges.
Imaginons que l’espace est représenté par une grille régulière, chaque nœud étant placé tous les 2 km par exemple. Chaque nœud de cette grille communique et échange uniquement avec ses quatre voisins. C’est la première hypothèse forte qui est posée : les mouvements sont locaux, ils ne peuvent s’effectuer que de proche en proche. La figure précédente reprend cette hypothèse et décrit les différents flux entre un nœud i et ses quatre voisins. Enfin, le solde de i, ?i est calculé : il correspond simplement à la différence entre les flux entrants et les flux sortants de i.
La seconde hypothèse forte du modèle de Tobler permet de relier les flux observés à l’attractivité des lieux. La différence entre les valeurs des flux observés est supposée proportionnelle à la différence d’attractivité des lieux (pondérée par l’inverse de la distance entre ceux-ci, certains retrouveront ici des liens avec le modèle gravitaire). Comme ici les nœuds sont placés sur une grille régulière, ceux-ci sont positionnés à équidistance les uns des autres et ce facteur de distance peut être supprimé. En utilisant cette hypothèse pour le nœud précédent, il est possible d’écrire 4 équations quasiment identiques : elles font intervenir l’attractivité du nœud i et de ses voisins, ainsi que l’ensemble des flux entre ceux-là.
En additionnant simplement ces quatre équations, nous obtenons une nouvelle relation entre ces nœuds qui est au fondement de l’approche. Celle-ci fait en effet apparaître le solde en i et les attractivité des 5 nœuds concernés.
Cette équation peut être dérivée de manière identique pour l’ensemble des nœuds de la grille, à l’exception des nœuds situés sur la frontière pour lesquels un traitement spécifique est nécessaire en raison d’un effet de bord, cela permet d’obtenir un système d’équations liant les attractivités aux soldes. Si les soldes sont observés (ou calculés a partir d’une matrice OD), il est possible de résoudre ce (très grand) système d’équations pour obtenir les attractivités de chacun des nœuds, à une constante additive près.L’idée de Tobler consiste à calculer les soldes en chaque nœud de la grille à l’aide d’une matrice OD et d’en déduire les attractivités et le champ vectoriel associés ; ce dernier étant donné par calcul de différences finies.
Schéma de l’affectation des noeuds de la grille régulière aux zones.
Pour calculer les soldes en chaque nœud d’une grille à partir d’une matrice OD entre zones définies par des polygones, Tobler propose simplement de calculer les soldes de chaque zone, puis de les répartir de manière uniforme sur l’ensemble des nœuds se situant à l’intérieur de la zone considérée (comme le montre le petit schéma précédent).
Pour résumer, on calcule donc les soldes finaux de chaque nœud et l’on essaye de reconstruire le champ d’attractivité en contraignant les mouvements à être locaux qui sont compatibles avec ces soldes observés au niveau des zones de départ.Au final, ce n’est donc qu’un résumé de la matrice OD qui est pris en compte, les soldes ou balances entre entrants/sortants de chaque zone. Ces soldes permettent de décrire l’asymétrie de la matrice OD. Il ne reste plus qu’à rechercher le champ d’attractivité avec des déplacements locaux qui est compatible avec ces soldes.
Il est intéressant de noter que ce système d’équations correspond à la discrétisation d’une équation physique bien connue, l’équation de Poisson, même si elle n’a pas été dérivée en utilisant une analogie physique, mais un modèle sur les déplacements (le déplacement est contraint au voisinage et la différence des flux est proportionnelle à la différence d’attractivité).
LimitesComme nous l’avons vu, au final, cette méthode entraîne tout de même une perte d’information, seuls les soldes de chaque zone sont utilisés ; le reste de l’information étant reconstruit en utilisant l’hypothèse de continuité des déplacements de proche en proche, les particules n’ayant pas le droit de se téléporter. Cela peut entraîner des déformations dans la perception des échanges et ne permet pas de visualiser des relations qui justement ne respecteraient pas cette propriété. Enfin, cette hypothèse rend difficile le traitement de territoires non continus qui présentent des îles ! C’est d’ailleurs pour cela que la Corse n’est pas représentée dans notre proposition cartographique. Les mouvements étant locaux, il faut nécessairement un chemin, une continuité spatiale entre chaque nœud de la grille pour que le résultat obtenu fasse sens. J’aimerai d’ailleurs bien réfléchir à cette question dans le futur.
Voila pour cette première présentation autour des travaux de Tobler sur la visualisation de flux. D’autres posts suivront peut-être sur ces questions, avant que nous ne diffusions le package R permettant de faire plus facilement ce genre d’analyse.
Références mentionnées
J’espère que, si vous avez réussi à me suivre jusqu’ici, ce post vous aura permis de mieux comprendre cette méthodologie proposée par Tobler et ses limites éventuelles.Tobler W. R. (1980) A Model of Geographic Movement
Billets liés à TTT
Tobler W. R. A Movement Talk
Tobler W. R. (2005) Asymmetry to Potentials
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
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11:24
Cartographie(s) “extrudée(s)”
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Extrusion, n.f. Procédé de mise en forme des matières plastiques, qui consiste à pousser la matière à fluidifier à travers une filière. Synonyme : Boudinage. [https:]
Camarades cartographes, « profitant » de ces jours de confinement forcés et du fait d’un emploi du temps modifié, je me suis lancé dans quelques expérimentations graphiques (plus ou moins concluantes) dans mon langage de prédilection : R. En effet, féru des représentations cartographiques vintages, et notamment celles du début de l’informatique, j’ai essayé de reproduire ces fameuses cartes dites « extrudées » (ou en prismes) dont la paternité revient apparemment à George F. Jenks – et non à Waldo Tobler comme je le pensais auparavant, merci Laurent Jégou pour la référence [voir] – que vous connaissez sûrement pour sa fameuse méthode de discrétisation. Même si plusieurs outils permettent déjà de produire ce genre de représentation, j’ai voulu en réaliser un moi même dans le but d’obtenir des cartes dans un style épuré et 100 % vectoriel pour pouvoir les importer et les modifier dans un logiciel de dessin.
Pour cela, j’ai commencé à développer le package R mapextrud qui propose deux principales fonctions. La fonction deform() qui permet de mettre le fond de carte en perspective, et la fonction extrude() qui permet de réaliser la carte extrudée. Notons que nous sommes là encore au stade de l’expérimentation. Le programme reste très lent et produit encore des images imparfaites.
Le résultat est le suivant :
Notez aussi que cette méthode permet des rendus assez sympas sur les cartes lissées avec un aspect « culture en terrasses ». En voici une réalisée à partir des données d’exemple du package R SpatialPosition sur les lits d’hôpitaux à Paris.
Notez enfin que cette méthode s’applique aussi facilement à des grilles régulières, comme le montre cette représentation sur la population mondiale réalisée, elle aussi, avec le package.
Au delà de ces expérimentations informatiques, reste la question du sens. D’un point de vue sémiologique, l’extrusion de polygones aux tailles et formes hétérogènes n’est pas sans poser quelques questions. Faut-il faire varier la hauteur des polygones ou leurs volumes ? Il ne semble pas y avoir de consensus sur ce point. Soyez prudents…
Bref, notez bien que le travail présenté ici est un travail en cours. Les paramètres et les fonctions du package sont encore susceptibles de bouger. Une fois le package stabilisé (si j’y arrive), celui-ci sera mis en ligne sur le CRAN et je vous en informerai via un nouveau billet de blog. Mais d’ici là, si vous voulez contribuer pour améliorer le travail déjà effectué, n’hésitez pas (Pull request, etc). Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin, comme dit le proverbe africain.
