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    • sur Une nouvelle méthode opérationnelle pour surveiller le dépérissement des chênes en région Centre-Val de Loire

      Publié: 22 November 2023, 3:51pm CET par Florian Mouret

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      Les résultats présentés ici sont issus des travaux publiés dans l’article: F. Mouret, D. Morin, H. Martin, M. Planells and C. Vincent-Barbaroux, « Toward an Operational Monitoring of Oak Dieback With Multispectral Satellite Time Series: A Case Study in Centre-Val De Loire Region of France, » in IEEE Journal of Selected Topics in Applied Earth Observations and Remote Sensing, doi: https://doi.org/10.1109/jstars.2023.3332420

      Contexte et introduction

      Le dépérissement forestier se caractérise par une diminution de la vitalité des arbres (déficit foliaire, perte de ramifications et de branches), pouvant aller jusqu’à leur mort. Il est causé par une combinaison de facteurs (sol, climat, ravageur, …) pouvant se succéder et/ou se combiner, provoquant une perte de santé dans des peuplements entiers.

      Le changement climatique, un facteur aggravant

      Le changement climatique a un impact direct sur les forêts. Les principaux facteurs en cause sont l’augmentation des températures et des phénomènes météorologiques extrêmes ainsi qu’une modification des précipitations. Les arbres, plus vulnérables, sont donc plus sensibles aux attaques de ravageurs et aux parasites, eux même favorisés par l’augmentation des températures.

      Figure 1: Taux d’arbres morts sur pied par essence (période 2015-2019). Source : IGN ( [https:]] ) Étude de cas : le dépérissement des chênes en Centre-Val de Loire

      Le chêne sessile et pédonculé, des espèces emblématiques des forêts françaises et particulièrement présentes en région Centre-Val de Loire, sont touchés par une augmentation massive des dépérissements. Cette augmentation fait suite aux sécheresses successives de ces dernières années (en particulier 2018/2019/2020) et devrait continuer dans les décennies à venir. Concernant la vitesse des dépérissements, celui du chêne est un processus lent et diffus contrairement à d’autres espèces (par exemple, les attaques de scolytes sur épicéa), ce qui rend son suivi particulièrement délicat.

      Mise en place d’un système de suivi opérationnel basée sur la chaîne de traitement iota

      Dans ce contexte, un état des lieux est nécessaire afin d’adapter au mieux les réponses à apporter par la filière forestière. Dans le cadre du projet RECONFORT de l’ARD SYCOMORE, programme de recherche financé par la région Centre-Val de Loire, un système de suivi opérationnel du dépérissement du chêne a donc été mis au point par l’Université d’Orléans et le CESBIO. Ce suivi est réalisé à l’aide d’images satellites Sentinel-2, qui présentent des avantages évident pour ce type d’applications : grande revisite temporelle et résolution spatiale adaptée à des détections fines. La chaîne de traitement se base sur iota2, développée au CESBIO pour la cartographie large échelle à l’aide de séries temporelles d’images satellite. L’utilisation de iota2 permet d’avoir une chaîne de production facilement transférable et/ou utilisable par différents utilisateurs (voir par exemple notre package de production de cartes de dépérissement). Dans le cadre de notre étude, la chaîne iota2 a été adaptée à nos besoins. En particulier, l’étape d’apprentissage du modèle est effectuée en dehors de la chaîne afin de pouvoir utiliser des exemples d’apprentissage provenant de plusieurs années différentes (voir la Section Méthode).

      Zone d’étude et données d’apprentissage

      Notre zone d’étude correspond à la région Centre-Val de Loire et ses environs (voir Figure 2). Les données d’apprentissages sont des placettes (20 arbres) labellisées entre les année 2017 et 2022 à l’aide du protocole DEPERIS, utilisé par le Département de la santé des forêts (DSF) en France. En prenant en compte le taux de mortalité de branches et le manque de ramification, ce protocole associe à un arbre une note allant de A (sain) à F (mort). Une note de D correspond à un arbre dépérissant et traduit une perte de plus de 50% de son houppier. Une placette est considérée dépérissante lorsque plus de 20% des arbres sont dépérissants (c’est la convention adoptée par les forestiers en France). En pratique, nous avons séparé les placettes en 3 catégories en fonction du pourcentage d’arbres dépérissants : saines (moins de 20%), dépérissantes (entre 20 et 50%) et très dépérissantes (+50%). Au total, plus de 2700 placettes de référence ont été utilisées, la moitié ayant été labellisées en 2020 lors d’une enquête nationale menée par le DSF.

      Figure 2 : La région d’étude est délimitée par la zone grise. La frontière de la région Centre-Val de Loire et de ses départements est en blanc. Enfin, les points de couleur localisent les données de référence, chaque couleur représentant une année de notation. L’arrière-plan utilise des images S2 sans nuage (Mouret et al., 2023). Méthode

      La chaîne de traitement élaborée pour l’apprentissage d’un modèle de détection du dépérissement sur le chêne est détaillée Figure 3. Une des particularités de notre approche est l’élaboration d’une base d’apprentissage multi-annuel, permettant d’obtenir un modèle de prédiction utilisable sur plusieurs années différentes. Cette approche multi-annuelle est motivée par la volonté de 1) mettre à profit la disponibilité de références terrain acquises sur plusieurs années et 2) continuer les prédictions dans les années à venir sans avoir besoin de recalibrer le modèle appris.

      Dans un premier temps, nous avons étudié différents indices spectraux calculés à partir d’images Sentinel-2 afin de repérer ceux qui étaient les mieux adaptés au suivi du dépérissement du chêne. Deux indices différents et complémentaires ont été choisis :  un lié au contenu en chlorophylle et l’autre lié au contenu en eau de la végétation analysée. En passant à la production des cartes, nous nous sommes aperçus que les prédictions du modèle appris sur nos données brutes avaient tendance à osciller entre prédictions optimistes (carte avec une majorité de pixels sains) et pessimistes (carte avec plus de pixels dépérissants). Ces oscillations sont causées par des variations phénologiques et  un déséquilibre de nos données d’apprentissage: par exemple, les prédictions pour l’année 2020 ayant une grande proportion de données d’apprentissage saines sont plus optimistes que l’année 2021 qui a une proportion de données d’apprentissage dépérissantes plus importante. Pour améliorer la stabilité de notre modèle de prédiction (et ses performances), nous avons augmenté nos données d’apprentissage en utilisant une technique simple et intuitive qui peut se résumer avec les deux règles suivantes : Règle 1: une placette saine l’année Y était très probablement saine les années Y-1 et Y-2, Règle 2 : une placette dépérissante l’année Y va très probablement continuer à dépérir l’année Y+1 et Y+2. En pratique (voir détails dans l’article complet), le modèle de classification utilisé est Random Forest et les données d’entrées sont des séries temporelles sur deux années consécutives des deux indices de végétation issus d’image Sentinel-2 décrit plus haut. Une étape d’équilibrage du jeu d’apprentissage est également effectuée grâce à l’algorithme SMOTE, qui permet de générer des exemples synthétiques dans les classes minoritaires.

      chaîne de traitement proposée (Mouret et al., 2023)Figure 3 : chaîne de traitement proposée (Mouret et al., 2023) Résultats

      Nos résultats de validation montrent qu’il est possible de détecter avec précision le dépérissement du chêne (overall accuracy = 80 % et balanced accuracy = 79 %). Une validation croisée spatiale a également été effectuée avec un tampon de 10 km pour évaluer les performances du modèle sur des régions qui n’ont jamais été rencontrées pendant l’entraînement (quelque soit les années). Dans ce cas là, une légère diminution des performances a été observée ( ? 5 %). La Figure 4 montre la carte produite pour l’année 2022. Elle met en avant l’hétérogénéité de l’état sanitaire au sein de la région : la Sologne au centre de l’image est par exemple très dépérissante alors que le nord-ouest est peu affecté. N’ayant pas à notre disposition de masque chêne de grande qualité, nous avons décidé d’utiliser le masque feuillus OSO (des études préliminaires nous ont d’ailleurs montré que les cartes produites sont assez pertinentes sur les feuillus en général). En utilisant le masque de chêne «  BD forêt V2 (IGN)  » , le pourcentage de pixels dépérissants est passé de 15% en 2019 à 25% en 2022 (ces résultats sont à prendre avec précaution et sont probablement pessimistes, puisque le masque est ancien et que nous ne disposons pas d’un masque pour les coupes rases).. Des parcelles homogènes (en rouge) sont visibles et correspondent en général à des coupes. Les Figures 5 et 6 nous permettent d’apprécier plus en détail la finesse spatiale de l’analyse et l’évolution temporelle des dépérissements dans des zones situées dans les forêts domaniales d’Orléans et de Tronçais. En particulier, nous pouvons constater l’évolution parfois très rapide et étendue des dépérissements d’une année à l’autre.

      Figure 4 : Cartographie de l’état sanitaire des peuplements feuillus pour l’année 2022. En cyan, orange et en rouge les pixels sains, dépérissants et fortement dépérissants. Le masque de la carte d’occupation du sol OSO 2021 pour les peuplements feuillus a été utilisé.

       

      Figure 5: Évolution du dépérissement prédit entre 2017 et 2022 sur une partie de la forêt d’Orléans (nord-ouest). Des parcelles homogènes (en rouge) sont visibles et correspondent en général à des coupes. Figure 6: Évolution du dépérissement prédit entre 2017 et 2022 sur une partie de la forêt de Tronçais. Des parcelles homogènes (en rouge) sont visibles et correspondent en général à des coupes. Conclusions et perspectives

      Ces travaux mettent en avant l’intérêt de l’imagerie Sentinel-2 pour le suivi systématique de la santé des forêts. Compte tenu du caractère diffus du phénomène observé, l’utilisation de méthode supervisée (ici Random Forest) s’est avérée nécessaire. Une particularité de notre approche est l’élaboration d’un modèle multi-annuel assez stable pour être utilisé plusieurs années successives. De nombreuses perspectives et pistes d’amélioration sont possibles. En particulier, il serait intéressant d’automatiser l’étape d’augmentation de données afin de remplacer les règles (rigides) appliquées actuellement. Un passage à l’échelle nationale pourrait être envisageable compte tenu de la relative robustesse du modèle pour la prédiction sur plusieurs années et sur des zones en dehors de la région d’apprentissage. Passer à un modèle feuillus et non spécifique au chêne pourrait également permettre de fournir un produit plus généraliste. Enfin, l’ajout d’images Sentinel-1 est une autre piste de recherche intéressante afin d’évaluer si la complémentarité entre les deux satellites est pertinente pour notre cas d’usage.

      Remerciements

      Nous remercions chaleureusement l’équipe iota2 du CESBIO (A. Vincent, H. Touchais, M. Fauvel, J. Inglada, etc.) et le CNES. Nous remercions également les divers participants du projet RECONFORT (liste non exhaustive) : ONF (J. Mollard, A. Jolly, M. Boulogne), CNPF (M. Chartier, J. Rosa), Unisylva (E. Cacot, M. Bastien), DSF (T. Belouard, FX. Saintonge, S. Laubray), INRAe (JB. Féret, S. Perret) et l’EI de Purpan (V. Cheret et JP. Denux). Ce travail a bénéficié d’une aide au titre du programme Ambition Recherche et Développement (ARD) SYCOMORE financé par la région Centre-Val de Loire.

       

    • sur A new operational method for monitoring oak dieback in the Centre-Val de Loire region

      Publié: 22 November 2023, 3:42pm CET par Florian Mouret
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      The results presented here are based on work published in the journal paper: F. Mouret, D. Morin, H. Martin, M. Planells and C. Vincent-Barbaroux, « Toward an Operational Monitoring of Oak Dieback With Multispectral Satellite Time Series: A Case Study in Centre-Val De Loire Region of France, » in IEEE Journal of Selected Topics in Applied Earth Observations and Remote Sensing, doi: https://doi.org/10.1109/jstars.2023.3332420

      Introduction

      Forest dieback is characterized by a reduction in tree vitality (defoliation, loss of branches and twigs), which may lead to death. It is caused by a combination of factors (soil, climate, pests, etc.) that can occur in sequence and/or in combination, leading to a loss of health in entire stands.

      Climate change, an aggravating factor

      Climate change has a direct impact on forests. The main factors are rising temperatures, extreme weather events and changes in rainfall patterns. Trees become more fragile and therefore more susceptible to pests and parasites, which are themselves favored by rising temperatures.

       

      Figure 1: Rate of standing dead trees by species (2015-2019 period) Source: IGN ( [https:]] Case study: Oak dieback in the Centre-Val de Loire region

      Sessile and pedunculate oaks, emblematic species of French forests and particularly present in the Centre-Val de Loire region, are affected by a massive increase in dieback. This increase follows the successive droughts of recent years (in particular 2018/2019/2020) and will continue in the coming decades. Unlike dieback in other species (e.g. bark beetle attacks on spruce), oak dieback is a slow and diffuse process that is particularly difficult to monitor.

      Implementation of an operational monitoring system based on the iota2 processing chain

      In this context, timely mapping of forest health is needed to best tailor the responses of the forest sector. Within the RECONFORT project of ARD SYCOMORE, a research program financed by the Centre-Val de Loire region, an operational monitoring system for oak decline has been developed by the University of Orléans and CESBIO. This monitoring system uses Sentinel-2 satellite imagery, which offers obvious advantages for such an application: high temporal revisit and spatial resolution suitable for precise detection. The processing chain is based on iota2, developed at CESBIO for large-scale mapping with satellite image time series. The use of iota2 means that the production chain is easily transferable and usable by different users (see, for example, our package for the production of dieback maps). In the context of our study, the iota2 chain was adapted to our needs. In particular, the model learning step is performed outside the chain, so that learning examples from several different years can be used (see Methods section).

      Study area and reference data

      Our study area corresponds to the Centre-Val de Loire region and its surroundings (see Figure 2). The training data are plots (20 trees) labeled between 2017 and 2022 according to the DEPERIS protocol used by the Département de la Santé des Forêts (DSF,  Department of Forest Health) in France. Taking into account branch mortality and lack of ramification, this protocol assigns to each tree a grade ranging from A (healthy) to F (dead). A grade of D corresponds to a declining tree with a loss of more than 50% of its crown. A plot is considered to be affected by dieback if more than 20% of the trees are declining (this is the convention used by foresters in France). In practice, we divided the plots into 3 categories according to the percentage of declining trees: healthy (less than 20%), declining (between 20 and 50%) and very declining (+50%). In total, more than 2,700 reference plots were used, half of which were labeled in 2020 during a national survey conducted by the DSF.

      Figure 2 : The study region is delimited by the grey area. The boundaries of the Centre-Val de Loire region and its departments are shown in white. Finally, the colored dots locate the reference data, each color representing a year of rating. The background uses cloud-free S2 images (Mouret et al., 2023). Method

      The processing chain developed for oak dieback detection is detailed in Figure 3. A contribution of our approach is the development of a multi-year learning set, which makes it possible to obtain a prediction model that can be used to predict dieback over several years. The main motivations for this multi-year approach were 1) to take advantage of the availability of plot references acquired over several years, and 2) to continue predicting in future years without the need to recalibrate the prediction model.

      As a first step, we studied different spectral indices extracted from Sentinel-2 images to identify those most suitable for monitoring oak dieback. Two complementary indices were selected: one related to chlorophyll content and the other to water content of the vegetation. As for the map production, we found that the predictions of the model learned from our raw data tended to oscillate between optimistic predictions (map with a majority of healthy pixels) and pessimistic ones (map with more dieback detected). These oscillations are caused by phenological variations and an imbalance in our training data. For example, predictions for the year 2020, which has a high proportion of healthy training data, are more optimistic than those for the year 2021, which has a higher proportion of declining training data. To improve the stability of our classifier (and its performance), we expanded our training data using a simple and intuitive procedure that can be summarized by the following two rules. Rule 1: a plot that was healthy in year Y was most likely healthy in years Y-1 and Y-2. Rule 2: a plot that was declining in year Y will most likely continue to decline in years Y+1 and Y+2. In practice (see details in the full article), the classification model used is a Random Forest and the input data are time series over two consecutive years of the two vegetation indices derived from the Sentinel-2 image described above. The training set is also balanced using the SMOTE algorithm, which generates synthetic examples in the minority classes.

      chaîne de traitement proposée (Mouret et al., 2023)Figure 3 : proposed processing chain (Mouret et al., 2023) Results

      Our validation results show that it is possible to accurately detect oak dieback (average overall accuracy = 80% and average balanced accuracy = 79%). A spatial cross-validation was also conducted with a buffer of 10km to evaluate the performance of the model on regions that were never encountered during training across all years, resulting in a slight decrease in accuracy ( ? 5%). Figure 4 shows the map produced for the year 2022. It highlights the heterogeneous state of forest health within the region: the Sologne region in the center of the image, for example, is in severe decline, while the northwest is less affected. As we did not have a high quality oak mask, we decided to use the OSO deciduous mask (preliminary studies have shown that the maps produced are quite relevant for deciduous trees in general). Looking at the oak mask « BD forêt V2 (IGN)« , the percentage of pixels in decline has increased from 15% in 2019 to 25% in 2022 (these results should be taken with caution and are probably pessimistic since the mask is old and we do not have a proper mask for clear cuts). Homogeneous plots (in red) are visible and generally correspond to clear-cuts. Figures 5 and 6 allow us to appreciate in more detail the spatial resolution of the analysis and the temporal evolution of the dieback in areas located in the state forests of Orléans and Tronçais. In particular, we can see how quickly and extensively dieback can change from one year to the next.

       

      Figure 4 : Mapping of deciduous stand dieback for the year 2022. Healthy, declining, and very declining pixels are shown in cyan, orange, and red. The OSO 2021 deciduous tree mask was used.

       

      Figure 5: Trends in predicted dieback between 2017 and 2022 on part of the Orléans forest (north-west). Homogeneous plots (in red) are visible and generally correspond to clear-cuts Figure 6: Trends in predicted dieback between 2017 and 2022 in part of the Tronçais forest. Some homogeneous plots (in red) are visible and generally correspond to clear-cuts. Conclusions and perspectives

      This work highlights the value of Sentinel-2 imagery for systematic forest health monitoring. Given the diffuse nature of the observed phenomenon, the use of a supervised method (here Random Forest) proved necessary. A particular feature of our approach is the development of a multi-year model that is stable enough to be used for several consecutive years. There are still many opportunities for improvement. In particular, it would be interesting to automate the data expansion stage to replace the (rigid) rules currently used. Mapping at national scale is another perspective, given the relative robustness of the model for prediction over several years and over areas outside the learning region. Switching to a deciduous model, not specific to oak, could also provide a more general production. Finally, the addition of Sentinel-1 imagery could be done to investigate whether the complementarity of the two satellites is relevant to our use case.

      Acknowledgements

      Our warmest thanks go to the iota2 team at CESBIO (A. Vincent, H. Touchais, M. Fauvel, J. Inglada, etc.) and to CNES. We would also like to thank the various participants in the RECONFORT project (non-exhaustive list): ONF (J. Mollard, A. Jolly, M. Boulogne), CNPF (M. Chartier, J. Rosa), Unisylva (E. Cacot, M. Bastien), DSF (T. Belouard, FX. Saintonge, S. Laubray), INRAe (JB. Féret, S. Perret) and EI de Purpan (V. Cheret and JP. Denux). This work was supported by the Ambition Recherche et Développement (ARD) SYCOMORE program funded by the Centre-Val de Loire region.

    • sur Aménager le territoire en France : la question du logement (Philippe Mazenc, 14 octobre 2023)

      Publié: 22 November 2023, 12:54pm CET par r.a.

      Philippe Mazenc (cliché de Denis Wolff)

      Invité des Cafés géo, Philippe Mazenc a un parcours original. Elève à Sciences-po Bordeaux, il passe le concours des Affaires maritimes et devient administrateur des Affaires maritimes, corps d’officiers de la Marine nationale. Puis il quitte ce corps et part dans la fonction publique civile, d’abord à la direction du Budget, puis au Secrétariat général du ministère de l’Ecologie, puis à la sous-direction de la Législation de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages, et fait partie de ceux qui mettent en place la loi ALUR (2014). Il travaille ensuite à la préfecture de l’Ile-de-France puis à celle de Bretagne. Après y avoir passé quelques années, il devient directeur de cabinet adjoint de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires puis, depuis quelques mois, il est directeur général de l’Aménagement, du Logement et de la Nature. Il est donc fort bien placé pour exposer les principaux aspects de la question du logement en France.

      1. Situation du logement en France.

      Le ministère est chapeauté par Christophe Béchu. Autour de lui, il y a plusieurs ministères délégués et secrétariats d’Etat. Naturellement, celui qui concerne en premier lieu Philippe Mazenc est le ministère délégué au Logement, Patrice Vergriete. Il y a aussi la ministre déléguée aux Collectivités territoriales et à la Ruralité (Dominique Faure) qui est sous la double tutelle de Christophe Béchu et Gérald Darmanin, le ministre délégué aux Transports (Clément Beaune) et la secrétaire d’Etat à la Ville (Sabrina Agresti-Roubache). Le premier patron de Philippe Mazenc est Christophe Béchu ; il dépend aussi de Patrice Vergriete, ainsi que de Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat à la Biodiversité. Il est également à la disposition de deux autres ministres : Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique et Hervé Berville, secrétaire d’Etat à la mer. Cela plante le décor. Philippe Mazenc dépend de sept ministères, sept cabinets, quarante conseillers, pas toujours coordonnés !!!

      Quelques chiffres donnent une idée, un ordre de grandeur des problèmes. La politique du logement coûte environ 43 milliards d’euros par an. L’hébergement d’urgence généraliste offre 203 000 places tous les soirs. Il faut compter en plus 100 000 places dans le dispositif général d’asile (DNA) géré par le ministère de l’Intérieur. Tous les soirs en France, il y a donc 300 000 personnes hébergées au titre d’un de ces dispositifs. Il y a enfin le logement social. Mais, malgré les aides publiques sur le logement, les bailleurs sociaux sont des entreprises qui ont besoin de solvabilité. Un choix s’opère à l’entrée dans le logement social (des commissions d’attribution des logements). L’attente moyenne serait de douze ans en Ile-de-France, mais si l’on est fonctionnaire ou que l’on a un CDI, c’est beaucoup moins ; en revanche, si l’on n’a qu’un CDD et/ou que l’on sort d’un hébergement d’urgence…

      En 2021, on avait en France un peu plus de 37 millions de logements ordinaires dont 56 % de logements individuels, 82 % de résidences principales (en légère baisse), 10 % de résidences secondaires (en légère hausse), 8 % de logements vacants (soit plus de 3 millions). 1,6 million de personnes logent en logement non ordinaire (logement social, CROUS…). Contrairement aux pays du Nord, la maison individuelle, le fait d’être propriétaire, est un fait marquant en France : 58 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale, 25 % sont locataires dans le parc privé et 18 % locataires dans le parc social (ce qui est relativement important). Il est très difficile de faire des comparaisons internationales sur le logement social car il ne dépend pas toujours de l’Etat et les définitions du logement social varient d’un pays à l’autre.

      19 % des ménages déclarent souffrir du froid pendant l’hiver, 10 % sont confrontés au surpeuplement et 9 % ne disposent pas de logement personnel (partage du logement). Les pouvoirs publics ont la volonté de réduire le nombre de personnes à la rue : ainsi, ces dernières années, le nombre de places en hébergement d’urgence dit « généraliste » a sensiblement augmenté (154 000 places en 2019, 203 000 aujourd’hui). Dans ce type d’hébergement, 52 % des personnes sont en situation irrégulière (absence de titre de séjour) ; le plus souvent, elles ne peuvent pas entrer dans le dispositif national d’asile (la plupart des demandes sont rejetées). Ce chiffre est en hausse et va continuer à croître.

      Il est souvent argué qu’il faudrait construire 500 000 logements neufs par an, dont 150 000 logements sociaux. En fait, personne n’en sait rien car il est difficile de mesurer le besoin en logements. Cela supposerait des études territorialisées actuellement non réalisées. En 2023, on va péniblement construire 90 000 logements sociaux ; depuis un an et demi, la réduction des constructions est particulièrement forte dans les zones tendues.

      Plusieurs programmes aident les particuliers et la collectivité. Les APL (aides personnelles au logement) et les AL (aides au logement) représentent le plus important : 13,3 milliards d’euros avec peu de marges de manœuvre car il s’agit d’une dépense de guichet pour aider les particuliers. Le programme Eau et biodiversité est en nette augmentation : 274,5 millions d’euros cette année et on espère 414 millions d’euros l’an prochain. Pour l’eau, il s’agit surtout des agences de l’eau : l’eau ne vient jamais du robinet (elle vient d’un fleuve, d’une nappe phréatique, de l’eau de surface… Pour Paris, voir ici). Cela représente environ 2,3 milliards d’euros. Il y a aussi le Fonds vert, lancé en 2022, doté de 2 milliards d’euros en 2023 (en 2024 augmentation prévue de 500 millions d’euros qui serviront à la rénovation des écoles) et déconcentré (géré par les préfets), et le programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat doté de 800 millions d’euros. Enfin, les bailleurs sociaux sont soumis à une contribution qui alimente le FNAP (Fonds national des aides à la pierre) et qui représente 400 millions d’euros.

      Philippe Mazenc présente ensuite quelques documents. Le premier, sur l’exode urbain après le Covid, remet en cause certaines idées reçues (par exemple : beaucoup de Parisiens ont acheté une maison sur le golfe du Morbihan). La migration de Paris vers la province s’est un peu accélérée mais n’est pas considérable, les déménagements se sont surtout faits de grande ville à grande ville et on continue à avoir une extension de la périurbanisation. Le second est le fruit d’un partenariat du ministère avec l’IGN (Institut géographique national) ; il porte notamment sur l’artificialisation des sols

      2. La transition écologique.

      Il convient d’abord de mesurer la hauteur du mur devant nous. Les bâtiments représentent en France environ 17 % des émissions de gaz à effet de serre. Il y a quelques années, dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), on avait voté un premier budget carbone : entre 2015 et 2018, on devait réduire les émissions. En fait elles ont augmenté de 11 % entre ces deux dates. Le Green Deal (= Pacte vert) a été lancé par la Commission européenne en 2020 ; sa déclinaison en France s’est traduite par est la création du secrétariat général à la Planification Ecologique (SGPE), service du Premier Ministre dirigé par Antoine Pellion ; il a pour but de coordonner les efforts de toutes les administrations de l’Etat, en particulier pour réduire l’émission de gaz à effet de serre. C’est ce secrétariat qui, après une large concertation, fixe des objectifs de réduction. Dans le secteur du bâtiment, l’objectif est de réduire de 61 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030, par rapport aux émissions de 2019 (il faut réduire les émissions de ces gaz pas uniquement dans la construction, mais de la conception au recyclage). C’est un chantier énorme, et qui va encore être renforcé, car on sait que des directives européennes vont sortir, notamment sur la performance énergétique des bâtiments. On travaille beaucoup avec la direction des Affaires européennes et internationales (DAEI). Cela dit, il n’est pas certain qu’après les élections européennes de juin 2024, la nouvelle majorité au sein du Parlement européen soit aussi favorable à la transition écologique que la majorité actuelle : les élections européennes auront des conséquences considérables sur notre vie quotidienne en France car on est sur des directives européennes et des financements européens sur la transition écologique.

