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6:30
Entretiens d’embauche chatbotisés
sur Dans les algorithmesLes entretiens d’embauche avec des humains sont en train de prendre fin, rapporte le New York Times en évoquant l’essor des entretiens avec des systèmes d’IA. L’expérience avec ces robots intervieweurs, comme ceux développés par Ribbon AI, Talently ou Apriora, se révèle très déshumanisante, témoignent ceux qui y sont confrontés. Les questions sont souvent un peu creuses et les chatbots ne savent pas répondre aux questions des candidats sur le poste ou sur la suite du processus de recrutement (comme si ces éléments n’étaient finalement pas importants).
A croire que l’embauche ne consiste qu’en une correspondance d’un profil à un poste, la RHTech scie assurément sa propre utilité. Quant aux biais sélectifs de ces outils, parions qu’ils sont au moins aussi défaillants que les outils de recrutements automatisés qui peinent déjà à faire des correspondances adaptées. La course au pire continue !
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6:23
Scannés par l’IA
sur Dans les algorithmesLe loueur de voiture Hertz a commencé à déployer des scanneurs de voitures développées par UVeye pour inspecter les véhicules après leur location afin de vérifier leur état, explique The Drive (voir également cet article). Problème : le système est trop précis et surcharge les clients de frais pour des accrocs microscopiques qu’un être humain n’aurait pas remarqué.
Les tensions n’ont pas manqué d’éclater, et elles sont d’autant plus nombreuses qu’il est très difficile de contacter un agent de l’entreprise pour discuter ou contester les frais dans ce processus de rendu de véhicule automatisé, et que cela est impossible via le portail applicatif où les clients peuvent consulter et régler les dommages attribués à leurs locations. Des incidents d’usure mineurs ou indépendants des conducteurs, comme un éclat lié à un gravillon, sont désormais parfaitement détectés et facturés. Le problème, c’est le niveau de granularité et de précision qui a tendance a surdiagnostiquer les éraflures. Décidément, adapter les faux positifs à la réalité est partout une gageure ou un moyen pour générer des profits inédits.
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6:40
L’IA, un nouvel internet… sans condition
sur Dans les algorithmesTous les grands acteurs des technologies ont entamé leur mue. Tous se mettent à intégrer l’IA à leurs outils et plateformes, massivement. Les Big Tech se transforment en IA Tech. Et l’histoire du web, telle qu’on l’a connue, touche à sa fin, prédit Thomas Germain pour la BBC. Nous entrons dans « le web des machines », le web synthétique, le web artificiel où tous les contenus sont appelés à être générés en permanence, à la volée, en s’appuyant sur l’ensemble des contenus disponibles, sans que ceux-ci soient encore disponibles voire accessibles. Un second web vient se superposer au premier, le recouvrir… avec le risque de faire disparaître le web que nous avons connu, construit, façonné.
Jusqu’à présent, le web reposait sur un marché simple, rappelle Germain. Les sites laissaient les moteurs de recherche indexer leurs contenus et les moteurs de recherche redirigeaient les internautes vers les sites web référencés. « On estime que 68 % de l’activité Internet commence sur les moteurs de recherche et qu’environ 90 % des recherches se font sur Google. Si Internet est un jardin, Google est le soleil qui fait pousser les fleurs ».
Ce système a été celui que nous avons connu depuis les origines du web. L’intégration de l’IA, pour le meilleur ou pour le pire, promet néanmoins de transformer radicalement cette expérience. Confronté à une nette dégradation des résultats de la recherche, notamment due à l’affiliation publicitaire et au spam, le PDG de Google, Sundar Pichai, a promis une « réinvention totale de la recherche » en lançant son nouveau « mode IA ». Contrairement aux aperçus IA disponibles jusqu’à présent, le mode IA va remplacer complètement les résultats de recherche traditionnels. Désormais, un chatbot va créer un article pour répondre aux questions. En cours de déploiement et facultatif pour l’instant, à terme, il sera « l’avenir de la recherche Google ».
Un détournement massif de traficLes critiques ont montré que, les aperçus IA généraient déjà beaucoup moins de trafic vers le reste d’internet (de 30 % à 70 %, selon le type de recherche. Des analyses ont également révélé qu’environ 60 % des recherches Google depuis le lancement des aperçus sont désormais « zéro clic », se terminant sans que l’utilisateur ne clique sur un seul lien – voir les études respectives de SeerInteractive, Semrush, Bain et Sparktoro), et beaucoup craignent que le mode IA ne renforce encore cette tendance. Si cela se concrétise, cela pourrait anéantir le modèle économique du web tel que nous le connaissons. Google estime que ces inquiétudes sont exagérées, affirmant que le mode IA « rendra le web plus sain et plus utile ». L’IA dirigerait les utilisateurs vers « une plus grande diversité de sites web » et le trafic serait de « meilleure qualité » car les utilisateurs passent plus de temps sur les liens sur lesquels ils cliquent. Mais l’entreprise n’a fourni aucune donnée pour étayer ces affirmations.
Google et ses détracteurs s’accordent cependant sur un point : internet est sur le point de prendre une toute autre tournure. C’est le principe même du web qui est menacé, celui où chacun peut créer un site librement accessible et référencé.
L’article de la BBC remarque, très pertinemment, que cette menace de la mort du web a déjà été faite. En 2010, Wired annonçait « la mort du web ». A l’époque, l’essor des smartphones, des applications et des réseaux sociaux avaient déjà suscité des prédictions apocalyptiques qui ne se sont pas réalisées. Cela n’empêche pas les experts d’être soucieux face aux transformations qui s’annoncent. Pour les critiques, certes, les aperçus IA et le mode IA incluent tous deux des liens vers des sources, mais comme l’IA vous donne la réponse que vous cherchez, cliquer sur ceux-ci devient superflu. C’est comme demander un livre à un bibliothécaire et qu’il vous en parle plutôt que de vous le fournir, compare un expert.
La chute du nombre de visiteurs annoncée pourrait faire la différence entre une entreprise d’édition viable… et la faillite. Pour beaucoup d’éditeurs, ce changement sera dramatique. Nombre d’entreprises constatent que Google affiche leurs liens plus souvent, mais que ceux-ci sont moins cliqués. Selon le cabinet d’analyse de données BrightEdge, les aperçus IA ont entraîné une augmentation de 49 % des impressions sur le web, mais les clics ont chuté de 30 %, car les utilisateurs obtiennent leurs réponses directement de l’IA. « Google a écrit les règles, créé le jeu et récompensé les joueurs », explique l’une des expertes interrogée par la BBC. « Maintenant, ils se retournent et disent : « C’est mon infrastructure, et le web se trouve juste dedans ». »
Demis Hassabis, directeur de Google DeepMind, le laboratoire de recherche en IA de l’entreprise, a déclaré qu’il pensait que demain, les éditeurs alimenteraient directement les modèles d’IA avec leurs contenus, sans plus avoir à se donner la peine de publier des informations sur des sites web accessibles aux humains. Mais, pour Matthew Prince, directeur général de Cloudflare, le problème dans ce web automatisé, c’est que « les robots ne cliquent pas sur les publicités ». « Si l’IA devient l’audience, comment les créateurs seront-ils rémunérés ? » La rémunération directe existe déjà, comme le montrent les licences de contenus que les plus grands éditeurs de presse négocient avec des systèmes d’IA pour qu’elles s’entraînent et exploitent leurs contenus, mais ces revenus là ne compenseront pas la chute d’audience à venir. Et ce modèle ne passera certainement pas l’échelle d’une rétribution généralisée.
Si gagner de l’argent sur le web devient plus difficile, il est probable que nombre d’acteurs se tournent vers les réseaux sociaux pour tenter de compenser les pertes de revenus. Mais là aussi, les caprices algorithmiques et le développement de l’IA générative risquent de ne pas suffire à compenser les pertes.
Un nouvel internet sans conditionPour Google, les réactions aux aperçus IA laissent présager que le mode IA sera extrêmement populaire. « À mesure que les utilisateurs utilisent AI Overviews, nous constatons qu’ils sont plus satisfaits de leurs résultats et effectuent des recherches plus souvent », a déclaré Pichai lors de la conférence des développeurs de Google. Autrement dit, Google affirme que cela améliore la recherche et que c’est ce que veulent les utilisateurs. Mais pour Danielle Coffey, présidente de News/Media Alliance, un groupement professionnel représentant plus de 2 200 journalistes et médias, les réponses de l’IA vont remplacer les produits originaux : « les acteurs comme Google vont gagner de l’argent grâce à notre contenu et nous ne recevons rien en retour ». Le problème, c’est que Google n’a pas laissé beaucoup de choix aux éditeurs, comme le pointait Bloomberg. Soit Google vous indexe pour la recherche et peut utiliser les contenus pour ses IA, soit vous êtes désindexé des deux. La recherche est bien souvent l’une des premières utilisations de outils d’IA. Les inquiétudes sur les hallucinations, sur le renforcement des chambres d’échos dans les réponses que vont produire ces outils sont fortes (on parle même de « chambre de chat » pour évoquer la réverbération des mêmes idées et liens dans ces outils). Pour Cory Doctorow, « Google s’apprête à faire quelque chose qui va vraiment mettre les gens en colère »… et appelle les acteurs à capitaliser sur cette colère à venir. Matthew Prince de Cloudflare prône, lui, une intervention directe. Son projet est de faire en sorte que Cloudflare et un consortium d’éditeurs de toutes tailles bloquent collectivement les robots d’indexation IA, à moins que les entreprises technologiques ne paient pour le contenu. Il s’agit d’une tentative pour forcer la Silicon Valley à négocier. « Ma version très optimiste », explique Prince, « est celle où les humains obtiennent du contenu gratuitement et où les robots doivent payer une fortune pour l’obtenir ». Tim O’Reilly avait proposé l’année dernière quelque chose d’assez similaire : expliquant que les droits dérivés liés à l’exploitation des contenus par l’IA devraient donner lieu à rétribution – mais à nouveau, une rétribution qui restera par nature insuffisante, comme l’expliquait Frédéric Fillioux.
Même constat pour le Washington Post, qui s’inquiète de l’effondrement de l’audience des sites d’actualité avec le déploiement des outils d’IA. « Le trafic de recherche organique vers ses sites web a diminué de 55 % entre avril 2022 et avril 2025, selon les données de Similarweb ». Dans la presse américaine, l’audience est en berne et les licenciements continuent.
Les erreurs seront dans la réponsePour la Technology Review, c’est la fin de la recherche par mots-clés et du tri des liens proposés. « Nous entrons dans l’ère de la recherche conversationnelle » dont la fonction même vise à « ignorer les liens », comme l’affirme Perplexity dans sa FAQ. La TR rappelle l’histoire de la recherche en ligne pour montrer que des annuaires aux moteurs de recherche, celle-ci a toujours proposé des améliorations, pour la rendre plus pertinente. Depuis 25 ans, Google domine la recherche en ligne et n’a cessé de s’améliorer pour fournir de meilleures réponses. Mais ce qui s’apprête à changer avec l’intégration de l’IA, c’est que les sources ne sont plus nécessairement accessibles et que les réponses sont générées à la volée, aucune n’étant identique à une autre.
L’intégration de l’IA pose également la question de la fiabilité des réponses. L’IA de Google a par exemple expliqué que la Technology Review avait été mise en ligne en 2022… ce qui est bien sûr totalement faux, mais qu’en saurait une personne qui ne le sait pas ? Mais surtout, cet avenir génératif promet avant tout de fabriquer des réponses à la demande. Mat Honan de la TR donne un exemple : « Imaginons que je veuille voir une vidéo expliquant comment réparer un élément de mon vélo. La vidéo n’existe pas, mais l’information, elle, existe. La recherche générative assistée par l’IA pourrait théoriquement trouver cette information en ligne – dans un manuel d’utilisation caché sur le site web d’une entreprise, par exemple – et créer une vidéo pour me montrer exactement comment faire ce que je veux, tout comme elle pourrait me l’expliquer avec des mots aujourd’hui » – voire très mal nous l’expliquer. L’exemple permet de comprendre comment ce nouvel internet génératif pourrait se composer à la demande, quelque soit ses défaillances.
Mêmes constats pour Matteo Wrong dans The Atlantic : avec la généralisation de l’IA, nous retournons dans un internet en mode bêta. Les services et produits numériques n’ont jamais été parfaits, rappelle-t-il, mais la généralisation de l’IA risque surtout d’amplifier les problèmes. Les chatbots sont très efficaces pour produire des textes convaincants, mais ils ne prennent pas de décisions en fonction de l’exactitude factuelle. Les erreurs sont en passe de devenir « une des caractéristiques de l’internet ». « La Silicon Valley mise l’avenir du web sur une technologie capable de dérailler de manière inattendue, de s’effondrer à la moindre tâche et d’être mal utilisée avec un minimum de frictions ». Les quelques réussites de l’IA n’ont que peu de rapport avec la façon dont de nombreuses personnes et entreprises comprennent et utilisent cette technologie, rappelle-t-il. Plutôt que des utilisations ciblées et prudentes, nombreux sont ceux qui utilisent l’IA générative pour toutes les tâches imaginables, encouragés par les géants de la tech. « Tout le monde utilise l’IA pour tout », titrait le New York Times. « C’est là que réside le problème : l’IA générative est une technologie suffisamment performante pour que les utilisateurs en deviennent dépendants, mais pas suffisamment fiable pour être véritablement fiable ». Nous allons vers un internet où chaque recherche, itinéraire, recommandation de restaurant, résumé d’événement, résumé de messagerie vocale et e-mail sera plus suspect qu’il n’est aujourd’hui. « Les erreurs d’aujourd’hui pourraient bien, demain, devenir la norme », rendant ses utilisateurs incapables de vérifier ses fonctionnements. Bienvenue dans « l’âge de la paranoïa », clame Wired.
Vers la publicité générative et au-delà !Mais il n’y a pas que les « contenus » qui vont se recomposer, la publicité également. C’est ainsi qu’il faut entendre les déclarations de Mark Zuckerberg pour automatiser la création publicitaire, explique le Wall Street Journal. « La plateforme publicitaire de Meta propose déjà des outils d’IA capables de générer des variantes de publicités existantes et d’y apporter des modifications mineures avant de les diffuser aux utilisateurs sur Facebook et Instagram. L’entreprise souhaite désormais aider les marques à créer des concepts publicitaires de A à Z ». La publicité représente 97% du chiffre d’affaires de Meta, rappelle le journal (qui s’élève en 2024 à 164 milliards de dollars). Chez Meta les contenus génératifs produisent déjà ce qu’on attend d’eux. Meta a annoncé une augmentation de 8 % du temps passé sur Facebook et de 6 % du temps passé sur Instagram grâce aux contenus génératifs. 15 millions de publicités par mois sur les plateformes de Meta sont déjà générées automatiquement. « Grâce aux outils publicitaires développés par Meta, une marque pourrait demain fournir une image du produit qu’elle souhaite promouvoir, accompagnée d’un objectif budgétaire. L’IA créerait alors l’intégralité de la publicité, y compris les images, la vidéo et le texte. Le système déciderait ensuite quels utilisateurs Instagram et Facebook cibler et proposerait des suggestions en fonction du budget ». Selon la géolocalisation des utilisateurs, la publicité pourrait s’adapter en contexte, créant l’image d’une voiture circulant dans la neige ou sur une plage s’ils vivent en montagne ou au bord de la mer. « Dans un avenir proche, nous souhaitons que chaque entreprise puisse nous indiquer son objectif, comme vendre quelque chose ou acquérir un nouveau client, le montant qu’elle est prête à payer pour chaque résultat, et connecter son compte bancaire ; nous nous occuperons du reste », a déclaré Zuckerberg lors de l’assemblée générale annuelle des actionnaires de l’entreprise.
Nilay Patel, le rédac chef de The Verge, parle de « créativité infinie ». C’est d’ailleurs la même idée que l’on retrouve dans les propos de Jensen Huang, le PDG de Nvidia, quand il promet de fabriquer les « usines à IA » qui généreront le web demain. Si toutes les grandes entreprises et les agences de publicité ne sont pas ravies de la proposition – qui leur est fondamentalement hostile, puisqu’elle vient directement les concurrencer -, d’autres s’y engouffrent déjà, à l’image d’Unilever qui explique sur Adweek que l’IA divise par deux ses budgets publicitaires grâce à son partenariat avec Nvidia. « Unilever a déclaré avoir réalisé jusqu’à 55 % d’économies sur ses campagnes IA, d’avoir réduit les délais de production de 65% tout en doublant le taux de clic et en retenant l’attention des consommateurs trois fois plus longtemps ».
L’idée finalement très partagée par tous les géants de l’IA, c’est bien d’annoncer le remplacement du web que l’on connaît par un autre. Une sous-couche générative qu’il maîtriseraient, capable de produire un web à leur profit, qu’ils auraient avalé et digéré.
Vers des revenus génératifs ?Nilay Patel était l’année dernière l’invité du podcast d’Ezra Klein pour le New York Times qui se demandait si cette transformation du web allait le détruire ou le sauver. Dans cette discussion parfois un peu décousue, Klein rappelle que l’IA se développe d’abord là où les produits n’ont pas besoin d’être très performants. Des tâches de codage de bas niveau aux devoirs des étudiants, il est également très utilisé pour la diffusion de contenus médiocres sur l’internet. Beaucoup des contenus d’internet ne sont pas très performants, rappelle-t-il. Du spam au marketing en passant par les outils de recommandations des réseaux sociaux, internet est surtout un ensemble de contenus à indexer pour délivrer de la publicité elle-même bien peu performante. Et pour remplir cet « internet de vide », l’IA est assez efficace. Les plateformes sont désormais inondées de contenus sans intérêts, de spams, de slops, de contenus de remplissage à la recherche de revenus. Et Klein de se demander que se passera-t-il lorsque ces flots de contenu IA s’amélioreront ? Que se passera-t-il lorsque nous ne saurons plus s’il y a quelqu’un à l’autre bout du fil de ce que nous voyons, lisons ou entendons ? Y aura-t-il encore quelqu’un d’ailleurs, où n’aurons nous accès plus qu’à des contenus génératifs ?
Pour Patel, pour l’instant, l’IA inonde le web de contenus qui le détruisent. En augmentant à l’infini l’offre de contenu, le système s’apprête à s’effondrer sur lui-même : « Les algorithmes de recommandation s’effondrent, notre capacité à distinguer le vrai du faux s’effondre également, et, plus important encore, les modèles économiques d’Internet s’effondrent complètement ». Les contenus n’arrivent plus à trouver leurs publics, et inversement. L’exemple éclairant pour illustrer cela, c’est celui d’Amazon. Face à l’afflux de livres générés par l’IA, la seule réponse d’Amazon a été de limiter le nombre de livres déposables sur la plateforme à trois par jour. C’est une réponse parfaitement absurde qui montre que nos systèmes ne sont plus conçus pour organiser leurs publics et leur adresser les bons contenus. C’est à peine s’ils savent restreindre le flot
Avec l’IA générative, l’offre ne va pas cesser d’augmenter. Elle dépasse déjà ce que nous sommes capables d’absorber individuellement. Pas étonnant alors que toutes les plateformes se transforment de la même manière en devenant des plateformes de téléachats ne proposant plus rien d’autre que de courtes vidéos.
« Toutes les plateformes tendent vers le même objectif, puisqu’elles sont soumises aux mêmes pressions économiques ». Le produit des plateformes c’est la pub. Elles mêmes ne vendent rien. Ce sont des régies publicitaires que l’IA promet d’optimiser depuis les données personnelles collectées. Et demain, nos boîtes mails seront submergées de propositions marketing générées par l’IA… Pour Patel, les géants du net ont arrêté de faire leur travail. Aucun d’entre eux ne nous signale plus que les contenus qu’ils nous proposent sont des publicités. Google Actualités référence des articles écrits par des IA sans que cela ne soit un critère discriminant pour les référenceurs de Google, expliquait 404 média (voir également l’enquête de Next sur ce sujet qui montre que les sites générés par IA se démultiplient, « pour faire du fric »). Pour toute la chaîne, les revenus semblent être devenus le seul objectif.
Et Klein de suggérer que ces contenus vont certainement s’améliorer, comme la génération d’image et de texte n’a cessé de s’améliorer. Il est probable que l’article moyen d’ici trois ans sera meilleur que le contenu moyen produit par un humain aujourd’hui. « Je me suis vraiment rendu compte que je ne savais pas comment répondre à la question : est-ce un meilleur ou un pire internet qui s’annonce ? Pour répondre presque avec le point de vue de Google, est-ce important finalement que le contenu soit généré par un humain ou une IA, ou est-ce une sorte de sentimentalisme nostalgique de ma part ? »
Il y en a certainement, répond Patel. Il n’y a certainement pas besoin d’aller sur une page web pour savoir combien de temps il faut pour cuire un œuf, l’IA de Google peut vous le dire… Mais, c’est oublier que cette IA générative ne sera pas plus neutre que les résultats de Google aujourd’hui. Elle sera elle aussi façonnée par la publicité. L’enjeu demain ne sera plus d’être dans les 3 premiers résultats d’une page de recherche, mais d’être citée par les réponses construites par les modèles de langages. « Votre client le plus important, désormais, c’est l’IA ! », explique le journaliste Scott Mulligan pour la Technology Review. « L’objectif ultime n’est pas seulement de comprendre comment votre marque est perçue par l’IA, mais de modifier cette perception ». Or, les biais marketing des LLM sont déjà nombreux. Une étude montre que les marques internationales sont souvent perçues comme étant de meilleures qualités que les marques locales. Si vous demandez à un chatbot de recommander des cadeaux aux personnes vivant dans des pays à revenu élevé, il suggérera des articles de marque de luxe, tandis que si vous lui demandez quoi offrir aux personnes vivant dans des pays à faible revenu, il recommandera des marques plus cheap.
L’IA s’annonce comme un nouveau public des marques, à dompter. Et la perception d’une marque par les IA aura certainement des impacts sur leurs résultats financiers. Le marketing a assurément trouvé un nouveau produit à vendre ! Les entreprises vont adorer !
Pour Klein, l’internet actuel est certes très affaibli, pollué de spams et de contenus sans intérêts. Google, Meta et Amazon n’ont pas créé un internet que les gens apprécient, mais bien plus un internet que les gens utilisent à leur profit. L’IA propose certainement non pas un internet que les gens vont plus apprécier, bien au contraire, mais un internet qui profite aux grands acteurs plutôt qu’aux utilisateurs. Pour Patel, il est possible qu’un internet sans IA subsiste, pour autant qu’il parvienne à se financer.
Pourra-t-on encore défendre le web que nous voulons ?Les acteurs oligopolistiques du numérique devenus les acteurs oligopolistiques de l’IA semblent s’aligner pour transformer le web à leur seul profit, et c’est assurément la puissance (et surtout la puissance financière) qu’ils ont acquis qui le leur permet. La transformation du web en « web des machines » est assurément la conséquence de « notre longue dépossession », qu’évoquait Ben Tarnoff dans son livre, Internet for the People.
La promesse du web synthétique est là pour rester. Et la perspective qui se dessine, c’est que nous avons à nous y adapter, sans discussion. Ce n’est pas une situation très stimulante, bien au contraire. A mesure que les géants de l’IA conquièrent le numérique, c’est nos marges de manœuvres qui se réduisent. Ce sont elles que la régulation devrait chercher à réouvrir, dès à présent. Par exemple en mobilisant très tôt le droit à la concurrence et à l’interopérabilité, pour forcer les acteurs à proposer aux utilisateurs d’utiliser les IA de leurs choix ou en leur permettant, très facilement, de refuser leur implémentations dans les outils qu’ils utilisent, que ce soit leurs OS comme les services qu’ils utilisent. Bref, mobiliser le droit à la concurrence et à l’interopérabilité au plus tôt. Afin que défendre le web que nous voulons ne s’avère pas plus difficile demain qu’il n’était aujourd’hui.
Hubert Guillaud
Cet édito a été originellement publié dans la première lettre d’information de CaféIA le 27 juin 2025.
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9:28
Analyser la qualité de connexion
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatiqueOù que vous soyez dans le monde, vous pouvez utiliser Ookla Speedtest pour vérifier la qualité de votre connexion au réseau Internet. L’application mesure la vitesse du débit montant et descendant et le temps de latence. Les résultats transmis à chaque test sont aussi collectés dans une base de données open data. En partenariat avec Ookla, l’équipe Telecom d’Esri a récupéré ses données et les a agrégées pour proposer une couche prête à l’emploi dans le Living Atlas ArcGIS. Les données de mesure de performance sont présentées sous la forme de tuiles de 610x610 m pour obtenir une cartographie avec une précision de localisation GPS. Ce maillage, réactualisé chaque trimestre, permet de connaitre les niveaux de débit sur n’importe quel point du globe. L’intérêt est pour une commune de proposer une carte de débit moyen sur son territoire, sachant qu’il est possible de coupler cela avec d’autres informations provenant des fournisseurs ou bien du taux d’éligibilité à la fibre. Pour une entreprise qui souhaite valider un lieu d’implantation, ces précisions peuvent être très utiles...
+ d'infos :
urlr.me/kvM3ef
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7:00
Renverser le pouvoir artificiel
sur Dans les algorithmesL’AI Now Institute vient de publier son rapport 2025. Et autant dire, qu’il frappe fort. “La trajectoire actuelle de l’IA ouvre la voie à un avenir économique et politique peu enviable : un avenir qui prive de leurs droits une grande partie du public, rend les systèmes plus obscurs pour ceux qu’ils affectent, dévalorise notre savoir-faire, compromet notre sécurité et restreint nos perspectives d’innovation”.
La bonne nouvelle, c’est que la voie offerte par l’industrie technologique n’est pas la seule qui s’offre à nous. “Ce rapport explique pourquoi la lutte contre la vision de l’IA défendue par l’industrie est un combat qui en vaut la peine”. Comme le rappelait leur rapport 2023, l’IA est d’abord une question de concentration du pouvoir entre les mains de quelques géants. “La question que nous devrions nous poser n’est pas de savoir si ChatGPT est utile ou non, mais si le pouvoir irréfléchi d’OpenAI, lié au monopole de Microsoft et au modèle économique de l’économie technologique, est bénéfique à la société”.
“L’avènement de ChatGPT en 2023 ne marque pas tant une rupture nette dans l’histoire de l’IA, mais plutôt le renforcement d’un paradigme du « plus c’est grand, mieux c’est », ancré dans la perpétuation des intérêts des entreprises qui ont bénéficié du laxisme réglementaire et des faibles taux d’intérêt de la Silicon Valley”. Mais ce pouvoir ne leur suffit pas : du démantèlement des gouvernements au pillage des données, de la dévalorisation du travail pour le rendre compatible à l’IA, à la réorientation des infrastructures énergétiques en passant par le saccage de l’information et de la démocratie… l’avènement de l’IA exige le démantèlement de nos infrastructures sociales, politiques et économiques au profit des entreprises de l’IA. L’IA remet au goût du jour des stratégies anciennes d’extraction d’expertises et de valeurs pour concentrer le pouvoir entre les mains des extracteurs au profit du développement de leurs empires.
Mais pourquoi la société accepterait-elle un tel compromis, une telle remise en cause ? Pour les chercheurs.ses de l’AI Now Institute ce pouvoir doit et peut être perturbé, notamment parce qu’il est plus fragile qu’il n’y paraît. “Les entreprises d’IA perdent de l’argent pour chaque utilisateur qu’elles gagnent” et le coût de l’IA à grande échelle va être très élevé au risque qu’une bulle d’investissement ne finisse par éclater. L’affirmation de la révolution de l’IA générative, elle, contraste avec la grande banalité de ses intégrations et les difficultés qu’elle engendre : de la publicité automatisée chez Meta, à la production de code via Copilot (au détriment des compétences des développeurs), ou via la production d’agents IA, en passant par l’augmentation des prix du Cloud par l’intégration automatique de fonctionnalités IA… tout en laissant les clients se débrouiller des hallucinations, des erreurs et des imperfactions de leurs produits. Or, appliqués en contexte réel les systèmes d’IA échouent profondément même sur des tâches élémentaires, rappellent les auteurs du rapport : les fonctionnalités de l’IA relèvent souvent d’illusions sur leur efficacité, masquant bien plus leurs défaillances qu’autre chose, comme l’expliquent les chercheurs Inioluwa Deborah Raji, Elizabeth Kumar, Aaron Horowitz et Andrew D. Selbst. Dans de nombreux cas d’utilisation, “l’IA est déployée par ceux qui ont le pouvoir contre ceux qui n’en ont pas” sans possibilité de se retirer ou de demander réparation en cas d’erreur.