Vous pouvez installer le package dans R en tapant ceci : devtools::install_github(« neocarto/mapextrud »)
Vous pouvez accéder au code source ici : [voir ]
Et à la documentation ici : [voir]Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un projet de recherche pluri-disciplinaire
TTT (Tribute To Tobler)— English version —
Building « Extruded » map(s) in RExtrusion, noun. The process of forming something by forcing or pushing it out, especially through a small opening. [https:]
Comrades cartographers, « taking advantage » of these days of forced confinement and because of a modified schedule, I launched into some graphic experiments (more or less conclusive) in my favourite language: R. In fact, as a fan of vintage cartographic representations, especially those from the early days of computer science, I tried to reproduce these famous « extruded » (or prism) maps whose authorship apparently belongs to George F. Jenks – and not Waldo Tobler like I thought before, thank you Laurent Jégou for the reference [see] – who you probably know for his famous method of discretization. Even if several tools already allow to produce this kind of representation, I wanted to make one myself in order to obtain maps in a sober and 100 % vectorial style to be able to import and modify them in a drawing software.
For this, I started to develop the R mapextrud package which offers two main functions. The deform() function which allows to put the basemap in perspective, and the extrude() function which allows to make the extruded map. Note that we are still at the experimentation stage. The program remains very slow and still produces imperfect images.
The result is as follows:
Note also that this method allows for quite nice renderings on smoothed maps with a « terrace cultivation » aspect. Here is one made from the example data of the R SpatialPosition package on hospital beds in Paris.
Finally, note that this method is also easily applied on regular grids, as shown in this representation of the world population also made with the package.
Beyond these computer experiments, the question of meaning remains. From a « semiological » point of view, the extrusion of polygons with heterogeneous sizes and shapes is not without asking some questions. Is it necessary to vary the height of the polygons or their volumes? There does not seem to be a consensus on this point. Be careful…
In summary, please note that the work presented here is a work in progress. The parameters and functions of the package are still subject to change. Once the package will be stabilized (if I can), it will be put online on the CRAN and I will inform you about it via a new blog post. But until then, if you want to contribute to improve the work already done, don’t hesitate (Pull request, etc). Alone we go faster, together we go further, as the African proverb says.
You can install the package in R by typing this: devtools::install_github(« neocarto/mapextrud »)
You can access the source code here: [voir ]
And to the documentation here: [voir]This work was done as part of a multi-disciplinary research project called
Billets TTT liés / linked blog post
TTT (Tribute To Tobler)
- Françoise Bahoken et Nicolas Lambert (2020), Le Flowmapper de Tobler (1979)
- Laurent Jégou (2020), TTT: Continuous choropleth, sur Observable
- Françoise Bahoken (2020) Quels flux représenter comment ?
- Nicolas Lambert (2020) Avoir le bon flow
- Étienne Côme (2020) Migrations, cartes de vents et calligramme cartographique
- Nicolas Lambert (2020) Cartographie(s) “extrudée(s)”
- Étienne Côme (2020) Wind, a Tribute to Tobler, sur le blog @comeetie
- Collectif TTT : TTT dans Neocarto
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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19:41
Ma 1ere carte, de flux
sur Carnet (neo)cartographiqueConfinement oblige, on se recentre et parfois on retrouve quelques pépites.
En voici une !Ceci est ma première carte de flux. Réalisée en 2007. Je la dépose ici en l’état, dans sa mise en page, avec les commentaires de l’époque.
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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22:52
Le coronavirus, sur ses webmaps et ses graphes
sur Carnet (neo)cartographiqueLa pandémie actuelle du coronavirus donne l’opportunité aux (néo)cartographes de proposer des cartes permettant de visualiser les dégâts, l’extension géographique de son influence, les motifs de sa diffusion, avec parfois une profondeur temporelle.
Cette production cartographique apparaissant notable, une page récapitulative leur est d’ailleurs consacrée sur le blog collectif de Cartographie(s) numérique(s). L’impressionnant recensement d’images de toutes sortes et de toutes provenance que Sylvain Genevois (2020) propose a « (…) notamment pour [ambition de] développer la prévention auprès des populations. Au delà de l’exemple du coronavirus comme symbole des paniques de notre siècle, l’article vise à esquisser une réflexion sur la cartographie des épidémies à l’ère de la mondialisation.». Aussi et avant cela, d’examiner les éléments qui participent de la fabrication de ces cartes de manière à « (…) aller vers une approche cartographique plus scientifique. », ce qui ne serait pas le cas de l’essentiel des cartes qui y sont recensées et pour cause, elles émanent majoritairement de la société civile. Le billet met ainsi davantage l’accent sur les cartes statistiques qui mobilisent des données dans le cadre d’analyses qui dépassent le stade de la description.
Foule de webmaps sur le coronavirusLa forte production de webmaps dédiées au coronavirus par des acteurs relevant de la société civile et de la presse est révélatrice de l’existence d’une forte demande sociale d’informations pour ce type de phénomènes mondiaux (pour des raisons qui semblent liées à leur potentiel catastrophique en termes de santé publique, d’économie, etc.). Elle pose l’hypothèse de l’existence de procédés de remédiation spécifique à la mise en carte de catastrophes, c’est-à-dire de pratiques liées à la fabrique contemporaine de la carte (liée au geoweb) qui iraient au delà de son usage.
Ces webmaps sont d’apparence et de niveau informationnel variés. Qu’elles fournissent ou non une information, elles sont logiquement assez largement partagées sur les réseaux sociaux, au sein et entre des communautés différentes. Elles participent de fait, pour une bonne part d’entre elles, de la diffusion d’une connaissance, d’un message, sur la situation du virus – par exemple : l’évolution du nombre de cas pour les pays concernés.
Le rôle de ces cartes numériques est d’autant plus important qu’elle bénéficient d’un double pouvoir : le pouvoir historique d’autorité, propre au document carte et le pouvoir, certes plus récent, de sa version numérique, que le support web renforce indéniablement. Dans ce registre, il serait d’ailleurs particulièrement intéressant d’analyser la fonction de médiation de toutes ces cartes numériques portant sur le coronavirus.
Si tout semble « au mieux dans le meilleur des mondes possibles » (en matière de cartographie, bien entendu), il convient en effet de noter que cette production cartographique est entachée de quelques critiques portées sur la composition des documents : leur forme, leur style et leur fond sont commentés au point que certain.e.s soient tenté.e.s de représenter autrement la diffusion et/ou la distribution spatiale du coronavirus. L’objectif étant dans bien des cas de produire une image plus fidèle à la réalité géographique de ce virus.
La figure cartonumérique du coronavirus, parce qu’elle est souvent bardée de cercles rouges apparaît anxiogène. Outre l’effrayant affichage du nombre de cas, elle est par ailleurs sauf exception peu informative pour deux raisons. La première est que les auteurs et autrices sont souvent des designers d’informations, produisant du contenu visuel (par une mise en graphique directe des données) et non des scientifiques produisant une information illustrant les résultats d’observations ou d’analyses. La seconde raison est qu’en la matière, les données sont lacunaires ou non encore consolidées. Dans le registre de la carte thématique, l’enjeu réside d’abord sur l’articulation des informations (statistique et géographique) puis sur la manière de les représenter pour produire un message monosémique. L’importance de l’information disponible explique probablement l’engagement récent d’une collecte collaborative de données le 14 mars 2020, sur une plateforme permettant le dépôt, l’archivage et la coédition en ligne (voir ici : Github).
Cette plateforme utilisée par les développeurs et designers d’informations, sert en effet un objectif de transparence, d’honnêteté et d’ouverture qui n’est pas réservé à la société civile; il est aussi le fait de projets scientifiques, tels celui de Nextstrain.
Le projet NextstrainLa plateforme Nextstrain fait partie d’un projet de recherche collective initié par Richard Neher, biologiste de l’Université de Bâle, pour surveiller les changements génétiques de différents agents pathogènes parmi lesquels le coronavirus, mais aussi ebola ou encore zika. Il propose notamment un suivi en temps réel de leur évolution dans le temps et dans l’espace au niveau mondial, à différents niveaux de résolutions.
Nextsrain donne ainsi lieu à une production intéressante voire unique d’analyses, de possibilités d’exploration de données et de (géo)visualisations portant sur la séquence des agents pathogènes étudiés. La particularité du projet réside aussi dans son mode collaboratif (le projet implique de nombreuses équipes de recherche), son esprit d’ouverture et le caractère reproductible de ses analyses.