      Voyons maintenant les enjeux. Compte tenu des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols (la loi Climat et résilience de 2021 fixe un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en France à l’horizon 2050) et des projections démographiques, on estime aujourd’hui que 80 % de la ville de 2050 est déjà construite. L’enjeu est donc au moins autant sur la rénovation que sur la construction neuve. Or la rénovation coûte aussi cher (voire plus cher) que la construction et est souvent plus compliquée. L’enjeu est la massification de la rénovation énergétique. Or le secteur du bâtiment non résidentiel est essentiellement composé de toutes petites entreprises qui ne sont pas en mesure d’effectuer une rénovation globale. D’une manière plus générale, changer une chaudière n’est guère compliqué ; faire une rénovation globale d’un logement l’est beaucoup plus.

      Les dispositifs d’aide sont nombreux, à commencer par MaPrimeRénov’ qui représente 6 milliards d’euros cette année, 4 milliards en 2024. Les gens se demandent parfois pourquoi l’Etat finance la rénovation des chaudières. Il faut certes favoriser la rénovation globale, mais on ne peut se passer de la simple rénovation. On essaie donc de réduire le reste à charge, notamment pour les personnes modestes. Le but est de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. L’éco-PTZ (éco-prêt à taux zéro) est un dispositif pour la rénovation des logements : c’est un crédit d’impôts qui peut couvrir jusqu’à 30 % du coût de la rénovation pour les petites et moyennes entreprises. Par ailleurs, on estime que, pour la rénovation des logements sociaux, il faudrait entre 4 et 9 milliards d’euros par an (si on veut réduire de 60 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030). Pour cela, l’Etat apporte 400 millions (c’est certes une somme, mais est-elle à la hauteur de l’enjeu ?). Enfin, on applique la norme RE 2020 (RE = Réglementation environnementale) pour la construction et la rénovation des bâtiments. Elle augmente le coût de construction de 3 à 4 %, et va augmenter avec la mise en œuvre de toutes les mesures pour atteindre 10 % dans quelques années. Cela s’explique par l’usage de meilleurs matériaux, par l’isolation et, de manière générale, par la performance énergétique. Philippe Mazenc est sensible au problème des surcoûts mais rappelle que ceux-ci doivent se mesurer par rapport à la totalité du cycle de vie du bâtiment… ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et a-t-on vraiment le choix en matière de transition écologique ?

      3. Une approche transversale.

      L’écueil serait d’examiner les enjeux et la politique du logement, d’hébergement et d’aménagement au travers du seul prisme de la transition écologique. La clé est d’avoir cette approche transversale. Le SGPE (secrétariat général à la Planification écologique) a d’ailleurs adopté cette approche transversale. La transition écologique ne doit pas être vécue comme seulement descendante et uniquement axée sur la réduction des gaz à effet de serre. Des réunions vont être organisées sous l’égide des Présidents de conseils régionaux et des préfets de région : ces sortes de COP (comme la COP 21) vont être organisées dans les treize régions métropolitaines d’ici la fin de l’année. Cela paraît ambitieux. L’idée est d’abord de poser un diagnostic puis d’avoir des plans régionaux de planification écologique d’ici à l’été 2024. Les COP vont avoir une approche transversale : cela ne concernera pas que le bâtiment mais aussi les transports, les universités… On devrait aborder des sujets très importants : diminution très forte des constructions, augmentation des taux pour les particuliers, mais aussi pour les constructeurs, et notamment pour les bailleurs sociaux. En effet, le logement social est en partie financé par des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts, fonds qui proviennent essentiellement de la collecte du livret A. Or, si les épargnants apprécient l’augmentation du taux d’intérêt de ce livret, celle-ci provoque aussi une augmentation du coût à la construction pour les bailleurs sociaux.

      Par ailleurs, il faut s’interroger sur les effets des résidences secondaires et de la location saisonnière, surtout dans les zones très tendues où il y a un vrai problème d’accès à la résidence principale. On est dans la transversalité car cela pose le problème de l’accès au foncier et de l’accès au logement. Des groupes de travail ont été lancés pour lutter contre l’attrition des logements en zone touristique. Il y aura sans doute une proposition de loi d’une députée du Finistère et d’un de l’Eure à ce sujet. C’est un phénomène qu’on a du mal à quantifier. Les logements meublés non professionnels (LMNP) sont imposés à différents taux, mais meilleurs que la location nue. Il faudrait harmoniser les taux d’imposition (mais les parlementaires ont du mal à trouver un point d’accord) : est-il normal qu’on bénéficie d’un abattement fiscal plus important quand on vit en zone touristique qu’au centre de Paris ?). Cela dit, il faut nuancer. Dans le Finistère, la majorité des résidences secondaires sont le fait de mutations ou d’achats infrarégionaux, voire infra-départementaux : plus de 50 % des résidences secondaires appartiennent à des gens qui habitent soit dans le Finistère, soit en Bretagne. Le mantra consistant à dire : ce sont de riches Parisiens qui achètent leurs résidences sur le golfe du Morbihan est faux ! Cela dit, ça ne résout pas le problème…

      Philippe Mazenc rappelle qu’il a été recruté au cabinet de Christophe Béchu pour s’occuper de la décentralisation des politiques du logement. Il y a eu une évolution entre 2012 et 2023. En 2012, il y avait à l’Assemblée nationale des députés-maires, présidents des offices publics de l’habitat, donc au fait des problèmes liés à l’habitat. Or, avec la fin du cumul des mandats, les députés ne sont en général plus spécialistes du logement. Et la question du logement est devenue complexe en raison de la réglementation et notamment du grand nombre de lois : code de la construction, code de l’action sociale et des familles, loi de 1989, loi de 1965 sur la copropriété privée… Sans prendre position sur la réforme de la fin de cumul des mandats, Philippe Mazenc estime que n’avoir que peu de spécialistes au Parlement pose problème. Aujourd’hui, on a une réglementation nationale avec un zonage de tout le territoire en A, A bis, B1, B2 ou C : un décret va dire que Plogoff, dans le Finistère, est en zone C, que Rennes est en B1 … Ce zonage détermine l’éventuel encadrement des loyers, les aides et la fiscalité : on a ainsi le droit de faire du Pinel (= dispositif d’investissement locatif : réduction d’impôt sur le prix d’achat d’un logement mis en location) ou du logement locatif intermédiaire en A ou en B1 mais pas en B2 ou en C. Tout cela est décidé depuis Paris… L’idée est de faire sauter ces zonages et de responsabiliser les collectivités en fixant seulement quelques critères objectifs de tension. Les maires sont très mobilisés sur cette question, mais il n’existe pas à ce jour de consensus interministériel.

      Par ailleurs, on subit les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation. Quel est aujourd’hui l’intérêt pour un maire d’avoir de nouveaux habitants ? Cela induit des coûts : services supplémentaires : crèches, écoles, transports, réseaux d’assainissement… Comment fait-on pour inciter les maires à accueillir de nouveaux habitants ? La fiscalité locale serait à repenser pour inciter les maires à construire de nouveaux logements.

      Aujourd’hui, l’Etat intériorise toutes les contraintes sur le logement. Il est souvent très critiqué, mais que peut-il faire ? De plus, un certain nombre de maires ne font pas grand-chose pour construire des logements. D’ailleurs, les collectivités comme les associations d’élus ne demandent pas aujourd’hui de nouvelles mesures de décentralisation… sauf pour récupérer l’argent de MaPrimeRénov’ (4 milliards d’euros) et pour bénéficier des aides à la pierre (800 millions d’euros). Or ce n’est pas de la décentralisation ! Aujourd’hui le préfet dispose d’un contingent-Etat de 25 % des attributions de logements sociaux ; un ménage sur quatre présenté en commission d’affectation de logement chez un bailleur social se voit attribuer un logement par le préfet. Il s’agit de ménages fragiles, par exemple des DALO (= Droit au logement opposable). Si on est reconnu ménage prioritaire au titre du DALO, l’Etat a six mois pour vous proposer un logement ; sinon, on peut faire un recours contre l’Etat qui est alors condamné à payer des astreintes qu’il verse à un fonds appelé AVDL (Accès vers et dans le logement), qui sert à reloger les ménages. L’Etat fait très attention dans les zones tendues, notamment en Ile-de-France. En Bretagne, alors qu’il y a pourtant des enjeux, il a abandonné cette prérogative depuis longtemps aux bailleurs sociaux. Derrière tous ces problèmes, il y a une question de responsabilisation de tous les échelons de collectivités et de l’Etat.

      Le débat est très complexe. Aujourd’hui, il y a un enjeu autour de la mixité sociale dans les quartiers. Cela fait partie de réflexions en vue de futures dispositions législatives. Il y a quelques années, un certain nombre de décrets ont été pris contre l’avis du gouvernement notamment sur les résidences à enjeu de mixité sociale, où un bailleur peut s’opposer à l’entrée de telle ou telle famille. Ce sont des sujets hypersensibles. Il y a une proposition de loi déjà citée sur l’attrition des logements en zone touristique, il va y avoir un projet de loi sur les copropriétés dégradées. On ne peut pas dire qu’il y ait un manque de financement de l’Etat dans les quartiers où s’exerce la politique de la ville (cf. chiffres de l’ANRU, Agence nationale pour la rénovation urbaine). Face aux copropriétés dégradées, l’Etat met en place des prêts bancaires à taux zéro mais il est difficile de financer une copropriété dont les ménages sont très peu solvables. Peut-on monter des prêts collectifs ? Peut-on renforcer des dispositions sur les expropriations et les préemptions, notamment dans les parties communes ? Un projet de loi devrait sortir à l’automne. Enfin, Philippe Mazenc espère que le projet de loi sur la décentralisation sortira au premier semestre 2024.

      Il y a quand même eu beaucoup de réalisations. L’objectif est de décentraliser et de déconcentrer beaucoup plus. On a mis en place depuis deux ans le fonds vert (2 milliards d’euros jusqu’à cette année et on va passer à 2,5 l’an prochain). En matière de décentralisation et de déconcentration, la clé est l’approche globale. Et il faut surtout être proche du terrain.

      4. Questions.

                  Question. On parle de transition énergétique punitive. De quoi s’agit-il ? Il faut faire cette transition énergétique mais on recule souvent la mise en application des mesures prises.
                 Réponse. Philippe Mazenc acquiesce à ce dernier point. Il ne sait pas ce qu’est la transition écologique punitive. Il était la veille à Lorient, à l’Assemblée générale de l’Association nationale des élus du littoral (ANEL). On y a abordé de nombreux sujets dont un qui va encore mobiliser les réflexions : la gestion du trait de côte (pouvoir étatique). On ne va pas décréter la fin de la montée du niveau de l’eau et de l’érosion ! Et l’Etat ne pourra pas indemniser tous les propriétaires. Par ailleurs, selon le ZAN, voté dans la loi Climat et Résilience de 2021, d’ici à 2031, il faudra consommer deux fois moins d’espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la période entre 2011 et 2021 (grosso modo, on a consommé 244 000 hectares pendant cette période). Cela dit, face à la fronde des maires, une dernière loi, votée en 2023, prévoit des concessions. Selon Laurent Wauquiez, il s’agit d’écologie punitive ; donc il voudrait retirer « sa » région Auvergne-Rhône-Alpes du ZAN. Mais il ne peut naturellement pas sortir d’une disposition législative.

               Question. Dans l’habitat collectif privé (les copropriétés), les DPE (diagnostics de performance énergétique) apparaissent comme compliqués et, quand on veut faire des travaux, c’est très long (exemple : sept ou huit ans pour changer le chauffage !) en raison d’une réglementation très rigide. Est-il envisagé de faire quelque chose afin que les travaux puissent être réalisés plus rapidement ?
                  Réponse. Dans le cas d’un DPE, il faut considérer la nature des murs et pas uniquement le chauffage… Et il y a le problème des règles de majorité en copropriété qui font perdre un temps fou. Au ministère du Logement, on voudrait régler ces problèmes collectifs, notamment en abaissant les seuils de majorité et peut-être en en diminuant le nombre ; mais le ministère de la Justice est extrêmement attentif au droit de propriété ainsi que la section du Conseil d’Etat qui s’occupe de ces questions.

                  Question. Quelle part représente l’habitat collectif privé ?
                  Réponse. C’est la part la plus importante, surtout en zone urbaine. Il y a un vrai sujet sur les copropriétés, notamment sur la rénovation énergétique. Philippe Mazenc est favorable aux pompes à chaleur (PAC), mais on n’en mettra jamais une à Paris en raison des nuisances sonores ! Dans certaines villes, il y a un réseau de chaleur urbain (RCU, communément appelé chauffage urbain) ; ce serait à développer mais on ne peut pas en mettre partout. Ainsi, à Lamballe où l’une des plus grandes coopératives de Bretagne, la Cooperl, a monté une usine de méthanisation qui alimente le réseau de chauffage urbain de la ville qui se chauffe donc à la fiente de porc. La géothermie a fait beaucoup de progrès mais on ne peut pas en profiter partout ; il y a derrière un problème de gestion d’eau.

                  Question. Y a-t-il une réflexion sur la récupération des eaux de pluie ?
                  Réponse. Oui, il y a une réflexion mais débouchera-t-elle ? Aujourd’hui, un préfet n’a pas la possibilité règlementaire de s’opposer à un lotissement qui ne serait pas raccordé à un réseau d’eau, car le code de l’urbanisme actuel ne le permet pas . Aujourd’hui, même si on doit étendre un réseau d’eau, ce n’est pas un motif de refus du PLU (Plan local d’urbanisme) ou d’un permis de construire. Par ailleurs, on mesure mal les effets de la récupération de l’eau de pluie sur les nappes phréatiques et le cycle de l’eau, si elle était pratiquée à haute dose. Enfin, il faut aussi considérer la réutilisation des eaux usées. La responsabilité politique est du ressort du ministère de l’Ecologie… sauf que, si le ministère de l’Ecologie est responsable de l’eau sortant des stations d’épuration, il ne l’est pas de la réglementation dans le bâtiment, de la réutilisation dans l’alimentaire… Dès qu’on parle d’agro-alimentaire, cela relève du ministère de l’Agriculture. Le ministère de l’Ecologie a la responsabilité politique autour de cette question de l’eau mais n’a pas le pouvoir règlementaire. Dès qu’on touche au bâtiment, cela relève du ministère de la Santé. Il faudrait pouvoir garantir qu’une eau usée réutilisée ou l’eau de pluie a une qualité absolument identique à une eau « normale », y compris pour un usage non domestique (lavage de surface ou toilettes). Et, sauf à séparer les réseaux d’eau, jamais un bailleur social ne va prendre le risque d’utiliser de l’eau qui ne serait pas complètement conforme, même pour nettoyer les sols ! Si on a une obligation en termes de qualité de l’eau à la sortie, cela signifie qu’on ne réutilisera pas les eaux usées. Il faudrait seulement qu’il y ait une obligation de moyens. Aujourd’hui, on réutilise 1 % de l’eau en France, 7 à 8 % en Espagne et en Italie (réglementation plus souple) et 40 % en Israël.

                  Question sur le mouvement des gilets jaunes.
                  Réponse. Le mouvement semble autant lié au logement qu’à la mobilité. La poursuite de la périurbanisation est très inquiétante. Elle induit des surcoûts, notamment en matière de transports… Tant que la périurbanisation continuera, on aura ces problèmes de mobilité et de logement. La structuration de la politique urbaine ne produit d’effet qu’à quinze ou vingt ans. Le problème de l’accès au logement pour les jeunes a pris beaucoup d’importance depuis deux ou trois ans. On a eu une conjonction de facteurs qui n’aident pas : augmentation du coût et manque de disponibilité du foncier, augmentation des taux, pouvoir d’achat qui n’a pas suivi l’inflation…

                 Question. Le conseil régional d’Ile-de-France parlait de construire la ville sur la ville, ce qui pose la question de la hauteur des bâtiments. Quelle est la réflexion à ce sujet ?
                  Réponse. Si on souhaite une non-artificialisation des sols, il faut construire la ville sur la ville. C’est l’objectif, mais il n’est pas entre les mains de l’Etat car ce sont les maires qui délivrent les permis de construire. Or les maires n’ont pas d’incitation financière (ils ne perçoivent plus la taxe d’habitation) et ils ont une opposition sociale à la densification de plus en plus forte. L’Etat ne délivre des permis de construire que dans des cas très rares.

                  Question. Qu’est-il fait pour la revitalisation des centres des villes petites et moyennes et pour freiner l’étalement pavillonnaire ?
                  Réponse. Pas mal de choses ont été faites, essentiellement pour les petites villes et les moyennes (de moins de 20 000 habitants). Ce sont toujours des opérations mixtes : on subventionne des opérations à la fois pour la revitalisation du commerce et aussi du logement. Il y a aussi des dispositifs fiscaux dans l’ancien : la loi Malraux (pour la réhabilitation) et la loi Denormandie. Il y a aussi des politiques publiques, notamment pour les villes en déprise. Pour les villes un peu plus grandes, tout ne va pas bien : il y a la question des permis de construire délivrés pour des centres commerciaux en périurbain malgré une réglementation qui essayait de les freiner. Aujourd’hui, les centres commerciaux périurbains sont en difficulté et commencent à appeler l’Etat à l’aide ; est-on dans une période de bascule ? Et il y a tout le débat autour de la France moche (cette formulation date de 2010) mais, que faire ?

                  Question. Avec la décentralisation, que peut-on attendre de l’Etat demain ? Quelle sera sa place ?
                Réponse. L’Etat, aujourd’hui, porte seul l’ensemble de la contrainte, alors qu’il ne détient pas tous les leviers : il faudrait rapprocher la responsabilité de tous les acteurs. Il faut exclure l’hébergement d’urgence de la décentralisation. A côté, l’Etat a des obligations et des enjeux de solidarité nationale. Ainsi, la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) oblige les communes à disposer de 20 ou 25 % de logements sociaux (article 55) ; il est hors de question que l’Etat se désengage.

                  Question à propos du rejet du fait régional dans les régions fusionnées.
               Réponse. Dans une région non fusionnée comme la Bretagne, avec seulement quatre départements, il y a une cohérence régionale et une cohérence de l’Etat régional. Mais qu’en est-il dans le Grand Est ou en région Nouvelle Aquitaine ? Et, paradoxalement, non seulement la réforme n’a pas renforcé le pouvoir des régions mais elle a au contraire considérablement affaibli le pouvoir régional. Sur une région à quatorze départements, où est la cohérence de l’action de l’Etat ? Or 80 % des politiques non régaliennes de l’Etat se situent à l’échelle régionale. Et, si on n’est pas capable s’assurer la coordination à l’intérieur de régions composées de tant de départements, cela pose un grave problème de cohérence de politique de l’Etat.

       

      Compte rendu rédigé par Denis Wolff, novembre 2023.

    • sur 3 explorations bluffantes avec DuckDB – Interroger des fichiers distants (1/3)

      Publié: 16 November 2023, 3:46pm CET par Éric Mauvière

      DuckDB révolutionne notre approche des données. En dépit de sa console austère, fleurant bon l’antique terminal, ce petit programme de moins de 20 Mo butine allègrement les bases les plus retorses, les plus lourdes ; qu’elles se présentent en CSV, (Geo)JSON, parquet ou en SGBD classique.

      Vous êtes nombreux déjà à avoir entendu parler de cet ovni, à savoir que DuckDB est véloce, qu’il repose sur ce bon vieux langage SQL. Je veux vous présenter dans cette série de trois articles des possibilités que vous n’imaginez même pas. J’ai dû moi-même, parfois, me secouer la tête et retester soigneusement pour vérifier que je ne me trompais pas.

      Commençons dans ce premier article par le travail direct avec des bases de données distantes, compressées, en open data sur Internet. Je prendrai deux exemples.

      A - La base Insee du recensement de la population 2020

      Premier exemple, l’Insee, l’institut statistique français, vient de mettre en ligne la base détaillée du recensement, niveau individus et logements, au format parquet. Dans ce format parquet, chaque fichier pèse tout de même 500 Mo. Mais vous n’avez pas besoin de les télécharger pour travailler avec.

      Je me pose la question suivante : à Paris, quels sont les arrondissements où la part des ménages ayant plus de 2 voitures est la plus forte ? Inversement on pourra s’intéresser aux arrondissements qui privilégient le ‘sans voiture’.

      Je vous livre sans ménagement la requête SQL, le graphique exposant le résultat, et juste après, je vous explique. Pour le moment, retenez que vous pouvez exécuter cette requête vous-même, avec DuckDB, qu’elle consomme 12 Mo de bande passante, et prend en gros 2 secondes pour s’exécuter.

      				
      					WITH tb1 AS (
      	SELECT ARM, VOIT, sum(IPONDI/NPERR::int) AS eft, 
      	sum(eft) OVER (PARTITION BY ARM) AS tot, 
      	round(1000 * eft / tot)/10 AS pct 
      	FROM 'https://static.data.gouv.fr/resources/recensement-de-la-population-fichiers-detail-individus-localises-au-canton-ou-ville-2020-1/20231023-122841/fd-indcvi-2020.parquet' 
      	WHERE dept = '75' AND NPERR  'Z'
      	GROUP BY GROUPING SETS((ARM, VOIT),(VOIT))
      ),
      tb2 AS (
      	PIVOT_WIDER (SELECT arm, voit, pct FROM tb1) ON VOIT USING first(pct)
      )
      SELECT CASE WHEN ARM = '75001' THEN '1er' WHEN ARM IS NULL THEN 'Paris' 
      ELSE CONCAT(RIGHT(ARM,2)::int, 'e') END AS 'Arrondt', 
      "0" AS 'pas de voiture', "1" AS '1 voiture', "2" AS '2 voitures', 
      "2" + "3" AS '2 voitures ou +', "3" AS '3 voitures ou +' FROM tb2 
      ORDER BY (Arrondt = 'Paris')::int, "2 voitures ou +" DESC  ;
      				
      			

      À l’opposé, les 2e et 3e arrondissements sont ceux où la part de ménages sans voiture est la plus élevée (huit ménages sur dix).

      Décortiquons

      Comme l’URL de la base est longue, pour simplifier mon exposé, je crée d’abord une vue SQL, qui n’est qu’un alias vers ce fichier distant :

      				
      					CREATE OR REPLACE VIEW fd_indcvi_2020 AS 
      FROM 'https://static.data.gouv.fr/resources/recensement-de-la-population-fichiers-detail-individus-localises-au-canton-ou-ville-2020-1/20231023-122841/fd-indcvi-2020.parquet';
      
      				
      			

      Ne vous étonnez pas de l’absence d’un SELECT * avant le FROM, DuckDB permet de s’en passer – et c’est bien pratique – si l’on veut lire toutes les colonnes de la table.

      J’utilise DuckDB soit en lançant le petit exécutable DuckDB.exe, soit à l’intérieur de DBeaver, un environnement gratuit de connexion à de multiples sources de données. DBeaver me permet de gérer de vrais scripts, de les documenter pour les retrouver plus tard. L’affichage et l’export des résultats (en CSV par exemple, ou vers le presse-papier) sont aussi plus sympas.

      Une première commande simple nous donne une info minimale, la liste des colonnes et leur type :

      				
      					DESCRIBE FROM fd_indcvi_2020 ;
      				
      			

      Elle est quasi instantanée (200 ms), et j’ai mis du temps à comprendre ce qui se passait. J’analyse tout de même la structure d’un fichier de 500 Mo, sur data.gouv.fr , et je ne l’ai pas téléchargé. Comment diantre est-il possible d’avoir une info de structure aussi vite ?

      Cela tient à deux facteurs :

      • Le format parquet stocke dans son en-tête des métadonnées, par exemple la liste des colonnes et leur type ;
      • DuckDB envoie un requête HTTP particulière, de type « range-request », qui demande à data.gouv.fr de ne lui servir qu’une petite plage de bytes, une mini-tranche du fichier parquet. Seuls 700 bytes ont transité par le réseau pour nous livrer la structure de ce fichier parquet.

      Je repère les variables dont j’aurai besoin : DEPT pour retenir Paris, ARM pour les n° d’arrondissements, VOIT pour caractériser les personnes selon le nombre de voitures du ménage, IPONDI pour calculer un effectif, NPPER pour prendre en compte le nombre de personnes dans le ménage. La documentation du fichier m’offre toute la compréhension nécessaire.

      Voici un comptage de ménages, selon leur nombre de voitures, par arrondissement parisien :

      				
      					SELECT ARM, VOIT, 
      round(sum(IPONDI/NPERR::int)) AS eft
      FROM fd_indcvi_2020 
      WHERE dept = '75' AND NPERR  'Z'
      GROUP BY ALL ;
      				
      			

      Pour calculer un nombre de ménages, je divise la population par le nombre de personnes dans le ménage. NPPER (tout comme VOIT) n’est pas exactement numérique : 6 veut dire 6 personnes ou plus (3 veut dire 3 voitures ou +) : on s’en accommodera. La modalité Z correspond à des logements « non ordinaires », qu’on laisse ici de côté.

      Je produis ensuite un tableau croisé, avec PIVOT_WIDER (qu’on peut aussi écrire, plus simplement, PIVOT) :

      				
      					WITH tb1 AS (
      	SELECT ARM, VOIT, round(sum(IPONDI/NPERR::int)) AS eft
      	FROM fd_indcvi_2020 
      	WHERE dept = '75' AND NPERR  'Z'
      	GROUP BY ARM, VOIT
      )
      PIVOT_WIDER (FROM tb1) ON VOIT USING first(eft)
      ORDER BY ARM ;
      				
      			

      Notez la nouvelle syntaxe que j’utilise pour enchainer deux opérations dans la même requête. Elle est élégante et m’évite de créer une table physique intermédiaire. Ce qui figure dans le WITH () est comme une table temporaire, disponible le temps de la requête.

      J’aimerais maintenant calculer le total pour Paris. Je n’ai pour cela qu’à aménager la clause GROUP BY. Le complément GROUPING SETS permet de spécifier ensemble différents niveaux d’agrégation.

      				
      					WITH tb1 AS (
      	SELECT ARM, VOIT, round(sum(IPONDI/NPERR::int)) AS eft
      	FROM fd_indcvi_2020 
      	WHERE dept = '75' AND NPERR  'Z'
      	GROUP BY GROUPING SETS ((ARM, VOIT), (VOIT))
      )
      PIVOT_WIDER (FROM tb1) ON VOIT USING first(eft)
      ORDER BY ARM ;
      				
      			

      On découvre en bas de tableau la nouvelle ligne ajoutée. On pourra plus tard remplacer ce disgracieux NULL par la mention ‘Paris’.

