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    Dans la presse Dans la presse

    Toile géomatique francophone

     
    • sur La vie du littoral. Définir, protéger, aménager.

      Publié: 3 July 2023, 9:15pm CEST par r.a.

      De ce petit ouvrage publié récemment (1), on peut souligner l’actualité. Nombreux sont en effet les reportages et les actualités qui nous inquiètent sur le sort de notre littoral (il faudrait compléter le titre par « littoral de la France métropolitaine »). Villas en équilibre instable sur le bord d’une falaise, plages disparaissant à marée haute, appauvrissement de la biodiversité littorale… L’expression « vivre les pieds dans l’eau » ne fait plus la fortune des agents immobiliers. Les pouvoirs publics doivent faire face à une contradiction majeure : comment ramener le plus possible les espaces littoraux à l’état naturel à une époque où leur attractivité sur la population permanente et touristique n’a jamais été aussi forte.

      Les deuxième et troisième parties (« protéger » et « aménager ») constituent un petit manuel de droit. Le rappel de chaque mesure restrictive ou incitative qui porte sur la bande côtière et les eaux territoriales, est appuyé sur un article de loi, un décret, une ordonnance, un arrêt du Conseil d’Etat (2). La première partie (« définir ») est essentiellement descriptive. Puisqu’il n’y a pas de définition juridique du littoral, pourquoi ne pas privilégier une approche sensorielle (bruit des vagues, odeurs des embruns, douceur du sable…) (3). L’auteur s’autorise alors un style imagé : « l’océan, ce vieux lunatique », « les goémons, rois du covoiturage », ce qui ne l’empêche pas de donner des définitions précises du milieu littoral terrestre (estran, laisse de mer, pré-salé…) et marin (avifaune, herbiers marins…).

      C’est un arrêt du Conseil d’Etat du 12 août 1973 qui a créé la notion de domaine public maritime dont la délimitation, fixée par une mission d’experts, est évolutive. Les objectifs sont écologiques mais relèvent aussi du service public : assurer à tous un libre passage piétonnier le long de la côte (4). Les pouvoirs de police administrative s’exerçant sur le domaine public maritime et ses eaux surjacentes relèvent du maire, du préfet de département et du préfet maritime.

      Depuis cette date la législation est abondante, surtout dans les dix dernières années. Nous retiendrons la loi Littoral de 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, qui n’a permis que de freiner modestement l’urbanisation, la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016, la loi « Climat et résilience » de 2021 qui organise la lutte contre l’artificialisation des sols et la gestion du recul du trait de côte. Inconstructibilité de la bande littorale des 100m, interdiction des prélèvements (sable, galets…), création de zones naturelles protégées (357 en 2022), respect de la visibilité du paysage… Nombreux sont les domaines d’intervention.

      La menace la plus urgente à moyen et même à court terme est sans doute le recul du trait de côte (correspondant à la laisse (5) des plus hautes mers) qu’accentue la puissance croissante des tempêtes. Actuellement, il touche 920km de côte (à une vitesse de 50 cm/an sur les côtes basses sablonneuses). L’érosion nationale fait l’objet d’une cartographie obligatoire. La stratégie de gestion du trait de côte comporte des variantes selon la situation du littoral. Là où l’habitat est dense et les enjeux économiques importants, la priorité est donnée à la défense contre la mer. Ailleurs on privilégie le retour à l’état naturel des espaces libérés en recourant à des aménagements anti-érosion (dunes, forêts…). Dans les zones menacées, l’autorité publique peut agir en utilisant une procédure d’expropriation ou son droit de préemption.

      Actuellement toute intervention dans l’espace littoral est soumise à une législation abondante et complexe qui suscite parfois les réactions négatives des pouvoirs locaux attachés aux bénéfices amenés par une forte activité humaine. Mais la prise de conscience des nécessaires évolutions à engager semble l’emporter.

      Notes

      (1) Presses universitaires de Rennes, mars 2023.
      (2) L’auteur est agrégé de droit, professeur émérite de l’université de Poitiers.
      (3) L’auteur renvoie aux travaux d’Alain Corbin, historien des sensibilités.
      (4) L’actuel Sentier du littoral s’étend sur 4577 km. Il manque encore 1200 km pour faire le tour complet du littoral métropolitain.
      (5) Les laisses sont les lignes de marée haute et de marée basse, soit les limites entre lesquelles la marée oscille.

       

      Michèle Vignaux, juillet 2023
    • sur Des cadres qui parlent : les cartouches sur les premières cartes modernes

      Publié: 25 June 2023, 2:23pm CEST


      Source : Chet Van Duzer (2023). Frames that Speak. Cartouches on Early Modern Maps. Mapping the past, vol. 2 (ouvrage en accès libre)

      Cet livre richement illustré est la première exploration systématique des cartouches cartographiques, ces cadres décorés qui entourent le titre, ou d'autres textes ou images, sur des cartes historiques. L'ouvrage aborde l'histoire de leur développement, les sources utilisées par les cartographes pour les créer et les messages politiques, économiques, historiques et philosophiques que véhiculent leurs symboles. Les cartouches constituent les parties les plus attrayantes des cartes. Le cartographe utilise ces espaces de décoration pour montrer leurs intérêts. Les cartouches sont donc essentiels à l'interprétation des cartes. Le livre traite en détail de trente-trois cartouches, qui vont de 1569 à 1821, et ont été choisis pour la richesse de leur imagerie. 

      Chet Van Duzer est chercheur en résidence à la bibliothèque John Carter Brown et membre du conseil d'administration du projet Lazarus à l'Université de Rochester, qui fournit de l'imagerie multispectrale aux institutions culturelles du monde entier. Il a publié de nombreux ouvrages sur les cartes du Moyen Age et de la Renaissance. En 2018, il a publié un ouvrage chez Springer Henricus Martellus's World Map at Yale (c. 1491): Multispectral Imaging, Sources, and Influence. Il est l'auteur aussi d'un ouvrage sur la carte de Waldseemüller, Martin Waldseemüller's Carta marina of 1516 (disponible en accès libre)Il a récemment terminé une bourse de recherche David Rumsey à Stanford et à la bibliothèque John Carter Brown pour étudier la carte du monde manuscrite d'Urbano Monte de 1587. 

      Plan de l'ouvrage avec les cartes de référence

      • Introduction
      • Chapitre 1. Remplir le vide avec un espoir de paix
        Gérard Mercator, Nova et aucta orbis terrae descriptio ad usum navigantium, 1569
      • Chapitre 2. Le regard du monstre marin
        Carte de la Sardaigne d' Ignazio Danti dans la Galleria delle carte geografiche, 1580–82
      • Chapitre 3. Une médecine exotique issue des tombeaux d'Égypte
        Daniel Cellarius, Asiae nova description, vers 1590
      • Chapitre 4. Nouvelles personnifications des continents.
        Jodocus Hondius, Nova et exacta totius orbis terrarum descriptio, 1608
      • Chapitre 5. Cosmographes dans l'océan Austral.
        Pieter van den Keere, Nova totius orbis mappa, vers 1611
      • Chapitre 6. L'ingratitude mord la gentillesse.
        Jodocus Hondius, Novissima ac exactissima totius orbis terrarum descriptio, 1611 / 1634
      • Chapitre 7. L'eurocentrisme à l'honneur.
        Arnold Floris van Langren, globe terrestre, 1630-1632
      • Chapitre 8. Les plaisirs vertigineux de la mise en abyme.
        Willem Hondius, Nova totius Brasiliae et locorum a Societate Indiae Occidentalis captorum descriptio, 1635
      • Chapitre 9. L'autoportrait du cartographe.
        Georg Vischer, Archiducatus Austriae inférioris, 1670 / 1697
      • Chapitre 10. Comploter pour le contrôle dans le Nouveau Monde.
        Claude Bernou, Carte de l'Amérique septentrionale et partie de la méridionale, vers 1682
      • Chapitre 11. Dévoiler le texte, interpréter l'allégorie.
        Vincenzo Coronelli, globe terrestre, 1688
      • Chapitre 12. Dissimulation et révélation de la source du Nil.
        Vincenzo Coronelli, L'Africa divisa nelle sue parti, 1689
      • Chapitre 13. Propagande dans un cartouche.
        Vincenzo Coronelli, Paralello geografico dell'antico col moderno archipelago, 1692
      • Chapitre 14. Si ça saigne, c'est porteur.
        David Funck, Infelicis regni Siciliae tabula, vers 1693
      • Chapitre 15. Célébrer un triomphe de l'ingénierie.
        Jean-Baptiste Nolin, Le canal royal de Languedoc, 1697
      • Chapitre 16. La bataille entre la lumière et les ténèbres.
        Heinrich Scherer, Repraesentatio totius Africae, 1703
      • Chapitre 17. Une carte dans la carte comme prophétie.
        Nicolas Sanson et Antoine de Winter, Geographiae Sacrae Tabula, 1705
      • Chapitre 18. "L'une des histoires les plus singulières de difficultés extrêmes".
        Pieter van der Aa, Scheeps togt van Iamaica gedaan na Panuco en Rio de las Palmas, 1706
      • Chapitre 19. Splendeur cramoisie.
        Nicolas Sanson, Théâtre de la Guerre en Flandre & Brabant, vers 1710
      • Chapitre 20. Généraux présentant des cartes à l'empereur.
        Johann Baptist Homann, Leopoldi Magni Filio Iosepho I . Augusto Romanorum & Hungariae Regi, vers 1705–11
      • Chapitre 21. Comment construire un cartouche géant.
        Nicolas de Fer, Carte de la mer du Sud et de la mer du Nord, 1713
      • Chapitre 22. La publicité fait son entrée.
        George Willdey, Carte de l'Amérique du Nord, 1715
      • Chapitre 23. L'effondrement de la bulle du Mississippi.
        Matthäus Seutter, Accurata delineatio Ludovicianae vel Gallice Louisiane, vers 1728
      • Chapitre 24. « Le lien de la race humaine pour l'utilité et le plaisir ».
        Matthäus Seutter, Postarum seu cursorum publicorum diverticula en mansiones per Germaniam, vers 1731
      • Chapitre 25. Tuez les cannibales et convertissez les autres.
        Jean-Baptiste Nolin, II , L'Amérique habillée sur les relations les plus récentes, 1740
      • Chapitre 26. Le cartographe et le shogun.
        Matthäus Seutter, Regni Japoniae nova mappa geographica, vers 1745
      • Chapitre 27. Le rouleau illusionniste du cartouche.
        Gilles et Didier Robert de Vaugondy, Carte de la terre des Hébreux ou Israélites, 1745
      • Chapitre 28. Une loi d'équilibre cartographique.
        Matthäus Seutter, Partie orientale de la Nouvelle France ou du Canada, vers 1756
      • Chapitre 29. Frontière impartiale, cartouche partisane.
        Juan de la Cruz Cano y Olmedilla, Mapa geográfico de America Meridional, 1775
      • Chapitre 30. Une illusion tactile qui légitime la carte.
        Henry Pelham, Un plan de Boston en Nouvelle-Angleterre avec ses environs, 1777
      • Chapitre 31. Lutte contre la cartographie coloniale.
        José Joaquim da Rocha, Mappa da Comarca do Sabará pertencente a Capitania de Minas Gerais, vers 1778
      • Chapitre 32. Les acteurs commencent à quitter la scène.
        Jean Janvier, Cartes de 1761, 1769 et 1774 ; Robert de Vaugondy, Carte de 1778 ; John Purdy, Carte de 1809
      • Chapitre 33. Une carte sur une carte sur une carte.
        John Randel, Jr., La ville de New York telle que présentée par les commissaires, 1821
      • Conclusion


      Pour compléter

      Chet Van Duzer a publié aussi un article sur les symboles coloniaux présents dans les cartouches. ll y étudie l'imagerie colonialiste de la fin du XVIIe au début du XIXe siècle afin de montrer le vocabulaire visuel de cette imagerie et de stimuler des études plus approfondies sur le sujet. Chet Van Duzer (2021). Colonialism in the Cartouche: Imagery and Power in Early Modern Maps. Figura, vol.9, 2. 

      Les cartouches sont des caractéristiques importantes des cartes, comme en témoignent les superbes cartes conservées à la Bibliothèque royale de Belgique. La série Cartes et Plans de la Bibliothèque royale de Belgique (KBR) comporte plus de 100 000 cartes et plans, généralement de grand format ainsi que 600 atlas et une 30e de globes anciens. 

      Extrait d'une carte de Frederick De Witt représentant les côtes de l'Afrique 1671 (source : Bibiothèque royale de Belgique)


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    • sur Exposition de Mathieu Pernot L’Atlas en mouvement

      Publié: 22 June 2023, 10:59am CEST


      Source : Exposition de Mathieu Pernot L’Atlas en mouvement du 1er avril au 1er juillet 2023 à la Bibliothèque municipale de Lyon.


      « Avec L’Atlas en mouvement, Mathieu Pernot propose une réflexion par l’image sur la manière de représenter les populations migrantes dans leurs déplacements. Ce projet d’envergure, réalisé sur plus de dix années, se compose de photographies ainsi que d’un ensemble de documents qui répertorie les savoirs partagés par toutes et tous. Planches botaniques, anatomiques, cartes et plans deviennent autant de matériaux avec lesquels interagissent les migrantes et les migrant-es rencontré-es par le photographe. Retournant le rôle du porteur des connaissances traditionnellement accordé au voyageur-explorateur occidental, Mathieu Pernot met ici en avant une transmission des savoirs véhiculée par des hommes et des femmes dont le départ n’a pas été choisi.

      A travers une connaissance universelle, celle qui traverse les siècles et s’affranchit des frontières, ce sont les expériences singulières que vient souligner l’auteur. Et tandis que l’Histoire se déploie dans un continuum temporel, Mathieu Pernot marque les points d’arrêts qui jalonnent le parcours d’individus, ayant dû quitter leurs pays et leurs proches. Les photographies prises à Mossoul ou à Lesbos, dans le camp de Mória ou encore à Calais, des villes détruites et des zones transitoires toujours plus nombreuses, mettent aussi en lumière la précarité des conditions migratoires. Elles appellent à l’urgence d’agir et à repenser autrement la question des déplacé-es.

      Mettant en perspective, deux formes de savoir, la bibliothèque municipale de Lyon propose un dialogue entre l’Atlas en mouvement et ses propres collections. En écho aux périples des personnes en exil, ces résonances s’autorisent également des pas de côtés, en allant puiser dans les récits de certaines traversées oniriques. Les ouvrages et estampes patrimoniales présentées jouent sur l’allégorie, déplient les motifs présents dans le corpus du photographe, montrent des similitudes formelles ou encore thématiques. L’exposition s’organise de manière à parcourir l’expérience forgée par les migrant-es lors de leurs déplacements, en passant d’une vision macroscopique qui nous est commune, celle du ciel ou de la nature, jusqu’à une approche plus intime avec des récits de vie et du corps éprouvé.

      De ce dialogue fructueux entre deux ensembles en construction émergent, enfin, des parallèles entre des manières de construire les savoirs, des savoirs en mouvement, qui placent l’origine de ceux qui les portent, les transmettent et les reçoivent à un niveau égal ».

      Thaïva Ouaki, Commissaire d’exposition

      Ce projet d’envergure, réalisé sur plus de dix années, se compose de photographies ainsi que d’un ensemble de documents qui répertorie les savoirs partagés par toutes et tous. Une partie des ressources de l'exposition peuvent être découvertes en ligne sur le site de la Bibliothèque municipale de Lyon :

      L'exposition s'était déroulée auparavant au MuCEM à Marseille : «  Photo : au MuCEM, Mathieu Pernot raconte l’universel de l’exil ». (Le Monde).
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    • sur MAJA and the new CAMS aerosols 48r1

      Publié: 22 June 2023, 10:48am CEST par Jérôme Colin
      The Copernicus Atmospheric Monitoring Service (CAMS) is about to release a new version of its aerosol products on 27 June 2023, referred as 48r1. Their evolution has a direct impact on MAJA, and requires us to adapt the processor. MAJA will not be ready to support 48r1 before the next MAJA release scheduled for September 2023. Therefore, users are advised not to use the ‘–cams’ option to process Sentinel-2 products after 27 June until the next release.