Les motivations de l’équipe en ce sens sont très claires :
« Si les séquences du génome d’un agent pathogène doivent servir de base aux interventions de santé publique, il faut alors procéder rapidement à des analyses et diffuser largement les résultats. Les pratiques actuelles de publication scientifique entravent la diffusion rapide des résultats pertinents sur le plan épidémiologique. Nous pensons qu’un système ouvert, en ligne, qui met en œuvre de solides filières bio informatiques pour synthétiser les données de tous les groupes de recherche est le plus à même de faire des déductions épidémiologiques exploitables. En outre, nous avons ouvert tous les outils que nous utilisons et nous espérons créer une communauté autour de Nextstrain qui soutient et promeut les analyses génomiques de toutes sortes. »
Le projet fournit en effet à la communauté scientifique [Voir] une mise à jour en continu de données, de codes source (sous licence publique générale GNU Affero) et de résultats d’analyses sous la forme de rapports et d’images pouvant être utilisés librement sous licence CC-BY-4.0 incluant l’attribution à nextstrain.org, le tout pour « (…) aider à la compréhension épidémiologique et d’améliorer la réponse aux épidémies (…) renforcer les capacités des communautés de l’épidémiologie génomique et de la santé publique au sens large ».
La production graphique du projetNextstrain diffère des autres propositions graphiques actuelles sur les virus sur plusieurs points.
La page accessible ici (filtrée pour le Coronavirus) diffère d’abord par son apparence assez classique, elle présente un style plutôt sobre, des couleurs neutres qui s’opposent au fameux modèle du rouge-et-noir.
La page se distingue aussi par ses deux principales modalités d’exploration des données, une carte (voir ci-dessous) et un graphe, jouant sur leurs complémentarités (mais pas celles que l’on croit) sur visualiser la géographie ou la temporalité de ces agents.
Source : Nextstrain.org
Source : Nextstrain.org
Ces vues peuvent être enrichies par des possibilités de filtrage interactif, par :
- niveau géographique : localité, division administrative (région) et pays ;
- hôte : canin, environnemental et humain ;
- auteur et laboratoire.
La page de Nextstrain se distingue enfin par ses partis-pris méthodologiques qui, d’après ce que j’ai pu observer, conduisent à explorer la temporalité par la carte et la géographie par le diagramme.
Explorer la temporalité par la carteLes données étant spatio-temporelles, elle sont représentées sur une carte interactive et animée. S’il n’est pas possible d’agir sur des composantes cartographiques, le paramètre temps est quant à lui mobilisé / mobilisable dans deux dimensions : pour visualiser le temps des données en lien avec le temps de la représentation, les actions correspondantes permettant d’animer la carte en jouant sur le critère de vitesse de représentation.
La carte se trouve être la modalité graphique la plus riche du projet. La composante d’échelle est gérée par le filtre géographique (par localisation, par division administrative et par pays), comme illustré ci-dessous.
Résolution de niveau local (16 mars 2020)
Au-delà du choix du niveau de résolution, il intéressant de noter que les paramètres d’action de la carte sont liés à la gestion du temps sur le geoweb, c’est-à-dire d’informations permettant d’enrichir, d’une part, d’abord l’exploration temporelle des données avant leur composante géographique ; d’autre part, l’expérience de géo visualisation en ligne.
La vue cartographique peut en effet être animée, pour servir de support à la perception de la « dynamique » de l’agent considéré, pour visualiser l’historique de sa propagation et son évolution au cours du temps, dans leur contexte géographique.
La composante temporelle des données cartographiées est accessible par les actions suivantes :
- au clic direct sur la carte, via le bouton Play placé directement sur la carte, pour animer ses données et explorer leur ligne de temps ;
- par le réglage de la vitesse d’animation sur l’un des trois niveaux proposés : lent, moyen, rapide ;
- par le réglage du type d’animation, pour une visualisation « en boucle » ou sous la forme d’une « histoire cumulée ».
Si la composante temporelle des données a logiquement été privilégiée dans cette représentation, on regrette toutefois que la carte ne permette pas d’enrichir davantage l’exploration géographique de ces données.
La légende manquant cruellement, il est impossible de savoir au premier abord à quoi correspondent exactement les tailles des cercles représentés, de même qu’il est difficile de savoir à quoi correspondent les différentes couleurs (apparemment) fixées par défaut.
Pour cause, l’exploration géographique de la propagation de ces agents passe par l’examen d’un graphe.
Explorer la géographie par le grapheLe graphe proposé est de type arbre hiérarchique, présenté selon quatre modalités de dessin : rectangulaire tel un dendrogramme, radial, déraciné ou encore « horloge ». Ces graphes hiérarchiques donnent à voir l’origine et le mode de diffusion des agents.
Le graphe étant interactif, la proposition d’action sur les dimensions de l’arbre entraîne la modification de l’axe des abscisses ; l’axe des ordonnées étant réservé à la distribution géographique de l’agent par niveau territorial (localité, région, pays).
Une action sur le graphe entraîne donc une modification de la longueur et de l’apparence colorée des branches. La longueur des branches (des liens) varie selon que l’affichage de la temporalité est de type Temps ou « divergent », tandis que leur apparence tient à l’affichage ou non des labels.
Exemple de l’arbre de type rectangulaire
Affichage de la temporalité de type Temps. Source : Nextstrain.org.
Affichage de la temporalité de type Divergent. Source : Nextstrain.org
Chacun des nœuds de l’arbre correspond à un pays (cf. le choix de filtrage étant le pays), dont il est possible d’afficher la fiche (voir ci-dessous) et de repérer ses voisins qui ont une teinte similaire ou proche, en affichant la légende. Le comportement de chacun des pays, similaire à son voisinage ou isolé est dès lors facilité sur le graphe, puis sur la carte qu’il est possible de ré-examiner de ce point de vue.
Affichage de la géographie sur graphe. Source : Nextstrain.org
Les possibilités d’action sur la teinte des nœuds ne se limitent pas au pays, d’autres variables auraient pu être utilisées telles la date, le génotype, la localisation, l’hôte, l’âge, le sexe, les auteurs, le laboratoire d’origine, le laboratoire de soumission.
Pour finir, une belle application pouvant tenir lieu d’observatoire ouvert sur les données, la géographie et la temporalité de cette pandémie du coronavirus (notamment), sûrement bien utile – aux initi.é.e.s pouvant lire et interpréter la mine d’informations disponibles – à l’heure où l’on parle d’une augmentation de la vitesse de propagation internationale, à l’échelle mondiale, mais aussi locale des relations interpersonnelles.
Référence du projet :
Hadfield et al. (2018) Nextstrain: real-time tracking of pathogen evolution, Bioinformatics> Le dépôt : https://github.com/nextstrain/ncov
> La page : [https:]Voir aussi :
Genevois S. (2020), La cartographie des épidémies entre peur de la contagion et efforts de prévention. Exemple à travers la diffusion du coronavirus, Blog cartographie(s) numérique(s)Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:53
Fermer les frontières tue !
sur Carnet (neo)cartographique— English below —
Camarades cartographes, il est de bon ton aujourd’hui de dire qu’il faudrait fermer les frontières pour se protéger du Coronavirus et ainsi sauver des vies. C’est bien vite oublier que les frontières sont elles aussi responsables de la mort de milliers d’êtres humains à traverses le Monde. Aux frontières de l’Union européenne, c’est 50 000 hommes, femmes et enfants qui y ont péri depuis le début des années 1990.
Afin que vous puissiez en juger par vous mêmes, je vous propose ici un petit outil cartographique permettant de visualiser les migrants morts et portés disparus au voisinage de l’Union européenne depuis 1993. L’objectif est de maintenir à jour cette « carte des morts » qu’on me demande régulièrement et de disposer d’une carte paramétrable par année et espace géographique.