      Maintenant, ce que je voudrais pour répondre à ma question initiale, c’est calculer des pourcentages, pour chaque arrondissement : % de ménages du 12e qui ont 0 voiture, plus de 2 voitures, etc. Pour cela, il me faut le total des ménages pour chaque arrondissement. Il y a plusieurs façons de le faire, plus ou moins manuelles. La plus élégante consiste à utiliser les mots clés OVER et PARTITION.

      Revenons à notre premier calcul, avant le PIVOT. Je lui rajoute une ligne, après la première :

      				
      					SELECT ARM, VOIT, sum(IPONDI) AS eft, 
      sum(eft) OVER (PARTITION BY ARM) AS tot, 
      FROM fd_indcvi_2020 
      WHERE dept = '75' AND NPERR  'Z'
      GROUP BY GROUPING SETS((ARM, VOIT),(VOIT)) ;
      				
      			

      Cette instruction a bien pour effet de calculer un total par arrondissement. PARTITION fonctionne comme un nouveau GROUP BY, mais qui ne change pas le nombre de lignes, il ajoute simplement une colonne calculée. Cette nouvelle instruction relève de la catégorie des « WINDOW functions », très puissantes, dont je ne vais pas décrire toutes les finesses ici.

      Une autre des charmantes spécificités du SQL dans DuckDB, c’est que les colonnes calculées sont immédiatement utilisables pour le calcul d’autres nouvelles colonnes.

      Ainsi, je peux produire le pourcentage dans le même mouvement :

      				
      					SELECT ARM, VOIT, sum(IPONDI/NPERR::int) AS eft, 
      sum(eft) OVER (PARTITION BY ARM) AS tot, 
      round(1000 * eft / tot) / 10 AS pct 
      FROM fd_indcvi_2020 
      WHERE dept = '75' AND NPERR  'Z'
      GROUP BY GROUPING SETS((ARM, VOIT),(VOIT)) ;
      				
      			

      Il ne me reste plus qu’à pivoter et arranger la présentation du résultat final :

      				
      					WITH tb1 AS (
      	SELECT ARM, VOIT, sum(IPONDI/NPERR::int) AS eft, 
      	sum(eft) OVER (PARTITION BY ARM) AS tot, 
      	round(1000 * eft / tot)/10 AS pct 
      	FROM fd_indcvi_2020 
      	WHERE dept = '75' AND NPERR  'Z'
      	GROUP BY GROUPING SETS((ARM, VOIT),(VOIT))
      ),
      tb2 AS (
      	PIVOT_WIDER (SELECT arm, voit, pct FROM tb1) ON VOIT USING first(pct)
      )
      SELECT CASE WHEN ARM = '75001' THEN '1er' WHEN ARM IS NULL THEN 'Paris' 
      ELSE CONCAT(RIGHT(ARM,2)::int, 'e') END AS 'Arrondt', 
      "0" AS 'pas de voiture', "1" AS '1 voiture', "2" AS '2 voitures', 
      "2" + "3" AS '2 voitures ou +', "3" AS '3 voitures ou +' FROM tb2 
      ORDER BY (Arrondt = 'Paris')::int, "2 voitures ou +" DESC  ;
      				
      			

      Cette dernière écriture prend 2 secondes et consomme seulement 12 Mo de bande passante. Rappelons-le, elle attaque directement le fichier parquet de 500 Mo en ligne, que je n’ai pas téléchargé au préalable.

      Parquet organise l’information par groupe de lignes et par colonne, je n’ai lu via des range-requests que les colonnes dont j’avais besoin pour le calcul, et uniquement pour les lignes correspondant à Paris.

      B - Les faits de délinquance du ministère de l’Intérieur

      Intéressons-nous maintenant à la base statistique communale de la délinquance enregistrée par la police et la gendarmerie nationales.

      Il ne s’agit pas – encore – de fichiers parquet, mais de CSV compressés (csv.gz). Pas de problème, DuckDB peut les lire directement. En revanche, les range-requests ne sont pas aussi puissantes qu’avec Parquet : il faudra lire tout le fichier (39 Mo) avant de pouvoir en tirer parti.

      Je crée comme tout à l’heure une vue pour simplifier les écritures. En réalité, cette vue analyse déjà tout le fichier pour deviner la structure les colonnes (j’ai mesuré 1 seconde d’attente).

      				
      					CREATE OR REPLACE VIEW faits_delinq AS 
      FROM 'https://static.data.gouv.fr/resources/bases-statistiques-communale-et-departementale-de-la-delinquance-enregistree-par-la-police-et-la-gendarmerie-nationales/20230719-080535/donnee-data.gouv-2022-geographie2023-produit-le2023-07-17.csv.gz';
      				
      			

      Ce qui fait qu’un DESCRIBE devient instantané :

      				
      					DESCRIBE FROM faits_delinq ;
      				
      			

      CODGEO_2023 est certainement le code commune, je me fabrique un aperçu de la table pour ma ville, Toulouse :

      				
      					FROM faits_delinq WHERE CODGEO_2023 = '31555' LIMIT 10 ;
      				
      			

      Les informations utiles sont : l’année (qu’il faudra arranger), la classe et le nombre de faits. On peut noter que l’unité des faits dépend de la classe d’infraction : victimes ou voitures par exemple.  

      Avec un PIVOT, la présentation devient plus claire, et distingue en colonnes une quinzaine de classes de faits de délinquance.

      				
      					WITH faits_tls AS (
      	SELECT concat('20', annee) AS an, classe, faits,
      	FROM faits_delinq
      	WHERE CODGEO_2023 = '31555' 
      	ORDER BY an, classe
      )
      PIVOT_WIDER faits_tls ON classe USING first(faits) 
      ORDER BY an ;
      
      				
      			

      Pour simplifier et construire un graphique, je vais m’en tenir aux seules classes dont le nombre de faits, en fin de période (2022), dépasse les 2 500. Une petite ligne additionnelle, utilisant la puissance des « WINDOW functions », me permet de calculer cette valeur terminale et de filtrer les classes que je veux retenir.

      QUALIFY joue le rôle d’un WHERE, et arg_max() – encore une superbe petite fonction – cible le nombre de faits là où an est maximal (donc 2022) :

      				
      					WITH faits_tls AS (
      	SELECT concat('20', annee) AS an, classe, faits,
      	FROM faits_delinq
      	WHERE CODGEO_2023 = '31555' 
      	QUALIFY arg_max(faits, an) OVER (PARTITION BY classe) > 2500
      	ORDER BY an,classe
      )
      PIVOT_WIDER faits_tls ON classe USING first(faits) 
      ORDER BY an ;
      
      
      				
      			

      Avec un copier-coller du résultat, je peux produire, avec Datawrapper, cet éclairant graphique :

      J’ai donc montré avec ces deux exemples comment interroger directement des bases distantes avec DuckDB, et avec beaucoup de souplesse et d’élégance.

      J’espère aussi avoir convaincu un peu plus de diffuseurs de bases d’utiliser le format Parquet pour mettre à disposition leurs données.

      Dans le prochain épisode (2/3), je parlerai d’API web et du format JSON.

      Pour en savoir plus

      L’article 3 explorations bluffantes avec DuckDB – Interroger des fichiers distants (1/3) est apparu en premier sur Icem7.

    • sur Un plugin DuckDB dans QGIS !

      Publié: 16 November 2023, 2:33pm CET par Florent Fougères
      DuckDB c’est quoi ?

      DuckDB est un système de base de données relationnel et open source (sous licence MIT). Les bases DuckDB sont portables (à l’instar de SQLite ou GeoPackage par exemple) ce qui rend leur utilisation assez simple : pas besoin d’installation « lourde », il faut seulement installer une bibliothèque dans votre langage préféré (Python, Rust, R, C++). Une CLI est également disponible.

      Enfin, pour terminer cette brève introduction de la solution, il faut noter que DuckDB a la particularité d’utiliser un système de traitement par colonne (et non par ligne comme dans les SGBD classiques) ce qui diminue les temps de calcul sur certaines opérations. Un autre des atouts de cette solution est d’être capable de lire et convertir des données au format Parquet ou GeoParquet.

      Les fonctions spatiales

      DuckDB possède une extension pour utiliser des données spatiales qui n’est pas activée par défaut. L’inconvénient de cette extension spatiale est que pour le moment, elle ne gère pas les systèmes de projection. Pour la plupart, ces fonctions spatiales sont issues de la librairie GEOS. On y trouve toutes les fonctions spatiales classiques et le support de beaucoup de formats de données spatiales comme le Shapefile, GeoJSON ou KML par exemple.

      Grâce à un financement de l‘IFREMER, nous avons développé un plugin QGIS qui permet d’afficher des données spatiales contenues dans une base DuckDB.

      Fonctionnalités de QDuckDB

      À l’heure ou DuckDB fait beaucoup parler de lui sur les différents réseaux, il est important qu’un logiciel SIG open source aussi important que QGIS soit en capacité de lire des données géographiques provenant de cette source.

      Arrivés au terme de la première phase de développement de QDuckDB, nous sommes fiers d’annoncer la disponibilité de QDuckDB qui permet de charger dans QGIS une couche de données géographiques issue d’une base DuckDB.

      Les principaux développements réalisés dans QDuckDB sont donc :

      • Ajout d’un provider (ou fournisseur) de données permettant de lire une base de données DuckDB
      • Création d’une interface utilisateur pour utiliser le provider
      • Création d’un package pour Windows qui permet d’inclure les dépendances de DuckDB dans le plugin
      Démonstration Vidéo

       

      Sous le capot Un fournisseur de données spécifiques intégré dans QGIS

      Pour ajouter le support d’une nouvelle source de données dans QGIS il faut créer un nouveau provider (fournisseur).

      Par défaut, le cœur de QGIS comporte un certain nombre de providers, comme PostgreSQL ou GeoPackage par exemple, tandis que d’autres peuvent être implémentés dans des plugins. Un provider dans le contexte QGIS est l’implémentation des interfaces définissant un fournisseur de données, interfaces qui permettront à QGIS d’obtenir les informations nécessaires pour constituer un layer (colonnes, geometry, structure, métadonnées, projection, clé primaire etc). La création du provider est donc de loin la partie la plus importante et volumineuse du projet.

      Nous avons décidé d’implémenter ce nouveau provider via un plugin QGIS (et non dans le cœur). Tout d’abord parce que la technologie DuckDB est nouvelle et évolue encore rapidement et aussi parce que dans un premier temps, il est plus facile de maintenir un plugin qu’un développement cœur. Il s’agit donc d’un bon moyen de tester la connexion entre QGIS et DuckDB, avant d’envisager un portage vers le cœur.

      À venir

      Le provider ne permet pas encore d’éditer les données, il fonctionne en « read only » et seulement sur des tables contenant un seul type de géométrie (Point, Ligne ou Polygon). En fonction des financements disponibles, nous imaginons entre autres les améliorations suivantes :

      • Modification d’une couche (modifier les données, ajouter/supprimer des colonnes, créer/supprimer des entités, etc)
      • Import d’une couche spatiale depuis QGIS directement dans une base DuckDB
      • Meilleure intégration de DuckDB dans QGIS
      • Prise en compte des tables avec plusieurs types de géométrie

      Pour toute demande d’évolution, n’hésitez pas à nous contacter : contact@oslandia.com

      Liens importants
    • sur Glacier changes in the Lingtren–Khumbutse catchment using Pléiades

      Publié: 13 November 2023, 1:29am CET par Simon Gascoin

      The iconic Khumbu Glacier in Nepal is fed by several tributaries, such as this branch in the Lingtren–Khumbutse catchment.

      Glacier area from the Randolph glacier inventory 6.0

      Recently a new Pléiades triplet covering the Khumbu region was added into the DINAMIS repository (acquisition date 22 Oct 2023). There is another triplet in the same area acquired on 11 Mar 2016 hence we can compute a sequence of two high resolution 3D models that are 7.5 years apart. Welcome to the fourth dimension!

      The Lingtren-Khumbutse branch of the Khumbu glacier is less spectacular than the main branch because it is almost entirely covered by granitic debris [1]. However it flows like any glacier as shown by this animation of the shaded relief.

      [https:]]

       

      I computed the horizontal displacement from theses shaded DEM images using imGraft [2]. The displacement field looks consistent in the debris covered area, but it is very noisy and heterogeneous on the main branch. The algorithm did not work better with the ortho-images due to the changes in snow cover, illumination, etc.

      Horizontal displacement from Mar 2016 to Oct 2023

      From both 3D models we can also examine the surface elevation changes in the past 7.5 years.

      Elevation changes from Mar 2016 to Oct 2023

      Pléiades data show that in the Lingtren–Khumbutse catchment, the horizontal velocities range between 5 to 10 meters per year, which is consistent with the data from the global ice velocity atlas computed over 2017-2018 by Millan et al. [3]. The elevation changes of about 1 meter per year are also consistent with the global assessment of glacier thickness changes by Hugonnet et al. over 2015-2019 [4]. The thinning rates in this part of the glacier are less important than those that can be observed in the main part because the debris insulates the ice from the warming atmosphere.

      Glacier velocity (2017-2018) and elevation changes (2015-2019) from Theia [maps.theia-land.fr]

      I generated the digital elevation models from each Pléiades triplet in my web browser using the DSM-OPT online service, a very convenient tool to avoid downloading tens of gigabytes of raw imagery on my laptop. There remain some artifacts in the southern face of Lingtren slopes due to data gaps in the DEMs. Steep slopes are always challenging to resolve using satellite photogrammetry. Yet, the DEMs are fairly complete thanks to the tri-stereoscopic acquisition geometry and the good performance of the processing software (MicMac).

      DINAMIS services and data are accessible to French public entities and non-profit organizations. Foreign scientists may download DINAMIS products free of charge under specific terms and conditions. See [https:]]

      References

      [1] Higuchi, K., Watanabe, O., Fushimi, H., Takenaka, S., Nagoshi, A., Williams, R. S., & Ferrigno, J. G. (n.d.). GLACIERS OF NEPAL—Glacier Distribution in the Nepal Himalaya with Comparisons to the Karakoram Range. [https:]

      [2] Aslak Grinsted (2023). ImGRAFT [https:] GitHub. Retrieved November 12, 2023.

      [3] Millan, R., Mouginot, J., Rabatel, A., & Morlighem, M. (2022). Ice velocity and thickness of the world’s glaciers. Nature Geoscience, 15(2), Article 2. [https:]]

      [4] Hugonnet, R., McNabb, R., Berthier, E., Menounos, B., Nuth, C., Girod, L., Farinotti, D., Huss, M., Dussaillant, I., Brun, F., & Kääb, A. (2021). Accelerated global glacier mass loss in the early twenty-first century. Nature, 592(7856), Article 7856. [https:]]

      Top picture by Tom Simcock, CC BY-SA 3.0, [https:]]

    • sur Dictionnaire insolite des frontières

      Publié: 9 November 2023, 8:20pm CET par r.a.

          Dans notre monde, pourtant connecté et globalisé, la question des frontières n’a rien perdu de son importance, bien au contraire. « Les frontières non seulement ne s’effacent pas mais connaissent dans plusieurs points du globe un processus de fermeture et de durcissement » (Michel Foucher, Les frontières, CNRS Editions, 2020). Ce petit ouvrage (format de poche, 189 pages) des éditions Cosmopole vient occuper une place originale et remarquable dans l’abondante bibliographie sur le sujet.

          Benoît Goffin et Cécile L’Hostis, les deux auteurs, ont réussi le tour de force d’écrire un livre agréable à lire tout en multipliant les points de vue objectifs et subjectifs : données factuelles, analyses historiques et géopolitiques, références littéraires et imaginaires… S’inscrivant dans une collection de « dictionnaires insolites » inaugurée en 2010, cet ouvrage explore le thème des frontières en n’oubliant pas « l’insolite » sous forme d’anecdotes et d’exemples rares qui révèlent des mythes, des rêves, des paradoxes, des histoires surprenantes. Bien sûr, les 173 entrées ne permettent pas l’exhaustivité mais elles aboutissent malgré tout à dresser un tableau riche et souvent passionnant.

      Des frontières au sens large

          Si les frontières terrestres (continentales et maritimes) occupent une large part du livre, les frontières technologiques, idéologiques, imaginaires, ne sont pas oubliées comment le prouvent les entrées : cyberespace, extraterrestre, extraterritorialité des lois américaines, Google Maps, littérature-monde, lumière, lune, Mur (Game of Thrones) (1), polycentrisme, reconnaissance, religion, sionisme, Tchernobyl, ubuesque…

          Développons quelques exemples tirés de ce dictionnaire. Les frontières numériques existent bel et bien, qu’elles soient techniques (les « zones blanches »), technologiques (absence d’accès au réseau pour les populations pauvres) ou politiques (certains Etats cherchent à cloisonner l’accès à l’internet et à contrôler les réseaux). Dans la série Game of Thrones, le Mur aurait été construit dans des temps anciens avec l’aide de Géants pour se protéger des dangers venus du Nord. Cette frontière physique réputée infranchissable révèle sa dimension symbolique au fil de l’intrigue en modifiant la représentation de l’autre et en alimentant des peurs ancestrales. Quant à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (Ukraine, 1986), elle a montré au monde un nouveau danger que les frontières ne peuvent arrêter. D’une façon générale, certains Etats regardent d’un mauvais œil la présence ou la construction de nouvelles centrales nucléaires à proximité de leurs frontières.

      La genèse des frontières

          La genèse des frontières s’est faite de différentes manières, parfois après de longues négociations, parfois au contraire dans la précipitation. De nombreuses entrées en témoignent : balkanisation, conférence de Berlin, Cachemire, Cour internationale de justice, découpe, ligne Durand, partition des Indes, Traités inégaux, intangibilité, Kurdistan, frontière naturelle, Poutine, Rio Grande, Sykes-Picot, rocher de Vélez de la Gomera…

          Qu’en est-il des « frontières naturelles » ? L’expression a été largement utilisée pendant la Révolution française pour justifier des projets expansionnistes. Pour nos deux auteurs, la réponse est claire : une frontière n’est jamais « naturelle », même si des éléments géographiques peuvent appuyer leur délimitation (chaînes de montagnes, lacs…). Pourtant, à titre d’exemple, les fleuves constituent des supports répandus pour définir des frontières. Mais cette délimitation apparemment simple ne l’est pas toujours : ainsi, le cours de la rivière peut changer et poser la question du nouveau tracé de la frontière (problème non tranché entre Croates et Serbes le long du Danube) ; le statut des îles sur la rivière peut être source de conflits (incidents sur le fleuve Amour entre la Russie et la Chine).

          Depuis les années 1950, le nombre d’Etats a beaucoup augmenté mais peu de frontières nouvelles ont été tracées, le principe d’intangibilité ayant favorisé la conservation des anciens tracés. Toute reconnaissance risquerait de créer un dangereux précédent et d’attiser les revendications nationalistes d’autres régions. Ainsi, la Russie prend souvent l’exemple du Kosovo pour justifier la possibilité de nouvelles frontières, et donc de nouveaux Etats (Ossétie, Abkhazie…).

          Le tracé des frontières témoigne des négociations qui l’ont défini en laissant parfois des territoires enclavés dans le pays voisin. Jusqu’en 2015, la situation la plus complexe du globe se situait entre l’Inde et le Bangladesh où, sur environ 100 kilomètres, les territoires des deux pays s’imbriquaient inextricablement. Un accord récent a permis à de nombreuses enclaves indiennes de devenir bangladaises tandis que des enclaves bangladaises, également nombreuses, devenaient indiennes. D’autres curiosités géographiques existent comme les tripoints (plus de 150 dans le monde) qui sont les lieux où se recoupent les frontières entre trois pays. Un bornage ou une construction peut marquer la symbolique de ces points comme la table triangulaire qui a été installée là où se rejoignent précisément l’Autriche, la Hongrie et la Slovaquie.

      Les frontières, révélateurs des enjeux du monde contemporain

          Face à la mondialisation triomphante qui prophétisait leur fin, les frontières font un retour en force. « Celles qui étaient autrefois considérées comme des barrières à surmonter pour faire triompher la coopération et le commerce international sont redevenues des zones de conflits potentiels au détriment des principes de libre circulation, de coopération et de solidarité entre les peuples » (…) « Les zones limitrophes, si elles sont des espaces d’échanges privilégiés, restent largement le théâtre de tensions politiques, de conflits et de migrations forcées, qui mettent en évidence les inégalités et les injustices qui persistent dans notre société mondialisée » (Benoît Goffin, Céline L’Hostis, Dictionnaire insolite des frontières, Editions Cosmopole, 2023).

          La présence des frontières est une composante importante du rapport de force visant à obtenir l’accès aux ressources de la région concernée. Ainsi, les fleuves traversés par des frontières sont la source de tensions entre les Etats riverains. L’Etat qui se trouve en aval peut contester la consommation, les grands projets de construction de barrages ou la pollution causée par les Etats situés en amont (cas du Tigre et de l’Euphrate ou du Nil).

      La littérature pour parler des frontières

          Parce que la frontière fait rêver, elle est un thème de prédilection pour les « écrivains voyageurs » comme Nicolas Bouvier (L’usage du monde) ou Ella Maillard (Oasis interdites), mais aussi pour d’autres écrivains (Gracq, Le Clézio, etc.), ceux de la « littérature-monde » et d’autres qu’on ne saurait ranger dans une quelconque catégorie, sinon celle de la littérature. Julien Gracq, écrivain de la frontière par excellence, est joliment présenté dans l’entrée « Syrtes » du dictionnaire. Citons seulement ces quelques lignes : « Le roman de Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, (…) est entièrement construit autour de la fonction sacrée de la frontière, dont la violation constitue l’action principale ».

       

      Notes :

      (1) Game of Thrones : série télévisée américaine de fantaisie médiévale diffusée aux Etats-Unis entre 2011 et 2017. L’histoire de la série, située sur les continents fictifs de Westeros et Essos, entrelace trois grandes intrigues. La première intrigue raconte la menace croissante, avec l’hiver approchant, des créatures légendaires situées au nord du Mur de Westeros.

       

      Daniel Oster, novembre 2023

    • sur Geomatys wins Cassini prize / Geomatys, lauréat du prix Cassini

      Publié: 9 November 2023, 9:55am CET par user
      Geomatys wins CASSINI prize - Geomatys lauréat du Prix CASSINI

      Lire en Français

      Read in English

      Geomatys lauréat du CASSINI Prize for Digital Space Applications Geomatys and its project OPAT wins Horizon Europe's CASSINI Prize for Digital Space Applications for their contribution to the fight against plastic pollution at sea. /*! elementor - v3.21.0 - 18-04-2024 */ body.elementor-page .elementor-widget-menu-anchor{margin-bottom:0}

      08 November 2023, Montpellier

      Press Release

      Geomatys, a SME specializing in geospatial data processing, is proud to announce that its innovative OPAT (Ocean Plastic Alert & Tracking) project has won the prestigious Cassini Prize for Digital Space Applications. The award seeks innovative commercial solutions that leverage the EU’s space program to detect, monitor and remove plastics, microplastics and other waste from our oceans and waterways. With a total prize fund of 2.85 million euros, the top three proposals are eligible to win 0.95 million euros each, which can be used by the winners to further develop and market their solution. CASSINI is the European Commission’s initiative to support entrepreneurs, start-ups and SMEs developing innovative applications and services leveraging the EU space program. Dedicated to promoting the commercialization of Galileo, EGNOS and Copernicus data and services, EUSPA is actively involved in this initiative.

      The award will greatly accelerate the development of the OPAT system, designed to detect plastic waste at sea by satellite and predict its drift.

      The Geomatys team would like to express its deepest gratitude to all those who have contributed to the project’s success:

      • The Occitanie region, whose continued support and trust had been essential to OPAT’s progress.
      • The Communauté d’Agglomération Pays Basque for sharing its experience in collecting waste at sea and providing us with invaluable data.
      • Dr. Shungu Garaba of the University of Oldenburg, for his invaluable expertise and unfailing willingness to collaborate.
      • Joël Sudre of the DataTerra research infrastructure, whose commitment to our shared vision has been a fundamental pillar of our success.
      • CNES, via the Connect by CNES program, with a special mention to Mr. Eric Brel and Mr. Ariel Fuchs, for their decisive contribution to the realization of this ambitious project.
      • The European Space Agency (ESA), whose support, via an initial BASS feasibility grant, was crucial to the launch of OPAT.

      This prize, awarded by Horizon Europe, reinforces our determination to constantly innovate to protect our oceans. OPAT is an example of the positive impact that space technology can have on the environment, helping us to better understand and combat plastic pollution at sea. We look forward to continuing to work closely with our partners, and to tackling future challenges that will help to better preserve our precious marine ecosystems.

      About Geomatys

      Geomatys offers expertise in geodesy, the exploitation and processing of complex data, geospatial metadata and advanced representation modes. Our ability to innovate  allows us to contribute to creating ever more intelligent solutions to some of society’s biggest challenges across sectors such as Defense, Space, Research, and Risk Assessment.

      You can contact us about OPAT by e-mail: opat@geomatys.com, or by phone:+33 4 84 49 02 26

      Further information, visit our website at www.geomatys.com/en/opat

      Presentation of OPAT /*! elementor - v3.21.0 - 18-04-2024 */ .elementor-column .elementor-spacer-inner{height:var(--spacer-size)}.e-con{--container-widget-width:100%}.e-con-inner>.elementor-widget-spacer,.e-con>.elementor-widget-spacer{width:var(--container-widget-width,var(--spacer-size));--align-self:var(--container-widget-align-self,initial);--flex-shrink:0}.e-con-inner>.elementor-widget-spacer>.elementor-widget-container,.e-con>.elementor-widget-spacer>.elementor-widget-container{height:100%;width:100%}.e-con-inner>.elementor-widget-spacer>.elementor-widget-container>.elementor-spacer,.e-con>.elementor-widget-spacer>.elementor-widget-container>.elementor-spacer{height:100%}.e-con-inner>.elementor-widget-spacer>.elementor-widget-container>.elementor-spacer>.elementor-spacer-inner,.e-con>.elementor-widget-spacer>.elementor-widget-container>.elementor-spacer>.elementor-spacer-inner{height:var(--container-widget-height,var(--spacer-size))}.e-con-inner>.elementor-widget-spacer.elementor-widget-empty,.e-con>.elementor-widget-spacer.elementor-widget-empty{position:relative;min-height:22px;min-width:22px}.e-con-inner>.elementor-widget-spacer.elementor-widget-empty .elementor-widget-empty-icon,.e-con>.elementor-widget-spacer.elementor-widget-empty .elementor-widget-empty-icon{position:absolute;top:0;bottom:0;left:0;right:0;margin:auto;padding:0;width:22px;height:22px} Geomatys avec son projet OPAT remportent le prix CASSINI d’Horizon Europe pour leur contribution à la lutte contre la pollution plastique en mer.