L’IA : un outil défaillant au service de ceux qui la déploiePour l’AI Now Institute, les avantages de l’IA sont à la fois surestimés et sous-estimés, des traitements contre le cancer à une hypothétique croissance économique, tandis que certains de ses défauts sont réels, immédiats et se répandent. Le solutionnisme de l’IA occulte les problèmes systémiques auxquels nos économies sont confrontées, occultant la concentration économique à l’oeuvre et servant de canal pour le déploiement de mesures d’austérité sous prétexte d’efficacité, à l’image du très problématique chatbot mis en place par la ville New York. Des millions de dollars d’argent public ont été investis dans des solutions d’IA défaillantes. “Le mythe de la productivité occulte une vérité fondamentale : les avantages de l’IA profitent aux entreprises, et non aux travailleurs ou au grand public. Et L’IA agentive rendra les lieux de travail encore plus bureaucratiques et surveillés, réduisant l’autonomie au lieu de l’accroître”.
“L’utilisation de l’IA est souvent coercitive”, violant les droits et compromettant les procédures régulières à l’image de l’essor débridé de l’utilisation de l’IA dans le contrôle de l’immigration aux Etats-Unis (voir notre article sur la fin du cloisonnement des données ainsi que celui sur l’IA générative, nouvelle couche d’exploitation du travail). Le rapport consacre d’ailleurs tout un chapitre aux défaillances de l’IA. Pour les thuriféraires de l’IA, celle-ci est appelée à guérir tous nos maux, permettant à la fois de transformer la science, la logistique, l’éducation… Mais, si les géants de la tech veulent que l’IA soit accessible à tous, alors l’IA devrait pouvoir bénéficier à tous. C’est loin d’être le cas.
Le rapport prend l’exemple de la promesse que l’IA pourrait parvenir, à terme, à guérir les cancers. Si l’IA a bien le potentiel de contribuer aux recherches dans le domaine, notamment en améliorant le dépistage, la détection et le diagnostic. Il est probable cependant que loin d’être une révolution, les améliorations soient bien plus incrémentales qu’on le pense. Mais ce qui est contestable dans ce tableau, estiment les chercheurs de l’AI Now Institute, c’est l’hypothèse selon laquelle ces avancées scientifiques nécessitent la croissance effrénée des hyperscalers du secteur de l’IA. Or, c’est précisément le lien que ces dirigeants d’entreprise tentent d’établir. « Le prétexte que l’IA pourrait révolutionner la santé sert à promouvoir la déréglementation de l’IA pour dynamiser son développement ». Les perspectives scientifiques montées en promesses inéluctables sont utilisées pour abattre les résistances à discuter des enjeux de l’IA et des transformations qu’elle produit sur la société toute entière.
Or, dans le régime des défaillances de l’IA, bien peu de leurs promesses relèvent de preuves scientifiques. Nombre de recherches du secteur s’appuient sur un régime de “véritude” comme s’en moque l’humoriste Stephen Colbert, c’est-à-dire sur des recherches qui ne sont pas validées par les pairs, à l’image des robots infirmiers qu’a pu promouvoir Nvidia en affirmant qu’ils surpasseraient les infirmières elles-mêmes… Une affirmation qui ne reposait que sur une étude de Nvidia. Nous manquons d’une science de l’évaluation de l’IA générative. En l’absence de benchmarks indépendants et largement reconnus pour mesurer des attributs clés tels que la précision ou la qualité des réponses, les entreprises inventent leurs propres benchmarks et, dans certains cas, vendent à la fois le produit et les plateformes de validation des benchmarks au même client. Par exemple, Scale AI détient des contrats de plusieurs centaines de millions de dollars avec le Pentagone pour la production de modèles d’IA destinés au déploiement militaire, dont un contrat de 20 millions de dollars pour la plateforme qui servira à évaluer la précision des modèles d’IA destinés aux agences de défense. Fournir la solution et son évaluation est effectivement bien plus simple.
Autre défaillance systémique : partout, les outils marginalisent les professionnels. Dans l’éducation, les Moocs ont promis la démocratisation de l’accès aux cours. Il n’en a rien été. Désormais, le technosolutionnisme promet la démocratisation par l’IA générative via des offres dédiées comme ChatGPT Edu d’OpenAI, au risque de compromettre la finalité même de l’éducation. En fait, rappellent les auteurs du rapport, dans l’éducation comme ailleurs, l’IA est bien souvent adoptée par des administrateurs, sans discussion ni implication des concernés. A l’université, les administrateurs achètent des solutions non éprouvées et non testées pour des sommes considérables afin de supplanter les technologies existantes gérées par les services technologiques universitaires. Même constat dans ses déploiements au travail, où les pénuries de main d’œuvre sont souvent évoquées comme une raison pour développer l’IA, alors que le problème n’est pas tant la pénurie que le manque de protection ou le régime austéritaire de bas salaires. Les solutions technologiques permettent surtout de rediriger les financements au détriment des travailleurs et des bénéficiaires. L’IA sert souvent de vecteur pour le déploiement de mesures d’austérité sous un autre nom. Les systèmes d’IA appliqués aux personnes à faibles revenus n’améliorent presque jamais l’accès aux prestations sociales ou à d’autres opportunités, disait le rapport de Techtonic Justice. “L’IA n’est pas un ensemble cohérent de technologies capables d’atteindre des objectifs sociaux complexes”. Elle est son exact inverse, explique le rapport en pointant par exemple les défaillances du Doge (que nous avons nous-mêmes documentés). Cela n’empêche pourtant pas le solutionnisme de prospérer. L’objectif du chatbot newyorkais par exemple, “n’est peut-être pas, en réalité, de servir les citoyens, mais plutôt d’encourager et de centraliser l’accès aux données des citoyens ; de privatiser et d’externaliser les tâches gouvernementales ; et de consolider le pouvoir des entreprises sans mécanismes de responsabilisation significatifs”, comme l’explique le travail du Surveillance resistance Lab, très opposé au projet.
Le mythe de la productivité enfin, que répètent et anônnent les développeurs d’IA, nous fait oublier que les bénéfices de l’IA vont bien plus leur profiter à eux qu’au public. « La productivité est un euphémisme pour désigner la relation économique mutuellement bénéfique entre les entreprises et leurs actionnaires, et non entre les entreprises et leurs salariés. Non seulement les salariés ne bénéficient pas des gains de productivité liés à l’IA, mais pour beaucoup, leurs conditions de travail vont surtout empirer. L’IA ne bénéficie pas aux salariés, mais dégrade leurs conditions de travail, en augmentant la surveillance, notamment via des scores de productivité individuels et collectifs. Les entreprises utilisent la logique des gains de productivité de l’IA pour justifier la fragmentation, l’automatisation et, dans certains cas, la suppression du travail. » Or, la logique selon laquelle la productivité des entreprises mènera inévitablement à une prospérité partagée est profondément erronée. Par le passé, lorsque l’automatisation a permis des gains de productivité et des salaires plus élevés, ce n’était pas grâce aux capacités intrinsèques de la technologie, mais parce que les politiques des entreprises et les réglementations étaient conçues de concert pour soutenir les travailleurs et limiter leur pouvoir, comme l’expliquent Daron Acemoglu et Simon Johnson, dans Pouvoir et progrès (Pearson 2024). L’essor de l’automatisation des machines-outils autour de la Seconde Guerre mondiale est instructif : malgré les craintes de pertes d’emplois, les politiques fédérales et le renforcement du mouvement ouvrier ont protégé les intérêts des travailleurs et exigé des salaires plus élevés pour les ouvriers utilisant les nouvelles machines. Les entreprises ont à leur tour mis en place des politiques pour fidéliser les travailleurs, comme la redistribution des bénéfices et la formation, afin de réduire les turbulences et éviter les grèves. « Malgré l’automatisation croissante pendant cette période, la part des travailleurs dans le revenu national est restée stable, les salaires moyens ont augmenté et la demande de travailleurs a augmenté. Ces gains ont été annulés par les politiques de l’ère Reagan, qui ont donné la priorité aux intérêts des actionnaires, utilisé les menaces commerciales pour déprécier les normes du travail et les normes réglementaires, et affaibli les politiques pro-travailleurs et syndicales, ce qui a permis aux entreprises technologiques d’acquérir une domination du marché et un contrôle sur des ressources clés. L’industrie de l’IA est un produit décisif de cette histoire ». La discrimination salariale algorithmique optimise les salaires à la baisse. D’innombrables pratiques sont mobilisées pour isoler les salariés et contourner les lois en vigueur, comme le documente le rapport 2025 de FairWork. La promesse que les agents IA automatiseront les tâches routinières est devenue un point central du développement de produits, même si cela suppose que les entreprises qui s’y lancent deviennent plus processuelles et bureaucratiques pour leur permettre d’opérer. Enfin, nous interagissons de plus en plus fréquemment avec des technologies d’IA utilisées non pas par nous, mais sur nous, qui façonnent notre accès aux ressources dans des domaines allant de la finance à l’embauche en passant par le logement, et ce au détriment de la transparence et au détriment de la possibilité même de pouvoir faire autrement.
Le risque de l’IA partout est bien de nous soumettre aux calculs, plus que de nous en libérer. Par exemple, l’intégration de l’IA dans les agences chargées de l’immigration, malgré l’édiction de principes d’utilisation vertueux, montre combien ces principes sont profondément contournés, comme le montrait le rapport sur la déportation automatisée aux Etats-Unis du collectif de défense des droits des latino-américains, Mijente. Les Services de citoyenneté et d’immigration des États-Unis (USCIS) utilisent des outils prédictifs pour automatiser leurs prises de décision, comme « Asylum Text Analytics », qui interroge les demandes d’asile afin de déterminer celles qui sont frauduleuses. Ces outils ont démontré, entre autres défauts, des taux élevés d’erreurs de classification lorsqu’ils sont utilisés sur des personnes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle. Les conséquences d’une identification erronée de fraude sont importantes : elles peuvent entraîner l’expulsion, l’interdiction à vie du territoire américain et une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans. « Pourtant, la transparence pour les personnes concernées par ces systèmes est plus que limitée, sans possibilité de se désinscrire ou de demander réparation lorsqu’ils sont utilisés pour prendre des décisions erronées, et, tout aussi important, peu de preuves attestent que l’efficacité de ces outils a été, ou peut être, améliorée ».
Malgré la légalité douteuse et les failles connues de nombre de ces systèmes que le rapport documente, l’intégration de l’IA dans les contrôles d’immigration ne semble vouée qu’à s’intensifier. L’utilisation de ces outils offre un vernis d’objectivité qui masque non seulement un racisme et une xénophobie flagrants, mais aussi la forte pression politique exercée sur les agences d’immigration pour restreindre l’asile. « L‘IA permet aux agences fédérales de mener des contrôles d’immigration de manière profondément et de plus en plus opaque, ce qui complique encore davantage la tâche des personnes susceptibles d’être arrêtées ou accusées à tort. Nombre de ces outils ne sont connus du public que par le biais de documents juridiques et ne figurent pas dans l’inventaire d’IA du DHS. Mais même une fois connus, nous disposons de très peu d’informations sur leur étalonnage ou sur les données sur lesquelles ils sont basés, ce qui réduit encore davantage la capacité des individus à faire valoir leurs droits à une procédure régulière. Ces outils s’appuient également sur une surveillance invasive du public, allant du filtrage des publications sur les réseaux sociaux à l’utilisation de la reconnaissance faciale, de la surveillance aérienne et d’autres techniques de surveillance, à l’achat massif d’informations publiques auprès de courtiers en données ». Nous sommes à la fois confrontés à des systèmes coercitifs et opaques, foncièrement défaillants. Mais ces défaillances se déploient parce qu’elles donnent du pouvoir aux forces de l’ordre, leur permettant d’atteindre leurs objectifs d’expulsion et d’arrestation. Avec l’IA, le pouvoir devient l’objectif.
Les leviers pour renverser l’empire de l’IA et faire converger les luttes contre son mondeLa dernière partie du rapport de l’AI Now Institute tente de déployer une autre vision de l’IA par des propositions, en dessinant une feuille de route pour l’action. “L’IA est une lutte de pouvoir et non un levier de progrès”, expliquent les auteurs qui invitent à “reprendre le contrôle de la trajectoire de l’IA”, en contestant son utilisation actuelle. Le rapport présente 5 leviers pour reprendre du pouvoir sur l’IA.
Démontrer que l’IA agit contre les intérêts des individus et de la société
Le premier objectif, pour reprendre la main, consiste à mieux démontrer que l’industrie de l’IA agit contre les intérêts des citoyens ordinaires. Mais ce discours est encore peu partagé, notamment parce que le discours sur les risques porte surtout sur les biais techniques ou les risques existentiels, des enjeux déconnectés des réalités matérielles des individus. Pour l’AI Now Institute, “nous devons donner la priorité aux enjeux politiques ancrés dans le vécu des citoyens avec l’IA”, montrer les systèmes d’IA comme des infrastructures invisibles qui régissent les vies de chacun. En cela, la résistance au démantèlement des agences publiques initiée par les politiques du Doge a justement permis d’ouvrir un front de résistance. La résistance et l’indignation face aux coupes budgétaires et à l’accaparement des données a permis de montrer qu’améliorer l’efficacité des services n’était pas son objectif, que celui-ci a toujours été de démanteler les services gouvernementaux et centraliser le pouvoir. La dégradation des services sociaux et la privation des droits est un moyen de remobilisation à exploiter.
La construction des data centers pour l’IA est également un nouvel espace de mobilisation locale pour faire progresser la question de la justice environnementale, à l’image de celles que tentent de faire entendre la Citizen Action Coalition de l’Indiana ou la Memphis Community Against Pollution dans le Tennessee.
La question de l’augmentation des prix et de l’inflation, et le développements de prix et salaires algorithmiques est un autre levier de mobilisation, comme le montrait un rapport de l’AI Now Institute sur le sujet datant de février qui invitait à l’interdiction pure et simple de la surveillance individualisée des prix et des salaires.
Faire progresser l’organisation des travailleurs
Le second levier consiste à faire progresser l’organisation des travailleurs. Lorsque les travailleurs et leurs syndicats s’intéressent sérieusement à la manière dont l’IA transforme la nature du travail et s’engagent résolument par le biais de négociations collectives, de l’application des contrats, de campagnes et de plaidoyer politique, ils peuvent influencer la manière dont leurs employeurs développent et déploient ces technologies. Les campagnes syndicales visant à contester l’utilisation de l’IA générative à Hollywood, les mobilisations pour dénoncer la gestion algorithmique des employés des entrepôts de la logistique et des plateformes de covoiturage et de livraison ont joué un rôle essentiel dans la sensibilisation du public à l’impact de l’IA et des technologies de données sur le lieu de travail. La lutte pour limiter l’augmentation des cadences dans les entrepôts ou celles des chauffeurs menées par Gig Workers Rising, Los Deliversistas Unidos, Rideshare Drivers United, ou le SEIU, entre autres, a permis d’établir des protections, de lutter contre la précarité organisée par les plateformes… Pour cela, il faut à la fois que les organisations puissent analyser l’impact de l’IA sur les conditions de travail et sur les publics, pour permettre aux deux luttes de se rejoindre à l’image de ce qu’à accompli le syndicat des infirmières qui a montré que le déploiement de l’IA affaiblit le jugement clinique des infirmières et menace la sécurité des patients. Cette lutte a donné lieu à une « Déclaration des droits des infirmières et des patients », un ensemble de principes directeurs visant à garantir une application juste et sûre de l’IA dans les établissements de santé. Les infirmières ont stoppé le déploiement d’EPIC Acuity, un système qui sous-estimait l’état de santé des patients et le nombre d’infirmières nécessaires, et ont contraint l’entreprise qui déployait le système à créer un comité de surveillance pour sa mise en œuvre.
Une autre tactique consiste à contester le déploiement d’IA austéritaires dans le secteur public à l’image du réseau syndicaliste fédéral, qui mène une campagne pour sauver les services fédéraux et met en lumière l’impact des coupes budgétaires du Doge. En Pennsylvanie, le SEIU a mis en place un conseil des travailleurs pour superviser le déploiement de solutions d’IA génératives dans les services publics.
Une autre tactique consiste à mener des campagnes plus globales pour contester le pouvoir des grandes entreprises technologiques, comme la Coalition Athena qui demande le démantèlement d’Amazon, en reliant les questions de surveillance des travailleurs, le fait que la multinationale vende ses services à la police, les questions écologiques liées au déploiement des plateformes logistiques ainsi que l’impact des systèmes algorithmiques sur les petites entreprises et les prix que payent les consommateurs.
Bref, l’enjeu est bien de relier les luttes entre elles, de relier les syndicats aux organisations de défense de la vie privée à celles œuvrant pour la justice raciale ou sociale, afin de mener des campagnes organisées sur ces enjeux. Mais également de l’étendre à l’ensemble de la chaîne de valeur et d’approvisionnement de l’IA, au-delà des questions américaines, même si pour l’instant “aucune tentative sérieuse d’organisation du secteur impacté par le déploiement de l’IA à grande échelle n’a été menée”. Des initiatives existent pourtant comme l’Amazon Employees for Climate Justice, l’African Content Moderators Union ou l’African Tech Workers Rising, le Data Worker’s Inquiry Project, le Tech Equity Collaborative ou l’Alphabet Workers Union (qui font campagne sur les différences de traitement entre les employés et les travailleurs contractuels).
Nous avons désespérément besoin de projets de lutte plus ambitieux et mieux dotés en ressources, constate le rapport. Les personnes qui construisent et forment les systèmes d’IA – et qui, par conséquent, les connaissent intimement – ??ont une opportunité particulière d’utiliser leur position de pouvoir pour demander des comptes aux entreprises technologiques sur la manière dont ces systèmes sont utilisés. “S’organiser et mener des actions collectives depuis ces postes aura un impact profond sur l’évolution de l’IA”.
“À l’instar du mouvement ouvrier du siècle dernier, le mouvement ouvrier d’aujourd’hui peut se battre pour un nouveau pacte social qui place l’IA et les technologies numériques au service de l’intérêt public et oblige le pouvoir irresponsable d’aujourd’hui à rendre des comptes.”
Confiance zéro envers les entreprises de l’IA !
Le troisième levier que défend l’AI Now Institute est plus radical encore puisqu’il propose d’adopter un programme politique “confiance zéro” envers l’IA. En 2023, L’AI Now, l’Electronic Privacy Information Center et d’Accountable Tech affirmaient déjà “qu’une confiance aveugle dans la bienveillance des entreprises technologiques n’était pas envisageable ». Pour établir ce programme, le rapport égraine 6 leviers à activer.
Tout d’abord, le rapport plaide pour “des règles audacieuses et claires qui restreignent les applications d’IA nuisibles”. C’est au public de déterminer si, dans quels contextes et comment, les systèmes d’IA seront utilisés. “Comparées aux cadres reposant sur des garanties basées sur les processus (comme les audits d’IA ou les régimes d’évaluation des risques) qui, dans la pratique, ont souvent eu tendance à renforcer les pouvoirs des leaders du secteur et à s’appuyer sur une solide capacité réglementaire pour une application efficace, ces règles claires présentent l’avantage d’être facilement administrables et de cibler les préjudices qui ne peuvent être ni évités ni réparés par de simples garanties”. Pour l’AI Now Institute, l’IA doit être interdite pour la reconnaissance des émotions, la notation sociale, la fixation des prix et des salaires, refuser des demandes d’indemnisation, remplacer les enseignants, générer des deepfakes. Et les données de surveillance des travailleurs ne doivent pas pouvoir pas être vendues à des fournisseurs tiers. L’enjeu premier est d’augmenter le spectre des interdictions.
Ensuite, le rapport propose de réglementer tout le cycle de vie de l’IA. L’IA doit être réglementée tout au long de son cycle de développement, de la collecte des données au déploiement, en passant par le processus de formation, le perfectionnement et le développement des applications, comme le proposait l’Ada Lovelace Institute. Le rapport rappelle que si la transparence est au fondement d’une réglementation efficace, la résistante des entreprises est forte, tout le long des développements, des données d’entraînement utilisées, aux fonctionnement des applications. La transparence et l’explication devraient être proactives, suggère le rapport : les utilisateurs ne devraient pas avoir besoin de demander individuellement des informations sur les traitements dont ils sont l’objet. Notamment, le rapport insiste sur le besoin que “les développeurs documentent et rendent publiques leurs techniques d’atténuation des risques, et que le régulateur exige la divulgation de tout risque anticipé qu’ils ne sont pas en mesure d’atténuer, afin que cela soit transparent pour les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement”. Le rapport recommande également d’inscrire un « droit de dérogation » aux décisions et l’obligation d’intégrer des conseils d’usagers pour qu’ils aient leur mot à dire sur les développements et l’utilisation des systèmes.
Le rapport rappelle également que la supervision des développements doit être indépendante. Ce n’est pas à l’industrie d’évaluer ce qu’elle fait. Le “red teaming” et les “models cards” ignorent les conflits d’intérêts en jeu et mobilisent des méthodologies finalement peu robustes (voir notre article). Autre levier encore, s’attaquer aux racines du pouvoir de ces entreprises et par exemple qu’elles suppriment les données acquises illégalement et les modèles entraînés sur ces données (certains chercheurs parlent d’effacement de modèles et de destruction algorithmique !) ; limiter la conservation des données pour le réentraînement ; limiter les partenariats entre les hyperscalers et les startups d’IA et le rachat d’entreprise pour limiter la constitution de monopoles.
Le rapport propose également de construire une boîte à outils pour favoriser la concurrence. De nombreuses enquêtes pointent les limites des grandes entreprises de la tech à assurer le respect du droit à la concurrence, mais les poursuites peinent à s’appliquer et peinent à construire des changements législatifs pour renforcer le droit à la concurrence et limiter la construction de monopoles, alors que toute intervention sur le marché est toujours dénoncé par les entreprises de la tech comme relevant de mesures contre l’innovation. Le rapport plaide pour une plus grande séparation structurelle des activités (les entreprises du cloud ne doivent pas pouvoir participer au marché des modèles fondamentaux de l’IA par exemple, interdiction des représentations croisées dans les conseils d’administration des startups et des développeurs de modèles, etc.). Interdire aux fournisseurs de cloud d’exploiter les données qu’ils obtiennent de leurs clients en hébergeant des infrastructures pour développer des produits concurrents.
Enfin, le rapport recommande une supervision rigoureuse du développement et de l’exploitation des centres de données, alors que les entreprises qui les développent se voient exonérées de charge et que leurs riverains en subissent des impacts disproportionnés (concurrence sur les ressources, augmentation des tarifs de l’électricité…). Les communautés touchées ont besoin de mécanismes de transparence et de protections environnementales solides. Les régulateurs devraient plafonner les subventions en fonction des protections concédées et des emplois créés. Initier des règles pour interdire de faire porter l’augmentation des tarifs sur les usagers.
Décloisonner !
Le cloisonnement des enjeux de l’IA est un autre problème qu’il faut lever. C’est le cas notamment de l’obsession à la sécurité nationale qui justifient à la fois des mesures de régulation et des programmes d’accélération et d’expansion du secteur et des infrastructures de l’IA. Mais pour décloisonner, il faut surtout venir perturber le processus de surveillance à l’œuvre et renforcer la vie privée comme un enjeu de justice économique. La montée de la surveillance pour renforcer l’automatisation “place les outils traditionnels de protection de la vie privée (tels que le consentement, les options de retrait, les finalités non autorisées et la minimisation des données) au cœur de la mise en place de conditions économiques plus justes”. La chercheuse Ifeoma Ajunwa soutient que les données des travailleurs devraient être considérées comme du « capital capturé » par les entreprises : leurs données sont utilisées pour former des technologies qui finiront par les remplacer (ou créer les conditions pour réduire leurs salaires), ou vendues au plus offrant via un réseau croissant de courtiers en données, sans contrôle ni compensation. Des travailleurs ubérisés aux travailleurs du clic, l’exploitation des données nécessite de repositionner la protection de la vie privée des travailleurs au cœur du programme de justice économique pour limiter sa capture par l’IA. Les points de collecte, les points de surveillance, doivent être “la cible appropriée de la résistance”, car ils seront instrumentalisés contre les intérêts des travailleurs. Sur le plan réglementaire, cela pourrait impliquer de privilégier des règles de minimisation des données qui restreignent la collecte et l’utilisation des données, renforcer la confidentialité (par exemple en interdisant le partage de données sur les salariés avec des tiers), le droit à ne pas consentir, etc. Renforcer la minimisation, sécuriser les données gouvernementales sur les individus qui sont de haute qualité et particulièrement sensibles, est plus urgent que jamais.
“Nous devons nous réapproprier l’agenda positif de l’innovation centrée sur le public, et l’IA ne devrait pas en être le centre”, concluent les auteurs. La trajectoire actuelle de l’IA, axée sur le marché, est préjudiciable au public alors que l’espace de solutions alternatives se réduit. Nous devons rejeter le paradigme d’une IA à grande échelle qui ne profitera qu’aux plus puissants.
L’IA publique demeure un espace fertile pour promouvoir le débat sur des trajectoires alternatives pour l’IA, structurellement plus alignées sur l’intérêt public, et garantir que tout financement public dans ce domaine soit conditionné à des objectifs d’intérêt général. Mais pour cela, encore faut-il que l’IA publique ne limite pas sa politique à l’achat de solutions privées, mais développe ses propres capacités d’IA, réinvestisse sa capacité d’expertise pour ne pas céder au solutionnisme de l’IA, favorise partout la discussion avec les usagers, cultive une communauté de pratique autour de l’innovation d’intérêt général qui façonnera l’émergence d’un espace alternatif par exemple en exigeant des méthodes d’implication des publics et aussi en élargissant l’intérêt de l’Etat à celui de l’intérêt collectif et pas seulement à ses intérêts propres (par exemple en conditionnant à la promotion des objectifs climatiques, au soutien syndical et citoyen…), ainsi qu’à redéfinir les conditions concrètes du financement public de l’IA, en veillant à ce que les investissements répondent aux besoins des communautés plutôt qu’aux intérêts des entreprises.
Changer l’agenda : pour une IA publique !
Enfin, le rapport conclut en affirmant que l’innovation devrait être centrée sur les besoins des publics et que l’IA ne devrait pas en être le centre. Le développement de l’IA devrait être guidé par des impératifs non marchands et les capitaux publics et philanthropiques devraient contribuer à la création d’un écosystème d’innovation extérieur à l’industrie, comme l’ont réclamé Public AI Network dans un rapport, l’Ada Lovelace Institute, dans un autre, Lawrence Lessig ou encore Bruce Schneier et Nathan Sanders ou encore Ganesh Sitaraman et Tejas N. Narechania… qui parlent d’IA publique plus que d’IA souveraine, pour orienter les investissement non pas tant vers des questions de sécurité nationale et de compétitivité, mais vers des enjeux de justice sociale.
Ces discours confirment que la trajectoire de l’IA, axée sur le marché, est préjudiciable au public. Si les propositions alternatives ne manquent pas, elles ne parviennent pas à relever le défi de la concentration du pouvoir au profit des grandes entreprises. « Rejeter le paradigme actuel de l’IA à grande échelle est nécessaire pour lutter contre les asymétries d’information et de pouvoir inhérentes à l’IA. C’est la partie cachée qu’il faut exprimer haut et fort. C’est la réalité à laquelle nous devons faire face si nous voulons rassembler la volonté et la créativité nécessaires pour façonner la situation différemment ». Un rapport du National AI Research Resource (NAIRR) américain de 2021, d’une commission indépendante présidée par l’ancien PDG de Google, Eric Schmidt, et composée de dirigeants de nombreuses grandes entreprises technologiques, avait parfaitement formulé le risque : « la consolidation du secteur de l’IA menace la compétitivité technologique des États-Unis. » Et la commission proposait de créer des ressources publiques pour l’IA.
« L’IA publique demeure un espace fertile pour promouvoir le débat sur des trajectoires alternatives pour l’IA, structurellement plus alignées sur l’intérêt général, et garantir que tout financement public dans ce domaine soit conditionné à des objectifs d’intérêt général ». Un projet de loi californien a récemment relancé une proposition de cluster informatique public, hébergé au sein du système de l’Université de Californie, appelé CalCompute. L’État de New York a lancé une initiative appelée Empire AI visant à construire une infrastructure de cloud public dans sept institutions de recherche de l’État, rassemblant plus de 400 millions de dollars de fonds publics et privés. Ces deux initiatives créent des espaces de plaidoyer importants pour garantir que leurs ressources répondent aux besoins des communautés et ne servent pas à enrichir davantage les ressources des géants de la technologie.