Cette carte repose sur 3 bases de données :
- United for Intercultural Action (1993 – 1999)
United for Intercultural Action est un réseau européen de lutte contre le nationalisme, le racisme et le fascisme et de soutien aux migrants, aux réfugiés et aux minorités. United coordonne des campagnes, organise des conférences, prend part à des projets, produit des publications et entreprend des actions de sensibilisation pour protester contre la discrimination et promouvoir notre vision commune d’une société diverse et inclusive. Dans ce cadre de leurs actions, ils publient sur des affiches ou de grandes bandes de papier déroulées dans l’espace public, la liste des migrants morts aux frontières de l’UE [voir]. Il s’agit donc d’une base de donnée militante qui a été longtemps la seule disponible et c’est elle qui a permis de lancer l’alerte à un moment où personne n’avait idée de l’ampleur du phénomène [voir]. - The Migrant’s file (2000 – 2013)
The Migrant’s file est une base de donnée créée par un consortium de journalistes provenant de 15 pays européens. Leur travail à consisté à vérifier toutes les données pour tenter de donner une image juste de la mortalité à nos frontières. Surprise, ce travail a démontré que toutes les données disponibles jusqu’ici sous estimaient largement la réalité. Ce travail de recensement et de fact checking ont été abandonnés le 24 juin 2016. Il a été récompensé par plusieurs prix [voir]. - OIM (à partir de 2014)
Le projet « Missing Migrants » de l’Organisation internationale pour les migrations recense les incidents impliquant des migrants, y compris des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui sont morts ou ont disparu au cours du processus de migration vers une destination internationale. C’est à ce jour la base de donnée sur le sujet la plus utilisée. Elle est quotidiennement mise à jour [voir].
Au final, cette carte est dans la lignée des différentes cartes produites depuis des années sous l’impulsion d’Olivier Clochard et Philippe Rekacewitz [voir] et mises à jour abondamment notamment par le réseau Migreurop [voir]. Elle s’inscrit dans la continuité de ces cartes radicales destinées à alerter sur les drames qui se produisent à nos frontières. Elles sont un appel politique à l’ouverture et la démocratisation des frontières pour que toute personne, qu’elle soit riche ou pauvre, puisse circuler librement en toute sécurité.
- L’application cartographique est ici [voir]. Merci de me pardonner les quelques bugs qui subsistent encore.
- Le code source est ici [voir]
— English version —
The Borders KillsComrades cartographers, it is common practice today to say that borders should be closed to protect us against the Coronavirus and thus save lives. It is forgetting that borders are also the cause of death of thousands of human lives around the world. At the borders of the European Union, 50 000 men, women and children have died since the early 1990s.
So that you can judge for yourselves, I offer you here a small mapping tool to visualise the dead and missing migrants in the neighborhood of the European Union since 1993. The aim is to keep this « map of the dead », which I am regularly asked to update, up to date and to have a map that can be configured by year and geographical area.
This map is based on 3 datasets:
- United for Intercultural Action (1993 – 1999)
United for Intercultural Action is a European network fighting nationalism, racism and fascism and supporting migrants, refugees and minorities. United coordinates campaigns, organises conferences, takes part in projects, produces publications and undertakes awareness-raising activities to protest against discrimination and promote our common vision of a diverse and inclusive society. As part of their work, they publish on posters or large strips of paper in public spaces the list of migrants who have died at the EU borders [see]. It is therefore an activist database that was for a long time the only one available, and it was the only one that made it possible to raise the alarm at a time when no one had any idea of the extent of the phenomenon [see]. - The Migrant’s file (2000 – 2013)
The Migrant’s file is a database created by a consortium of journalists from 15 European countries. Their work consisted in checking all the existing data to try to give an accurate picture of mortality at our borders. Surprisingly, this work has shown that all the data available so far largely underestimates the reality. This census and fact checking work was stopped on 24 June 2016. It has been awarded several prizes [see]. - IOM (from 2014)
The « Missing Migrants » project of the International Organization for Migration identifies incidents involving migrants, including refugees and asylum-seekers, who have died or disappeared during the process of migration to an international destination. It is currently the most widely used database on the subject. It is updated daily [see].
In the end, this map is in line with the various maps produced over the years under the initiative of Olivier Clochard and Philippe Rekacewitz [see] and abundantly updated, notably by the Migreurop network [see]. It is a continuation of these radical maps intended to alert on the dramas that occur at our borders. They are a political message calling for the opening and democratization of borders so that everyone, rich or poor, can move freely and safely.
- The mapping application is here [see]. Please forgive me for the few bugs that still exist.
- The source code is here [see]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
- United for Intercultural Action (1993 – 1999)
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17:31
Des points, des liens et des humains
sur Carnet (neo)cartographique« Tout interagit avec tout, mais deux objets proches ont plus de chances de le faire que deux objets éloignés » (Waldo Tobler).
Camarades cartographes, je continue ici ma série cartographique sur les globes
[voir et voir] avec cette petite expérimentation de géo-visualisation originale basée sur la grille de population du gw4 [voir]. Il s’agit là d’un prototype et il est, de ce fait, non dénué de certaines imperfections.Les principes sont les suivants :
1 – Chaque pixel est symbolisé par un figuré proportionnel représentant le nombre d’habitants dans le pixel.
2 – En faisant varier la taille des pixels, on peut donc visualiser la population mondiale à différentes échelles. Notons au passage que les surfaces des cercles sont comparables d’une échelle à l’autre. Mais attention, si vous choisissez un niveau d’agrégation trop fin, votre ordinateur risque de ramer un peu…
3 – En faisant varier le seuil de population représenté, vous pouvez faire disparaître les zones peu denses et focaliser la carte sur les zones les plus densément peuplées.
4 – Deux zones proches et suffisamment peuplées sont reliés par un trait.
Au final, cette carte mobilise une symbolique simple : des symboles ponctuels et des lignes. Une représentation cartographique basique pensée pour donner à voir un monde interconnecté où la notion de distance compte. Et quoi de mieux qu’une carte qui relie les Hommes entre eux ?
NB : D’un point de vue technique, cette carte s’appuie sur un couplage R+Shiny d’une part et D3.js d’autre part, à l’aide du package r2d3. Toutes les cartes sont générées à la volée. Les codes sources sont disponibles en ligne [voir]
Dots, links & humans: A New Map of the World’s Population« Everything is related to everything else, but near things are more related than distant things » (Waldo Tobler).
Comrades cartographers, I go on with my cartographic series on globes [see and see] with this small original geo-visualization experiment based on the gw4 population grid [see]. This is a prototype and is, therefore, not without some imperfections.
The principles are as following:
1 – Each pixel is symbolized by a proportional circle representing the number of inhabitants in the pixel.
2 – By varying the size of the pixels, we can thus visualize the world population at different scales. Note that the surfaces of the circles are comparable from one scale to another. But beware, if you choose too fine a level of aggregation, it’s going to take a while for your computer to calculate…
3 – By varying the population threshold, you can make the low-density areas disappear and focus the map on the most densely populated areas.
4 – Two close and densely populated areas are connected by a line.
Finaly, this map uses a simple symbolism: circles and lines. A basic cartographic representation designed to show an interconnected world where the notion of distance matters. And what could be better than a map that connects humans to each other?
NB: From a technical point of view, this map is based on a coupling R+Shiny on the one hand and D3.js on the other hand, using the r2d3 package. All maps are generated on the fly. The source codes are available on line [see].
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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10:47
Le monde selon Trump : l’archipel palestinien
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, les cartes twittées par Donald Trump sont décidément très intéressantes. Hier, le président Américain publiait une carte intitulée « Vision for Peace » (qu’on peut traduire par vision pour la paix ou représentation pour la paix) avec le commentaire suivant : « C’est à cela que peut ressembler un futur État de Palestine, avec une capitale dans certaines parties de Jérusalem-Est » [voir].
Je propose ici un court décryptage cartographique à chaud. N’hésitez pas à le compléter dans les commentaires.Points clés
Sur la carte de Trump, le Plateau du Golan fait parti de l’État israélien. Ce territoire syrien, occupé et administré par Israël depuis de la guerre des Six Jours en 1967, a été annexé unilatéralement par Israël en 1981. Cette annexion n’est à ce jour pas reconnue par la communauté internationale. Il s’étend ainsi sur 1.154 km² .