      À Montpellier, le 08 novembre 2023

      Communiqué de Presse

      Geomatys, PME spécialisée dans le domaine du traitement des données géospatiales, est fière d’annoncer que son projet innovant OPAT (Ocean Plastic Alert & Tracking), a remporté le prestigieux Prix CASSINI, for Digital Space Applications. Ce prix recherche des solutions commerciales innovantes qui tirent parti du programme spatial de l’UE pour détecter, surveiller et éliminer les plastiques, microplastiques et autres déchets de nos océans et voies navigables. Avec une dotation totale de 2,85 millions d’euros, les trois meilleures propositions sont éligibles pour remporter chacune 0,95 million d’euros, qui peuvent être utilisées pour aider les lauréats à développer et à commercialiser davantage leur solution. CASSINI est l’initiative de la Commission européenne visant à soutenir les entrepreneurs, les start-ups et les PME développant des applications et des services innovants tirant parti du programme spatial de l’UE. Dédiée à la promotion de la commercialisation des données et services Galileo, EGNOS et Copernicus, l’EUSPA est activement impliquée dans cette initiative.

      Cette récompense, qui célèbre les meilleures applications numériques maritimes ou marines pour la lutte contre la pollution plastique, témoigne de l’engagement que prend Geomatys vis-à-vis de la préservation de nos océans.

      La récompense associée à ce prix va permettre d’accélérer grandement le développement de la plateforme OPAT, conçue pour détecter par satellite les déchets plastiques en mer et prédire leur dérive.

      L’équipe de Geomatys tient évidemment à exprimer sa plus profonde gratitude à tous ceux qui ont contribué au succès du projet :

      • La région Occitanie, dont le soutien continu et la confiance ont été essentielles pour faire avancer OPAT.
      • La Communauté d’Agglomération Pays Basque pour nous avoir partagé son expérience dans la collecte des déchets en mer et de nous avoir fourni de précieuses données
      • Dr Shungu Garaba de l’Université d’Oldenburg, pour son expertise précieuse et sa collaboration sans faille.
      • Joël Sudre, de l’infrastructure de recherche Data Terra, dont l’engagement envers notre vision commune a été un pilier fondamental de notre succès.
      • Le CNES, via son programme Connect by CNES avec une mention spéciale à M. Eric Brel et M. Ariel Fuchs, pour leur contribution décisive à la réalisation de ce projet ambitieux.
      • L’ Agence Spatiale Européenne (ESA), dont le soutien, via un premier BASS faisabilité a été un élément crucial pour le lancement d’OPAT.

      Ce prix, décerné par Horizon Europe, renforce notre détermination à innover constamment pour la protection de nos océans. OPAT est un exemple de l’impact positif que la technologie spatiale peut avoir sur l’environnement, en nous aidant à mieux comprendre et à lutter contre la pollution plastique en mer. Nous sommes impatients de continuer à travailler en étroite collaboration avec nos partenaires, ainsi que de relever les défis futurs qui aideront à mieux préserver notre précieux écosystème marin.

      À propos de Geomatys

      Geomatys propose son expertise dans le domaine de la géodésie, l’exploitation et le traitement  de données complexes, des métadonnées géospatiales ou des modes de représentation avancés. Notre capacité à innover dans ce secteur nous positionne sur des secteurs d’activité tels que la Défense, le Spatial, la Recherche et plus généralement les projets en demande d’innovation.

      Vous pouvez nous contacter concernant OPAT ou Geomatys par mail : opat@geomatys.com, ou par téléphone : +33 4 84 49 02 26

      Plus d’infos : www.geomatys.com/solutions-metier/opat/

      présentation de OPAT Menu logo-geomatys Linkedin Twitter Youtube

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    • sur Vietnam et Etats voisins

      Publié: 7 November 2023, 8:09pm CET par r.a.

      Le titre du dernier ouvrage du géographe Yves Duchère, Vietnam et Etats voisins (1), suscite une première interrogation : quelles sont les limites de l’espace étudié ? Certes, Laos et Cambodge sont l’objet de pages peu nombreuses mais bien documentées, mais quelle place donner au troisième voisin, la Chine ? C’est l’étude des relations millénaires, complexes et ambigües, entre Vietnam et Chine qui constitue le principal intérêt du livre, un livre débordant d’informations, de tableaux, de cartes. Sans doute le plan a-t-il été difficile à construire car les retours sur une même question sont nombreux…ce qui a une efficacité pédagogique.

      On peut analyser les divisions de l’espace vietnamien en fonction du relief, de l’ethnologie, de l’histoire, de l’entrée dans la mondialisation…

      A un Vietnam continental des hautes terres de l’ouest s’oppose un Vietnam des plaines et du littoral. Le premier (au-dessus de 300 m), faiblement peuplé, a été longtemps le domaine d’ethnies minoritaires (2), nomades vivant dans la forêt, autonomes, accueillant les populations fuyant la volonté hégémonique des Etats des plaines. Le second est occupé par l’ethnie majoritaire des Kinh (Viets), sédentaires soumis, de longue date, à un Etat centralisateur qui contrôlait les infrastructures hydrauliques nécessaires à la riziculture. Au XXe siècle, le pouvoir colonial puis le nouvel Etat communiste ont cherché à intégrer les montagnards au sein d’une nation multiethnique. Aujourd’hui, les autorités veulent développer la migration de Kinh des villes engorgées vers les marges montagneuses avec un double objectif, économique (caféiculture…) et militaire.

      Les conquêtes et influences culturelles exogènes ont aussi pendant longtemps distingué les territoires du nord du Vietnam actuel profondément marqués par une colonisation chinoise progressive dès le 1er siècle avant notre ère jusqu’au Xe siècle, alors que ceux du sud subissaient l’influence indienne, hindouiste et bouddhiste, puis khmère. Les populations Viet, fortement sinisées, sont descendues vers le sud le long des plaines littorales jusqu’au delta du Mékong, du XIe siècle au XIXe siècle. C’est la France coloniale qui fit l’unité du nord (Tonkin), du centre (Annam) et du Sud (Cochinchine) dans le cadre de l’Union indochinoise (1879) dans laquelle furent incorporés le Cambodge et le Laos. Cette unité se fractura après 1955 entre deux modèles antagonistes d’Etat, une République démocratique du Vietnam, dirigée par un parti communiste, au nord, et une République du Vietnam, bénéficiaire d’une aide américaine massive, au sud. L’une procède à une réforme agraire sur le modèle chinois et développe une industrie rurale tandis que l’autre favorise une urbanisation à marche forcée. Après deux décennies de conflit (la « deuxième guerre d’Indochine » de 1959 à 1975), les communistes du nord imposèrent leur régime à l’ensemble du territoire et réunifièrent à nouveau le pays.

      Héritage de cette histoire, le Vietnam peut être qualifié d’Etat bicéphale. Deux pôles se font concurrence, deux deltas, deux métropoles : au centre du delta du fleuve Rouge, Hanoï, capitale millénaire, forme une ville-province de 8 millions d’habitants alors qu’au sud, dans le delta du Mékong, Ho Chi Minh-Ville (ex Saïgon) en regroupe près de 9 millions. Dans ces métropoles résident, au sein des districts urbains, les populations les plus riches, engagées dans une économie mondialisée, mais aussi des populations plus modestes dans les districts agricoles.

       

      L’ouvrage consacre toute une partie aux mutations du Vietnam depuis le Doi Moi, c’est-à-dire le « Renouveau », à partir de 1986 (quelques réformes ont été amorcées en 1979). Quelques années auparavant en Chine, Deng Xiaoping avait amorcé le passage de l’économie planifiée à un système introduisant le marché. Même s’il y a une « voie vietnamienne », le « modèle chinois » est bien présent. « Socialisme de marché », « économie de marché à orientation socialiste », « capitalisme de connivence », « capitalisme hybride »…les expressions sont nombreuses pour qualifier le phénomène.

      L’objectif était de sortir l’économie nationale de la situation désastreuse dans laquelle elle se trouvait. La « Rénovation » a eu recours aux investissements étrangers, a créé des ZES (3) et a multiplié les liens avec les autres pays (entrée dans l’OMC en 2007). Ce sont les secteurs manufacturiers puis les infrastructures qui en ont surtout bénéficié. Les exportations ont été multipliées par cent entre 1990 et 2020, date à laquelle la balance commerciale est pour la première fois positive.

      L’organisation de l’agriculture connaît aussi une profonde transformation. La collectivisation des terres dans le cadre de très grandes coopératives était un échec patent (sur des parcelles qui ne représentaient que 5% des terres des coopératives, les paysans produisaient 54,3% des revenus en 1975). Elles furent démantelées à partir de 1988, la fixation des prix par l’Etat abandonnée, et grâce à l’intensification de la production, le pays est devenu autosuffisant en riz puis exportateur (6ème rang mondial).

      Ces transformations ont amené une montée en puissance de la classe moyenne qui a adopté de nouveaux modes de vie, mais la pauvreté n’a pas disparu, surtout dans le monde rural et les inégalités se sont accrues. Travailleurs du secteur informel, membres des minorités, femmes rurales sont les laissés-pour-compte de la croissance. Corruption, dégradation environnementale, spéculation foncière, urbanisation informelle…sont la face noire du « Renouveau ».

      L’introduction du marché n’a pas entraîné de libéralisation politique. Comme en Chine, l’autoritarisme du régime se manifeste par la toute puissance d’un parti-Etat, une surveillance constante de la population à la fois par la police et par la pègre, l’absence de presse indépendante, la sanction de toute « idéologie déviante » au sein même du parti. Mais les autorités vietnamiennes font preuve d’une certaine flexibilité politique, recherchant un certain consensus entre l’Etat et la société. Les critiques qui ne peuvent s’exprimer dans les médias empruntent la voie de la littérature ou de la chanson et les blogs hébergés à l’étranger soutiennent la contestation.

       

      Le souci de préserver une « voie vietnamienne » de développement n’empêche pas le Vietnam d’être intégré de gré et/ou de force dans la sphère d’influence chinoise (ainsi que ses voisins cambodgien et laotien).

      La Chine, dans sa volonté de devenir la première puissance mondiale, a besoin de renforcer son influence sur l’Asie orientale et particulièrement sur l’Asie du Sud-Est. Une partie des « Nouvelles routes de la soie » emprunte un réseau de voies de circulation Nord-Sud fournissant aux produits chinois un accès direct à l’océan Indien.

      Face à la poussée chinoise vers les mers du Sud, les Vietnamiens sont méfiants. Ils souhaiteraient mettre en œuvre une politique étrangère multilatérale mais la présence chinoise est de plus en plus forte alors que l’aide américaine régresse.

      Soft power et capitaux sont les atouts majeurs de Beijing. Les Chinois utilisent l’arme idéologique de leur philosophie, des valeurs asiatiques s’opposant aux valeurs universelles que voudrait imposer l’Occident. La promotion des thèmes confucéens est un moyen de recouvrer une grandeur passée où la Chine dominait ses voisins. Les autorités vietnamiennes défendent aussi l’universalité du confucianisme, mais elles ont le souci d’harmoniser valeurs traditionnelles et « droits de l’homme », à condition qu’ils ne soient pas imposés de l’étranger (il est intéressant de remarquer que des intellectuels vietnamiens au pouvoir sont restés marqués par certaines valeurs occidentales).

      Les Chinois ont aussi des moyens financiers pour s’imposer. Ils fournissent les IDE (4) dont le Vietnam a besoin, même si ces capitaux sont investis surtout dans les ZES situées le long des corridors des « routes de la soie ». Le pays bénéficie aussi de l’aide publique chinoise au développement sous forme de prêts préférentiels, ce qui n’est pas sans susciter une certaine méfiance.

      Les relations entre le Vietnam et la Chine sont empoisonnées par la question de la mer de Chine méridionale dont les deux Etats revendiquent l’intégralité de la zone. Riche en ressources halieutiques et en hydrocarbures, cet espace maritime a surtout un intérêt stratégique (il est traversé par la principale route maritime du commerce international). Face aux volontés chinoises, le Vietnam ouvre ses portes aux marines occidentales, mais aussi russes et indiennes. Néanmoins la croissance récente des activités chinoises dans la zone semble annoncer la victoire plus que probable du grand voisin du nord. Et il va être difficile au Vietnam de trouver sa place dans l’Indopacifique, entre les ambitions chinoises, indiennes et américaines.

       
      Vietnam et Etats voisins fournira une mine d’informations à son lecteur qui pourra l’utiliser comme une encyclopédie grâce à son Index très fourni. Il est dommage que sa relecture ait été négligée. A titre d’exemple, on peut signaler la confusion entre indice de fécondité et taux de natalité (p.117-119), entre balance commerciale négative et positive (p.141), etc… et regretter l’absence de légendes sous quelques cartes (p.116, p.162). Mais les apports l’emportent largement sur ces quelques défauts.

      1) Yves Duchère, Vietnam et Etats voisins, Géopolitique d’une région sous influences, Armand Colin, 2023.
      2) 53 minorités (14,7% de la population) vivent dans les montagnes et les plateaux forestiers. Les langues qu’ils utilisent appartiennent majoritairement au groupe tibéto-birman
      3) Zones économiques spéciales
      4) Investissements directs à l’étranger

       

      Michèle Vignaux, novembre 2023

    • sur Dans quel monde vivons-nous ?

      Publié: 7 November 2023, 5:53pm CET par r.a.

      Delphine Papin, Frank Tétart et Daniel Oster (modérateur)
      (photo de Micheline Martinet)

      Pour fêter le 25ème anniversaire de la création de l’association, Les Cafés géographiques ont invité Frank Tétart, docteur en géopolitique, à présenter une question d’actualité sous le titre : « Dans quel monde vivons-nous ? ». Quel meilleur choix que cet ancien co-auteur de l’émission Le Dessous des cartes et coordinateur du Grand Atlas 2024 (1) pour analyser les crises qui affectent la planète ? Delphine Papin, responsable du service Infographie et Cartographie du journal Le Monde, complète son intervention.

      En introduction, F. Tétart rappelle que depuis 2022 l’opposition entre démocraties et régimes autoritaires (présents dans de grandes nations : Chine, Russie…) gagne du terrain, ce dont témoignent régulièrement médias et réseaux sociaux. On se pose aussi des questions sur le rôle que pourrait jouer la communauté internationale dans la résolution des conflits actuels et on s’inquiète de l’avenir du monde face au défi du changement climatique. Il y a urgence mais les négociations piétinent et le choix de Dubaï, gros producteur de pétrole, comme lieu d’accueil de la prochaine COP (2) laisse perplexe. L’enjeu climatique concerne toute la planète, mais surtout les pays les plus précaires.

      Quels sont les principaux points chauds étudiés dans l’Atlas ?

      L’Ukraine subit une guerre d’agression qui, loin d’être la guerre courte voulue par Poutine, s’inscrit dans une durée indéterminée. Les modalités de combat rappellent la Grande Guerre : les ennemis se font face de part et d’autre d’un front qu’ils sont incapables de percer. C’est dès maintenant un échec politique pour le dirigeant russe car il a amené la Finlande et la Suède à rejoindre l’OTAN. C’est un jeu à somme nulle.

       

      Au Proche-Orient, le conflit israélo-palestinien, de basse intensité ces derniers temps, est redevenu une guerre ouverte d’une grande violence, le 7 octobre dernier. Il concerne tous les Etats de la région et même au-delà :

      – l’Iran, principal ennemi, apporte son soutien au Hamas et au Hezbollah libanais présent également en Syrie.

      – les Etats arabes souhaitant se rapprocher de l’Etat israélien se trouvent dans une situation paradoxale vis-à-vis de leur opinion publique. C’est le cas des signataires des Accords d’Abraham (3) et de l’Arabie saoudite.

      – la Turquie souhaiterait jouer un rôle de médiateur dans le conflit, ce que sa proximité idéologique du Hamas rend plausible.

      – la Russie a accordé son soutien successivement à Israël et aux Palestiniens qu’elle défend désormais.

      – Israël soutient l’Azerbaïdjan, pays musulman proche de la Turquie.

      Les relations et alliances entre Etats sont donc désormais marquées par une grande complexité.

      Le retour des nationalismes est aussi une caractéristique du monde actuel. Depuis l’été 2022, entre le Kosovo (4) et la Serbie se sont accrues de nombreuses tensions que chacun des deux Etats cherche à instrumentaliser. En témoignent les dernières élections municipales qui ont été boycottées par les Serbes du Kosovo. Le mythe toxique d’un Kosovo qui serait le berceau de la Serbie, nuit à des négociations que semblait pourtant favoriser une adhésion possible à l’UE. Une solution pacifique semble par conséquent difficile, même si la présence américaine (base militaire de l’OTAN au Camp Bondsteel) et l’aide de l’UE devraient contribuer à la pacification.

      En Bosnie-Herzégovine, les partis nationalistes jouent un rôle important, contribuant à de fortes tensions.

      Le Caucase est le lieu de plusieurs conflits gelés depuis 1991, dont le Haut-Karabakh qui est redevenu conflictuel.

      A l’époque soviétique, le Haut-Karabakh était une région autonome peuplée de 75% d’Arméniens, au sein de l’Azerbaïdjan. Les frontières entre les Républiques socialistes avaient été tracées par Staline dans le but de briser les élans nationalistes. Après 1991, une République du Haut-Karabakh est proclamée dans les frontières de l’oblast soviétique, mais elle n’est pas reconnue internationalement car faisant partie d’un territoire souverain, entraînant une guerre jusqu’à 1994 et au statu quo territorial. Pendant la guerre de septembre-novembre 2020, l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie, reconquiert certains territoires. Il s’agit d’une guerre brève s’achevant avec la médiation de la Russie qui obtient le maintien de la paix et la préservation de la population arménienne du Haut-Karabakh. En septembre 2023, une nouvelle attaque des Azéris a obligé la population arménienne du H.-K. à choisir entre l’exil et la nationalité azerbaïdjanaise. L’absence d’intervention de la Russie, occupée « ailleurs », a entraîné l’exode des trois quarts de la population vers l’Arménie. Peut-on qualifier ce drame d’« épuration ethnique » ?

      L’Indopacifique est le nouveau terrain d’affrontement des Etats-Unis qui ont fait du Pacifique leur premier objectif, et de la Chine qui se veut, non seulement puissance politique mais aussi puissance navale. Dans l’océan Indien, l’expansionnisme des Chinois est au service de leurs routes commerciales. Aussi ont-ils constitué un « collier de perles », c’est-à-dire des bases navales le long de leur principale voie d’approvisionnement maritime vers le Moyen-Orient (Djibouti, Maldives, Pakistan…), ce qui rencontre l’opposition des Etats-Unis et de l’Inde, très soucieuse de la poussée chinoise. Pour contrer cette influence, les deux puissances, auxquelles se sont joints l’Australie et le Japon, se sont accordées sur la mise en place de points d’appui dans toute la région.

      Sur toute la planète on assiste à une remise en cause des démocraties.

      En Afrique, plusieurs coups d’Etat ont fait reculer la stabilité et la démocratie.

      En Europe, la démocratie régresse au sein même des pays démocratiques (Hongrie) et les Etats-Unis en donnent une image déplorable.

      La circulation de l’information passe de plus en plus par les réseaux sociaux, ce qui favorise la croyance dans les fake news et une forte polarisation des sociétés. La liberté de la presse est très menacée dans certains pays comme la Russie qui ne diffuse que de la propagande. Même là où elle peut s’exercer, les chaînes d’information en continu (par exemple Fox News aux Etats-Unis) créent un chaos informationnel. De plus les journalistes sont de plus en plus des cibles. On a déploré la mort de 60 d’entre eux en 2022.

       

      Pourquoi y a-t-il aussi peu d’action face à l’urgence climatique ?

      Plusieurs facteurs interviennent. Le premier tient à l’attitude des citoyens eux-mêmes qui ne veulent pas renoncer à leur mode de vie. On peut aussi mettre en cause le décalage entre calendrier politique et calendrier climatique. Les responsables politiques ont peur d’être en porte-à-faux par rapport à leurs électeurs. Enfin les moyens incitatifs sont insuffisants. Pourtant les risques climatiques sont grandissants. Ils entraîneront des perturbations sociales et des migrations.

      Questions de la salle

      1-Que peut-on dire du rôle des religions dans le monde actuel ?

      Partout dans le monde, la religion redevient un élément identitaire essentiel pour de nombreux peuples, remettant en cause le processus de sécularisation des sociétés lié à l’expansion du modèle occidental depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le monde s’avère aujourd’hui plus religieux qu’il ne l’était il y a un demi-siècle, notamment dans les anciens pays communistes d’Europe de l’Est, en Chine ou en Afrique. On peut parler d’une globalisation du religieux qui favorise le sentiment d’appartenance à une communauté dans une société en voie d’uniformisation mondialisée.

      Ces identités de type religieux sont souvent instrumentalisées par les pouvoirs politiques ou divers groupes contribuant à des violences ou des conflits, par exemple entre juifs et musulmans en Israël, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, entre sunnites et chiites au Moyen-Orient, entre hindous et musulmans en Inde, entre bouddhistes et minorité musulmane des Rohingyas en Birmanie, etc.

      Ainsi, ce qu’on appelle « guerres de religion » sont en réalité des guerres où les religions agissent comme des facteurs aggravants plutôt que les mobiles et causes profondes des conflictualités.

      2-La dissuasion nucléaire reste-t-elle un facteur déterminant des relations internationales ?

      9 Etats détiennent des armes nucléaires, dont 5 puissances reconnues par le traité de non-prolifération (TNP) établi en 1968. A ces 5 Etats (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France) se sont jointes 4 autres puissances nucléaires : Inde, Pakistan, Israël, et Corée du Nord. Les armes nucléaires sont déployées pour prévenir des agressions majeures dans le cas de doctrines de « dissuasion ». L’affirmation doctrinale de l’arme nucléaire est perçue alternativement comme une garantie de sécurité ou un frein au processus de désarmement.

      Le nucléaire militaire participe à la « réalité crisogène » au Moyen-Orient (crise liée au programme nucléaire iranien depuis 2003) et en Asie du Nord-Est (crise nucléaire ouverte avec la Corée du Nord en 1993). Mais en même temps, la dissuasion est plus que jamais pertinente dans le contexte du retour de la compétition entre les puissances et des tensions exacerbées par la guerre en Ukraine.

      3-La question des pertes humaines et de la guerre au sol

      L’évolution de la technologie (drones, roquettes, missiles…) accroît les capacités de destruction des bombardements faits à une certaine distance du « champ de bataille ». Sans compter que faire la guerre de nos jours devient de plus en plus complexe (guerre informationnelle, cyberconflits…). Mais pour gagner la guerre il arrive un moment où les interventions terrestres sont nécessaires avec la conduite d’opérations au sol (pensons aux stratégies militaires mises en œuvre au Sahel, en Ukraine, dans la bande de Gaza…). Or, dans les démocraties les pertes humaines liées à la « guerre au sol » sont devenues encore plus difficilement supportables qu’autrefois, ce qui conduit ces pays à faire des choix stratégiques tenant largement compte de ce facteur.

      4-L’ordre international de 1945 de plus en plus remis en cause

      Il y a près de 80 ans que l’ordre international est organisé selon les règles établies dans l’immédiat après-guerre par les vainqueurs de la Seconde guerre mondiale (Bretton Woods, ONU, etc.). En 1989-1991, le modèle démocratique et libéral incarné par l’Occident et son chef de file les Etats-Unis a semblé triomphant. Mais aujourd’hui l’ordre international dit libéral est contesté de toutes parts.

      Les puissances émergentes contestent le mode de fonctionnement des institutions de l’après-guerre. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) se réunissent chaque année depuis 2011, ils seront 11 le 1er janvier 2024, rejoints par 6 Etats (Arabie Saoudite, Argentine, Egypte, Ethiopie, Iran, Emirats Arabes Unis). Le PIB mondial à parité de pouvoir d’achat (PPA) des BRICS 11 s’élève aujourd’hui à 36 % (soit déjà plus que le G7), et les BRICS englobent désormais 47 % de la population mondiale. L’institution multilatérale cherche à redéfinir les relations internationales, à réformer le cadre institutionnel actuel – du Conseil de sécurité de l’ONU au FMI et à l’OMC.

      Dans les relations internationales l’opposition entre les démocraties et les régimes autoritaires est de plus en plus marquée, même si les facteurs qui interagissent sont parfois contradictoires. Ainsi que penser du rapprochement politique et diplomatique entre la Russie et la Chine alors que les intérêts économiques de ces deux pays sont parfois antagonistes ?

      Notes :

      1) Grand Atlas 2024, Franck Tétart, Editions Autrement, Paris, 2023.
      2) COP : Conférence des Parties. La COP est une conférence internationale de l’ONU sur les changements climatiques, la première s’est tenue à Berlin en 1995, la 28e se tiendra à Dubaï (EAU) du 30 novembre au 12 décembre 2023 (ce sera donc la COP 28).
      3) Les Accords d’Abraham sont des traités de paix signés par Israël avec les Emirats arabes unis, Bahreïn, puis avec le Soudan et le Maroc (décembre 2020).
      4) Le Kossovo, auparavant province serbe, a déclaré unilatéralement son indépendance le 17 février 2008 contre la volonté de Belgrade. Il n’est pas reconnu par l’ONU (opposition de la Russie), ni par l’UE (opposition de 5 Etats sur 27).

      Michèle Vignaux et Daniel Oster, octobre 2023

    • sur SFCGAL 1.5.0 est arrivé !

      Publié: 6 November 2023, 9:00am CET par Loïc Bartoletti

      SFCGAL est une bibliothèque C++ qui enveloppe CGAL, dans le but de prendre en charge les normes ISO 19107:2013 et OGC Simple Features Access 1.2 pour les opérations en 3D et de 2D avancées.
      Elle fournit des types de géométries et des opérations conformes aux normes, accessibles via ses interfaces en C ou en C++.

      Elle est utilisée aujourd’hui dans un large éventail d’applications, y compris au sein de PostGIS pour des opérations en 2D avancées et 3D, dans GDAL, ainsi que dans certaines bibliothèques de calculs complexes.
      Avec la sortie de SFCGAL 1.5.0, nous continuons d’étendre ses fonctionnalités et de proposer de nouvelles possibilités aux développeurs.

      Algorithmes de visibilité

      SFCGAL 1.5.0 intègre deux nouveaux algorithmes de visibilité issus de la bibliothèque CGAL.

      Ces algorithmes améliorent la capacité d’analyser la visibilité entre des objets géométriques, ce qui est essentiel dans un large éventail d’applications, de la planification urbaine à la robotique.

      Ces algorithmes permettent de déterminer les zones visibles depuis un point ou depuis une arête, comme l’illustre l’exemple ci-après.

      Visibilité depuis un point, dans un quartier dense : on part d’un polygone arbitraire (en rouge) dans le voisinage du point, auquel on retranche le bâti. Et on obtient un polygone des zones visibles.

      Nouvelles variantes de partitionnement

      Cette version apporte des améliorations significatives dans les algorithmes de partitionnement de polygones.