Et le rapport de se conclure en appelant à défendre l’IA publique, en soutenant les universités, en investissant dans ces infrastructures d’IA publique et en veillant que les groupes défavorisés disposent d’une autorité dans ces projets. Nous devons cultiver une communauté de pratique autour de l’innovation d’intérêt général.
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Le rapport de l’AI Now Institute a la grande force de nous rappeler que les luttes contre l’IA existent et qu’elles ne sont pas que des luttes de collectifs technocritiques, mais qu’elles s’incarnent déjà dans des projets politiques, qui peinent à s’interelier et à se structurer. Des luttes qui sont souvent invisibilisées, tant la parole est toute entière donnée aux promoteurs de l’IA. Le rapport est extrêmement riche et rassemble une documentation à nulle autre pareille.
« L’IA ne nous promet ni de nous libérer du cycle incessant de guerres, des pandémies et des crises environnementales et financières qui caractérisent notre présent », conclut le rapport L’IA ne crée rien de tout cela, ne créé rien de ce que nous avons besoin. “Lier notre avenir commun à l’IA rend cet avenir plus difficile à réaliser, car cela nous enferme dans une voie résolument sombre, nous privant non seulement de la capacité de choisir quoi construire et comment le construire, mais nous privant également de la joie que nous pourrions éprouver à construire un avenir différent”. L’IA comme seule perspective d’avenir “nous éloigne encore davantage d’une vie digne, où nous aurions l’autonomie de prendre nos propres décisions et où des structures démocratiquement responsables répartiraient le pouvoir et les infrastructures technologiques de manière robuste, responsable et protégée des chocs systémiques”. L’IA ne fait que consolider et amplifier les asymétries de pouvoir existantes. “Elle naturalise l’inégalité et le mérite comme une fatalité, ?tout en rendant les schémas et jugements sous-jacents qui les façonnent impénétrables pour ceux qui sont affectés par les jugements de l’IA”.
Pourtant, une autre IA est possible, estiment les chercheurs.ses de l’AI Now Institute. Nous ne pouvons pas lutter contre l’oligarchie technologique sans rejeter la trajectoire actuelle de l’industrie autour de l’IA à grande échelle. Nous ne devons pas oublier que l’opinion publique s’oppose résolument au pouvoir bien établi des entreprises technologiques. Certes, le secteur technologique dispose de ressources plus importantes que jamais et le contexte politique est plus sombre que jamais, concèdent les chercheurs de l’AI Now Institute. Cela ne les empêche pas de faire des propositions, comme d’adopter un programme politique de « confiance zéro » pour l’IA. Adopter un programme politique fondé sur des règles claires qui restreignent les utilisations les plus néfastes de l’IA, encadrent son cycle de vie de bout en bout et garantissent que l’industrie qui crée et exploite actuellement l’IA ne soit pas laissée à elle-même pour s’autoréguler et s’autoévaluer. Repenser les leviers traditionnels de la confidentialité des données comme outils clés dans la lutte contre l’automatisation et la lutte contre le pouvoir de marché.
Revendiquer un programme positif d’innovation centrée sur le public, sans IA au centre.
« La trajectoire actuelle de l’IA place le public sous la coupe d’oligarques technologiques irresponsables. Mais leur succès n’est pas inéluctable. En nous libérant de l’idée que l’IA à grande échelle est inévitable, nous pouvons retrouver l’espace nécessaire à une véritable innovation et promouvoir des voies alternatives stimulantes et novatrices qui exploitent la technologie pour façonner un monde au service du public et gouverné par notre volonté collective ».
La trajectoire actuelle de l’IA vers sa suprématie ne nous mènera pas au monde que nous voulons. Sa suprématie n’est pourtant pas encore là. “Avec l’adoption de la vision actuelle de l’IA, nous perdons un avenir où l’IA favoriserait des emplois stables, dignes et valorisants. Nous perdons un avenir où l’IA favoriserait des salaires justes et décents, au lieu de les déprécier ; où l’IA garantirait aux travailleurs le contrôle de l’impact des nouvelles technologies sur leur carrière, au lieu de saper leur expertise et leur connaissance de leur propre travail ; où nous disposons de politiques fortes pour soutenir les travailleurs si et quand les nouvelles technologies automatisent les fonctions existantes – y compris des lois élargissant le filet de sécurité sociale – au lieu de promoteurs de l’IA qui se vantent auprès des actionnaires des économies réalisées grâce à l’automatisation ; où des prestations sociales et des politiques de congés solides garantissent le bien-être à long terme des employés, au lieu que l’IA soit utilisée pour surveiller et exploiter les travailleurs à tout va ; où l’IA contribue à protéger les employés des risques pour la santé et la sécurité au travail, au lieu de perpétuer des conditions de travail dangereuses et de féliciter les employeurs qui exploitent les failles du marché du travail pour se soustraire à leurs responsabilités ; et où l’IA favorise des liens significatifs par le travail, au lieu de favoriser des cultures de peur et d’aliénation.”
Pour l’AI Now Institute, l’enjeu est d’aller vers une prospérité partagée, et ce n’est pas la direction que prennent les empires de l’IA. La prolifération de toute nouvelle technologie a le potentiel d’accroître les opportunités économiques et de conduire à une prospérité partagée généralisée. Mais cette prospérité partagée est incompatible avec la trajectoire actuelle de l’IA, qui vise à maximiser le profit des actionnaires. “Le mythe insidieux selon lequel l’IA mènera à la « productivité » pour tous, alors qu’il s’agit en réalité de la productivité d’un nombre restreint d’entreprises, nous pousse encore plus loin sur la voie du profit actionnarial comme unique objectif économique. Même les politiques gouvernementales bien intentionnées, conçues pour stimuler le secteur de l’IA, volent les poches des travailleurs. Par exemple, les incitations gouvernementales destinées à revitaliser l’industrie de la fabrication de puces électroniques ont été contrecarrées par des dispositions de rachat d’actions par les entreprises, envoyant des millions de dollars aux entreprises, et non aux travailleurs ou à la création d’emplois. Et malgré quelques initiatives significatives pour enquêter sur le secteur de l’IA sous l’administration Biden, les entreprises restent largement incontrôlées, ce qui signifie que les nouveaux entrants ne peuvent pas contester ces pratiques.”
“Cela implique de démanteler les grandes entreprises, de restructurer la structure de financement financée par le capital-risque afin que davantage d’entreprises puissent prospérer, d’investir dans les biens publics pour garantir que les ressources technologiques ne dépendent pas des grandes entreprises privées, et d’accroître les investissements institutionnels pour intégrer une plus grande diversité de personnes – et donc d’idées – au sein de la main-d’œuvre technologique.”
“Nous méritons un avenir technologique qui soutienne des valeurs et des institutions démocratiques fortes.” Nous devons de toute urgence restaurer les structures institutionnelles qui protègent les intérêts du public contre l’oligarchie. Cela nécessitera de s’attaquer au pouvoir technologique sur plusieurs fronts, et notamment par la mise en place de mesures de responsabilisation des entreprises pour contrôler les oligarques de la tech. Nous ne pouvons les laisser s’accaparer l’avenir.
Sur ce point, comme sur les autres, nous sommes d’accord.
Hubert Guillaud
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11:30
Does ecological offsetting really allow to achieve no net loss of biodiversity?
sur CybergeoSince 2016, the mitigation hierarchy in France, which requires projects with impacts on biodiversity to avoid, reduce and then offset these impacts, aims for no net loss of biodiversity. The offset measures taken in this framework must generate sufficient ecological gains, which implies that they are carried out on sites in bad ecological condition. In this article, we study the ecological context in which 1 153 offset measures were carried out between 2017 and 2021 in metropolitan France. To this end, using data on the "potential wilderness of metropolitan France", we compare the biophysical integrity scores of the selected sites on the one hand and the ecological quality scores, including an index of landscape connectivity around the sites, on the other hand, in relation to national scores. Our results show that 64% of the surface area of the offset sites is located in areas where the biophysical integrity score is higher than the French median, and that 40% is located in areas wh...
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11:30
Représentations des risques d’inondation, adaptation et évacuation en Île-de-France
sur CybergeoL’étude des déterminants des représentations liées aux risques et leurs effets sur les niveaux de préparation des populations exposées conduit à des conclusions souvent contradictoires d’une étude de cas à une autre. De nombreuses théories et hypothèses concurrentes ont été formulées dans des disciplines différentes, mais aucune n’est parvenue à s’imposer empiriquement. La validation croisée des résultats est complexe et le champ des risk perception s’apparente souvent à une collection d’études de cas indépendantes et peu comparables. À partir d’une enquête par questionnaire sur les représentations liées au risque inondation à Paris et en Île-de-France sur un échantillon de grande taille (n=2976), cet article propose une réflexion théorique et méthodologique pour consolider le positionnement de la géographie dans le champ des représentations des risques, pour mieux démêler les facteurs sociaux et territoriaux. Les questions de recherche se structurent autour du rôle de l’exposition ...
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11:30
Mark Monmonier, 2023, Comment faire mentir les cartes, Paris, Flammarion, 304 p.
sur CybergeoInitialement publié en 1991 et rapidement traduit en français (1993), Comment faire mentir les cartes de Mark Monmonier est un livre dont l’auteur admet lui-même qu’il n’a pas complètement atteint son objectif. Il voulait en faire un ouvrage pour le grand public et surtout pas un manuel étudiant. C’est pourtant, en France du moins, ce qu’il est devenu. La troisième édition, sortie aux États-Unis en 2018, a été traduite dès 2019 dans la collection Autrement de Flammarion. Cinq ans plus tard, le même éditeur ressort aujourd’hui cet ouvrage en format poche dans sa collection Champs/essais. Si les illustrations pâtissent de la réduction du format et de la qualité de la reprographie, le format et le prix le rendent plus accessible. Cela pourrait enfin lui ouvrir les portes du lectorat initialement visé : "Le lecteur intelligent et non-initié qui s’intéresse à la cartographie" (p.14).
Car, il faut le rappeler, et le titre nous le suggère, ce n’est pas d’un traité de cartographie dont il s’...
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11:30
Les échanges fonciers agricoles, levier pour la transition agroécologique de l’élevage ?
sur CybergeoL’agriculture contribue aux dérèglements climatiques et à l’érosion de la biodiversité autant qu’elle en subit les conséquences Les pratiques agricoles évoluent pour y remédier, notamment à travers la transition agroécologique qui propose de combiner les savoirs de l’agronomie et de l’écologie. La dimension foncière (distribution et droits d’usage des parcelles) de ces pratiques est peu explorée par la recherche, en dépit de son caractère déterminant pour cette transition. Cet article examine les avantages et limites des échanges de foncier agricole pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre et pour le maintien d’habitats favorables à la biodiversité, mais aussi pour les conditions de travail des agriculteurs. Il s’appuie sur l’analyse de l’élevage laitier dans la Zone Atelier Armorique, à partir d’entretiens auprès de services (para-)publics en charge du foncier agricole en Ille-et-Vilaine. Combinant des approches en écologie, en géographie et en droit, cette étude pr...
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11:30
Hervé Théry, 2024, Amazone. Un monde en partage, Paris, CNRS Éditions, 229 p.
sur CybergeoAprès le Congo, le Tigre et l’Euphrate, le Mississippi et la Volga, voici l’Amazone. Ce livre est publié dans la collection Géohistoire d’un fleuve, dirigée par Thierry Sanjuan. Hervé Théry, grand spécialiste du Brésil et de l’Amérique latine, s’attaque à un véritable monument, le plus grand fleuve du monde, par la taille de son bassin, par son débit et par sa longueur même si, chiffres à la clé, il montre que ce dernier record est contesté par le Nil.
C’est un livre de facture classique que nous livre le géographe. Le style est précis, très clair, sans jargon. Hervé Théry expose des faits, donne des chiffres (et les compare avec d’autres avec une volonté didactique affichée), décrit des lieux avant de se livrer à des analyses et de pointer quelques enjeux majeurs. Citons-les tout de suite : le "partage" de cet immense territoire, les incendies, la déforestation, l’accessibilité et les voies de circulation, la mondialisation des problèmes amazoniens, les droits des peuples autochtone...
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11:30
La passation des marchés publics : une entrée utile pour l’analyse des interactions spatiales dans l’espace français
sur CybergeoL’ouverture récente des données concernant la passation des marchés publics à l’échelle européenne permet d’accéder à des informations sur les acheteurs publics et sur les entreprises prestataires sélectionnées. Le « nettoyage » et géoréférencement de la base de données à l’échelle européenne Tenders Electronic Daily (TED) sur les marchés publics a permis de créer et mettre à disposition de tous une base à l’échelle du territoire français, la base French Open Public Procurement Award Notices (FOPPA). Cette base permet d’explorer de manière inédite les interactions entre des unités spatiales de différentes échelles. Elle offre la possibilité d’identifier les acteurs impliqués dans les marchés, leurs partenaires, ainsi que le type de marché, afin d’analyser et d’expliquer ces relations.
Dans cet article, nous illustrons les possibilités offertes par la base FOPPA, en produisant des analyses essentiellement descriptives des interactions, au prisme de la commande publique, aux échelles r... -
11:30
Searching for Data: Nature and Flow of Information Underlying Urban Wild Boar Management Policies. Bordeaux (France) as a Case Study
sur CybergeoNature in the city harbours a wide range of biodiversity. While some species are welcomed, others have settled in uninvited. This is the case with wild boar. The challenge of managing large urban wildlife is not only ecological but also cultural, political, and ethical. This study, driven by the general uncertainty surrounding the socio-ecological issues of coexistence with urban wild boar and potential solutions, explores and discusses the nature and flow of information underlying the specie’s management policies. Our approach is based on a field survey conducted in Bordeaux Metropolis, aimed at tracking the shared information between local stakeholders. The objectives are twofold: i) to gather and analyse existing data on urban wild boar, the problems generated by their presence in the city, and the management systems; ii) to model information flows between social groups facing the challenges of coexistence with wild boar or involved in their management. The study points to a lack...
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11:30
Les micropolluants émergents dans les eaux littorales : représentations et enjeux de gestion d’un problème complexe. Le cas du Pays basque français
sur CybergeoLa qualité de l’eau du littoral basque français est un enjeu crucial pour les gestionnaires locaux. Parmi les dégradations qu’elle subit, les micropolluants représentent un défi majeur. Ces substances chimiques, aussi appelées polluants émergents, peuvent nuire à la santé humaine et à l’environnement malgré leur présence en faibles concentrations. Leur gestion est complexe en raison de leur diversité, de leurs origines multiples, d’une absence massive de réglementation et de la nécessité d’une approche globale et multi-niveaux pour réduire leur impact, ce qui en fait un "problème épineux". Cet article a pour objectif d’appréhender les dynamiques et les défis de la gestion de ces polluants en portant la focale sur les acteurs locaux et leurs représentations du problème. La gestion de l’eau implique divers acteurs publics et privés, chacun ayant des intérêts et des responsabilités variés. Pour cette étude, 65 acteurs ont été interrogés sur leurs visions de la situation locale et de la...
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11:30
Digues et “nature”. Résultats d’une enquête sur la perception des digues et de leur évolution en France au XXIe siècle
sur CybergeoLe paradigme classique de la gestion des digues est centré sur la défense contre les eaux. Souhaitant proposer une vision multifonctionnelle et durable de ces ouvrages, nous avons retenu sept tronçons de digues maritimes et fluviales en France. Nous présentons ici une enquête menée auprès de 828 riverains et usagers de digues pour analyser leur perception et représentations. Si la fonction défensive de ces ouvrages demeure bien connue, la perception des digues urbaines et rurales diverge en matière de connaissance des digues et de liens entre digues et nature. Les enquêtés mettent en avant la naturalité des digues – objet pourtant artificiel. Cinq scénarios d’évolution des digues à l’avenir ont été proposés aux enquêtés : renforcer les digues, les ouvrir/abaisser, les végétaliser davantage, les aménager davantage, ou ne rien y changer. Le scénario le plus souhaité est celui d’un maintien à l’identique et le moins refusé, celui de la végétalisation des digues ; le renforcement des di...
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11:30
Nepthys Zwer, 2024, Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte, Paris, La découverte, 216 p.
sur CybergeoAvec pour ambition d’inscrire son ouvrage Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte (2024) au sein de la quatrième vague féministe (Dagorn, 2011), Nepthys Zwer propose de déconstruire les discours spatiaux genrés. Richement illustré par les photographies et cartes de l’autrice ou des acteur.rice.s rencontré.e.s, l’ouvrage selon Zwer n’est pas à classer avec les manuels d’épistémologie et de concepts géographiques. Nourri par les théories féministes, il offre aux géographes spécialistes du genre un état des lieux autour des pratiques spatiales genrées, tandis que d’autres y trouveront une première entrée pour comprendre les racines des comportements sexués et des usages différenciés de l’espace.
À travers les ateliers animés par l’autrice et la méthode de la contre-cartographie ("contre-carte", Peluso, 1995), Zwer mobilise plusieurs cas d’études en milieu urbain, en France et à l’étranger. Le choix de cette méthode permet de rendre compte d’espaces et/ou de phénomènes absents d...
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10:30
« J’te parle du Nord ! » réflexions sur un processus de contre-cartographie collaborative
sur MappemondeCet article revient, a posteriori, sur le processus de cartographie avec cinq jeunes nord-montréalais. Le choix de travailler ensemble autour de cartes était tout autant animé par la volonté de mieux comprendre les perceptions, récits et pratiques du quartier, que par celle d’établir une démarche collaborative autour de la cartographie permettant aux jeunes impliqués de collecter et produire leurs propres narrations et visuels sur les espaces qu’ils fréquentent et habitent via la collecte de clichés sur Instagram et de marche commentée. Cet article a pour ambition, dans une démarche réflexive, d’interroger la conception et la réception des cartes produites pour comprendre où la collaboration se situe dans le processus cartographique ? L’article présente d’abord le projet de recherche et son contexte, puis revient sur la notion de cartographie collaborative et sur les étapes de la carte jusqu’à diffusion de « J’te parle du Nord ! » en 2021. Enfin, l’article évoque les limites en inte...
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10:30
Être jeunes au bon endroit ? Cartographie critique des espaces négatifs pour les jeunes à Saint-Léonard (Montréal)
sur MappemondeLe changement socio-démographique majeur caractérisant l’arrondissement de Saint-Léonard (Canada) affecte la relation des jeunes issus de l’immigration à l’espace public. À partir d’observations, de groupes de discussion par photovoix et d’entretiens semi-dirigés, nous avançons que les espaces publics dédiés aux jeunes sont limités et limitants. Nous proposons une cartographie critique des espaces dits négatifs du quartier afin d’informer et d’influencer la planification des espaces publics.
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10:30
Introduction à la section thématique « Cartographies critiques de jeunesses urbaines : pratiques transgressives et appropriation des espaces publics »
sur MappemondeCette section thématique rassemble des articles issus des travaux du réseau TRYSPACES, un partenariat de recherche formé de chercheur·e·s et d’étudiant·e·s de différentes disciplines, d’artistes multimédias, d’intervenant·e·s jeunesse, de professionnels de la ville et de jeunes des villes de Mexico, Montréal, Paris et Hanoï. TRYSPACES a développé des études de cas dans ces quatre villes pour comparer la façon dont les adolescent·e·s et les jeunes adultes utilisent et s’approprient les espaces publics, tant physiques que virtuels, afin de comprendre comment cela contribue à la constitution de leurs identités et leur permet d’exprimer leur vision du monde et de se tailler une place dans ce monde de plus en plus urbain et interconnecté. L’accent mis par TRYSPACES sur les pratiques transgressives d’appropriation spatiale des jeunes vise à comprendre les conséquences de ces pratiques sur la transformation et la régulation des espaces publics et sur la gouvernance urbaine. Ce partenariat ...
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10:30
Les nouvelles passerelles parisiennes. Hétérotopie, imaginaire, ciné-tourisme
sur MappemondeParis possède une notoriété internationale pour ses ponts (pont Bir Hakeim, pont de l’Alma, pont Neuf, pont Alexandre III, pont des Arts) et pour ses passerelles (Debilly, Sédar Senghor), qui enjambent la Seine (figure 1). Les passerelles du canal Saint-Martin (Riva, Arletty, Casarès), récemment renommées par de nouveaux odonymes, sont également très visitées.
Figure 1. Carte de localisation
Certaines passerelles parisiennes sont symboliques, en raison de l’histoire de leurs dénominations successives (pont de Solférino, devenu passerelle Léopold Sédar Senghor), ou comme décors de films. Pour ces raisons, plusieurs d’entre elles constituent des lieux touristiques, internationalement reconnus, fondement d’un ciné-tourisme (Lizotte, Grenier, 2011) : passerelles du canal Saint-Martin dans l’Est parisien, passerelle Debilly qui relie le XVe au XVIe arrondissement.
Tout au long de l’année, des animations, des performances artistiques s’y déroulent (passerelle Senghor, pont des Arts). Elles r...
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10:30
Le Projet Joshua, la cartographie au service de l’évangélisation de la planète
sur MappemondeLe Projet Joshua est une initiative de recherche visant à recenser les groupes ethniques du monde afin d’identifier ceux qui comptent le moins de disciples du Christ. Il compte 17 429 « Groupes de peuples », dont 7 417 « Groupes non atteints » (42,6 %), qui totalisent 3,37 milliards d’habitants (42,5 % de la population mondiale) et élabore des bases de données (librement téléchargeables) à utiliser par les agences missionnaires pour y accélérer la progression de l’Évangile. Il est paradoxal en ce qu’il met des techniques géomatiques irréprochables au service d’un projet d’évangélisation dont les racines sont pour le moins anciennes.
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10:30
Atlas de la grotte Chauvet, ou Monographie de la grotte Chauvet-Pont d’Arc
sur MappemondeLe poids du savoirNous pourrions être surpris par cet ouvrage colossal, publié en octobre 2020 aux Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme à l’issue de 6 ans de travail. Pesant cinq kilos et demi, doté de 400 pages au format 34 cm x 48 cm, avec 105 cartes et 600 illustrations, le livre nous affirme dès sa couverture qu’il n’est que le premier volume d’une longue aventure éditoriale. Sa lecture sollicite une certaine logistique : quel fauteuil, quelle table ou bureau choisir pour s’y plonger sereinement ?
Heureusement, cet ouvrage imposant, qui nous maintient comme à distance, est doublé d’une édition électronique de grande qualité et gratuite : [https:]] . À l’usage apparaîtra un paradoxe : s’il est plus confortable de démarrer la lecture de cette monographie sur écran, le retour au livre s’impose vite, car nous en avons une meilleure vue d’ensemble ; preuve que le design et l’ergonomie de l’édition web ne sont pas encore aboutis quand on ab...
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10:30
Cartographie des territorialités de jeunes Autochtones de Montréal/Tiohtà:ke : appropriation spatiale et transgression de l’ordre colonial
sur MappemondeCet article présente un processus de cartographie participative qui cherche à visibiliser les territorialités de jeunes Autochtones de Montréal/Tiohtà:ke. Ce projet de recherche se veut une réponse critique à la colonialité des espaces urbains, de la ville de Montréal en particulier. Ce processus a impliqué 18 jeunes de différentes nations autochtones vivant à Montréal. La cartographie a d’abord été utilisée par les cochercheur·euse·s pour exprimer individuellement leurs territorialités, puis afin de rassembler leurs récits en un récit collectif, qui a permis une appropriation de la ville.
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10:30
Réparer la ville après le passage de la COVID. Cartographie comparative et collaborative à Mexico et ailleurs
sur MappemondeÀ partir d’une représentation cartographique collaborative des expériences vécues durant la pandémie de COVID-19 à Mexico, Hanoï, Montréal et Paris, ainsi que de deux ateliers de cartographie collaborative menés auprès de groupes de femmes vivant à Mexico, cet article analyse la puissance que revêt le langage cartographique pour transcender les différences de langues, de disciplines, de positionnalités et de cultures. Il démontre l’importance de la cartographie dans un processus de comparaison à l’échelle mondiale. Les cartes analysent les stratégies que les gens ont imaginées pour composer avec les bouleversements de leur vie au moyen de gestes de réparation qui, même microscopiques, ont fait émerger une ville bienveillante.
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10:30
Enfrichement des côtes rocheuses : analyse de la dynamique du paysage et de la végétation
sur MappemondeCette étude porte sur deux secteurs littoraux enfrichés de la commune de Moëlan-sur-Mer soumis à un projet de remise en culture. Il s’agit ici d’interroger l’hétérogénéité paysagère et la diversité spécifique de ces espaces enfrichés. L’analyse des dynamiques d’ouverture et de fermeture du paysage depuis les années 1950 montre une pluralité de rythmes et de trajectoires selon les zones, l’action humaine et les contraintes écologiques. Les résultats font ressortir une diversité des formes végétales et des trajectoires, remettant en cause une uniformisation du paysage des friches littorales.
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10:30
Geodatadays 2023
sur MappemondeLes GéoDataDays constituent un évènement national indépendant dédié à la géographie numérique en France. Ces rencontres annuelles sont organisées par l’AFIGÉO et DécryptaGéo depuis cinq ans, en partenariat avec une plateforme régionale d’information géographique et des collectivités territoriales. Au cœur de cet évènement, le Groupement de recherche CNRS MAGIS, consacré à la géomatique, co-organise depuis quatre ans un concours, les CHALLENGES GEODATA, qui vise à faire connaître et à récompenser les innovations du monde académique par un jury indépendant et multipartite (recherche, collectivités et services de l’État, industriels). Les domaines d’application sont très variés et touchent à la collecte, au traitement, à l’analyse et à la visualisation de données géographiques (ou géolocalisées). Les six critères retenus par le jury permettent de comparer et d’évaluer ces propositions souvent hétérogènes : originalité, public ciblé, potentiel de dissémination, qualité et justesse des m...
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7:00
Pour lutter contre la désinformation, il faut reconstruire du social
sur Dans les algorithmesL’Institut Nicod publie un court et très stimulant rapport sur la désinformation signé Grégoire Darcy. Non seulement celui-ci débogue la simplicité des réponses cognitives que les politiques publiques ont tendance à proposer, mais surtout, repolitise la question.
Le rapport rappelle que la désinformation n’est pas seulement un problème d’irrationnalité et de crédulité. Il invite à sortir de l’approche réactive qui se concentre sur les symptômes et qui se focalise bien trop sur les modalités de diffusion oubliant les mécanismes affectifs et sociaux qui expliquent l’adhésion aux récits trompeurs. La lutte contre la désinformation repose sur une vision simpliste de la psychologie humaine : « la désinformation répond à des besoins sociaux, émotionnels et identitaires plus qu’à de simples déficits de rationalité. Ainsi, corriger les erreurs factuelles ne suffit pas : il faut s’attaquer aux conditions qui rendent ces récits socialement fonctionnels. » La désinformation n’est que le symptôme de la dégradation globale de l’écosystème informationnel. « Les vulnérabilités face à la désinformation ne tiennent pas qu’aux dispositions individuelles, mais s’ancrent dans des environnements sociaux, économiques et médiatiques spécifiques : isolement social, précarité, homogamie idéologique et défiance institutionnelle sont des facteurs clés expliquant l’adhésion, bien au-delà des seuls algorithmes ou biais cognitifs ».
“Tant que les politiques publiques se contenteront de réponses réactives, centrées sur les symptômes visibles et ignorantes des dynamiques cognitives, sociales et structurelles à l’œuvre, elles risquent surtout d’aggraver ce qu’elles prétendent corriger. En cause : un modèle implicite, souvent naïf, de la psychologie humaine – un schéma linéaire et individualisant, qui réduit l’adhésion aux contenus trompeurs à un simple déficit d’information ou de rationalité. Ce cadre conduit à des politiques fragmentées, peu efficaces, parfois même contre-productive.”
Les réponses les plus efficientes à la désinformation passent par une transformation structurelle de l’écosystème informationnel, que seule l’action publique peut permettre, en orchestrant à la fois la régulation algorithmique et le renforcement des médias fiables. La réduction des vulnérabilités sociales, économiques et institutionnelles constitue l’approche la plus structurante pour lutter contre la désinformation, en s’attaquant aux facteurs qui nourrissent la réceptivité aux contenus trompeurs – précarité, marginalisation, polarisation et défiance envers les institutions. Parmi les mesures que pointe le rapport, celui-ci invite à une régulation forte des réseaux sociaux permettant de « restituer la maîtrise du fil par une transparence algorithmique accrue et une possibilité de maîtriser » les contenus auxquels les gens accèdent : « rendre visibles les critères de recommandation et proposer par défaut un fil chronologique permettrait de réduire les manipulations attentionnelles sans recourir à la censure ». Le rapport recommande également « d’assurer un financement stable pour garantir l’indépendance des médias et du service public d’information ». Il recommande également de renforcer la protection sociale et les politiques sociales pour renforcer la stabilité propice à l’analyse critique. D’investir dans le développement d’espace de sociabilité et de favoriser une circulation apaisée de l’information en renforçant l’intégrité publique.