La Vallée du Jourdain. Ce territoire, qui s’étend sur 120 km le long du fleuve Jourdain, représente près de 30 % de la Cisjordanie. Sur ce territoire vivent 10.000 des 400.000 israéliens établis en Cisjordanie, mais aussi environ 65.000 Palestiniens. L’annexion du Jourdain faisait partie des promesses de campagne de Benjamin Netanyaou aux élections législatives de l’an dernier. B. Netanyahu disait, en octobre 2019, que le plan de paix que l’administration Trump va prochainement dévoiler (nous y sommes) offrira une opportunité « historique et unique » pour cette annexion. C’est chose faite. A l’époque, l’Union européenne indiquait que ce même plan compromettait les perspectives de paix.La frontière entre Israël et le Liban est également forte intéressante. Seule ligne de la carte représentée par des pointillés, elle reprend le tracé de la ligne d’armistice du 23 mars 1949. Cette ligne n’est pourtant pas reconnue comme étant la frontière. Notons au passage la note figurant au bas de la carte : « La représentation des frontières ne fait pas nécessairement autorité ».
Enfin, il y a la capitale Jérusalem. Depuis le déménagement de l’ambassade des États-Unis le 14 mai 2018, Jérusalem est considérée par ces derniers comme la capitale d’Israël en lieu et place de Tel-Aviv. Cela est à nouveau entériné dans ce plan de « paix » puisque celle-ci est nommée comme étant « la capitale indivisible d’Israël », tout en disant aussi que certaines parties de Jérusalem-Est (lesquelles ?) seraient la capitale de la Palestine. Malgré ce flou, on voit se dessiner Jérusalem comme étant la capitale pleine et entière d’Israël, où les palestiniens venant en paix, pour visiter la mosquée Al-Aqsa, par exemple, seraient les bienvenus. C’est d’ailleurs ce qui est indiqué en gras sur la carte.
L’archipel Palestinien
De billets de blogs en billets de blogs, je ne cesse de le répéter : toute carte entérine un discours, reflète un point de vue, suppose un parti pris. Avec cette carte de Trump, on en a là un exemple flagrant. Au final, ce qui est proposé, c’est un État palestinien archipel qui n’est pas sans rappeler la vision poétique du géo-artiste Julien Bousac (voir infra). Un État gruyère, sans continuité territoriale, relié par des routes et des tunnels (contrôlés par qui ?), bardé de routes israéliennes permettant d’accéder à des enclaves représentées par des points. Bref, un État érodé et rabougri, miné de toute part et sous domination. Doté d’une carte très favorable à Israël, ce « plan de paix » entérine donc la colonisation et tout ce dont les palestiniens ne veulent pas. On est là en pleine logique Orwellienne. « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ». En réalité, plutôt que de bâtir la paix, cette carte entérine les germes de la guerre !
Notons au passage qu’on est bien loin du plan de partage de la Palestine adopté par l’ONU le 29 novembre 1947…
NB : les cartes ont été sélectionnées ici ou là pour illustrer mes propos. Cliquez-dessus pour accéder aux articles sources.
Lire aussi : [https:]]Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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17:01
#Néocarto solidaire
sur Carnet (neo)cartographiqueOpposé.e.s au projet de réforme des retraites et à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), ce carnet de recherches Néocartographique se montre solidaire des travailleuses et des travailleurs actuellement en lutte.
En conséquences, Néocarto rejoint la mobilisation en cours dans l’enseignement supérieur et la recherche ainsi que l’appel des travailleuses et des travailleurs du numérique et de l’Open Edition.
Le collectif #Néocarto
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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10:06
Exploration cartographique de relations mondiales #4 anamorphose
sur Carnet (neo)cartographiqueLa cartographie de relations mondiales souffre de problèmes graphiques spécifiques à ce type de données […] qui peuvent être résolus en filtrant les nœuds et/ou les relations à cartographier, ainsi qu’en changeant les positions des lieux.
Ce billet est le quatrième et dernier d’une série consacrée à l’exploration de relations aériennes. Le premier billet présente notre démarche générale, avec des exemples de fusion graphique des liens et de changement de projection [Voir #1] : le second billet est consacré au filtrage des nœuds et des liens, pour ne retenir en particulier que ceux qui sont dits majeurs [Voir # 2] ; le troisième billet est dédié au filtrage des liens, selon leur distance parcourue [Voir #3].
L’objectif ici est de poursuivre l’exploration dans le registre des transformations cartographiques de position des nœuds pour résoudre un problème identifié à la fin du billet #3. Cela va nous conduire à modifier la position des sommets, à transformer le maillage territorial en réalisant une anamorphose. Cette méthode, pourtant très utilisée en cartographie thématique choroplèthe, est étrangement peu mobilisée pour représenter des données relationnelles ou des flux spatialisé.e.s. Pourtant le même principe d’application peut être facilement mis en œuvre.
Les données étant relationnelles, l’anamorphose peut en effet être soit scalaire et porter sur les nœuds (les zones correspondantes) soit vectorielle et porter sur l’espacement entre les nœuds – en l’occurrence sur des caractéristiques des liens -, depuis un seul nœud (vectorielle uni polaire) ou entre plusieurs nœuds (vectorielle multi polaire). Seul le premier cas est mis en œuvre ici. L’anamorphose scalaire entraîne une déformation morphologique du fond de carte proportionnellement à une masse (un indicateur de stock) tandis que la seconde mobilise plutôt, généralement, un indicateur d’accessibilité pour renseigner sur des distances spatio-temporelles entre des lieux.Ce billet étant le dernier de cette série, nous tirons le double fil des possibilités de transformations cartographiques et de filtrage (des billets # 2 et #3) pour réaliser une carte de flux sur un fond de carte en anamorphose scalaire directe (l’anamorphose scalaire pouvant être inversement proportionnelle à la masse de référence).
Le fond de carte utilisé est assez classique (projection Mollweide) : la surface des pays est déformée proportionnellement au nombre de degrés de chacun des pays. On obtient ainsi un nouveau maillage territorial sur lequel on projette les relations – selon les filtrages présentés dans les billets précédents.
Pour faciliter la lecture des documents, les planches ci-dessous reprennent la carte classique (en haut à gauche) et sa version anamorphosée (en haut à droite). ; la carte résultante figure au centre, les relations y sont agrégées par pays.
La figure suivante représente les seules relations de moins de 645 km.
Figure 1. Relations de courte distance sur anamorphose des degrés
La figure 2 représente privilégie à l’inverse la densité de relations les densités de relations entre certains pays.
Figure 2. Cartographie des relations les plus fortes, anamorphose des degrés
On observe différents motifs intéressant, en particulier sur la longue distance qui présenterait les fréquences de lignes internationales les plus importantes … sans doutes faudrait-il approfondir …
Le mot de la FinSi tout est possible en termes de (géo)visualisation – il est possible de réaliser n’importe quelle image à partir de n’importe quelles données, pourvu qu’elle soit belle -, les résultats obtenus ne sont pas toujours pertinents dans le contexte d’une analyse thématique.
Les théorie de la représentation cartographique de données et celles du design d’information qui concourent toutes deux à la « communication cartographique » pour reprendre une expression de Gilles Palsky demeurent les variables clés permettant de présenter des résultats intelligibles.
L’image obtenue, si son esthétique est devenue fondamentale de nos jours, il convient de ne pas perdre de vue que sa construction devrait toujours dépasser ce seul cadre ; elle devrait résulter d’une attention au moins égale portée à l’information : à leur préparation et à leur traitement pour générer une carte info-communicationnelle. Inversement, les possibilités et facilités actuelles de calcul et de dessin offertes par les outils ne devraient plus être une excuse au manque d’imagination tant pour ce qui est du traitement de l’information que de son rendu esthétique.