      SFCGAL possède déjà plusieurs algorithmes de triangulation pouvant partitionner un polygone. Nous venons d’ajouter 4 nouveaux algorithmes, répondant ainsi aux besoins de diverses applications géospatiales et de conception.

      partitions dans SFCGAL

      En haut à gauche, Y Monotone Partition ; en haut à droite, Approximal Convex Partition ; en bas à gauche, Greene Approximal Convex Partition ; en bas à droite : Optimal Convex Partition

      Extrusion de squelette droit

      L’une des fonctionnalités les plus attendues dans SFCGAL 1.5.0 est la possibilité de générer des « fausses » toitures en extrudant le squelette d’un polygone (straight skeleton).

      Des méthodes de conversion de la 2D vers la 3D (les fameux bâtiments !) existaient auparavant. Cependant, la qualité et l’efficacité de l’algorithme fourni par CGAL permet d’atteindre une solution significativement plus performante pour ce cas d’usage, en garantissant une conception de toit précise et fonctionnelle.

      Extrusion de toits dans QGIS 3D

      Cela ouvre la voie à une généralisation du LoD2 pour la tâche de reconstruction de bâtiments. Une représentation architecturale détaillée reste essentielle pour la visualisation, la simulation et la planification urbaine, en cette période où les jumeaux numériques 3D s’intéressent de plus en plus à la ville !

      Support du WKB et EWKB

      Nous avons également ajouté à SFCGAL 1.5.0 des fonctionnalités de lecture et d’écriture des formats binaires WKB et EWKB, pour offrir une plus grande interopérabilité avec d’autres systèmes et formats géospatiaux.

      Cette mise à jour renforce la facilité d’intégration de SFCGAL dans des workflows existants. Elle démontre notre engagement continu à améliorer SFCGAL pour répondre aux besoins diversifiés de nos utilisateurs.

      Résolution des problèmes de déploiement

      SFCGAL est un logiciel complexe, reposant sur des outils tout aussi complexes. Dans ce contexte, les problèmes de compilation, d’intégration et de packaging représentent un écueil notable (dont la bibliothèque a pu être victime par le passé !).

      Nous avons travaillé dur pour apporter des solutions à ces problèmes. Des processus de test rigoureux ont ainsi été mis en place sur les différentes plateformes majeures (Linux Debian/Ubuntu, BSD, Windows, MacOS) pour garantir que SFCGAL fonctionne de manière fiable et cohérente (oui, nous pensons à vous, les erreurs de flottants…).

      De plus, nous sommes engagés dans le développement d’une intégration à vcpkg, une solution de gestion de paquets C++ multiplateforme. Cette intégration facilitera davantage l’installation et l’utilisation de SFCGAL dans divers environnements.

      L’écosystème autour de SFCGAL

      Cette version représente l’avancée la plus importante de SFCGAL depuis des années, autant en diffuser les nouveautés !

      Notre objectif est de rendre SFCGAL accessible et fonctionnel pour un large éventail d’utilisateurs, quels que soient leurs besoins et leurs plates-formes. Trois possibilités additionnelles existent pour qui voudra tester ces nouveautés :

      • Les fonctionnalités présentées ici devraient être disponibles dans la prochaine version de PostGIS.
      • La bibliothèque est accompagnée par le binding Python pySFCGAL, qui inclut d’ores-et-déjà ces évolutions.
      • En outre, nous sommes heureux de vous informer que nous allons travailler sur un plugin QGIS pour faciliter leur intégration dans ce puissant système d’information géographique.

      Restez à l’écoute pour davantage de mises à jour sur SFCGAL. Nous travaillons déjà sur l’intégration de nouveaux algorithmes !

      Si vous souhaitez en discuter avec nous, ou si vous avez des cas d’usage qui pourraient bénéficier de ces nouveautés, contactez-nous à : info@oslandia.com !

    • sur Dessiner l’architecture en géographe par Simon Estrangin

      Publié: 1 November 2023, 7:34pm CET par r.a.

      Quelles sont les similitudes entre les dessins des géographes et ceux d’autres professions, les architectes par exemple ? Le dessin du géographe n° 88 abordait déjà cette question à travers des exemples pris dans l’espace méditerranéen. Ici, il s’agit de se pencher sur la façon dont le géographe Jacques Pezeu-Massabuau dessinait l’architecture.
      En effet, Jacques Pezeu-Massabuau (1930-), s’est beaucoup penché dans la seconde moitié du XX° siècle sur les cas des maisons japonaises et chinoises. Dans ses travaux il défendait notamment l’idée, réinterrogée aujourd’hui (Pelletier, 2022), que la maison japonaise traditionnelle était inadaptée à son milieu et notamment aux tremblements de terre et aux typhons, ou encore aux rigueurs de l’hiver. Il cherchait donc à en rendre compte à l’aune d’autres critères : esthétiques, techniques, économiques, sociaux… Un élément d’explication tenait par exemple à l’histoire du peuplement de l’île, en provenance du sud-ouest : la maison japonaise pouvait se lire comme un héritage d’origine tropicale.
      Dans deux articles des années 60 des dessins illustraient ce propos. Certains peuvent se rapprocher de ceux qu’auraient livré à la même époque un architecte (fig.1), avec une attention fine à la structure de la maison (pannes, chevrons, voligeage etc.). D’autres, dans une démarche plus spécifique à la géographie, appuient le raisonnement en jouant sur les échelles spatiales : aux plans de maisons suivent ceux des complexes architecturaux, des vues de rues, de villages. Et la réflexion se poursuit naturellement à plus petite échelle par la carte. Les dessins illustrent aussi les disparités en fonction du niveau social, mais aussi les différences entre milieu urbain et rural (fig.2). Enfin, une comparaison et un parallèle entre maison chinoise sur pilotis du Yunnan et maison japonaise permet de donner de la substance à la thèse de la diffusion d’un modèle architectural (fig.3).

      Fig. 1 — Structure de la maison japonaise.
      1. Fondations (tamaishi). — 2. Sablière basse [dodai). — 3. Lambourde [ashigatame). — 4. Nuki. — 5. Solive (neda). — 6. Parquet. — 7. Poutre maîtresse (honbari).  — 8. Sablière haute (Aera). — 9. Pannes (moya). — 10. Chevrons (taruki). — 11. Voligeage (nojiita). — 12. Bardeaux (kokeraita). — 13. Tuiles (kawara). — 14. Poutre faîtière [????). — 15. Tatami. — 16. Seuil rainuré (shikii). — 17. Linteau rainure (kamoi). — 18. Shôji. — 19. Fusuma. — 20. Nageshi. — 21. Ramma. — 22. Plafond suspendu. — 23. Toit de la véranda. — 24. Plafond de la véranda. — 25. Fenêtres vitrées coulissantes (garasudo). — 26. Tokonoma. — 27. Tokobashira. — 28. Shoin. — 29. Chigaidana.

       

      Figure 2 — Les habitations urbaines (en haut) et rurales de style tibétain, d’occupation indifféremment tibétaine ou chinoise ; toits en terrasse ou couverts en chaume abritant une solide construction de pierre.
      Fig. 3 — La maison chinoise sur pilotis.
      A. – Type archaïque de la région du Yunnan (d’après M. Liu Tun-Chen). —
      B. – Type moderne (Taiwan) ; la maison japonaise des villes semble dérivée directement de ce type.

       

      Notice biographique

      Jacques Pezeu-Massabuau, né en 1930, agrégé d’histoire-géographie, docteur ès-lettres, a réalisé de nombreuses études sur les thèmes, souvent croisés, de l’Extrême-Orient, de l’habitat, de l’urbanisme, du confort, et de Jules Verne. Il a abordé ainsi, comme géographe, des sujets qui ont trait également à l’architecture, l’urbanisme et l’anthropologie. Il a vécu, enseigné, participé à des actions d’aménagement au Japon.

       

      Simon Estrangin      octobre 2023

       

      Bibliographie indicative

      2017, BONNIN P., PEZEU-MASSUBAU J., Façons d’habiter au Japon, CNRS
      2014,  PEZEU-MASSUBAU J., Trente-six manières d’être chez soi, un art de vivre universel menacé, L’Harmattan
      2013, Jules Verne, les voix et les voies de l’aventure, L’Harmattan
      2007, Construire l’espace habité, l’architecture en mouvement, L’Harmattan
      2003, Habiter, rêve, image, projet, L’Harmattan
      2002, Du confort au bien-être, la dimension intérieure, L’Harmattan
      2001, La maison, espace réglé, espace rêvé, Belin
      1983, La maison, espace social, PUF
      1977, Pays et paysages d’Extrême-Orient, PUF
      Les dessins ci-dessus sont extraits des deux articles suivants :

      1966, PEZEU-MASSUBAU J., « Problèmes géographiques de la maison japonaise.», Annales de Géographie, t. 75, n°409, pp. 286-299 ;
      1969, PEZEU-MASSUBAU J., « Les problèmes géographiques de la maison chinoise », Cahiers d’outre-mer. n° 87 – pp. 252-287 ;

      Pour aller plus loin sur la maison japonaise :

      2022 PELETIER P., « la maison japonaise, un quiproquo géographique », La Géographie, n°1587, PP. 20-25

    • sur Sortie de QField 3.0, la solution terrain basée sur QGIS

      Publié: 30 October 2023, 12:45pm CET par Vincent Picavet

      Nous sommes très heureux et enthousiastes à Oslandia de relayer l’annonce de sortie de QField 3.0, la nouvelle version majeure de l’application mobile de SIG basée sur QGIS.

      Oslandia est partenaire stratégique de OPENGIS.ch, la société au cœur du développement de QField et de la solution SaaS associée QFieldCloud. Nous nous joignons à OPENGIS.ch pour vous annoncer les nouvelles fonctionnalités de QField 3.0.

      Téléchargez QField 3.0 sans attendre !QField 3.0 screenshots

       

      Dotée de nombreuses nouvelles fonctionnalités et développée avec la dernière génération du framework multiplateforme Qt, ce nouveau chapitre marque une étape importante pour la plus performante des solutions OpenSource de SIG terrain.

      Les nouveautés

      La liste de projets récents a été repensée, avec des aperçus des projets en cours. Au delà de cette améliorations de l’interface utilisateur, de nombreuses autres modifications et harmonisations d’interface ont été apportées. Thème sombre rafraîchi, meilleure finition de l’interface, QField n’a jamais été aussi ergonomique et agréable visuellement.

      La barre de recherche supérieure permet désormais aux utilisateurs de rechercher des éléments dans les attributs de la couche active. Il est également possible de spécifier l’attribut concerné. La nouvelle fonctionnalité peut être déclenchée en tapant le préfixe « f » dans la barre de recherche suivi d’une chaîne ou d’un nombre pour obtenir une liste d’éléments correspondants. Une nouvelle liste de fonctionnalités apparaît alors avec tous les outils disponibles dans la barre de recherche.

      La fonctionnalité de tracking a également été améliorée. Un nouveau paramètre de correction d’erreur a été ajouté. Lorsqu’il est activé, il indique de ne pas ajouter de nouveau sommet si la distance avec le sommet précédent est supérieure à une valeur donnée. Cela évite les « pics » d’erreur de localisation pendant un enregistrement.

      QField est désormais également capable de reprendre une session de tracking après avoir été arrêté. Le tracking réutilisera alors la dernière entité enregistrée, permettant de poursuivre des sessions interrompues par une perte de batterie ou une pause momentanée sur une ligne ou géométrie polygonale.

      Pour les formulaires, QField prend désormais en charge les widgets de texte, un nouveau type en lecture seule introduit dans QGIS 3.30, qui permet aux utilisateurs de créer des étiquettes textuelles basées sur des expressions. De plus, les widgets de formulaire pour les relations permettent maintenant de zoomer vers les entités enfants/parent au sein du formulaire lui-même.

      Pour améliorer le travail de saisie sur le terrain, QField permet désormais d’activer et de désactiver le snapping grâce à un nouveau bouton situé en haut de la carte lors du mode de numérisation. Lorsqu’un projet a activé le snapping avancé, on peut activer ou de désactiver le snapping chaque couche vectorielle.

      De plus, la saisie de lignes et de polygones en utilisant les touches de volume haut/bas des appareils tels que les smartphones est désormais possible. Cela peut s’avérer utile lors de la numérisation de données dans des conditions difficiles où les gants rendent plus complexe l’utilisation d’un écran tactile.

      Ce résumé effleure juste la surface de cette version riche en fonctionnalités. D’autres ajouts majeurs incluent la prise en charge des balises NFC et un outil gomme pour l’éditeur de géométrie, permettant de supprimer une partie des lignes et des polygones comme vous le feriez avec un dessin au crayon en utilisant une gomme.

      Deutsches Archäologisches Institut, Groupements forestiers Québec, Amsa et Kanton Luzern ont sponsorisé ces améliorations.

      D’autres améliorations

      La barre d’échelle respecte désormais les unités de mesure de distance des projets, permettant l’affichage en unités impériales et nautiques.

      QField offre désormais un paramètre de qualité de rendu qui, moyennant une légère réduction de la qualité visuelle, permet d’obtenir des vitesses de rendu plus rapides et une utilisation moindre de la mémoire. Cela peut être un véritable atout pour les anciens appareils ayant du mal à gérer de grands projets et contribue à économiser la durée de vie de la batterie.

      La prise en charge des couches de tuiles vectorielles a été améliorée grâce au téléchargement automatisé des polices manquantes et à la possibilité de masquer les étiquettes. Ces deux modifications rendent ce type de couche indépendant de la résolution bien plus attrayant.

      Sur iOS, les mises en page sont désormais imprimées par QField sous forme de documents PDF au lieu d’images. Cela n’est devenu possible sur iOS que récemment, après le travail effectué par l’un de nos experts au sein de QGIS lui-même.

      DB Fahrwgdienste a sponsorisé les efforts de stabilisation et les corrections apportées au cours de ce cycle de développement.

      Qt 6 sous le capot

      Enfin, QField 3.0 est désormais construit sur Qt 6. Il s’agit d’une étape technologique importante pour le projet, car cela signifie que nous pouvons pleinement exploiter les dernières innovations technologiques dans ce framework multiplateforme qui alimente QField depuis le premier jour.

      Outre les nouvelles possibilités, QField a bénéficié de nombreuses corrections et améliorations au fil des années, notamment une meilleure intégration avec les plateformes Android et iOS. De plus, le framework de géolocalisation de Qt 6 a été amélioré pour prendre en compte les nouvelles constellations GNSS apparues au cours de la dernière décennie.

      Forêts

      Les forêts jouent un rôle crucial dans la régulation du climat, la préservation de la biodiversité et la durabilité économique. À partir de QField 3.0 « Amazonia » et tout au long du cycle de vie de la version 3.X, nous choisirons des noms de forêts pour chaque version afin de souligner l’importance de la conservation des forêts à l’échelle mondiale.

      Service disponible !

      OPENGIS.ch et Oslandia peuvent vous accompagner sur vos projets autour de QField, sur toute la gamme de service, en Anglais ou en Français  : formation, conseil, adaptation, développement spécifique et développement cœur, assistance et maintenance. N’hésitez pas à nous contacter : infos+qfield@oslandia.com

      Bonne cartographie sur le terrain !

    • sur L’échelle, sur une carte du monde

      Publié: 29 October 2023, 3:33pm CET par Françoise Bahoken et Nicolas Lambert
      Pourquoi est-il préférable de ne pas mettre d’échelle (géo)graphique sur une carte du monde ?

      Ce billet est une traduction en français et légèrement adaptée de l’expérimentation réalisée en anglais sur le sujet par Nicolas Lambert ; elle est par ailleurs accessible en version interactive ici

      Si l’ajout d’une barre d’échelle graphique sur les cartes est essentiel à l’échelle locale, il est très discutable à l’échelle globale. En effet, selon la projection choisie, la longueur de la barre est susceptible de varier en fonction de la latitude, de sorte que l’échelle n’a pas la même valeur en tous points de la carte.

      Voici un exemple, avec la projection de Mercator, qu’il n’est plus nécessaire de présenter tant ses altérations sont fortes de part et d’autre de l’équateur.

      Le même exercice réalisé sur une projection équirectangulaire, montre des variations similaires.

      Comment faire, si l’on souhaite ajouter (quand même) une échelle ?

      La solution consiste à dessiner la barre d’échelle correspondant à la longueur mesurée sur l’équateur qui sert de référence, en spécifiant qu’elle n’est valable qu’à cet emplacement. Si l’usage veut que l’échelle soit placée au lieu de sa mesure, il est cependant possible de la déplacer ; de la positionner automatiquement avec geoviz en utilisant l’argument translate.

       

       

      Françoise Bahoken et Nicolas Lambert

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    • sur ELAN : Plugin QGIS pour optimiser l’hydrologie urbaine

      Publié: 24 October 2023, 9:35am CEST par Jacky Volpes

       

       

      Dans le cadre du projet TONIC, l’INRAE a fait appel à Oslandia pour développer l’outil ELAN.

      Les participants au projet : INRAE, INSA Lyon, UGA, eau Grand Sud-Ouest, agence de l’eau Rhône Méditérannée Corse, H2O’Lyon, OFB

      TONIC s’inscrit dans le changement de paradigme sur la gestion des eaux usées et des eaux de pluie en milieu urbain et étudie différentes pratiques  :

      • développement d’infrastructures vertes (murs végétalisés, toits-jardins, arbres de rue, etc.) pour améliorer la qualité de l’air,
      • soutenir le traitement des eaux usées,
      • réduire le ruissellement des eaux pluviales,
      • réduire la pollution de l’eau et améliorer la qualité de vie pour les résidents.

      L’objectif de l’outil est d’accompagner les collectivités dans une gestion durable des eaux urbaines en leur proposant une méthodologie objective et opérationnelle pour aborder les questions de gestion décentralisée des eaux urbaines.

      ELAN proposera plusieurs modules intervenant dans la création de différents scénarii permettant de qualifier la pertinence technico-économique des solutions envisagées.

      Le premier volet de cet outil consiste, pour le traitement des eaux usées d’un nouveau quartier, à qualifier le choix d’un traitement local, ou de connexion au réseau voisin.

      Le deuxième volet vise à répondre à la problématique des déversements (eaux de pluie et eaux usées) en milieu naturel lorsque les stations de traitement saturent.

      Use case du volet 1 : comment connecter un nouveau quartier ?

      Un nouveau quartier n’a pas de réseau d’eaux usées.

      ELAN permet de simuler les 2 scénarii suivants :

      • raccordement du quartier au réseau centralisé
      • création d’une station locale de traitement des eaux usées

      Il sera possible pour chaque scénario d’évaluer l’impact sur les déversements, d’en chiffrer les coûts et les impacts environnementaux.

      Le module Réseau, actuellement implémenté, permet de relier des sources à une station de traitement.

      Plusieurs contraintes peuvent être spécifiées, le tracé utilisera les routes, le relief, le réseau existant…

      L’optimisation se fait avec PgRouting, et permet d’attribuer à chaque pas vers la station de traitement un coût dépendant du terrain (est-ce qu’il faut monter, est-ce que l’on suit une route, etc.).

      Le module Économique permettra de donner des ordres de grandeur du coût d’installation du réseau.

      Use case volet 2 : comment limiter les déversements ?

      Le module réseau, actuellement implémenté, permet de détecter les bassins versants topologiques.

      Une liste de points permet de définir ensuite des sous-bassins versants : la zone sur laquelle toute pluie tombée s’écoulera jusqu’au point défini.

      Chacun de ces sous-bassins versants doit être caractérisé (longueur du réseau d’eau de pluie, pourcentage d’imperméabilité, etc.) via différentes métriques manuelles et automatiques.

      Le module Réseau permet de simuler le réseau d’évacuation d’eau de pluie lorsque la donnée n’est pas disponible, afin d’en extraire les métriques de caractérisation des sous bassins versants.

      Voici un exemple sur la commune de Ecully, après avoir caractérisé l’ensemble des sous bassins versants, et simulé la circulation d’eaux usées et d’eau de pluie sur une année.

      La déconnexion d’un sous bassin versant du réseau centralisé d’eaux usées et de pluie peut alors être envisagé.

      Les modules Réutilisation et Procédé de ELAN permettront alors de trouver un emplacement de traitement local des eaux, et de lui associer une filière adaptée. Ces modules sont liés au projet CARIBSAN.

      Volume d’eau, par sous bassin versant, déversé par le déversoir d’orages

    • sur Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges 2023

      Publié: 21 October 2023, 3:14pm CEST par r.a.

       

      Le FIG (Festival international de géographie) a fêté en 2023 sa 34e édition. Le thème choisi cette année m’intriguait : Urgences. Le pays invité était le Chili.


      C’est quoi l’urgence ?

      L’édition du FIG 2023 nous propose de réfléchir sur la notion du mot « urgences ». En cette fin d’année difficile, le choix de ce sujet était excellent !
      Dans les années 1970, la planète n’apparaît pas réellement menacée par l’homme. Les planifications étatiques, les plans d’urbanisme semblent suffisants pour faire face à l’accroissement de la population mondiale. Aujourd’hui, tout s’accélère, l’anxiété des hommes s’est généralisée et on s’interroge pour savoir comment préparer le long terme.
      On a longtemps utilisé le mot « transition » pour désigner les changements : la « transition démographique » est analysée depuis déjà plusieurs décennies ainsi que la notion de développement durable.
      C’est la pandémie de Covid qui a provoqué la notion d’urgence sanitaire explique Clélia Gasquet-Blanchard. Transition, crise ou urgence ? Tout le monde cherche le terme le plus pertinent pour qualifier la période actuelle.

      Eric Fottorino, fidèle du FIG, rappelle que le mot urgence est polysémique. Il est utilisé par exemple quand on est mis face à une catastrophe, sans capacité d’anticipation : par exemple lors des inondations récentes en Libye et à New York ou lors du séisme à Marrakech.

      Dans un grand entretien avec Rony Brauman, ancien président de Médecins Sans Frontières, il est rappelé que son livre, Penser dans l’urgence, a été publié au Seuil en 2006. Déjà !
      Inondations, feux de forêts, érosion du littoral, sécheresses se sont amplifiés avec le dérèglement climatique. Il y a donc urgence, pour les géographes et pour les dirigeants, à observer ce qui se passe et à agir.
      L’urgence est économique, politique (urgence démocratique), sociale (face aux inégalités qui s’accroissent), environnementale. Elle est aussi « urgence créative » depuis que l’intelligence artificielle peut reproduire et peut-être produire des œuvres d’art.

      Sous la direction de Florian Opillard et de Thibaut Sardier, un petit livre a été publié, aux éditions du CNRS avec pour titre « Il y a urgence ! Les géographes s’engagent ».
      Florian Opillard s’interroge sur les missions de nos forces armées. « Alors qu’incendies ou cyclones s’annoncent plus fréquents et au moment où l’invasion de l’Ukraine marque le retour de la guerre de haute intensité en Europe, comment assurer toutes les missions avec des moyens suffisants ? ».
      Magali Reghezza-Zitt analyse : « nous allons vivre les conséquences du changement climatique, et les premiers touchés seront souvent les précaires. S’il y a urgence, c’est parce que nous pouvons encore agir pour éviter le pire. Et pour cela, il va falloir fixer le cap démocratiquement ».
      Etienne Walker écrit à propos de la crise des Gilets jaunes, mouvement social qui a débuté fin 2018 en France : « Qui décide de ce qui est urgent ? Fin du monde, fin de mois, même combat ? Peut-on réconcilier urgences écologique et sociale ?  Qualifiée de « crise », entend-on l’urgence qu’il y a pour l’Etat à gérer une contestation sociale, elle-même suscitée par l’augmentation des prix des carburants, pour faire face à l’urgence environnementale ? »
      Angélique Palle évoque l’urgence énergétique. Plusieurs options s’offrent à la décision politique. « La transition énergétique est souvent présentée comme la plus efficace techniquement et aussi la moins coûteuse politiquement. Mais changer de système énergétique, c’est changer de société ».
      Michel Lussault ironise : « Dans quel état nous met l’urgence ? Et si l’urgence venait d’une globalisation de la menace, à travers les grands ensembles urbains. Car aujourd’hui tout point du globe peut être touché par une catastrophe. Faut-il remettre en cause les World Cities, ou hyperlieux ?  Et si contre l’urgence, nous faisions le choix de la vulnérabilité ? ».

      A Saint-Dié, Judicaëlle Dietrich s’interroge également, avec un exemple précis : y a-t-il urgence à déménager la capitale d’Indonésie ? Djakarta, « géant silencieux », agglomération de 30 millions d’habitants située sur l’île de Java, subit des inondations dramatiques. Elle est largement située au-dessous du niveau de la mer et les digues actuelles se révèlent submersibles. La pollution de l’air y est aussi énorme. L’urgence à changer de capitale est d’abord environnementale. Mais elle est aussi devenue géopolitique. La nouvelle capitale sera située sur l’île de Bornéo, plus centrale et infiniment moins peuplée que l’île de Java. La nouvelle capitale sera érigée en hauteur et se nommera Nusantara. Changer de capitale, c’est aussi vouloir oublier que Djakarta fut un comptoir créé par les colonisateurs hollandais pour contrôler le détroit de Malacca. C’est oublier le passé et devenir « un pays émergent et libre ».

      Plan de Nusantara (la future capitale de l’Indonésie) présenté par J. Dietrich (photo de M. Verfaillie)

      Dans son dernier ouvrage (Atlas historique de la Terre, Les Arènes, 2022), Christian Grataloup, éminent géohistorien, analyse de nombreuses cartes. Retenons celle qui présente les forêts au début du XXe siècle, puis la déforestation galopante, pour nourrir les hommes (carte p 180 de l’ouvrage). Voir ci-dessous :

      La Société de Géographie dans sa revue La Géographie a publié un Dossier spécial FIG 2023 (n° 1590 juillet-août-septembre 2023). Jean-Robert Pitte, son Président, écrit dans l’Editorial : « Le pessimisme est à l’ordre du jour, la population s’inquiète de la pression démographique, de son alimentation, des inégalités sociales, mais aussi de la montée des extrémismes politiques et culturels, du « choc des civilisations ». A longueur de journée les médias ne laissent plus aucune raison d’espérer.
      L’humanité a connu bien d’autres crises, poursuit-il et un minimum de culture géographique et historique permet de reprendre espoir. Mais l’optimisme ne se décrète pas, la véritable urgence est là », affirme-t-il à la cathédrale en grès rose de Saint-Dié.

      Le Chili, pays invité du FIG 2023

      Citons Cécile Faliès : « Bien que prévenus par Jean Dresch qu’il n’y a pas de géographie sans drame (Un géographe au déclin des empires, Maspero- 1979) les apprentis géographes ne mesurent pas toujours à quel point le choix de leur premier terrain les oblige par la suite. Le Chili est-il le miroir grossissant du monde s’interroge Cécile ? Il a connu ces dernières années des bouleversements majeurs. En octobre 2018, l’augmentation du prix du ticket de métro provoque d’immenses manifestations, l’armée est envoyée et l’état d’urgence proclamé. Les Chiliens exigent de remplacer la constitution rédigée sous la dictature de Pinochet en 1981.