      The number and type of aerosols described by CAMS has evolved over time, along with the versions of MAJA, starting with five species before 10 July 2019, and then seven species until the next CAMS release scheduled for 27 June 2023. To properly account for the aerosols, MAJA relies on per-aerosol Look-Up Table (LUT) calculated with a radiative transfer model. Each aerosol is described by its optical properties, ie. its refractive index, its size distribution, its growth factor for those whose size varies with the relative humidity of the atmosphere. The upcoming 48r1 release of the CAMS products includes several changes :
      • Biogenic and anthropogenic Secondary Organic Aerosols (SOA) are two new aerosols previously included in Organic Matter. They are both hydrophilic, which means that their size varies with humidity ;
      • The size distributions of Organic Matter and Dust species change with this new version.
      Such changes require quite some work on MAJA’s side :
      • Prepare the new Look-up Tables and extend the GIPP (the parameter files) to the new aerosols specifications ;
      • Adapt the processor so that MAJA picks the right LUT according to the L1C product date ;
      • Adapt the cams_download tool to collect the adequate AOD and mixing ratios.
      Unfortunately, this will not be done in the blink of an eye. We need :
      • to ensure that the quality of the L2A products obtained using the 48r1 aerosols fit MAJA’s specifications, by validating AOD and spectral reflectances with our in-situ ROSAS network ;
      • to assess the differences of the L2A produced with both 47r1 and 48r1 ;
      • to ensure that the next release of MAJA is fully backward-compatible with 47r1 and handles the processing of a time series mixing CAMS versions properly.
      We are doing our best to release this new version of MAJA by the end of September. In the meantime, we strongly advise users not to use the CAMS option for Sentinel-2 products acquired from June 27th onward.  Thank you for your patience, The MAJA team
    • sur Dessin du géographe n°93. Des leporellos géographiques : E. F. Bossoli dans les Alpes italiennes

      Publié: 21 June 2023, 5:08pm CEST par r.a.

      En parcourant les allées du Salon international des Carnets de Voyage d’Aix-en-Provence, j’ai constaté que beaucoup de carnetières et carnetiers dessinent des croquis panoramiques sur des bandes de papiers pliants qu’on appelle des « leporellos », en souvenir du valet de Don Juan chez Mozart et de la liste des femmes conquises par son maître, qu’il déplie en chantant au début du premier acte de l’opéra. Or, il est arrivé à des géographes de dessiner de grands croquis panoramiques en assemblant des feuilles dans le sens de la largeur, selon les besoins de la largeur de l’horizon topographique à prendre en compte. Dans la page web que j’ai consacrée ici à Pierre Deffontaines, j’aurais pu signaler son assemblage panoramique concernant la ville de Barcelone vue du Mont Tibidabo. [https:]]
      Lequel était largement battu en dimension par celui qu’il avait réalisé au Brésil concernant la Baie de Rio (plus d’un mètre de large), étudié par Antoine Huerta en 2009 (« Une ascension, une œuvre : la baie de Rio de Janeiro vue du Corcovado par Pierre Deffontaines », Confins, número 5).
      [confins.revues.org]

      Mais il faut reconnaître que sur le plan de la qualité du dessin panoramique, les dessinateurs et peintres professionnels ont produit dans la seconde moitié du 19e siècle des leporellos pour la clientèle touristique des régions de montagne, plus efficaces et imposants. Il s’agissait de procurer aux visiteurs des images permettant de situer et de reconnaître sur le terrain les principaux sommets des grandes chaînes. Les nouveaux voyageurs voulaient pouvoir nommer et mémoriser ces grands sites dans un nouveau « musée imaginaire » des formes de la terre. Lors d’un passage à Turin, une excursion au Monte dei Cappuccini m’a permis d’acquérir un classique de ce genre de leporello : le Panorama delle Alpi (dal Monte dei Cappuccini, Torino, 1874), réalisé par Edoardo Francesco Bossoli, peintre piémontais spécialisé dans les panoramas de montagne et qui fit une grande carrière dans ce type de dessin.

      Fig. 1-Panorama des Alpes (depuis le Mont des Capucins, Turin) (E. F. Bossoli, 1874). Source : collection de l’auteur.

      Sur un accordéon de papier de 1,93 sur 0,14m (surface de l’image), il a représenté à l’encre (plume et lavis) les Alpes Piémontaises depuis la vallée alpine du Po au SO jusqu’au Monte Generoso au NE, c’est-à-dire le versant italien de la chaîne depuis la haute vallée du Po à gauche du panorama jusqu’à la région des Lacs à droite, en passant par la région du val d’Aoste au centre. Le Mont Blanc n’est pas visible car masqué par le massif du Grand Paradis. Le Mont Rose (4 638m) et le Lyskamm (4 538m) sont donc les 2 plus hauts sommets de la ligne des crêtes figurées par le peintre.

      Fig. 2-Panorama des Alpes (depuis le Mont des Capucins, Turin) (E. F. Bossoli, 1874) (détail, partie centrale). Source : collection de l’auteur.

      L’essentiel est donc ici de figurer les sommets de la façon la plus « lisible » possible, d’où le dessin au trait (plume) et le lavis d’encre sépia. Mais dans les avant-plans de la ville et de sa campagne un certain nombre de monuments et d’édifices urbains bien connus sont dessinés pour servir de points de repère à la visée des sommets et à leur position sur la ligne des crêtes, le croquis panoramique servant alors pour le touriste de mini-table d’orientation.

      Dans ce cas turinois, la faible altitude relative du Mont des Capucins au-dessus de la ville (moins de 70 m au-dessus du Pô) en fait une vue presque horizontale, et l’effet de masque des sommets des premiers plans devant les suivants en devient très important. Un autre leporello emblématique de la production de Bossoli, celui du Panorama preso dal Monte Generoso, réalise une vue quasi aérienne du lac de Lugano et de ses environs, car le sommet en question domine ce lac de ses 1 701 m (soit 1 361m d’altitude relative) et offre des vues spectaculaires vers les grandes Alpes Suisses, Italiennes et Françaises à l’horizon nord et ouest. Le croquis devient franchement panoramique et permet une lecture du paysage qui se rapproche de celle d’une carte. Les lignes de crêtes se succèdent en profondeur sur plus de 60 kilomètres, et la dernière (la plus lointaine) est celle des plus de 4 000 m du Mont Blanc, du Mont Rose, des Alpes du Valais et de l’Oberland bernois, figurée en blanc.

      Fig. 3-Panorama pris depuis le Monte Generoso (E. F. Bossoli, 1875). Source : Boletino del Club Alpino Italiano.

      Ces deux œuvres sont donc emblématiques de cette production picturale considérable dans la seconde moitié du 19e siècle, destinée à participer de l’invention du paysage de la chaîne des Alpes. Une bibliographie abondante en a repris l’étude dans la géographie contemporaine. Par exemple Cllaudio Ferrata a étudié pour le Tessin La Fabrique du Paysage dans la Région des lacs du Sud des Alpes (Le Globe, tome 147/ GEA, N°23/ 2007, p.29-48). Il cite dans II teatro del paesaggio, (in Ferrata C. (a cura di), //senso dell’ospitalita?, pp. 57-67, 2006)) les travaux graphiques alpestres de Bossoli, dans un paragraphe où il traite de l’« art de voir ». On ne peut être mieux au cœur de la question du dessin géographique.

      Roland Courtot, mars 2023

    • sur Prix du Livre de Géographie des Lycéens et Etudiants 2023

      Publié: 17 June 2023, 1:04pm CEST par r.a.

      Le prix du Livre de Géographie des Lycéens et Etudiants est une création récente (2020), destinée à faire découvrir et aimer la géographie à travers une sélection annuelle de cinq ouvrages reflétant la diversité de la discipline. Les deux premières éditions avaient récompensé en 2021 Sylvie Lasserre pour Voyage au pays des Ouïghours (Editions Hesse, 2020) et en 2022 Camille Schmoll pour Les damnées de la mer (La Découverte, 2020).

      Cette année, le prix a été accordé à Monde enchanté, Chansons et imaginaires géographiques de Raphaël Pieroni et Jean-François Staszak (1). On comprend l’enthousiasme des jeunes gens qui l’ont choisi pour un ouvrage ludique et joyeux dont l’objet d’analyse est constitué de 36 chansons (2) écrites majoritairement en français et en anglais, des années 1930 à nos jours.

      Jean-François Staszak a présenté, à la Société de géographie, son travail et celui de son collègue, comme une réalisation de géographie culturelle qui étudie le monde tel qu’on l’appréhende à travers les différents systèmes de représentation. Face aux critiques qui reprochent à cette discipline son caractère trop souvent élitiste et conceptuel, il se réjouit de présenter un travail portant sur des chansons, c’est-à dire des témoignages de la culture populaire empreints d’émotion.

      Il a été demandé aux collègues genevois des auteurs de choisir une chanson connue comme enjeu géographique et de produire un texte court à destination du grand public. Ce choix peut être suggéré par le texte même de la chanson ou par les lieux où elle a été entendue. Certaines chansons ont participé à la construction de lieux. Il est ainsi plaisant de savoir qu’un Café Pouchkine a été inauguré en 1999 par Gilbert Bécaud sur la Place Rouge à Moscou, alors que sa chanson Nathalie date de 1964 ! (3)

       

      Michèle Vignaux, juin 2023

      1) Georg Editeur, 2021. Cet ouvrage a été suivi de Villes enchantées, en 2022. Il sera à son tour complété par Voyages enchantés en cours de réalisation. 2) Les trois ouvrages évoqueront 121 chansons dont 81 en français. 3) Le 22 septembre 2022, dans Géographie à la carte, France Culture a présenté le sujet des rapports entre la géographie et la chanson, en invitant notamment Jean-François Staszak. Parmi les principales questions abordées lors de l’émission, on retrouve bien sûr celles du livre qui vient d’être récompensé : comment les chansons racontent-elles les villes ? La culture populaire peut-elle matériellement transformer un territoire ? La puissance évocatrice de certaines villes dans les chansons a-t-elle un aspect géopolitique ? [https:]]
    • sur Géopolitique de la Corée du Sud

      Publié: 17 June 2023, 12:59pm CEST par r.a.
    • sur L’ère des superpétroliers. Les transports maritimes français au XXe siècle

      Publié: 12 June 2023, 12:16pm CEST par r.a.

      Ce travail d’historien (1) porte sur un court XXe siècle. Le pétrole n’est devenu l’« or noir » qu’entre le moment où la Grande Guerre révéla la dépendance dangereuse de notre pays et celui où il s’est transformé en « mal-aimé » dont il faut se débarrasser le plus possible dans les dernières années du siècle. Entre temps il occupe une place majeure dans les préoccupations des gouvernants, des dirigeants d’entreprise, mais aussi une place non négligeable dans celle des Français de plus en plus attachés à leur voiture. Quant à l ’« ère des superpétroliers » qui donne son titre à l’ouvrage, elle  ne dure guère plus de deux décennies car la prouesse technique se révèle vite une catastrophe financière.

      Le sujet comprend plusieurs composantes, économique, technique et politique. La première composante comprend la production ou l’achat du pétrole brut, le transport par oléoduc et surtout par bateau et le raffinage sur le sol national. Ces trois activités peuvent être assurées par une même compagnie ou par plusieurs compagnies, parfois filiales d’un maison-mère. Les achats se font suivant des contrats à long ou à court terme ou sur un marché spot (2). Sur le plan technique, les chantiers navals ont produit des pétroliers de plus en plus performants, c’est-à-dire offrant des coûts de transport de plus en plus bas par tpl (tonne de port en lourd) transportée, grâce à leur gros tonnage. Mais la géographie a ses impératifs. Avec un tirant d’eau élevé un superpétrolier ne peut emprunter des détroits comme celui de Malacca, ou le canal de Suez. La composante politique est majeure. Dans une France dont le sous-sol ne contient pas pétrole, le devoir de l’Etat est d’assurer la sécurité de l’approvisionnement, donc d’avoir des relations stables avec les producteurs. Ce n’est pas la même chose d’acheter du pétrole à la Norvège ou dans un des pays du Moyen-Orient ! Ces trois composantes n’évoluent pas selon les mêmes rythmes. Plusieurs années s’écoulent entre la conception et la livraison d’un nouveau type de pétrolier alors qu’une crise politique peut bouleverser les flux pétroliers maritimes en quelques semaines, voire quelques jours. C’est en fonction de ces données que l’auteur a distingué quatre périodes entre 1931 et 1994.

       

      1931-1958 : un programme d’autonomie maritime

      Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le nouvel Office National des Combustibles Liquides (1925) se donne comme objectifs de constituer une industrie pétrolière française avec la construction de navires-citernes et de rechercher des approvisionnements. Ce dernier but est facilité par les traités qui mettent fin à la domination ottomane au Moyen-Orient. La nouvelle CFP (Compagnie française des pétroles) obtient, au titre de réparations de guerre, 23,7% de la Turkish Petroleum Compagny. Le pétrole, extrait à Kirkouk, est alors transporté par oléoduc jusqu’à Tripoli puis convoyé par la CNP (Compagnie navale des pétroles, filiale de la CFP jusqu’aux ports de Gonfreville (Normandie) et La Mède (Provence).

      Entre 1928 et 1938, la consommation de pétrole est multipliée par quatre et la France est le deuxième acheteur européen alors que le transport du brut s’effectue majoritairement sur des tankers étrangers. Par crainte d’une dépendance dangereuse en cas de guerre, le gouvernement fait voter une loi en 1928, renforcée par un décret en 1931, puis par un nouveau décret en 1950 (le premier décret est suspendu en 1939) instaurant l’obligation de pavillon. 50% des importations (en 1931) puis 66% (en 1950) doivent être faites sous pavillon français. Cette particularité – qui a duré jusqu’en 1992- a entraîné la perte de compétitivité de notre flotte, le coût du transport sur des navires à l’équipage uniquement français étant beaucoup plus élevé que sur les bateaux concurrents.

      La Deuxième Guerre mondiale conduit à la dévastation de l’industrie pétrolière française qui doit être entièrement reconstruite. Le redressement maritime est achevé au début des années 1950. La France peut alors profiter de nouveaux gisements en Irak et la CNP livre des bateaux qu’on appelle déjà des « supertankers » avec un port en lourd supérieur à 30 000 tpl (norme permettant le passage dans le canal de Suez). Ses 104 navires permettent à la France d’occuper le 7ème rang mondial en 1954.

       

      1956-1973 : l’âge d’or des transports maritimes français

      En 1956, le Moyen-Orient (surtout l’Irak) fournit la majeure partie de la consommation pétrolière française. Chaque année, 25 Mt de brut sont exportés par les ports de Méditerranée orientale et 58 Mt empruntent le canal de Suez. La « Crise de Suez » bouleverse ce trafic. En juillet 1956, Nasser nationalise le canal de Suez, ce qui provoque, trois mois plus tard, une intervention militaire franco-britannique. Le canal est alors entièrement bloqué et les oléoducs Irak-Méditerranée détruits. Il faut réorganiser les itinéraires. Une seule solution : le contournement de l’Afrique par la route du cap de Bonne-Espérance (20 900 km entre le golfe Persique et la mer du Nord, au lieu de 12 000km par Suez), ce qui provoque l’explosion des taux d’affrètement. Même après la réouverture du canal, on ne revient pas à la situation antérieure. On combine un aller France-Moyen-Orient par Suez et un retour par Le Cap avec des bateaux chargés, mais surtout on envisage d’utiliser des pétroliers de très gros tonnage.