Référence :
Bahoken F., Beauguitte L., Lhomme S. (2013), Visualizing world flows: a challenge between efficacy, accuracy and aesthetics, European Colloquium on Quantitative and Theoretical Geography (ECQTG’13), Special Session ‘’Networking the world II: data, Practice and Visualizations’’, Paris-Dourdan, juillet 2013. European Colloquium of Theoretical and Quantitative Geography (ECTQG, 2013), Dourdan. Télécharger le support PPT.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales, Carnet (néo)cartographique, [https:]] .
Exploration cartographique de relations mondiales #2 liens majeurs, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #3 liens distants, Carnet (néo)cartographique. [https:]]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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14:42
1,5 million de manifestant.e.s le 5 décembre
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, veillez trouver ci-dessous la carte des mobilisations du 5 décembre 2019 contre la réforme des retraites. Cette carte a été réalisée avec le package R leaflet [voir]. Les codes sources sont disponibles ici [voir]. Concernant les données, elles sont principalement issues du portail « Mobilisations en France » de la CGT [voir] et ont été complétées ponctuellement par la presse régionale et des contributions individuelles via le formulaire dédié [voir]. A ce jour, des données ont été collectées pour 164 villes sur les 250 rassemblements annoncés par la CGT [voir]. De manière générale, quand plusieurs chiffres sont disponibles, les sources syndicales ont été privilégiées. N’hésitez pas à completer si votre ville n’est pas représentée.
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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11:22
Exploration cartographique de relations mondiales #3
sur Carnet (neo)cartographiqueLa cartographie de relations mondiales souffre de problèmes graphiques spécifiques à ce type de données […] qui peuvent être résolus en filtrant les nœuds, par conséquent leurs relations, selon les quantiles de la distance qui les sépare, par exemple.
Ce troisième billet poursuit l’exploration de relations aériennes mondiales qui avait été engagée en agissant sur le graphisme et les positions de lieux [Voir #1], poursuivi par le filtrage des nœuds et des liens, en particulier ceux qui sont dits majeurs [Voir # 2].
L’objectif ici est de poursuivre l’exploration par un filtrage devant nous permettre de localiser les aéroports qui occupent une position majeure (quels sont les premiers) en captant une part significative du nombre de relations – donc en termes de densité de trafic (nombre de lignes) et non de trafic passager, les relations de la base Openflightdata mobilisée n’étant pas pondérées.
Le critère de sélection pouvant être exploré selon différentes directions et la carte filtrée indéfiniment, plutôt qu’approfondir dans cette voie, explorons plutôt la composante géographique de ces relations aériennes. Parmi les différentes possibilités présentées dans Bahoken, (2016), nous explorons ici la distance parcourue par ces lignes aériennes, ce qui nous conduit à supprimer tous les filtrages antérieurs de manière à pouvoir examiner la distribution de l’ensemble des relations impliquant tous les aéroports disponibles.
3.1. Distribution des distances des relations aériennes mondialesLa composante géographique des relations aériennes mondiales est appréhendée ici du point de vue de l’espacement des lieux, de la distance (orthodromique) à parcourir entre deux aéroports. Ces distances se répartissent de la manière suivante.
Figure 1 : Distribution des distances des relations aériennes
On observe qu’une forte part des relations aériennes de la base Openflightdata s’exprime à très courte distance, à moins de 60 km – ce qui est logique, le fichier présente de nombreux aéroports locaux.
Pour filtrer les relations en fonction de la distance parcourue, nous allons conserver la même posture que dans les billets précédents, à savoir raisonner selon les positions (et en termes de degrés des sommets et des liens). Cela nous conduit à segmenter notre série de distances selon les quantiles puis d’observer les relations aériennes correspondantes, éventuellement de les filtrer à nouveau.
Nous choisissons de faire trois classes de distances parcourues qui pourraient correspondre aux petits, moyens et longs courriers. Cela nous conduit à réaliser une petite collection de trois cartes complémentaires.
3.2. La composante géographique des relations aériennes mondialesL’ensemble de cartes obtenues ici diffère fondamentalement de celles des billets précédents. D’abord parce qu’elles ne représentent que les relations entre les couples d’aéroports et non leur fréquence ; ensuite, en raison des motifs qu’elles décrivent.
Figure 2. Petits et moyen-long courriers
Liaisons inférieures à 645 km.
Liaisons comprises entre 645 et 2 595 km.
Liaisons supérieures à 2 595 km
A courte distance, les relations qui demeurent sont celles de la desserte locale, domestique tandis qu’à longue distance, on voit surtout le rôle des aéroports internationaux situés en Europe dans la desserte internationale mondiale.
Figure 3. Relations de courte distance parmi l’ensemble
On observe que les aéroports impliqués dans des liaisons de courte distance le sont également dans la longue distance, ils sont aussi essentiellement localisés dans les pays du nord, à quelques exceptions près.
Les différentes cartes présentées interpellent par les nombreux liens observés sur la zone Europe, pouvant poser problème dans la lecture. Ils empêchent en effet la visualisation de traits européens, hormis en cas de zoom comme ci-après.
Figure 4. Zoom sur des relations européennes
Le recadrage de la carte sur une zone Europe met en évidence la position de certains aéroports dans le réseau de lignes aériennes internationales, impliquant des aéroports majeurs, qu’il serait intéressant de pouvoir lire au niveau Monde.
Le problème qui se pose tient au « statut » de cette zone Europe dans les cartes réalisées. Parce qu’elle est formée de nombreux états qui présentent des superficies somme toutes faibles à l’échelle mondiale, leurs aéroports se retrouvent tellement « proches » qu’il est parfois difficile de les différencier à cette échelle.
Pour résoudre ce problème, deux grandes possibilités sont envisageables. La première consiste à agréger les différents pays européens – en considérant que l’Europe constitue une entité en tant que telle – dont on ne retiendrait que l’aéroport de rang 1 ; la seconde possibilité consiste à changer l’espace des positions (des aéroports) de manière à ce que ces derniers, en particulier ceux qui sont impliqués dans de nombreuses relations aériennes, ne soient pas trop proches sur la carte et cela, indépendamment du fait qu’ils appartiennent à un pays de faible superficie.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #2 liens majeurs, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #4 anamorphose, Carnet (néo)cartographique. [https:]]
Référence :
Bahoken F. (2016), Propositions de solutions liées à la prise en compte de l’espace : la distance, le voisinage spatial et l’appartenance territoriale, Contribution à la cartographie d’une matrice de flux, Thèse de doctorat en géographie, pp. 285-323. Accessible sur HALshs
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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16:55
Exploration cartographique de relations mondiales #2
sur Carnet (neo)cartographiqueLa cartographie de relations mondiales souffre de problèmes graphiques spécifiques à ce type de données, à leur échelle géographique d’analyse, leur résolution notamment. L’effet spaghetti qui en résulte peut être résolu en filtrant les nœuds et/ou les liens à cartographier…
Ce second billet poursuit l’exploration de relations aériennes mondiales qui avait été engagée [Voir #1], dans un objectif d’analyse cartographique.
L’objectif ici est d’explorer les résultats cartographiques obtenus suite à une double sélection de l’information, réalisée sur les nœuds (les aéroports) et sur leurs relations. Cette exploration sur le filtrage fait l’objet de deux billets, successivement notés 2 et 3 [Voir #3].
Plusieurs possibilités théoriques et méthodologiques de filtrage étant envisageables, nous faisons le choix général de raisonner selon les positions (ou selon les rangs), en termes de degrés (des sommets et des liens). Cette posture est justifiée par le fait nous cherchons à savoir quels sont les aéroports qui occupent une position majeure (quels sont les premiers) en captant une part significative du nombre de relations – donc en termes de densité de trafic (nombre de lignes) et non de trafic passager, les relations de la base Openflightdata mobilisée n’étant pas pondérées (ou valuées). Cela étant, des données complémentaires peuvent être mobilisées pour enrichir la carte.