      A la Tour de la Liberté, Sébastien Velut propose d’étudier la situation du Chili. Pays du Cône sud-américain, à peine plus grand que la France mais trois fois moins peuplé, le Chili s’étend du Tropique du Cancer (désert d’Atacama) jusqu’au cap Horn. Il est bordé par trois océans et contraint par la cordillère des Andes sur son flanc est. Sa ZEE (zone économique exclusive) est la 10e mondiale avec 3,7 millions de km2.
      Le pays a retrouvé un régime démocratique mais fragile. Son économie est extravertie, fondée sur l’exportation de matières premières minières (dont le lithium) et de produits agricoles. L’exploitation des richesses de la mer (pêche, aquaculture) n’est pas négligeable.
      Ce pays, issu de la colonisation espagnole, a aussi une culture américaine par son mode de développement et s’efforce d’intégrer à présent la culture des peuples autochtones de Patagonie et de la Terre de Feu, sans oublier les Rapa Nui de l’île de Pâques.
      Les urgences auxquelles doit faire face le Chili sont donc multiples : urgence politique à stabiliser la démocratie ; urgence culturelle ; urgence à recomposer d’immenses territoires littoraux menacés par le changement climatique et la montée des eaux (d’où l’urgence à relocaliser).

      Carte présentée lors de la conférence par Sébastien Velut (photo de M. Verfaillie)

      Le FIG a projeté de nombreux films et documentaires sur le Chili, pays invité.
      Les Cafés géographiques, sous l’égide de Gilles Fumey, ont organisé plusieurs soirées dans les cafés de Saint-Dié.
      Le Chili au prisme de ses vulnérabilités, une cartographie des urgences territoriales, avec Eloise Libourel,
      Vins chiliens : expressions liquides de paysages multifacétiques avec Gilles Fumey et Claire Manvieux, sommelière
      Le Chili, 50 ans après le coup d’état avec Sébastien Velut, Anne-Laure Amilhat Szary et Cécile Faliès.
      Le paysage viticole chilien, de la conquête à nos jours, avec Gilles Fumey et Louis-Antoine Luyt, producteur de vins chiliens.

      Les 25 ans des Cafés Géo, créés à Saint-Dié ont été célébrés avec Gilles Fumey, géographe, et Christian Grataloup, géohistorien.

      Etaient présents à cette soirée de nombreux confrères invités à répondre à la question : Comment devient-on géographe ?

      Christian Grataloup a choisi la géographie pour faire l’histoire qu’il aimait à travers les coupes topographiques.
      Yvette Veyret détestait la géographie mais aimait l’histoire, Yves Lacoste l’a réconciliée avec notre discipline.
      Jacques Lévy fut un enfant malade, mais on lui offrit un atlas pour passer le temps.
      Emmanuel Vigneron évoque aussi son père, pédologue à Montpellier qui adorait la géomorphologie.
      Roland Courtot, confie que petit il avait peur de se perdre, que son chef d’un camp de scout faisait exprès de les perdre, qu’il n’eut de choix autre que de dessiner, ce qu’il fait depuis toujours et depuis longtemps avec son ami Michel Sivignon.
      Michel Lussault confie que son choix fut dicté par l’émotion, dans son enfance en Bretagne, quand un ami de son père l’invite à regarder le paysage.
      Daniel Moreaux qui fut président de l’AP-Géo devient géographe parce que son père voyage souvent à l’étranger.
      Olivier Godard responsable de l’Association Concours Carto, à Angers, s’affirme « historien en train de devenir géographe ».
      Christiane Barcellini, présidente des Cafés géo de Saint-Brieuc, parle de son professeur du lycée Edgar Quinet, Mademoiselle Boeuf (qui fut le mien aussi) qui lui inocula le virus.
      Dix jeunes étudiants en Master géo avec Myriam Houssay sont venus dire que si celle-ci était géographe, c’est parce qu’elle avait eu Maryse Verfaillie comme enseignante, au lycée Lakanal à Sceaux. Myriam était invitée du FIG l’an dernier, elle est entre autres, spécialiste des questions urbaines en Afrique du Sud.
      Enfin, Christian Pierret en personne, ancien maire de Saint-Dié, à l’origine du FIG, a indiqué qu’il était devenu géographe après avoir reçu le Prix de géographie dans un lycée de la banlieue parisienne.

      Le FIG a beaucoup d’autres atouts à son arc :
      Le Salon du livre Americo Vespucci accueille cette année sous son pavillon plus de 60 éditeurs et plus de cent autrices et auteurs en dédicace.
      L’Espace Géo-Numérique offre une vue d’ensemble des méthodes et outils utilisés par les géographes pour s’approprier la géographie de demain, à l’aide de drones par exemple.
      Sous le Chapiteau Gourmand, on n’oublie pas que la géographie se trouve aussi dans l’assiette et que l’on peut y savourer des produits venus du monde entier. Une autre urgence tempère nos envies de goûter à tout : dans sa Géographie de l’alimentation, Gilles Fumey considère l’obésité qui affecte un être humain sur cinq, comme une véritable pandémie.

      Hommage particulier à Olivier Godard et à son équipe, qui met à la disposition des enseignants, des étudiants et du grand public une variété infinie de cartes que vous pouvez retrouver sur les sites :
      concourscarto@gmail.com ou https:///www.concourscarto.com/
      Il est soutenu par Christian Grataloup, Delphine Papin, cartographe du journal Le Monde, la Société de Géographie et bien d’autres organismes.

      Le Festival International de Géographie connaît un succès croissant, année après année. Dans le magazine Télérama (n° 3846), Michel Foucher recense les atouts de la géographie. Géographe, ancien ambassadeur, il a publié de nombreux ouvrages et continue d’arpenter le monde. Il explique que la géographie est une science de l’espace et que les géographes sont des « éclaireurs ». Il rappelle que de Gaulle affirmait que « la politique d’un Etat est dans sa géographie ». Et, poursuit-il, s’il est nécessaire de savoir d’où l’on vient pour savoir qui l’on est, et donc de connaître l’histoire, il l’est tout autant de savoir se situer géographiquement afin d’avoir une vision globale d’un territoire donné. « Parlons de l’horizon, mes amis, de quoi pourrions-nous parler d’autre » a écrit le poète Yves Bonnefoy.

      Sur le site des cafés géographiques, lire aussi le texte sur le FIG 2021 :
      [https:]]

       

      Maryse Verfaillie, octobre 2023

    • sur Sur l’émergence de la statistique graphique ou la naissance d’une École française de la cartographie thématique

      Publié: 18 October 2023, 4:58pm CEST par Françoise Bahoken

      L’émergence de la statistique graphique est présentée ci-dessous dans l’objectif de montrer qu’elle correspond également – c’est mon point de vue personnel – à la naissance d’une véritable École française de la cartographie de données statistiques localisées (en abrégé cartographie statistique), souvent nommée cartographie thématique.

      « La statistique graphique est ainsi une sorte de langue universelle qui permet aux savants de tous les pays d’échanger librement leurs idées et leurs travaux au grand profit de la science elle-même. »
      Émile Cheysson.

      La statistique graphique, qui consiste à donner à voir sous une forme visuelle, graphique illustrée des données numériques ou le résultat de leurs traitements est entre autres le fait d’ingénieurs des travaux publics au XIXe siècle. Les grands maîtres de la géographie ne s’en sont pas préoccupés et lorsque ce fut le cas, ils adoptèrent une attitude méfiante face à cette nouvelle pratique associée à une géographie humaine. Vidal de la Blache a d’ailleurs déclaré à ce sujet que la géographie physique permet, elle au moins, « de ne jamais perdre contact avec la réalité ». Le ton était donné.

      Il faut dire que la statistique, considérée ici comme une science émergente, a d’emblée été controversée. Elle est accusée de produire des nombres qui, disait-on alors, « encombrent l’esprit plutôt que ne l’éveille ». La qualité des données n’était pas prouvée à une époque où les mesures étaient par ailleurs imprécises et incertaines. C’est d’ailleurs de là que découle le conseil donné en 1900 de Jean Bruhnes (1839-1930) de n’être jamais dupe d’un nombre ! Bruhnes était pourtant un célèbre géographe français, à l’origine d’une géographie humaine appréhendée comme une sciences de l’occupation du sol par des sociétés.

      Indépendamment de ces querelles universitaires, l’État français a vivement encouragé la production de graphiques, sous la forme de cartes et de diagrammes, pour illustrer les grands tableaux statistiques qui se multipliaient alors. Ces tableaux étaient soit de première main, pour être directement issus des recensements de la population sur différentes zones et des comptages du trafic sur des voies variées, et donc à impossibles à (se) les représenter dans leur globalité, soit de seconde main et élaborés pour présenter les résultats d’analyses d’une manière qui soit facilement compréhensible. Dans les deux cas, leur version graphique s’imposait.

      Source : Émile Cheysson (1883) Population en France et à l’Étranger (Réforme sociale, 1er juillet 1883).

      Plusieurs ingénieurs français se sont ainsi emparés de cette nouvelle approche graphique des données, qui témoigne de mon point de vue, de l’ouverture d’une école française de la cartographie. Certains auteurs tels Gilles Palsky ont d’ailleurs pu qualifier cette période d’âge d’or de la cartographie statistique tant elle fut foisonnante. C’est à ce moment que l’un d’entre eux, un dénommé La Serre, s’est vu confier la réalisation de douze cartes illustrant le trafic routier français (1856-1857). D’autres de ces ingénieurs vont également participer de cette épopée consistant à représenter des distributions de populations ou des données sur les « mouvements des transports » préalablement à la construction de grandes infrastructures (voies routières, ferroviaires, navigables et ports). Le plus connu d’entre eux est bien sur Charles-Joseph Minard (1781-1871), dont on rappelle qu’il introduisit à lui-seul, plusieurs éléments du langage cartographique.

      La France va dès lors se distinguer par une entreprise majeure fondée sur le développement d’un langage graphique associé au traitement de ces données, accompagné de l’introduction de modèles graphiques. Un Album de statistique graphique est en effet créé à la fin du XIXe siècle, par un arrêté du 12 Mars 1878 décidant. La responsabilité de cette publication annuelle en confiée au tout nouveau bureau dédié aux cartes et graphiques du Ministère des travaux publics. Ce bureau est dirigé par ingénieur en chef des ponts et chaussées, Émile Cheysson (1836-1910), directeur des cartes, plans et archives et de la statistique graphique, qui coordonnera la réalisation des différentes éditions de l’Album à compter de 1879.

      Pour Alain Desrosières, Cheysson est considéré comme le « représentant typique de cette dernière génération de statisticiens « amateurs » antérieure au XXe siècle. « Amateurs » ne signifie pas ici que cette activité soit peu sérieuse, mais non autonomisée en tant que telle. Bien qu’il ait frôlé quelques-unes des innovations majeures du siècle suivant, Cheysson est resté profondément tributaire de modes de pensée du XISe et même du xviiie siècle ».

      L’Album de statistique graphique va donc servir à mettre en place une cartographie d’État dominée par le langage politico-moral d’obédience catholique de l‘époque ; les principes de la représentation de données statistiques et le corpus méthodologique et technique y afférent (qui ne participent pas de l‘apport de Cheysson) sont parallèlement en construction. Ce contexte est magnifiquement décrit par Alain Desrosières, dans le chapitre 15 de son ouvrage sur la quantification de la sociologie, qu’il consacre à l’Ingénieur d’État et père de famille Émile Cheysson et la statistique.

      Édité en dix-sept volumes entre 1878 et 1899, l’Album est formé de deux types de planches : des planches de fondation publiées annuellement et des planches spéciales.

      Source : David Rumsey Historical Map Collection. [Accéder à la pleine résolution]

      Les planches de fondation portent sur les chemins de fer (Recettes brutes kilométriques ; Recettes nettes kilométriques ; Tonnage moyen de petite vitesse ; Mouvement moyen des voyageurs ; Recettes brutes des stations ; Tonnage et mouvement des voyageurs par station) et sur la navigation (Tonnages des voies navigables et des ports avec deux sous-catégories : une décomposition de ce tonnage en a) par courant de transport et en b) par nature des marchandises et un Chômage des voies navigables. Une note de bas de page précise la notion de courant de transport qui est d’usage en statistique et concerne le trafic intérieur, le transit, l’archivage ou l’expédition.

      Source : David Rumsey Historical Map Collection. [Accéder à la pleine résolution]

      Les planches spéciales concernent quant à elles des sujets variés, mais elles donnent souvent la part belle à la circulation par voie ferroviaire qui est majoritaire à l’époque en France.

      Les procédés de représentation mis en œuvre dans cet ouvrage sont de deux types : des diagrammes pour exprimer « la variation d’un fait dans le temps » et des cartogrammes, pour exprimer « ses variations dans l’espace ». Les diagrammes de l’époque présentent une forme généralement rectangulaire, parfois polaire, tandis que les cartogrammes, qui ne sont ni plus ni moins que des diagrammes placés sur un fond de carte, apparaissent plus sophistiqués.

      Source : David Rumsey Historical Map Collection. [Accéder à la pleine résolution]

       

      « Le cartogramme associe la géographie à la statistique et peint le fait à l’emplacement même où il s’est produit ».
      Émile Cheysson.

      Trois grandes familles de cartogrammes sont mobilisés dans l’Album de Statistique graphique.

      « le cartogramme à bandes » [ou carte de flux affectés sur réseaux décrivant le «  mouvement des transport », selon l’expression de Minard] où le fait est exprimé par une bande de largeur proportionnelle à son intensité le long de tracé de la voie qui lui sert de théâtre ;

      Source : David Rumsey Historical Map Collection.

      « le cartogramme à teintes dégradées » [ou carte choroplèthe], le plus connu, le plus populaire de tous. Il consiste en une carte géographique, dont les divisions régionales sont recouvertes de teintes nuancées suivant l’intensité du fait statistique à exprimer […]

      Source : David Rumsey Historical Map Collection.

      – « le cartogramme à foyer diagraphique ». Il combine le diagramme et le le cartogramme et comprend une série de diagrammes construits au chef-lieu de la circonscription qu’embrasse le fait considéré.[…] »


      Source : David Rumsey Historical Map Collection.

      C’est également à cette époque que les pictogrammes sont inventés. Gilles Palsky rapporte que Jacques Bertillon (1896, p. 143), le médecin (et statisticien) ayant participé aux Albums – et non le célèbre marchand de glace parisien – aurait dit que les pictogrammes « on s’en sert rarement, quoiqu’ils soient assez pittoresques. Par exemple, on peut représenter la production de blé en France à diverses époques par des piles de sacs de blé. De même on peut représenter la consommation de la bière par des bocks dont la hauteur est proportionnée à cette consommation. Tout cela est excellent pour l’enseignement ou pour une exposition universelle. Il va de soit qu’on ne s’en servira pas pour l’étude ».

      A la fin du XIXe siècle, les principaux principes de la construction graphique et cartographique – incluant les principes variables visuelles – sont posés (et oui, ce n’est pas J. Bertin qui inventa les variables visuelles, nous y reviendrons ici – billet suivant).

      D’après Émile Cheysson, « Cette méthode n’a pas seulement l’avantage de parler aux sens en même temps qu’à l’esprit, et de peindre aux yeux des faits et des lois qu’il serait difficile de découvrir dans de longs tableaux numériques. Elle a, de plus, le privilège d’échapper aux obstacles qui restreignent la facile diffusion des travaux scientifiques et qui tiennent à la diversité offerte par les différentes nations sous le rapport de leurs idiomes et de leurs systèmes de poids et mesures : ces obstacles sont inconnus au dessin. Un diagramme n’est pas allemand, anglais ou italien : tout le monde saisit immédiatement ses rapports de mesure, de surface ou de coloration »

      Ces principes deviennent rapidement si populaires que leur usage dépasse le cadre professionnel. Amateurs et férus de graphique en usent et abusent parfois sans discernement, leur mise en œuvre ne faisant pas l’objet d’analyses critiques. Émile Cheysson va d’ailleurs s’en émouvoir lorsqu’il présente l’Album en 1878 à l’Exposition universelle.

      Cheysson dénonce alors ce qu’il appelle la « confusion de langue » en ces termes.

      « Le moment viendra où la science sera tenue de poser des principes généraux et d’arrêter des types déterminés qui correspondront aux besoins de la pratique. On ne devrait pas tolérer plus longtemps cette sorte d’anarchie à laquelle nous assistons. La langue graphique attend sa grammaire et son Vaugelas ».

      Des statisticiens s’attacheront par la suite à essayer de formaliser cette pratique de la visualisation, de représentation, graphique des données, en multipliant les atlas …

      Références :

      Émile Cheysson (1878) Les méthodes de la statistique graphique à l’exposition universelle de 1878, Paris.

      Émile Cheysson (1886), La statistique géométrique. Méthode pour la solution des problèmes commerciaux et industriels, conférence faite au congrès de l’enseignement technique, industriel et commercial, Bordeaux, 24 septembre 1886.

      Alain Desrosières (1985), Émile Cheysson et la statistique, in Colloque Émile Cheysson, ingénieur social, Le Creusot, 26 janvier 1985.

      Alain Desrosières (2013), Chapitre 15. L’ingénieur d’État ou le père de famille : Émile Cheysson et la statistique, in : Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument scientifique, Presses des Mines, Coll. Sciences sociales, p. 257-289

      Gilles Palsky (2004), Le calcul par l’oeil, in Jean-Paul Bord et Pierre Robert Baduel (dir.) Les cartes de la connaissance, Karthala-Urbama (p.p. 588-605)

      Françoise Bahoken

      Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.

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    • sur Haïti, un Etat en faillite

      Publié: 16 October 2023, 7:36pm CEST par r.a.

      Jean-Marie Théodat au Café de la Mairie, le 9 octobre 2023
      (photo de Michèle Sivignon)

      Le Café de la Mairie (Paris 3e) recevait en cette soirée du 9 octobre le géographe Jean-Marie Théodat pour un café géo consacré à Haïti. La double appartenance, haïtienne et française, conditionne non seulement la vie personnelle mais aussi le travail de recherche de cet universitaire qui a enseigné aussi bien à Paris 1 Panthéon-Sorbonne qu’à Port-au -Prince. Aussi est-ce sa position personnelle qu’il nous donne lorsqu’il analyse la situation catastrophique de son pays natal. Cette situation est pourtant contradictoire car elle comporte deux faces. Un inventaire de mots-clés, de mots-clichés qui sautent à la mémoire à l’évocation du vocable Haïti.

      Côté pile, on peut lui accoler une série de termes négatifs (pauvreté, Etat failli, drogue, tuerie de masse, ouragan, famine, désolation, trafic d’armes, kidnapping …). Ces termes pourraient être attribués à de nombreux pays de la terre, mais à Haïti , tous y convergent pour pour désigner un même territoire.

      Côté face, on peut témoigner d’une culture vibrante portée par de nombreux écrivains et artistes ( Dany Laferrière, Lionel Trouillot, Jocelyne Trouillot, René Depestre, Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis, Gessica Généus…), tous intellectuels et créateurs qui font honneur à la patrie de Toussaint-Louverture. On peut parler d’un Haïti-Janus.

      Haïti, premier Etat noir à entrer dans l’Histoire, est aujourd’hui un « trou noir » dans les Caraïbes.

      Comment en est-on arrivé là ? Comment parler d’Haïti en géographe ?

      Haïti témoigne, nous dit notre conférencier, de ce qui arrive lorsqu’on foule aux pieds les principes de liberté, d’égalité et de solidarité pour ne laisser place qu’à la loi du marché. Témoignent de cette situation les 85% d’Haïtiens diplômés de l’enseignement supérieur qui ont choisi de vivre et de travailler à l’étranger.

      J.-M. Théodat organise son exposé en trois parties.

      La triple faillite de l’Etat haïtien

      Haïti partage avec la République dominicaine Hispaniola, la deuxième île (en superficie) des Grandes Antilles, dont elle n’occupe que 27 000 km2.

      Carte des deux entités de l’île depuis 1697
      Mons.wikimedia.org/w/index.php ?curid=74277953

      Quelques chiffres rendent compte de la situation difficile de la population. Avec une moyenne de 441 hab./km2 et une concentration humaine dans les plaines, peu étendues, la densité est très forte sur certaines portions du territoire. La capitale, Port-au-Prince, regroupe 3,3 millions des 11 millions d’habitants du pays. 30% des Haïtiens vivent au-dessous du seuil de pauvreté (fixé à 1,80 €/jour), ce qui explique une faible espérance de vie (63 ans, alors qu’elle est de 83 ans à Cuba). En 2020 le PIB n’était que de 13 milliards de $/an, un des plus faibles des Caraïbes, notamment beaucoup plus faible que celui du voisin dominicain.

      Réalisation cartographique : CNIGS, juin 2023

      La première failite de l’Etat est d’ordre écologique.

      Lorsque les Européens ont débarqué au XVe siècle, la forêt recouvrait 90% du territoire ; aujourd’hui, elle n’en occupe plus que 3%. On a déforesté pour planter de la canne à sucre, puis pour la cuisson du jus de canne, étape nécessaire à la fabrication du sucre brut, et pour exporter le bois. A cette exploitation coloniale fait suite le front pionnier des petits paysans apès l’abolition de l’esclavage. S’ajoute l’utilisation massive du charbon de bois pour la cuisson et la production artisanale (boulangerie, blanchisserie, rhumerie traditionnelle…). Le milieu naturel a donc été soumis à rude épreuve. Les pentes dénudées ont été fortement érodées par les pluies tropicales, d’autant que les Noirs amenés sur l’île ne connaissaient pas les techniques agricoles des Amérindiens qui les ont précédés dans l’île.

      La situation du milieu marin est catastrophique (blanchissement des coraux et exploitation de la mangrove) et le pays est soumis au double aléa sismique et climatique.

       

      La deuxième faillite touche l’économie et la société.

      Après l’indépendance, les anciens esclaves voulaient sortir de l’aliénation économique. Leur premier souci était d’assurer leur autosubsistance sans rapport de dépendance à l’égard de l’Etat. Mais le Code rural de Toussaint Louverture n’a pas répondu à leurs espoirs, se contentant de remplacer « esclaves » par « cultivateurs » dans les grands domaines. L’Etat prédateur d’Ancien Régime s’est prolongé au cours des XIXe et XXe, siècles sans création d’écoles ni de système de santé. Aujourd’hui la société haïtienne est une des plus inégalitaires des Amériques. 20% de la population concentrent 64% des richesses alors que 20% des plus pauvres n’en possèdent qu’1%.

       

      La troisième faillite est celle du politique.

      Le XXe siècle a vu se succéder les dirigeants autoproclamés, comme François et Jean-Claude Duvalier protégés par les Tontons Macoutes, milice à la sinistre réputation de 1957 à 1986.

      Dans les années 1980, il y a un glissement vers la démocratie dans toute l’Amérique latine (Argentine, Chili, Brésil). En Haïti le Père Aristide est élu à la présidence de la République en 1990. Inscrivant sa démarche politique dans la « théologie de la libération », il suscite l’espoir de la Gauche. Pourtant ses deux mandats sont un échec. Le pays entre dans une spirale de violence avec coups d’Etat et appel à des gangs armés après l’abolition de l’armée en 1995.

      Aujourd’hui il y a effondrement de l’Etat de droit. Le trafic de drogue est intense, aux mains de réseaux mafieux qui instrumentalisent le pays pour faire leur business. Les élites sont éclaboussées par le recyclage de l’argent sale. Il n’y a plus eu d’élections depuis 2016. C’est le règne des « bandits légaux ». les gangs rançonnent la population et terroisent les faubourgs.

      Seul recours, l’émigration qui nourrit une diaspora puissante qui compterait actuellement 3 millions de personnes (en comptant la deuxième et troisième génération) transférant 3 milliards de dollars par an dans leur pays d’origine. La diaspora fait vivre le pays intérieur.

       

      Haïti, la France et moi : entre racines et ancrage

      J.-M. Théodat est né dans une famille de la classe moyenne, qui se situe dans l’opposition aux Duvalier. Il arrive à Paris à 17 ans, animé par une certaine fascination pour la France et un grand désir de liberté. Plongé dans un milieu d’intellectuels de gauche au Quartier latin, il fait des études littéraires au lycée Fénelon, en Hypokâgne et lycée Duruy en Khâgne, classes dont l’atmosphère n’est pas exempte de racisme. Il choisit la géographie et poursuit ses études à l’Université Paris 4. Cette discipline lui semble offrir la meilleure voie pour comprendre le monde grâce au concept-clé qui est l’apanage des géographes : le territoire.

      Il oriente ses travaux de recherche sur son île natale. Hispaniola est le territoire de deux entités distinctes, Haïti et la République dominicaine, proches mais séparées par une frontière terrestre et maritime.

      Il en tire le concept d’un île pour deux. Une relation dialectique s’installe, faite de solidarité et d’inimitié. Aujourd’hui beaucoup d’Haïtiens vont chercher chez leur voisin les services dont ils ne bénéficient pas chez eux (école, santé…). Mais pour freiner immigration illégale et commerce mafieux, le gouvernement dominicain décide d’ériger un mur en béton de 164 km de long sur les 376 km de frontière terrestre. La construction commence en février 2022. En septembre dernier, la situation empire lorsque ce même gouvernement décide de verrouiller totalement la frontière.

      Pour un Afrodescendant, l’Afrique est à la fois un lieu d’ancrage et de racines profondes. J.-M. Théodat a rencontré tardivement la négritude africaine grâce à un voyage en Gambie où il est allé mettre en place une école francophone. Il se demande ce que représente l’Afrique dans son appareillage intellectuel, l’Afrique dont il essaye de trouver les traces du passé le plus ancien par l’archéologie.

      Haïti, France et Afrique sont les trois ancrages qu’il revendique. Ce sont les trois côtés d’une identité triangulaire.

      « Haïti en nous »

      Comment transmettre l’héritage d’Haïti autrement qu’à travers les clichés véhiculés par les médias, tous négatifs ?

      Peut-on dire d’Haïti qu’elle a été une « fille aînée de la Révolution » ?. C’est plutôt le contraire qu’il faut dire. La révolution haïtienne commencée en août 1791, sous la conduite de Toussaint Louverture, défend l’idée que « tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits ». La Convention proclame l’abolition de l’esclavage le 4 février 1794, mais c’est sous la pression du soulèvement des esclaves et de la menace des Anglais et des Espagnols en guerre contre la République. Les Haïtiens combattent aussi pour l’indépendance qui est proclamée en 1804 après douze années de conflit avec la France.

      Mais pour être reconnu par la plupart des nations, Haïti,pourtant victorieuse des troupes françaises sur le terrain, avait besoin de l’onction de la France. Après de difficiles négociations, Charles X signe, en 1825, un décret qui « vend » l’indépendance contre le paiement d’une indemnité, versée aux descendants des colons expulsés de l’île. Cette dette a lourdement pesé sur le destin du pays.

      La mémoire haïtienne de J.-M. Théodat et sa mémoire française se ressourcent à la même fontaine qui est l’esprit des Lumières.