      Les années 1960 sont des années de réorganisation avec l’arrivée du pétrole algérien et le lancement d’un ambitieux programme d’armement par la CNP qui devient le premier armateur français. Pour diminuer les coûts de transport, on construit des Very Large Crude Carrier (VLCC), de 150 000 tpl à 320 000 tpl. Le premier gros tanker de la CNP sort des chantiers navals en 1970.  Ces superpétroliers sont le produit d’innovations technologiques de pointe qui doivent permettre de compenser les charges qui grèvent le pavillon français. Nouvelles proportions, aciers spéciaux, automatisation des tâches de chargement/déchargement, augmentation du débit des pompes…, les superpétroliers assurent une augmentation de la vitesse moyenne et une économie de personnel. Ils n’embarquent que des équipages très spécialisés, moins nombreux (les besoins en équipage ne croissent pas avec la taille du navire), aux conditions de travail attractives (avantages financiers et confort). Néanmoins, les dépenses d’équipage restent plus élevées que sous les pavillons étrangers car tous les marins doivent être français.

      La course au gigantisme semble justifiée par une nouvelle fermeture du canal de Suez provoquée par la Guerre des 6 jours (1967). Même si on s’approvisionne alors sur des marchés plus diversifiés et plus proches de l’Europe (Algérie, Etats-Unis, Venezuela), le Moyen-Orient reste un fournisseur majeur. Le pétrolier-roi semble alors le 200 000 tpl capable d’emprunter à l’aller, le canal de Suez sur ballast et, au retour, la route du Cap en pleine charge. Le tonnage moyen de la CNP triple en 10 ans (1961-1971). Ces très gros navires posent néanmoins des problèmes de logistique (équipement des ports, taille des raffineries, passages des détroits), ce qui ne décourage pas la commande des Ultra Large Crude Carriers (ULCC) de plus de 350 000 tpl. L’industrie pétrolière française est alors partagée entre CFP-Total et Elf-Erap qui ont des participations dans les sociétés d’armement.

      A la fin des années 1960, la consommation continue d’augmenter, mais la demande est flexible alors que l’offre est rigide. Les premiers doutes sur la viabilité du marché des transports apparaissent. Les experts évoquent le risque d’un excédent de tonnage dans les années à venir d’autant que de lourdes charges pèsent sur le pavillon français alors que les pavillons de complaisance se multiplient dans le monde.

      1973- 1979 : les transports maritimes pétroliers dans la tourmente

      1973 est une année-tournant dans l’histoire des transports pétroliers. A la suite de la guerre du Kippour (octobre 1973), les pays arabes membres de l’OPEP décident d’augmenter unilatéralement le prix du baril de brut (quadruplement du prix en un trimestre) et d’instaurer un embargo sur les exportations destinées aux pays alliés d’Israël. C’est le premier choc pétrolier. Stagnation de la consommation et accès à des ressources plus proches du consommateur (Alaska, mer du Nord) entraînent la surcapacité des transports maritimes et de l’industrie du raffinage. Il faut alors annuler les commandes et réduire les charges au maximum. Pour répondre à ce dernier objectif, plusieurs solutions sont adoptées : ralentissement de la vitesse, utilisation des pétroliers comme stockage flottant ou comme minéraliers ou céréaliers. Mais les armateurs français souffrent toujours d’un handicap supplémentaire par rapport à leurs concurrents, l’obligation de pavillon.

      Dans les années 1970, la France est le seul pays à imposer à sa flotte pétrolière de naviguer sous pavillon national (les Etats-Unis ne l’imposent que pour le cabotage le long de leurs côtes). Le surcoût est alors évalué à 1 milliard de francs par an (de plus, l’obligation de pavillon est incompatible avec le Traité de Rome). En 1977 38% du port en lourd mondial naviguent sous un pavillon de complaisance (Panama, Liberia, Bahamas…) qui fait bénéficier les armateurs d’avantages fiscaux, de facilité d’immatriculation et de l’emploi d’équipages étrangers aux charges sociales et salariales réduites. Mais les marées noires provoquées par des navires affrétés sous pavillon de complaisance soulèvent la colère des opinions publiques. Le traumatisme du naufrage de l’Amoco Cadiz (234 000 tpl) au large de Portsall (Bretagne) en est un exemple. Les organisations internationales doivent durcir leur réglementation.

      1979-1994 : le crépuscule de la flotte pétrolière française

      La Révolution iranienne de 1979 puis la guerre Iran-Irak de 1980-1988 provoquent une nouvelle flambée du prix du brut (augmentation du prix du baril par 5 ou 6 depuis 1978). C’est le deuxième choc pétrolier. Il est rapidement suivi d’un contre-choc (1981) car la demande s’effondre dans les pays consommateurs qui s’approvisionnent de plus en plus ailleurs qu’au Moyen-Orient (mer du Nord, Afrique de l’Ouest, Mexique…). C’est le cas de Total qui n’y achète plus que la moitié de son pétrole (Arabie Saoudite, E.A.U.).  Entre 1979 et 1985, le trafic mondial de brut chute de 58%, ce qui provoque un excédent mondial de pétroliers, surtout dans la catégorie des plus grosses unités.

      Face à cette baisse des besoins de capacité de transport, les armateurs français sont contraints d’opérer le retrait de navires, voués à la reconversion en vraquiers ou au désarmement et souvent à la démolition dans de grands chantiers où ils sont transformés en ferraille servant à la fabrication de nouveaux aciers.

      Le redressement du commerce du pétrole à la fin des années 1980 ne permet pas d’éviter le naufrage des superpétroliers français. Les ULCC (Ultra large crude carrier) de plus de 300 000 tpl qui arrivent alors sur le marché, sont une réussite de la technologie française mais un échec économique. Lorsqu’ils sont mis en chantier au début des années 1970, deux certitudes motivaient le choix de pétroliers de gros tonnage, celle de la primauté croissante du golfe Persique comme fournisseur et celle d’une croissance continue de la demande. On néglige l’obstacle de leur tirant d’eau, trop élevé pour franchir le canal de Suez ou traverser les détroits de Malacca et du Pas de Calais. La CNN, filiale d’Elf, et la Société maritime Shell commandent donc quatre supertankers aux Chantiers de l’Atlantique capables de construire des navires de 500 000tpl. Mais dès leur mise en service, leur intérêt est remis en cause, révélant l’absence d’études sérieuses sur leur coût de fonctionnement. Non seulement leurs charges financières sont trop lourdes, mais il est difficile de trouver des cargaisons suffisantes. La contrainte du tirant d’eau les empêche de passer par Suez où la navigation est rétablie et l’impossibilité de rejoindre Rotterdam est un handicap majeur. Pour les opérateurs pétroliers, Le Havre dont l’arrière-pays est limité ne peut remplacer le port néerlandais ouvert sur le gros marché européen. Les ULCC sont donc condamnés.

      La crise des transports pétroliers français est illustrée par le choix d’Elf qui désarme ses navires pour affréter l’équivalent à l’étranger. Plusieurs rapports commandés par l’Etat arrivent à la même conclusion : une surcapacité de la flotte, des navires vieillissants et surtout une absence de compétitivité due à la contrainte du pavillon. Pour continuer à assurer la sécurité des approvisionnements d’un pétrole dont on importe 96% de la consommation, on adopte un nouveau cadre juridique, le pavillon Kerguelen, en 1986. Sous ce pavillon, les équipages ne comprennent plus que 35% de marins français et ce sont les lois sociales et fiscales des TAAF qui s’appliquent. En 1996 c’est l’ensemble de la flotte pétrolière française (14 bateaux) qui arbore le pavillon Kerguelen. Mais le registre TAAF n’est qu’une réponse partielle à la crise car tous les pays européens adoptent des registres internationaux (dits « bis ») qui leur permettent de recruter des équipages entiers à très bas coût.

      Après l’abandon d’une flotte en propre par le groupe Total puis la vente de CNN, dernier armateur français, en 1998, tous les tankers transporteurs de brut sont de propriété étrangère. C’est la fin des illusions françaises.

      Aujourd’hui l’essentiel de la flotte mondiale circule sous pavillons de complaisance. Elle est répartie entre 350 compagnies qui siègent dans 50 pays. Les Majors ne possèdent plus que 4% du tonnage mondial. Les efforts de l’Etat français pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en pétrole ne portent plus sur le brut mais sur le transport des produits raffinés (3).

       

      Notes :

      (1) Benoît Doessant, L’ère des superpétroliers, Editions universitaires François Rabelais, Tours, 2022. (2) Marché spot : appelé aussi « marché au comptant ». Dans ce cas,les actifs négociés font l’objet d’une livraison et d’un règlement instantanés. (3) En dehors de l’évolution de la taille des navires pétroliers, la double coque représente une innovation technologique importante pour limiter le risque des pollutions. L’échouement du pétrolier Exxon Valdez en 1989 a joué un rôle important dans l’essor de cette technologie en suscitant de nouvelles réglementations maritimes.

       

      Michèle Vignaux, mai 2023

    • sur Suivi du réservoir de Kakhovka par satellite

      Publié: 11 June 2023, 7:35pm CEST par Simon Gascoin

      La rupture du barrage de Kakhovka au sud de l’Ukraine a eu lieu tôt le matin du 6 juin 2023.

      L’évolution de la hauteur d’eau du lac mesurée par altimétrie satellite est disponible sur Hydroweb. On peut constater que le niveau du lac est passé de 13,80 m le 8 juin à 08:18 à 11,86 m le 9 juin à 08:28, soit une baisse proche de deux mètres en 24h. La surface du lac Kakhovka dans la base OpenStreetMap est 2055 km2 (*). Donc en négligeant les apports en amont du réservoir et l’évaporation, on peut estimer le débit sortant en m3/s : 2055 km2 × 2 m / jour = 2055’000’000 × 2 / (24 × 3600) = 48’000 m3/s. A titre de comparaison, ce débit est similaire à celui du fleuve Congo, ou bien cent fois celui de la Seine.

      ImageHauteur d’eau du réservoir de Kakhovka. Les données proviennent de trois satellites : Sentinel-6A (track number: 42), Sentinel-3A (track number: 197, 311, 584, 698) et Sentinel-3B (track number: 311,425,698).

      La vidange du lac se voit aussi par imagerie optique. La bande infrarouge du capteur OLCI du satellite Sentinel-3 permet de bien distinguer la surface inondée en aval du barrage autour de Kherson [voir dans le EO Browser].

      Images Sentinel-3 du 5 juin et 7 juin 2023

      Ces images ont une résolution assez faible (300 m/pixel) donc on ne peut pas vraiment zoomer davantage sur Kherson. Pour cela il faut chercher des images Sentinel-2 à 20 m de résolution. Malheureusement, la fréquence de revisite de Sentinel-2 est plus faible et les inondations autour de Kherson sont cachées par des nuages dans l’image Sentinel-2 du 8 juin. En revanche, les images radar du satellite Sentinel-1 ne sont pas obstruées par les nuages et révèlent les zones inondées (baisse de la rétrodiffusion = teintes plus sombres) [EO Browser] :

      Images Sentinel-1 la de rétrodiffusion en polarisation VV du 28 mai et 9 juin

      Les images Landsat montrent aussi l’ampleur des inondations. La montée des eaux dans le fleuve Dniepr a même causé la remontée du niveau de l’eau dans son affluent l’Inhoulets !

      Images Landsat du 01 et 09 juin 2023 (composition colorée avec la bande infrarouge)

      Sentinel-2 nous permet tout de même de voir le retrait du lac en amont du barrage. Vers Marianske, le trait de côté a reculé de plusieurs centaines de mètres en trois jours.

      Images Sentinel-2 du 5 juin et 8 juin 2023

      Toutes ces images et données sont publiques et peuvent être diffusées librement.

      (*) On peut récupérer le polygone du lac via le plugin QuickOSM par exemple en recherchant la clé wikidata donnée sur openstreetmap.

      et calculer sa surface via le menu vecteur > ajouter les attributs de géométrie (attention à bien sélectionner « Ellipsoïdale » ou bien d’utiliser un système de projection adapté au calcul des aires).

      Pour s’assurer que le polygone est correct on peut l’exporter en GeoJSON ou KML et le superposer à une image satellite (ici Sentinel-3 09/06/2023) dans le EO Broswer.

      Pour en savoir plus sur Hydroweb : Cretaux J-F., Arsen A., Calmant S., et al., 2011. SOLS: A lake database to monitor in the Near Real Time water level and storage variations from remote sensing data, Advances in space Research, 47, 1497-1507 [https:]]

      Photo du barrage de Kakhovka par Lalala0405 (Avril 2013) CC BY-SA 3.0, [https:]]

    • sur Dancing statistics

      Publié: 10 May 2023, 7:20pm CEST par Françoise Bahoken

      Avertissement.
      Ce billet ne traite pas de cartographie, mais de statistiques et de (choré)graphie.
      Il n’en demeure pas moins intéressant, je vous l’assure !

      Alors imagines, tu aimes bien la cartographie et la chorégraphie, plus généralement la représentation graphique de données … les statistiques. Et puis un jour, frais et pluvieux, en procrastinant sur le site de la jolie revue Images des maths, tu tombes sur un court billet d’Avner Bah-Hen (professeur de Statistiques), intitulé Statistiques et danse pour l’enseignement (voir) et donc qui parle de ça :

      Dancing Statistics c’est le nom d’un projet de courts métrages de la British Psychological Society pour aider le public non matheux de formation à comprendre les statistiques. Le projet porté par Lucy Irving  de Middlesex University & Andy Fields de l’University of Sussex vise à présenter des concepts et notions de statistique sous une forme moderne et dansée (danse moderne, of course).

      Pour cela ils mobilisent une population d’individus, à savoir une petite troupe où les individus sont des danseurs et danseuses contemporain.e.s, positionnés comme suit au départ d’un sujet.

      La chorégraphie à laquelle ils et elles prennent part est visualisée en vue de dessus et logiquement accompagnée de musique. Elle se déploie sur une scène qui, parce qu’elle est munie d’axes et de positions tracés au sol facilite, d’une part, le repérage rapide de leurs positions relatives les unes par rapport aux autres, fussent-ils et elles en mouvement ; elle permet d’autre part aux spectatrices de visualiser les éléments clés de concepts et notions usuel.le.s des statistiques ainsi dansés.

      Jugez-en par vous même ci-dessous en regardant cette première danse présentant la distribution de fréquence.

       

      D’autres vidéos sont également disponibles :

      Corrélations

      Échantillonnage et erreur standard

      Variance

       

      Françoise Bahoken

      Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.

      More Posts

    • sur Appel à communications : “Art(s) et Cartographie(s)”, date-butoir : 31 mai 2023

      Publié: 3 May 2023, 11:21am CEST par catherinevhofmann

      La Commission Histoire du Comité Français de Cartographie organise le 25 novembre 2023 à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris une Journée d’études intitulée « Art(s) et cartographie(s) ».

      Par-delà les études classiques sur la place spécifique de la cartographie dans l’histoire des savoirs scientifiques, et les analyses répétées sur les engagements de la cartographie (et des cartographes) dans diverses opérations politiques, il est nécessaire d’envisager les relations de la cartographie avec les arts et les artistes ainsi que ses formes d’implication dans les cultures visuelles des sociétés modernes et contemporaines. Les recherches sur ce sujet sont déjà nombreuses, et fructueuses, et ont permis d’établir de façon décisive les multiples niveaux et formes d’interaction entre les mondes de la cartographie et les mondes de l’art.

      Cette Journée d’études souhaiterait être l’occasion de rassembler et de confronter quelques-unes des pistes principales de la recherche actuelle et, en ce sens, elle accueillera des propositions dans plusieurs directions :

      1/ Les artistes et la cartographie

      Les artistes, depuis longtemps, ont mobilisé la cartographie dans leurs œuvres et ont eux-mêmes dessiné des cartes. Des peintres furent impliqués à la Renaissance dans la réalisation des cartes à grande échelle ; les « pourtraiteurs » au service des corps de ville ont  pleinement participé au renouvellement de la cartographie urbaine et de la chorographie à l’époque moderne ; les ingénieurs des Ponts et Chaussées au XVIIIe siècle étaient formés à la cartographie comme au dessin de paysages. Aujourd’hui, de nombreux artistes font de la cartographie un domaine d’investigation privilégié. Ils et elles conçoivent des cartes, ou bien utilisent des cartes déjà faites, les transforment, les assemblent, ou les insèrent dans leurs œuvres. La cartographie est un champ d’actions artistiques très variées et, parfois même, une forme de l’art. On aimerait, au cours de cette Journée d’études, réunir des contributions qui viendraient à la fois illustrer et interroger cette longue fréquentation des artistes et de la cartographie. Les propositions peuvent aborder les périodes les plus anciennes comme les contemporaines.