2.1. Les aéroports majeurs à l’échelle mondiale
La carte des aéroports de premier rang 1 (first degree airports) varie selon les critères retenus (niveau global de la matrice) ou local (sélection de lignes / colonnes de la matrice) des aéroports, ou de leur agglomération de rattachement – mais c’est une autre question que j’espère d’ailleurs pouvoir traiter un jour… Nous arbitrons donc ici entre différents critères tels le nombre de degrés pondérés ou non à l’échelle mondiale, régionale, locale, globale de la matrice d’adjacence, etc..
Nous avons choisi de raisonner selon le niveau géographique, en retenant le rang 1 par pays – ce mode de sélection en référence au flux majeur est très populaire chez les géographes. Rappelons que le nombre d’aéroports total de la base est de 5 584 relatifs à 3 325 villes.
Figure 1. Aéroports de rang 1 par pays
Pour plus de lisibilité, il est possible d’afficher les labels des entités sélectionnées…
Figure 2. Liste des aéroports de rang 1 par pays
… ainsi que le poids de ces différents aéroports en termes de degrés pondéré.
Le volume total de relations aériennes (entrantes ou sortantes) est analysé au regard du trafic en termes de passagers pour identifier les aéroports qui sont doublement denses : en termes de densité de lignes et de trafic de passagers.
Figure 3. Degré et encombrement des aéroports de rang 1 par pays
La petite sélection (arbitraire et largement discutable) des dix plus gros aéroports permet de différencier les aéroports qui sont à la fois majeurs pour leur pays, en termes de densité de ligne aérienne, et les plus denses en termes de trafic passager au niveau mondial.
Ces aéroports les plus denses (incluant ceux dont le volume est le plus important – entourés de tiretés vert) sont tous situés dans l’hémisphère nord : d’abord en Asie, en Chine (Beijing) et à Hong-Kong, en Europe (Francfort, Londres et Paris Charles de Gaulle en 5e position) et aux États-Unis (Chicago). Il est intéressant d’observer que les aéroports les plus encombrés en termes de densité de trafic passager sont également situés en Asie (mais pas en Chine!), au Japon et en Corée ; aussi en Australie (l’aéroport de Sydney se distingue par son encombrement et non par sa densité de lignes), de même que Johannesburg en Afrique du sud et Saõ Paulo au Brésil.
Poursuivons notre exploration cartographique en ne retenant que ces 4% d’aéroports majeurs (pour leur pays) et visualisons les sur un fond de carte en projection polaire – comme vu dans le billet précédent (déjà mentionné, voir ici).
Figure 4. Aéroports de rang 1 par pays, en projection polaire
Examinons à présent les relations majeures de ces aéroports.
2.2. Les relations aériennes issue des nœuds majeurs, à l’échelle mondialeLa cartographie des relations aériennes impliquant cette sélection d’aéroports va mettre l’accent sur les couples de relations les plus importants, en termes de fréquence de ligne.
Pour augmenter la lisibilité de ces relations, leur teinte varie en fonction de la part en % que chacune de ces lignes représente par rapport au total.
Figure 5. Relations aériennes – version 1
La figure obtenue n’étant pas très lisible, il est possible d’agir sur la disposition des lignes en fonction de leur valeur, autrement dit de favoriser la perception visuelle des couples de relations présentant les relations aériennes les plus nombreuses (en proportion de l’ensemble, par exemple) – en les plaçant au premier plan, comme ci-dessous.
Figure 5. Relations aériennes – version 2
La carte obtenue souligne alors les relations les plus importantes dans l’ensemble, elle dessine en particulier les motifs de sous-réseaux intra continentaux ; ils sont situés aux Amériques (États-Unis / Mexique / Canada), en Europe (France, Allemagne, Espagne) ainsi qu’en Asie, mais dans des proportions du total moins importantes. On observe plus généralement, et logiquement, de façon complémentaire à la carte de la figure 3 (qui portait sur le degré des aéroports impliqués dans ces relations), que les relations les plus importantes sont celles de l’hémisphère nord.
Il est possible d’améliorer un chouïa cette figure, en faisant une autre sélection à savoir, celle de ne représenter que les 1% de relations les plus fortes, comme ci-après.
Figure 5. Relations aériennes – version 3
La sur-sélection des valeurs comme ci-dessous fait apparaître des motifs (apparemment) intéressant qu’il est possible de commenter à foison. Elle souligne effectivement les relations aériennes les plus denses, en mettant l’accent sur les pays présentant les aéroports qui accueillent la densité de lignes la plus importante.
Mais la carte obtenue est-elle vraiment si intéressante ? Une variante pus efficace de ces possibilités de filtrage sera présentée dans le Billet #3.
Avant cela, il est possible de ne sélectionner que le lien majeur (de ces aéroports majeurs).
2.3. Les relations majeures des aéroports majeurs, à l’échelle mondialeEn suivant le même raisonnement que pour les nœuds, il est possible de ne représenter que la relation majeure de chacun de ces aéroports.
Figure 6. Relations internationales majeures des aéroports de rang 1, par pays à l’échelle mondiale
La carte qui en résulte apparaît plus intéressante que la précédente. Son filtrage très important révèle les seuls plus forts des nœuds et des liens (les premiers de cordée !) . La sélection conduit en effet à isoler différents principaux sous-réseaux de relations aériennes qui présentent de nombreuses lignes avec quelques aéroports (États-Unis, Europe et Asie… ), ces sous-réseaux sont organisées autour d’aéroports d’envergure internationale. Après un tel filtrage, il est ensuite possible de poursuivre l’analyse soit dans le cadre de la théorie des graphes (calculer des mesures de centralité des sommets …) soit dans le cadre de la théorie gravitaire (pour le dire vite), pour explorer par exemple le rôle de l’espace géographique.
Billets liés :
Exploration cartographique de relations mondiales, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #3 liens distants, Carnet (néo)cartographique, [https:]]
Exploration cartographique de relations mondiales #4 anamorphose, Carnet (néo)cartographique. [https:]]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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12:16
Dendrochronologie, viz et migration
sur Carnet (neo)cartographiqueOù les auteurs (Pedro M. Cruz etal., 2019) montrent comment la métaphore des cernes ou « lignes de vie » des troncs d’arbres permet de visualiser l’origine géographique et la temporalité des principales vagues migratoires aux États-Unis. Lumineux.
L’image présenté ci-dessous a été réalisée dans le cadre du projet de recherche en cours de Pedro Cruz, John Wihbey, Avni Ghael et Felipe Shibuya, soutenu par le College of Arts, Media, and Design de la Northeastern University.
Projet qui s’inscrit dans une recherche plus vaste portant sur les flux, vagues migratoires et identité aux États-Unis, elle a également donné lieu à une Exposition sur les cernes d’arbres soutenue par le Northeastern Center for the Arts.
Le projet a été récemment présenté lors de la conférence de l’IEEE Viz Art Program (Visap 2019′).Le point de départ de la lecture est le centre d’un modèle circulaire – en l’occurrence les États-Unis – dont il est question d’observer l’évolution de vagues migratoires.
Chaque ligne correspond à une année, l’orientation de leur écartement du point central est fonction de la situation du pays ou de la région de provenance de migrants par rapport aux États-Unis (Le Canada est au nord, par exemple).
Sur ces lignes sont placés des points. Chacun d’entre eux correspond à un nombre de migrants (ci-dessus à 100 immigrants) qui sont donc arrivés aux États-Unis au cours d’une année ou d’une décennie. La position des points résulte d’un algorithme de calcul qui les place de manière à simuler l’apparence des cernes d’arbres. Leur teinte renseigne sur la région du monde d’origine (L’Europe en vert, le Canada en bleu, l’Afrique en Rouge et l’Amérique latine en orange, etc.).
Ce système de teintes par zone d’origine explique aussi l’importance de la déformation de la ligne, plus étendue vers certaines régions du monde (Canada, Europe), traduisant ainsi l’importance et l’ancienneté de l’immigration de ses ressortissants vers les États-Unis.
Cette image présentée pour les États-Unis est ensuite déclinable / déclinée pour visualiser la situation d’états américains, les comparer (organisation en collection de cartes) ou encore celle de différents pays.