Un rapport stimulant, qui prend à rebours nos présupposés et qui nous dit que pour lutter contre la désinformation, il faut lutter pour rétablir une société juste.
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11:56
Thèses à la une
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatiqueLe prix de thèse du GDR CNRS MAGIS a pour vocation de distinguer, chaque année, une thèse soutenue l’année précédente en lien avec le domaine de la géomatique pour la qualité et son impact scientifique. La qualité des travaux et de leur présentation sont primés, qu’il s’agisse de recherche fondamentale, méthodologique ou de recherche plus appliquée. Le jury est composé des membres du bureau du GDR MAGIS qui évaluent les soumissions et décident de l’attribution de deux prix, notamment attribués par Esri France. Cette année, ont été distinguées : Iris De Gélis (Université Bretagne Sud) pour sa thèse intitulée « Apprentissage profond pour la détection de changements dans des nuages de points 3D » et Suzanne Catteau (Université de Bordeaux Montaigne) pour sa thèse. «Bulles de dialogue et cellules raster : spatialiser les fonctions et le fonctionnement des zones humides par SIG dans le bassin Rhône-Méditerranée Corse».
+ d'infos :
gdr-magis.cnrs.fr
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19:17
Plus de 70 villes !
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatique70 est le nombre de capitales déplacées depuis le début du XIXe siècle. Loin d’être anecdotique, le sujet reflète bien les instabilités géopolitiques, démographiques ou encore climatiques que traverse notre monde. L’un des derniers exemples est Nusantara, devenue en août dernier après 2,5 ans de travaux, la nouvelle ville phare d’Indonésie. Elle remplace l’engorgée et polluée métropole de Jakarta qui s’enfonce dans la mer d’environ 25 cm chaque année !
Villes incarnant la puissance des nations, les capitales sont loin d’être éternelles affirment dans « L’Atlas historique des capitales déplacées » (éditions Autrement) ses auteurs Frank Tétart et Pierre-Alexandre Mounier. Cet ouvrage illustré par des cartes de Gaëlle Sutton synthétise ces déménagements en nombre, puisqu’ils ont concerné plus d’un tiers des États du Monde !
Il y a des transferts radicalement simples tels que ceux de Kyoto à Tokyo et de Rio à Brasilia, des plus hasardeux comme le futur glissement du coeur du Caire vers une nouvelle banlieue et des choix historiquement complexes comme l’avènement de Washington. Tout cela se dévore dans cette publication qui regorge de délicieuses pépites pour briller en soirée !
+ d'infos :
autrement.com
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6:55
La santé au prisme de son abandon
sur Dans les algorithmesDans AOC, le philosophe Alexandre Monnin, auteur de Politiser le renoncement (Divergences, 2023) explique que “derrière les discours d’efficience, d’autonomie et de prévention, un glissement insidieux s’opère : celui d’une médecine qui renonce à soigner”. Le soin est en train de devenir conditionnel, réservé aux existences jugées “optimisables”. La stratégie de non-soin, n’est pas que la conséquence des restrictions budgétaires ou de la désorganisation du secteur, mais une orientation active, un projet politique. Comme c’est le cas au travers du programme américain MAHA (Make America Healthy Again), dont l’ambien n’est plus de soigner, mais d’éviter les coûts liés au soin, ou la loi sur le droit à mourir récemment adoptée en France, dénoncée par les collectifs antivalidistes comme une manière d’acter l’impossibilité de vivre avec certains handicaps ou maladies chroniques. “Ce tournant ne se donne pas toujours pour ce qu’il est. Il s’abrite derrière les mots d’efficacité, d’autonomie, de prévention, voire de soutenabilité. Il s’appuie sur des cadres comme le paradigme One Health, censé penser la santé de manière systémique à l’échelle des écosystèmes mais qui, en pratique, contribue à diluer les responsabilités et à rendre invisibles les enjeux de justice sociale.” Nous entrons dans une médicalisation sans soins, où l’analyse de santé se détache de toute thérapeutique.
Pour Derek Beres de Conspirituality, nous entrons dans une ère de “soft eugenics”, d’eugénisme doux. Le self-care propose désormais à chacun de mesurer sa santé pour en reprendre le contrôle, dans une forme de “diagnostics sans soins”, qui converge avec les vues antivax de Robert Kennedy Jr, le ministre de la Santé américain, critiquant à la fois la surmédicalisation et la montée des maladies chroniques renvoyées à des comportements individuels. En mettant l’accent sur la prévention et la modification des modes de vies, cet abandon de la santé renvoie les citoyens vers leurs responsabilités et la santé publique vers des solutions privées, en laissant sur le carreau les populations vulnérables. Cette médecine du non-soin s’appuie massivement sur des dispositifs technologiques sophistiqués proches du quantified self, “vidée de toute relation clinique”. “Ces technologies alimentent des systèmes d’optimisation où l’important n’est plus la guérison, mais la conformité aux normes biologiques ou comportementales. Dans ce contexte, le patient devient un profil de risque, non plus un sujet à accompagner. La plateformisation du soin réorganise en profondeur les régimes d’accès à la santé. La médecine n’est alors plus un service public mais une logistique de gestion différenciée des existences.”
C’est le cas du paradigme One Health, qui vise à remplacer le soin par une idéalisation holistique de la santé, comme un état d’équilibre à maintenir, où l’immunité naturelle affaiblit les distinctions entre pathogène et environnement et favorise une démission institutionnelle. “Face aux dégradations écologiques, le réflexe n’est plus de renforcer les capacités collectives de soin. Il s’agit désormais de retrouver une forme de pureté corporelle ou environnementale perdue. Cette quête se traduit par l’apologie du jeûne, du contact avec les microbes, de la « vitalité » naturelle – et la dénonciation des traitements, des masques, des vaccins comme autant d’artefacts « toxiques ». Elle entretient une confusion entre médecine industrielle et médecine publique, et reformule le soin comme une purification individuelle. Là encore, le paradigme du non-soin prospère non pas en contradiction avec l’écologie, mais bien davantage au nom d’une écologie mal pensée, orientée vers le refus de l’artifice plutôt que vers l’organisation solidaire de la soutenabilité.” “L’appel à « ne pas tomber malade » devient un substitut direct au droit au soin – voire une norme visant la purification des plus méritants dans un monde saturé de toxicités (et de modernité).”
“Dans ce monde du non-soin, l’abandon n’est ni un effet secondaire ni une faute mais un principe actif de gestion.” Les populations vulnérables sont exclues de la prise en charge. Sous forme de scores de risques, le tri sanitaire technicisé s’infiltre partout, pour distinguer les populations et mettre de côté ceux qui ne peuvent être soignés. “La santé publique cesse d’être pensée comme un bien commun, et devient une performance individuelle, mesurée, scorée, marchandée. La médecine elle-même, soumise à l’austérité, finit par abandonner ses missions fondamentales : observer, diagnostiquer, soigner. Elle se contente de prévenir – et encore, seulement pour ceux qu’on juge capables – et/ou suffisamment méritants.” Pour Monnin, cet accent mis sur la prévention pourrait être louable si elle ne se retournait pas contre les malades : “Ce n’est plus la santé publique qui se renforce mais une responsabilité individualisée du « bien se porter » qui légitime l’abandon de celles et ceux qui ne peuvent s’y conformer. La prévention devient une rhétorique de la culpabilité, où le soin est indexé sur la conformité à un mode de vie puissamment normé”.
Pour le philosophe, le risque est que le soin devienne une option, un privilège.
Le problème est que ces nouvelles politiques avancent sous le masque de l’innovation et de la prévention, alors qu’elles ne parlent que de responsabilité individuelle, au risque de faire advenir un monde sans soin qui refuse d’intervenir sur les milieux de vies, qui refuse les infrastructures collectives, qui renvoie chacun à l’auto-surveillance “sans jamais reconstruire les conditions collectives du soin ni reconnaître l’inégale capacité des individus à le faire”. Un monde où ”la surveillance remplace l’attention, la donnée remplace la relation, le test remplace le soin”. Derrière le tri, se profile “une santé sans soin, une médecine sans clinique – une écologie sans solidarité”.
“L’État ne disparaît pas : il prescrit, organise, finance, externalise. Il se fait plateforme, courtier de services, émetteur d’appels à projets. En matière de santé, cela signifie le financement de dispositifs de prévention algorithmique, l’encouragement de solutions « innovantes » portées par des start-ups, ou encore le remboursement indirect de produits encore non éprouvés. Ce nouveau régime n’est pas une absence de soin, c’est une délégation programmée du soin à des acteurs dont l’objectif premier n’est pas le soin mais la rentabilité. L’État ne s’efface pas en totalité : il administre la privatisation du soin.”
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Laisser passer
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatiqueSituée au sud du canton suisse de Valais, Zermatt est une station de montagne réputée pour le ski, l’alpinisme et la randonnée. La commune se trouve à une altitude d’environ 1.600 mètres, au pied de l’emblématique mont Cervin. Zermatt est aussi connue pour son engagement en faveur de la mobilité durable : seuls les véhicules autorisés peuvent franchir les barrières de Täsch, à 5 km en aval. Depuis quelques mois, il est nécessaire d’utiliser une application « Strasse NG13 Zermatt » développée par INSER en collaboration avec la Canton du Valais, la police cantonale valaisanne et la commune de Zermatt. Elle permet aux habitants, professionnels et visiteurs autorisés de faire une demande d’autorisation en quelques clics et suivre le statut de leur demande. À terme, l’application générera un QRcode à présenter lors du contrôle. La Webapp fonctionne avec une authentification sécurisée via le système fédéral d’identité. Présentant une interface intuitive, la solution permet de proposer une alternative au guichet physique de la police.
+ d'infos :
urls.fr/OQ1h_D
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IA et éducation (2/2) : du dilemme moral au malaise social
sur Dans les algorithmesSuite de notre dossier sur IA et éducation (voir la première partie).
La bataille éducative est-elle perdue ?Une grande enquête de 404 media montre qu’à l’arrivée de ChatGPT, les écoles publiques américaines étaient totalement démunies face à l’adoption généralisée de ChatGPT par les élèves. Le problème est d’ailleurs loin d’être résolu. Le New York Mag a récemment publié un article qui se désole de la triche généralisée qu’ont introduit les IA génératives à l’école. De partout, les élèves utilisent les chatbots pour prendre des notes pendant les cours, pour concevoir des tests, résumer des livres ou des articles, planifier et rédiger leurs essais, résoudre les exercices qui leurs sont demandés. Le plafond de la triche a été pulvérisé, explique un étudiant. “Un nombre considérable d’étudiants sortiront diplômés de l’université et entreront sur le marché du travail en étant essentiellement analphabètes”, se désole un professeur qui constate le court-circuitage du processus même d’apprentissage. La triche semblait pourtant déjà avoir atteint son apogée, avant l’arrivée de ChatGPT, notamment avec les plateformes d’aides au devoir en ligne comme Chegg et Course Hero. “Pour 15,95 $ par mois, Chegg promettait des réponses à toutes les questions de devoirs en seulement 30 minutes, 24h/24 et 7j/7, grâce aux 150 000 experts diplômés de l’enseignement supérieur qu’elle employait, principalement en Inde”.
Chaque école a proposé sa politique face à ces nouveaux outils, certains prônant l’interdiction, d’autres non. Depuis, les politiques se sont plus souvent assouplies, qu’endurcies. Nombre de profs autorisent l’IA, à condition de la citer, ou ne l’autorisent que pour aide conceptuelle et en demandant aux élèves de détailler la manière dont ils l’ont utilisé. Mais cela ne dessine pas nécessairement de limites claires à leurs usages. L’article souligne que si les professeurs se croient doués pour détecter les écrits générés par l’IA, des études ont démontré qu’ils ne le sont pas. L’une d’elles, publiée en juin 2024, utilisait de faux profils d’étudiants pour glisser des travaux entièrement générés par l’IA dans les piles de correction des professeurs d’une université britannique. Les professeurs n’ont pas signalé 97 % des essais génératifs. En fait, souligne l’article, les professeurs ont plutôt abandonné l’idée de pouvoir détecter le fait que les devoirs soient rédigés par des IA. “De nombreux enseignants semblent désormais désespérés”. “Ce n’est pas ce pour quoi nous nous sommes engagés”, explique l’un d’entre eux. La prise de contrôle de l’enseignement par l’IA tient d’une crise existentielle de l’éducation. Désormais, les élèves ne tentent même plus de se battre contre eux-mêmes. Ils se replient sur la facilité. “Toute tentative de responsabilisation reste vaine”, constatent les professeurs.
L’IA a mis à jour les défaillances du système éducatif. Bien sûr, l’idéal de l’université et de l’école comme lieu de développement intellectuel, où les étudiants abordent des idées profondes a disparu depuis longtemps. La perspective que les IA des professeurs évaluent désormais les travaux produits par les IA des élèves, finit de réduire l’absurdité de la situation, en laissant chacun sans plus rien à apprendre. Plusieurs études (comme celle de chercheurs de Microsoft) ont établi un lien entre l’utilisation de l’IA et une détérioration de l’esprit critique. Pour le psychologue, Robert Sternberg, l’IA générative compromet déjà la créativité et l’intelligence. “La bataille est perdue”, se désole un autre professeur.
Reste à savoir si l’usage “raisonnable” de l’IA est possible. Dans une longue enquête pour le New Yorker, le journaliste Hua Hsu constate que tous les étudiants qu’il a interrogé pour comprendre leur usage de l’IA ont commencé par l’utiliser pour se donner des idées, en promettant de veiller à un usage responsable et ont très vite basculé vers des usages peu modérés, au détriment de leur réflexion. L’utilisation judicieuse de l’IA ne tient pas longtemps. Dans un rapport sur l’usage de Claude par des étudiants, Anthropic a montré que la moitié des interactions des étudiants avec son outil serait extractive, c’est-à-dire servent à produire des contenus. 404 media est allé discuter avec les participants de groupes de soutien en ligne de gens qui se déclarent comme “dépendants à l’IA”. Rien n’est plus simple que de devenir accro à un chatbot, confient des utilisateurs de tout âge. OpenAI en est conscient, comme le pointait une étude du MIT sur les utilisateurs les plus assidus, sans proposer pourtant de remèdes.
Comment apprendre aux enfants à faire des choses difficiles ? Le journaliste Clay Shirky, devenu responsable de l’IA en éducation à la New York University, dans le Chronicle of Higher Education, s’interroge : l’IA améliore-t-elle l’éducation ou la remplace-t-elle ? “Chaque année, environ 15 millions d’étudiants de premier cycle aux États-Unis produisent des travaux et des examens de plusieurs milliards de mots. Si le résultat d’un cours est constitué de travaux d’étudiants (travaux, examens, projets de recherche, etc.), le produit de ce cours est l’expérience étudiante”. Un devoir n’a de valeur que ”pour stimuler l’effort et la réflexion de l’élève”. “L’utilité des devoirs écrits repose sur deux hypothèses : la première est que pour écrire sur un sujet, l’élève doit comprendre le sujet et organiser ses pensées. La seconde est que noter les écrits d’un élève revient à évaluer l’effort et la réflexion qui y ont été consacrés”. Avec l’IA générative, la logique de cette proposition, qui semblait pourtant à jamais inébranlable, s’est complètement effondrée.
Pour Shirky, il ne fait pas de doute que l’IA générative peut être utile à l’apprentissage. “Ces outils sont efficaces pour expliquer des concepts complexes, proposer des quiz pratiques, des guides d’étude, etc. Les étudiants peuvent rédiger un devoir et demander des commentaires, voir à quoi ressemble une réécriture à différents niveaux de lecture, ou encore demander un résumé pour vérifier la clarté”… “Mais le fait que l’IA puisse aider les étudiants à apprendre ne garantit pas qu’elle le fera”. Pour le grand théoricien de l’éducation, Herbert Simon, “l’enseignant ne peut faire progresser l’apprentissage qu’en incitant l’étudiant à apprendre”. “Face à l’IA générative dans nos salles de classe, la réponse évidente est d’inciter les étudiants à adopter les utilisations utiles de l’IA tout en les persuadant d’éviter les utilisations néfastes. Notre problème est que nous ne savons pas comment y parvenir”, souligne pertinemment Shirky. Pour lui aussi, aujourd’hui, les professeurs sont en passe d’abandonner. Mettre l’accent sur le lien entre effort et apprentissage ne fonctionne pas, se désole-t-il. Les étudiants eux aussi sont déboussolés et finissent par se demander où l’utilisation de l’IA les mène. Shirky fait son mea culpa. L’utilisation engagée de l’IA conduit à son utilisation paresseuse. Nous ne savons pas composer avec les difficultés. Mais c’était déjà le cas avant ChatGPT. Les étudiants déclarent régulièrement apprendre davantage grâce à des cours magistraux bien présentés qu’avec un apprentissage plus actif, alors que de nombreuses études démontrent l’inverse. “Un outil qui améliore le rendement mais dégrade l’expérience est un mauvais compromis”.
C’est le sens même de l’éducation qui est en train d’être perdu. Le New York Times revenait récemment sur le fait que certaines écoles interdisent aux élèves d’utiliser ces outils, alors que les professeurs, eux, les surutilisent. Selon une étude auprès de 1800 enseignants de l’enseignement supérieur, 18 % déclaraient utiliser fréquemment ces outils pour faire leur cours, l’année dernière – un chiffre qui aurait doublé depuis. Les étudiants ne lisent plus ce qu’ils écrivent et les professeurs non plus. Si les profs sont prompts à critiquer l’usage de l’IA par leurs élèves, nombre d’entre eux l’apprécient pour eux-mêmes, remarque un autre article du New York Times. A PhotoMath ou Google Lens qui viennent aider les élèves, répondent MagicSchool et Brisk Teaching qui proposent déjà des produits d’IA qui fournissent un retour instantané sur les écrits des élèves. L’Etat du Texas a signé un contrat de 5 ans avec l’entreprise Cambium Assessment pour fournir aux professeurs un outil de notation automatisée des écrits des élèves.
Pour Jason Koebler de 404 media : “la société dans son ensemble n’a pas très bien résisté à l’IA générative, car les grandes entreprises technologiques s’obstinent à nous l’imposer. Il est donc très difficile pour un système scolaire public sous-financé de contrôler son utilisation”. Pourtant, peu après le lancement public de ChatGPT, certains districts scolaires locaux et d’État ont fait appel à des consultants pro-IA pour produire des formations et des présentations “encourageant largement les enseignants à utiliser l’IA générative en classe”, mais “aucun n’anticipait des situations aussi extrêmes que celles décrites dans l’article du New York Mag, ni aussi problématiques que celles que j’ai entendues de mes amis enseignants, qui affirment que certains élèves désormais sont totalement dépendants de ChatGPT”. Les documents rassemblés par 404media montrent surtout que les services d’éducation américains ont tardé à réagir et à proposer des perspectives aux enseignants sur le terrain.
Dans un autre article de 404 media, Koebler a demandé à des professeurs américains d’expliquer ce que l’IA a changé à leur travail. Les innombrables témoignages recueillis montrent que les professeurs ne sont pas restés les bras ballants, même s’ils se sentent très dépourvus face à l’intrusion d’une technologie qu’ils n’ont pas voulu. Tous expliquent qu’ils passent des heures à corriger des devoirs que les élèves mettent quelques secondes à produire. Tous dressent un constat similaire fait d’incohérences, de confusions, de démoralisations, entre préoccupations et exaspérations. Quelles limites mettre en place ? Comment s’assurer qu’elles soient respectées ? “Je ne veux pas que les étudiants qui n’utilisent pas de LLM soient désavantagés. Et je ne veux pas donner de bonnes notes à des étudiants qui ne font pratiquement rien”, témoigne un prof. Beaucoup ont désormais recours à l’écriture en classe, au papier. Quelques-uns disent qu’ils sont passés de la curiosité au rejet catégorique de ces outils. Beaucoup pointent que leur métier est plus difficile que jamais. “ChatGPT n’est pas un problème isolé. C’est le symptôme d’un paradigme culturel totalitaire où la consommation passive et la régurgitation de contenu deviennent le statu quo.”
L’IA place la déqualification au coeur de l’apprentissageNicholas Carr, qui vient de faire paraître Superbloom : How Technologies of Connection Tear Us Apart (Norton, 2025, non traduit) rappelle dans sa newsletter que “la véritable menace que représente l’IA pour l’éducation n’est pas qu’elle encourage la triche, mais qu’elle décourage l’apprentissage”. Pour Carr, lorsque les gens utilisent une machine pour réaliser une tâche, soit leurs compétences augmentent, soit elles s’atrophient, soit elles ne se développent jamais. C’est la piste qu’il avait d’ailleurs exploré dans Remplacer l’humain (L’échapée, 2017, traduction de The Glass Cage) en montrant comment les logiciels transforment concrètement les métiers, des architectes aux pilotes d’avions). “Si un travailleur maîtrise déjà l’activité à automatiser, la machine peut l’aider à développer ses compétences” et relever des défis plus complexes. Dans les mains d’un mathématicien, une calculatrice devient un “amplificateur d’intelligence”. A l’inverse, si le maintien d’une compétence exige une pratique fréquente, combinant dextérité manuelle et mentale, alors l’automatisation peut menacer le talent même de l’expert. C’est le cas des pilotes d’avion confrontés aux systèmes de pilotage automatique qui connaissent un “affaissement des compétences” face aux situations difficiles. Mais l’automatisation est plus pernicieuse encore lorsqu’une machine prend les commandes d’une tâche avant que la personne qui l’utilise n’ait acquis l’expérience de la tâche en question. “C’est l’histoire du phénomène de « déqualification » du début de la révolution industrielle. Les artisans qualifiés ont été remplacés par des opérateurs de machines non qualifiés. Le travail s’est accéléré, mais la seule compétence acquise par ces opérateurs était celle de faire fonctionner la machine, ce qui, dans la plupart des cas, n’était quasiment pas une compétence. Supprimez la machine, et le travail s’arrête”.
Bien évidemment que les élèves qui utilisent des chatbots pour faire leurs devoirs font moins d’effort mental que ceux qui ne les utilisent pas, comme le pointait une très épaisse étude du MIT (synthétisée par Le Grand Continent), tout comme ceux qui utilisent une calculatrice plutôt que le calcul mental vont moins se souvenir des opérations qu’ils ont effectuées. Mais le problème est surtout que ceux qui les utilisent sont moins méfiants de leurs résultats (comme le pointait l’étude des chercheurs de Microsoft), alors que contrairement à ceux d’une calculatrice, ils sont beaucoup moins fiables. Le problème de l’usage des LLM à l’école, c’est à la fois qu’il empêche d’apprendre à faire, mais plus encore que leur usage nécessite des compétences pour les évaluer.
L’IA générative étant une technologie polyvalente permettant d’automatiser toutes sortes de tâches et d’emplois, nous verrons probablement de nombreux exemples de chacun des trois scénarios de compétences dans les années à venir, estime Carr. Mais l’utilisation de l’IA par les lycéens et les étudiants pour réaliser des travaux écrits, pour faciliter ou éviter le travail de lecture et d’écriture, constitue un cas particulier. “Elle place le processus de déqualification au cœur de l’éducation. Automatiser l’apprentissage revient à le subvertir”.
En éducation, plus vous effectuez de recherches, plus vous vous améliorez en recherche, et plus vous rédigez d’articles, plus vous améliorez votre rédaction. “Cependant, la valeur pédagogique d’un devoir d’écriture ne réside pas dans le produit tangible du travail – le devoir rendu à la fin du devoir. Elle réside dans le travail lui-même : la lecture critique des sources, la synthèse des preuves et des idées, la formulation d’une thèse et d’un argument, et l’expression de la pensée dans un texte cohérent. Le devoir est un indicateur que l’enseignant utilise pour évaluer la réussite du travail de l’étudiant – le travail d’apprentissage. Une fois noté et rendu à l’étudiant, le devoir peut être jeté”.
L’IA générative permet aux étudiants de produire le produit sans effectuer le travail. Le travail remis par un étudiant ne témoigne plus du travail d’apprentissage qu’il a nécessité. “Il s’y substitue ». Le travail d’apprentissage est ardu par nature : sans remise en question, l’esprit n’apprend rien. Les étudiants ont toujours cherché des raccourcis bien sûr, mais l’IA générative est différente, pas son ampleur, par sa nature. “Sa rapidité, sa simplicité d’utilisation, sa flexibilité et, surtout, sa large adoption dans la société rendent normal, voire nécessaire, l’automatisation de la lecture et de l’écriture, et l’évitement du travail d’apprentissage”. Grâce à l’IA générative, un élève médiocre peut produire un travail remarquable tout en se retrouvant en situation de faiblesse. Or, pointe très justement Carr, “la conséquence ironique de cette perte d’apprentissage est qu’elle empêche les élèves d’utiliser l’IA avec habileté. Rédiger une bonne consigne, un prompt efficace, nécessite une compréhension du sujet abordé. Le dispensateur doit connaître le contexte de la consigne. Le développement de cette compréhension est précisément ce que la dépendance à l’IA entrave”. “L’effet de déqualification de l’outil s’étend à son utilisation”. Pour Carr, “nous sommes obnubilés par la façon dont les étudiants utilisent l’IA pour tricher. Alors que ce qui devrait nous préoccuper davantage, c’est la façon dont l’IA trompe les étudiants”.
Nous sommes d’accord. Mais cette conclusion n’aide pas pour autant à avancer !
Passer du malaise moral au malaise social !Utiliser ou non l’IA semble surtout relever d’un malaise moral (qui en rappelle un autre), révélateur, comme le souligne l’obsession sur la « triche » des élèves. Mais plus qu’un dilemme moral, peut-être faut-il inverser notre regard, et le poser autrement : comme un malaise social. C’est la proposition que fait le sociologue Bilel Benbouzid dans un remarquable article pour AOC (première et seconde partie).
Pour Benbouzid, l’IA générative à l’université ébranle les fondements de « l’auctorialité », c’est-à-dire qu’elle modifie la position d’auteur et ses repères normatifs et déontologiques. Dans le monde de l’enseignement supérieur, depuis le lancement de ChatGPT, tout le monde s’interroge pour savoir que faire de ces outils, souvent dans un choix un peu binaire, entre leur autorisation et leur interdiction. Or, pointe justement Benbouzid, l’usage de l’IA a été « perçu » très tôt comme une transgression morale. Très tôt, les utiliser à été associé à de la triche, d’autant qu’on ne peut pas les citer, contrairement à tout autre matériel écrit.
Face à leur statut ambiguë, Benbouzid pose une question de fond : quelle est la nature de l’effort intellectuel légitime à fournir pour ses études ? Comment distinguer un usage « passif » de l’IA d’un usage « actif », comme l’évoquait Ethan Mollick dans la première partie de ce dossier ? Comment contrôler et s’assurer d’une utilisation active et éthique et non pas passive et moralement condamnable ?
Pour Benbouzid, il se joue une réflexion éthique sur le rapport à soi qui nécessite d’être authentique. Mais peut-on être authentique lorsqu’on se construit, interroge le sociologue, en évoquant le fait que les étudiants doivent d’abord acquérir des compétences avant de s’individualiser. Or l’outil n’est pas qu’une machine pour résumer ou copier. Pour Benbouzid, comme pour Mollick, bien employée, elle peut-être un vecteur de stimulation intellectuelle, tout en exerçant une influence diffuse mais réelle. « Face aux influences tacites des IAG, il est difficile de discerner les lignes de partage entre l’expression authentique de soi et les effets normatifs induits par la machine. » L’enjeu ici est bien celui de la capacité de persuasion de ces machines sur ceux qui les utilisent.