      2/ La cartographie et les métiers d’art

      De façon plus spécifique, on aimerait aussi interroger les circulations professionnelles, les transferts et transmissions de pratiques, entre art et cartographie, là encore sur un temps long. Quels sont les métiers d’art impliqués dans les opérations de fabrication des cartes ? Comment, par exemple, s’articulent en termes de pratiques et d’identités professionnelles, les intentions scientifiques, informationnelles, et les motivations décoratives, ornementales, ou symboliques ? Ou bien, autre exemple, peut-on dégager la présence de « styles » ou d’« écoles » dans l’écriture des cartes ? Ou encore, peut-on repérer les trajectoires par lesquelles les cartes sont introduites, reproduites et mobilisées dans les entreprises de divertissement et plus généralement dans les cultures visuelles de leur époque ?

      3/ Cartographie, collections, et marché de l’art

      Les cartes sont des objets, parfois luxueux, souvent conservés et exhibés (ou au contraire dissimulés) comme des pièces précieuses. Et, à cet égard, elles sont recherchées par des spécialistes, des amateurs, des collectionneurs fortunés, mais aussi des institutions publiques de conservation et de documentation. Autrement dit les cartes, au-delà de leur dimension cognitive, ont d’autres valeurs, tout à la fois affectives, symboliques, patrimoniales, et marchandes, et à ce titre leur circulation dans le public dépend aussi des possibilités et des contraintes du marché. Cette Journée réunira des contributions qui voudront mener l’interrogation dans cette direction : la carte comme objet de collection, comme objet convoité, exhibé pour le prestige ou dissimulé à des fins de capitalisation. Elle aimerait mettre en lumière le rôle décisif des collectionneurs, curateurs, ou autres animateurs du marché, dans la circulation des objets cartographiques et, au-delà, des contenus de connaissance que ces objets véhiculent.

      Modalités pratiques

      Les propositions de communication (environ 1500 signes), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer à l’adresse suivante : catherine.hofmann@bnf.fr

      avant le 30 avril 2023.

      Le comité de sélection se réunira en mai et communiquera les résultats de l’appel à communication courant juin. Les communications retenues auront vocation à être publiées dans un numéro de la revue du Comité français de cartographie, Cartes & Géomatique, au courant de l’année 2024.

      Bibliographie indicative

      Ouvrages

      Baynton-Williams Ashley, The curious map book. Chicago, The University of Chicago Press, 2015, 240 p.

      Besse Jean-Marc et Tiberghien Gilles A. (ed.), Opérations cartographiques, Arles : Actes Sud ; [Versailles] : ENSP, 2017, 1 vol. (345 p.)

      Béziat Julien, La carte à l’oeuvre : cartographie, imaginaire, création, Pessac : Presses universitaires de Bordeaux : Centre de recherche CLARE-ARTES, 2014, Collection ARTES, 1 vol. (162 p.)

      Buci-Glucksmann Christine, L’oeil cartographique de l’art, Paris : Galilée, 1996, 1 vol. (177 p.)

      Cartwright William, Gartner Georg, Lehn Antje (ed.), Cartography and art, New-York : Springer, 2009, collection : Lectures Notes in Geoinformation and Cartography, 1 vol. (391 p.)

      Casey Edward S., Earth-mapping : artists reshaping landscape, Minneapolis : University of Minnesota Press, 2005, 1 vol. (242 p.)

      Castro Terasa, La Pensée cartographique des images. Cinéma et culture visuelle, Lyon, Aléas, 2011.

      Cosgrove Denis, Apollo’s eye : a cartographic genealogy of the earth in the western imagination. Baltimore ; London : Johns Hopkins university press, 2001, 1 vol. (331 p.)

      Dorrian Mark and Pousin Frédéric (ed.), Seeing from above : the aerial view in visual culture. London : I.B. Tauris, 2013, 1 vol. (312 p.)

      Dryansky Larisa, Cartophotographies : de l’art conceptuel au land art, [Paris] : CTHS : INHA, Institut national d’histoire de l’art, 2017, 1 vol. (335 p.)

      Ferdinand Simon, Mapping beyond measure : art, cartography, and the space of global modernity, Lincoln : University of Nebraska Press, 2019, 1 vol. (298 p.)

      Field Kenneth, Cartography : a compendium of design thinking for mapmakers, Redlands, California : Esri Press, 2018, 1 vol. (549 p.)

      Harley John B. and Woodward David; Monmonier Mark; Edney Matthew H. and Pedley Mary Sponberg (ed.), The history of cartography, Chicago ; London : The University of Chicago press, 1987-, vol. 1- 4, 6. [Volumes 1, 2, 3 et 6 accessibles en ligne sur le site de l’éditeur : https://press.uchicago.edu/books/HOC/index.html]

      Harmon Katharine, You are here : personal geographies and other maps of the imagination. New York : Princeton architectural press, 2004, 1 vol. (191 p.)

      Hofmann Catherine (ed.),  Tesson Sylvain  (préf.), Artistes de la carte : de la Renaissance au XXIe siècle : l’explorateur, le stratège, le géographe, Paris : Autrement, 2012, 1 vol. (223 p.)

      Landsman Rozemarijn, Vermeer’s maps, New York, The Frick Collection, DelMonico Books, 2022, 128 p.

      Lewis-Jones Huw, The Writer’s map : an atlas of imaginary lands, Chicago : The University of Chicago Press, 2018, 1 vol. (256 p.)

      Paez Roger, Operative mapping : maps as design tools. New York : Actar Publishers ; [Barcelona] : ELISAVA, 2019, 1 vol. (327 p.)

      Rodney Shirley, Courtiers and cannibals, angels and amazons: the art of the decorative cartographic titlepage, GH Houten : HES & DE GRAAF, 2008, 1 vol. (272 p.)

      Schulz Juergen, La cartografia tra scienza e arte : carte e cartografi nel Rinascimento italiano, Modena : F. C. Panini, 2006, 1 vol. (202 p.)

      Woodward David (ed.), Art and cartography: six historical essays, Chicago ; London, University of Chicago press, 1987, collection : The Kenneth Nebenzahl Jr. lectures in the history of cartography, 1 vol. (249 p.)

      Catalogues d’expositions (par ordre chronologique)

      Cartes et figures de la terre [Exposition, Centre Georges Pompidou, Paris, 24 mai-17 novembre 1980]. Paris : Centre Georges Pompidou, Centre de création industrielle, 1980, 1 vol. (479 p.)

      Monique Pelletier (ed.), Couleurs de la Terre : des mappemondes médiévales aux images satellitales. [Exposition. Paris, BnF, « Figures du ciel et Couleurs de la Terre », 8 octobre 1998-10 janvier 1999]. Paris : Seuil : BnF, 1998, 1 vol. (175 p.)

      Barber Peter and Harper Tom, Magnificent maps : power, propaganda and art [Exposition. Londres, British Library. 2010]. London : The British Library, 2010. 1 vol. (176 p.)

      Monsaingeon Guillaume (ed.), Mappamundi, art et cartographie [Exposition, Toulon, Hôtel des arts, Centre d’art du Conseil général du Var, 16 mars-12 mai 2013], Marseille : Parenthèses, impr. 2013, 1 vol. (190 p.)

      Gehring Ulrike, Weibel Peter (ed.), Mapping spaces : networks of knowledge in 17th century landscape painting [Exposition, ZKM Museum of contemporary art, Karlsruhe, April 12 – July 13, 2014], Munich : Hirmer, 2014, 1 vol. (504 p.)

      Harper Tom (ed.), Maps and the 20th century : drawing the line [Exposition, British Library exhibition, 4 November 2016 – 1 March 2017]. London : British Library, 2016, 1 vol. (256 p.)

      Dumasy-Rabineau Juliette, Gastaldi Nadine, Serchuk Camille, Quand les artistes dessinaient les cartes : vues et figures de l’espace français, Moyen âge et Renaissance [exposition, Paris, Hôtel de Soubise-Musée des Archives nationales, 25 septembre 2019-6 janvier 2020], Paris : le Passage : Archives nationales, 2019, 1 vol. (239 p.)

    • sur Penser un monde sans frontières depuis l’Afrique

      Publié: 20 April 2023, 6:22pm CEST par Françoise Bahoken

      Ce n’est pas tous les jours que je peux me vanter d’être la co-autrice d’un document signé de la main d’Achille Mbembé, historien et politologue camerounais, diplômé de l’université Panthéon-Sorbonne Paris 1 et de Sciences Po Paris, avant d’être professeur d’histoire (de l’Afrique) aux États-Unis. Éminent penseur francophone sur l’Afrique post-coloniale et le pouvoir, il tire sa notoriété notamment de son esprit critique sur la décolonisation, les relations France-Afrique et le pouvoir de l’ancien colon français ; esprit qu’il exerce aujourd’hui en vrai globe penseur » depuis Johannesburg où il est installé.

      Cette opportunité m’a été proposée par Migreurop, pour la réalisation d’un chapitre de l’Atlas des migrations dans le monde (2022) intitulé Penser un monde sans frontières depuis l’Afrique. Sont présentés ci-après quelques passages ainsi que la carte associé.e.s, le texte intégral étant disponible sur Cairn, mais pour abonné.e.s de l’ESR seulement – m’en faire la demande si souhaité.

      « Décider qui peut se déplacer, s’installer, où et dans quelles conditions, est aujourd’hui au cœur des luttes politiques. Comment repenser l’utopie d’un monde sans frontières et partant, d’une Afrique sans frontières ?

      Il faut partir du concept de libre circulation, en l’opposant aux conceptions africaines précoloniales du mouvement dans l’espace. Dans le modèle libéral classique, la sécurité et la liberté ont été définies comme un droit d’exclusion : l’ordre consiste à garantir l’ordonnancement inégal des relations de propriété. Affirmer les frontières de la nation, c’est affirmer les frontières de la race, donc donner une définition adéquate des frontières du corps, et de la centralité du corps dans le calcul de la liberté et de la sécurité.

      L’Afrique précoloniale n’était sans doute pas un monde sans frontières (du moins pas au sens propre), mais les frontières existantes étaient toujours poreuses et perméables. Comme en témoignent les traditions de commerce à longue distance, la circulation était (et est toujours) fondamentale dans la production de formes culturelles, politiques, économiques, sociales et religieuses. S’arrêter, c’est prendre des risques ; pour survivre, il faut être constamment en mouvement, particulièrement en situations de crise. 
      (…)
      On retrouve cela dans les réseaux et les carrefours (qui sont importants dans la littérature africaine), ainsi que dans les flux de personnes et les flux de nature, tous deux en relation dialectique : dans ces cosmogonies on ne peut imaginer les individus sans ce que nous appelons la nature. (…) ».

      L’idée à l’origine de la carte qui suit était d’illustrer cette assertion d’Achille Mbembé en montrant que l’Afrique n’est pas un endroit statique, immobile mais une terre truffée de mouvements à la faveur de diverses infrastructures de transport. Pour cela, il a fallu tenter de les cartographier de la manière la plus complète possible, même si l’exhaustivité est illusoire. Plusieurs sources d’information libres et gratuites ont ainsi dû être mobilisées, gérées simultanément et harmonisées pour pouvoir être représentées de manière lisible. 

      Pour une Afrique des circulations et une circulation en Afrique

      Source : Atlas des migrations dans le monde (2022).

      L’Afrique dans son entièreté est striée de part et d’autre de linéaires de réseaux terrestres, routiers ou fluviaux, maritimes et aériens (non représentés) qui prennent place à différentes échelles ; un gigantesque réseau transafricain étant d’ailleurs en projet. Ces réseaux sont eux-mêmes ponctués de carrefours et autres hubs d’accès qui structurent les mouvements des personnes, des animaux, des monnaies et des biens, des savoirs et des religions en Afrique depuis plusieurs siècles. Si ces réseaux permettent de parcourir le continent depuis la nuit des temps, n’oublions pas que cela n’est pas toujours très facile : les infrastructures s’articulant parfois tant bien que mal avec la topographie locale, un environnement naturel et des conditions climatiques parfois difficile qui contraignent localement les libres circulations.

      « (…) Le partage de l’Afrique au 19e siècle et le découpage de ses frontières selon les lignes coloniales ont transformé le continent en un immense espace carcéral, et chacun d’entre nous en un.e migrant·e illégal·e potentiel·e, incapable de se déplacer sauf dans des conditions de plus en plus répressives. Nous piéger est devenu la condition préalable à l’exploitation de notre travail, c’est pourquoi les luttes pour l’émancipation ont été si étroitement liées aux luttes pour le droit de circuler librement. Si nous voulons parachever la décolonisation, nous devons faire tomber les frontières coloniales et faire de l’Afrique un vaste espace de circulation pour elle-même, pour ses descendant·e·s et pour toutes les personnes qui veulent lier leur destin à notre continent. »

      Référence :
      Mbembe, A. & Bahoken, F. (2022). Penser un monde sans frontières depuis l’Afrique. Dans : Migreurop éd., Atlas des migrations dans le monde: Libertés de circulation, frontières et inégalités (pp. 144-147). Paris: Armand Colin.  [https:]]

      Billet lié : Françoise Bahoken (2022) Atlas des migrations dans le monde, Carnet néocartographique.

       

      Françoise Bahoken

      Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.

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    • sur Comment tester la lisibilité d’une composition graphique avec un modèle d’IA ?

      Publié: 18 April 2023, 8:09am CEST par Laurent Jégou
      L’analyse d’image par réseaux de neurones

      Avec les systèmes d’Intelligence Artificielle (‘IA’) du type “réseaux de neurones“, il est aujourd’hui possible de simuler l’importance visuelle des éléments d’une image, c’est-à-dire l’ordre et la durée avec laquelle les différentes parties  de l’image vont être perçues par un observateur lambda. On parle aussi de saillance visuelle, pour qualifier l’effet de sauter aux yeux.

      L’intérêt de ces méthodes réside dans leur capacité à indiquer les éléments les plus lisibles d’une image, les plus saillants, donc sa hiérarchie visuelle :

      • Pour vérifier que sa composition graphique (mise en page, planche de cartes…) est bien organisée et de manière efficace (du point de vue de la lisibilité, de la structuration et de la quantité d’information).
      • Pour évaluer la lisibilité de choix esthétiques plus originaux, artistiques.

      Ces outils peuvent ainsi simuler les réactions de perception visuelle humaine, si on les entraine sur un corpus d’images pré-analysées par des humains. Ainsi, l’algorithme va dégager des règles de perception de son corpus d’entraînement et pourra les reproduire sur de nouvelles images.

      Pendant longtemps, ces algorithmes étaient utilisés pour guider des véhicules à partir d’images de caméras, car la demande est forte pour les véhicules autonomes. En 2020, des chercheurs du M.I.T et d’Adobe ont l’idée d’entraîner un réseau de neurones à partir d’images de composition graphique (graphic design) : des posters, des cartes, des tableaux de bord de données… 1000 images ont ainsi été étudiées par 250 personnes, à qui on a demandé de désigner les zones les plus importantes, dans l’ordre de lecture.

      Le résultat, le modèle UMSI (Unified Model of Saliency and Importance), est très intéressant (dernière colonne de l’image ci-dessous), d’autant plus que l’article, le code et les données (le modèle résultat de l’analyse du corpus) ont été rendus disponibles (pour une utilisation non commerciale) :  predimportance.mit.edu

      Comparaison des résultats de l’algo. UMSI aux autres modèles (source : Fosco et al., 2020).