      Questions de la salle

      1-Comment passe-t-on d’Haïti à la République dominicaine ?

      J.-M. Théodat rappelle l’édification d’un mur sur le tracé de la frontière et le besoin d’un visa payant très difficile à obtenir, ce qui entraine de nombreux passages illégaux. Il annonce une information de dernière minute : la réouverture partielle de la frontière fermée en septembre pour le 11 octobre.

      2-Comment la communauté internationale (ONU, ONG…) intervient-elle à Haïti depuis un certain temps ?

      Des aides d’un montant de 9 milliards $ ont été apportées après le séisme de 2010, mais cet argent venu du monde entier a peu servi. Même si une partie est peut-être retournée vers son pays d’origine, la principale cause de cette inefficacité est l’incapacité de l’Etat à prendre la relève des ONG après leur départ.

       3-Y a-t-il eu une réforme agraire ? A qui appartiennent les terres ?

      En 1804, la taille des plantations coloniales variait entre 300 et 400 ha sur lesquelles travaillaient de nombreux esclaves. Toussaint Louverture les a transformées en propriétés d’Etat où les paysans, anciens esclaves, étaient soumis à un régime sévère. Aussi beaucoup prirent-ils la fuite et sont devenus « possesseurs » et non « propriétaires » de très petites exploitations (moins de 0,5 ha) où ils pratiquaient un jardinage d’autosubsistance. S’est constituée une bourgeoisie rentière vivant du travail des paysans grâce à l’exportation des denrées tropicales (café, sucre…) et à l’importation d’outils. On peut parler d’économie de comptoir.

      4-Quel est le rôle de la force kenyane envoyée par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 2 octobre 2023 ?

      J.-M. Théodat précise qu’à cause de l’abstention de la Russie et de la Chine, cette mission est financée, non par l’ONU mais par des contributeurs volontaires, essentiellement les Etats Unis. Le Kenya s’est dit prêt à envoyer 1000 policiers pour lutter contre les gangs, ce qui semble bien peu pour un pays qui n’est guère habitué à la gestion des crises (1). Le choix du Kenya a été un choix par défaut.

      5-Quelles sont les conséquences de la situation en Haïti sur la Guadeloupe et la Martinique ?

      Deux visions s’opposent, celle des intellectuels qui vouent un culte sacré à Haïti (particulièrement Aimé Césaire) et celle des Caribéens de base qui rejettent les Haïtiens. Cette posture est un héritage de l’image entretenue par les colons, celle d’un pays soumis aux forces négatives (pays du vaudou…). Les ouvriers sont nombreux parmi les ouvriers agricoles sur les plantations de banane, surtout en Guyane.

      Les événements haïtiens sont suivis de près par la presse antillaise et guyanaise. En Guyane l’apport des Haïtiens permet à la créolitude de se maintenir à flot par rapport aux flux migratoires venus du Brésil ou d’ailleurs.

      6-Peut-on espérer une sortie du gouffre ?

      Dès l’origine, le pays s’est battu seul et a maintenu son indépendance ; la révolte des esclaves a été victorieuse alors qu’elle aurait dû être écrasée.

      Aujourd’hui des gens courageux maintiennent l’esprit de résistance. Ne pas oublier que les Haïtiens sont les descendants des esclaves qui ont réchappé à la grande traversée transatlantique.

      Note :

      1) Le 9 octobre, la Haute Cour du Kenya a interdit le déploiement des forces de sécurité du pays dans d’autres pays pendant deux semaines jusqu’à ce qu’une plainte déposée par un homme politique local soit examinée.

      Michèle Vignaux, octobre 2023

    • sur La carte, objet éminemment politique. La Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 : qu’en reste-t-il 40 ans plus tard ?

      Publié: 16 October 2023, 5:18am CEST

       

      Partie de Marseille le 15 octobre 1983, la Marche pour l'égalité et contre le racisme est l’un des événements les plus marquants en France concernant la défense des droits des immigrés et la lutte contre la discrimination.
      1) Remettre la carte dans son contexte
      « Vivre ensemble avec nos différences dans une société solidaire » est le slogan derrière lequel partent les trente-deux marcheurs de Marseille le 15 octobre 1983. Les marcheurs ont choisi comme point de départ le quartier de La Cayolle où des meurtres racistes, dont celui d’un enfant, avaient eu lieu peu de temps auparavant. Les marcheurs ont organisé leur mouvement avec l’aide de différents organismes comme la CIMADE de Lyon ou le MAN (Mouvement pour une alternative non violente). Un planning des villes étapes est instauré, des collectifs d’accueil se constituent, composés d’associations de solidarité avec les travailleurs immigrés, d’organisations politiques et syndicales mais aussi de mouvements spontanés.
      Étapes de la Marche pour l’égalité et contre le racisme (1983)
      Partie dans l’indifférence quasi-générale, la Marche devient de plus en plus populaire. Les médias s’intéressent progressivement à ce mouvement non-violent et non politique et lui font une couverture médiatique favorable. Les personnalités politiques se bousculent pour accueillir les marcheurs dans leur commune. Les marcheurs se méfient pourtant de toute récupération et rejettent tous slogans ou messages trop politiques. A l’arrivée sur Paris, les familles et les jeunes ont défilé avec les portraits des victimes des crimes racistes et sécuritaires, en scandant « Égalité des droits, justice pour tous ». Plus de 100 000 personnes ont rejoint les marcheurs lors de leur défilé à Paris le dimanche 3 décembre 1983. 
      Affiche officielle de la Marche pour l’égalité et contre le racisme (source : Musée national de l'histoire de l'immigration)



      2) Approfondir l'analyse à partir de fiches pédagogiques
      « La Marche pour l’égalité et contre le racisme 1983-2013 » (Musée national de l'histoire de l'immigration). Cette fiche pédagogique a été réalisée par le département Éducation du Musée national de l’histoire de l’immigration, à l'occasion des 30 ans de l'événement en 2013. À partir d’une manifestation particulière, la Marche pour l’égalité et contre le racisme, il s’agit de montrer l’émergence d’une génération issue de l’immigration dans le débat public. Mettre en évidence également une forme d’engagement particulière, basée sur un mode d’expression peu courant en France, la non-violence ; une expression qui peut aussi trouver ses racines dans les marches de la faim des chômeurs des années 1930, les luttes pour les droits civiques des Noirs américains derrière le pasteur Martin Luther King aux Etats-Unis dans les années 1960, ou le mouvement de Gandhi en Inde. Il conviendra de montrer comment cette Marche répond de manière originale à des questionnements et des tensions en cours dans la société française de l’époque. C’est pourquoi l’étude de cet événement peut à la fois être intégré à l’histoire de l’immigration mais aussi aux différents programmes d’Education civique ou d’ECJS sur les différentes formes d’engagement et d’expression politique des citoyens. 
      « La Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 : qu’en reste-t-il 40 ans plus tard ? » (Le Cafuron). Dossier documentaire et démarche pédagogique proposés par Louis Brun (lycée Jacob Holzer dans la Loire) dans le cadre de l'enseignement de l'histoire-géographie et de l'EMC en classe de Première.

      « L’Histoire par les dates - La Marche pour l’égalité, 15 octobre 1983 » (Historicophiles). En un moment de tensions sociales croissantes, cette marche a offert une plateforme à ceux qui étaient souvent sans voix, réclamant la reconnaissance, le respect et l’égalité devant la loi. C’était une affirmation puissante de solidarité et de fraternité. Chapitre d'histoire Terminale : "Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988".

      « Douce France, cher pays de mon enfance » par le groupe Carte de séjour, 1986  (L'histgéobox). Impliqué dans les marches de protestation, le groupe participe au concert qui clôt la "Marche des Beurs" à la Bastille en 1983. A l'occasion du concert géant de la Concorde du 15 juin 1985, Carte de séjour chante pour la première fois sa version de Douce France. La reprise du succès de Trenet permet au groupe d’accéder à une importante notoriété. L'interprétation introduit des sonorités orientales, tandis que le chant joue délibérément sur un accent maghrébin, transformant en véritable manifeste politique le morceau. 

      Lien ajouté le 3 décembre 2023

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      Peu nombreux au départ et partis dans une quasi indifférence, les marcheurs, enfants d’immigrés et militants antiracistes, arrivent à Paris… pic.twitter.com/D3vWRUCCPp

      — Palais de la Porte Dorée (@Palaisptedoree) December 3, 2023


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    • sur Décrypter le conflit Israël-Hamas à partir de cartes

      Publié: 15 October 2023, 6:52pm CEST

      L'attaque du Hamas sur le territoire israélien le 7 octobre 2023 ainsi que les représailles d'Israël dans la bande de Gaza ont donné lieu à une importante production cartographique dans les médias et sur Internet. Le conflit israélo-palestinien connaît une nouvelle flambée de violences. La région sombre dans une période de turbulences avec des risques de dérapages régionaux. 

      Souvent moins violentes que les images ou les caricatures, les cartes peuvent servir à documenter l'évolution des événements et à prendre du recul en mettant en perspective dans le temps et dans l'espace. L'instrumentalisation politique de certaines cartes invite cependant à faire preuve de recul critique face à un conflit complexe et multidimensionnel, où l'émotion l'emporte souvent sur l'analyse. Le billet renvoie également à des pistes de réflexion pour enseigner le conflit israélo-palestinien en classe. 

      1) Des similitudes et des différences dans la manière de cartographier l'attaque du Hamas

      Les cartes n'ont pas vocation à être utilisées seules, elles gagnent à être croisées avec d'autres documents (textes, images, données statistiques...). En même temps qu'elles informent, elles sont susceptibles d'être mises au service d'un narratif. Le fil Twitter ci-après permet de comparer et analyser la manière dont les médias ont rendu compte de l'attaque du Hamas suivie de la riposte de l'armée israélienne.

      Cartes extraites de la presse étrangère
      2/ pic.twitter.com/f3Eaq3jRbH

      — Sylvain Genevois (@mirbole01) October 9, 2023

      En contrepoint, cartes établies régulièrement par la OCHA (Service de coordination pour les affaires humanitaires de l'ONU) pour documenter la réalité des conditions de vie dans la bande de Gaza et à West-Bank
      4/ [https:]] pic.twitter.com/Y2GzvsOaJw

      — Sylvain Genevois (@mirbole01) October 9, 2023

      Source : "Le monde selon Trump : l’archipel palestinien" (Nicolas Lambert)
      6/ [https:]] pic.twitter.com/h8TbXZOcwx

      — Sylvain Genevois (@mirbole01) October 9, 2023

      Ces séries de cartes pour montrer les conflits israélo-palestiniens deviennent elles-mêmes un moyen de peser sur les débats politiques
      « La carte, objet éminemment politique : la cartographie du Moyen-Orient entre représentation et manipulation » [https:]]
      8/ pic.twitter.com/wjNHEDhbTE

      — Sylvain Genevois (@mirbole01) October 10, 2023

      Le moteur de recherche du site David Rumsey permet de trouver des exemples de cartes mentionnant les différents toponymes :
      Palestine : [https:]]
      Israël : [https:]]
      Judée : [https:]]
      10/ pic.twitter.com/GOD1Xgaj8B

      — Sylvain Genevois (@mirbole01) October 12, 2023

      « Palestine. De l’occupation au morcellement »
      « L’exode des Palestiniens »
      « Gaza enfermée »...
      Série de cartes en accès libre sur le site du Monde diplomatique (2018)
      12/ [https:]] pic.twitter.com/pU49eFQiV7

      — Sylvain Genevois (@mirbole01) October 16, 2023



      2) Des ressources pour mettre en perspective dans le temps et dans l'espace

      « Spécial Israël-Palestine : combien de guerres ? » (Le dessous des cartes, Arte). Après la terreur provoquée par l’attaque du Hamas qui a fait plus de mille deux cents morts sur le sol israélien, c’est le retour de la guerre, entre l’organisation terroriste palestinienne et l’armée israélienne. Promettant de « détruire le Hamas », Benyamin Netanyahou impose un siège total à Gaza. Les bombardements incessants sur ce territoire, l’un des plus densément peuplés au monde, font craindre le pire pour les civils palestiniens comme pour la centaine d’otage israéliens toujours entre les mains du Hamas. Ce 7 octobre 2023 s’inscrira dorénavant dans l’histoire tragique du conflit israélo-palestinien. Un conflit qui dure depuis plus de soixante-dix ans. Frédéric Encel, géopolitologue spécialiste du Moyen-Orient, répond aux questions d’Émilie Aubry : le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël a-t-il été un facteur déclencheur de l’attaque du Hamas sur Israël ? De quel ordre est la ré-implication des États-Unis ? Comment cette situation va-t-elle bouleverser la société et la classe politique israélienne ?

      « Israël-Palestine : les cartes du Hamas » (Le dessous des cartes, Arte). "Israël est en guerre" a déclaré Benyamin Netanyahu suite à l’attaque du Hamas du 7 octobre. Le Premier ministre n’a pas tardé à être mis en cause : il lui est reproché sa réforme de la justice qui a désorganisé le pays et le déploiement d’une partie de l’armée en Cisjordanie. 

      « Israël-Palestine : le rôle du Liban » (Le dessous des cartes, Arte). Après la terrible attaque commise sur son sol, Israël répond par des frappes massives et le siège de Gaza. Mais il y a aussi la menace d’un deuxième front : en cas d’attaque terrestre de Gaza par les Israéliens, l’Iran pourrait actionner son bras armé au Liban, le Hezbollah. Le Liban qui joue un rôle clé dans l’histoire du conflit israélo-palestinien.

      « Jordanie : aux portes du conflit » (Le dessous des cartes, Arte). Tandis que Netanyahou forme un "cabinet de guerre", les États-Unis réaffirment leur implication dans la région avec l’arrivée d’Antony Blinken : le secrétaire d’État américain a des rendez-vous en Israël… mais aussi en Jordanie. Ce pays aux portes du conflit israélo-palestinien a toujours veillé à s’en préserver tout en jouant un rôle essentiel. 
      « Israël-Hamas : l'incontournable Qatar » (Le dessous des cartes, Arte). Le Qatar pourrait bien jouer un rôle majeur dans le conflit israélo-palestinien. Ce petit pays du Golfe parle aussi bien au Hamas (Doha héberge les dirigeants de l’organisation terroriste et paie les fonctionnaires de Gaza) qu’aux États-Unis, qui ont installé sur son territoire une importante base militaire. Comment le Qatar s’est-il rendu si incontournable ?
      « Les pays arabes et musulmans dans la guerre de Soukkot : cartographier une rupture » (Le Grand Continent). L’attaque du Hamas contre Israël révèle des ruptures mondiales. Dans les fractures de la guerre étendue, la réaction à l’opération « Déluge Al-Aqsa » bouscule une région divisée entre soutien à la cause palestinienne et normalisation des relations avec Israël depuis les Accords d’Abraham. En Occident, on voit ce conflit comme une lutte contre l’islamisme radical. Mais dans nombre de pays, on soutient l’aspiration des Palestiniens à leur droit légitime. Possibilité de visualiser la carte et de télécharger les données sur Datawrapper.

      Réactions internationales à la guerre de Soukkot (source : Le Grand Continent)

      Comparaison des votes du Conseil de sécurité des Nations Unies (17 et 18 octobre 2023) sur les résolutions portant sur les violences à Gaza et en Israël (AB Pictoris). Le premier projet de résolution proposé par la Russie a été rejeté par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis car, même s'il condamnait "tous les actes de terrorisme", il ne mentionnait pas directement le Hamas. Le deuxième projet de résolution proposé par le Brésil, qui condamnait toutes les formes de terrorisme et qui mentionnait spécifiquement le Hamas, a reçu 12 votes pour et 2 abstentions, celles du Royaume-Uni et de la Fédération de Russie. Le projet de résolution brésilien demandait des « pauses humanitaires visant à permettre un accès total, rapide, sûr et sans entrave aux organismes humanitaires des Nations Unies » dans la bande de Gaza. Mais les États-Unis ont à nouveau mis leur véto estimant  que le projet passait sous silence le droit à la légitime défense d’Israël.

      Adoption d'une résolution non contraignante par l'Assemblée générale de l'ONU le 27 octobre 2023. Proposée par la Jordanie, la résolution non contraignante, qui « demande une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue menant à la cessation des hostilités », a recueilli 120 votes favorables, 14 défavorables (dont ceux d’Israël et des Etats-Unis) et 45 abstentions (Le Grand Continent).

      « Le conflit israélo-palestinien. Expliquez-moi » (vidéo Youtube). Pascal Boniface revient en vidéo, agrémentée de cartes et de photos, sur le conflit israélo-palestinien, des origines à aujourd'hui. « Comprendre l'embrasement israélo-palestinien » (entretien pour Blast). « Hamas-Israël : le choc de la guerre » (vidéo Youtube). « L’Occident, les valeurs universelles et Gaza » (vidéo Youtube). La différence d'intensité des réactions de l’Occident à l'invasion de l'Ukraine et aux bombardements israéliens sur Gaza suscite une accusation de "deux poids, deux mesures" de la part des pays du Sud global. Ces protestations risquent de raviver la dichotomie « West vs. the Rest » et de saper la crédibilité des positions géopolitiques adoptées par les puissances occidentales. « La France a-t-elle changé de politique sur le conflit israélo palestinien ? » (vidéo Youtube). La guerre entre le Hamas et Israël a ravivé la théorie du "choc des civilisations" avancée par Samuel Huntington dans son livre éponyme. En appliquant cette théorie au conflit actuel, nous risquons de développer une prophétie autoréalisatrice qui, elle, conduirait à ce fameux choc des civilisations (vidéo Youtube).

      « Retour cartographique sur le conflit israélo-arabe » (Les clés du Moyen-Orient). Les événements qui se déroulent en Israël et dans les Territoires palestiniens aujourd’hui ne se comprennent que lorsqu’ils sont mis en lumière par les événements historiques.

      Des cartes et des articles de la revue L'Histoire pour comprendre les relations entre Israéliens et Palestiniens dans la longue durée. « Israël-Palestine : des accords d'Oslo au Déluge d’Al-Aqsa » par Alain Dieckhoff.  « La longue route vers l'État palestinien » par Jean-Pierre Filiu (L'Histoire).

      « Histoire de la question de la Palestine » (site officiel de l'ONU).

      « Histoire du conflit israélo-palestinien » (Le cours de l'histoire - France Culture). Qu’est-ce que le sionisme et quel peuplement en Palestine avant l'État d'Israël ? Que signifie le partage de la Palestine en 1947 et comment se crée l'État d'Israël ? Organisation de libération de la Palestine, Camp David, accords d’Oslo : des rappels historiques pour éclairer l'actualité.

      « Israël - Palestine : Anatomie d'un conflit (France Inter). 75 ans après la première guerre entre Israël et ses voisins arabes, à nouveau, la région s'embrase. Deux peuples pour une même terre, la longue histoire d'une cohabitation impossible ? 6 grandes dates, 6 épisodes en podcasts, une conversation pour apprendre et com« prendre avec l'historien Vincent Lemire.

      « Israël : la paix est-elle encore possible ? » (La Vie des Idées). Entre Israël et la Palestine, toutes sortes de solutions ont été envisagées depuis 1948 ; aucune n’a abouti. Henry Laurens en retrace l’histoire.

      « Israël-Palestine : un siècle de conflit en cartes et dates-clés » (Le Monde - Les Décodeurs). La guerre déclenchée le 7 octobre par le Hamas contre Israël n’est que le dernier épisode sanglant d’un siècle d’affrontements dans la région.

      « Quels pays reconnaissent déjà l'Etat palestinien à l'ONU et quel est son statut au sein des Nations unies ? » (France-Info).  Les Etats-Unis et nombre de pays de l'UE (dont la France) ne le reconnaissent pas officiellement.

      « Le Moyen Orient entre guerre et paix » (Arte-TV). Ce documentaire permet de comprendre les dynamiques géopolitiques au Moyen-Orient suite à la signature en 2020 des accords d'Abraham entre Israël et quatre pays du monde arabe. Chaque jour, plus de 3 000 touristes israéliens s'émerveillent devant la somptueuse synagogue d'Abou Dhabi ou profitent d'une excursion en buggy dans le désert de Dubaï. Encore inimaginables récemment, ces séjours ont été rendus possibles par les accords d'Abraham, signés en 2020 entre Israël et quatre pays du monde arabe. Début 2023, l'Iran et l'Arabie saoudite ont à leur tour annoncé leur volonté de normaliser leurs relations. Pour autant, le Moyen-Orient reste sous haute tension : l'Iran travaille à la fabrication de sa bombe atomique et achemine des armes à travers ses alliés du "croissant chiite" – Liban, Irak et Syrie –, tous hostiles à Israël.

      « Israël-Hamas : le sujet même de la paix a disparu » (The Conversation). L’assaut d’une ampleur sans précédent lancé par le Hamas et la riposte israélienne, sous la forme de bombardements massifs sur la Bande de Gaza, signent-ils la fin d’un processus de paix déjà bien fragile avant les événements du weekend dernier ? S’achemine-t-on vers une guerre totale ? Israël peut-il vaincre militairement le Hamas, et réciproquement ? Le gouvernement très droitier de Benyamin Nétanyahou va-t-il s’ouvrir à la gauche pour former un cabinet d’union nationale, et si oui, avec quelles conséquences ? Interview de Samy Cohen, chercheur émérite à Sciences Po, président de l’Association française d’études sur Israël (AFEIL).

      Pourquoi la bande de Gaza est-elle floutée dans Google Maps ? Eléments de réponse dans cet article de BBC News [https:]] pic.twitter.com/oEoJjj47ld

      — Sylvain Genevois (@mirbole01) May 17, 2021


      Carte détaillée de l'organisation spatiale de la bande de Gaza  (VisualCapitalist) à partir d'une image satellite et de données de l'OCHA. Cartes des bâtiments détruits ou endommangés dans l’enclave après l’intensification des frappes par Israël (Le Monde).

      Autour de la bande de Gaza, les images du satellite Sentinel-2 quelques heures après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël (Un autre regard sur la Terre).

      Évaluation des dommages causés aux structures dans la bande de Gaza à partir des images satellites (UNOSAT). 

      La bande de Gaza, un territoire fermé sur lui-même par une frontière hermétique et militarisée (Géoimage-CNES)

      « Évacuation de la bande de Gaza : les Palestiniens redoutent un nouvel exil forcé » (Courrier international). Un ultimatum a été lancé aux Gazaouis le 13 octobre pour évacuer le nord de la bande de Gaza en vue d’une intensification de l’offensive militaire israélienne. Les habitants de l’enclave craignent une nouvelle "Nakba", un exode sans espoir de retour, et adhèrent à l’appel du président égyptien à rester sur leur territoire.

      « Guerre Israël-Hamas : la carte des destructions, d’une ampleur inédite, en onze jours de guerre à Gaza » (Le Monde). Les images satellites montrent les zones ciblées par l’armée israélienne. Les bombardements frappent partout, nuit et jour.

      « L'armée israélienne a exhorté plus de la moitié de la population de Gaza à quitter une zone qui abrite les deux tiers des hôpitaux et des établissements de santé de l'enclave ». Carte d'accessibilité aux hôpitaux suite à la demande d'évacuation des Gazaouis dans la partie sud (Bloomberg).

      « Géopolitique de la bande de Gaza » (France culture - Les cartes en mouvement). Le territoire de la bande de Gaza illustre bien l’histoire de la géographie du conflit israélo-palestinien. Une carte du Monde qui parle de la naissance d'Israël et de celle du Hamas.

      Une brève histoire de Gaza par Jean-Pierre Filiu. Une leçon de géopolitique du Dessous des cartes. Auteur de l’ouvrage Histoire de Gaza, Jean-Pierre Filiu s’est rendu plusieurs fois à Gaza depuis 1980. Blocus israélien, victoire du Hamas, il nous raconte comment il a vu le territoire évoluer au fil des ans. 

      « L’accès à l’eau potable, problème de plus de 20 ans à Gaza » (Agence Science Presse). Bloquer l’approvisionnement en eau à Gaza ne fait qu’empirer une situation qui était grave… depuis des décennies.

      Rapport de la CNUCED sur l'économie du Territoire palestinien occupé (octobre 2023)  « Avant la crise actuelle, un blocus de plusieurs décennies a vidé l'économie de Gaza de sa substance, laissant 80 % de la population dépendante de l'aide internationale » (ONU).

      Cartographie du conflit en Israël et à Gaza (Reuter Graphics) : personnes déplacées internes à Gaza, manifestations dans le monde...

      « Gaza : la guerre des tunnels » (Le Dessous des cartes - Arte). Les troupes israéliennes sont au coeur de Gaza City, Benyamin Netanyahou excluant tout cessez-le-feu tant que les otages ne sont pas libérés. Retiré de la bande de Gaza depuis dix-huit ans, Israël est désormais face au Hamas sur "son" territoire.

      « Le coût humain du conflit israélo-palestinien » (Statista). Ce graphique circule beaucoup sur les réseaux dans le but de montrer qu'il s'agit d'un conflit asymétrique, entraînant plus de victimes du côté palestinien que du côté israélien. Le graphique a suscité une polémique dès sa publication en 2021 (Reddit). Voir sa traduction en français dans le dossier du Monde-Les Décodeurs.

      Nombre de morts et blessés palestininens et israéliens depuis 2008 (source : Statista, données : OCHA)


      Cartes et données concernant les démolitions de maisons palestiniennes sur le site de l'ICAHD qui réalise des rapports mensuels depuis 2011.
      Cinquante ans d’occupation illégale en Cisjordanie : comment la colonisation n’a cessé de s’étendre (Le Monde-Les Décodeurs). Malgré les résolutions internationales, l’Etat hébreu continue d’encourager la colonisation des territoires occupés depuis la guerre des Six-Jours, en 1967.
      Carte interactive du Washington Institute dédiée au suivi des activités du Hezbollah dans le monde. 
      « Cartographier les massacres du 7 octobre afin de fournir une représentation complète des atrocités commises par le Hamas » (oct7map.com). Le projet de géovisualisation du 7 octobre s'efforce de fournir une représentation complète des atrocités commises par le Hamas ce jour-là. Cette carte interactive sert de réflexion et d’outil pédagogique, favorisant la prise de conscience de la gravité des horreurs.
      La carte interactive Israël-Palestine Media Bias représente les sentiments des médias de langue anglaise et des sites de médias sociaux pour déterminer s’ils ont un parti pris à prédominance israélienne ou palestinienne (voir les commentaires de cette carte sur Reddit).
      « Guerre Hamas-Israël : On a demandé à un géographe si ces cartes de la Palestine et d’Israël sont exactes » (20minutes.fr). Des pro-palestiniens partagent une carte montrant la diminution des terres palestiniennes. Les partisans d’Israël répliquent à l’aide d’une carte qui se voudrait plus objective car plus détaillée. On a les soumises à un spécialiste de la région.

      3) Pistes de réflexion pour enseigner le conflit israélo-palestinien

      « Comment enseigner le conflit israélo-palestinien ? » (Ln24.be) Interview de Simone Susskind, docteur honoris causa à l'ULB et fondatrice de l'association Actions in the Mediterranean, inlassable militante de la paix entre Israéliens et Palestiniens.