Pour les professeurs de philosophie et d’éthique Mark Coeckelbergh et David Gunkel, comme ils l’expliquent dans un article (qui a depuis donné lieu à un livre, Communicative AI, Polity, 2025), l’enjeu n’est pourtant plus de savoir qui est l’auteur d’un texte (même si, comme le remarque Antoine Compagnon, sans cette figure, la lecture devient indéchiffrable, puisque nul ne sait plus qui parle, ni depuis quels savoirs), mais bien plus de comprendre les effets que les textes produisent. Pourtant, ce déplacement, s’il est intéressant (et peut-être peu adapté à l’IA générative, tant les textes produits sont rarement pertinents), il ne permet pas de cadrer les usages des IA génératives qui bousculent le cadre ancien de régulation des textes académiques. Reste que l’auteur d’un texte doit toujours en répondre, rappelle Benbouzid, et c’est désormais bien plus le cas des étudiants qui utilisent l’IA que de ceux qui déploient ces systèmes d’IA. L’autonomie qu’on attend d’eux est à la fois un idéal éducatif et une obligation morale envers soi-même, permettant de développer ses propres capacités de réflexion. « L’acte d’écriture n’est pas un simple exercice technique ou une compétence instrumentale. Il devient un acte de formation éthique ». Le problème, estiment les professeurs de philosophie Timothy Aylsworth et Clinton Castro, dans un article qui s’interroge sur l’usage de ChatGPT, c’est que l’autonomie comme finalité morale de l’éducation n’est pas la même que celle qui permet à un étudiant de décider des moyens qu’il souhaite mobiliser pour atteindre son but. Pour Aylsworth et Castro, les étudiants ont donc obligation morale de ne pas utiliser ChatGPT, car écrire soi-même ses textes est essentiel à la construction de son autonomie. Pour eux, l’école doit imposer une morale de la responsabilité envers soi-même où écrire par soi-même n’est pas seulement une tâche scolaire, mais également un moyen d’assurer sa dignité morale. « Écrire, c’est penser. Penser, c’est se construire. Et se construire, c’est honorer l’humanité en soi. »
Pour Benbouzid, les contradictions de ces deux dilemmes résument bien le choix cornélien des étudiants et des enseignants. Elle leur impose une liberté de ne pas utiliser. Mais cette liberté de ne pas utiliser, elle, ne relève-t-elle pas d’abord et avant tout d’un jugement social ?
L’IA générative ne sera pas le grand égalisateur social !C’est la piste fructueuse qu’explore Bilel Benbouzid dans la seconde partie de son article. En explorant qui à recours à l’IA et pourquoi, le sociologue permet d’entrouvrir une autre réponse que la réponse morale. Ceux qui promeuvent l’usage de l’IA pour les étudiants, comme Ethan Mollick, estiment que l’IA pourrait agir comme une égaliseur de chances, permettant de réduire les différences cognitives entre les élèves. C’est là une référence aux travaux d’Erik Brynjolfsson, Generative AI at work, qui souligne que l’IA diminue le besoin d’expérience, permet la montée en compétence accélérée des travailleurs et réduit les écarts de compétence des travailleurs (une théorie qui a été en partie critiquée, notamment parce que ces avantages sont compensés par l’uniformisation des pratiques et leur surveillance – voir ce que nous en disions en mobilisant les travaux de David Autor). Mais sommes-nous confrontés à une homogénéisation des performances d’écritures ? N’assiste-t-on pas plutôt à un renforcement des inégalités entre les meilleurs qui sauront mieux que d’autres tirer partie de l’IA générative et les moins pourvus socialement ?
Pour John Danaher, l’IA générative pourrait redéfinir pas moins que l’égalité, puisque les compétences traditionnelles (rédaction, programmation, analyses…) permettraient aux moins dotés d’égaler les meilleurs. Pour Danaher, le risque, c’est que l’égalité soit alors reléguée au second plan : « d’autres valeurs comme l’efficacité économique ou la liberté individuelle prendraient le dessus, entraînant une acceptation accrue des inégalités. L’efficacité économique pourrait être mise en avant si l’IA permet une forte augmentation de la productivité et de la richesse globale, même si cette richesse est inégalement répartie. Dans ce scénario, plutôt que de chercher à garantir une répartition équitable des ressources, la société pourrait accepter des écarts grandissants de richesse et de statut, tant que l’ensemble progresse. Ce serait une forme d’acceptation de l’inégalité sous prétexte que la technologie génère globalement des bénéfices pour tous, même si ces bénéfices ne sont pas partagés de manière égale. De la même manière, la liberté individuelle pourrait être privilégiée si l’IA permet à chacun d’accéder à des outils puissants qui augmentent ses capacités, mais sans garantir que tout le monde en bénéficie de manière équivalente. Certains pourraient considérer qu’il est plus important de laisser les individus utiliser ces technologies comme ils le souhaitent, même si cela crée de nouvelles hiérarchies basées sur l’usage différencié de l’IA ». Pour Danaher comme pour Benbouzid, l’intégration de l’IA dans l’enseignement doit poser la question de ses conséquences sociales !
Les LLM ne produisent pas un langage neutre mais tendent à reproduire les « les normes linguistiques dominantes des groupes sociaux les plus favorisés », rappelle Bilel Benbouzid. Une étude comparant les lettres de motivation d’étudiants avec des textes produits par des IA génératives montre que ces dernières correspondent surtout à des productions de CSP+. Pour Benbouzid, le risque est que la délégation de l’écriture à ces machines renforce les hiérarchies existantes plus qu’elles ne les distribue. D’où l’enjeu d’une enquête en cours pour comprendre l’usage de l’IA générative des étudiants et leur rapport social au langage.
Les premiers résultats de cette enquête montrent par exemple que les étudiants rechignent à copier-collé directement le texte créé par les IA, non seulement par peur de sanctions, mais plus encore parce qu’ils comprennent que le ton et le style ne leur correspondent pas. « Les étudiants comparent souvent ChatGPT à l’aide parentale. On comprend que la légitimité ne réside pas tant dans la nature de l’assistance que dans la relation sociale qui la sous-tend. Une aide humaine, surtout familiale, est investie d’une proximité culturelle qui la rend acceptable, voire valorisante, là où l’assistance algorithmique est perçue comme une rupture avec le niveau académique et leur propre maîtrise de la langue ». Et effectivement, la perception de l’apport des LLM dépend du capital culturel des étudiants. Pour les plus dotés, ChatGPT est un outil utilitaire, limité voire vulgaire, qui standardise le langage. Pour les moins dotés, il leur permet d’accéder à des éléments de langages valorisés et valorisants, tout en l’adaptant pour qu’elle leur corresponde socialement.
Dans ce rapport aux outils de génération, pointe un rapport social à la langue, à l’écriture, à l’éducation. Pour Benbouzid, l’utilisation de l’IA devient alors moins un problème moral qu’un dilemme social. « Ces pratiques, loin d’être homogènes, traduisent une appropriation différenciée de l’outil en fonction des trajectoires sociales et des attentes symboliques qui structurent le rapport social à l’éducation. Ce qui est en jeu, finalement, c’est une remise en question de la manière dont les étudiants se positionnent socialement, lorsqu’ils utilisent les robots conversationnels, dans les hiérarchies culturelles et sociales de l’université. » En fait, les étudiants utilisent les outils non pas pour se dépasser, comme l’estime Mollick, mais pour produire un contenu socialement légitime. « En déléguant systématiquement leurs compétences de lecture, d’analyse et d’écriture à ces modèles, les étudiants peuvent contourner les processus essentiels d’intériorisation et d’adaptation aux normes discursives et épistémologiques propres à chaque domaine. En d’autres termes, l’étudiant pourrait perdre l’occasion de développer authentiquement son propre capital culturel académique, substitué par un habitus dominant produit artificiellement par l’IA. »
L’apparence d’égalité instrumentale que permettent les LLM pourrait donc paradoxalement renforcer une inégalité structurelle accrue. Les outils creusant l’écart entre des étudiants qui ont déjà internalisé les normes dominantes et ceux qui les singent. Le fait que les textes générés manquent d’originalité et de profondeur critique, que les IA produisent des textes superficiels, ne rend pas tous les étudiants égaux face à ces outils. D’un côté, les grandes écoles renforcent les compétences orales et renforcent leurs exigences d’originalité face à ces outils. De l’autre, d’autres devront y avoir recours par nécessité. « Pour les mieux établis, l’IA représentera un outil optionnel d’optimisation ; pour les plus précaires, elle deviendra une condition de survie dans un univers concurrentiel. Par ailleurs, même si l’IA profitera relativement davantage aux moins qualifiés, cette amélioration pourrait simultanément accentuer une forme de dépendance technologique parmi les populations les plus défavorisées, creusant encore le fossé avec les élites, mieux armées pour exercer un discernement critique face aux contenus générés par les machines ».
Bref, loin de l’égalisation culturelle que les outils permettraient, le risque est fort que tous n’en profitent pas d’une manière égale. On le constate très bien ailleurs. Le fait d’être capable de rédiger un courrier administratif est loin d’être partagé. Si ces outils améliorent les courriers des moins dotés socialement, ils ne renversent en rien les différences sociales. C’est le même constat qu’on peut faire entre ceux qui subliment ces outils parce qu’ils les maîtrisent finement, et tous les autres qui ne font que les utiliser, comme l’évoquait Gregory Chatonsky, en distinguant les utilisateurs mémétiques et les utilisateurs productifs. Ces outils, qui se présentent comme des outils qui seraient capables de dépasser les inégalités sociales, risquent avant tout de mieux les amplifier. Plus que de permettre de personnaliser l’apprentissage, pour s’adapter à chacun, il semble que l’IA donne des superpouvoirs d’apprentissage à ceux qui maîtrisent leurs apprentissages, plus qu’aux autres.
L’IApocalypse scolaire, coincée dans le droitLes questions de l’usage de l’IA à l’école que nous avons tenté de dérouler dans ce dossier montrent l’enjeu à débattre d’une politique publique d’usage de l’IA générative à l’école, du primaire au supérieur. Mais, comme le montre notre enquête, toute la communauté éducative est en attente d’un cadre. En France, on attend les recommandations de la mission confiée à François Taddéi et Sarah Cohen-Boulakia sur les pratiques pédagogiques de l’IA dans l’enseignement supérieur, rapportait le Monde.
Un premier cadre d’usage de l’IA à l’école vient pourtant d’être publié par le ministère de l’Education nationale. Autant dire que ce cadrage processuel n’est pas du tout à la hauteur des enjeux. Le document consiste surtout en un rappel des règles et, pour l’essentiel, elles expliquent d’abord que l’usage de l’IA générative est contraint si ce n’est impossible, de fait. « Aucun membre du personnel ne doit demander aux élèves d’utiliser des services d’IA grand public impliquant la création d’un compte personnel » rappelle le document. La note recommande également de ne pas utiliser l’IA générative avec les élèves avant la 4e et souligne que « l’utilisation d’une intelligence artificielle générative pour réaliser tout ou partie d’un devoir scolaire, sans autorisation explicite de l’enseignant et sans qu’elle soit suivie d’un travail personnel d’appropriation à partir des contenus produits, constitue une fraude ». Autant dire que ce cadre d’usage ne permet rien, sinon l’interdiction. Loin d’être un cadre de développement ouvert à l’envahissement de l’IA, comme s’en plaint le SNES-FSU, le document semble surtout continuer à produire du déni, tentant de rappeler des règles sur des usages qui les débordent déjà très largement.
Sur Linked-in, Yann Houry, prof dans un Institut privé suisse, était très heureux de partager sa recette pour permettre aux profs de corriger des copies avec une IA en local, rappelant que pour des questions de légalité et de confidentialité, les professeurs ne devraient pas utiliser les services d’IA génératives en ligne pour corriger les copies. Dans les commentaires, nombreux sont pourtant venu lui signaler que cela ne suffit pas, rappelant qu’utiliser l’IA pour corriger les copies, donner des notes et classer les élèves peut-être classée comme un usage à haut-risque selon l’IA Act, ou encore qu’un formateur qui utiliserait l’IA en ce sens devrait en informer les apprenants afin qu’ils exercent un droit de recours en cas de désaccord sur une évaluation, sans compter que le professeur doit également être transparent sur ce qu’il utilise pour rester en conformité et l’inscrire au registre des traitements. Bref, d’un côté comme de l’autre, tant du côté des élèves qui sont renvoyé à la fraude quelque soit la façon dont ils l’utilisent, que des professeurs, qui ne doivent l’utiliser qu’en pleine transparence, on se rend vite compte que l’usage de l’IA dans l’éducation reste, formellement, très contraint, pour ne pas dire impossible.
D’autres cadres et rapports ont été publiés. comme celui de l’inspection générale, du Sénat ou de la Commission européenne et de l’OCDE, mais qui se concentrent surtout sur ce qu’un enseignement à l’IA devrait être, plus que de donner un cadre aux débordements des usages actuels. Bref, pour l’instant, le cadrage de l’IApocalypse scolaire reste à construire, avec les professeurs… et avec les élèves.
Hubert Guillaud
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11:30
Does ecological offsetting really allow to achieve no net loss of biodiversity?
sur CybergeoSince 2016, the mitigation hierarchy in France, which requires projects with impacts on biodiversity to avoid, reduce and then offset these impacts, aims for no net loss of biodiversity. The offset measures taken in this framework must generate sufficient ecological gains, which implies that they are carried out on sites in bad ecological condition. In this article, we study the ecological context in which 1 153 offset measures were carried out between 2017 and 2021 in metropolitan France. To this end, using data on the "potential wilderness of metropolitan France", we compare the biophysical integrity scores of the selected sites on the one hand and the ecological quality scores, including an index of landscape connectivity around the sites, on the other hand, in relation to national scores. Our results show that 64% of the surface area of the offset sites is located in areas where the biophysical integrity score is higher than the French median, and that 40% is located in areas wh...
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11:30
Représentations des risques d’inondation, adaptation et évacuation en Île-de-France
sur CybergeoL’étude des déterminants des représentations liées aux risques et leurs effets sur les niveaux de préparation des populations exposées conduit à des conclusions souvent contradictoires d’une étude de cas à une autre. De nombreuses théories et hypothèses concurrentes ont été formulées dans des disciplines différentes, mais aucune n’est parvenue à s’imposer empiriquement. La validation croisée des résultats est complexe et le champ des risk perception s’apparente souvent à une collection d’études de cas indépendantes et peu comparables. À partir d’une enquête par questionnaire sur les représentations liées au risque inondation à Paris et en Île-de-France sur un échantillon de grande taille (n=2976), cet article propose une réflexion théorique et méthodologique pour consolider le positionnement de la géographie dans le champ des représentations des risques, pour mieux démêler les facteurs sociaux et territoriaux. Les questions de recherche se structurent autour du rôle de l’exposition ...
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11:30
Mark Monmonier, 2023, Comment faire mentir les cartes, Paris, Flammarion, 304 p.
sur CybergeoInitialement publié en 1991 et rapidement traduit en français (1993), Comment faire mentir les cartes de Mark Monmonier est un livre dont l’auteur admet lui-même qu’il n’a pas complètement atteint son objectif. Il voulait en faire un ouvrage pour le grand public et surtout pas un manuel étudiant. C’est pourtant, en France du moins, ce qu’il est devenu. La troisième édition, sortie aux États-Unis en 2018, a été traduite dès 2019 dans la collection Autrement de Flammarion. Cinq ans plus tard, le même éditeur ressort aujourd’hui cet ouvrage en format poche dans sa collection Champs/essais. Si les illustrations pâtissent de la réduction du format et de la qualité de la reprographie, le format et le prix le rendent plus accessible. Cela pourrait enfin lui ouvrir les portes du lectorat initialement visé : "Le lecteur intelligent et non-initié qui s’intéresse à la cartographie" (p.14).
Car, il faut le rappeler, et le titre nous le suggère, ce n’est pas d’un traité de cartographie dont il s’...
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11:30
Les échanges fonciers agricoles, levier pour la transition agroécologique de l’élevage ?
sur CybergeoL’agriculture contribue aux dérèglements climatiques et à l’érosion de la biodiversité autant qu’elle en subit les conséquences Les pratiques agricoles évoluent pour y remédier, notamment à travers la transition agroécologique qui propose de combiner les savoirs de l’agronomie et de l’écologie. La dimension foncière (distribution et droits d’usage des parcelles) de ces pratiques est peu explorée par la recherche, en dépit de son caractère déterminant pour cette transition. Cet article examine les avantages et limites des échanges de foncier agricole pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre et pour le maintien d’habitats favorables à la biodiversité, mais aussi pour les conditions de travail des agriculteurs. Il s’appuie sur l’analyse de l’élevage laitier dans la Zone Atelier Armorique, à partir d’entretiens auprès de services (para-)publics en charge du foncier agricole en Ille-et-Vilaine. Combinant des approches en écologie, en géographie et en droit, cette étude pr...
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11:30
Hervé Théry, 2024, Amazone. Un monde en partage, Paris, CNRS Éditions, 229 p.
sur CybergeoAprès le Congo, le Tigre et l’Euphrate, le Mississippi et la Volga, voici l’Amazone. Ce livre est publié dans la collection Géohistoire d’un fleuve, dirigée par Thierry Sanjuan. Hervé Théry, grand spécialiste du Brésil et de l’Amérique latine, s’attaque à un véritable monument, le plus grand fleuve du monde, par la taille de son bassin, par son débit et par sa longueur même si, chiffres à la clé, il montre que ce dernier record est contesté par le Nil.
C’est un livre de facture classique que nous livre le géographe. Le style est précis, très clair, sans jargon. Hervé Théry expose des faits, donne des chiffres (et les compare avec d’autres avec une volonté didactique affichée), décrit des lieux avant de se livrer à des analyses et de pointer quelques enjeux majeurs. Citons-les tout de suite : le "partage" de cet immense territoire, les incendies, la déforestation, l’accessibilité et les voies de circulation, la mondialisation des problèmes amazoniens, les droits des peuples autochtone...
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11:30
La passation des marchés publics : une entrée utile pour l’analyse des interactions spatiales dans l’espace français
sur CybergeoL’ouverture récente des données concernant la passation des marchés publics à l’échelle européenne permet d’accéder à des informations sur les acheteurs publics et sur les entreprises prestataires sélectionnées. Le « nettoyage » et géoréférencement de la base de données à l’échelle européenne Tenders Electronic Daily (TED) sur les marchés publics a permis de créer et mettre à disposition de tous une base à l’échelle du territoire français, la base French Open Public Procurement Award Notices (FOPPA). Cette base permet d’explorer de manière inédite les interactions entre des unités spatiales de différentes échelles. Elle offre la possibilité d’identifier les acteurs impliqués dans les marchés, leurs partenaires, ainsi que le type de marché, afin d’analyser et d’expliquer ces relations.
Dans cet article, nous illustrons les possibilités offertes par la base FOPPA, en produisant des analyses essentiellement descriptives des interactions, au prisme de la commande publique, aux échelles r... -
11:30
Searching for Data: Nature and Flow of Information Underlying Urban Wild Boar Management Policies. Bordeaux (France) as a Case Study
sur CybergeoNature in the city harbours a wide range of biodiversity. While some species are welcomed, others have settled in uninvited. This is the case with wild boar. The challenge of managing large urban wildlife is not only ecological but also cultural, political, and ethical. This study, driven by the general uncertainty surrounding the socio-ecological issues of coexistence with urban wild boar and potential solutions, explores and discusses the nature and flow of information underlying the specie’s management policies. Our approach is based on a field survey conducted in Bordeaux Metropolis, aimed at tracking the shared information between local stakeholders. The objectives are twofold: i) to gather and analyse existing data on urban wild boar, the problems generated by their presence in the city, and the management systems; ii) to model information flows between social groups facing the challenges of coexistence with wild boar or involved in their management. The study points to a lack...
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11:30
Les micropolluants émergents dans les eaux littorales : représentations et enjeux de gestion d’un problème complexe. Le cas du Pays basque français
sur CybergeoLa qualité de l’eau du littoral basque français est un enjeu crucial pour les gestionnaires locaux. Parmi les dégradations qu’elle subit, les micropolluants représentent un défi majeur. Ces substances chimiques, aussi appelées polluants émergents, peuvent nuire à la santé humaine et à l’environnement malgré leur présence en faibles concentrations. Leur gestion est complexe en raison de leur diversité, de leurs origines multiples, d’une absence massive de réglementation et de la nécessité d’une approche globale et multi-niveaux pour réduire leur impact, ce qui en fait un "problème épineux". Cet article a pour objectif d’appréhender les dynamiques et les défis de la gestion de ces polluants en portant la focale sur les acteurs locaux et leurs représentations du problème. La gestion de l’eau implique divers acteurs publics et privés, chacun ayant des intérêts et des responsabilités variés. Pour cette étude, 65 acteurs ont été interrogés sur leurs visions de la situation locale et de la...
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11:30
Digues et “nature”. Résultats d’une enquête sur la perception des digues et de leur évolution en France au XXIe siècle
sur CybergeoLe paradigme classique de la gestion des digues est centré sur la défense contre les eaux. Souhaitant proposer une vision multifonctionnelle et durable de ces ouvrages, nous avons retenu sept tronçons de digues maritimes et fluviales en France. Nous présentons ici une enquête menée auprès de 828 riverains et usagers de digues pour analyser leur perception et représentations. Si la fonction défensive de ces ouvrages demeure bien connue, la perception des digues urbaines et rurales diverge en matière de connaissance des digues et de liens entre digues et nature. Les enquêtés mettent en avant la naturalité des digues – objet pourtant artificiel. Cinq scénarios d’évolution des digues à l’avenir ont été proposés aux enquêtés : renforcer les digues, les ouvrir/abaisser, les végétaliser davantage, les aménager davantage, ou ne rien y changer. Le scénario le plus souhaité est celui d’un maintien à l’identique et le moins refusé, celui de la végétalisation des digues ; le renforcement des di...
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11:30
Nepthys Zwer, 2024, Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte, Paris, La découverte, 216 p.
sur CybergeoAvec pour ambition d’inscrire son ouvrage Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte (2024) au sein de la quatrième vague féministe (Dagorn, 2011), Nepthys Zwer propose de déconstruire les discours spatiaux genrés. Richement illustré par les photographies et cartes de l’autrice ou des acteur.rice.s rencontré.e.s, l’ouvrage selon Zwer n’est pas à classer avec les manuels d’épistémologie et de concepts géographiques. Nourri par les théories féministes, il offre aux géographes spécialistes du genre un état des lieux autour des pratiques spatiales genrées, tandis que d’autres y trouveront une première entrée pour comprendre les racines des comportements sexués et des usages différenciés de l’espace.
À travers les ateliers animés par l’autrice et la méthode de la contre-cartographie ("contre-carte", Peluso, 1995), Zwer mobilise plusieurs cas d’études en milieu urbain, en France et à l’étranger. Le choix de cette méthode permet de rendre compte d’espaces et/ou de phénomènes absents d...
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10:30
« J’te parle du Nord ! » réflexions sur un processus de contre-cartographie collaborative
sur MappemondeCet article revient, a posteriori, sur le processus de cartographie avec cinq jeunes nord-montréalais. Le choix de travailler ensemble autour de cartes était tout autant animé par la volonté de mieux comprendre les perceptions, récits et pratiques du quartier, que par celle d’établir une démarche collaborative autour de la cartographie permettant aux jeunes impliqués de collecter et produire leurs propres narrations et visuels sur les espaces qu’ils fréquentent et habitent via la collecte de clichés sur Instagram et de marche commentée. Cet article a pour ambition, dans une démarche réflexive, d’interroger la conception et la réception des cartes produites pour comprendre où la collaboration se situe dans le processus cartographique ? L’article présente d’abord le projet de recherche et son contexte, puis revient sur la notion de cartographie collaborative et sur les étapes de la carte jusqu’à diffusion de « J’te parle du Nord ! » en 2021. Enfin, l’article évoque les limites en inte...
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10:30
Être jeunes au bon endroit ? Cartographie critique des espaces négatifs pour les jeunes à Saint-Léonard (Montréal)
sur MappemondeLe changement socio-démographique majeur caractérisant l’arrondissement de Saint-Léonard (Canada) affecte la relation des jeunes issus de l’immigration à l’espace public. À partir d’observations, de groupes de discussion par photovoix et d’entretiens semi-dirigés, nous avançons que les espaces publics dédiés aux jeunes sont limités et limitants. Nous proposons une cartographie critique des espaces dits négatifs du quartier afin d’informer et d’influencer la planification des espaces publics.
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10:30
Introduction à la section thématique « Cartographies critiques de jeunesses urbaines : pratiques transgressives et appropriation des espaces publics »
sur MappemondeCette section thématique rassemble des articles issus des travaux du réseau TRYSPACES, un partenariat de recherche formé de chercheur·e·s et d’étudiant·e·s de différentes disciplines, d’artistes multimédias, d’intervenant·e·s jeunesse, de professionnels de la ville et de jeunes des villes de Mexico, Montréal, Paris et Hanoï. TRYSPACES a développé des études de cas dans ces quatre villes pour comparer la façon dont les adolescent·e·s et les jeunes adultes utilisent et s’approprient les espaces publics, tant physiques que virtuels, afin de comprendre comment cela contribue à la constitution de leurs identités et leur permet d’exprimer leur vision du monde et de se tailler une place dans ce monde de plus en plus urbain et interconnecté. L’accent mis par TRYSPACES sur les pratiques transgressives d’appropriation spatiale des jeunes vise à comprendre les conséquences de ces pratiques sur la transformation et la régulation des espaces publics et sur la gouvernance urbaine. Ce partenariat ...
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10:30
Les nouvelles passerelles parisiennes. Hétérotopie, imaginaire, ciné-tourisme
sur MappemondeParis possède une notoriété internationale pour ses ponts (pont Bir Hakeim, pont de l’Alma, pont Neuf, pont Alexandre III, pont des Arts) et pour ses passerelles (Debilly, Sédar Senghor), qui enjambent la Seine (figure 1). Les passerelles du canal Saint-Martin (Riva, Arletty, Casarès), récemment renommées par de nouveaux odonymes, sont également très visitées.
Figure 1. Carte de localisation
Certaines passerelles parisiennes sont symboliques, en raison de l’histoire de leurs dénominations successives (pont de Solférino, devenu passerelle Léopold Sédar Senghor), ou comme décors de films. Pour ces raisons, plusieurs d’entre elles constituent des lieux touristiques, internationalement reconnus, fondement d’un ciné-tourisme (Lizotte, Grenier, 2011) : passerelles du canal Saint-Martin dans l’Est parisien, passerelle Debilly qui relie le XVe au XVIe arrondissement.
Tout au long de l’année, des animations, des performances artistiques s’y déroulent (passerelle Senghor, pont des Arts). Elles r...
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10:30
Le Projet Joshua, la cartographie au service de l’évangélisation de la planète
sur MappemondeLe Projet Joshua est une initiative de recherche visant à recenser les groupes ethniques du monde afin d’identifier ceux qui comptent le moins de disciples du Christ. Il compte 17 429 « Groupes de peuples », dont 7 417 « Groupes non atteints » (42,6 %), qui totalisent 3,37 milliards d’habitants (42,5 % de la population mondiale) et élabore des bases de données (librement téléchargeables) à utiliser par les agences missionnaires pour y accélérer la progression de l’Évangile. Il est paradoxal en ce qu’il met des techniques géomatiques irréprochables au service d’un projet d’évangélisation dont les racines sont pour le moins anciennes.
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10:30
Atlas de la grotte Chauvet, ou Monographie de la grotte Chauvet-Pont d’Arc
sur MappemondeLe poids du savoirNous pourrions être surpris par cet ouvrage colossal, publié en octobre 2020 aux Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme à l’issue de 6 ans de travail. Pesant cinq kilos et demi, doté de 400 pages au format 34 cm x 48 cm, avec 105 cartes et 600 illustrations, le livre nous affirme dès sa couverture qu’il n’est que le premier volume d’une longue aventure éditoriale. Sa lecture sollicite une certaine logistique : quel fauteuil, quelle table ou bureau choisir pour s’y plonger sereinement ?
Heureusement, cet ouvrage imposant, qui nous maintient comme à distance, est doublé d’une édition électronique de grande qualité et gratuite : [https:]] . À l’usage apparaîtra un paradoxe : s’il est plus confortable de démarrer la lecture de cette monographie sur écran, le retour au livre s’impose vite, car nous en avons une meilleure vue d’ensemble ; preuve que le design et l’ergonomie de l’édition web ne sont pas encore aboutis quand on ab...
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10:30
Cartographie des territorialités de jeunes Autochtones de Montréal/Tiohtà:ke : appropriation spatiale et transgression de l’ordre colonial
sur MappemondeCet article présente un processus de cartographie participative qui cherche à visibiliser les territorialités de jeunes Autochtones de Montréal/Tiohtà:ke. Ce projet de recherche se veut une réponse critique à la colonialité des espaces urbains, de la ville de Montréal en particulier. Ce processus a impliqué 18 jeunes de différentes nations autochtones vivant à Montréal. La cartographie a d’abord été utilisée par les cochercheur·euse·s pour exprimer individuellement leurs territorialités, puis afin de rassembler leurs récits en un récit collectif, qui a permis une appropriation de la ville.