      L’algorithme est ainsi utilisable via un carnet interactif Python, hébergé sur GitHub et mis à disposition via une machine virtuelle Binder, le tout gratuitement. Cette installation a été produite pour l’école thématique “TransCarto” du CNRS, en octobre 2021, pour illustrer une présentation sur les images cartographiques.

      Comment utiliser librement cet outil ?

      Pour l’école thématique TransCarto, un carnet interactif Python a été préparé, à partir du carnet source de l’article (fork). Il s’agit d’une page web interactive qui permet d’exécuter du code Python dans une machine virtuelle, à distance, et de récupérer les résultats des traitements. Ce carnet, de type Jupyter Notebook, est hébergé gratuitement dans le gestionnaire de code source GitHub de TransCarto, et il peut être exécuté tout aussi gratuitement via le service Binder.

      1. Se rendre sur la page GitHub de TransCarto : github.com/transcarto
      2. Choisir le dépôt “PredImportance-public” : ./transcarto/predimportance-public
      3. Cliquer sur le bouton “Binder” Launch Binder

       

      Accueil de Binder

      Le carnet Jupyter se lance au bout d’un moment plus ou moins long d’initialisation (plusieurs minutes la première fois, avec parfois des plantages, car c’est une ressource gratuite et partagée). Lorsqu’il est démarré, le carnet affiche la liste des fichiers du carnet, il faut choisir le fichier qui contient le notebook par un double-clic sur transcarto_umsi.ipynb

      Accueil carnet, choix du fichier ipynb

      Ce carnet fonctionne suivant le principe général des carnets de code interactif : des cellules sont modifiables et exécutables (bouton flèche triangulaire en haut du carnet), on les édite (éventuellement), puis on les lance une à une pour dérouler l’algorithme petit à petit, du haut vers le bas.

      Le fait que le code soit modifiable permet de :

      • modifier les fichiers image à analyser (deux images sont fournies par défaut)
      • modifier les réglages de l’algorithme (éventuellement, par exemple la palette de couleurs)
      Les étapes du carnet

      Début du carnet python

      On va décrire ici les différents blocs de code du carnet, leur fonction et leur modification potentielle.

      • 1°) Le premier bloc est constitué de commentaires sur les prérequis à l’utilisation du code en local. Dans l’image Binder, les pré-requis ont été fournis par le fichier requirements.txt du dépôt (qui sera mis à jour régulièrement pour tenir compte des versions des modules accessibles par Binder, qui évoluent selon les mises à jour de sécurité).
      • 2°) Le deuxième bloc réalise les imports du carnet, c’est à dire le chargement des bibliothèques de fonctions utiles, notamment TensorFlow/Keras qui gère le modèle de réseau de neurones. Lors de l’exécution de ce bloc, des messages s’affichent dans la zone de résultat du bloc, ce sont des informations non bloquantes pour la suite du processus.
      • 3°) Le troisième bloc contient les fonctions auxiliaires (ouverture et adaptation des images), qui sont appelées par le code principal (bloc 6 – Predict Maps).
      • 4°) Le quatrième bloc va télécharger (dans l’image Binder) le (gros) fichier du modèle UMSI, c’est à dire le réseau de neurones et les pondérations issues de l’expérience des 250 participants sur les 1000 images. Ce fichier est stocké sur un serveur externe, car sa taille (115Mo) dépasse le volume autorisé par GitHub en accès gratuit. À l’exécution, ce bloc produit lui aussi des messages d’information non bloquants (chargement, erreurs/problèmes de configuration matérielle).
      • 5°) Le cinquième bloc est celui qui permet de choisir ses propres images JPEG à analyser, en fournissant une ou deux URLs vers ces images. Une fois exécuté, il affiche les images et leur éventuel redimensionnement (bandes noires).

      image1_url = ‘ [https:]
      image2_url = ‘ [https:]

      Chargement d'images externes

      • 6°) Le sixième bloc ne contient qu’une seule ligne, mais c’est celle qui lance le traitement des images, en appelant les fonctions auxiliaires évoquées plus haut.
      • 7°) Enfin, le septième bloc produit les images de résultat : images source, “carte” de saillance selon une palette bleu/vert/jaune (viridis), et superposition en transparence des deux.
        -> Il est possible de les télécharger par un shift+clic droit.

      Résultats

      On peut générer une image de résultat (carte de saillance) en utilisant le bloc de code vide en bas du carnet.

      Il faut pour cela saisir la ligne de code suivante, en utilisant les numéros des images (0 et 1) :

      plt.imshow(pred_batch[0])

      Export

      Le choix de la palette de couleurs de la carte de saillance peut se faire parmi les palettes disponibles dans la bibliothèque de fonctions MatPlotLib. Il faut préciser le nom de la palette dans la ligne de code suivante du bloc 7, en remplacement de “viridis” :

      # Overlay heatmap on image
      res = heatmap_overlay(im,pred_batch[i],’viridis’);

      Enfin, comme le code source du carnet est librement accessible, on peut en télécharger une version pour l’exécuter en local sur sa machine, à la condition d’avoir installé les différents prérequis (Python 3.7, TensorFlow, etc.) et de posséder le matériel compatible pour les calculs (GPU vidéo de marque Nvidia).

      Interpréter les résultats

      Les résultats s’interprètent selon la palette de couleur.

      Palette viridis

      Palette Viridis

      Carte de saillance viridis

       La “carte” de saillance seule, selon la palette viridis

      Anamorphose à analyser

      L’image d’origine (pour comparaison)

      Les parties en jaune vif de l’image résultat sont considérées par l’outil comme étant saillantes, c’est à dire qu’elles correspondent à des régions et à des couleurs qui ont été repérées par les sujets qui ont entraîné le modèle. Elles seront donc généralement vues en premier et attireront le plus l’attention.

      À partir de ce constat, on peut comparer la “carte” de saillance avec l’image d’origine et sa structure, sa hiérarchie d’information, pour voir si ces zones correspondent :

      • Est-ce que les zones les plus saillantes de la carte de saillance (en jaune) sont aussi celles qui sont intéressantes pour commencer la lecture progressive de l’image et bien en comprendre le contenu ? (titre, légende, parties importantes de la carte)
      • Réciproquement, il faut se demander si les zones de la carte d’origine que l’on considère importantes pour la compréhension sont bien saillantes sur l’image générée par l’outil.

      Logiquement, le titre principal, bien lisible (position, taille de la police, isolement et contraste), est bien repéré comme saillant visuellement (partie horizontale jaune en haut de la carte de saillance). Ensuite, les zones saillantes sont localisées de manière moins interprétable, sur l’Europe de l’ouest dans la carte de gauche et sur la mer Rouge dans la carte de droite de la planche d’origine. Une explication pourrait être la position des “taches” rouges contrastées (sur fond blanc) dans l’ordre de lecture gauche-droite puis haut-bas. C’est peut-être un biais de cet outil de simulation, à vérifier en comparant avec d’autres analyses de compositions graphiques. 

      On remarque aussi des valeurs faibles de saillance qui sont intéressantes, notamment sur les légendes (qui devraient pourtant être saillantes pour une bonne compréhension des images), et sur les pays en rouge du haut de la carte de droite (où le phénomène de vieillissement est important). Les dates des deux images ne sont pas saillantes du tout, ce qui rend la compréhension de la planche complexe.

      En conséquence, pour améliorer l’efficacité de cette planche cartographique, on pourrait tester :

      • une réorganisation de la mise en page (pour placer les cartes verticalement)
      • un changement de la palette de couleurs des cartes ?
      • une augmentation de la visibilité des légendes
      • une augmentation de la visibilité des dates des deux cartes

      Il restera à tester l’analyse sur ces nouvelles versions !

       

      Laurent Jégou

      Enseignant-chercheur en géographie et géomatique, Univ. Toulouse-Jean Jaurès et UMR LISST-Cieu.

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    • sur C’est le printemps … des cartes !

      Publié: 17 April 2023, 2:36pm CEST par Françoise Bahoken

      La question demeure : où placer la limite, que définit la limite ? Une topologie de l’espace qui nous correspond (peut-être), et qui entoure ce « nous » qui reste parfois à définir.
      Christine Plumejeaud, 2023.

      Le printemps des cartes, c’est le nom d’un festival annuel de médiation scientifique organisé depuis 2018 autour des cartes et de cartographies de toutes sortes, par un collectif de ge?ographes, cartographes, artistes et passionne?s de la carte à Montmorillon. Issu d’une collaboration entre l’Universite? de Poitiers, la MJC Claude Nougaro de Montmorillon et l’Espace Mende?s France de Poitiers, le festival illustre Montmorillon, une bourgade de la Vienne déjà rendue célèbre par ses éditions cartographiques et qui l’est désormais d’autant plus qu’elle accueille un festival de cartographie.

      Le programme proposé cette année est très ambitieux, puisqu’il est question de la représentation des frontières pour (nous) aider à (nous) ouvrir à un monde qui n’a de cesse de se fermer ces derniers temps. Pour cela, le festivalier est invité à accueillir les beaux jours, en dépassant les frontières …

      … grâce au concours d’une brochette de cartographes témoignant de la variété du métier et aussi de son dynamisme, sans cesse maintenu depuis la nuit des temps.

      Le Festival de Montmorillon est composé de 8 rubriques principales de tous niveaux et accessibles à toutes et à tous.

      Aussi riches et fournies les unes que les autres, les différentes rubriques sont combinées dans un programme à la carte qui évoque, par son motif à la Perpillou [mon grand cousin me souffle à l’oreille qu’on dit « carte en pyjama »] celui du Festival International de Géographie de Saint-Dié des Vosges.
      Plus sérieusement, le programme permet d’alterner entre des conférences, des ateliers, des jeux grandeur nature et des sorties terrains, des tables rondes et des expositions … autrement dit entre des visions scientifiques, des présentations techniques-métiers, des expositions artistiques et/ou ludo-éducatives de cartes et autres processus cartographiques.
      Ce qui est m’apparaît intéressant est qu’on voit cohabiter plein de vues différentes : des approches réflexives au sein de présentations pointues et des dispositifs légers plutôt destinés au grand public, à l’information mais aussi à la rêverie. Les propositions sont en effet organisées autour de férus de cartographie qui sont soit très connus, par leur présence dominante dans les médias et pour cause, il s’agit de nos camarades du quotidien le Monde (l’excellent Xémartin Laborde et ses collègues) que l’on ne présente plus, ou soit des collègues mobilisés pour la journée d’étude organisée par l’Atlas historique de la nouvelle Aquitaine et que je salue au passage.

      La journée étant dédiée aux frontières, une présentation régalienne du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères est organisée sur le rôle du cartographe dans la délimitation du territoire, dans l’écriture, dans « l’élaboration de la frontière ». Rien que àa.

      Les présentations éducatives réalisées à destination d’un public de scolaires ne sont pas en reste : on notera le Forum climat organisé à la MJC de Montmorillon entre des élus et élèves ou encore l’exposition Habiter la terre formée de maquettes réalisée par des sixièmes ; ces dernier.e.s pourront ensuite s’amuser avec Zeplindejeux de cartes à jouer pour ne citer qu’eux.

      La cartographie se vivant également à Montmorillon, le Festival vous conduira à arpenter le terrain pour admirer les différentes propositions, mais aussi participer activement à la fabrication de cartes, que ce soit dans le cadre d’une party organisée avec vos amis autour d’Open Street Map avec CartoONG, lors d’un atelier à terre de (dé)construction cartographique avec Anne Lascaux, ou bien la tête dans les étoiles, au planétarium de l’espace PMF. Vous pourrez également vous promener en « cartomobile » avec Morgane Dujmovic [Coucou’ Morgane, mais qu’est-ce que c’est ?], à moins que vous ne préfériez une immersion dans le 7e art proposée par Marina Duféal, pour explorer la relation entre la carte et le cinéma.

      Bref, il y a de quoi faire, voir, entendre, pratiquer et cheminer sur ou avec des cartes à Montmorillon, et même en manger des cartes, à la carte (si si si, je vous l’assure, Christophe Terrier que j’avais pu rencontrer autour de cartes, non de tartes en cartes il y a quelques années, y propose des Modèles Numériques de Terrain [carte en relief et 3D] au chocolat, pour les plus gourmand.e.s).

      Impossible de terminer ce petit billet sans mentionner que vous serez également pris en main par les étudiant.e.s de l’association Cassini des géographes poitevins qui vous apprendront à ne pas perdre le nord du langage cartographique, en réalisant une carte thématique –  qui en sera forcément une vraie –  avec magrit.

      Les carnetiers de Néocarto vous souhaitent un bon festival à Montmorillon.

      En savoir plus sur Le printemps des cartes

      Françoise Bahoken

      Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.

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    • sur Visualiser la première loi de la géographie de W. Tobler ? L’auto-corrélation spatiale

      Publié: 14 March 2023, 4:20pm CET par Françoise Bahoken

      Préambule : Ce travail s’inscrit dans le cadre des réflexions collectives menées dans le cadre du projet Tribute to Tobler – TTT. pour redévelopper les méthodes de Tobler dans des environnements contemporains de géovisualisation.

      Ce billet présente le Notebook Autocorrélation Spatiale [accéder] English version : Spatial Autocorrelationréalisé par Laurent Jégou (Univ. de Toulouse 2/UMR LISST) et publié le 14 mars 2023.

      “I invoke the first law of geography: everything is related to everything else, but near things are more related than distant things.”

      « J’invoque la première loi de la géographie : tout interagit avec tout, mais les objets proches ont plus de relations que les objets éloignés. » Tobler, 1970.

      Cette fameuse phrase est énoncée par Tobler en 1970, dans un article intitulé “A computer movie simulating urban growth in the Detroit region” publié dans la revue Economic geography, 46(sup1), 234-240 et disponible en ligne [PDF].

      Laurent Jégou indique que Tobler a lancé cette idée un peu comme une boutade lors d’une réunion de l’International Geographical Union en 1969, puis a creusé cette question dans un article de 1970. L’époque étant aux premières réflexions sur l’utilisation d’un ordinateur en géographie, cette hypothèse est devenue une question de recherche fertile, qui a produit de nombreuses autres publications. Elle était déjà apparue chez R.A. Fisher en 1935, mais n’avait pas connu le contexte favorable de la géomatique pour se développer.

      Cette “loi” est à l’origine des concepts de dépendance spatiale, de pondération des distances d’effets et d’autres analyses du rôle de l’espace et des distances. Nous allons nous intéresser ici à une famille d’indicateurs qui sont directement liés à la notion de relations spatialisées : l’autocorrélation spatiale.

      ***

      L’autocorrélation spatiale est le degré selon lequel les objets proches sont plus reliés entre eux qu’avec des objets lointains. Ainsi, elle mesure la façon dont la valeur d’une variable est semblable pour des objets spatialement proches.

      ***

      La mesure de l’autocorrélation spatiale implique donc de disposer d’une variable spatialisée et d’une métrique de distance, une façon de tenir compte de l’espacement géographique entre les objets.

      Plusieurs recherches ont proposé des indicateurs pour mesurer cette autocorrélation spatiale. Laurent Jégou présente d’abord les indicateurs globaux qui correspondent  à une valeur unique pour l’ensemble de la zone d’étude. Il s’agit de l’indice de contiguïté de Geary, ou “C de Geary” (Geary, 1954) et le I de Moran (1950). Le carnet présente ensuite les indicateurs locaux, tels que les versions locales du I de Moran et du C de Geary (Geary local et Getis&Ord) ; enfin ceux développés dans le champs de l’économétrie spatiale par Anselin (1995) sous le nom de LISA : Local Indicators of Spatial Association.

      Le carnet propose de visualiser l’utilisation de ces indicateurs, en utilisant un jeu de données statistiques sur les logements, les ménages et des jeux de test sur les départements métropolitains français (Sources INSEE et IGN).