En savoir plus :
- Le site du projet est ici
- L’animation vidéo, sur Viméo
- L’article : Pedro M. Cruz etal (2019), Process of simulating tree rings for immigration in the U.S., IEEE Viz Art Program, October 21-25, 2019, Vancouver, BC, Canada [Voir]
Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.
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13:31
La grande muraille États-Unis-Mexique
sur Carnet (neo)cartographiqueCamarades cartographes, on s’intéresse aujourd’hui au mur qui sépare les États-Unis et le Mexique. Il s’agit en fait d’une séquence cartographique réalisée dans le langage R avec Ronan Ysebaert et présentée mercredi dernier dans le cadre d’une journée d’étude organisée par la commission Géomatique du CNFG, la plateforme Géotéca et l’UMS Riate. J’en résume ci-dessous les grandes lignes. Les liens vers l’ensemble des cartes, la présentation et les programmes R sont disponibles en fin de billet.
Borders and lines on maps are not a representation of preexisting differences between peoples and places ; they create those differences.” (Reece Jones, 2016)
Le mur
La ligne séparant les Etats-Unis du Mexique a été définie en 1848, à la fin de la guerre entre les deux pays, dans le traité de Guadelupe Hidalgo. Au départ, la frontière était marquée sur les cartes mais pas nécessairement sur le terrain. Ce n’est qu’en 1890 qu’une commission regroupant les deux pays fut formée pour installer au sol des bornes de démarcation. En 1924, les Etats-Unis déploient pour la première fois des agents de patrouille frontaliers. Au milieu des années 90, certains points de passages, à El Paso ou San Diego, sont carrément verrouillés. Puis, à la suite des attentas du 11 septembre 2001 qui mettent le pays sur une trajectoire toujours plus sécuritaire, le Secure Fence Act est signé en 2006, actant ainsi le projet fou de construire un mur le long de la frontière ; une matérialisation physique de ce qui n’était au départ qu’une ligne tracée à la main sur une carte…
Un espace géographique inégalitaire
En terme de richesse, cet espace frontalier est aujourd’hui profondément inégalitaire et discontinu. Le PIB par habitant élevé des Etats-Unis place le pays au 14 rang mondial derrière un certain nombre de petits « paradis » fiscaux (Monaco, Liechtenstein, Luxembourg, …) tandis que le Mexique reste dans le milieu du tableau, au 87e rang. Le PIB par habitant des Etats-Unis est 7 fois supérieur à celui du Mexique. Une disparité bien visible sur les cartes et dans la vie des gens.
Si cette discontinuité spatiale peut se cartographier de façon classique en faisant varier l’épaisseur des frontières comme sur une carte de discontinuité classique, elle peut aussi être représentée en faisant varier la hauteur de cette même frontière en fonction des valeurs de discontinuités. En d’autres termes, plus les écarts de richesse sont forts, plus le mur est haut. Un nouveau mur, invisible, emerge alors pour venir se superposer au mur bien réel, construit par les autorités américaines.
Une frontière militarisée
Pour protéger la richesse américaine, un simple mur ne suffit pas. Il faut aussi des milliers d’hommes armés prêts à empêcher quiconque de passer. Le long du mur ou le long du fleuve Rio Grande, c’est près de 382 postes frontières qui sont référencées dans la base de données OpenStreetMap. Si on les représente sous formes de barres, ils apparaissent alors comme des tours de contrôle, des miradors disséminés le long de la frontière, pour repérer et intercepter tout intrus.
Une frontière qui tue
Ici comme ailleurs, la militarisation d’une frontière sur un espace inégalitaire a une conséquence directe : cela tue ! 2245 personnes sont mortes ou portées disparues à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique depuis le 1er janvier 2014. Et même si ce chiffre est loin de rejoindre celui des drames qui se passent aux portes de l’Europe (18 000 morts sur la même période), il est chaque année en augmentation. Sur la carte ci-dessous, chaque point rouge représente un événement où au moins une personne a perdu la vie.
Ci-dessous, chaque cercle correspond au nombre de personnes mortes ou portées disparues lors d’un événement.
Sur celle-ci, les cercles sont déplacés pour les rendre tous visibles, et voir ainsi l’ampleur du phénomène, sans rien dissimuler.
Ici, chaque événement est décomposé de telle sorte qu’un point sur la carte correspond à une vie perdue.
Enfin, par un choix puissant de couleurs – surimpressions de rouges sur fond noir – cette ultime carte animée tente de rendre compte du massacre de masse qui sévit à cette frontière, comme à tant d’autres, et qui continue, encore, et encore, et encore, et encore…. Jusqu’à quand ?
La présentation réalisée mercredi 20 novembre est ici : [https:]]
Les codes sources R des cartes sont disponibles ici : [https:]]
Ingénieur de recherche CNRS en sciences de l'information géographique. Membre de l'UMS RIATE et du réseau MIGREUROP / CNRS research engineer in geographical information sciences. Member of UMS RIATE and the MIGREUROP network.
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16:21
Cartographier des flux avec arabesque !
sur Carnet (neo)cartographiquearabesque est une nouvelle application web de cartographie thématique dédiée aux données de flux et réseaux origine-destination. Cette première version permet leur exploration, filtrage, géovisualisation et représentation.
arabesque permet de réaliser des cartes de flux depuis un navigateur web – équipé de Mozilla ou de Chrome, à partir de ses propres jeux de données.
Développée dans le cadre du projet geographic flow visualisation – gflowiz [consulter le carnet], par une équipe pluridisciplinaire, arabesque s’inscrit dans le paradigme de la « cartographie de visualisation » (Alan MacEachren, 2004) qui consiste à combiner au sein d’une même interface les deux piliers de la représentation : la (géo)visualisation et le traitement amont des données correspondantes.
arabesque s’appuie sur les possibilités technologiques actuelles, en particulier celles offertes par les nouvelles bibliothèques de visualisation et de cartographie web (openlayers, d3, OSM, Turf, NaturalEarthData).
La réalisation d’une carte de flux avec arabesque se décompose en 5 grandes étapes :
- Importation des données de flux (liens et/ou nœuds) ;
- Traitement des données de flux (création d’indicateurs, statistiques) ;
- Exploration et filtrage numérique des données ;
- Symbolisation graphique ;
- Exportation et sauvegarde.
Accéder à l’application : http://arabesque.ifsttar.fr/
Une visualisation par défaut des données de flux (liens et nœuds) est proposée par l’application après leur chargement – pour éviter un effet-spaghetti au démarrage. Les données pouvant être massives, la vue affichée par défaut représente les 10% de liens (de figurés) qui contribuent à la part (en % du total) d’information de flux la plus importante.
La vue ci-dessous représente les 10% de liens qui décrivent 91% des flux internationaux de migrants (2017) impliquant 83% des nœuds (ici, des pays du monde, selon la liste ISO3).
Paramétrage
arabesque permet ensuite d’agir sur toutes les composantes de la représentation de flux pour aboutir à une carte juste et lisible. Les possibilités d’actions portent, d’une part, sur l’information en elle-même, qu’elle soit géographique (fond de carte) ou statistique (fond de la carte) ; d’autre part, sur leur symbolisation graphique (figuré), dans le respect des principes de sémiologie pour une amélioration qualitative de la carte.
En savoir plus sur les paramétrages …
Après quelques paramétrages simples, il est possible d’obtenir assez facilement une carte signifiante, comme illustré ci-dessous.
Le résultat obtenu peut être sauvegardé sous la forme d’un projet pour pouvoir être utilisé ultérieurement dans arabesque, ou bien exporté au format image.
L’application étant libre, tout le matériel servant à son développement et à son utilisation est disponible en ligne :
- Accéder aux codes sources de arabesque : [https:]]
- Ajouter des commentaires : https://github.com/gflowiz/arabesque/issues
- Accéder à l’application : [arabesque.ifsttar.fr]
- Suivre un tutoriel : [https:]]
- Le carnet de recherche du projet : gflowiz
Toutes les contributions sont bienvenues.
Alors n’hésitez pas !Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.