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10:30
Réparer la ville après le passage de la COVID. Cartographie comparative et collaborative à Mexico et ailleurs
sur MappemondeÀ partir d’une représentation cartographique collaborative des expériences vécues durant la pandémie de COVID-19 à Mexico, Hanoï, Montréal et Paris, ainsi que de deux ateliers de cartographie collaborative menés auprès de groupes de femmes vivant à Mexico, cet article analyse la puissance que revêt le langage cartographique pour transcender les différences de langues, de disciplines, de positionnalités et de cultures. Il démontre l’importance de la cartographie dans un processus de comparaison à l’échelle mondiale. Les cartes analysent les stratégies que les gens ont imaginées pour composer avec les bouleversements de leur vie au moyen de gestes de réparation qui, même microscopiques, ont fait émerger une ville bienveillante.
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10:30
Enfrichement des côtes rocheuses : analyse de la dynamique du paysage et de la végétation
sur MappemondeCette étude porte sur deux secteurs littoraux enfrichés de la commune de Moëlan-sur-Mer soumis à un projet de remise en culture. Il s’agit ici d’interroger l’hétérogénéité paysagère et la diversité spécifique de ces espaces enfrichés. L’analyse des dynamiques d’ouverture et de fermeture du paysage depuis les années 1950 montre une pluralité de rythmes et de trajectoires selon les zones, l’action humaine et les contraintes écologiques. Les résultats font ressortir une diversité des formes végétales et des trajectoires, remettant en cause une uniformisation du paysage des friches littorales.
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10:30
Geodatadays 2023
sur MappemondeLes GéoDataDays constituent un évènement national indépendant dédié à la géographie numérique en France. Ces rencontres annuelles sont organisées par l’AFIGÉO et DécryptaGéo depuis cinq ans, en partenariat avec une plateforme régionale d’information géographique et des collectivités territoriales. Au cœur de cet évènement, le Groupement de recherche CNRS MAGIS, consacré à la géomatique, co-organise depuis quatre ans un concours, les CHALLENGES GEODATA, qui vise à faire connaître et à récompenser les innovations du monde académique par un jury indépendant et multipartite (recherche, collectivités et services de l’État, industriels). Les domaines d’application sont très variés et touchent à la collecte, au traitement, à l’analyse et à la visualisation de données géographiques (ou géolocalisées). Les six critères retenus par le jury permettent de comparer et d’évaluer ces propositions souvent hétérogènes : originalité, public ciblé, potentiel de dissémination, qualité et justesse des m...
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16:39
Carte ludique
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatiqueÀ l ’occasion de la journée internationale de la Gastronomie, le dimanche 13 avril, Esri France a présenté une carte ludique des saveurs régionales, conçue par Kevin Prieur et Maëlle Tardif à l’aide d’ArcGIS Pro et de Survey123. De la métropole aux DROM, chaque région affiche sa spécialité sous une forme très graphique. La carte est ludique (une première version proposait de deviner les plats ou boissons figurant dans la seconde version) et participative. En effet, elle est le fruit de recherches (sites touristiques, circuits gastronomiques, ressources régionales) et des principales tendances issues d’un sondage diffusé par le biais des réseaux sociaux. L’histoire ne dit pas si les experts d’Esri ont goûté à tout, mais ces derniers précisent qu’ils renouvèleront l’exercice pour afficher des saveurs oubliées. Bonne dégustation...
+ d'infos :
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10:18
Le littoral placé sous observation géonumérique
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatiqueTerritoire éminemment sensible aux aléas et menacé par l’inéluctable montée des eaux, le littoral est progressivement numérisé, modélisé et étudié par les SIG, l’analyse spatiale et la simulation !Avec près de 20.000 km de côtes, dont 5.000 en métropole, la France est l’un des pays européens les plus menacés par les risques littoraux. Paradoxalement, sa façade maritime attire pourtant de plus en plus d’habitants et concentre de nombreuses activités très vulnérables aux catastrophes. Selon le Réseau national des observatoires du trait de côte, plus de 8 communes littorales sur 10 sont désormais sujettes aux risques naturels majeurs. L’élévation du niveau de la mer, causée par le dérèglement climatique, a tendance à multiplier et à intensifier les aléas et l’érosion côtière opère un travail de sape dont les impacts à moyen terme sont très inquiétants. Quand les falaises crayeuses de la côte normande s’effritent et provoquent des évènements spectaculaires, d’autres territoires pensent être protégés par la présence de reliefs rocheux plus solides, qui pourtant sont eux aussi fragilisés. Il n’y a pas un, mais des littoraux, composés de plages, d’estuaires, de falaises. Chacun présentant des risques spécifiques et demandant des outils de mesure et d’analyse adaptées.
Retrouvez la suite de cette enquête dans le magazine SIGMAG N°45
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7:00
Accords de confidentialité : l’outil de silenciation des effets du numérique
sur Dans les algorithmesDans une tribune pour Tech Policy Press, Nandita Shivakumar et Shikha Silliman Bhattacharjee de l’association de défense des droits Equidem, estiment que les accords de confidentialité sont devenus l’outil qui permet de réduire au silence tous les travailleurs du numérique des abus qu’ils constatent. Or, ces NDA (non-disclosure agreement) ne concernent pas que les cadres, bien au contraire : ils s’appliquent désormais à toute la chaîne de production des systèmes, jusqu’aux travailleurs du clic. Le système tout entier vise à contraindre les travailleurs à se taire. Ils ne concernent plus les accords commerciaux, mais interdisent à tous les travailleurs de parler de leur travail, avec les autres travailleurs, avec leur famille voire avec des thérapeutes. Ils rendent toute enquête sur les conditions de travail très difficile, comme le montre le rapport d’Equidem sur la modération des contenus. Partout, les accords de confidentialité ont créé une culture de la peur et imposé le silence, mais surtout “ils contribuent à maintenir un système de contrôle qui spolie les travailleurs tout en exonérant les entreprises technologiques et leurs propriétaires milliardaires de toute responsabilité”, puisqu’ils les rendent inattaquables pour les préjudices qu’ils causent, empêchent l’examen public des conditions de travail abusives, et entravent la syndicalisation et la négociation collective. Pour les deux militantes, il est temps de restreindre l’application des accords de confidentialité à leur objectif initial, à savoir la protection des données propriétaires, et non à l’interdiction générale de parler des conditions de travail. Le recours aux accords de confidentialité dans le secteur technologique, en particulier dans les pays du Sud, reste largement déréglementé et dangereusement incontrôlé.
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6:11
IA et éducation (1/2) : plongée dans l’IApocalypse éducative
sur Dans les algorithmesA l’été 2023, Ethan Mollick, professeur de management à Wharton, co-directeur du Generative AI Labs et auteur de Co-intelligence : vivre et travailler avec l’IA (qui vient de paraître en français chez First), décrivait dans son excellente newsletter, One useful thing, l’apocalypse des devoirs. Cette apocalypse qu’il annonçait était qu’il ne serait plus possible pour les enseignants de donner des devoirs à leurs élèves à cause de l’IA, redoutant une triche généralisée.
Pourtant, rappelait-il, la triche est là depuis longtemps. Une étude longitudinale de 2020 montrait déjà que de moins en moins d’élèves bénéficiaient des devoirs qu’ils avaient à faire. L’étude, menée par le professeur de psychologie cognitive, Arnold Glass du Learning and memory laboratory de Rutgers, montrait que lorsque les élèves faisaient leurs devoirs en 2008, cela améliorait leurs notes aux examens pour 86% d’entre eux, alors qu’en 2017, les devoirs ne permettaient plus d’améliorer les notes que de 45% des élèves. Pourquoi ? Parce que plus de la moitié des élèves copiaient-collaient les réponses à leurs devoirs sur internet en 2017, et n’en tiraient donc pas profit. Une autre étude soulignait même que 15% des élèves avaient payé quelqu’un pour faire leur devoir, généralement via des sites d’aides scolaires en ligne. Si tricher s’annonce plus facile avec l’IA, il faut se rappeler que c’était déjà facile avant sa généralisation.
Les calculatrices n’ont pas tué les mathématiquesMais la triche n’est pas la seule raison pour laquelle l’IA remet en question la notion même de devoirs. Mollick rappelle que l’introduction de la calculatrice a radicalement transformé l’enseignement des mathématiques. Dans un précédent article, il revenait d’ailleurs sur cette histoire. Lorsque la calculatrice a été introduite dans les écoles, les réactions ont été étonnamment proches des inquiétudes initiales que Mollick entend aujourd’hui concernant l’utilisation de l’IA par les élèves. En s’appuyant sur une thèse signée Sarah Banks, Mollick rappelle que dès les années 70, certains professeurs étaient impatients d’intégrer l’usage des calculatrices dans leurs classes, mais c’était loin d’être le cas de tous. La majorité regardait l’introduction de la calculatrice avec suspicion et les parents partagaient l’inquiétude que leurs enfants n’oublient les bases des maths. Au début des années 80, les craintes des enseignants s’étaient inversées, mais très peu d’écoles fournissaient de calculatrices à leurs élèves. Il faut attendre le milieu des années 1990, pour que les calculatrices intègrent les programmes scolaires. En fait, un consensus pratique sur leur usage a été atteint. Et l’enseignement des mathématiques ne s’est pas effondré (même si les tests Pisa montrent une baisse de performance, notamment dans les pays de l’OCDE, mais pour bien d’autres raisons que la généralisation des calculatrices).
Pour Mollick, l’intégration de l’IA à l’école suivra certainement un chemin similaire. « Certains devoirs nécessiteront l’assistance de l’IA, d’autres l’interdiront. Les devoirs d’écriture en classe sur des ordinateurs sans connexion Internet, combinés à des examens écrits, permettront aux élèves d’acquérir les compétences rédactionnelles de base. Nous trouverons un consensus pratique qui permettra d’intégrer l’IA au processus d’apprentissage sans compromettre le développement des compétences essentielles. Tout comme les calculatrices n’ont pas remplacé l’apprentissage des mathématiques, l’IA ne remplacera pas l’apprentissage de l’écriture et de la pensée critique. Cela prendra peut-être du temps, mais nous y parviendrons », explique Mollick, toujours optimiste.
Pourquoi faire des devoirs quand l’IA les rend obsolètes ?Mais l’impact de l’IA ne se limite pas à l’écriture, estime Mollick. Elle peut aussi être un vulgarisateur très efficace et ChatGPT peut répondre à bien des questions. L’arrivée de l’IA remet en cause les méthodes d’enseignements traditionnelles que sont les cours magistraux, qui ne sont pas si efficaces et dont les alternatives, pour l’instant, n’ont pas connu le succès escompté. « Les cours magistraux ont tendance à reposer sur un apprentissage passif, où les étudiants se contentent d’écouter et de prendre des notes sans s’engager activement dans la résolution de problèmes ni la pensée critique. Dans ce format, les étudiants peuvent avoir du mal à retenir l’information, car leur attention peut facilement faiblir lors de longues présentations. De plus, l’approche universelle des cours magistraux ne tient pas compte des différences et des capacités individuelles, ce qui conduit certains étudiants à prendre du retard tandis que d’autres se désintéressent, faute de stimulation ». Mollick est plutôt partisan de l’apprentissage actif, qui supprime les cours magistraux et invite les étudiants à participer au processus d’apprentissage par le biais d’activités telles que la résolution de problèmes, le travail de groupe et les exercices pratiques. Dans cette approche, les étudiants collaborent entre eux et avec l’enseignant pour mettre en pratique leurs apprentissages. Une méthode que plusieurs études valorisent comme plus efficaces, même si les étudiants ont aussi besoin d’enseignements initiaux appropriés.
La solution pour intégrer davantage d’apprentissage actif passe par les classes inversées, où les étudiants doivent apprendre de nouveaux concepts à la maison (via des vidéos ou des ressources numériques) pour les appliquer ensuite en classe par le biais d’activités, de discussions ou d’exercices. Afin de maximiser le temps consacré à l’apprentissage actif et à la pensée critique, tout en utilisant l’apprentissage à domicile pour la transmission du contenu.
Pourtant, reconnaît Mollick, l’apprentissage actif peine à s’imposer, notamment parce que les professeurs manquent de ressources de qualité et de matériel pédagogique inversé de qualité. Des lacunes que l’IA pourrait bien combler. Mollick imagine alors une classe où des tuteurs IA personnalisés viendraient accompagner les élèves, adaptant leur enseignement aux besoins des élèves tout en ajustant les contenus en fonction des performances des élèves, à la manière du manuel électronique décrit dans L’âge de diamant de Neal Stephenson, emblème du rêve de l’apprentissage personnalisé. Face aux difficultés, Mollick à tendance à toujours se concentrer « sur une vision positive pour nous aider à traverser les temps incertains à venir ». Pas sûr que cela suffise.
Dans son article d’août 2023, Mollick estime que les élèves vont bien sûr utiliser l’IA pour tricher et vont l’intégrer dans tout ce qu’ils font. Mais surtout, ils vont nous renvoyer une question à laquelle nous allons devoir répondre : ils vont vouloir comprendre pourquoi faire des devoirs quand l’IA les rend obsolètes ?
Perturbation de l’écriture et de la lectureMollick rappelle que la dissertation est omniprésente dans l’enseignement. L’écriture remplit de nombreuses fonctions notamment en permettant d’évaluer la capacité à raisonner et à structurer son raisonnement. Le problème, c’est que les dissertations sont très faciles à générer avec l’IA générative. Les détecteurs de leur utilisation fonctionnent très mal et il est de plus en plus facile de les contourner. A moins de faire tout travail scolaire en classe et sans écrans, nous n’avons plus de moyens pour détecter si un travail est réalisé par l’homme ou la machine. Le retour des dissertations sur table se profile, quitte à grignoter beaucoup de temps d’apprentissage.
Mais pour Mollick, les écoles et les enseignants vont devoir réfléchir sérieusement à l’utilisation acceptable de l’IA. Est-ce de la triche de lui demander un plan ? De lui demander de réécrire ses phrases ? De lui demander des références ou des explications ? Qu’est-ce qui peut-être autorisé et comment les utiliser ?
Pour les étudiants du supérieur auxquels il donne cours, Mollick a fait le choix de rendre l’usage de l’IA obligatoire dans ses cours et pour les devoirs, à condition que les modalités d’utilisation et les consignes données soient précisées. Pour lui, cela lui a permis d’exiger des devoirs plus ambitieux, mais a rendu la notation plus complexe.
Mollick rappelle qu’une autre activité éducative primordiale reste la lecture. « Qu’il s’agisse de rédiger des comptes rendus de lecture, de résumer des chapitres ou de réagir à des articles, toutes ces tâches reposent sur l’attente que les élèves assimilent la lecture et engagent un dialogue avec elle ». Or, l’IA est là encore très performante pour lire et résumer. Mollick suggère de l’utiliser comme partenaire de lecture, en favorisant l’interaction avec l’IA, pour approfondir les synthèses… Pas sûr que la perspective apaise la panique morale qui se déverse dans la presse sur le fait que les étudiants ne lisent plus. Du New Yorker (« Les humanités survivront-elles à ChatGPT ? » ou « Est-ce que l’IA encourage vraiement les élèves à tricher ? ») à The Atlantic (« Les étudiants ne lisent plus de livres » ou « La génération Z voit la lecture comme une perte de temps ») en passant par les pages opinions du New York Times (qui explique par exemple que si les étudiants ne lisent plus c’est parce que les compétences ne sont plus valorisées nulles part), la perturbation que produit l’arrivée de ChatGPT dans les études se double d’une profonde chute de la lecture, qui semble être devenue d’autant plus inutile que les machines les rendent disponibles. Mêmes inquiétudes dans la presse de ce côté-ci de l’Atlantique, du Monde à Médiapart en passant par France Info…
Mais l’IA ne menace pas que la lecture ou l’écriture. Elle sait aussi très bien résoudre les problèmes et exercices de math comme de science.
Pour Mollick, comme pour bien des thuriféraires de l’IA, c’est à l’école et à l’enseignement de s’adapter aux perturbations générées par l’IA, qu’importe si la société n’a pas demandé le déploiement de ces outils. D’ailleurs, soulignait-il très récemment, nous sommes déjà dans une éducation postapocalyptique. Selon une enquête de mai 2024, aux Etats-Unis 82 % des étudiants de premier cycle universitaire et 72 % des élèves de la maternelle à la terminale ont déjà utilisé l’IA. Une adoption extrêmement rapide. Même si les élèves ont beau dos de ne pas considérer son utilisation comme de la triche. Pour Mollick, « la triche se produit parce que le travail scolaire est difficile et comporte des enjeux importants ». L’être humain est doué pour trouver comment se soustraire ce qu’il ne souhaite pas faire et éviter l’effort mental. Et plus les tâches mentales sont difficiles, plus nous avons tendance à les éviter. Le problème, reconnaît Mollick, c’est que dans l’éducation, faire un effort reste primordial.
Dénis et illusionsPourtant, tout le monde semble être dans le déni et l’illusion. Les enseignants croient pouvoir détecter facilement l’utilisation de l’IA et donc être en mesure de fixer les barrières. Ils se trompent très largement. Une écriture d’IA bien stimulée est même jugée plus humaine que l’écriture humaine par les lecteurs. Pour les professeurs, la seule option consiste à revenir à l’écriture en classe, ce qui nécessite du temps qu’ils n’ont pas nécessairement et de transformer leur façon de faire cours, ce qui n’est pas si simple.
Mais les élèves aussi sont dans l’illusion. « Ils ne réalisent pas réellement que demander de l’aide pour leurs devoirs compromet leur apprentissage ». Après tout, ils reçoivent des conseils et des réponses de l’IA qui les aident à résoudre des problèmes, qui semble rendre l’apprentissage plus fluide. Comme l’écrivent les auteurs de l’étude de Rutgers : « Rien ne permet de croire que les étudiants sont conscients que leur stratégie de devoirs diminue leur note à l’examen… ils en déduisent, de manière logique, que toute stratégie d’étude augmentant leur note à un devoir augmente également leur note à l’examen ». En fait, comme le montre une autre étude, en utilisant ChatGPT, les notes aux devoirs progressent, mais les notes aux examens ont tendance à baisser de 17% en moyenne quand les élèves sont laissés seuls avec l’outil. Par contre, quand ils sont accompagnés pour comprendre comment l’utiliser comme coach plutôt qu’outil de réponse, alors l’outil les aide à la fois à améliorer leurs notes aux devoirs comme à l’examen. Une autre étude, dans un cours de programmation intensif à Stanford, a montré que l’usage des chatbots améliorait plus que ne diminuait les notes aux examens.
Une majorité de professeurs estiment que l’usage de ChatGPT est un outil positif pour l’apprentissage. Pour Mollick, l’IA est une aide pour comprendre des sujets complexes, réfléchir à des idées, rafraîchir ses connaissances, obtenir un retour, des conseils… Mais c’est peut-être oublier de sa part, d’où il parle et combien son expertise lui permet d’avoir un usage très évolué de ces outils. Ce qui n’est pas le cas des élèves.
Encourager la réflexion et non la remplacerPour que les étudiants utilisent l’IA pour stimuler leur réflexion plutôt que la remplacer, il va falloir les accompagner, estime Mollick. Mais pour cela, peut-être va-t-il falloir nous intéresser aux professeurs, pour l’instant laissés bien dépourvus face à ces nouveaux outils.
Enfin, pas tant que cela. Car eux aussi utilisent l’IA. Selon certains sondages américains, trois quart des enseignants utiliseraient désormais l’IA dans leur travail, mais nous connaissons encore trop peu les méthodes efficaces qu’ils doivent mobiliser. Une étude qualitative menée auprès d’eux a montré que ceux qui utilisaient l’IA pour aider leurs élèves à réfléchir, pour améliorer les explications obtenaient de meilleurs résultats. Pour Mollick, la force de l’IA est de pouvoir créer des expériences d’apprentissage personnalisées, adaptées aux élèves et largement accessibles, plus que les technologies éducatives précédentes ne l’ont jamais été. Cela n’empêche pas Mollick de conclure par le discours lénifiant habituel : l’éducation quoiqu’il en soit doit s’adapter !
Cela ne veut pas dire que cette adaptation sera très facile ou accessible, pour les professeurs, comme pour les élèves. Dans l’éducation, rappellent les psychologues Andrew Wilson et Sabrina Golonka sur leur blog, « le processus compte bien plus que le résultat« . Or, l’IA fait à tous la promesse inverse. En matière d’éducation, cela risque d’être dramatique, surtout si nous continuons à valoriser le résultat (les notes donc) sur le processus. David Brooks ne nous disait pas autre chose quand il constatait les limites de notre méritocratie actuelle. C’est peut-être par là qu’il faudrait d’ailleurs commencer, pour résoudre l’IApocalypse éducative…
Pour Mollick cette évolution « exige plus qu’une acceptation passive ou une résistance futile ». « Elle exige une refonte fondamentale de notre façon d’enseigner, d’apprendre et d’évaluer les connaissances. À mesure que l’IA devient partie intégrante du paysage éducatif, nos priorités doivent évoluer. L’objectif n’est pas de déjouer l’IA ou de faire comme si elle n’existait pas, mais d’exploiter son potentiel pour améliorer l’éducation tout en atténuant ses inconvénients. La question n’est plus de savoir si l’IA transformera l’éducation, mais comment nous allons façonner ce changement pour créer un environnement d’apprentissage plus efficace, plus équitable et plus stimulant pour tous ». Plus facile à dire qu’à faire. Expérimenter prend du temps, trouver de bons exercices, changer ses pratiques… pour nombre de professeurs, ce n’est pas si évident, d’autant qu’ils ont peu de temps disponible pour se faire ou se former. La proposition d’Anthropic de produire une IA dédiée à l’accompagnement des élèves (Claude for Education) qui ne cherche pas à fournir des réponses, mais produit des modalités pour accompagner les élèves à saisir les raisonnements qu’ils doivent échafauder, est certes stimulante, mais il n’est pas sûr qu’elle ne soit pas contournable.
Dans les commentaires des billets de Mollick, tout le monde se dispute, entre ceux qui pensent plutôt comme Mollick et qui ont du temps pour s’occuper de leurs élèves, qui vont pouvoir faire des évaluations orales et individuelles, par exemple (ce que l’on constate aussi dans les cursus du supérieur en France, rapportait le Monde). Et les autres, plus circonspects sur les évolutions en cours, où de plus en plus souvent des élèves produisent des contenus avec de l’IA que leurs professeurs font juger par des IA… On voit bien en tout cas, que la question de l’IA générative et ses usages, ne pourra pas longtemps rester une question qu’on laisse dans les seules mains des professeurs et des élèves, à charge à eux de s’en débrouiller.
Hubert Guillaud
La seconde partie est par là.
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11:30
Does ecological offsetting really allow to achieve no net loss of biodiversity?
sur CybergeoSince 2016, the mitigation hierarchy in France, which requires projects with impacts on biodiversity to avoid, reduce and then offset these impacts, aims for no net loss of biodiversity. The offset measures taken in this framework must generate sufficient ecological gains, which implies that they are carried out on sites in bad ecological condition. In this article, we study the ecological context in which 1 153 offset measures were carried out between 2017 and 2021 in metropolitan France. To this end, using data on the "potential wilderness of metropolitan France", we compare the biophysical integrity scores of the selected sites on the one hand and the ecological quality scores, including an index of landscape connectivity around the sites, on the other hand, in relation to national scores. Our results show that 64% of the surface area of the offset sites is located in areas where the biophysical integrity score is higher than the French median, and that 40% is located in areas wh...
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11:30
Représentations des risques d’inondation, adaptation et évacuation en Île-de-France
sur CybergeoL’étude des déterminants des représentations liées aux risques et leurs effets sur les niveaux de préparation des populations exposées conduit à des conclusions souvent contradictoires d’une étude de cas à une autre. De nombreuses théories et hypothèses concurrentes ont été formulées dans des disciplines différentes, mais aucune n’est parvenue à s’imposer empiriquement. La validation croisée des résultats est complexe et le champ des risk perception s’apparente souvent à une collection d’études de cas indépendantes et peu comparables. À partir d’une enquête par questionnaire sur les représentations liées au risque inondation à Paris et en Île-de-France sur un échantillon de grande taille (n=2976), cet article propose une réflexion théorique et méthodologique pour consolider le positionnement de la géographie dans le champ des représentations des risques, pour mieux démêler les facteurs sociaux et territoriaux. Les questions de recherche se structurent autour du rôle de l’exposition ...
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11:30
Mark Monmonier, 2023, Comment faire mentir les cartes, Paris, Flammarion, 304 p.
sur CybergeoInitialement publié en 1991 et rapidement traduit en français (1993), Comment faire mentir les cartes de Mark Monmonier est un livre dont l’auteur admet lui-même qu’il n’a pas complètement atteint son objectif. Il voulait en faire un ouvrage pour le grand public et surtout pas un manuel étudiant. C’est pourtant, en France du moins, ce qu’il est devenu. La troisième édition, sortie aux États-Unis en 2018, a été traduite dès 2019 dans la collection Autrement de Flammarion. Cinq ans plus tard, le même éditeur ressort aujourd’hui cet ouvrage en format poche dans sa collection Champs/essais. Si les illustrations pâtissent de la réduction du format et de la qualité de la reprographie, le format et le prix le rendent plus accessible. Cela pourrait enfin lui ouvrir les portes du lectorat initialement visé : "Le lecteur intelligent et non-initié qui s’intéresse à la cartographie" (p.14).
Car, il faut le rappeler, et le titre nous le suggère, ce n’est pas d’un traité de cartographie dont il s’...
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11:30
Les échanges fonciers agricoles, levier pour la transition agroécologique de l’élevage ?
sur CybergeoL’agriculture contribue aux dérèglements climatiques et à l’érosion de la biodiversité autant qu’elle en subit les conséquences Les pratiques agricoles évoluent pour y remédier, notamment à travers la transition agroécologique qui propose de combiner les savoirs de l’agronomie et de l’écologie. La dimension foncière (distribution et droits d’usage des parcelles) de ces pratiques est peu explorée par la recherche, en dépit de son caractère déterminant pour cette transition. Cet article examine les avantages et limites des échanges de foncier agricole pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre et pour le maintien d’habitats favorables à la biodiversité, mais aussi pour les conditions de travail des agriculteurs. Il s’appuie sur l’analyse de l’élevage laitier dans la Zone Atelier Armorique, à partir d’entretiens auprès de services (para-)publics en charge du foncier agricole en Ille-et-Vilaine. Combinant des approches en écologie, en géographie et en droit, cette étude pr...
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11:30
Hervé Théry, 2024, Amazone. Un monde en partage, Paris, CNRS Éditions, 229 p.
sur CybergeoAprès le Congo, le Tigre et l’Euphrate, le Mississippi et la Volga, voici l’Amazone. Ce livre est publié dans la collection Géohistoire d’un fleuve, dirigée par Thierry Sanjuan. Hervé Théry, grand spécialiste du Brésil et de l’Amérique latine, s’attaque à un véritable monument, le plus grand fleuve du monde, par la taille de son bassin, par son débit et par sa longueur même si, chiffres à la clé, il montre que ce dernier record est contesté par le Nil.
C’est un livre de facture classique que nous livre le géographe. Le style est précis, très clair, sans jargon. Hervé Théry expose des faits, donne des chiffres (et les compare avec d’autres avec une volonté didactique affichée), décrit des lieux avant de se livrer à des analyses et de pointer quelques enjeux majeurs. Citons-les tout de suite : le "partage" de cet immense territoire, les incendies, la déforestation, l’accessibilité et les voies de circulation, la mondialisation des problèmes amazoniens, les droits des peuples autochtone...
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11:30
La passation des marchés publics : une entrée utile pour l’analyse des interactions spatiales dans l’espace français
sur CybergeoL’ouverture récente des données concernant la passation des marchés publics à l’échelle européenne permet d’accéder à des informations sur les acheteurs publics et sur les entreprises prestataires sélectionnées. Le « nettoyage » et géoréférencement de la base de données à l’échelle européenne Tenders Electronic Daily (TED) sur les marchés publics a permis de créer et mettre à disposition de tous une base à l’échelle du territoire français, la base French Open Public Procurement Award Notices (FOPPA). Cette base permet d’explorer de manière inédite les interactions entre des unités spatiales de différentes échelles. Elle offre la possibilité d’identifier les acteurs impliqués dans les marchés, leurs partenaires, ainsi que le type de marché, afin d’analyser et d’expliquer ces relations.