      En fin de carnet, une carte interactive interactive est proposée représenter les différents indicateurs proposés, en jouant sur leurs paramètres : ci-après ceux qui ont permis de réaliser la carte précédente sur la part de résidences principales en 2019.

      Accéder à la version interactive pour réaliser une carte

      Réalisation : Laurent Jégou, 2023

      Références :

      – Laurent Jégou (2023) Autocorrélation Spatiale, Notebook Observable.
      – Waldo R. Tobler (1970), A computer movie simulating urban growth in the Detroit region, Economic geography
      – Anselin, L. (1995). Local indicators of spatial association—LISA. Geographical analysis, 27(2), 93-115. en ligne : [https:]]
      – Getis, A., & Ord, J. K. (1992). The analysis of spatial association by use of distance statistics. Geographical analysis, 24(3), 189-206., en ligne : [https:]]

      Voir aussi :

      TTT dans Neocarto
      La collection TTT des travaux en français de et après Tobler : hal.archives-ouvertes.fr/TTT/
      L’espace de travail collaboratif de TTT : ./tributetotobler/

      Françoise Bahoken

      Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.

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    • sur Journée d’études: “Numérisation 3D : le plan de Charleville, dit plan Dodet, 1724”, 6 avril 2023

      Publié: 13 March 2023, 5:17pm CET par catherinevhofmann
      Résultats du projet et perspectives Jeudi 6 avril 2023, 13 h 30 – 17 h 30 Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine, auditorium

      La journée sera également accessible en distanciel :

      [https:]]

      Réalisé en 1724 par l’architecte Nicolas Dodet pour Louis Henri de Condé, le plan dit Dodet est une représentation en trois dimensions de la ville de Charleville (Ardennes). Rappelant les plans reliefs construits à partir de la fin du XVIIe siècle, les élévations des façades des principaux bâtiments et des immeubles de la ville, dessinées sur papier fort, ont été collées perpendiculairement sur le réseau des rues et des places de sorte à former un plan « maquette ».

      En 2021-2022, une campagne de numérisation et de captation 3D du plan Dodet a été entreprise dans le cadre d’un partenariat entre les Archives nationales et le Centre Roland Mousnier (CNRS, Sorbonne Université). Elle a permis de réaliser un « jumeau numérique » du plan destiné à constituer une base de données sociodémographiques de la population de Charleville, de sa création au début du XXe siècle.

      Programme de la journée

      Introduction :

      13 h 45 : Un projet R&D mené en partenariat avec le Centre Roland Mousnier,

      CNRS – Sorbonne Université,

      par Bruno Ricard, directeur des Archives nationales

      CONTEXTE DU PROJET

      14 h

      À l’origine, ANR MPF (mobilités, populations, familles)

      par François-Joseph Ruggiu, professeur à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, Centre Roland Mousnier (CNRS, Sorbonne Université) et Maison française d’Oxford (CNRS, MEAE et Université d’Oxford)

      14 h 15

      Le partenariat scientifique entre les Archives départementales des Ardennes et Sorbonne Université pour l’exploitation du fonds déposé des archives communales de Charleville 

      par Léo Davy, directeur des Archives départementales des Ardennes

      14 h 30

      Le plan Dodet comme source historique de la connaissance de Charleville

      par Youri Carbonnier, professeur histoire moderne à l’Université d’Artois, Centre de Recherche et d’Etudes Histoire et Sociétés (CREHS), Arras

      14H45

      Le plan maquette de Charleville des Archives nationales : un objet original

      par Nadine Gastaldi, Mission Cartes et Plans, Archives nationales

      DE LA CONCEPTION A LA MODELISATION NUMERIQUE DU PLAN DODET

      15 h

      Conception et mise en place de la captation

      par Sylvain Rassat, ingénieur d’études au CNRS ; Marc Paturange, responsable de l’atelier de photographie, et William Siméonin, photographe, Archives nationales

      15 h 15

      Lasergrammétrie

      par Grégory Chaumet, ingénieur en numérisation et modélisation, Centre André Chastel, Sorbonne Université

      15 h 30

       La prise de vue

      par William Siméonin

      15 h 45

      Les post traitements pour élaborer l’objet numérique

      par Sylvain Rassat

      16 h  pause

      PERSPECTIVES

      16 h 15

      Finalisation du modèle 3D

      par Grégory Chaumet

      16 h 30

      Diffusion et médiation

      par Carole Marquet-Morelle, directrice des musées de Charleville-Mézières

      16 h 45

      Diffusion et archivage

      par Flore Hervé, responsable du département de l’image et du son, Archives nationales

      Découvrir la vidéo de présentation de la modélisation du plan « Dodet » [https:]]

      20230406_JE_Numerisation-3DTélécharger
    • sur Préparez la conférence QGIS FR avec QDT

      Publié: 12 March 2023, 6:20pm CET
      Afin de suivre au mieux les rencontres 2023 des utilisateurs francophones de QGIS, je vous propose de déployer facilement un profil QGIS avec tout ce qu'il faut dedans pour suivre les ateliers et présentations. Bonne conférence !
    • sur La vraie carte du monde (Chéri Samba)

      Publié: 9 March 2023, 11:34pm CET par Françoise Bahoken

      Samba wa Mbimba N’zingo Nuni Masi Ndo Mbasi dit Chéri Samba est un monument de l’art contemporain africain au point où je ne sais plus si je chérie ce Samba parce qu’il en est un porte-drapeau, de la peinture noire d’aujourd’hui, ou bien parce que j’apprécie ses œuvres, certaines d’entre elles mobilisant des représentations cartographiques du monde. CQFD.

      Chéri Samba émerge sur la scène artistique internationale en 1989, dans l’exposition Magiciens de la Terre qui avait présenté une centaine d’artistes contemporains « non occidentaux » à Paris : au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou et à la Grande Halle de la Villette, en même temps.

      La vraie carte du monde est depuis lors très connue des férus  de l’art contemporain africain. Acquise en 2012 par la Fondation Cartier pour l’art contemporain, cette œuvre a été notamment présentée en 2004, lors de l’exposition J’aime Chéri Samba ;, en 2011 lors de l’exposition Mémoires Vives et en 2015, lors de Beauté Congo 1926-2015 Congo Kitoko.

      La Vraie Carte du Monde (200 x 300 x 3 cm) met en scène un auto-portrait de son auteur placé au milieu d’un planisphère évoquant celui de Peters, mais renversé et aplati dans son hémisphère sud. L’ensemble est présenté sur un fond sombre, bleu nuit qui semble traduire un environnement au froid intense, qui s’oppose à la chaleur de terres flamboyantes.

      Le personnage apparaît comme incrusté dans la toile, au cœur même du planisphère. Il est vêtu d’un blouson aux motifs bleus (assortis au fond) qui évoquent un camouflage militaire ; il est surmonté d’un sweat-shirt zippé au ton blanc qui tranche à la fois avec le blouson et avec le col rayé de bandes rouge et noire.

      A l’exception de quelques terres bleuies, situées aux confins de l’hémisphère sud, les pays du monde sont dans l’ensemble représentés dans un dégradé de tons chauds allant du rouge au blanc, jusqu’au jaune dans sa partie centrale.

      La toile montre l’image d’un monde en feu en son cœur, qui pourrait logiquement évoquer l’urgence climatique contemporaine. Une urgence depuis laquelle émerge, tel un patriarche, un homme noir dénonçant en silence, avec un regard aussi profond que l’attitude et le sourire sont énigmatiques, le préoccupant état actuel du monde.

      Chéri Samba indique qu’il a eu l’idée de faire cette carte après avoir consulté l’ouvrage Mes étoiles noires de Lilian Thuram, duquel il s’est senti proche et responsable.

      C’est pourquoi il reprend un passage de l’ouvrage de Thuram qu’il mentionne telle une broderie, en fil blanc sur fond noir, au bas de la toile.

      « Non, cette carte n’est pas à l’envers… Les cartes que nous utilisons généralement placent l’Europe en haut et au centre du monde. Elle paraît plus étendue que l’Amérique latine alors qu’en réalité elle est presque deux fois plus petite : l’Europe s’étend sur 9,7 millions de kilomètres carrés et l’Amérique latine sur 17,8 millions de kilomètres carrés. Cette présente carte questionne nos représentations. En effet, le géographe australien Stuart McArthur, en 1978, a placé son pays non plus en bas et excentré, mais en haut et au centre. Cette carte résulte aussi des travaux de l’Allemand Arno Peters, en 1974, qui a choisi de respecter les surfaces réelles de chaque continent. Il montre, par exemple, que l’Afrique avec ses 30 millions de kilomètres carrés, est deux fois plus grande que la Russie qui compte 17,1 millions de kilomètres carrés. Pourtant, sur les cartes traditionnelles, c’est le contraire… Placer l’Europe en haut est une astuce psychologique inventée par ceux qui croient être en haut, pour qu’à leur tour les autres pensent être en bas. C’est comme l’histoire de Christophe Colomb qui « découvre » l’Amérique, ou encore la classification des « races » au XIXe Siècle qui plaçait l’homme blanc en haut de l’échelle et les autres en bas. Sur les cartes traditionnelles, deux tiers de la surface sont consacrés au « Nord », un tiers au « Sud ». Pourtant, dans l’espace, il n’existe ni Sud ni Nord. Mettre le Nord en haut est une norme arbitraire, on pourrait tout aussi bien choisir l’inverse. Rien n’est neutre en termes de représentation. Lorsque le Sud finira de se voir en bas, ce sera la fin des idées reçues. Tout n’est qu’une question d’habitude. »

      Cette longue citation accompagne ainsi la mise en scène par l’auteur de son auto-portrait pour souligner que c’est « L’Afrique qui fait que le Monde existe ».

      L’auteur représente alors le continent noir telle qu’il le voit, selon ses dires. Il use pour cela d’une projection cartographique lui permettant de placer l’hémisphère sud au nord, et, de l’étendre de sorte qu’il occupe les trois quarts de la toile. Il balaie ainsi l’image usuelle du Monde renvoyée par la projection euro-centrée traditionnellement adoptée et qui permet à certains de se sentir injustement au-dessus des autres : « […] il y a des gens qui se croient supérieurs et qui se placent en haut alors que les autres sont placés en bas […]».

      _____________

      Visiter l’exposition J’aime Cheri Samba  présentée en 2004 à Paris par la Fondation Cartier.
      En français sous titré en allemand.

      Françoise Bahoken

      Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.

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    • sur Une datavisualisation comme outil d’aide à la décision

      Publié: 14 February 2023, 4:15pm CET par Isabelle Coulomb
      outil d'aide à la décision sur le dépistage mammographique du cancer du sein (clic pour agrandir)

      Cet article a pour point de départ l’image ci-contre. Il s’agit d’une affiche au format A4, présentant un outil d’aide à la décision sur le dépistage mammographique du cancer du sein.

      Cette affiche s’adresse aux femmes de 50 à 74 ans et montre la balance bénéfices-risques du dépistage du cancer du sein. Je dois avouer que ma première lecture de cette visualisation m’a plutôt ébranlée.

      La plupart du temps, les représentations servent à illustrer des études, des rapports ou alimentent des tableaux de bord. En général, ce qu’elles montrent vient conforter ce que l’on savait d’une répartition ou confirmer une tendance. Il est plus rare qu’elles montrent quelque chose d’inattendu.

      C’est pourtant le cas avec ce visuel qui met en parallèle les situations « avec » et « sans » dépistage. Cette représentation, nommée « icon array » en anglais, est celle utilisée pour des données concernant des risques. Elle se base sur un nombre de femmes, ici 2 000, plus facile à appréhender qu’un pourcentage, et met en vis à vis les 2 hypothèses « avec » ou « sans » dépistage.

      Cette affiche reprend, sur un mode plus communiquant, un autre graphique publié par le Harding Center for Risk Literacy, à partir de données issues d’une revue Cochrane. L’organisation Cochrane est un organisme international indépendant dont la mission est de « favoriser la prise de décisions de santé éclairées par les données probantes, grâce à des revues systématiques pertinentes, accessibles et de bonne qualité et à d’autres synthèses de données de recherche. »

      Cela signifie que le nombre de décès par cancer du sein parmi des populations de 1 000 femmes de 50 ans et plus passe de 5 sans dépistage à 4 avec dépistage, soit 1 décès évité. Cela signifie également que sur les 1 000 femmes dépistées, 5 feront l’objet d’un surdiagnostic, c’est-à-dire atteintes d’une tumeur non évolutive.

      J’étais, comme certainement beaucoup de personnes, convaincue que la balance penchait largement en faveur du dépistage. Une tumeur décelée à un stade précoce semble plus facile à traiter, sans doute avec des traitements moins lourds. C’est l’intuition de base sur laquelle reposent toutes les campagnes organisées de dépistage du cancer, dans la plupart des pays occidentaux, depuis plus de 20 ans.

      Or, avec le recul et les études médicales effectuées ces dernières années, on s’aperçoit que les choses ne sont pas aussi simples. Si la mortalité par cancer du sein a tendance à baisser au fil du temps, difficile toutefois de faire la part entre l’amélioration de l’efficacité des traitements et les effets du dépistage. 

      Il apparaît cependant que les avantages du dépistage ne compensent pas les risques, dont le principal est celui du surdiagnostic. Les microlésions détectées à la mammographie et traitées en tant que tumeurs cancéreuses n’auraient peut-être pas évolué. Sauf que, une fois repérées, il est impossible de faire comme si elles n’existaient pas.

      Pour approfondir le sujet, je renvoie à la lecture d’informations publiées sur le site de l’association Cancer Rose, ou encore à celle du livre de la Dre Cécile Bour, intitulé « Mammo ou pas mammo ? », présenté de façon très pédagogique. Ce livre reprend en détail la construction de cette dataviz, présentée comme outil d’information des femmes face au choix de se faire dépister.

      Ne pas confondre dépistage et prévention

      Le but des campagnes de dépistage est d’inciter les femmes dont l’âge est compris entre 50 et 75 ans à effectuer une mammographie tous les 2 ans. Le message utilise aussi le levier de la peur, puisque le cancer est toujours une maladie potentiellement mortelle. Il joue également sur l’idée qu’en se faisant dépister, on y gagnerait une protection : « ma mammo est OK, c’est bon, je suis tranquille pour 2 ans ! ». Or, il s’agit d’une idée erronée. Une tumeur peut apparaître et se développer entre 2 mammographies ; on parle alors de « cancer de l’intervalle ».

      Une véritable prévention consisterait plutôt en mener des actions pour la lutte contre les addictions autorisées telles que le tabac et l’alcool, l’adoption d’une alimentation saine et équilibrée (et moins sucrée), l’habitude d’une activité physique régulière, les pratiques permettant de réduire l’excès de stress. Il y aurait sûrement beaucoup d’intéressantes dataviz à construire pour illustrer ces passionnants sujets.

      Comment un message juste peut être invisibilisé
      par une communication de masse

      Depuis les années 90, le mois d’octobre se pare de rose en faveur de la lutte contre le cancer du sein. D’une campagne de collecte de fonds pour la recherche, l’opération glisse vers la diffusion d’un message pour encourager le dépistage. Même parée d’intentions généreuses, cela s’apparente davantage à une opération de marketing.

      Face au rouleau compresseur d’une opération disposant d’une forte et ancienne notoriété, difficile de faire entendre une parole différente. Face à un message simple, voire simpliste, il est compliqué d’en présenter un nouveau, plus difficile à expliquer. Là réside une difficulté en communication : ce n’est pas parce qu’un message est juste qu’il sera entendu, même avec de belles dataviz pour l’illustrer avec pédagogie.

      Le curieux chemin qui a conduit cette dataviz sous mes yeux

      Comme le cancer du sein est un sujet qui me concerne personnellement, je me tiens régulièrement informée à son propos : livres, magazines, lettres d’information, sites internet… Pourtant, l’outil d’aide à la décision pour le dépistage du cancer du sein dont il est question ici m’est parvenu par un tout autre canal.