      « L'histoire qui pèse sur les épaules de nos élèves » (APHG). "Les conflits israélo-arabes et le conflit israélo-palestinien sont au cœur de certains programmes scolaires", rappelle Thibaut Poirot. "Expliquer l’échec de la paix dans les années 1990-2000 revient aussi à faire comprendre que l’histoire n’a pas toujours à être malheureuse, qu’elle est construite d’espoirs et d’échecs, qu’elle n’est pas seulement marquée par la fatalité ou l’irrémédiable. On se rappellera enfin qu’il n’y a aucune évidence chez des élèves, y compris les plus âgés, en matière de contexte religieux, dont il ne s’agit pas ici de faire un moteur unique ou une explication causale". T Poirot donne des pistes concrètes, par exemple vidéo et bibliographiques, pour donner sa dimension historique au conflit. Il le fait avec savoir, lucidité et modestie. "Il y a inévitablement une part de sensible, nos histoires personnelles, notre histoire collective, qui se réveille avec la crise que les médias appellent parfois avec hésitation « la deuxième guerre de Kippour ». Il y a forcément cette acceptation de nos propres limites, tant en matière de connaissances que de capacités à tout comprendre, tout analyser, tout restituer".

      Dossier spécial de l'association des Clionautes sur le conflit israélo-palestinien en 2023 (Les Clionautes). Textes sources, cartes, propositions pédagogiques...

      « Comment gérer le retour en classe après l'attentat du vendredi 13 octobre » (Canopé). Comment accueillir la parole des élèves après l’assassinat du professeur Dominique Bernard, enseignant à la cité scolaire Gambetta-Carnot à Arras ? « Comment accueillir les émotions des élèves face aux sujets d’actualité ? (Extraclasse).

      « Guerre Israël-Hamas : comment parler du conflit aux élèves ? » (RadioFrance). Faut-il parler de la guerre en Israël aux élèves ? Et comment le faire ? Les professeurs d'histoire-géo sont en première ligne pour expliquer et replacer la situation dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Certains l'ont évoqué dès lundi avec leurs élèves.

      « Israël-Palestine : pour ces profs d’Histoire, enseigner le conflit à leurs élèves est aussi un enjeu » (Huffington Post). Au programme en terminale, le conflit entre Israël et la Palestine s’est invité dans les salles de classe ces dernières semaines. Des professeurs d’Histoire-Géographie racontent comment ils répondent aux questions des élèves.

      « Les élèves viennent chercher de l'information et ne sont pas là pour polémiquer : comment les profs abordent le sujet de la guerre entre Israël et le Hamas » (France Info). Comment, dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, parler de ce qu’il se passe aux enfants et aux adolescents en France ? Certains professeurs ont évoqué le sujet en classe, notamment en histoire-géographie. Un sujet parfois très sensible, toute à la fois complexe.

      « Enseigner le conflit israélo-palestinien dans des classes gymnasiales. Comment éviter des polémiques partiales et partielles ? » (Mémoire de master). Master of Advanced Studies en enseignement pour le secondaire II, soutenu par Kérim Berclaz en juin 2021 sous la direction de Jean-Benoît Clerc. « Trois points paraissent essentiels à retenir : 1) il est important de multiplier les discours et de croiser les sources pour proposer une analyse fine ; 2) il faut chercher à travailler avec les déclarations officielles, qui reflètent une politique gouvernementale (ou pseudogouvernementale) ; 3) l’utilisation des cartes et de ce qu’elles disent – ou ne disent pas – remplace parfois efficacement de longs textes. Il faut dans ce cas comprendre qui les produit, dans quelle intention, à quel effet, pour quel public ». 

      « Enseigner le conflit israélo-palestinien à l'école »  (Le club de Mediapart). Sujet sensible, médiatique, passionnel, le conflit israélo-palestinien peine à trouver sa place à l’école. L’attachement au sensationnel, à l’histoire immédiate ainsi qu’une vision dominée par les problématiques générales du Proche-Orient conduisent à brouiller le message pédagogique dans les manuels, voire à renforcer les préjugés. Quelques pistes pour un enseignement apaisé et constructif du conflit israélo-palestinien à l’école. Les contributions de Stéphanie Laithier et Vincent Vilmain, et de Valérie Pouzol.

      « Actualité au Proche-Orient : quelques perspectives historiques et éducatives » (Université de La Réunion). Une conférence à 3 voix (Frédéric Garan, Pierre-Eric Fageol, Sylvain Genevois) pour faire le point sur des questions qui semblent essentielles dans le cadre de nos fonctions d’enseignant et de formateur.

      « Israël, Territoires palestiniens : quels scénarios géopolitiques possibles ? Entre guerre et utopie » (Gérard-François Dumont, Population & Avenir, 2023/5, n°47).

      « Travailler en éducation aux médias et à l’information après l’attaque terroriste du 13 octobre »   (CLEMI).

      « Conflit israélo-palestinien : en France, un débat particulièrement piégé » (Télérama). Débordements, amalgames, autocensure et suspicion généralisée : les échos en France du conflit israélo-palestinien ont toujours eu une intensité spécifique, retracent les chercheurs Lætitia Bucaille et Marc Hecker.

      « La première victime de la guerre, c'est la vérité » (France Inter). Entretien avec Bernard Rougier, spécialiste du Moyen Orient, professeur à la Sorbonne Nouvelle.

      « Israël-Palestine : les espoirs déçus des accords de paix ». Depuis l’attaque terroriste du Hamas, il est difficile d’imaginer une paix entre Israël et la Palestine. Pourtant, à plusieurs reprises la communauté internationale y a cru et les médias se sont montrés enthousiastes. Retour en archives (INA).


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    • sur Les avantages et inconvénients du traitement systématique et du traitement à la demande

      Publié: 13 October 2023, 6:55pm CEST par Olivier Hagolle

       =>

      À mesure que la résolution de nos missions satellitaires s’améliore, le volume de données des produits de sortie augmente, et la part des coûts de calcul et de stockage de ces produits augmente également.

      Supposons que vous prépariez une nouvelle mission satellite, par exemple une mission de type Sentinel, dans l’espoir d’une utilisation potentielle par des utilisateurs opérationnels ou privés, ainsi que par des scientifiques, bien entendu. Ces applications pourraient être, par exemple, l’estimation des rendements, de la biomasse, de l’évapotranspiration, la détection des maladies des cultures, de la déforestation ou la surveillance de la fonte des neiges… Ces applications pourraient être réalisées à l’échelle d’un continent, d’un pays ou d’une région.

      Cette mission va acquérir des données au niveau mondial, et produire chaque jour au moins un téraoctet (TB) de produits (L1C) qui sont ensuite transformés en L2A, L2B, L3A… Supposons que la mission totalise une douzaine de péta-octets (PB) pendant la durée de vie de 7 ans du satellite, et qu’il faut un millier de cœurs de calcul pour traiter les données à l’échelle globale, en temps réel.

      Au début d’une mission, lors de la définition du segment terrestre, la question suivante se pose généralement : lequel des choix suivants devrions-nous sélectionner ?

      • une production globale, en temps quasi réel, avec des données stockées indéfiniment, retraitées lorsqu’une nouvelle version plus performante est disponible,
      • ou une production à la demande ?

      A mon avis, la production doit être globale et systématique. Voici pourquoi.

      Couts de traitement : le matériel Couts d’un traitement global

      Je ne suis pas un spécialiste, mais j’ai des collègues qui le sont, et qui ont trouvé les coûts d’un centre de calcul de la taille  nécessaire pour traiter les données d’une mission de type Sentinelle avec un seul satellite. Ces coûts comprennent la maintenance, l’énergie…

      StorageProcessing
      Per year100 k€/PB/Year100 k€/1000 cores/year
      Total/7years (3000 cores/12 PB)4.2 M€2.1 M€

      Si nous avons besoin de 12 Po à la fin de la durée de vie de 7 ans, il n’y a presque rien à stocker au début. Par conséquent, le stockage de toutes les données nécessite en moyenne 6 Po pendant 7 ans, soit 4,2 millions d’euros. Après la fin de vie du satellite, les données sont toujours utiles et le stockage devrait également se poursuivre, avec un coût total de 12 Po. Cependant, les données pourraient être stockées sur des bandes, avec un accès plus long, mais un coût beaucoup plus faible, et nous pouvons encore espérer que les coûts de stockage et l’empreinte carbone continuent à diminuer avec le temps.

      Pour une production globale de données de résolution moyenne avec revisite, la capacité de traitement nécessaire est d’au moins 1000 cœurs selon des études faites au CNES. Bien sûr, cela dépend de la mission et des méthodes utilisées. Il est également nécessaire de permettre le retraitement (car qui fait un traitement parfait en une seule fois ?), et un retraitement doit fonctionner au moins 3 fois plus vite que le traitement en temps réel. Même avec de telles performances, le retraitement en fin de vie prend deux ans ! Par conséquent, au moins 3000 cœurs sont nécessaires, pour un total de 2,1 millions d’euros pour sept ans. Une partie de ces cœurs ne sont peut-être pas utilisés en permanence.

      Avec 12 péta octets et environ 3000 cœurs, on devrait avoir un coût total (incluant la maintenance, l’énergie…) en matériel de l’ordre de 7 M€. C’est moins de 5 % du coût d’une mission de type Sentinel à un satellite, mais c’est quand même beaucoup.

      Coût du traitement à la demande

      Il est beaucoup plus difficile d’évaluer le coût d’une production à la demande, car il dépend du nombre d’utilisateurs qui y auront recours. Par conséquent, la solution choisie devra faire l’objet d’un suivi et d’une adaptabilité, et probablement d’un surdimensionnement. Bien sûr, il y a une forte réduction des coûts de stockage, puisque seul un stockage temporaire est nécessaire. En cas de succès, si chaque site est traité plusieurs fois pour différents utilisateurs, le coût de traitement peut être supérieur à celui de la production systématique, mais on gagne toujours sur le stockage/

      Cependant, si les données produites à la demande ne sont pas conservées dans le système de stockage du projet, les utilisateurs seront tentés de stocker les produits à la demande fabriqués pour eux dans leurs locaux.

      Si nous essayons de donner des chiffres, une capacité de moins de 10 % de la production globale et systématique est nécessaire pour le stockage, et de 20 à 50 % pour le traitement.

      Empreinte carbone

      Outre le coût, le bilan carbone d’une solution à la demande est également bien meilleur. La majeure partie du carbone, en particulier en France où l’électricité est à faible teneur en carbone, provient de la fabrication du matériel. Il est donc probablement proportionnel au coût d’investissement.

      Cependant, les experts en calcul disent que le nœud CPU a son meilleur rendement lorsqu’il est utilisé au moins 80% du temps. Par conséquent, le rendement des nœuds utilisés pour la production à la demande, avec des variations aléatoires des demandes de production, serait inférieur à celui d’une production globale bien programmée.

      Bien entendu, il est essentiel d’optimiser les volumes de calcul et de stockage, quelle que soit la solution retenue.

      Avantages et inconvénients de chaque solution

      Au delà des couts, chaque solution a ses avantages et inconvénients. Voici ceux auquel j’ai pensé (avec l’aide de quelques collègues).

      Production systématique Avantages
      • Les données sont disponibles partout et sans délai.
      • Les utilisateurs peuvent utiliser ces données de manière efficace grâce à des solutions dites « cloud ».
      • Les données peuvent être redistribuées par d’autres centres de traitement, même si la duplication est à éviter.
      • Il est possible de créer des produits en aval sur de grandes surfaces de manière efficace, avec un traitement en temps réel si nécessaire.
      • La comparaison avec des données plus anciennes est facile. Les scientifiques aiment observer les tendances, ce qui peut s’avérer difficile s’il faut demander un retraitement préalable sur une grande surface.
      • Les données sont toujours disponibles sur les serveurs de la mission, les utilisateurs n’ont pas besoin de sauvegarder les données sur leurs propres disques, dupliquant ainsi les archives.
      Inconvénients
      • Certaines des régions produites peuvent ne jamais être téléchargées, la capacité de traitement et de stockage peut être utilisée alors qu’elle n’est pas nécessaire. Cependant, cet inconvénient disparaît dès qu’il y a une production globale de certaines variables
      • Lorsqu’une nouvelle version des processeurs est disponible, il faut beaucoup de temps pour retraiter et mettre à jour les données.
      • Le coût est plus élevé (même s’il s’agit de montants faibles par rapport au coût total de la mission)
      • Les émissions de CO2 sont plus importantes (même s’il s’agit de petites quantités par rapport au budget carbone total de la mission). En outre, les données des missions de type Sentinelle sont utilisées pour tenter de surveiller et de réduire les émissions de carbone.
      Traitement à la demande Avantages
      • Seuls les produits nécessaires sont traités
      • Le traitement peut toujours être effectué avec la dernière version
      • Le retraitement global n’est pas nécessaire
      • Les coûts sont réduits (même s’il s’agit de petits montants par rapport au coût total de la mission)
      • Les émissions de carbone (même s’il s’agit de petites quantités par rapport à l’empreinte totale de la mission)
      Drawbacks
      • Le traitement prend du temps, d’autant plus si certaines méthodes utilisées pour traiter les données exigent de les traiter dans l’ordre chronologique (comme MAJA). Dans ce cas, une série temporelle ne peut pas être traitée en parallèle.
      • Les données n’étant pas conservées sur les serveurs du projet, le traitement en mode « cloud » n’est pas optimisé. Les données peuvent être effacées avant que l’utilisateur qui les a demandées n’ait terminé son travail. Par conséquent, l’utilisateur doit télécharger les données.
      • La télémesure satellitaire se présente généralement sous la forme de longs segments: le traitement d’une zone d’intérêt, même petite, nécessite l’accès à un grand volume de données. Cet inconvénient est exacerbé pour les missions à large champ, dans lesquelles une zone d’intérêt est vue à partir de différentes orbites.
      • Il est difficile d’estimer la capacité et la puissance informatique nécessaires pour répondre à la demande. Par conséquent, il faut étudier la demande des utilisateurs et la solution doit être rapidement adaptable, voire surdimensionnée.
      • Si la mission est un succès, il se peut que certaines régions ou certains pays doivent être traités plusieurs fois, ce qui réduit le gain du traitement à la demande.
      • Le traitement à la demande empêche tout traitement à l’échelle mondiale, voire continentale. Même l’échelle d’un pays peut être problématique.
      • Le traitement en temps quasi réel n’est pas possible
      • Les utilisateurs peuvent être découragés par la latence du traitement et décider d’abandonner la mission ou d’en préférer une autre, même si ce n’est pas le meilleur choix pour leur application. Ceci est particulièrement important pour les nouvelles missions, où la complexité de l’accès peut empêcher de découvrir facilement l’intérêt de la mission.
      • La mission n’aura donc pas l’utilité qu’elle aurait eu si les données avaient été traitées systématiquement.
      Conclusions:

      Le principal avantage de la production à la demande est son coût réduit. Toutefois, ce coût reste faible par rapport au coût global de la mission. Le budget carbone joue également en faveur de la production à la demande, mais il s’agit probablement d’un montant peu élevé par rapport à l’empreinte totale de la mission.  Il est donc probablement préférable d’utiliser pleinement le satellite. C’est encore plus vrai si le satellite est utilisé pour surveiller l’environnement et aider à prendre des décisions pour réduire notre empreinte carbone. Quoi qu’il en soit, les processeurs et le stockage doivent bien sûr être optimisés.

      A l’opposé, la longue liste des inconvénients du traitement à la demande est éloquente. Il en résulterait clairement une mission beaucoup moins utile.

      Bien entendu, il existe des solutions hybrides dans lesquelles certaines régions/pays/continents sont traités systématiquement et d’autres à la demande. Cela modifie les proportions des avantages et des inconvénients de chaque solution, mais peut introduire des difficultés en cas de changement de version entre chaque type de traitement.

      Pour conclure, à mon avis, le traitement à la demande des données d’une mission de type Sentinel n’est intéressant que si l’on prévoit que cette mission n’aura pas de succès auprès des utilisateurs. Mais dans ce cas, avons-nous vraiment besoin de cette mission ?

       

    • sur Une rencontre avec Hervé Le Bras sur les « inégalités en France »

      Publié: 13 October 2023, 11:26am CEST par r.a.

      Daniel Oster, modérateur, et Hervé Le Bras

      Les Cafés Géo ont eu le plaisir d’accueillir au Flore Hervé Le Bras dont L’Atlas des inégalités. Les Français face à la crise (1) est sorti récemment.

      Hervé Le Bras a un parcours universitaire et professionnel original car il a acquis autant de compétences dans les sciences dites « dures » que dans les sciences humaines. Jeune polytechnicien, il est parti au Tchad en tant qu’anthropologue, puis a fait des études de démographie et de mathématiques économiques. Mais c’est comme démographe qu’il est surtout connu du grand public grâce à de nombreux travaux et de fréquentes interventions dans les médias. Son intérêt pour l’espace et les localisations précises a enrichi des travaux que la plupart des démographes ne fondaient que sur des données statistiques.


       

      Dans un premier temps notre invité s’attache à définir le sujet de son ouvrage et quelques points de méthode.

      Le terme « inégalité » est à distinguer de « différence » qui ne comporte pas de contenu dépréciatif. Les inégalités de revenus, de patrimoines…sont des phénomènes mesurables derrière lesquels se trouvent un certain nombre de déterminants et qui entrainent des ségrégations. Pour montrer l’évolution des inégalités au sein de la population, on utilise l’indice (ou coefficient) de Gini qui range les individus par ordre de revenus. On peut ainsi en constater la plus ou moins grande régularité. En baisse jusqu’à 2005, les inégalités augmentent légèrement depuis, et n’ont pas été accentuées par la COVID.

      L’indice de Gini n’est pas utilisable dans l’espace. La représentation spatiale des inégalités pose un problème d’échelle. Selon que l’on choisisse l’échelle de la région, du département ou de la commune, l’indice ne sera pas le même. On peut alors parler de « tromperie écologique ». L’étude de la relation entre le vote RN et la présence d’immigrés montre une corrélation au niveau régional l’absence de corrélation au niveau départemental et une corrélation inversée au niveau communal (plus il y a d’immigrés, moins il y a de votes RN). On observe le même phénomène en Suisse et en Allemagne. Il est donc essentiel de travailler à plusieurs échelles, celle des départements, des communes et des quartiers des agglomérations, au sein desquelles les différences sont de plus en plus fortes.

      Mais comment représenter les 34 000 communes métropolitaines sur une carte ? On utilise la technique du lissage pour rendre les cartes plus lisibles et celle des anamorphoses (par exemple, la surface occupée par une commune sur une carte est proportionnelle au nombre d’habitants et non à sa superficie). Il est bon de juxtaposer cartes classiques et cartes par anamorphoses.

       

      Dans un second temps, Hervé Le Bras nous donne le résultat de ses travaux.

      La première observation porte sur les régularités et les permanences qui caractérisent la société française.

      Au niveau régional, on peut distinguer deux France, de part et d’autre d’une ligne Le Havre/Belfort : une France du Nord aux paramètres peu satisfaisants et une France du Sud plus diverse.

      Ces différences ont leurs sources dans une histoire séculaire. La France du Sud, naguère de droit écrit, où les héritages étaient inégalitaires, a maintenu une petite propriété paysanne et de nombreux artisans alors que le Nord où l’égalité était plus stricte dans le partage des biens, est une région de grande propriété où les ouvriers agricoles sont nombreux jusqu’à l’exode rural ou plus exactement vers l’industrie.

      La distinction entre pays de tradition catholique et pays peu catholiques perdure depuis la Révolution. Les réactions à la Constitution civile du clergé (vote en juillet 1790 mais obligation de serment en janvier 1791) sont encore perceptibles dans l’espace national. Là où il y eut une majorité de prêtres réfractaires (hostiles au texte), la pratique religieuse reste plus élevée – c’est le cas de la Bretagne ou du pays basque – ; là où les prêtres jureurs (favorables au texte) l’emportèrent, cette pratique est faible – c’est le cas du Limousin ou de la Champagne-. Une grande enquête de 1965 dans chaque paroisse portant sur l’assistance chaque dimanche à la messe a montré la persistance de cette géographie.

      Les différences entre pays d’agglomération et pays de population éparse appartiennent aussi à l’histoire longue. Par exemple, au XIXème siècle, 95% de la population de la Marne vivaient en agglomération, ce qui n’était le cas que de 25% en Ille et Vilaine. Or les sociabilités ne sont pas les mêmes entre ces deux « façons d’habiter ». L’occupant de bocage, maître sur sa parcelle, voit peu ses voisins. Cette coupure se retrouve au jourd’hui sur le plan politique :  faible dans les régions de population éparse, le RN connait des taux élevés dans les régions d’agglomération.

      Le second enseignement des recherches d’Hervé Le Bras porte sur les évolutions.

      Les migrations internes actuelles dépeuplent les zones qui se situent au Nord d’une ligne Saint-Malo-Genève, alors que les communes du Sud ont un solde positif. Ce contraste ne s’explique pas par un différentiel de dynamisme économique comme le montre l’exemple du Roussillon qui combine solde positif et fort taux de chômage.

      Les agglomérations les plus importantes concentrent les revenus les plus élevés. Mais depuis une quinzaine d’années, ils ont moins augmenté dans les villes que dans les campagnes « profondes », ce qui pourrait être expliqué par le remplacement d’agriculteurs pauvres par des retraités).

      Peut-on expliquer les cartes politiques en combinant plusieurs données ?

      L’analyse de la carte montrant le vote en faveur d’E. Macron, commune par commune, en 2017, indique clairement qu’il a récupéré les voix de F Bayrou et la moitié des voix de F Hollande. L’électorat du Président de la République est aussi majoritaire dans l’Ouest et une grande partie du Centre, là où les enfants des agriculteurs sont montés dans l’échelle sociale et ont confiance dans la continuité de l’ascension sociale. Dans l’Est et le Nord-Est, au contraire, beaucoup d’enfants d’ouvriers ont connu le chômage et le déclassement. Cette carte correspond à l’étude faite par Daniel Cohen sur la France des optimistes et celle des pessimistes.

       

      En fin d’exposé, Hervé Le Bras montre quelques photos de cartes dont nous pouvons retenir les conclusions : une croissance plus forte, entre 2001 et 2005, dans les régions rurales (Cotentin, Massif Central) que dans les agglomérations, un plus grand nombre d’ouvriers qualifiés (CAP, BEP)aujourd’hui dans le Massif Central et en Bretagne que dans les métropoles, des contrastes entre les taux de chômage selon les quartiers d’une même ville (forts dans le centre à Perpignan et dans la périphérie à Rennes), une division spatiale nette entre quartiers d’immigrés européens et non-européens à Marseille…

      Questions posées par le public

      • Quelle corrélation peut-on trouver entre les Gilets jaunes et les territoires ?

      Les statistiques faites à partir des déclarations des personnes ayant annoncé sur Internet qu’elles manifesteraient le 17 novembre 2018 montrent une forte implication des habitants de la « diagonale du vide » (Ardennes- sud du Massif Central). Il s’agit de régions à très faible densité, en voie de dépopulation où l’accès aux services, notamment ceux de santé, est difficile. L’Etat n’est pas le principal responsable de cette situation car les fonctionnaires sont assez nombreux dans la « diagonale du vide ». Mais le gouvernement a sous-estimé la place occupée par la voiture dans la vie et le budget des ménages (aux alentours de 30%).

      • Quelle est l’évolution des inégalités de revenus ?

      Les cartes des revenus sont élaborées à partir des statistiques de l’INSEE qui prend en compte les revenus après redistribution. Elles montrent une faible augmentation des inégalités. Si les plus pauvres ont connu une légère détérioration de leurs ressources, les classes moyennes ont bénéficié d’une faible augmentation. Dans les 10% des revenus les plus élevés, le 1% supérieur a gagné 14% alors que les 9% suivants ont connu une érosion de leurs ressources selon l’institut des politiques publiques (IPP).

      • Comment définir les « classes moyennes » ?

      C’est une expression qu’il est impossible de définir, même si son utilisation est ancienne (elle a déjà été utilisée par Aristote !). C’est un moyen de mettre « quelque chose » entre les    capitalistes et les prolétaires.

      • Pourquoi avez-vous qualifié de « scandaleuse » la réforme des retraites ?

      Elle a mal pris en compte les carrières longues, commencées avant 21 ans mais qui ne présentent pas toujours 43 ans de cotisation car beaucoup de carrières sont hachées et certains trimestres ne sont pas cotisés. Ce sont les plus pauvres qui payeront le maigre bénéfice obtenu par le gouvernement (5,7 milliards en 2030 selon le COR)

      D’autre part si globalement les actifs payent les retraites (cf A Sauvy), plusieurs régimes séparés fonctionnent différemment. C’est le cas de la FPE (Fonction publique d’Etat) qui reçoit 58 milliards € de subventions d’équilibre car il y a 1 retraité pour 0,9 actif contre 1 pour 1,7 actifs dans le régime général. Il faut donc compenser le déséquilibre, par les autres caisses, mais l’Etat n’ose pas le faire et allonge une subvention « d’équilibre ». La présentation du déficit par le conseil d’orientation des retraites (COR) néglige ce fait et n’a donc aucune réalité.

      • Où se trouvent les abstentionnistes ?

      On peut se référer aux travaux d’Alain Lancelot sur l’abstentionnisme électoral.

      L’abstention est difficile à représenter géographiquement. Dans l’ensemble, on peut dire qu’il y a moins d’abstentions dans les zones rurales, mais il n’y a pas de structure régionale stable ni véritablement interprétable dans les termes des résultats des partis.

      • Peut-on traiter des inégalités sans carte ?

      Politologues et géographes ont intérêt à travailler ensemble. Les premiers travaillent avec des enquêtes qui montrent les changements rapides ; les seconds soulignent notamment les permanences. Hervé Le Bras et Jérôme Fourquet ont ainsi collaboré à un ouvrage commun (2).

      • Pourquoi ne traiter que de la France métropolitaine sans évoquer les DOM TOM ?

      L’absence de continuité territoriale et les passés différents font qu’il s’agit d’autres mondes qui relèvent d’un traitement à part.

      • Comment traiter des émeutes ?

      Leur étude se heurte à un problème de sources, de fiabilité des chiffres. De plus dans les manifestations les personnes viennent souvent de très loin. Leur origine est donc difficile à localiser. Ce qu’il est possible d’évaluer, c’est l’augmentation ou la diminution du nombre de manifestants d’une manifestation à la suivante dans le même lieu, une ville, en particulier.

      Notes :

      1. LE BRAS, Atlas des inégalités. Les Français face à la crise, deuxième édition, Editions Autrement, 2023
      1. FOURQUET et H. LE BRAS, La religion dévoilée. Nouvelle géographie du catholicisme, Fondation Jean Jaurès, 2014

       

      Michèle Vignaux (relecture de H. Le Bras), septembre 2023