Dans cet article, nous illustrons les possibilités offertes par la base FOPPA, en produisant des analyses essentiellement descriptives des interactions, au prisme de la commande publique, aux échelles r... -
11:30
Searching for Data: Nature and Flow of Information Underlying Urban Wild Boar Management Policies. Bordeaux (France) as a Case Study
sur CybergeoNature in the city harbours a wide range of biodiversity. While some species are welcomed, others have settled in uninvited. This is the case with wild boar. The challenge of managing large urban wildlife is not only ecological but also cultural, political, and ethical. This study, driven by the general uncertainty surrounding the socio-ecological issues of coexistence with urban wild boar and potential solutions, explores and discusses the nature and flow of information underlying the specie’s management policies. Our approach is based on a field survey conducted in Bordeaux Metropolis, aimed at tracking the shared information between local stakeholders. The objectives are twofold: i) to gather and analyse existing data on urban wild boar, the problems generated by their presence in the city, and the management systems; ii) to model information flows between social groups facing the challenges of coexistence with wild boar or involved in their management. The study points to a lack...
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11:30
Les micropolluants émergents dans les eaux littorales : représentations et enjeux de gestion d’un problème complexe. Le cas du Pays basque français
sur CybergeoLa qualité de l’eau du littoral basque français est un enjeu crucial pour les gestionnaires locaux. Parmi les dégradations qu’elle subit, les micropolluants représentent un défi majeur. Ces substances chimiques, aussi appelées polluants émergents, peuvent nuire à la santé humaine et à l’environnement malgré leur présence en faibles concentrations. Leur gestion est complexe en raison de leur diversité, de leurs origines multiples, d’une absence massive de réglementation et de la nécessité d’une approche globale et multi-niveaux pour réduire leur impact, ce qui en fait un "problème épineux". Cet article a pour objectif d’appréhender les dynamiques et les défis de la gestion de ces polluants en portant la focale sur les acteurs locaux et leurs représentations du problème. La gestion de l’eau implique divers acteurs publics et privés, chacun ayant des intérêts et des responsabilités variés. Pour cette étude, 65 acteurs ont été interrogés sur leurs visions de la situation locale et de la...
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Digues et “nature”. Résultats d’une enquête sur la perception des digues et de leur évolution en France au XXIe siècle
sur CybergeoLe paradigme classique de la gestion des digues est centré sur la défense contre les eaux. Souhaitant proposer une vision multifonctionnelle et durable de ces ouvrages, nous avons retenu sept tronçons de digues maritimes et fluviales en France. Nous présentons ici une enquête menée auprès de 828 riverains et usagers de digues pour analyser leur perception et représentations. Si la fonction défensive de ces ouvrages demeure bien connue, la perception des digues urbaines et rurales diverge en matière de connaissance des digues et de liens entre digues et nature. Les enquêtés mettent en avant la naturalité des digues – objet pourtant artificiel. Cinq scénarios d’évolution des digues à l’avenir ont été proposés aux enquêtés : renforcer les digues, les ouvrir/abaisser, les végétaliser davantage, les aménager davantage, ou ne rien y changer. Le scénario le plus souhaité est celui d’un maintien à l’identique et le moins refusé, celui de la végétalisation des digues ; le renforcement des di...
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11:30
Nepthys Zwer, 2024, Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte, Paris, La découverte, 216 p.
sur CybergeoAvec pour ambition d’inscrire son ouvrage Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte (2024) au sein de la quatrième vague féministe (Dagorn, 2011), Nepthys Zwer propose de déconstruire les discours spatiaux genrés. Richement illustré par les photographies et cartes de l’autrice ou des acteur.rice.s rencontré.e.s, l’ouvrage selon Zwer n’est pas à classer avec les manuels d’épistémologie et de concepts géographiques. Nourri par les théories féministes, il offre aux géographes spécialistes du genre un état des lieux autour des pratiques spatiales genrées, tandis que d’autres y trouveront une première entrée pour comprendre les racines des comportements sexués et des usages différenciés de l’espace.
À travers les ateliers animés par l’autrice et la méthode de la contre-cartographie ("contre-carte", Peluso, 1995), Zwer mobilise plusieurs cas d’études en milieu urbain, en France et à l’étranger. Le choix de cette méthode permet de rendre compte d’espaces et/ou de phénomènes absents d...
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10:30
Enfrichement des côtes rocheuses : analyse de la dynamique du paysage et de la végétation
sur MappemondeCette étude porte sur deux secteurs littoraux enfrichés de la commune de Moëlan-sur-Mer soumis à un projet de remise en culture. Il s’agit ici d’interroger l’hétérogénéité paysagère et la diversité spécifique de ces espaces enfrichés. L’analyse des dynamiques d’ouverture et de fermeture du paysage depuis les années 1950 montre une pluralité de rythmes et de trajectoires selon les zones, l’action humaine et les contraintes écologiques. Les résultats font ressortir une diversité des formes végétales et des trajectoires, remettant en cause une uniformisation du paysage des friches littorales.
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10:30
Geodatadays 2023
sur MappemondeLes GéoDataDays constituent un évènement national indépendant dédié à la géographie numérique en France. Ces rencontres annuelles sont organisées par l’AFIGÉO et DécryptaGéo depuis cinq ans, en partenariat avec une plateforme régionale d’information géographique et des collectivités territoriales. Au cœur de cet évènement, le Groupement de recherche CNRS MAGIS, consacré à la géomatique, co-organise depuis quatre ans un concours, les CHALLENGES GEODATA, qui vise à faire connaître et à récompenser les innovations du monde académique par un jury indépendant et multipartite (recherche, collectivités et services de l’État, industriels). Les domaines d’application sont très variés et touchent à la collecte, au traitement, à l’analyse et à la visualisation de données géographiques (ou géolocalisées). Les six critères retenus par le jury permettent de comparer et d’évaluer ces propositions souvent hétérogènes : originalité, public ciblé, potentiel de dissémination, qualité et justesse des m...
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10:30
MapDraw. Un outil libre d’annotation de cartes en ligne
sur MappemondeLes enquêtes et questionnaires reposent souvent sur l’utilisation de supports papier, et les cartes ne font pas exception. En effet, ces dernières permettent une grande flexibilité, notamment en termes d’annotations, de dessins, etc. Mais la conversion et l’exploitation des données ainsi récoltées dans un SIG peuvent s’avérer fastidieuses, et cela peut bien souvent limiter la quantité de données récoltée. Cet article présente un outil libre en ligne, MapDraw, permettant de prendre des notes sur une carte interactive et d’exporter ces données dans un format utilisable par un SIG.
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10:30
HedgeTools : un outil d’analyse spatiale dédié à l’évaluation de la multifonctionnalité des haies
sur MappemondeLes haies jouent des rôles clés dans les paysages agricoles, mais leur caractérisation automatique par analyse spatiale est complexe. Dans cet article, nous décrivons les principales fonctionnalités d’un outil open source — HedgeTools — qui permet de calculer une diversité d’indicateurs contribuant à évaluer la multifonctionnalité des haies. Il permet de créer la géométrie des objets, de les redécouper en fonction de divers critères et d’extraire leurs caractéristiques à différents niveaux d’agrégation. HedgeTools vise à faciliter la gestion et la préservation des haies en permettant d’évaluer leur état et leurs fonctions dans les paysages, avec des perspectives d’amélioration et d’extension de ses fonctionnalités.
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10:30
Visualisation de données issues des réseaux sociaux : une plateforme de type Business Intelligence
sur MappemondeTextBI est un tableau de bord interactif destiné à visualiser des indicateurs multidimensionnels sur de grandes quantités de données multilingues issues des réseaux sociaux. Il cible quatre dimensions principales d’analyse : spatiale, temporelle, thématique et personnelle, tout en intégrant des données contextuelles comme le sentiment et l’engagement. Offrant plusieurs modes de visualisation, cet outil s’insère dans un cadre plus large visant à guider les diverses étapes de traitement de données des réseaux sociaux. Bien qu’il soit riche en fonctionnalités, il est conçu pour être intuitif, même pour des utilisateurs non informaticiens. Son application a été testée dans le domaine du tourisme en utilisant des données de Twitter (aujourd’hui X), mais il a été conçu pour être générique et adaptable à de multiples domaines. Une vidéo de démonstration est accessible au lien suivant : [https:]]
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Atlas du développement durable. Un monde en transition, Autrement, 2022
sur MappemondeL’Atlas du développement durable, proposé par Yvette Veyret et Paul Arnould est paru aux éditions Autrement en mars 2022 ; il s’agit d’une 2e édition, mettant à jour partiellement la première, parue deux ans auparavant.
Les auteurs sont tous deux professeurs émérites, de l’université Paris-Nanterre pour Yvette Veyret et de l’École normale supérieure de Lyon pour Paul Arnould. Les représentations graphiques et cartographiques ont été réalisées par Claire Levasseur, géographe-cartographe indépendante.
Après une introduction qui définit le développement durable dans ses composantes écologique, économique et sociale et présente les nouveaux objectifs définis dans l’Agenda pour 2030 (adopté lors du sommet des Nations Unies de 2015), cet atlas est divisé en trois parties : en premier lieu, un bilan mondial, puis les réponses globales apportées pour assurer un développement durable à l’échelle du globe, enfin les solutions proposées à l’échelle nationale française. Chaque partie est composée...
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La géographie des chefs étoilés : du rayonnement international a l’ancrage territorial
sur MappemondeCe texte de rubrique se situe en complémentarité de l’article sur la géographie des restaurants étoilés et s’intéresse plus particulièrement aux hommes et aux femmes qui se cachent derrière les étoiles, et donc aux « grands chefs ». Pour des raisons liées aux informations dont on peut disposer sur les sites spécialisés ou dans la littérature, ainsi qu’au nombre bien trop important de chefs qui ont une ou deux étoiles, ce qui suit concerne principalement les chefs triplement étoilés, soit trente personnes en 2021.
À partir de l’analyse de leurs lieux d’exercice et/ou d’investissement actuels, on peut dessiner une « géographie » des chefs étoilés et les diviser en trois groupes : les internationaux, les régionaux et les locaux. De même, l’observation de leur plus ou moins grand investissement dans la vie socio-économique locale, ainsi que leurs circuits d’approvisionnement nous permettront d’approcher leur rôle dans les dynamiques de développement local.
En ce qui concerne l’analyse du ...
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Mappa naturae, 2023
sur MappemondeLe collectif Stevenson, du nom de Robert Louis Stevenson, écrivain écossais et grand voyageur, connu dans le monde entier pour son roman L’Ile au trésor, publié en 1883, est composé de six auteurs spécialisés, peu ou prou, dans de multiples formes d’études des cartographies et de leurs usages à travers les époques : Jean-Marc Besse, philosophe et historien, Milena Charbit, architecte et artiste, Eugénie Denarnaud, paysagiste et plasticienne, Guillaume Monsaingeon, philosophe et historien, Hendrik Sturm, artiste marcheur (décédé le 15 août 2023), et Gilles A. Tiberghien, philosophe en esthétique. Ce collectif a déjà publié chez le même éditeur, en 2019 Mappa Insulae et, en 2021, Mappa Urbis. À l’image de leurs deux dernières parutions, Mappa Naturae se présente comme un recueil d’images cartographiques sélectionnées pour leur esthétique, leur ingéniosité ou, parfois, leur nouveauté. Le collectif ne donne pas d’informations synthétisées sur la provenance concrète des cartes. Les sourc...
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Représenter la centralité marchande : la coloration marchande et ses usages
sur MappemondeLa centralité marchande est le potentiel marchand détenu par un lieu. Elle peut être générée par différents types de configurations spatiales (les modes de centralité). L’article propose de voir comment représenter graphiquement cette centralité, afin de bien appréhender ses dimensions qualitatives. Nous qualifions de coloration marchande la proportion entre les différents modes de centralité : l’outil graphique proposé repose sur la couleur, entendue comme élément facilitant de la compréhension des situations spatiales. L’utilisation d’un même procédé graphique permettra de mieux discerner potentiel marchand d’un espace et usages réels (les modes d’usages) de celui-ci. Cet outil devrait permettre une meilleure prise en compte de la diversité des situations marchandes dans la production des cadres de l’urbanisme commercial.
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10:30
La géohistoire du royaume d’Abomey (1645-1894), dans le récit national et dans la formation territoriale du Bénin contemporain
sur MappemondeLa géohistoire du royaume d’Abomey, appuyé sur le groupe humain, la langue des Fon et sur la religion vaudou, couvre trois siècles et demi (1645 à 1894). Ce petit État-nation guerrier, esclavagiste, partenaire des négriers européens (Français, Portugais, Anglais, Danois), perd sa souveraineté à la fin du XIXe siècle, en intégrant la colonie française du Dahomey. Il abrite une des civilisations les plus brillantes de l’Afrique subsaharienne, qui fonde le soft power culturel (restitutions de l’art africain, mémoire de l’esclavage, constructions de musées, tourisme culturel), de l’actuelle République du Bénin.
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9:31
Le jumeau concret
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatiqueQuelque 150 personnes ont participé à la première édition de VirtualTER, fin mai à l’Université de Caen. Trois jours pour parler du jumeau numérique territorial, évoquer son potentiel et surtout coordonner des actions et fédérer des efforts. En effet, si tous s’accordent sur l’intérêt, beaucoup s’interrogent encore sur la manière d’agir : pas question de faire fausse route, alors que les investissements se raréfient !
Les conférences ont permis de découvrir les premiers développements en France, tels que le jumeau numérique de SNCF Réseau, les travaux de modélisation et simulation de CCR qui tendent au final vers un jumeau numérique pour la protection de l’assurabilité face aux catastrophes naturelles ou, à plus petite échelle, l’initiative de modélisation du territoire de Miquelon-Langlade (Saint-Pierre-et-Miquelon). L’étranger n’était pas oublié avec une matinée dédiée et le cas très apprécié de la ville de Montréal sur la réduction des îlots de chaleur.
Sur VirtualTER, notre rédaction a animé atelier sur les freins et les leviers à la mise en place d’un jumeau numérique territorial. Ce sera un point de départ pour notre enquête annuelle l’Observatoire du SIG à paraitre dans le prochain SIGMAG, en partenariat avec le CNIG, le Cerema, MINnD 2050 et Twin+. Que vous soyez une organisation publique ou privée, si vous avez un projet ou un développement de jumeau numérique territorial, contribuez à notre enquête en lien.
+ d'infos :
arcg.is/1GyS9z1
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7:00
25 juin : DLA en fête !
sur Dans les algorithmesMercredi 25 juin à 18h30 retrouvez nous chez Matrice, 146 boulevard de Charonne dans le 20e à Paris, pour fêter la première année d’existence de Danslesalgorithmes.net. Avec François-Xavier Petit, directeur de Matrice.io et président de l’association Vecteur, nous reviendrons sur notre ambition et ferons le bilan de la première année d’existence de DLA.
Avec Xavier de la Porte, journaliste au Nouvel Obs et producteur du podcast de France Inter, le Code a changé, nous nous interrogerons pour comprendre de quelle information sur le numérique avons-nous besoin, à l’heure où l’IA vient partout bouleverser sa place.
Venez en discuter avec nous et partager un verre pour fêter notre première bougie.
Matrice propose tous les soirs de cette semaine des moments d’échange et de rencontre, via son programme Variations. Découvrez le programme !
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9:45
Travail collaboratif sur le portail ArcGIS
sur SIGMAG & SIGTV.FR - Un autre regard sur la géomatiqueArcGIS Pro 3.5 est disponible depuis la mi-mai en France avec une foultitude de nouveautés. L’une d’entre elles va révolutionner la manière de travailler au sein d’une organisation, puisqu’elle permet d’enregistrer un projet sur son portail ArcGIS. C’est tout bête, mais il devient ainsi possible de le partager aussitôt avec plusieurs personnes. Elles vont pouvoir travailler immédiatement avec, sans avoir à passer par la phase de copie. Cette fonction de Workflow collaboratif s’accompagne d’un gestionnaire de droits d’accès pour autoriser la lecture seule ou la modification du projet et ainsi éviter tout conflit d’édition.
Autre nouveauté de cette version 3.5 : le support de bases de données documentaires NoSQL de type OpenSearch et Elasticsearch. Il devient possible de connecter ces bases de données à ArcGIS Pro et faire des requêtes dans ces informations non structurées contenant des documents de type PDF, photos ou vidéos, comme avec les bases de données graphes (photo).
+ d'infos :
esri.com/arcgis-blog/products/arcgis-pro
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7:00
Ecrire le code du numérique
sur Dans les algorithmesC’est une formidable histoire que raconte le Code du numérique. Un livre édité par les Habitant.es des images ASBL et la Cellule pour la réduction des inégalités sociales et de la lutte contre la pauvreté de Bruxelles. Ce livre est le résultat de trois années d’action nées des difficultés qu’ont éprouvé les plus démunis à accéder à leurs droits durant la pandémie. En réaction à la fermeture des guichets d’aide sociale pendant la crise Covid, des militants du secteur social belge ont lancé un groupe de travail pour visibiliser le vécu collectif des souffrances individuelles des plus précaires face au déploiement du numérique, donnant naissance au Comité humain du numérique. “La digitalisation de la société n’a pas entraîné une amélioration généralisée des compétences numériques”, rappelle le Comité en s’appuyant sur le baromètre de l’inclusion numérique belge.
Le Comité humain du numérique s’installe alors dans les quartiers et, avec les habitants, décide d’écrire un Code de loi : “Puisque l’Etat ne nous protège pas, écrivons les lois à sa place”. Rejoints par d’autres collectifs, le Comité humain se met à écrire la loi avec les habitants, depuis les témoignages de ceux qui n’arrivent pas à accomplir les démarches qu’on leur demande. Manifestations, séances d’écriture publique, délibérations publiques, parlement de rues… Le Comité implique les habitants, notamment contre l’ordonnance Bruxelles numérique qui veut rendre obligatoire les services publics digitalisés, sans garantir le maintien des guichets humains et rejoint la mobilisation coordonnée par le collectif Lire et écrire et plus de 200 associations. Devant le Parlement belge, le Comité humain organise des parlements humains de rue pour réclamer des guichets ! Suite à leur action, l’ordonnance Bruxelles numérique est amendée d’un nouvel article qui détermine des obligations pour les administrations à prévoir un accès par guichet, téléphone et voie postale – mais prévoit néanmoins la possibilité de s’en passer si les charges sont disproportionnées. Le collectif œuvre désormais à attaquer l’ordonnance devant la cour constitutionnelle belge et continue sa lutte pour refuser l’obligation au numérique.
Mais l’essentiel n’est pas que dans la victoire à venir, mais bien dans la force de la mobilisation et des propositions réalisées. Le Code du numérique ce sont d’abord 8 articles de lois amendés et discutés par des centaines d’habitants. L’article 1er rappelle que tous les services publics doivent proposer un accompagnement humain. Il rappelle que “si un robot ne nous comprend pas, ce n’est pas nous le problème”. Que cet accès doit être sans condition, c’est-à-dire gratuit, avec des temps d’attente limités, “sans rendez-vous”, sans obligation de maîtrise de la langue ou de l’écriture. Que l’accompagnement humain est un droit. Que ce coût ne doit pas reposer sur d’autres, que ce soit les proches, les enfants, les aidants ou les travailleurs sociaux. Que l’Etat doit veiller à cette accessibilité humaine et qu’il doit proposer aux citoyen.nes des procédures gratuites pour faire valoir leurs droits. L’article 2 rappelle que c’est à l’Etat d’évaluer l’utilité et l’efficacité des nouveaux outils numériques qu’il met en place : qu’ils doivent aider les citoyens et pas seulement les contrôler. Que cette évaluation doit associer les utilisateurs, que leurs impacts doivent être contrôlés, limités et non centralisés. L’article 3 rappelle que l’Etat doit créer ses propres outils et que les démarches administratives ne peuvent pas impliquer le recours à un service privé. L’article 4 suggère de bâtir des alternatives aux solutions numériques qu’on nous impose. L’article 5 suggère que leur utilisation doit être contrainte et restreinte, notamment selon les lieux ou les âges et souligne que l’apprentissage comme l’interaction entre parents et écoles ne peut être conditionnée par des outils numériques. L’article 6 en appelle à la création d’un label rendant visible le niveau de dangerosité physique ou mentale des outils, avec des possibilités de signalement simples. L’article 7 milite pour un droit à pouvoir se déconnecter sans se justifier. Enfin, l’article 8 plaide pour une protection des compétences humaines et de la rencontre physique, notamment dans le cadre de l’accès aux soins. “Tout employé.e/étudiant.e/patient.e/client.e a le droit d’exiger de rencontrer en face à face un responsable sur un lieu physique”. L’introduction de nouveaux outils numériques doit être développée et validée par ceux qui devront l’utiliser.
Derrière ces propositions de lois, simples, essentielles… la vraie richesse du travail du Comité humain du numérique est de proposer, de donner à lire un recueil de paroles qu’on n’entend nulle part. Les propos des habitants, des individus confrontés à la transformation numérique du monde, permettent de faire entendre des voix qui ne parviennent plus aux oreilles des concepteurs du monde. Des paroles simples et fortes. Georges : “Ce que je demanderai aux politiciens ? C’est de nous protéger de tout ça.” Anthony : “Internet devait être une plateforme et pas une vie secondaire”. Nora : “En tant qu’assistante sociale, le numérique me surresponsabilise et rend le public surdépendant de moi. Je suis le dernier maillon de la chaîne, l’échec social passe par moi. Je le matérialise”. Amina : “Je ne sais pas lire, je ne sais pas écrire. Mais je sais parler. Le numérique ne me laisse pas parler”. Aïssatou : “Maintenant tout est trop difficile. S’entraider c’est la vie. Avec le numérique il n’y a plus personne pour aider”. Khalid : “Qu’est-ce qui se passe pour les personnes qui n’ont pas d’enfant pour les aider ?” Elise : “Comment s’assurer qu’il n’y a pas de discrimination ?” Roger : “Le numérique est utilisé pour décourager les démarches”, puisque bien souvent on ne peut même pas répondre à un courriel. AnaÎs : “Il y a plein d’infos qui ne sont pas numérisées, car elles n’entrent pas dans les cases. La passation d’information est devenue très difficile”… Le Code du numérique nous “redonne à entendre les discours provenant des classes populaires”, comme nous y invitait le chercheur David Gaborieau dans le rapport “IA : la voie citoyenne”.
Le Code du numérique nous rappelle que désormais, les institutions s’invitent chez nous, dans nos salons, dans nos lits. Il rappelle que l’accompagnement humain sera toujours nécessaire pour presque la moitié de la population. Que “l’aide au remplissage” des documents administratifs ne peut pas s’arrêter derrière un téléphone qui sonne dans le vide. Que “la digitalisation des services publics et privés donne encore plus de pouvoir aux institutions face aux individus”. Que beaucoup de situations n’entreront jamais dans les “cases” prédéfinies.Le Code du numérique n’est pas qu’une expérience spécifique et située, rappellent ses porteurs. “Il est là pour que vous vous en empariez”. Les lois proposées sont faites pour être débattues, modifiées, amendées, adaptées. Les auteurs ont créé un jeu de cartes pour permettre à d’autres d’organiser un Parlement humain du numérique. Il détaille également comment créer son propre Comité humain, invite à écrire ses propres lois depuis le recueil de témoignages des usagers, en ouvrant le débat, en écrivant soi-même son Code, ses lois, à organiser son parlement et documente nombre de méthodes et d’outils pour interpeller, mobiliser, intégrer les contributions. Bref, il invite à ce que bien d’autres Code du numérique essaiment, en Belgique et bien au-delà ! A chacun de s’en emparer.
Le Code du numérique.
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7:00
Chatbots, une adoption sans impact ?
sur Dans les algorithmesDans sa dernière newsletter, Algorithm Watch revient sur une étude danoise qui a observé les effets des chatbots sur le travail auprès de 25 000 travailleurs provenant de 11 professions différentes où des chatbots sont couramment utilisés (développeurs, journalistes, professionnels RH, enseignants…). Si ces travailleurs ont noté que travailler avec les chatbots leur permettait de gagner du temps, d’améliorer la qualité de leur travail, le gain de temps s’est avéré modeste, représentant seulement 2,8% du total des heures de travail. La question des gains de productivité de l’IA générative dépend pour l’instant beaucoup des études réalisées, des tâches et des outils. Les gains de temps varient certes un peu selon les profils de postes (plus élevés pour les professions du marketing (6,8%) que pour les enseignants (0,2%)), mais ils restent bien modestes.”Sans flux de travail modifiés ni incitations supplémentaires, la plupart des effets positifs sont vains”.
Algorithm Watch se demande si les chatbots ne sont pas des outils de travail improductifs. Il semblerait plutôt que, comme toute transformation, elle nécessite surtout des adaptations organisationnelles ad hoc pour en développer les effets.
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7:00
Pour une science de la subjectivité
sur Dans les algorithmes« J’aimerais vous confronter à un problème de calcul difficile », attaque Albert Moukheiber sur la scène de la conférence USI 2025. « Dans les sciences cognitives, on est confronté à un problème qu’on n’arrive pas à résoudre : la subjectivité ! »
Le docteur en neuroscience et psychologue clinicien, auteur de Votre cerveau vous joue des tours (Allary éditions 2019) et de Neuromania (Allary éditions, 2024), commence par faire un rapide historique de ce qu’on sait sur le cerveau.
Où est le neurone ?« Contrairement à d’autres organes, un cerveau mort n’a rien à dire sur son fonctionnement. Et pendant très longtemps, nous n’avons pas eu d’instruments pour comprendre un cerveau ». En fait, les technologies permettant d’ausculter le cerveau, de cartographier son activité, sont assez récentes et demeurent bien peu précises. Pour cela, il faut être capable de mesurer son activité, de voir où se font les afflux d’énergie et l’activité chimique. C’est seulement assez récemment, depuis les années 1990 surtout, qu’on a développé des technologies pour étudier cette activité, avec les électro-encéphalogrammes, puis avec l’imagerie par résonance magnétique (IRM) structurelle et surtout fonctionnelle. L’IRM fonctionnelle est celle que les médecins vous prescrivent. Elle mesure la matière cérébrale permettant de créer une image en noir et blanc pour identifier des maladies, des lésions, des tumeurs. Mais elle ne dit rien de l’activité neuronale. Seule l’IRM fonctionnelle observe l’activité, mais il faut comprendre que les images que nous en produisons sont peu précises et demeurent probabilistes. Les images de l’IRMf font apparaître des couleurs sur des zones en activité, mais ces couleurs ne désignent pas nécessairement une activité forte de ces zones, ni que le reste du cerveau est inactif. L’IRMf tente de montrer que certaines zones sont plus actives que d’autres parce qu’elles sont plus alimentées en oxygène et en sang. L’IRMf fonctionne par soustraction des images passées. Le patient dont on mesure l’activité cérébrale est invité à faire une tâche en limitant au maximum toute autre activité que celle demandée et les scientifiques comparent ces images à des précédentes pour déterminer quelles zones sont affectées quand vous fermez le poing par exemple. « On applique des calculs de probabilité aux soustractions pour tenter d’isoler un signal dans un océan de bruits », précise Moukheiber dans Neuromania. L’IRMf n’est donc pas un enregistrement direct de l’activation cérébrale pour une tâche donnée, mais « une reconstruction a posteriori de la probabilité qu’une aire soit impliquée dans cette tâche ». En fait, les couleurs indiquent des probabilités. « Ces couleurs n’indiquent donc pas une intensité d’activité, mais une probabilité d’implication ». Enfin, les mesures que nous réalisons n’ont rien de précis, rappelle le chercheur. La précision de l’IRMf est le voxel, qui contient environ 5,5 millions de neurones ! Ensuite, l’IRMf capture le taux d’oxygène, alors que la circulation sanguine est bien plus lente que les échanges chimiques de nos neurones. Enfin, le traitement de données est particulièrement complexe. Une étude a chargé plusieurs équipes d’analyser un même ensemble de données d’IRMf et n’a pas conduit aux mêmes résultats selon les équipes. Bref, pour le dire simplement, le neurone est l’unité de base de compréhension de notre cerveau, mais nos outils ne nous permettent pas de le mesurer. Il faut dire qu’il n’est pas non plus le bon niveau explicatif. Les explications établies à partir d’images issues de l’IRMf nous donnent donc plus une illusion de connaissance réelle qu’autre chose. D’où l’enjeu à prendre les résultats de nombre d’études qui s’appuient sur ces images avec beaucoup de recul. « On peut faire dire beaucoup de choses à l’imagerie cérébrale » et c’est assurément ce qui explique qu’elle soit si utilisée.