      C’est Éric que je remercie de me l’avoir apporté. Il l’a lui-même découvert au cours de sa quête sans fin de nouvelles et intéressantes dataviz. S’intéressant à la question de la mesure du risque, il a lu l’ouvrage Calculated Risks, de Gerd Gigerenzer, dans lequel l’exemple du dépistage du cancer du sein est cité. Comme quoi, la statistique mène à tout.

      L’article Une datavisualisation comme outil d’aide à la décision est apparu en premier sur Icem7.

    • sur Cycle de conférence en histoire de la cartographie, BnF-site Richelieu, 9 février-11 mai 2023

      Publié: 2 February 2023, 7:05pm CET par Catherine Hofmann

      Mappemondes, atlas, globes et cartes à toutes les échelles exercent sur nous un véritable pouvoir de fascination. D’où vient cette emprise ? Pourquoi dresse-t-on des cartes depuis la nuit des temps ? A quels besoins et usages répondent-elles ? Qui en sont les auteurs ?

      Voici quelques-unes des questions auxquelles le département des Cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France se propose de répondre grâce à un cycle d’initiation à l’histoire de la cartographie, ouvert à tout public, qui couvrira deux mille ans d’histoire dans une approche tout à la fois diachronique et thématique.

      Les quatre premières séances se dérouleront de février à mai 2023, les jeudis de 18h30 à 20h, et seront complétées par deux présentations de documents originaux ouvertes, sur inscription, aux participants du cycle.

      Réservation recommandée sur affluences.com (rubrique BnF-Evénements culturels)

      Programme

      Jeudi 9 février 2023 : La Cartographie de l’Antiquité au Moyen Age

      Par Emmanuelle Vagnon, chargée de recherche, CNRS-LAMOP

      Jeudi 9 mars 2023 : Cartographies du monde et projets cosmographiques à la Renaissance

      Par Georges Tolias, directeur d’études, FNRS (Athènes) – EPHE (Paris)

      Jeudi 13 avril 2023 : La cartographie marine : des portulans à Beautemps-Beaupré (XIIIe- XVIIIe siècle)

      Par Catherine Hofmann, conservatrice générale, BnF, département des Cartes et plans

      Jeudi 11 mai 2023 : Cartographie et art militaire (XVIIe- XIXe siècle)

      Par Isabelle Warmoes, conservatrice du patrimoine, musée des Plans-reliefs

    • sur Je viens de ou bien je vais à Yaoundé ?

      Publié: 2 January 2023, 12:32pm CET par Françoise Bahoken

      [UPDATE] 3 juin 2023.
      L’ouvrage Villes enchantées coordonné par Raphaël PIERONI et Jean-François STASZAK a reçu le Prix du livre de géographie (étudiants, lycéens) 2023 !!! Un grand bravo !
      Suis fière d’y avoir un peu participé avec la chanson dont il était question dans ce billet.

       

      Dans ce court billet, comme dans le texte auquel il fait référence, s’il n’y a point de cartographies, ni de cartes et ni même d’images, il est tout de même questions de migrations. Ces migrations diffèrent cependant de celles que j’ai maintenant l’habitude d’examiner, car elles sont locales et concernent le cœur de l’Afrique noire. Elles sont aussi décrites par le recours à une chanson.

      Pour rédiger le texte Je vais à Yaoundé commentant la chanson éponyme, je suis donc sortie de ma zone de confort, pour mon plus grand plaisir tant l’exercice fut amusant et rafraichissant.

      Nous vous invitons donc à contribuer à Villes enchantées. L’idée est simple : il s’agit de choisir une chanson qui évoque plus ou moins directement une ville, un lieu ou un espace urbain, et d’écrire un court texte qui en fait le commentaire, d’un point de vue géographique ou urbanistique, mais qui peut être très subjectif. Il peut s’agit d’un lieu réel ou fictif, spécifique ou générique.

      En répondant favorablement et à chaud à ce message tambouriné de Raphaël Pieroni et Jean-François Staszak (Univ. de Genève) sur la liste des géographes francophones, je me suis retrouvée face au petit défi personnel d’écrire un texte sur une ville (ah bon ? ben oui) à partir d’une chanson (ah?!). Je fus immédiatement saisie d’une sorte de stress lié à un excessif engouement pour cette idée, qui m’avait pourtant plue d’emblée. Mais n’y avais-je pas répondu favorablement trop rapidement ?

      Quelle ville allais-je donc choisir d’évoquer ? Et ensuite quelle chanson ? C’est pas comme si j’écoutais de la musique tous les jours…

      Vu l’un des chefs d’orchestre que je ne connaissais que de nom, j’ai immédiatement pensé qu’il fallait que je choisisse une ville africaine. Dakar fut la première qui me vint à l’esprit, évoquée par l’artiste Youssou N’dour, dans From Village to Town – un album que j’aime beaucoup -. Si ce texte pouvait convenir dans un contexte d’écriture professionnel, je ne trouvais pas l’idée satisfaisante pour deux raisons principales. La première est que les travaux sur l’Afrique subsaharienne/noire portent quasi exclusivement sur la belle et majestueuse Afrique de l’ouest : le Sénégal, le Mali, le Niger (mais moins le Nigéria), la Mauritanie et ainsi de suite. L’Afrique centrale m’apparaît (depuis quelques temps déjà) comme le parent pauvre de ces travaux sans que je sache vraiment pourquoi (enfin, je peux le deviner, mais je n’en suis pas spécialiste). La seconde raison est que je me suis étrangement sentie comme obligée d’écrire quelque chose sur Yaoundé, alors que j’avais initialement pensé à Dakar, et que, maintenant, je pensais aussi à Lagos. Ce choix de Yaoundé m’a questionné. pourquoi Celui-là ? C’est bizarre comme je m’assigne ici, moi-même, toute seule, une obligation de choisir cette ville, dont je savais qu’elle me renverrait immédiatement à une identité d’appartenance quasi exclusive à cette sous-région d’Afrique noire, alors que ce n’est pas le cas. Est-ce que les autres auteurs et autrices de cet ouvrage allaient choisir leur ville à chanter/enchantée en fonction d’un sentiment d’appartenance ?  Pourquoi je fais cela ? Tout de suite, à l’heure ou j’écris ces lignes, je ne me sens même pas, ou même plus de Yaoundé d’où je suis partie il y à plus de trente ans, après y avoir vécut quelques treize années de ma vie. Bref.

      Ayant par ailleurs la conviction qu’il n’allait pas y avoir beaucoup de textes sur des villes africaines, j’ai donc réfléchi à une chanson sur Yaoundé. Laquelle choisir ? Comme cette chanson devait être “populaire” et qu’il fallait que je puisse écrire dessus, mon esprit s’est rapidement arrêté sur Je vais à Yaoundé de André-Marie Talla. Mais était-elle assez populaire pour le public européen occidental auquel l’ouvrage m’apparaissait se destiner ? Pour moi, en tous cas, elle l’était et c’est gaiment que je soumettais peu après l’appel, ma proposition de ville enchantée.

      La réponse ne se fit pas attendre.

      Les coordinateurs de l’ouvrage ayant accueilli favorablement mon idée, je me lançais dans la soirée qui suivi à l’écriture de ce court texte d’environ 700 mots, portant sur les mobilités des espaces ruraux vers les centres espaces urbains, dans le Cameroun des années 1975/1980.

      Extraits

      Lire la suite dans… Villes enchantées. Chansons et imaginaires urbains, pages 108-109.

      ou le manuscrit auteur déposé dans HAL

      Référence : Françoise Bahoken (2022), Je vais à Yaoundé, André-Marie Tala (1975), in : Raphaël Pieroni et Jean-François Staszak (coord.), Villes enchantées. Chansons et imaginaires urbains, Georg Editor, Seine-Bourg (Suisse), pp. 108-109. 

      Françoise Bahoken

      Géographe et cartographe, Chargée de recherches à l'IFSTTAR et membre-associée de l'UMR 8504 Géographie-Cités.

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    • sur Parquet devrait remplacer le format CSV

      Publié: 29 December 2022, 12:19pm CET par Éric Mauvière

      Parquet est un format ouvert de stockage de jeux de données. Créé en 2013 par Cloudera et Twitter, longtemps réservé aux pros du big data, il a beaucoup gagné en popularité ces derniers mois. Bien plus compact, super-rapide à lire, compris par davantage d’outils, Parquet est devenu une alternative crédible à l’omniprésent CSV. 

      C’est un standard ouvert, comme le CSV, qui prend les données telles qu’elles sont collectées, en simples tables de lignes et de colonnes. Si CSV empile des lignes, Parquet raisonne d’abord en colonne : il les distingue, les catégorise selon leur type, documente leurs caractéristiques fines. Cela rend les données plus faciles à manipuler, plus rapides à parcourir. Et comme elles sont intelligemment compressées, elles prennent bien moins de place de stockage, jusqu’à 10 fois moins qu’un fichier texte délimité !

      parquet1

      Parquet sait aussi organiser l’information en groupes de milliers de lignes, voire en fichiers distincts, partitionnés, ce qui accélère les requêtes en les dirigeant plus vite vers les seules données pertinentes pour le traitement désiré. La richesse de son dictionnaire de métadonnées est d’une efficacité redoutable, au niveau de celles des index d’une base de données. 

      À rebours du paradigme classique de R ou Python, il n’est plus nécessaire de charger toute une table en mémoire pour l’analyser, les données sont lues uniquement là où elles sont utiles, sans aucune conversion ou recopie (c’est le principe de localité).

      Des avantages incontestables par rapport à CSV

      Résumons les deux points forts de Parquet par rapport au format CSV : 

      • un fichier Parquet a la taille d’un CSV compressé, il prend jusqu’à dix fois moins de place de stockage. 
      • Il est parcouru, décodé et traité bien plus rapidement par les moteurs de requêtes analytiques. 

      Dernier avantage : Parquet sait modéliser des types complexes, une colonne comprenant par exemple une structure hiérarchique, un contenu JSON ou le champ géométrique de nos couches SIG (cf. plus loin le projet GeoParquet).

      Encore faut-il savoir créer et lire le format Parquet

      Jusqu’à il y a peu, seuls des outils très spécialisés permettaient de générer ou lire le format Parquet. En quelques mois, la donne a radicalement changé. Le vaste projet Apache Arrow, porté à partir de 2016 par Wes McKinney (le créateur de la librairie Python/Pandas) et des dizaines de développeurs majeurs du monde de la datascience, est sans nul doute à l’origine de cette accélération. 

      La plupart des outils analytiques de la datascience, jusqu’à JavaScript dans le navigateur, lisent les formats Parquet et son jeune cousin Arrow en s’appuyant sur un noyau commun de routines C++ développées dans le cadre du projet Apache Arrow.

      Enfin, le formidable moteur portable DuckDB met à la portée de n’importe quel PC les performances d’un moteur de base de données traditionnel sur serveur. DuckDB est désormais, avec des données Parquet, plus rapide qu’une base PostgreSQL pour les requêtes d’analyse.

      R offre un environnement efficace pour travailler avec Parquet

      Votre tableur favori ne propose pas encore de fonction “Enregistrer sous .parquet”, mais cela ne saurait tarder. Pour aller au plus vite, ce classeur Observable en ligne vous permet de le faire : il vous invite à téléverser un CSV, le type des colonnes tel que deviné vous est présenté, vous pouvez télécharger la version .parquet de votre fichier et déjà admirer la belle réduction de taille.

      Pour visualiser le contenu d’un fichier Parquet, à l’opposé, Tad est un utilitaire libre multiplateforme efficace et véloce ; il autorise même les filtrages et les agrégations. À vous de jouer !

      Les convertisseurs en ligne CSV => Parquet sont toutefois limités : à l’évidence par la taille des CSV que vous pouvez téléverser (quelques dizaines de Mo), et parfois parce qu’ils “typent” incorrectement certaines colonnes : vos codes département ou commune se retrouveront amputés du 0 initial, ou pire, une erreur surviendra parce qu’une colonne de codes département sera intuitée numérique au vu des premières lignes, mais produira une erreur à l’apparition des 2A ou 2B des départements Corse.

      Pour l’heure, R offre un environnement très efficace pour créer des fichiers Parquet (Python aussi, sans doute). La librairie R arrow fait l’essentiel du travail, avec vélocité et robustesse.

      Le fichier des migrations résidentielles : un CSV de 2 Go qui devient facile à manipuler converti en Parquet

      Nous allons explorer les avantages du format Parquet à partir d’une table respectable de 20 millions de lignes et 33 colonnes. L’Insee met à disposition la base des migrations résidentielles, issue du recensement de la population, sous deux formats, CSV zippé et .dbf. Le format dbf (DBASE) me rappelle de vieux souvenirs, je ne sais pas qui l’utilise encore… J’espère convaincre mes amis de l’Insee de remplacer un jour ces .dbf par des .parquet !

      Chaque résident se trouve comptabilisé dans ce tableau qui résulte d’une ventilation selon une trentaine de caractéristiques de la personne ou de son ménage : commune de résidence et résidence un an avant, CSP, tranche d’âge, type de logement, etc. 

      Une ligne correspond à un croisement de caractéristiques, elle peut regrouper plusieurs personnes. La colonne IPONDI en donne le nombre : comme il s’agit d’une estimation, IPONDI est en pratique une valeur décimale. C’est la seule colonne numérique, toutes les autres sont des catégories qualitatives d’une nomenclature : code commune, code CSP, etc.

      Voici un aperçu de ce CSV, on reconnait le délimiteur français (;), et des valeurs qui peuvent commencer par un 0. Ce CSV n’est pas si simple à afficher, car peu de programmes peuvent ouvrir un fichier texte de 2 Go. J’utilise EmEditor dont la version gratuite fait cela en un clin d’œil.

      J’ai rencontré plusieurs personnes s’étant bien pris la tête avec un tel fichier. Dans R ou Python, il faut le charger en entier en mémoire, dont l’occupation peut atteindre en pointe les 10 Go : c’est difficilement supportable, et inenvisageable quand l’environnement de travail R est sur serveur et multi-utilisateurs. On s’en sort habituellement en chargeant les données dans une base comme PostgreSQL, ce qui demande pas mal d’écriture, de temps de chargement et oblige à dupliquer les données.

      Dans R, les quelques lignes suivantes assurent la conversion vers Parquet, une fois pour toutes, en moins d’une minute.

      library(tidyverse) 
      library(arrow) 
      library(data.table)
      
      write_parquet(
        fread("data/FD_MIGCOM_2019.csv") |>  
                  mutate(across(-IPONDI, as.factor)), 
              "data/FD_MIGCOM_2019.parquet"
      )
      # data.table::fread est très efficace pour charger des gros CSV (50 s ici)
      # IPONDI est la seule col. numérique, les autres seront typées factors plutôt que string
      # write_parquet génére l'équivalent Parquet du CSV en entrée
      

      La version Parquet ne fait plus que 200 Mo, dix fois moins que le CSV de départ. Et elle est directement utilisable avec peu de mémoire, y compris en contexte multi-utilisateurs, aussi facilement qu’une table dans une base de données. En raison de sa nature de standard ouvert, elle a l’avantage supplémentaire de pouvoir être lue par un grand nombre d’outils analytiques.

      Les colonnes caractères de nomenclature doivent être typées avec soin

      Attardons-nous sur le typage des colonnes qualitatives, car c’est un important facteur d’optimisation des fichiers Parquet. Une colonne de type caractère comprenant les codes souvent répétés d’une nomenclature peut être décrite de façon optimisée à partir du dictionnaire de ses valeurs distinctes, et d’un simple n° d’indice, un entier. 

      Ces colonnes qualitatives “dictionary-encoded” sont bien plus rapides à lire que les colonnes caractères classiques. Pour l’heure, la plupart des outils automatiques de conversion vers Parquet négligent cette structure optimisée. Dans R, dès lors que les “strings” sont convertis en “factors”, qui reposent sur la même idée de dictionnaire, on pourra générer un Parquet bien optimisé. En pratique, les requêtes deviennent deux fois plus rapides encore, cela vaut donc le coup d’y penser !