Les données ne suffisent pasDans les années 50-60, le courant de la cybernétique pensait le cerveau comme un organe de traitement de l’information, qu’on devrait étudier comme d’autres machines. C’est la naissance de la neuroscience computationnelle qui tente de modéliser le cerveau à l’image des machines. Outre les travaux de John von Neumann, Claude Shannon prolonge ces idées d’une théorie de l’information qui va permettre de créer des « neurones artificiels », qui ne portent ce nom que parce qu’ils ont été créés pour fonctionner sur le modèle d’un neurone. En 1957, le Perceptron de Frank Rosenblatt est considéré comme la première machine à utiliser un réseau neuronal artificiel. Mais on a bien plus appliqué le lexique du cerveau aux ordinateurs qu’autre chose, rappelle Albert Moukheiber.
Aujourd’hui, l’Intelligence artificielle et ses « réseaux de neurones » n’a plus rien à voir avec la façon dont fonctionne le cerveau, mais les neurosciences computationnelles, elles continuent, notamment pour aider à faire des prothèses adaptées comme les BCI, Brain Computer Interfaces.
Désormais, faire de la science consiste à essayer de comprendre comment fonctionne le monde naturel depuis un modèle. Jusqu’à récemment, on pensait qu’il fallait des théories pour savoir quoi faire des données, mais depuis l’avènement des traitements probabilistes et du Big Data, les modèles théoriques sont devenus inutiles, comme l’expliquait Chris Anderson dans The End of Theory en 2008. En 2017, des chercheurs se sont tout de même demandé si l’on pouvait renverser l’analogie cerveau-ordinateur en tentant de comprendre le fonctionnement d’un microprocesseur depuis les outils des neurosciences. Malgré l’arsenal d’outils à leur disposition, les chercheurs qui s’y sont essayé ont été incapables de produire un modèle de son fonctionnement. Cela nous montre que comprendre un fonctionnement ne nécessite pas seulement des informations techniques ou des données, mais avant tout des concepts pour les organiser. En fait, avoir accès à une quantité illimitée de données ne suffit pas à comprendre ni le processeur ni le cerveau. En 1974, le philosophe des sciences, Thomas Nagel, avait proposé une expérience de pensée avec son article « Quel effet ça fait d’être une chauve-souris ? ». Même si l’on connaissait tout d’une chauve-souris, on ne pourra jamais savoir ce que ça fait d’être une chauve-souris. Cela signifie qu’on ne peut jamais atteindre la vie intérieure d’autrui. Que la subjectivité des autres nous échappe toujours. C’est là le difficile problème de la conscience.
Albert Moukheiber sur la scène d’USI 2025. La subjectivité nous échappe
Une émotion désigne trois choses distinctes, rappelle Albert Moukheiber. C’est un état biologique qu’on peut tenter d’objectiver en trouvant des modalités de mesure, comme le tonus musculaire. C’est un concept culturel qui a des ancrages et valeurs très différentes d’une culture l’autre. Mais c’est aussi et d’abord un ressenti subjectif. Ainsi, par exemple, le fait de se sentir triste n’est pas mesurable. « On peut parfaitement comprendre le cortex moteur et visuel, mais on ne comprend pas nécessairement ce qu’éprouve le narrateur de Proust quand il mange la fameuse madeleine. Dix personnes peuvent être émues par un même coucher de soleil, mais sont-elles émues de la même manière ? »
Notre réductionnisme objectivant est là confronté à des situations qu’il est difficile de mesurer. Ce qui n’est pas sans poser problèmes, notamment dans le monde de l’entreprise comme dans celui de la santé mentale.
Le monde de l’entreprise a créé d’innombrables indicateurs pour tenter de mesurer la performance des salariés et collaborateurs. Il n’est pas le seul, s’amuse le chercheur sur scène. Les notes des étudiants leurs rappellent que le but est de réussir les examens plus que d’apprendre. C’est la logique de la loi de Goodhart : quand la mesure devient la cible, elle n’est plus une bonne mesure. Pour obtenir des bonus financiers liés au nombre d’opérations réussies, les chirurgiens réalisent bien plus d’opérations faciles que de compliquées. Quand on mesure les humains, ils ont tendance à modifier leur comportement pour se conformer à la mesure, ce qui n’est pas sans effets rebond, à l’image du célèbre effet cobra, où le régime colonial britannique offrit une prime aux habitants de Delhi qui rapporteraient des cobras morts pour les éradiquer, mais qui a poussé à leur démultiplication pour toucher la prime. En entreprises, nombre de mesures réalisées perdent ainsi très vite de leur effectivité. Moukheiber rappelle que les innombrables tests de personnalité ne valent pas mieux qu’un horoscope. L’un des tests le plus utilisé reste le MBTI qui a été développé dans les années 30 par des personnes sans aucune formation en psychologie. Non seulement ces tests n’ont aucun cadre théorique (voir ce que nous en disait le psychologue Alexandre Saint-Jevin, il y a quelques années), mais surtout, « ce sont nos croyances qui sont déphasées. Beaucoup de personnes pensent que la personnalité des individus serait centrale dans le cadre professionnel. C’est oublier que Steve Jobs était surtout un bel enfoiré ! », comme nombre de ces « grands » entrepreneurs que trop de gens portent aux nues. Comme nous le rappelions nous-mêmes, la recherche montre en effet que les tests de personnalités peinent à mesurer la performance au travail et que celle-ci a d’ailleurs peu à voir avec la personnalité. « Ces tests nous demandent d’y répondre personnellement, quand ce devrait être d’abord à nos collègues de les passer pour nous », ironise Moukheiber. Ils supposent surtout que la personnalité serait « stable », ce qui n’est certainement pas si vrai. Enfin, ces tests oublient que bien d’autres facteurs ont peut-être bien plus d’importance que la personnalité : les compétences, le fait de bien s’entendre avec les autres, le niveau de rémunération, le cadre de travail… Mais surtout, ils ont tous un effet « barnum » : n’importe qui est capable de se reconnaître dedans. Dans ces tests, les résultats sont toujours positifs, même les gens les plus sadiques seront flattés des résultats. Bref, vous pouvez les passer à la broyeuse.
Dans le domaine de la santé mentale, la mesure de la subjectivité est très difficile et son absence très handicapante. La santé mentale est souvent vue comme une discipline objectivable, comme le reste de la santé. Le modèle biomédical repose sur l’idée qu’il suffit d’ôter le pathogène pour aller mieux. Il suffirait alors d’enlever les troubles mentaux pour enlever le pathogène. Bien sûr, ce n’est pas le cas. « Imaginez un moment, vous êtes une femme brillante de 45 ans, star montante de son domaine, travaillant dans une entreprise où vous êtes très valorisée. Vous êtes débauché par la concurrence, une entreprise encore plus brillante où vous allez pouvoir briller encore plus. Mais voilà, vous y subissez des remarques sexistes permanentes, tant et si bien que vous vous sentez moins bien, que vous perdez confiance, que vous développez un trouble anxieux. On va alors pousser la personne à se soigner… Mais le pathogène n’est ici pas en elle, il est dans son environnement. N’est-ce pas ici ses collègues qu’il faudrait pousser à se faire soigner ? »
En médecine, on veut toujours mesurer les choses. Mais certaines restent insondables. Pour mesurer la douleur, il existe une échelle de la douleur.
Exemple d’échelle d’évaluation de la douleur.
« Mais deux personnes confrontés à la même blessure ne vont pas l’exprimer au même endroit sur l’échelle de la douleur. La douleur n’est pas objectivable. On ne peut connaître que les douleurs qu’on a vécu, à laquelle on les compare ». Mais chacun a une échelle de comparaison différente, car personnelle. « Et puis surtout, on est très doué pour ne pas croire et écouter les gens. C’est ainsi que l’endométriose a mis des années pour devenir un problème de santé publique. Une femme à 50% de chance d’être qualifiée en crise de panique quand elle fait un AVC qu’un homme »… Les exemples en ce sens sont innombrables. « Notre obsession à tout mesurer finit par nier l’existence de la subjectivité ». Rapportée à moi, ma douleur est réelle et handicapante. Rapportée aux autres, ma douleur n’est bien souvent perçue que comme une façon de se plaindre. « Les sciences cognitives ont pourtant besoin de meilleures approches pour prendre en compte cette phénoménologie. Nous avons besoin d’imaginer les moyens de mesurer la subjectivité et de la prendre plus au sérieux qu’elle n’est ».
La science de la subjectivité n’est pas dénuée de tentatives de mesure, mais elles sont souvent balayées de la main, alors qu’elles sont souvent plus fiables que les mesures dites objectives. « Demander à quelqu’un comment il va est souvent plus parlant que les mesures électrodermales qu’on peut réaliser ». Reste que les mesures physiologiques restent toujours très séduisantes que d’écouter un patient, un peu comme quand vous ajoutez une image d’une IRM à un article pour le rendre plus sérieux qu’il n’est.
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Pour conclure la journée, Christian Fauré, directeur scientifique d’Octo Technology revenait sur son thème, l’incalculabilité. « Trop souvent, décider c’est calculer. Nos décisions ne dépendraient plus alors que d’une puissance de calcul, comme nous le racontent les chantres de l’IA qui s’empressent à nous vendre la plus puissante. Nos décisions sont-elles le fruit d’un calcul ? Nos modèles d’affaires dépendent-ils d’un calcul ? Au tout début d’OpenAI, Sam Altman promettait d’utiliser l’IA pour trouver un modèle économique à OpenAI. Pour lui, décider n’est rien d’autre que calculer. Et le calcul semble pouvoir s’appliquer à tout. Certains espaces échappent encore, comme vient de le dire Albert Moukheiber. Tout n’est pas calculable. Le calcul ne va pas tout résoudre. Cela semble difficile à croire quand tout est désormais analysé, soupesé, mesuré« . « Il faut qu’il y ait dans le poème un nombre tel qu’il empêche de compter », disait Paul Claudel. Le poème n’est pas que de la mesure et du calcul, voulait dire Claudel. Il faut qu’il reste de l’incalculable, même chez le comptable, sinon à quoi bon faire ces métiers. « L’incalculable, c’est ce qui donne du sens ».
« Nous vivons dans un monde où le calcul est partout… Mais il ne donne pas toutes les réponses. Et notamment, il ne donne pas de sens, comme disait Pascal Chabot. Claude Shannon, dit à ses collègues de ne pas donner de sens et de signification dans les données. Turing qui invente l’ordinateur, explique que c’est une procédure univoque, c’est-à-dire qu’elle est reliée à un langage qui n’a qu’un sens, comme le zéro et le un. Comme si finalement, dans cette abstraction pure, réduite à l’essentiel, il était impossible de percevoir le sens ».
Hubert Guillaud
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11:30
Représentations des risques d’inondation, adaptation et évacuation en Île-de-France
sur CybergeoL’étude des déterminants des représentations liées aux risques et leurs effets sur les niveaux de préparation des populations exposées conduit à des conclusions souvent contradictoires d’une étude de cas à une autre. De nombreuses théories et hypothèses concurrentes ont été formulées dans des disciplines différentes, mais aucune n’est parvenue à s’imposer empiriquement. La validation croisée des résultats est complexe et le champ des risk perception s’apparente souvent à une collection d’études de cas indépendantes et peu comparables. À partir d’une enquête par questionnaire sur les représentations liées au risque inondation à Paris et en Île-de-France sur un échantillon de grande taille (n=2976), cet article propose une réflexion théorique et méthodologique pour consolider le positionnement de la géographie dans le champ des représentations des risques, pour mieux démêler les facteurs sociaux et territoriaux. Les questions de recherche se structurent autour du rôle de l’exposition ...
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11:30
Mark Monmonier, 2023, Comment faire mentir les cartes, Paris, Flammarion, 304 p.
sur CybergeoInitialement publié en 1991 et rapidement traduit en français (1993), Comment faire mentir les cartes de Mark Monmonier est un livre dont l’auteur admet lui-même qu’il n’a pas complètement atteint son objectif. Il voulait en faire un ouvrage pour le grand public et surtout pas un manuel étudiant. C’est pourtant, en France du moins, ce qu’il est devenu. La troisième édition, sortie aux États-Unis en 2018, a été traduite dès 2019 dans la collection Autrement de Flammarion. Cinq ans plus tard, le même éditeur ressort aujourd’hui cet ouvrage en format poche dans sa collection Champs/essais. Si les illustrations pâtissent de la réduction du format et de la qualité de la reprographie, le format et le prix le rendent plus accessible. Cela pourrait enfin lui ouvrir les portes du lectorat initialement visé : "Le lecteur intelligent et non-initié qui s’intéresse à la cartographie" (p.14).
Car, il faut le rappeler, et le titre nous le suggère, ce n’est pas d’un traité de cartographie dont il s’...
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11:30
Les échanges fonciers agricoles, levier pour la transition agroécologique de l’élevage ?
sur CybergeoL’agriculture contribue aux dérèglements climatiques et à l’érosion de la biodiversité autant qu’elle en subit les conséquences Les pratiques agricoles évoluent pour y remédier, notamment à travers la transition agroécologique qui propose de combiner les savoirs de l’agronomie et de l’écologie. La dimension foncière (distribution et droits d’usage des parcelles) de ces pratiques est peu explorée par la recherche, en dépit de son caractère déterminant pour cette transition. Cet article examine les avantages et limites des échanges de foncier agricole pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre et pour le maintien d’habitats favorables à la biodiversité, mais aussi pour les conditions de travail des agriculteurs. Il s’appuie sur l’analyse de l’élevage laitier dans la Zone Atelier Armorique, à partir d’entretiens auprès de services (para-)publics en charge du foncier agricole en Ille-et-Vilaine. Combinant des approches en écologie, en géographie et en droit, cette étude pr...
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11:30
Hervé Théry, 2024, Amazone. Un monde en partage, Paris, CNRS Éditions, 229 p.
sur CybergeoAprès le Congo, le Tigre et l’Euphrate, le Mississippi et la Volga, voici l’Amazone. Ce livre est publié dans la collection Géohistoire d’un fleuve, dirigée par Thierry Sanjuan. Hervé Théry, grand spécialiste du Brésil et de l’Amérique latine, s’attaque à un véritable monument, le plus grand fleuve du monde, par la taille de son bassin, par son débit et par sa longueur même si, chiffres à la clé, il montre que ce dernier record est contesté par le Nil.
C’est un livre de facture classique que nous livre le géographe. Le style est précis, très clair, sans jargon. Hervé Théry expose des faits, donne des chiffres (et les compare avec d’autres avec une volonté didactique affichée), décrit des lieux avant de se livrer à des analyses et de pointer quelques enjeux majeurs. Citons-les tout de suite : le "partage" de cet immense territoire, les incendies, la déforestation, l’accessibilité et les voies de circulation, la mondialisation des problèmes amazoniens, les droits des peuples autochtone...
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11:30
La passation des marchés publics : une entrée utile pour l’analyse des interactions spatiales dans l’espace français
sur CybergeoL’ouverture récente des données concernant la passation des marchés publics à l’échelle européenne permet d’accéder à des informations sur les acheteurs publics et sur les entreprises prestataires sélectionnées. Le « nettoyage » et géoréférencement de la base de données à l’échelle européenne Tenders Electronic Daily (TED) sur les marchés publics a permis de créer et mettre à disposition de tous une base à l’échelle du territoire français, la base French Open Public Procurement Award Notices (FOPPA). Cette base permet d’explorer de manière inédite les interactions entre des unités spatiales de différentes échelles. Elle offre la possibilité d’identifier les acteurs impliqués dans les marchés, leurs partenaires, ainsi que le type de marché, afin d’analyser et d’expliquer ces relations.
Dans cet article, nous illustrons les possibilités offertes par la base FOPPA, en produisant des analyses essentiellement descriptives des interactions, au prisme de la commande publique, aux échelles r... -
11:30
Searching for Data: Nature and Flow of Information Underlying Urban Wild Boar Management Policies. Bordeaux (France) as a Case Study
sur CybergeoNature in the city harbours a wide range of biodiversity. While some species are welcomed, others have settled in uninvited. This is the case with wild boar. The challenge of managing large urban wildlife is not only ecological but also cultural, political, and ethical. This study, driven by the general uncertainty surrounding the socio-ecological issues of coexistence with urban wild boar and potential solutions, explores and discusses the nature and flow of information underlying the specie’s management policies. Our approach is based on a field survey conducted in Bordeaux Metropolis, aimed at tracking the shared information between local stakeholders. The objectives are twofold: i) to gather and analyse existing data on urban wild boar, the problems generated by their presence in the city, and the management systems; ii) to model information flows between social groups facing the challenges of coexistence with wild boar or involved in their management. The study points to a lack...
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Les micropolluants émergents dans les eaux littorales : représentations et enjeux de gestion d’un problème complexe. Le cas du Pays basque français
sur CybergeoLa qualité de l’eau du littoral basque français est un enjeu crucial pour les gestionnaires locaux. Parmi les dégradations qu’elle subit, les micropolluants représentent un défi majeur. Ces substances chimiques, aussi appelées polluants émergents, peuvent nuire à la santé humaine et à l’environnement malgré leur présence en faibles concentrations. Leur gestion est complexe en raison de leur diversité, de leurs origines multiples, d’une absence massive de réglementation et de la nécessité d’une approche globale et multi-niveaux pour réduire leur impact, ce qui en fait un "problème épineux". Cet article a pour objectif d’appréhender les dynamiques et les défis de la gestion de ces polluants en portant la focale sur les acteurs locaux et leurs représentations du problème. La gestion de l’eau implique divers acteurs publics et privés, chacun ayant des intérêts et des responsabilités variés. Pour cette étude, 65 acteurs ont été interrogés sur leurs visions de la situation locale et de la...
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Digues et “nature”. Résultats d’une enquête sur la perception des digues et de leur évolution en France au XXIe siècle
sur CybergeoLe paradigme classique de la gestion des digues est centré sur la défense contre les eaux. Souhaitant proposer une vision multifonctionnelle et durable de ces ouvrages, nous avons retenu sept tronçons de digues maritimes et fluviales en France. Nous présentons ici une enquête menée auprès de 828 riverains et usagers de digues pour analyser leur perception et représentations. Si la fonction défensive de ces ouvrages demeure bien connue, la perception des digues urbaines et rurales diverge en matière de connaissance des digues et de liens entre digues et nature. Les enquêtés mettent en avant la naturalité des digues – objet pourtant artificiel. Cinq scénarios d’évolution des digues à l’avenir ont été proposés aux enquêtés : renforcer les digues, les ouvrir/abaisser, les végétaliser davantage, les aménager davantage, ou ne rien y changer. Le scénario le plus souhaité est celui d’un maintien à l’identique et le moins refusé, celui de la végétalisation des digues ; le renforcement des di...
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Nepthys Zwer, 2024, Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte, Paris, La découverte, 216 p.
sur CybergeoAvec pour ambition d’inscrire son ouvrage Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte (2024) au sein de la quatrième vague féministe (Dagorn, 2011), Nepthys Zwer propose de déconstruire les discours spatiaux genrés. Richement illustré par les photographies et cartes de l’autrice ou des acteur.rice.s rencontré.e.s, l’ouvrage selon Zwer n’est pas à classer avec les manuels d’épistémologie et de concepts géographiques. Nourri par les théories féministes, il offre aux géographes spécialistes du genre un état des lieux autour des pratiques spatiales genrées, tandis que d’autres y trouveront une première entrée pour comprendre les racines des comportements sexués et des usages différenciés de l’espace.
À travers les ateliers animés par l’autrice et la méthode de la contre-cartographie ("contre-carte", Peluso, 1995), Zwer mobilise plusieurs cas d’études en milieu urbain, en France et à l’étranger. Le choix de cette méthode permet de rendre compte d’espaces et/ou de phénomènes absents d...
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Postal horse relays and roads in France, from the 17th to the 19th centuries
sur CybergeoLa base de données présentée ici résulte d’un travail collectif mené depuis une vingtaine d’années, réunissant géographes, géohistoriens et géomaticiens, autour d’un des premiers réseaux de transport rapide créé en France, celui de la poste à cheval. Les objectifs de recherche ont varié au cours des années, comme nous le montrons dans cet article, mais se sont constamment appuyés sur l’exploitation de la saisie du réseau à différentes dates dans un système d’information géographique (SIG). La base fournit les informations permettant la modélisation du réseau des routes de la poste à cheval et leur relais (où les montures étaient changées) sur ce SIG Historique, de 1632 à 1833, à sept dates. Quatre fichiers peuvent être téléchargés : la localisation et le nom des relais et des communes actuelles dans lesquels ils sont localisés en 1632, 1708, 1733, 1758, 1783, 1810 et 1833 (numérisés à partir d’une carte de 1632 et des Livres de Poste) ; les routes numérisées selon une distance à vol...
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Enfrichement des côtes rocheuses : analyse de la dynamique du paysage et de la végétation
sur MappemondeCette étude porte sur deux secteurs littoraux enfrichés de la commune de Moëlan-sur-Mer soumis à un projet de remise en culture. Il s’agit ici d’interroger l’hétérogénéité paysagère et la diversité spécifique de ces espaces enfrichés. L’analyse des dynamiques d’ouverture et de fermeture du paysage depuis les années 1950 montre une pluralité de rythmes et de trajectoires selon les zones, l’action humaine et les contraintes écologiques. Les résultats font ressortir une diversité des formes végétales et des trajectoires, remettant en cause une uniformisation du paysage des friches littorales.
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Geodatadays 2023
sur MappemondeLes GéoDataDays constituent un évènement national indépendant dédié à la géographie numérique en France. Ces rencontres annuelles sont organisées par l’AFIGÉO et DécryptaGéo depuis cinq ans, en partenariat avec une plateforme régionale d’information géographique et des collectivités territoriales. Au cœur de cet évènement, le Groupement de recherche CNRS MAGIS, consacré à la géomatique, co-organise depuis quatre ans un concours, les CHALLENGES GEODATA, qui vise à faire connaître et à récompenser les innovations du monde académique par un jury indépendant et multipartite (recherche, collectivités et services de l’État, industriels). Les domaines d’application sont très variés et touchent à la collecte, au traitement, à l’analyse et à la visualisation de données géographiques (ou géolocalisées). Les six critères retenus par le jury permettent de comparer et d’évaluer ces propositions souvent hétérogènes : originalité, public ciblé, potentiel de dissémination, qualité et justesse des m...
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MapDraw. Un outil libre d’annotation de cartes en ligne
sur MappemondeLes enquêtes et questionnaires reposent souvent sur l’utilisation de supports papier, et les cartes ne font pas exception. En effet, ces dernières permettent une grande flexibilité, notamment en termes d’annotations, de dessins, etc. Mais la conversion et l’exploitation des données ainsi récoltées dans un SIG peuvent s’avérer fastidieuses, et cela peut bien souvent limiter la quantité de données récoltée. Cet article présente un outil libre en ligne, MapDraw, permettant de prendre des notes sur une carte interactive et d’exporter ces données dans un format utilisable par un SIG.
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HedgeTools : un outil d’analyse spatiale dédié à l’évaluation de la multifonctionnalité des haies
sur MappemondeLes haies jouent des rôles clés dans les paysages agricoles, mais leur caractérisation automatique par analyse spatiale est complexe. Dans cet article, nous décrivons les principales fonctionnalités d’un outil open source — HedgeTools — qui permet de calculer une diversité d’indicateurs contribuant à évaluer la multifonctionnalité des haies. Il permet de créer la géométrie des objets, de les redécouper en fonction de divers critères et d’extraire leurs caractéristiques à différents niveaux d’agrégation. HedgeTools vise à faciliter la gestion et la préservation des haies en permettant d’évaluer leur état et leurs fonctions dans les paysages, avec des perspectives d’amélioration et d’extension de ses fonctionnalités.
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Visualisation de données issues des réseaux sociaux : une plateforme de type Business Intelligence
sur MappemondeTextBI est un tableau de bord interactif destiné à visualiser des indicateurs multidimensionnels sur de grandes quantités de données multilingues issues des réseaux sociaux. Il cible quatre dimensions principales d’analyse : spatiale, temporelle, thématique et personnelle, tout en intégrant des données contextuelles comme le sentiment et l’engagement. Offrant plusieurs modes de visualisation, cet outil s’insère dans un cadre plus large visant à guider les diverses étapes de traitement de données des réseaux sociaux. Bien qu’il soit riche en fonctionnalités, il est conçu pour être intuitif, même pour des utilisateurs non informaticiens. Son application a été testée dans le domaine du tourisme en utilisant des données de Twitter (aujourd’hui X), mais il a été conçu pour être générique et adaptable à de multiples domaines. Une vidéo de démonstration est accessible au lien suivant : [https:]]
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Atlas du développement durable. Un monde en transition, Autrement, 2022
sur MappemondeL’Atlas du développement durable, proposé par Yvette Veyret et Paul Arnould est paru aux éditions Autrement en mars 2022 ; il s’agit d’une 2e édition, mettant à jour partiellement la première, parue deux ans auparavant.
Les auteurs sont tous deux professeurs émérites, de l’université Paris-Nanterre pour Yvette Veyret et de l’École normale supérieure de Lyon pour Paul Arnould. Les représentations graphiques et cartographiques ont été réalisées par Claire Levasseur, géographe-cartographe indépendante.
Après une introduction qui définit le développement durable dans ses composantes écologique, économique et sociale et présente les nouveaux objectifs définis dans l’Agenda pour 2030 (adopté lors du sommet des Nations Unies de 2015), cet atlas est divisé en trois parties : en premier lieu, un bilan mondial, puis les réponses globales apportées pour assurer un développement durable à l’échelle du globe, enfin les solutions proposées à l’échelle nationale française. Chaque partie est composée...
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La géographie des chefs étoilés : du rayonnement international a l’ancrage territorial
sur MappemondeCe texte de rubrique se situe en complémentarité de l’article sur la géographie des restaurants étoilés et s’intéresse plus particulièrement aux hommes et aux femmes qui se cachent derrière les étoiles, et donc aux « grands chefs ». Pour des raisons liées aux informations dont on peut disposer sur les sites spécialisés ou dans la littérature, ainsi qu’au nombre bien trop important de chefs qui ont une ou deux étoiles, ce qui suit concerne principalement les chefs triplement étoilés, soit trente personnes en 2021.
À partir de l’analyse de leurs lieux d’exercice et/ou d’investissement actuels, on peut dessiner une « géographie » des chefs étoilés et les diviser en trois groupes : les internationaux, les régionaux et les locaux. De même, l’observation de leur plus ou moins grand investissement dans la vie socio-économique locale, ainsi que leurs circuits d’approvisionnement nous permettront d’approcher leur rôle dans les dynamiques de développement local.
En ce qui concerne l’analyse du ...
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Mappa naturae, 2023
sur MappemondeLe collectif Stevenson, du nom de Robert Louis Stevenson, écrivain écossais et grand voyageur, connu dans le monde entier pour son roman L’Ile au trésor, publié en 1883, est composé de six auteurs spécialisés, peu ou prou, dans de multiples formes d’études des cartographies et de leurs usages à travers les époques : Jean-Marc Besse, philosophe et historien, Milena Charbit, architecte et artiste, Eugénie Denarnaud, paysagiste et plasticienne, Guillaume Monsaingeon, philosophe et historien, Hendrik Sturm, artiste marcheur (décédé le 15 août 2023), et Gilles A. Tiberghien, philosophe en esthétique. Ce collectif a déjà publié chez le même éditeur, en 2019 Mappa Insulae et, en 2021, Mappa Urbis. À l’image de leurs deux dernières parutions, Mappa Naturae se présente comme un recueil d’images cartographiques sélectionnées pour leur esthétique, leur ingéniosité ou, parfois, leur nouveauté. Le collectif ne donne pas d’informations synthétisées sur la provenance concrète des cartes. Les sourc...
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Représenter la centralité marchande : la coloration marchande et ses usages
sur MappemondeLa centralité marchande est le potentiel marchand détenu par un lieu. Elle peut être générée par différents types de configurations spatiales (les modes de centralité). L’article propose de voir comment représenter graphiquement cette centralité, afin de bien appréhender ses dimensions qualitatives. Nous qualifions de coloration marchande la proportion entre les différents modes de centralité : l’outil graphique proposé repose sur la couleur, entendue comme élément facilitant de la compréhension des situations spatiales. L’utilisation d’un même procédé graphique permettra de mieux discerner potentiel marchand d’un espace et usages réels (les modes d’usages) de celui-ci. Cet outil devrait permettre une meilleure prise en compte de la diversité des situations marchandes dans la production des cadres de l’urbanisme commercial.