      Clic droit sur FD_MIGCOM_2019.parquet dans mon explorateur de fichiers et Tad m’affiche en deux secondes le contenu de cette table Parquet. Chaque colonne apparait bien typée, et mes codes géographiques n’ont pas été altérés :

      Avec Tad, je peux trier, filtrer sur plusieurs colonnes, et même agréger ! Comprenons comment optimiser une requête en évitant les chargements ou recopies inutiles

      Revenons dans R avec une première requête simple, compter les habitants de Toulouse qui ont changé de logement en un an :

      read_parquet("data/FD_MIGCOM_2019.parquet") |>
      filter(COMMUNE == '31555' & IRAN != '1') |>
      summarise(i = sum(IPONDI))
      # 93151
      # 7 s
      

      Sept secondes peut sembler un bon résultat pour compter ces 93 151 personnes, mais on peut réduire le temps de calcul à une seconde avec cette variante :

      read_parquet("data/FD_MIGCOM_2019.parquet", col_select = c(COMMUNE, IRAN, IPONDI)) |>
      filter(COMMUNE == '31555' & IRAN != '1') |>
      summarise(i = sum(IPONDI))
      # 93151
      # 1 s
      

      Ce qui est encore excessif, car la librairie duckdb peut nous faire descendre à 150 ms :

      library(duckdb)
      con <- dbConnect(duckdb::duckdb())
      
      dbGetQuery(con, "SELECT sum(IPONDI) FROM 'data/FD_MIGCOM_2019.parquet'
                       WHERE COMMUNE = '31555' AND IRAN <> '1'")
      # 93151
      # 150 ms
      

      Comment comprendre que l’on arrive à ces performances assez hallucinantes, et l’impact de ces variantes d’écriture sur la charge d’exécution ?

      Soyez vigilants avec les pipelines d'instructions chaînées

      Dans R et dplyr, le chainage des opérations avec le pipe |> (ou %>%) conduit à séparer les traitements. Ainsi, dans l’écriture suivante; read_parquet() charge en mémoire toute la table avant de la filtrer drastiquement.

      read_parquet("data/FD_MIGCOM_2019.parquet") |>
      filter(COMMUNE == '31555' & IRAN != '1') |>
      summarise(i = sum(IPONDI))
      # 93151
      # 7 s
      

      Parquet, on l’a vu, encode séparément chaque colonne, si bien qu’il est très rapide de cibler les seules colonnes utiles pour la suite d’un traitement. La restriction suivante apportée au read_parquet() par un col_select diminue considérablement la charge mémoire, expliquant la réduction du temps d’exécution d’un facteur 7 :

      read_parquet("data/FD_MIGCOM_2019.parquet", col_select = c(COMMUNE, IRAN, IPONDI)) |>
      filter(COMMUNE == '31555' & IRAN != '1') |>
      summarise(i = sum(IPONDI))
      # 93151
      # 1 s
      

      Pour autant, on n’évite pas la recopie d’une partie du contenu de FD_MIGCOM_2019.parquet (trois colonnes) vers la mémoire de travail de R. 

      La variante DuckDB est bien plus optimisée : le fichier FD_MIGCOM_2019.parquet est lu et traité en place sans (presque) aucune recopie des données en mémoire :

      library(duckdb)
      con <- dbConnect(duckdb::duckdb())
      
      dbGetQuery(con, "SELECT sum(IPONDI) FROM 'data/FD_MIGCOM_2019.parquet'
                       WHERE COMMUNE = '31555' AND IRAN <> '1'")
      # 93151
      # 150 ms
      

      Cette notion de “zéro-copie” est fondamentale : elle est au cœur du projet Arrow et avant lui de la conception du format Parquet.

      Les requêtes compilées sont plus efficaces

      Une requête considérée globalement est plus facilement optimisable par un moteur intelligent, qui va chercher le meilleur plan d’exécution. C’est comme cela que les moteurs de bases de données relationnelles fonctionnent, prenant en considération par exemple les clés et les index ajoutés aux tables.

      Le chainage proposé par dplyr (ou Pandas dans Python) est toutefois plus agréable à écrire ou à relire qu’une requête SQL. Comment réunir le meilleur des deux mondes ?

      C’est possible dans R avec open_dataset() qui plutôt que lire directement le contenu du fichier, se contente d’ouvrir une connexion, prélude à l’écriture d’une chaine d’instructions qui ne sera compilée et exécutée que par l’ordre final collect() :

      open_dataset("data/FD_MIGCOM_2019.parquet") |>
      filter(COMMUNE == '31555' & IRAN != '1') |>
      summarise(i = sum(IPONDI)) |>
      collect()
      # 93151
      # 1 s
      

      Cette écriture conduit le moteur (ici arrow et non plus dplyr) à comprendre qu’il n’a pas besoin de lire toutes les colonnes de la table Parquet. Elle n’est pas tout à fait aussi rapide que le SQL direct dans DuckDB, mais elle s’en approche.

      Partitionnez pour simplifier le stockage et les mises à jour

      open_dataset() a un autre mérite, celui de permettre d’ouvrir une connexion vers un ensemble partitionné de fichiers physiques décrivant la même table de données.

      La base des migrations fait ici 200 Mo, c’est relativement faible. On considère qu’un fichier Parquet peut raisonnablement aller jusqu’à 2 Go. Au-delà, il y a tout intérêt à construire un dataset partitionné.

      La base des courses des taxis de New-York représente 40 Go de données couvrant plusieurs années, et elle se décompose en une partition de dizaines de fichiers Parquet, découpés par année et par mois. Ce découpage est logique, il permet par exemple de ne mettre à jour que les nouveaux mois de données fraichement disponibles. La clé de partitionnement correspond également à une clé de filtrage assez naturelle.

      R et Arrow arrivent à requêter l’ensemble de ce dataset en moins d’une seconde (DuckDB fait cinq à dix fois mieux).

      Voici comment constituer un dataset Parquet partitionné à partir de la base plus modeste des migrations résidentielles, avec ici un seul champ de partitionnement :

      write_dataset(fread("data/FD_MIGCOM_2019.csv") |> mutate(across(-IPONDI, as.character)), 
                    path = "data/migres", 
                    partitioning = c('IRAN'))
      

      Cela crée une petite arborescence de fichiers Parquet :

      Nous pouvons désormais comparer les performances de la même requête, sur l’ensemble partitionné en dix fichiers, ou sur le fichier Parquet unique. 

      La partition accélère naturellement nettement l’exécution (200 ms contre 1 s) car le filtrage suivant sur IRAN correspond à la clé de partitionnement, il n’est donc pas besoin d’ouvrir le second fichier de la partition :

      open_dataset("data/migres", partitioning = c('IRAN')) |>
      filter(COMMUNE == '31555' & IRAN != 1) |>
      summarise(i = sum(IPONDI)) |>
      collect()
      # 93151
      # 200 ms
      
      open_dataset("data/FD_MIGCOM_2019.parquet") |>
      filter(COMMUNE == '31555' & IRAN != '1') |>
      summarise(i = sum(IPONDI)) |>
      collect()
      # 93151
      # 1 s
      
      Parquet et DuckDB surpassent les bases de données relationnelles classiques

      Je me suis intéressé à cette base de migrations pour conseiller un client peinant à la traiter dans R. Travaillant dans une agence d’urbanisme, il voulait simplement extraire les données pertinentes pour sa métropole. Dans le cas de Toulouse, cela reviendrait à extraire de la base les personnes résidant dans l’EPCI de Toulouse-métropole, ou y ayant résidé l’année précédente.

      Je m’appuie pour ce faire sur une table annexe listant les communes de Toulouse Métropole. Il s’agit ensuite d’opérer une double jointure avec la base des migrations, utilisant successivement COMMUNE (code de la commune de résidence) et DCRAN (code de la commune de résidence antérieure).

      Grâce à DuckDB, cela s’exécute en 2 secondes, je n’ai même pas eu à me préoccuper d’indexer la table principale. Dans PostgreSQL 15, même après avoir indexé COMMUNE et DCRAN, la requête prend plus de 20 secondes. Ite missa est. DuckDB et Parquet écrasent tout !

      library(duckdb)
      con = dbConnect(duckdb::duckdb())
      
      dbSendQuery(con, "CREATE TABLE COM_EPCI_TOULOUSE 
                        AS SELECT * FROM read_csv('data/communes_epci_tls.csv', 
                                                   AUTO_DETECT = TRUE, ALL_VARCHAR = TRUE)")
      
      dbGetQuery(con, "SELECT M.* FROM 'data/FD_MIGCOM_2019.parquet' as M 
                       LEFT JOIN COM_EPCI_TOULOUSE as C1 ON M.COMMUNE = C1.CODGEO
                       LEFT JOIN COM_EPCI_TOULOUSE as C2 ON M.DCRAN = C2.CODGEO
                       WHERE C1.CODGEO IS NOT NULL OR C2.CODGEO IS NOT NULL 
                      ") |> summarise(i = sum(IPONDI)) 
      # 282961
      # 2,5 s
      
      Parquet et Arrow sont deux technologies complémentaires

      Cloudera est l’une des entreprises conceptrices originelles de Parquet, en 2013, avec Twitter et Google. Quand Wes McKinney la rejoint en 2014, lui qui a créé la célèbre librairie Pandas pour Python (équivalent de R/Tidyverse), il comprend vite qu’il y a là un format d’avenir : un modèle de “dataframe” universel, qui peut encore s’optimiser. 

      Wes rêve d’un format de données qui soit quasi-identique dans sa représentation physique (stockée ou streamée via les réseaux) à sa représentation en mémoire, qui éviterait toutes ces coûteuses opérations de conversion des différents formats textes ou “propriétaires” vers les bits que manipulent les processeurs. Le pire exemple est naturellement celui du CSV, où les nombres sont d’abord stockés comme des chaines de caractères, qu’il faut décoder (“désérialiser”). Avec ce format idéal auquel le projet Apache Arrow donne forme à partir de 2016, les processeurs pourront déplacer des pointeurs vers des sections de bits de données, sans jamais les recopier.

      Si Parquet, format binaire “streamable” (découpable en petits morceaux autonomes) orienté colonnes, s’approche de cet idéal, il impose tout de même une forme de décodage avant d’être porté en mémoire, par exemple parce qu’il compresse les données. A contrario, un fichier physique constitué à partir d’un format Arrow prend beaucoup plus de place car il n’est pas compressé.

      Parquet a le mérite d’exister et d’être déjà beaucoup utilisé, il est optimisé pour l’archivage et le partitionnement, Arrow pour les traitements, les accès concurrents et les systèmes très distribués. 

      Wes McKinney a su motiver de très bons programmeurs au sein du projet Apache Arrow pour bâtir à la fois une spécification de format et des librairies partagées, dont une interface très performante entre Parquet et Arrow. Nous voyons – nous humains – des fichiers Parquets, les moteurs analytiques et les réseaux travaillent à partir de leur conversion en structures Arrow.

      Dans le même ordre d’idée, plutôt que chacun dans son coin implémente un module de lecture de fichiers CSV, l’effort est désormais centralisé au sein du projet Arrow. R, Python, Rust, Julia, Java et bien d’autres réutilisent les librairies C++ du projet Arrow. Il en existe même un portage pour JavaScript en Web-Assembly : nos navigateurs savent désormais lire des fichiers Arrow ou Parquet (cf. les librairies Arrow.js, Arquero ou duckdb-wasm).

      Ainsi, à rebours de la logique intégrée des systèmes de bases de données, il est aujourd’hui possible de rendre indépendants – sans sacrifier la performance – les sources de données et les moteurs analytiques, les uns et les autres pouvant se déployer dans n’importe quel environnement, portable ou distribué.

      GéoParquet pourrait renouveler le stockage des données géographiques tabulaires

      Le cahier des charges de Parquet prévoyait la possibilité de décrire des colonnes stockant des structures complexes, imbriquées, organisées en listes. Parquet est donc tout à fait capable de modéliser des données spatiales, qui complètent typiquement une table de données classique par un champ géométrique. 

      À la clé, tous les avantages déjà évoqués : stockage réduit, données volumineuses possiblement partitionables, traitements accélérés, nouveau standard plus facilement acceptable par l’industrie, réduisant l’écart entre l’exotisme des formats SIG et les formats de données statistiques plus traditionnels.

      Géoparquet permettra de gérer plusieurs systèmes de référence géographique dans le même dataset, voire plusieurs colonnes de géométrie.

      Le projet GeoParquet est déjà bien avancé et le format est d’ores et déjà utilisable. Vous pouvez générer des fichiers GeoParquet avec R ou Python, et les ouvrir, grâce à l’intégration GeoParquet dans GDAL, dans la dernière version de QGIS (3.28).

      Voici un exemple à partir d’un fichier historique des cultures en Ariège, obtenu au format geopackage. La conversion en GeoParquet aboutit à un fichier deux fois plus petit, de contenu identique. L’équivalent au format Esri shape produirait un ensemble de fichiers de plus de 500 Mo, de taille quasiment 10 fois supérieure. 

      Les trois versions s’ouvrent dans R ou dans QGIS avec la même rapidité.

      library(sf)
      library(sfarrow)
      
      # [https:] # le gpkg pèse 110 Mo
      # l'équivalent esri shape 540 Mo
      
      gpkg_file = "data/filiation_20_07.gpkg"
      
      # liste des couches de ce geopackage : 1 seule couche
      st_layers(gpkg_file)
      
      read_sf(gpkg_file) |> st_write_parquet("data/filiation_20_07_d09.parquet")
      # le geoParquet généré pèse 60 Mo
      
      Un fond de carte GeoParquet ouvert dans QGIS Pour résumer

      Parquet est un standard ouvert particulièrement bien adapté pour stocker des données volumineuses, et traiter des fichiers avec beaucoup de colonnes, ou comprenant des nomenclatures.

      Sa structure astucieusement croisée et documentée en colonnes et en groupes de lignes exploite à merveille les capacités des processeurs modernes : parallélisation, vectorisation, mise en cache. Elle est aussi compatible avec une organisation partitionnée ou une distribution “streamée” des données. 

      Comme Arrow, Parquet épouse le principe de localité : rapprocher les process des données, les lire là où elles se trouvent, plutôt que recopier les données dans des espaces de traitement spécialisés. C’est l’objectif du “zéro-copie” : il permet de travailler avec des données plus volumineuses que la mémoire disponible et de dépasser ce goulet d’étranglement classique, bien connu des praticiens de R ou Python.

      GéoParquet est en passe de résoudre le casse-tête de l’hétérogénéité des formats SIG, de leur apporter de nouveaux gains de performance et de substantielles économies de stockage.

      Un des formats majeurs de la boite à outils Arrow, Parquet est la face émergée d’un nouvel écosystème décloisonnant les données et les process qui les traitent, complémentaire des bases de données relationnelles traditionnelles. 

      Si la plupart des outils d’analyse de données lisent désormais les fichiers Parquet, le nouveau moteur portable DuckDB est tout spécialement optimisé pour en tirer le meilleur parti. Il démontre des performances extraordinaires, qui ne cessent de croitre, tirées par la créativité et l’enthousiasme d’une belle communauté de développeurs open-source.

      Pour aller plus loin

      Présentation du format

      Différences Arrow / Parquet

      Pour jouer avec Parquet

      Le projet Arrow

      L’article Parquet devrait remplacer le format CSV est apparu en premier sur Icem7.

    • sur Geomatys labellisé CNES PME

      Publié: 20 December 2022, 2:58pm CET par user
      Geomatys certified by the CNES SME Label

      Depuis juin 2022, Geomatys est titulaire du label CNES PME pour une durée de trois ans, en récompense de son expertise en “standardisation de système d’information géospatiaux interopérables”. Attribué depuis 2020, et comme son nom l’indique, ce label est attribué aux PME innovantes et crédibles agissant dans le domaine du spatial.

      The post Geomatys labellisé CNES PME first appeared on Geomatys.